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Document 62019TO0481(03)

Auto del Tribunal General (Sala Décima ampliada) de 17 de enero de 2025.
Portigon AG contra Junta Única de Resolución.
Asunto T-481/19.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:65

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

17 janvier 2025 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2019 – Exception d’illégalité – Base juridique du règlement (UE) no 806/2014 – Article 114 TFUE – Égalité de traitement – Marge d’appréciation de la Commission – Marge d’appréciation du CRU – Obligation de motivation – Non-rétroactivité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑481/19,

Portigon AG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes D. Bliesener, V. Jungkind et C. van Kampen, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par M.D. Ceran, en qualité d’agent, assisté de Mes B. Meyring, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par MM. L. Visaggio, U. Rösslein et Mme G. Bartram, en qualité d’agents,

par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Chavrier, J. Bauerschmidt et Mme A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

et par

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg, G. Hesse, D. Petrlík (rapporteur) et Mme L. Spangsberg Grønfeldt, juges,

greffier : M. T. Henze, greffier adjoint,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la mesure d’organisation de la procédure du 13 juin 2024 et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal les 24, 25, 26 et 27 juin 2024,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Portigon AG, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2022/47 du Conseil de résolution unique (CRU), du 8 août 2022, retirant la décision SRB/ES/SRF/2019/10 du CRU, du 16 avril 2019, relative aux contributions ex ante pour 2019 au Fonds de résolution unique, dans la mesure où elle concerne les établissements mentionnés à son annexe I et calculant les contributions ex ante pour 2019 de ces établissements au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.

I.      Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du présent recours

2        La requérante est un établissement de crédit établi en Allemagne qui se trouve dans un processus de démantèlement. Elle continue à posséder certains agréments pour effectuer des opérations bancaires et fournir des services financiers, tels que des opérations de dépôt et de crédit et des services de paiement. Cependant, elle ne détient ces agréments qu’aux fins d’achever son démantèlement de manière ordonnée.

3        Parmi les opérations effectuées à cette fin sont, notamment, pertinentes pour la présente affaire celles qui impliquent Erste Abwicklungsanstalt (ci-après l’« EAA »).

4        L’EAA a été instituée en vertu du Finanzmarktstabilisierungsfondsgesetz (loi portant création d’un fonds de stabilisation des marchés financiers), du 17 octobre 2008 (BGBl. 2008 I, p. 1982), aux fins du démantèlement et de la protection d’une partie des opérations bancaires de la requérante.

5        La requérante a transféré une grande partie de ses actifs et de ses passifs à l’EAA aux fins de son démantèlement. Une partie de ces actifs et de ces passifs a fait l’objet d’une transmission réelle à l’EAA par voie de scission. Cette partie des actifs et des passifs n’est plus inscrite au bilan de la requérante.

6        Une autre partie des actifs et des passifs de la requérante n’a pas fait l’objet de cette scission, mais uniquement d’un transfert dit « économique » ou d’une garantie de la part de l’EAA. À cette fin, la requérante a conclu avec l’EAA des conventions qui visent à transférer les risques à cette dernière, alors qu’elle a conservé la propriété réelle de cette partie de ses actifs et de ses passifs.

7        Les actifs et passifs de la requérante n’ayant fait l’objet que d’un transfert économique à l’EAA incluent, notamment, les éléments du portefeuille d’instruments dérivés de gré à gré (ci-après le « portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC »). Celui-ci est composé, en substance, d’une part, de droits et d’obligations de la requérante nés de, ou liés à, certains instruments dérivés et, d’autre part, de sûretés garantissant les créances nées de ces instruments dérivés.

8        La requérante a la responsabilité légale et réglementaire de la gestion des actifs du portefeuille de l’EAA n’ayant pas fait l’objet d’une transmission réelle à cette dernière par voie de scission. Comme l’EAA ne peut pas exploiter elle-même ces actifs, la requérante les gère en tant que mandataire fiduciaire en vertu de contrats conclus avec l’EAA. La requérante intervient à ce titre en son propre nom, mais selon les instructions et pour le compte de l’EAA.

9        Jusqu’à leur réalisation ou à leur transfert à l’EAA, les éléments du portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC figurent au bilan de la requérante à titre d’actifs ou de passifs fiduciaires.

10      Par sa décision SRB/ES/SRF/2019/10, du 16 avril 2019, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante »), pour l’année 2019 (ci-après la « période de contribution 2019 »), des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.

11      Par avis de perception du 23 avril 2019, la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin, Autorité fédérale de stabilisation des marchés financiers, Allemagne), en sa qualité d’autorité de résolution nationale (ci-après l’« ARN »), au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter sa contribution ex ante pour la période de contribution 2019, telle qu’elle avait été fixée par le CRU.

12      Le 8 août 2022, le CRU a adopté la décision attaquée, par laquelle il a retiré et remplacé la décision visée au point 10 ci-dessus (ci-après la « décision initiale »). Selon les considérants 15 à 18 de la décision attaquée, celle-ci visait à remédier au défaut de motivation de la décision initiale que le CRU avait constaté à la suite de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), et des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162).

13      La requérante, d’une part, et le CRU et la BaFin, d’autre part, sont en désaccord quant aux éléments qui doivent être retenus aux fins du calcul de la contribution ex ante de la requérante. En particulier, la requérante estime qu’il n’y a pas lieu de tenir compte à cet égard des passifs faisant partie du portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC et qu’elle n’appartient pas à un groupe qui a été mis en restructuration après avoir reçu une aide de l’État ou un financement équivalent au sens de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44). Le CRU et la BaFin estiment, en revanche, que la contribution ex ante de la requérante doit être calculée sur la base du total de son bilan et que la requérante est un établissement en restructuration.

II.    Décision attaquée

14      La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de quatre annexes.

15      Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2019, qui est applicable à tous les établissements.

16      Plus particulièrement, dans la section 6 de ladite décision, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2019 (ci-après le « niveau cible annuel »).

17      Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,15 % du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2018, tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

18      Dans la section 7 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2019. À cet égard, il a précisé, au considérant 86 de ladite décision, que, pour cette période, 26,67 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par des établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »), conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190) et à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 73,33 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l’union » et les « États membres participants »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.

19      Dans cette même section 7 de la décision attaquée, le CRU a également expliqué qu’il existait, en substance, deux catégories d’établissements assujettis aux contributions ex ante. La première catégorie comprend les établissements qui doivent verser une contribution forfaitaire eu égard à leurs caractéristiques particulières, telles que leur taille ou la nature de leurs activités. Le calcul de la contribution ex ante de ces établissements est régi par les articles 10 et 11 du règlement délégué 2015/63.

20      Les établissements relevant de la seconde catégorie doivent verser une contribution ex ante ajustée à leur profil de risque, que le CRU a fixée en suivant les phases principales suivantes.

21      Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la « contribution annuelle de base » de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts (ci-après le « passif net »), rapporté au passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif net de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

22      Dans la seconde phase du calcul de la contribution ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés des indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2019 – des bins  (« paniers ») dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

23      Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

24      Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.

25      L’annexe I de la décision attaquée contient une fiche individuelle pour chaque établissement soumis au versement des contributions ex ante, y compris la requérante, qui comporte les résultats du calcul de la contribution ex ante de chacun de ces établissements (ci-après la « fiche individuelle »). Chacune de ces fiches expose le montant de la contribution annuelle de base de l’établissement concerné ainsi que la valeur de son multiplicateur d’ajustement, tant sur la base de l’union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel ledit établissement a été affecté. En outre, la fiche individuelle expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements concernés et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par l’établissement concerné dans le formulaire de déclaration et utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante.

26      L’annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant au MRU, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d’établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.

27      L’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des commentaires soumis par les établissements dans le cadre de la consultation sur les contributions ex ante au Fonds de résolution unique pour 2019 », examine les observations présentées par les établissements lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre le 22 juin 2022 et le 5 juillet 2022 en vue de l’adoption de la décision attaquée.

28      L’annexe IV de la décision attaquée, intitulée « Avis individuel du [CRU] concernant l’évaluation des commentaires soumis par Portigon AG lors de la consultation portant sur les contributions ex ante au Fonds de résolution unique pour 2019, contenant des informations confidentielles », examine le surplus des observations présentées par la requérante lors de cette consultation qui contient des éléments confidentiels.

III. Conclusions des parties

29      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle la concerne ;

–        condamner le CRU aux dépens.

30      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, au cas où le Tribunal considérerait que la décision attaquée n’aurait pas dû être adoptée avec effet rétroactif, annuler cette décision uniquement dans cette mesure ou annuler uniquement l’article 4 de son dispositif et la maintenir pour le reste ;

–        à titre encore plus subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de cette dernière jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.

31      Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur une exception d’illégalité du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59.

32      Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

33      La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

34      Dans la requête introductive d’instance, la requérante a invoqué huit moyens.

35      Dans la réplique, la requérante a invoqué deux moyens additionnels.

36      Dans le mémoire en adaptation, déposé au greffe du Tribunal le 24 octobre 2022 au titre de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, la requérante indique que, en réaction au remplacement de la décision initiale par la décision attaquée, elle abandonne ses septième et huitième moyens, qui étaient tirés, respectivement, d’une violation du droit d’être entendu et de l’obligation de motivation.

37      En outre, dans une lettre du 28 février 2023 concernant sa représentation ainsi que dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 13 juin 2024, la requérante indique qu’elle renonce aux neuvième et dixième moyens soulevés dans sa réplique, qui étaient tirés, respectivement, de l’absence d’authentification de la décision initiale et d’autres vices de procédure entachant cette décision.

38      Enfin, dans son mémoire en adaptation, la requérante invoque un onzième et un douzième moyens, tirés, respectivement, d’une motivation insuffisante de la décision attaquée et d’une violation du principe de sécurité juridique.

39      Ainsi, la requérante fonde désormais son recours sur les huit moyens suivants, tirés :

–        le premier, d’une part, d’une exception d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63, au motif qu’ils violent les articles 114 et 290 TFUE ainsi que l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et, d’autre part, d’une violation, par la décision attaquée, des dispositions de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous d), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 ;

–        le deuxième, d’une exception d’illégalité du règlement délégué 2015/63, au motif qu’il viole l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ;

–        le troisième, d’une violation des articles 16 et 20 de la Charte ;

–        le quatrième, d’une exception d’illégalité du règlement délégué 2015/63 et d’une violation, par la décision attaquée, de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ;

–        le cinquième, d’une violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 ;

–        le sixième, d’une violation des dispositions combinées de l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 et de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 ;

–        le onzième, d’une motivation insuffisante de la décision attaquée, pour les motifs invoqués dans le mémoire en adaptation ;

–        le douzième, d’une violation du principe de sécurité juridique.

40      Il y a lieu de constater que les moyens sur lesquels se fonde la requérante soulèvent des questions qui sont, en substance, identiques à celles que le Tribunal a déjà rejetées dans l’arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332), ainsi que dans les arrêts du 20 décembre 2023, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑389/21, EU:T:2023:827), du 24 janvier 2024, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑347/21, EU:T:2024:31), et du 21 février 2024, NRW. Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, il convient de faire application de l’article 126 du règlement de procédure, selon lequel, lorsqu’un recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

41      Il convient d’examiner d’abord les moyens par lesquels la requérante excipe de l’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 ainsi que du règlement délégué 2015/63, puis les moyens portant directement sur la légalité de la décision attaquée.

A.      Sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63

1.      Sur le premier moyen, en ce qu’il est fondé sur des exceptions d’illégalité

42      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soulève, premièrement, des exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59, deuxièmement, des griefs visant la légalité de la décision attaquée et, troisièmement, trois exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement délégué 2015/63.

43      Il convient tout d’abord d’examiner les exceptions d’illégalité, les griefs portant sur la légalité de la décision attaquée étant appréciés aux points 240 à 255 ci-après.

a)      Sur le premier moyen, en ce qu’il est tiré d’exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59

44      La requérante soulève des exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59 au motif que le législateur de l’Union a erronément choisi l’article 114, paragraphe 1, TFUE en tant que base juridique pour leur adoption.

45      D’une part, lesdits actes ne présenteraient aucun lien avec le marché intérieur, puisque, si les contributions ex ante étaient prévues au niveau des États membres, elles ne constitueraient pas une entrave à la libre circulation des services et n’entraîneraient pas non plus de distorsions de concurrence sensibles.

46      D’autre part, le législateur de l’Union ne serait pas habilité à fonder le système des contributions ex ante sur l’article 114, paragraphe 1, TFUE, puisque ces contributions relèveraient des « dispositions fiscales » au sens de l’article 114, paragraphe 2, TFUE. En particulier, les versions en anglais et en français de l’article 114, paragraphe 2, TFUE révéleraient que le champ d’application de cette disposition irait au-delà de la notion d’« impôt ».

47      Le CRU, le Parlement, le Conseil et la Commission contestent cette argumentation.

48      Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 40 à 79 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

49      À titre liminaire, il convient de rappeler que le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de l’acte [voir avis 1/15 (Accord PNR UE-Canada), du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, point 76 et jurisprudence citée ; arrêt du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan), C‑244/17, EU:C:2018:662, point 36].

50      Les actes législatifs adoptés sur le fondement de l’article 114, paragraphe 1, TFUE doivent, d’une part, comporter des mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres et, d’autre part, avoir pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur (arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 100).

51      En premier lieu, il importe de rappeler que l’article 114 TFUE ne saurait être utilisé en tant que base juridique que lorsqu’il ressort objectivement et effectivement de l’acte juridique que ce dernier a pour objectif d’améliorer les conditions de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur (voir arrêt du 22 janvier 2014, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 113 et jurisprudence citée).

52      En l’espèce, il découle, notamment, des considérants 1 et 3 du règlement no 806/2014 ainsi que du considérant 1 de la directive 2014/59 que ces actes ont été adoptés dans un contexte de crise économique et financière, lequel a révélé, s’agissant de l’Union, un manque d’instruments permettant de faire face efficacement au risque présenté par les établissements ayant des difficultés financières, ce qui contraignait les États membres à utiliser les moyens financiers publics pour soutenir de tels établissements.

53      Il découle également du considérant 1 du règlement no 806/2014 et du considérant 3 de la directive 2014/59 que cette crise a mis en évidence les menaces pesant sur le fonctionnement du marché intérieur des services bancaires et le risque croissant de fragmentation financière. Cela constituait une véritable source de préoccupation au sein du marché intérieur dans lequel les banques auraient dû être en mesure d’exercer des activités transfrontalières importantes, alors qu’un repli de ces activités était constaté, lié à une crainte de contagion.

54      Par ailleurs, le législateur de l’Union a souligné, aux considérants 2 à 4 et 12 du règlement no 806/2014 et aux considérants 4 et 5 de la directive 2014/59, que les divergences entre les réglementations nationales en matière de résolution et entre les pratiques administratives correspondantes ainsi que l’absence de processus décisionnel unifié pour la résolution dans l’union bancaire alimentaient une défiance des systèmes bancaires nationaux envers ceux des autres États membres, y compris les États membres ne participant pas au MRU, et contribuaient à l’instabilité du marché en ne garantissant aucune prévisibilité quant à l’issue d’une défaillance d’une banque. Ces divergences pouvaient également entraîner des coûts d’emprunts plus élevés pour certaines banques et leurs clients en raison uniquement du lieu d’établissement de ces banques, indépendamment de leur solvabilité réelle.

55      De plus, le législateur de l’Union a mis en exergue, aux considérants 9 et 19 du règlement no 806/2014, le fait que tant que les réglementations et les pratiques en matière de résolution ainsi que les modalités de partage des charges ne dépasseraient pas le niveau national et que les ressources financières nécessaires au financement des procédures de résolution seraient collectées et dépensées au niveau national, le lien entre les États membres et le secteur bancaire ne serait pas totalement brisé et le marché intérieur resterait fragmenté. Cette situation restreindrait les activités transfrontalières des banques, créerait des obstacles à l’exercice des libertés fondamentales et fausserait la concurrence dans le marché intérieur.

56      Enfin, ainsi qu’il ressort de ses considérants 9 et 10, la directive 2014/59 a pour objet d’empêcher que des autorités nationales n’aient pas le même niveau de contrôle des établissements ou la même capacité de procéder à la résolution de ces derniers, ce qui peut influer de manière variable sur les coûts de financement des établissements d’un État membre à l’autre, entravant ainsi l’exercice de la liberté d’établissement que leur confère le marché intérieur.

57      C’est au regard de ces considérations que le règlement no 806/2014 vise à desserrer le lien existant entre la situation budgétaire de chaque État membre, telle qu’elle est perçue, et les coûts de financement des banques et des entreprises qui y sont implantées ainsi qu’à faire peser la responsabilité du financement de la stabilisation du système financier sur le secteur financier dans son ensemble.

58      Ainsi, comme l’indique son article 1er, le règlement no 806/2014 établit, notamment, des règles uniformes et une procédure uniforme pour la résolution des établissements, qui devraient être appliquées par le CRU, et ce afin de pallier les menaces évoquées aux points 52 à 55 ci-dessus.

59      De même, la directive 2014/59 établit, notamment, des règles harmonisées et une procédure harmonisée pour la résolution des établissements, afin de répondre aux préoccupations du législateur de l’Union décrites aux points 52 à 54 et 56 ci-dessus.

60      Le FRU et les dispositifs de financement nationaux sont des éléments essentiels de ces règles et de cette procédure, qui permettent, comme il ressort des articles 67 et 76 et du considérant 107 du règlement no 806/2014 ainsi que des articles 100 et 101 et des considérants 103, 104 et 108 de la directive 2014/59, d’assurer l’exercice efficient des pouvoirs de résolution et de contribuer au financement des instruments de résolution en assurant leur application efficiente.

61      Afin de garantir des moyens financiers suffisants dans le FRU et les dispositifs de financement nationaux, ces derniers sont financés, au regard des considérations énoncées aux points 52 à 55 et 57 ci-dessus, notamment, par les contributions ex ante versées par les établissements.

62      Par conséquent, le versement de ces contributions assure l’application efficiente des règles uniformes ou harmonisées et de la procédure uniforme ou harmonisée pour la résolution des établissements. Les règles fixant lesdites contributions permettent, à leur tour, comme cela ressort des considérants 12 et 19 du règlement no 806/2014 et des considérants 9 et 10 de la directive 2014/59, d’éviter que des pratiques nationales divergentes n’entravent l’exercice des libertés fondamentales ou ne faussent la concurrence dans le marché intérieur.

63      Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59 ont pour objectif d’améliorer les conditions de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur.

64      Par ailleurs, en ce qui concerne la condition énoncée à l’article 114, paragraphe 1, TFUE, selon laquelle l’acte de l’Union concerné doit comporter des mesures relatives au rapprochement des dispositions des États membres, il ressort, notamment, du considérant 2 du règlement no 806/2014 et du considérant 4 de la directive 2014/59, d’une part, qu’il n’y avait pas de processus décisionnel unifié pour la résolution des établissements dans l’Union et, d’autre part, qu’il existait des différences de fond et de procédure considérables entres les dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’insolvabilité des établissements dans les États membres.

65      Dans ce contexte, le législateur de l’Union a créé des règles et une procédure uniformes, au niveau de l’union bancaire, et harmonisées, au niveau des États membres, pour la résolution des établissements, ainsi qu’une procédure uniforme pour la perception des contributions ex ante afin d’assurer l’application efficiente de ces règles et de ces procédures, comme cela a été exposé aux points 58 à 62.

66      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59 satisfont aux conditions énoncées à l’article 114, paragraphe 1, TFUE.

67      En second lieu, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel les dispositions du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59 imposant aux établissements l’obligation de verser des contributions ex ante devraient être considérées comme des « dispositions fiscales » et ne seraient, dès lors, pas couvertes par la compétence d’harmonisation du législateur de l’Union en vertu de l’article 114, paragraphe 2, TFUE.

68      L’article 114, paragraphe 2, TFUE prévoit que le paragraphe 1 de cette disposition ne s’applique pas, notamment, aux « dispositions fiscales ».

69      En ce qui concerne l’interprétation de l’expression « dispositions fiscales », il y a lieu de constater que le traité FUE ne contient pas de définition de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Commission/Conseil, C‑338/01, EU:C:2004:253, point 63).

70      Cela étant, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un prélèvement versé par les opérateurs économiques d’un secteur particulier n’a pas de nature fiscale dans une situation où, en particulier, il est directement affecté au seul financement des dépenses de ce secteur et où ces dépenses sont nécessaires au fonctionnement de ce dernier afin, notamment, de le stabiliser (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, EU:C:1989:303, points 9 et 10).

71      Or, ce raisonnement s’applique également dans le cas des contributions ex ante, qui suivent une logique d’ordre assurantiel et qui sont versées par les opérateurs économiques d’un secteur particulier en vue de financer exclusivement les dépenses de ce secteur (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, Cofidis, C‑340/22, EU:C:2023:1019, point 24).

72      Ainsi, s’agissant de la nature des contributions ex ante, il a déjà été relevé au point 52 ci-dessus que le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59 avaient été adoptés dans un contexte de crise économique et financière qui avait révélé, s’agissant de l’Union, un manque d’instruments permettant de faire face efficacement au risque présenté par les établissements ayant des difficultés financières, ce qui contraignait les États membres à utiliser les moyens financiers publics pour soutenir de tels établissements. Le MRU vise à éviter les conséquences dommageables des défaillances des établissements survenues lors de telles crises, dès lors que la défaillance des établissements dans un seul État membre peut compromettre la stabilité des marchés financiers dans leur ensemble, ainsi que cela ressort des considérants 8 et 12 du règlement no 806/2014. Il en va de même pour la directive 2014/59, comme cela ressort de ses considérants 3 et 5.

73      Dans ce contexte, le législateur de l’Union a considéré qu’il incombait au secteur financier dans son ensemble de financer la stabilisation du système financier, ainsi que cela ressort, notamment, du considérant 100 du règlement no 806/2014 et du considérant 103 de la directive 2014/59.

74      Dans cette optique, la nature spécifique des contributions ex ante consiste, comme le confirment les considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et le considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

75      Par conséquent, conformément à l’article 67, paragraphes 2 et 4, et au considérant 61 du règlement no 806/2014 ainsi qu’aux articles 101 et 103 et au considérant 49 de la directive 2014/59, les contributions ex ante sont collectées auprès des opérateurs économiques du secteur financier afin d’alimenter le FRU, auquel il est permis d’avoir recours uniquement aux fins de l’application efficiente des instruments de résolution et de l’exercice efficient des pouvoirs de résolution lorsque de telles mesures s’avèrent nécessaires pour atteindre l’objectif de stabilité financière de ce secteur.

76      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il découle de l’article 1er du règlement no 806/2014 et de l’article 1er de la directive 2014/59, les mesures mentionnées au point 75 ci-dessus ne sont appliquées qu’au profit des établissements qui sont tenus de verser les contributions ex ante.

77      Certes, le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59 n’établissent aucun lien automatique entre le versement de la contribution ex ante et la résolution de l’établissement concerné. C’est la raison pour laquelle les contributions ex ante ne sauraient être considérées comme des primes d’assurance dont la mensualisation et le remboursement seraient possibles (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, points 70 et 73).

78      Il n’en demeure pas moins que les établissements profitent à double titre du FRU et des dispositifs de financement nationaux, lesquels sont financés précisément par leurs contributions ex ante.

79      D’une part, lorsque la défaillance des établissements est avérée ou prévisible, leur situation financière peut être régularisée dans le cadre d’une procédure de résolution qui peut être entamée en leur faveur si les autres conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 ou l’article 32 de la directive 2014/59 sont également remplies. Une telle procédure permet ainsi d’utiliser des moyens financiers du FRU ou des dispositifs de financement nationaux au profit de tels établissements, étant entendu que ces moyens ont été alimentés par les contributions de ces derniers.

80      D’autre part, tous les établissements bénéficient de leurs contributions ex ante au travers de la stabilité du système financier, laquelle est assurée par le FRU et les dispositifs de financement nationaux.

81      En effet, le risque couvert par le FRU et les dispositifs de financement nationaux est celui que l’ensemble du secteur financier fait courir à la stabilité du système financier (voir arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 72).

82      Il s’ensuit que le FRU et les dispositifs de financement nationaux visent, dans une optique d’ordre non pas fiscal, mais assurantiel, à garantir la stabilité du secteur financier dans son ensemble, en ayant pour objectif d’assurer une protection contre sa propre crise au bénéfice de tous les établissements.

83      Cette finalité d’ordre assurantiel se reflète d’ailleurs également dans le calcul des contributions ex ante, étant donné que celles-ci ne résultent pas de l’application d’un taux déterminé à une assiette, mais, en application des articles 102 et 103 de la directive 2014/59 ainsi que des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, de la définition d’un niveau cible final, puis d’un niveau cible annuel, lequel est ensuite réparti entre les établissements (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). Cette répartition du niveau cible annuel est fondée, notamment, ainsi qu’il découle également du considérant 107 de cette directive et du considérant 109 de ce règlement, sur le risque que représente chaque établissement pour la stabilité du système financier, ce qui incite les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

84      Il découle de ce qui précède que les établissements versent les contributions ex ante dans une logique d’ordre assurantiel, étant entendu que ces contributions sont directement affectées au seul financement des dépenses du secteur financier dont ces établissements relèvent et que ces dépenses s’avèrent nécessaires pour le fonctionnement de ce secteur afin, notamment, de le stabiliser en cas de défaillance de certains établissements et de limiter des effets de contagion.

85      Par conséquent, les dispositions du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59 qui obligent les établissements à verser des contributions ex ante et précisent les modalités de leur calcul ne constituent pas des « dispositions fiscales » au sens de l’article 114, paragraphe 2, TFUE.

86      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, conformément à certaines versions linguistiques de l’article 114, paragraphe 2, TFUE, les termes « dispositions fiscales » devraient avoir une portée plus étendue.

87      En effet, toutes les versions linguistiques d’un acte de l’Union doivent, par principe, se voir reconnaître la même valeur. Afin de préserver l’unité d’interprétation du droit de l’Union, il importe dès lors, en cas de divergences entre ces versions, d’interpréter la disposition concernée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 49 et jurisprudence citée).

88      Ainsi, la formulation utilisée dans certaines versions linguistiques d’un acte ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cet acte ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Une telle approche serait en effet incompatible avec l’exigence d’uniformité d’application du droit de l’Union (voir arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 50 et jurisprudence citée).

89      Eu égard à ce qui précède, le premier moyen, en ce qu’il repose sur des exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59, doit manifestement être rejeté.

b)      Sur le premier moyen, en ce qu’il est tiré d’exceptions d’illégalité du règlement délégué 2015/63

90      La requérante soulève trois exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement délégué 2015/63.

91      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 4 de ce règlement délégué prévoit que le CRU calcule la contribution ex ante que doit verser chaque établissement en proportion du profil de risque de l’établissement sur la base des informations fournies par celui-ci et en application de la méthode énoncée aux articles 4 à 13 dudit règlement délégué.

92      L’article 5 du règlement délégué 2015/63, intitulé « Ajustement au risque des contributions annuelles de base », indique les passifs qui sont exclus du calcul de ces contributions. L’article 6 de ce règlement délégué énumère les piliers et indicateurs de risque que le CRU doit prendre en compte pour évaluer le profil de risque des établissements, tandis que l’article 7 dudit règlement délégué précise la pondération relative de chaque pilier de risque et indicateur de risque qui doit être appliquée par le CRU lorsqu’il évalue le profil de risque de chaque établissement.

93      L’article 8 du règlement délégué 2015/63 est, quant à lui, relatif à l’application des indicateurs de risque dans des cas spécifiques.

94      Par ailleurs, l’article 9 du règlement délégué 2015/63, intitulé « Application de l’ajustement en fonction du profil de risque à la contribution annuelle de base », prévoit que le CRU calcule le multiplicateur d’ajustement sur la base des indicateurs de risque visés à l’article 6 de ce règlement délégué conformément à la formule et aux procédures exposées à l’annexe I dudit règlement délégué et qu’il calcule la contribution annuelle de chaque établissement pour chaque période de contribution en multipliant la contribution annuelle de base par ce multiplicateur d’ajustement, conformément à la formule et aux procédures exposées à l’annexe I de ce même règlement délégué.

95      Enfin, l’annexe I du règlement délégué 2015/63 établit la procédure de calcul des contributions annuelles des établissements en plusieurs étapes.

1)      Sur la première exception d’illégalité, tirée de ce que le règlement délégué 2015/63 dépasse les compétences conférées à la Commission par la directive 2014/59

96      Selon la requérante, le règlement délégué 2015/63 excède les limites définies par la directive 2014/59, qui constitue son acte délégant. Le cadre de cette directive étant tracé par l’article 114, paragraphe 1, TFUE, il serait interdit à un acte délégué de s’écarter du cadre délimité par cette dernière disposition et de s’appliquer à des établissements qui n’ont pas de rapport avec le marché intérieur. Tel serait le cas de la requérante, qui est en train de démanteler ses activités.

97      Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

98      Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 89 à 101 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

99      La présente exception d’illégalité est tout d’abord fondée sur la prémisse erronée selon laquelle la requérante « n’a pas de rapport avec le marché intérieur ».

100    En effet, même si la requérante se trouve dans un processus de démantèlement de ses activités, il n’en reste pas moins que, selon ses propres indications, elle continue à effectuer des opérations bancaires et à fournir des services financiers. Dans ces conditions, elle participe, à ce titre, aux échanges au sein du marché intérieur.

101    Ensuite, à supposer qu’il convienne de comprendre le grief de la requérante en ce sens que la Commission était tenue d’exclure du champ d’application du règlement délégué 2015/63 les établissements ayant un faible niveau d’activités sur le marché intérieur, il convient de relever ce qui suit.

102    Les contributions ex ante calculées sur la base nationale sont imposées sur le fondement de l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59.

103    Il ressort de cette disposition que doivent verser ces contributions les « établissements » au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 23, de la directive 2014/59.

104    Il découle de l’article 2, paragraphe 1, point 23, de la directive 2014/59, lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, point 2, de cette même directive, que font partie de ces établissements, notamment, les établissements de crédit au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), qui ne figurent pas parmi les entités visées à l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338).

105    Or, selon l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement no 575/2013, on entend par « établissement de crédit » une entreprise dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte, et ce indépendamment de l’importance de ces activités.

106    De même, bien que l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2013/36 exclue certaines entités du champ d’application de cette directive, il n’en exclut pas des établissements ayant un faible niveau d’activités sur le marché intérieur, tels que des établissements en cours de démantèlement.

107    Il découle de ce qui précède que l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 soumet tous les établissements qu’il vise au versement des contributions ex ante, indépendamment de l’intensité de leurs activités sur le marché intérieur.

108    En outre, l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, qui constitue la base juridique du règlement délégué 2015/63, n’oblige pas la Commission à exempter certains établissements de l’obligation de verser des contributions ex ante en raison du faible niveau de leurs activités sur le marché intérieur du fait qu’ils font l’objet d’un démantèlement.

109    Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel le règlement 2015/63 enfreint la directive 2014/59 au motif qu’il n’a pas exempté de son champ d’application de tels établissements ne peut qu’être rejeté.

110    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel il découlerait de l’économie et de la finalité de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63, ainsi que de leur interprétation à la lumière de l’article 114 TFUE, que ces actes ne soumettent pas à l’obligation de verser des contributions ex ante des établissements en cours de démantèlement qui ne seraient pas en concurrence avec les autres établissements opérant sur le marché intérieur.

111    À cet égard, d’une part, il convient de constater que le libellé des dispositions mentionnées aux points 103, 104 et 108 ci-dessus est clair et précis s’agissant du champ d’application personnel de cette obligation et de l’absence d’obligation pour la Commission d’exempter certains types d’établissements de ce champ d’application. D’autre part, il découle du point 100 ci-dessus que la requérante exerce toujours des activités sur le marché intérieur.

112    Eu égard à ce qui précède, la présente exception d’illégalité doit manifestement être rejetée.

2)      Sur la deuxième exception d’illégalité, tirée de ce que le règlement délégué 2015/63 viole des éléments essentiels de la directive 2014/59

113    La requérante soutient, en substance, que le règlement délégué 2015/63 n’a pas suffisamment tenu compte du profil de risque des établissements concernés dans le cadre de l’élaboration de la méthode de calcul des contributions ex ante. L’article 4, paragraphe 1, et l’article 6 de ce règlement délégué violeraient ainsi une disposition essentielle de la directive 2014/59, à savoir son article 103, paragraphe 7.

114    Cette violation découlerait notamment du fait que ces dispositions ne prévoiraient aucune réduction ou exonération des contributions ex ante en faveur des établissements, tels que la requérante, dont l’exposition au risque, la probabilité de résolution ou l’importance pour la stabilité des marchés financiers sont très réduites, voire inexistantes.

115    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

116    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 106 à 128 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

117    À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le contexte d’un pouvoir délégué au sens de l’article 290 TFUE, la Commission dispose, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée, notamment, à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 53 et jurisprudence citée).

118    Tel est le cas en ce qui concerne la fixation des critères d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

119    À cet égard, il convient de rappeler que la nature spécifique de ces contributions consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

120    Dans ce contexte, et ainsi qu’il ressort du considérant 114 de la directive 2014/59, le législateur de l’Union a chargé la Commission de préciser, par acte délégué, la façon d’ajuster les contributions des établissements aux dispositifs de financement pour la résolution en proportion de leur profil de risque.

121    Dans cette même optique, le considérant 107 de cette directive précise que, pour assurer un calcul équitable des contributions ex ante aux dispositifs de financement nationaux et encourager l’adoption de modes de fonctionnement moins risqués, il convient que ces contributions soient fonction du risque de crédit, de liquidité et de marché encouru par les établissements.

122    Il découle de ce qui précède que la Commission devait élaborer des règles d’ajustement des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements en poursuivant deux objectifs liés, à savoir, d’une part, assurer la prise en compte des différents risques que génèrent les activités des établissements, bancaires ou plus largement financières, et, d’autre part, encourager ces mêmes établissements à suivre des modes de fonctionnement moins risqués.

123    Or, ainsi qu’il ressort des documents afférents à l’adoption du règlement délégué 2015/63, notamment les documents « JRC technical work supporting Commission second level legislation on risk based contributions to the (single) resolution fund » [Étude technique du JRC au soutien de la législation de deuxième niveau de la Commission sur les contributions fondées sur les risques au fonds de résolution (unique), ci-après l’« étude technique du JRC »], et « Commission Staff Working Document : estimates of the application of the proposed methodology for the calculation of contributions to resolution financing arrangements » (Document de travail des services de la Commission : estimations de l’application de la méthode proposée pour le calcul des contributions aux dispositifs de financement des résolutions), l’élaboration de telles règles impliquait des appréciations et des évaluations complexes de la part de la Commission dans la mesure où celle-ci devait examiner les différents éléments au vu desquels les divers types de risque étaient appréhendés dans les secteurs bancaire et financier.

124    Eu égard à ce qui précède, la Commission disposait d’un large pouvoir d’appréciation aux fins d’adopter, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, les règles précisant la notion d’« adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements ».

125    Dans ces conditions, s’agissant de la méthode d’adaptation des contributions annuelles de base au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice du pouvoir d’appréciation octroyé à la Commission n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si celle-ci n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60).

126    Par conséquent, il appartient à la requérante de démontrer que l’article 4, paragraphe 1, et l’article 6 du règlement délégué 2015/63 sont entachés de tels vices.

127    À cet égard, il ressort tout d’abord des points 102 à 107 ci-dessus que la directive 2014/59 ne prévoit aucune exemption de l’obligation du versement des contributions ex ante en faveur des établissements dont l’exposition au risque, la probabilité de résolution ou l’importance pour la stabilité des marchés financiers sont réduites. Aucune exemption similaire n’est prévue par le règlement no 806/2014 non plus.

128    De même, outre les fonds propres et les dépôts couverts, ni la directive 2014/59 ni le règlement no 806/2014 n’ont prévu une exemption de certains passifs des établissements, comme des passifs détenus à titre fiduciaire, aux fins du calcul des contributions ex ante.

129    Ainsi, conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, tous les établissements sont, en principe, soumis à l’obligation de verser les contributions ex ante et tous les passifs de ces établissements sont à prendre en compte, en principe, aux fins du calcul de ces contributions, outre les fonds propres et les dépôts couverts.

130    Une telle approche correspond à la logique d’ordre assurantiel du système des contributions ex ante, selon laquelle l’ensemble du secteur financier doit procurer des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). En effet, conformément à cette logique, tous les établissements, y compris ceux dont la probabilité de résolution est prétendument plus faible au regard des passifs qu’ils détiennent, bénéficient de leurs contributions ex ante à travers la stabilité du système financier assurée par le FRU.

131    Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que la Commission était tenue d’exclure du régime des contributions ex ante les établissements possédant des passifs détenus à titre fiduciaire ou qu’elle était obligée d’exclure dudit régime de tels passifs, et ce au seul motif que ces derniers présentent un risque plus faible ou qu’un établissement possédant lesdits passifs a une moindre probabilité de résolution ou une moindre importance pour la stabilité des marchés financiers.

132    Ensuite, conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, la contribution ex ante est ajustée en fonction du profil de risque des établissements. Ainsi, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, la Commission est habilitée à préciser, par un acte délégué, les modalités de cette adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque desdits établissements.

133    À cette fin, l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 prévoit huit éléments que la Commission doit prendre en compte aux fins d’une telle adaptation. Or, bien que « l’exposition au risque de l’établissement », « la probabilité que l’établissement soit soumis à une procédure de résolution » et « l’importance de l’établissement pour la stabilité du système financier ou de l’économie d’un ou de plusieurs États membres ou de l’Union » figurent parmi de tels éléments, de sorte que la Commission est tenue de les prendre en compte lors de l’adoption d’un acte délégué tel que le règlement délégué 2015/63, ces éléments ne constituent que trois critères parmi huit autres dont la Commission doit tenir compte dans l’élaboration d’un tel acte.

134    En outre, rien dans l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 n’indique que la Commission est tenue d’accorder une importance prépondérante à un ou plusieurs desdits éléments.

135    Enfin et en tout état de cause, les trois éléments avancés par la requérante concernant les établissements se trouvant dans une situation comme celle de la requérante, à savoir leur exposition au risque, la probabilité de leur résolution ou leur importance pour la stabilité des marchés financiers, ont bel et bien été pris en compte dans les différents piliers et indicateurs de risque prévus à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, de sorte que la situation particulière de tels établissements est reflétée dans le calcul des contributions ex ante.

136    Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré que l’article 6 du règlement délégué 2015/63 est entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou que, en l’adoptant, la Commission aurait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en raison du fait que cette disposition ne prévoit pas de réduction ou d’exonération des contributions ex ante en faveur des établissements, tels que la requérante, dont l’exposition au risque, la probabilité de résolution ou l’importance pour la stabilité des marchés financiers seraient prétendument très réduites, voire inexistantes.

137    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le règlement délégué 2015/63 ne prévoirait aucun mécanisme prenant en considération un modèle d’entreprise à risque particulièrement faible, ce qui serait illustré par le fait que, en vertu de l’article 6, paragraphe 6, sous a), de ce règlement délégué, le « modèle économique global » d’un établissement peut uniquement être pris en compte par le CRU pour augmenter la contribution ex ante de l’établissement concerné.

138    En effet, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, la Commission, lorsqu’elle adopte des actes délégués pour mettre en œuvre cette disposition, est obligée de tenir compte des éléments énumérés aux lettres a) à h) de ladite disposition, aux fins de préciser la notion d’adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements. Or, rien dans l’article 103, paragraphe 7, de cette directive ne lui impose l’obligation de prévoir un pilier ou un indicateur de risque dans le cadre duquel le modèle d’entreprise d’un établissement pourrait, en tant que tel, mener à une réduction de la contribution ex ante de ce dernier.

139    En outre et en tout état de cause, les différents piliers et indicateurs de risque prévus à l’article 6 du règlement délégué 2015/63 permettent de tenir compte, d’une manière ciblée, de diverses caractéristiques d’un modèle d’entreprise à faible risque, si bien qu’un établissement ayant un tel modèle se voit imposer une contribution ex ante moins élevée.

140    Enfin, il convient de relever que la requérante n’a présenté aucune argumentation autonome et ciblée portant sur l’article 4, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 qui irait au-delà de celle examinée ci-dessus.

141    Eu égard à ce qui précède, la présente exception d’illégalité doit manifestement être rejetée.

3)      Sur la troisième exception d’illégalité, tirée de la subdélégation de pouvoir au CRU

142    La requérante fait valoir que le règlement délégué 2015/63 viole l’article 290, paragraphe 1, TFUE, puisque l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63 confie au CRU le pouvoir de déterminer des indicateurs de risque supplémentaires. Or, il résulterait de l’article 290, paragraphe 1, TFUE et de l’article 103, paragraphe 7, sous d), de la directive 2014/59 qu’il incombe à la Commission de définir les modalités d’adaptation des contributions ex ante dues par les établissements en fonction de la probabilité de leur résolution et que la Commission ne saurait subdéléguer ce pouvoir.

143    Cette illégalité du règlement délégué 2015/63 ne saurait être palliée par l’article 6, paragraphes 5 à 9, de ce même règlement délégué, par lequel sont fixés des détails concernant la détermination de différents sous-indicateurs de risque.

144    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

145    À titre liminaire, il convient de rejeter l’argument de la Commission selon lequel le présent grief est inopérant, dès lors que le règlement délégué 2015/63, considéré isolément, ne serait pas adressé au CRU, mais uniquement aux autorités de résolution nationales, et que ce ne serait qu’en vertu de la règle énoncée à l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 que le CRU serait lié par les dispositions du règlement délégué 2015/63.

146    Il est vrai que le règlement délégué 2015/63 a été adopté sur le fondement de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et que l’article 6, paragraphe 1, sous d), de ce règlement délégué ne s’adresse ainsi, dans un premier temps, qu’aux ARN. Cette disposition n’a été étendue au CRU que par le biais de l’article 70, paragraphe 6, et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, selon lesquels les actes délégués adoptés au titre dudit article 103, paragraphe 7, s’appliquent également à la détermination des contributions ex ante en vertu du règlement no 806/2014 et selon lesquels le CRU est considéré, aux fins de l’application du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59, comme une ARN lorsqu’il exécute des tâches et exerce des pouvoirs qui sont confiés aux ARN en vertu de cette directive.

147    Dans ces conditions, l’argumentation de la Commission peut être comprise en ce sens que ce n’est pas par une décision de la Commission, figurant dans le règlement délégué 2015/63, mais par une décision du législateur de l’Union, figurant dans le règlement no 806/2014, que les pouvoirs visés à l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63 ont été confiés au CRU. Ainsi, il ne s’agirait pas d’une subdélégation de pouvoir de la Commission au CRU, mais d’une délégation directe du législateur de l’Union au CRU dans un acte législatif.

148    Toutefois, une telle conclusion n’est pas compatible avec la chronologie de l’adoption des actes en cause, notamment au regard du fait que le règlement no 806/2014 a été adopté avant le règlement délégué 2015/63. En effet, alors que le règlement no 806/2014 a été adopté le 15 juillet 2014, à savoir deux mois après l’adoption de la directive 2014/59, le règlement délégué 2015/63 n’a été adopté que le 21 octobre 2014, à savoir plus de trois mois plus tard.

149    Il s’ensuit, d’une part, que le législateur de l’Union ne pouvait pas valider, par l’adoption du règlement no 806/2014, l’éventuel octroi au CRU, par le règlement délégué 2015/63, d’une partie des pouvoirs délégués à la Commission par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59. D’autre part, la Commission était nécessairement consciente, au moment de l’adoption du règlement délégué 2015/63, que, lorsqu’elle confiait – en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous d), de ce règlement – certains pouvoirs aux « autorités de résolution », elle confiait ces pouvoirs, pour ce qui concernait les États membres auxquels s’adressait le règlement no 806/2014, au CRU.

150    Par ailleurs, le fait que la Commission était bien consciente de cette circonstance est confirmé par le libellé du considérant 7 du règlement délégué 2015/63, selon lequel « la notion d’autorité de résolution au sens [de ce] règlement [délégué] doit également inclure le CRU ».

151    La décision de confier certains pouvoirs au CRU dans le cadre du pilier de risque « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution » (ci-après le « pilier de risque IV ») – et ce indépendamment de leur nature – ressort donc d’une décision de la Commission, cette décision ayant été prise lorsqu’elle a adopté le règlement délégué 2015/63.

152    Ensuite, sur le fond, il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 140 à 160 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

153    À titre liminaire, il convient d’analyser la nature des pouvoirs octroyés au CRU afin d’évaluer si la Commission lui a délégué des pouvoirs au titre de l’article 290, paragraphe 1, TFUE.

154    Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63, le pilier de risque IV se compose des indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’ARN.

155    Conformément à l’article 6, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63, le pilier de risque IV se compose de trois indicateurs de risque, à savoir, premièrement, les « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité », deuxièmement, l’« éventuelle appartenance de l’établissement à un système de protection institutionnel » et, troisièmement, la « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

156    Selon l’article 6, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63, le CRU doit tenir compte, lorsqu’il détermine ces indicateurs de risque, « de la probabilité que l’établissement concerné soit mis en résolution et de la probabilité consécutive que le dispositif de financement pour la résolution soit utilisé à cette fin ».

157    Il ressort du libellé de l’article 6, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63 que cette disposition octroie une marge d’appréciation au CRU s’agissant de la façon dont celui-ci doit « tenir compte », aux fins de la détermination desdits indicateurs de risque, « de la probabilité que l’établissement concerné soit mis en résolution et de la probabilité consécutive que le dispositif de financement pour la résolution soit utilisé à cette fin », car les critères indiqués dans ladite disposition doivent être précisés par le CRU pour pouvoir être appliqués à un cas particulier.

158    S’agissant du premier indicateur de risque qui relève du pilier de risque IV et qui est relatif aux activités de négociation, aux expositions hors bilan, aux instruments dérivés, à la complexité et à la résolvabilité de l’établissement, l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 prévoit plusieurs éléments que le CRU doit prendre en compte lors de la détermination de cet indicateur, dont certains peuvent conduire à augmenter le profil de risque de l’établissement concerné et d’autres à le diminuer.

159    Ainsi, les éléments pouvant entraîner une augmentation de ce profil de risque sont au nombre de quatre, à savoir, premièrement, « l’importance des activités de négociation par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement », deuxièmement, « l’importance des expositions hors bilan par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres et au degré de risque des expositions », troisièmement, « l’importance du montant des instruments dérivés par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement » et, quatrièmement, « la mesure dans laquelle […] le modèle économique et la structure organisationnelle de l’établissement sont jugés complexes ».

160    Les éléments pouvant entraîner une diminution dudit profil de risque sont au nombre de deux, à savoir « le montant relatif des instruments dérivés qui sont compensés par une contrepartie centrale » et « la mesure dans laquelle […] l’établissement peut faire l’objet d’une résolution rapide et sans obstacles juridiques ».

161    Il résulte du libellé de l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 que cette disposition octroie au CRU une marge d’appréciation s’agissant de l’« importance » que le CRU doit attacher aux « activités de négociation », aux « expositions hors bilan » et au « montant des instruments dérivés » et de l’articulation entre les différents éléments mentionnés dans cette disposition.

162    Ainsi, s’il ressort de l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 que, selon le premier sous-indicateur de risque mentionné par cette disposition, il convient de comparer l’importance des « activités de négociation » par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement, ladite disposition ne contient pas de précisions concernant la mise en œuvre concrète de cette comparaison.

163    Il en va de même en ce qui concerne les deuxième et troisième sous-indicateurs de risque prévus à l’article 6, paragraphe 6, sous a), ii) et iii), du règlement délégué 2015/63.

164    S’agissant, par ailleurs, de la détermination de l’indicateur de risque l’« éventuelle appartenance de l’établissement à un système de protection institutionnel », il découle de l’article 6, paragraphe 7, du règlement délégué 2015/63 que le CRU doit tenir compte de l’adéquation du montant des fonds immédiatement disponibles avec celui des fonds nécessaires « pour permettre un soutien crédible et efficace de [l’établissement concerné] » et du degré de sécurité juridique ou contractuelle quant au fait que ces fonds « seront pleinement utilisés avant que le moindre soutien public extraordinaire puisse être demandé ».

165    Il ressort du libellé de cette disposition que le CRU dispose d’une marge d’appréciation s’agissant du respect des conditions prévues par ladite disposition, lesquelles sont liées à l’adéquation des fonds disponibles du système de protection institutionnel concerné avec les fonds nécessaires au financement de l’établissement en cause et au degré de sécurité juridique ou contractuelle concernant ces fonds.

166    Il en va de même s’agissant de la pondération des différents indicateurs de risque dans le cadre du pilier de risque IV, prévue à l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63.

167    En effet, bien que l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 indique de façon claire la pondération relative des trois indicateurs de risque qui composent le pilier de risque IV et qui sont mentionnés au point 155 ci-dessus, il ne ressort pas de cette disposition de quelle façon la pondération des différents sous-indicateurs de risque au sein des deux premiers indicateurs de risque doit être effectuée. En particulier, ladite disposition ne précise pas si cette pondération doit être répartie entre de tels sous-indicateurs de risque d’une manière proportionnelle. Ainsi, l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 confère un pouvoir d’appréciation au CRU s’agissant de déterminer la pondération des différents sous-indicateurs de risque constituant ces indicateurs de risque, lesquels doivent être pris en compte, conformément à l’article 6, paragraphes 5 à 7, du règlement délégué 2015/63.

168    Il résulte de ce qui précède que les dispositions figurant à l’article 6, paragraphes 5 à 7, et à l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, relatives au pilier de risque IV, confèrent un pouvoir d’appréciation au CRU.

169    Cependant, l’attribution d’une telle marge d’appréciation n’équivaut pas à une délégation de pouvoir de la Commission au CRU au sens de l’article 290, paragraphe 1, TFUE.

170    À cet égard, il convient d’établir une distinction entre le pouvoir visé par l’article 290, paragraphe 1, TFUE, à savoir celui d’adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels d’un acte législatif, et le pouvoir d’appliquer les actes de portée générale – législatifs ou non législatifs – aux personnes ou aux situations qui entrent dans le champ d’application de tels actes.

171    Or, d’une part, le règlement délégué 2015/63 ne contient aucune disposition par laquelle la Commission aurait conféré au CRU une délégation en vue d’adopter des actes de portée générale qui compléteraient ou modifieraient certains éléments de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 ou de ce règlement délégué. En revanche, plusieurs dispositions dudit règlement délégué, telles que ses articles 4 et 6 à 9, confirment le pouvoir octroyé au CRU par la directive 2014/59 et par le règlement no 806/2014 d’appliquer ces actes de portée générale en calculant les contributions ex ante des établissements qui entrent dans leur champ d’application.

172    D’autre part, malgré la dénomination du pilier de risque IV figurant à l’article 6, paragraphe 1, sous d), du règlement délégué 2015/63, à savoir « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution », les principes essentiels concernant l’application de ce pilier de risque ont été précisés par la Commission elle-même à l’article 6, paragraphes 5 à 8, de ce règlement délégué. De même, la Commission a fixé les règles de pondération relative des indicateurs de risque au sein de ce pilier de risque à l’article 7, paragraphe 4, dudit règlement délégué.

173    Il s’ensuit que le règlement délégué 2015/63 n’a pas conféré au CRU le pouvoir d’adopter des actes de portée générale, au sens de l’article 290, paragraphe 1, TFUE.

174    Eu égard à ce qui précède, la présente exception d’illégalité doit manifestement être rejetée et, par suite, le premier moyen en ce qu’il est fondé sur des exceptions d’illégalité.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une exception d’illégalité du règlement délégué 2015/63, au motif qu’il viole l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte

175    La requérante fait valoir que le règlement délégué 2015/63 ne permet pas au CRU de motiver ses décisions de manière suffisante et, dès lors, excipe de l’illégalité de ce règlement délégué en raison d’une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte. En particulier, la méthode de calcul des contributions ex ante instaurée par ce règlement délégué implique un exercice comparatif des différents établissements devant verser ces contributions, de sorte que la requérante ne pourrait pas vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante sans avoir accès aux données des autres établissements, accès dont elle est pourtant privée.

176    Par ailleurs, le droit à une décision motivée serait vidé de sa substance par l’invocation de la protection des secrets des affaires des autres établissements. En fournissant des données agrégées, le CRU n’aurait pas établi d’équilibre approprié entre les droits fondamentaux de la requérante et la protection des secrets des affaires des autres établissements.

177    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

178    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 175 à 194 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

179    À titre liminaire, il convient de rappeler que les articles 4 à 9 du règlement délégué 2015/63 énoncent, ainsi qu’il découle des points 91 à 95 ci-dessus, les règles que le CRU doit appliquer pour déterminer la contribution annuelle de base et pour ajuster cette dernière en fonction du profil de risque des établissements. Ces règles sont ensuite mises en œuvre, de manière plus concrète, à l’annexe I de ce règlement délégué.

180    En application de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, il appartient au CRU de calculer, dans un premier temps, un nombre de bins afin de comparer les établissements eu égard aux différents indicateurs et sous-indicateurs de risque. Dans un deuxième temps, il incombe au CRU d’assigner, en principe, le même nombre d’établissements à chaque bin, en commençant par assigner au premier bin les établissements pour lesquels les valeurs de l’indicateur brut sont les plus faibles. Dans un troisième temps, il appartient au CRU d’assigner à tous les établissements figurant dans un bin donné le même score, dénommé « indicateur discrétisé », dont il doit tenir compte pour le reste du calcul de leur multiplicateur d’ajustement.

181    L’article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques sont motivés. De même, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit l’obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l’Union, de motiver leurs décisions.

182    La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).

183    Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

184    Afin d’examiner si cette motivation est suffisante en ce qui concerne une décision fixant les contributions ex ante, il convient de rappeler, premièrement, qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que la motivation de toute décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent doit nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul du montant de cette somme d’argent (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 105 et jurisprudence citée).

185    Deuxièmement, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est, notamment, concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 et jurisprudence citée).

186    Troisièmement, considérer que la motivation de la décision du CRU fixant des contributions ex ante doit nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l’empêchant, notamment, d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant au FRU (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

187    Quatrièmement, s’il résulte de ce qui précède que l’obligation de motivation pesant sur le CRU doit être mise en balance, en raison de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul établi par le législateur de l’Union, avec l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires des établissements concernés, il n’en demeure pas moins que cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 120).

188    Toutefois, il ne saurait être considéré, dans le cadre de la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, que motiver une décision mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent sans lui fournir l’intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d’argent porte nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l’obligation de motivation (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 121).

189    S’agissant de la décision du CRU fixant des contributions ex ante, l’obligation de motivation doit être considérée comme étant respectée lorsque les personnes concernées par cette décision, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

190    Dans un tel cas, ces personnes sont, en effet, en mesure de vérifier si leur contribution ex ante a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de leur situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité. Lesdites personnes peuvent, dès lors, comprendre les justifications de la décision fixant leur contribution ex ante et évaluer s’il apparaît utile d’introduire un recours contre cette décision, de sorte qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution de chaque établissement concerné (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 123).

191    Il résulte de ce qui précède que le CRU n’est pas, notamment, tenu de fournir à un établissement les données lui permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de la valeur du multiplicateur d’ajustement, puisque cette vérification supposerait de disposer de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).

192    Dans ce contexte, il convient de relever que le règlement délégué 2015/63 ne fait aucunement obstacle à la possibilité, pour le CRU, de divulguer, sous une forme agrégée et anonymisée, des informations suffisantes pour permettre à un établissement de comprendre de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte dans le calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 139).

193    En particulier, le règlement délégué 2015/63 permet au CRU de divulguer, sans méconnaître son obligation de respecter le secret des affaires, les valeurs limites de chaque bin et les indicateurs de risque s’y rapportant, pour que l’établissement concerné s’assure, notamment, que le score qui lui a été attribué lors de la discrétisation des indicateurs de risque, telle que définie à l’annexe I de ce règlement délégué, correspond effectivement à sa situation économique, que cette discrétisation a été opérée de manière conforme à la méthode définie par ledit règlement délégué sur la base de données plausibles et que l’ensemble des facteurs de risque devant être pris en considération en application du règlement no 806/2014 ainsi que du règlement délégué 2015/63 l’ont bien été (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 137).

194    Il découle de ce qui précède que le règlement délégué 2015/63 n’empêche pas le CRU de se conformer à son obligation de motivation, en lui permettant de fournir aux établissements concernés des informations suffisantes pour comprendre les raisons justifiant les décisions fixant les contributions ex ante (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 141).

195    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait pu établir une méthode de calcul ne subordonnant pas les contributions ex ante de chaque établissement à celles dues par tous les autres établissements.

196    À cet égard, il y a lieu de relever qu’une telle interdépendance des contributions ex ante découle d’un choix législatif exprimé aux articles 102 et 103 de la directive 2014/59 ainsi qu’aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014.

197    Le législateur de l’Union ayant valablement fait le choix d’une telle méthode (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 116), il n’appartenait pas à la Commission de modifier celle-ci par un acte délégué.

198    Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen doit manifestement être rejeté.

3.      Sur le quatrième moyen, en ce qu’il est tiré de l’illégalité du règlement délégué 2015/63

199    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante a formulé, en substance, quatre griefs. Par les deux premiers griefs, la requérante soulève des exceptions d’illégalité à l’encontre du règlement délégué 2015/63. Par les deux autres griefs, elle conteste la légalité de la décision attaquée elle-même.

200    Il convient tout d’abord d’examiner les exceptions d’illégalité, les griefs portant sur la légalité de la décision attaquée étant appréciés aux points 296 à 314 ci-après.

a)      Sur le grief portant sur une incompatibilité du règlement délégué 2015/63 avec l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59

201    La requérante soutient, en substance, que l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 oblige la Commission, lorsqu’elle adopte des actes délégués pour mettre en œuvre cette disposition, à exclure les passifs non exposés au risque, tels que ses passifs fiduciaires, du calcul des contributions ex ante. Étant donné que le règlement délégué 2015/63 ne prévoit pas de telle exclusion, il enfreindrait l’article 103, paragraphe 7, de ladite directive.

202    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

203    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 223 à 225 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

204    Comme il a été exposé aux points 127 à 129 ci-dessus, outre les fonds propres et les dépôts couverts, tous les passifs des établissements sont à prendre en compte, en principe, aux fins du calcul des contributions ex ante, conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014.

205    En outre, rien dans l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 n’oblige la Commission à exclure certains passifs qui seraient prétendument dépourvus de risque du calcul des contributions ex ante. D’une part, ainsi qu’il a été exposé aux points 133 et 134 ci-dessus, l’élément « exposition au risque de l’établissement », prévu sous a) de cette disposition, n’est qu’un élément parmi d’autres devant être pris en compte par la Commission lorsqu’elle adopte des actes délégués pour mettre en œuvre ladite disposition. D’autre part, il ne découle pas de ladite disposition que la Commission devrait accorder une importance prépondérante à un ou à plusieurs desdits éléments.

206    Dans ces conditions, la requérante n’a pas établi que le règlement délégué 2015/63 est incompatible avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

207    Ainsi, le présent grief doit manifestement être rejeté.

b)      Sur le grief portant sur l’incompatibilité du règlement délégué 2015/63 avec l’article 114 TFUE, en ce que la Commission aurait dû tenir compte des modalités nationales divergentes de mise en œuvre de la directive 86/635

208    La requérante soutient que le règlement délégué 2015/63 viole l’article 114 TFUE dans la mesure où il n’exclut pas les fonds qu’un établissement gère en son nom propre, mais pour le compte d’autrui, des passifs retenus aux fins du calcul des contributions ex ante, et ce au motif qu’il ne prend pas en compte les modalités nationales divergentes de mise en œuvre de l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635/CEE du Conseil, du 8 décembre 1986, concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des banques et autres établissements financiers (JO 1986, L 372, p. 1).

209    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation. 

210    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 229 à 240 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

211    Conformément à l’article 70, paragraphe 2, second alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 et à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, le CRU calcule une contribution annuelle de base pour chaque établissement. Cette contribution est proportionnelle au montant du passif net de l’établissement concerné rapporté au passif net cumulé de tous les établissements agréés sur le territoire des États membres participants – en ce qui concerne la partie de cette contribution calculée sur la base de l’union – et de tous les établissements agréés sur le territoire de l’État membre où l’établissement en question a son siège – pour la partie de ladite contribution calculée sur la base nationale.

212    En ce qui concerne la détermination des passifs devant être pris en compte aux fins de ce calcul, il convient de relever que l’article 3, paragraphe 1, point 11, du règlement délégué 2015/63 définit le « total du passif » comme le « total du passif au sens de la section 3 de la directive 86/635/[…] ou au sens des normes internationales d’information financière visées dans le règlement (CE) no 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil[, du 19 juillet 2002, sur l’application des normes comptables internationales (JO 2002, L 243, p. 1)] ».

213    Par ailleurs, conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 86/635, qui fait partie de la section 3 de cette directive, les fonds qu’un établissement gère en son nom propre, mais pour le compte d’autrui, doivent figurer, en règle générale, au bilan de cet établissement lorsque celui-ci est titulaire des actifs correspondants.

214    Cela étant, l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635 dispose que les États membres peuvent permettre aux établissements concernés de faire figurer ces fonds hors bilan à condition qu’il existe un régime particulier permettant d’exclure lesdits fonds de la masse en cas de liquidation collective de l’établissement.

215    À cet égard, les parties ont affirmé que, en vertu des dispositions adoptées par la République fédérale d’Allemagne pour se conformer à l’article 10 de la directive 86/635, les passifs relatifs aux activités fiduciaires de la requérante devaient figurer au bilan de celle-ci.

216    Les parties ont également indiqué, à titre d’exemple, que la République d’Autriche avait fait usage de la faculté offerte par l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635 de permettre aux établissements de faire figurer hors bilan les fonds gérés en leur nom propre, mais pour le compte d’autrui.

217    Il s’ensuit, selon la requérante, que, si un établissement a son siège dans un État membre comme la République d’Autriche, au lieu de la République fédérale d’Allemagne, il peut faire figurer les passifs relatifs à de telles activités fiduciaires hors bilan, de sorte que ces passifs ne sont pas pris en compte pour le calcul de sa contribution annuelle de base.

218    Dans ce contexte, la requérante soutient que la Commission, en n’ayant pas tenu compte dans le règlement délégué 2015/63 de cette différence entre les règles comptables des différents États membres pour ce qui concerne les activités fiduciaires, a créé des distorsions de concurrence contraires à l’article 114 TFUE.

219    Or, dans la mesure où l’exception d’illégalité de la requérante est fondée sur l’article 114 TFUE, il convient de relever que cette disposition crée une base juridique pour le Parlement et le Conseil afin d’arrêter des actes législatifs ayant pour objet l’élimination des entraves aux échanges résultant des disparités entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres [voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2021, Brunswick Bowling Products/Commission, T‑152/19, EU:T:2021:539, point 37 (non publié)].

220    En revanche, l’article 114 TFUE n’habilite pas la Commission, lorsqu’elle adopte des actes délégués au titre de l’article 290 TFUE, à agir au-delà de la délégation conférée par le législateur de l’Union sur la base de cette dernière disposition. Par conséquent, il n’appartient pas à la Commission de remédier à des modalités nationales divergentes de mise en œuvre du droit de l’Union, à moins qu’elle ne se voie octroyer une habilitation à cette fin par un acte législatif.

221    En l’occurrence, ni la directive 2014/59 ni le règlement no 806/2014 n’ont habilité la Commission à harmoniser les règles nationales comptables qui concernent les fonds qu’un établissement gère en son nom propre, mais pour le compte d’autrui.

222    Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir violé l’article 114 TFUE en ayant prétendument créé des distorsions de concurrence contraires à cette disposition en raison de l’adoption du règlement délégué 2015/63.

223    Il s’ensuit que le présent grief doit manifestement être rejeté.

B.      Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1.      Sur le onzième moyen, tiré d’une motivation insuffisante de la décision attaquée

224     La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée, car le CRU n’a pas divulgué les indicateurs bruts de tous les établissements. En retenant ces données, le CRU aurait accordé une importance trop élevée à la protection du secret des affaires des autres établissements, vidant ainsi l’obligation de motivation de son contenu essentiel. Il en irait notamment ainsi au motif que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, les données sur lesquelles le CRU s’est appuyé pour calculer la contribution ex ante de la requérante dataient d’environ cinq ans, de sorte que le besoin de leur protection avait diminué.

225    Le CRU conteste cette argumentation.

226    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 290 à 297 de son arrêt du 20 décembre 2023, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑389/21, EU:T:2023:827), et au point 271 de son arrêt du 24 janvier 2024, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑347/21, EU:T:2024:31). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

227    Au considérant 116 de la décision attaquée, le CRU a observé que « les secrets d’affaires des établissements – c’est-à-dire toutes les informations concernant l’activité professionnelle des établissements qui, en cas de divulgation à un concurrent et/ou à un public plus large, pourraient porter gravement atteinte aux intérêts des établissements […] – [étaient] considérés comme des informations confidentielles ». Il a ajouté que, « [d]ans le cadre du calcul des contributions ex ante […], les informations individuelles fournies par les établissements par l’intermédiaire de leurs formulaires de [déclaration] […], sur lesquelles [il] s’appu[yait] pour calculer leur contribution ex ante, [étaient] considérées comme des secrets d’affaires ».

228    En outre, aux considérants 118, 120 et 121 de la décision attaquée, le CRU a relevé qu’il lui était interdit de « divulguer les points de données de chaque établissement, qui constitu[aie]nt la base des calculs dans [ladite décision] », alors qu’il était autorisé à « divulguer les points de données agrégés et communs, dans la mesure où ces données [étaient] cumulées ». Cela étant, les établissements bénéficiaient, selon ladite décision, d’une « transparence totale quant au calcul de leur [contribution annuelle de base] et de leur multiplicateur d’ajustement » pour les étapes de calcul de cette contribution, telles qu’elles étaient définies à l’annexe I du règlement délégué 2015/63, qui portaient sur le « calcul des indicateurs bruts » (étape 1), le « rééchelonnement des indicateurs » (étape 3) et le « calcul de l’indicateur composite » (étape 5). En outre, les établissements étaient en mesure d’obtenir des « points de données communs utilisés indifféremment par le CRU pour tous les établissements ajustés en fonction de leur profil de risque » pour les étapes de calcul portant sur la « discrétisation des indicateurs » (étape 2), l’« intégration du signe affecté » (étape 4) et le « calcul des contributions annuelles » (étape 6).

229    À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu’il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l’utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires ne pouvant pas être reprises dans la motivation de la décision de fixation des contributions ex ante (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

230    En second lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, l’obligation de motivation n’impose pas au CRU de faire figurer, dans la décision attaquée, des considérations détaillées démontrant le caractère confidentiel de chaque catégorie de données fournies par les établissements.

231    En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 183 ci-dessus, il n’est pas exigé que la motivation d’un acte spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications.

232    Or, d’une part, il découle des considérations figurant au considérant 116 de la décision attaquée que le CRU a considéré que l’ensemble des données déclarées par chaque établissement était couvert, dans sa globalité, par le secret des affaires, puisque la divulgation de ces données à un concurrent ou à un public plus large pourrait porter gravement atteinte aux intérêts de l’établissement concerné.

233    D’autre part, étant donné que la requérante a fourni ses propres données aux fins du calcul des contributions ex ante, conformément à l’article 14 du règlement délégué 2015/63, elle avait une pleine connaissance de la nature et des caractéristiques générales de chaque catégorie de ces données. Elle était ainsi, notamment, à même d’évaluer dans quelle mesure chacune de ces catégories de données pouvait comporter des informations confidentielles.

234    Dans ces conditions, la requérante disposait d’informations suffisantes pour comprendre et, le cas échéant, contester les raisons pour lesquelles le CRU avait considéré que les données individuelles des autres établissements étaient couvertes par le secret des affaires. Elle pouvait, notamment, contester, au regard de la nature et des caractéristiques générales de chaque catégorie de ces données, l’appréciation du CRU figurant au considérant 116 de la décision attaquée, selon laquelle lesdites données avaient un caractère secret et leur divulgation pouvait porter gravement atteinte aux intérêts de l’établissement concerné. Ainsi, elle disposait de tous les éléments nécessaires pour pouvoir contester le non-respect par le CRU des exigences dégagées par la Cour concernant la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, telles qu’elles sont rappelées aux points 189, 192 et 193 ci-dessus.

235    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le besoin de protéger le caractère confidentiel des données individuelles des autres établissements permettant de vérifier le calcul de sa contribution ex ante aurait diminué en raison du fait que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, ces données dataient d’environ cinq ans, il découle, certes, de la jurisprudence de la Cour que, lorsque les informations qui ont pu constituer des secrets d’affaires à une certaine époque datent de cinq ans ou plus, elles sont considérées, en principe, du fait de l’écoulement du temps, comme étant historiques et comme ayant perdu, de ce fait, leur caractère confidentiel, à moins que, exceptionnellement, la partie qui se prévaut de ce caractère ne démontre que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celles de tiers concernés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, point 54 et jurisprudence citée).

236    Néanmoins, ainsi qu’il ressort du considérant 28 de la décision attaquée, les données en cause dans la présente affaire sont basées sur les états financiers annuels approuvés disponibles au 31 décembre 2018, ces données se rapportant à l’exercice de référence de l’année 2017. Or, la requérante ne précise pas quelles données individuelles concrètes, qui ont été utilisées dans la décision attaquée, dateraient de plus de cinq ans au moment de l’adoption de cette décision, soit le 8 août 2022. En effet, elle se borne à affirmer, d’une part, que « les données sur lesquelles se fonde le calcul […] du CRU datent d’environ cinq ans » et, d’autre part, que « plus les données sont anciennes, plus leur besoin de protection diminue », sans étayer ces affirmations. Dans ces conditions, son argument doit être rejeté comme non étayé.

237    En tout état de cause, à supposer même que certaines de ces données datent de cinq ans ou plus, il convient de relever que, ainsi que le CRU l’a expliqué au considérant 124 de la décision attaquée, sans être sérieusement contesté sur ce point par la requérante, la position relative d’un établissement par rapport à celle de ses concurrents peut, dans la réalité économique du secteur bancaire, demeurer identique ou semblable pendant une période prolongée, allant au-delà de cinq ans. En effet, certains éléments, tels que le modèle commercial ou les activités d’un tel établissement, restent stables à court et à moyen terme, de sorte qu’un établissement présentant jadis un profil de risque élevé, au regard des données datant de plus de cinq ans, peut continuer à présenter un tel profil à la fin de la période initiale. Ainsi, indépendamment de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de la position commerciale des établissements de crédit. Dans ces conditions, si de telles données essentielles étaient divulguées à travers la motivation de la décision attaquée, les opérateurs économiques actifs dans le secteur bancaire pourraient se fonder sur elles afin d’en déduire la position commerciale actuelle d’un établissement (arrêt du 17 juillet 2024, Landesbank Baden-Württemberg/CRU, T‑142/22, EU:T:2024:487, point 248).

238    Partant, il convient de considérer que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 235 ci-dessus, le CRU a démontré que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituaient encore des éléments essentiels de la position commerciale des établissements de crédit.

239    Dans ces conditions, le onzième moyen doit manifestement être rejeté.

2.      Sur le premier moyen, concernant la violation des dispositions de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous d), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 

240    La requérante soutient que, en la soumettant à l’obligation de contribuer au FRU, le CRU a violé les dispositions combinées de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous d), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

241    Certes, selon le libellé du règlement no 806/2014, tous les établissements titulaires d’un agrément bancaire, y compris la requérante, seraient assujettis, par principe, à l’obligation de contribuer au FRU. Cependant, le libellé d’une norme ne permettrait pas à lui seul d’établir la véritable teneur de celle-ci. D’une part, l’interprétation du droit secondaire devrait impérativement tenir compte des principes gouvernant les normes du droit primaire. D’autre part, la véritable teneur d’une norme juridique ne pourrait être déterminée qu’au regard de son sens et de sa finalité ainsi que de sa corrélation systémique à d’autres normes.

242    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

243    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 340 à 350 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

244    À cet égard, il ressort des considérations exposées aux points 103 à 107 ci-dessus que tous les établissements au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 23, de la directive 2014/59, lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, point 2, de cette même directive et l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement no 575/2013, doivent verser des contributions ex ante calculées sur la base nationale, conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59.

245    Il en va de même en ce qui concerne les contributions ex ante calculées sur la base de l’union. En effet, en vertu d’une lecture conjointe de l’article 3, paragraphe 1, point 13, du règlement no 806/2014, de l’article 3, paragraphe 2, de ce même règlement et de l’article 2, paragraphe 1, point 2, de la directive 2014/59, tous les établissements au sens de ces dispositions doivent verser de telles contributions, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014.

246    Or, la requérante ne conteste pas qu’elle constitue un établissement au sens de ces dispositions.

247    Par conséquent, la requérante relève du champ d’application personnel de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014 en tant qu’établissement tenu de verser des contributions ex ante.

248    Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments de la requérante.

249    En premier lieu, compte tenu des considérations énoncées au point 111 ci-dessus, la requérante ne saurait soutenir qu’il ressort de l’article 114 TFUE, base légale tant du règlement no 806/2014 que de la directive 2014/59, que les établissements en cours de démantèlement ne devraient, par principe, pas être assujettis à une contribution ex ante.

250    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’article 67, paragraphe 2, première phrase, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 14, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, limite la définition de la notion d’« établissement soumis au versement des contributions ex ante », puisqu’aucun des objectifs de la résolution énoncés à cet article 14 ne peut plus être atteint dans le cas d’un établissement en cours de démantèlement, tel que la requérante. Il en irait, notamment, ainsi pour l’objectif mentionné à l’article 14, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, à savoir l’assurance de la continuité des fonctions critiques, et pour l’objectif mentionné à l’article 14, paragraphe 2, sous b), dudit règlement, à savoir éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion.

251    À cet égard, il y a lieu de relever que les dispositions invoquées par la requérante ne précisent pas les objectifs du règlement no 806/2014 en tant que tels, mais ceux de la résolution. Or, en application de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU peut adopter une mesure de résolution uniquement lorsque les trois conditions prévues par l’article 18 de ce règlement sont remplies. Il s’ensuit que les éventuels établissements soumis à une résolution peuvent constituer une catégorie plus restreinte que celle des établissements soumis aux contributions ex ante. Les objectifs de la résolution ne sont ainsi pas déterminants pour l’étendue du champ d’application personnel du règlement no 806/2014 en ce qui concerne l’obligation de verser des contributions ex ante.

252    En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, son exclusion du champ d’application personnel de l’obligation de contribuer au FRU ne saurait pas non plus être déduite des éléments figurant à l’article 103, paragraphe 7, sous a), d) et g), de la directive 2014/59.

253    En effet, il découle des termes de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, ainsi que des termes de l’article 103, paragraphe 2, de cette même directive, que l’article 103, paragraphe 7, de ladite directive n’a pas vocation à définir le champ d’application personnel de l’obligation de verser des contributions ex ante. Cette disposition se borne à énumérer les éléments dont la Commission doit tenir compte lorsqu’elle adopte des actes délégués pour préciser la notion d’« adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements » visée à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59.

254    En dernier lieu, la requérante ne développe aucune argumentation autonome et ciblée concernant l’article 8, paragraphe 1, sous d), du règlement d’exécution 2015/81, qui irait au-delà de l’argumentation examinée ci-dessus. Le grief tiré d’une violation de cette disposition doit, dès lors, être rejeté.

255    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le grief tiré d’une violation des dispositions de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous d), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et, partant, le premier moyen dans son intégralité comme manifestement non-fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 20 et 16 de la Charte

256    Le troisième moyen s’articule, en substance, autour de deux branches.

a)      Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 20 de la Charte

257    La requérante fait valoir que la décision attaquée viole le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination tel qu’il est consacré à l’article 20 de la Charte, puisqu’elle est traitée de la même manière que des établissements qui ne sont pas en cours de démantèlement. À cet égard, elle souligne, d’une part, qu’elle utilise ses agréments bancaires uniquement aux fins de son démantèlement et, d’autre part, que son exposition au risque, sa probabilité de résolution et son importance pour la stabilité des marchés financiers sont très réduites, voire inexistantes.

258    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

259    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 356 à 373 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

260    L’article 20 de la Charte consacre le principe général du droit de l’Union d’égalité de traitement, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 95).

261    À cet égard, premièrement, il y a lieu d’examiner si un établissement en cours de démantèlement, tel que la requérante, se trouve dans une situation comparable à celle des autres établissements assujettis aux contributions ex ante.

262    Selon une jurisprudence constante, le caractère comparable de telles situations s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).

263    En ce qui concerne le but poursuivi par la réglementation dont la décision attaquée relève, il convient de rappeler que cette réglementation relève du domaine du MRU, dont la création vise, conformément au considérant 12 du règlement no 806/2014, à garantir une approche neutre dans le traitement des établissements défaillants, à renforcer la stabilité des établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres ne participant pas à ce mécanisme, afin de faciliter le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble.

264    En vue d’assurer un financement des activités du MRU, la directive 2014/59, le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63 ont instauré les contributions ex ante, dont la nature spécifique consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de cette directive et du considérant 41 de ce règlement, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et à encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

265    Eu égard à ces principes et à ces objectifs, la requérante soutient à tort que les établissements qui sont en cours de démantèlement se trouvent, en raison de ce démantèlement, dans une situation différente de celle des autres établissements assujettis aux contributions ex ante.

266    Premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il découle du considérant 102 du règlement no 806/2014, les contributions ex ante sont collectées auprès des établissements préalablement à toute opération de résolution et indépendamment de celle-ci.

267    Deuxièmement, conformément à l’article 67, paragraphe 4, et à l’article 70 du règlement no 806/2014 ainsi qu’à l’article 103 de la directive 2014/59, l’obligation de verser des contributions ex ante s’applique à tous les établissements titulaires d’un agrément bancaire en tant qu’établissements au sens des dispositions combinées de l’article 2, de l’article 3, paragraphe 1, point 13, de ce règlement ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, point 2, de cette directive.

268    Or, en l’espèce, la requérante ne conteste pas que, pendant la période de contribution concernée, elle était un établissement opérant avec un agrément bancaire au sens des dispositions mentionnées au point 267 ci-dessus, et ce indépendamment de son démantèlement.

269    Il s’ensuit que la requérante pouvait exercer des activités bancaires à travers lesquelles elle a pu exposer le système financier à un certain risque.

270    Troisièmement, la méthode de calcul des contributions ex ante, telle qu’elle a été instaurée par le règlement délégué 2015/63, est à même de refléter – d’une manière comparable à celle des autres établissements – les spécificités du profil de risque des établissements faisant l’objet d’un démantèlement.

271    En effet, la méthode de calcul des contributions ex ante prend en compte la taille des établissements par le biais du calcul de la contribution annuelle de base, cette dernière étant fondée sur un montant proportionnel du passif net de l’établissement concerné, rapporté au passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Ainsi, la contribution annuelle de base d’un établissement diminue en comparaison de celle des autres établissements et reflète ainsi sa situation spécifique si, dans le cadre d’un démantèlement, cet établissement réduit le montant de son passif net. En outre, les différents piliers et indicateurs de risque prévus à l’article 6 du règlement délégué 2015/63 permettent de tenir compte, d’une manière ciblée, de diverses caractéristiques des établissements, y compris des établissements faisant l’objet d’un démantèlement, de sorte qu’un tel établissement se voit imposer une contribution ex ante moins élevée lorsque son profil de risque diminue en raison d’un tel démantèlement.

272    Quatrièmement, contrairement à ce que la requérante soutient, les établissements en cours de démantèlement ne sont pas exclus de tout bénéfice que procure l’existence du FRU.

273    En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 80 ci-dessus, la seule existence de ce fonds contribue à la stabilité du secteur financier, laquelle profite à tous les établissements concernés, y compris les établissements qui font l’objet d’un démantèlement.

274    À cet égard, il convient de souligner que la possibilité non seulement de déclencher la résolution d’un établissement dont la défaillance est prévisible ou avérée, mais également de la faciliter, correspond à l’objectif poursuivi par la création du FRU. Or, la stabilité du secteur financier contribue à faciliter une telle résolution, puisqu’elle accroît la prévisibilité et l’efficacité de cette dernière.

275    Dans ces circonstances, la requérante n’a pas démontré qu’elle se trouvait dans une situation différente de celle des établissements qui ne sont pas en cours de démantèlement, compte tenu des principes et des objectifs énoncés aux points 263 et 264 ci-dessus.

276    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les contributions ex ante constitueraient une « taxe bancaire » qui méconnaîtrait « l’impératif d’égalité de traitement fiscal imposé par l’article 20 de la Charte ».

277    Sur ce point, d’une part, il y a lieu de relever que la requérante ne précise ni le contenu ni la portée de l’« impératif d’égalité de traitement fiscal imposé par l’article 20 de la Charte ». D’autre part, la prémisse sur laquelle la requérante se fonde, à savoir celle selon laquelle les contributions ex ante constituent des « taxes » ou des dispositions fiscales, est erronée pour les motifs exposés aux points 68 à 85 ci-dessus.

278    Eu égard à ce qui précède, la première branche du troisième moyen doit manifestement être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’article 16 de la Charte

279    La requérante fait valoir que la décision attaquée viole la liberté d’entreprise, telle qu’elle est consacrée à l’article 16 de la Charte, puisque cette décision lui inflige des désavantages hors de proportion avec les objectifs que ladite décision vise à atteindre. En effet, il serait, notamment, exclu que les contributions ex ante puissent jamais être utilisées à son profit ou à celui d’établissements se trouvant dans une situation similaire, car les conditions de recours aux instruments de résolution ne seraient pas remplies dans son cas.

280    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

281    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 377 à 388 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

282    La protection conférée par l’article 16 de la Charte comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre (voir arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 79 et jurisprudence citée).

283    Cependant, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue. Elle peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, points 45 et 46 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, points 80 et 81 et jurisprudence citée).

284    Cette circonstance trouve, notamment, son reflet dans la manière dont il convient d’apprécier les actes de l’Union au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 47, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 82).

285    Conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés consacrés par la Charte doit être prévue par la loi, respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés et, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui (arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 48, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 83).

286    En l’espèce, à supposer que l’obligation faite à la requérante de verser des contributions ex ante constitue une ingérence dans sa liberté d’entreprise, il y a tout d’abord lieu de relever que cette obligation découle, notamment, des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et des articles 102 et 103 de la directive 2014/59, de sorte qu’elle est prévue par la loi.

287    Ensuite, l’obligation de verser des contributions ex ante poursuit un objectif d’intérêt général. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 1 du règlement délégué 2015/63, les dispositifs de financement pour la résolution doivent disposer de ressources financières suffisantes pour permettre un fonctionnement efficace du mécanisme de résolution. Par conséquent, il est loisible au CRU de percevoir des contributions ex ante auprès des établissements concernés afin de financer la mise en œuvre dudit mécanisme, ce dernier visant à renforcer la stabilité de ces établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres non participants, ainsi qu’il a été relevé aux points 52 à 62 ci-dessus.

288    En outre, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément qui permettrait de constater que, eu égard à cet objectif, l’obligation de contribuer au FRU constituerait une intervention démesurée ou intolérable portant atteinte à la substance même de sa liberté d’entreprise.

289    Enfin, en ce qui concerne le principe de proportionnalité, la requérante ne démontre pas, en particulier, qu’il existe des moyens moins restrictifs que le versement des contributions ex ante pour permettre d’atteindre d’une manière aussi efficace les objectifs poursuivis par le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59, tels que, notamment, celui d’assurer que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

290    Dans ces circonstances, la requérante ne saurait reprocher à la décision attaquée une méconnaissance de l’article 16 de la Charte.

291    Ainsi, la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée.

292    De même, doit être rejeté le grief soulevé dans le cadre du troisième moyen selon lequel le fait que le CRU fonde sa décision sur le règlement délégué 2015/63 et que celui-ci ne prescrive pas d’exemption en ce qui concerne les contributions ex ante pour des établissements comme la requérante ne saurait remédier à la violation, par la décision attaquée, des articles 20 et 16 de la Charte, car ce règlement délégué violerait, lui aussi, ces dispositions en ce qu’il aurait pour effet d’imposer à la requérante une obligation de verser des contributions ex ante.

293    En effet, dès lors qu’une telle référence au règlement délégué 2015/63 doit être comprise en ce sens que la requérante soulève une exception d’illégalité à l’encontre de ce règlement délégué, au motif d’une violation des articles 20 et 16 de la Charte, il convient de rejeter une telle exception d’illégalité pour les motifs exposés aux points 261 à 267 et 283 à 289 ci-dessus.

294    Partant, le troisième moyen doit manifestement être rejeté dans son intégralité.

4.      Sur le quatrième moyen, en ce qu’il est tiré de l’applicabilité directe de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 ainsi que d’une application par analogie de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63

295    Le quatrième moyen contient deux griefs qui portent sur la légalité de la décision attaquée.

a)      Sur le grief portant sur l’applicabilité directe de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59

296    La requérante soutient que, en ayant refusé d’exclure le portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC du calcul des contributions ex ante, le CRU a méconnu l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 qui fixe les critères pour l’adaptation des contributions annuelles de base au profil de risque des établissements. Des opérations fiduciaires telles que la gestion de ce portefeuille, que la requérante détient à titre fiduciaire pour le compte de l’EAA, n’emporteraient pas une exposition au risque pour elle. Une telle absence d’exposition au risque devrait être prise en considération aux fins du calcul des contributions ex ante en vertu de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59. Cette disposition serait applicable au calcul desdites contributions en vertu de l’article 70, paragraphe 2, sous b), du règlement no 806/2014.

297    Le CRU conteste cette argumentation.

298    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 406 à 412 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

299    Il est vrai que l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement s’appuie sur une contribution qui est adaptée en fonction du profil de risque de l’établissement concerné et qui est fondée sur les critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

300    Cependant, cette disposition n’indique pas que le CRU est tenu d’adapter la contribution ex ante directement au regard de tels critères.

301    En revanche, il ressort du libellé même de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, auquel l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit règlement fait référence et qui prévoit l’adoption d’un acte délégué pour mettre en œuvre les critères prévus à cet article 103, paragraphe 7, que le législateur de l’Union n’a pas entendu que ces derniers critères soient d’une application directe aux ARN telles que le CRU.

302    Il en va d’autant plus ainsi que l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 dispose que les actes délégués précisant la notion d’adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements, adoptés par la Commission au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, s’appliquent au calcul des contributions ex ante sur le fondement de ce règlement.

303    Il découle de ce qui précède qu’il n’incombait pas sur le CRU d’adapter la contribution ex ante de la requérante directement au regard des critères prévus par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, mais qu’il lui appartenait de le faire sur le fondement des critères plus précis qui sont prévus par le règlement délégué 2015/63 et qui mettent en œuvre ces premiers critères.

304    Or, l’article 5 du règlement délégué 2015/63 énumère, d’une manière exhaustive, les passifs que le CRU est tenu d’exclure aux fins du calcul de la contribution annuelle de base des établissements, étant entendu que les passifs détenus à titre fiduciaire ne sont pas mentionnés dans cette disposition.

305    Partant, la requérante ne saurait soutenir que le CRU devait, sur la base de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 et indépendamment des cas visés à l’article 5 du règlement délégué 2015/63, exclure les passifs relatifs aux activités fiduciaires de la requérante lors du calcul de sa contribution annuelle de base, au motif que ces passifs ne présenteraient pas de risque.

306    Par conséquent, le présent grief du quatrième moyen doit manifestement être rejeté.

b)      Sur le grief, invoqué à titre subsidiaire, portant sur l’analogie avec des prêts de développement

307    À titre subsidiaire, la requérante prétend que le CRU aurait dû appliquer par analogie l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC qu’elle détient à titre fiduciaire. En effet, tout comme l’établissement intermédiaire en matière de prêts de développement, le mandataire fiduciaire constituerait, aux fins de la liquidation des passifs fiduciaires, une simple étape entre le partenaire originaire au contrat dérivé et le fiduciant.

308    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

309    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 416 à 419 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

310    L’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 exclut du calcul des contributions ex ante certains passifs détenus dans le cas des établissements qui gèrent des prêts de développement.

311    La notion de « prêt de développement » est définie à l’article 3, point 28, de ce règlement délégué comme couvrant les prêts octroyés par une banque de développement ou un établissement intermédiaire sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif en vue de promouvoir les objectifs de politique publique d’une administration centrale ou régionale d’un État membre.

312    Or, d’une part, il ressort des écritures de la requérante qu’elle ne gère pas de tels prêts, de sorte qu’elle ne constitue pas un établissement visé par l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63.

313    D’autre part, le CRU ne peut pas appliquer par analogie l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 aux passifs liés à des activités fiduciaires. En effet, ladite disposition ne confère pas au CRU le pouvoir discrétionnaire d’exclure certains passifs, au titre de l’adaptation en fonction du profil de risque des établissements, des contributions annuelles de base, mais énumère, au contraire, de manière précise et exhaustive les conditions dans lesquelles un passif fait l’objet d’une telle exclusion (voir arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 93).

314    Ainsi, le dernier grief du quatrième moyen et, partant, le quatrième moyen dans son entièreté, doivent manifestement être rejetés.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, en raison de l’omission de prendre en considération la valeur nette des passifs liés aux contrats sur des instruments dérivés

315    Avant d’examiner le cinquième moyen, il convient de rappeler le contenu des dispositions pertinentes du règlement délégué 2015/63, tel qu’il s’appliquait au moment de l’adoption de la décision attaquée.

316    L’article 5, paragraphe 1, de ce règlement délégué, qui fait partie de la section 2 dudit règlement délégué, énumère six hypothèses d’exclusion des passifs du calcul des contributions ex ante.

317    Selon l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63, aux fins de cette section, le montant annuel moyen, calculé trimestriellement, des passifs visés à l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement délégué qui découlent de contrats sur instruments dérivés est valorisé conformément aux articles 429, 429 bis et 429 ter du règlement no 575/2013.

318    L’article 5, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63 énonce que, toutefois, la valeur attribuée aux passifs découlant de contrats sur instruments dérivés ne peut pas être inférieure à 75 % de la valeur des mêmes passifs résultant de l’application des dispositions comptables applicables à l’établissement concerné aux fins de l’élaboration des états financiers (ci-après la « valeur comptable »).

319    Enfin, l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 prévoit que, aux fins de la section 2 de ce règlement délégué, le total du passif visé à l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement délégué exclut la valeur comptable des passifs découlant de contrats sur instruments dérivés et inclut la valeur correspondante calculée conformément à l’article 5, paragraphe 3, de ce même règlement délégué.

320    La requérante soutient que la décision attaquée a violé l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, puisque le CRU a calculé sa contribution ex ante sur la base d’une valeur de ses contrats dérivés qu’elle appelle une « valeur brute » au lieu d’une valeur de ces contrats qu’elle appelle une « valeur nette ».

321    Il découle de ses écritures que la requérante entend par cette notion de « valeur nette » une valeur de ses passifs qui exclut des passifs qui ne présentent pas de risque, alors que ladite « valeur brute » inclurait de tels passifs. Selon la requérante, les passifs dépourvus de risque sont notamment ceux liés au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC, étant donné que la requérante jouit d’une protection intégrale et effective contre les risques émanant de ces passifs.

322    Cette protection découlerait d’un accord de compensation conclu entre la requérante et l’EAA, par lequel cette dernière prendrait en charge les risques liés au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC.

323    Dans ce contexte, il importerait peu de savoir comment les dispositions du règlement no 575/2013 traitent divers passifs liés au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC. Ce règlement poursuivrait une autre finalité que la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014. Certes, l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63 disposerait que, s’agissant des types de passif à exclure des engagements d’un établissement en application de l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement délégué, le montant des engagements découlant de contrats dérivés doit être valorisé conformément aux articles 429, 429 bis et 429 ter du règlement no 575/2013. Or, ces dernières dispositions régiraient le calcul de ce qu’il est convenu d’appeler le ratio de levier, qui, comme il découlerait des considérants 91 à 94 du règlement no 575/2013, est un paramètre étranger au risque provenant du droit prudentiel.

324    En revanche, le calcul des contributions ex ante ajustées en fonction du profil de risque des établissements devrait, dans le respect du principe de proportionnalité, tenir notamment compte de l’exposition au risque de transactions. Il s’en déduirait, aux fins de l’inclusion des passifs dans l’assiette pour le calcul des contributions ex ante, qu’il ne serait pas possible de retenir les passifs couverts par l’accord de compensation que la requérante a conclu avec l’EAA. Dans ces conditions, le renvoi par l’article 5, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63 aux dispositions du règlement no 575/2013 ne pourrait pas couvrir tous les engagements résultant des instruments dérivés, mais seulement les engagements présentant à tout le moins un risque.

325    Le CRU conteste cette argumentation.

326    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 432 à 436 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

327    Selon l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, aux fins de la section 2 de ce règlement délégué, qui inclut cet article 5, le total du « passif visé au paragraphe 1 » de l’article 5, dudit règlement délégué exclut la valeur comptable des passifs découlant de contrats sur instruments dérivés et inclut la valeur correspondante calculée conformément au paragraphe 3 de ce même article.

328    Aux termes de l’article 5, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63, le montant annuel moyen, calculé trimestriellement, des « passifs visés au paragraphe 1 » de l’article 5, de ce règlement délégué, qui découlent de contrats sur instruments dérivés, est valorisé conformément aux articles 429, 429 bis et 429 ter du règlement no 575/2013.

329    Il ressort ainsi du libellé même de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63 que ces dispositions s’appliquent uniquement aux passifs visés au paragraphe 1 de cet article.

330    Or, il découle du point 313 ci-dessus que les passifs liés au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63.

331    En outre, la requérante n’explique pas quelle autre hypothèse prévue par l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 serait applicable aux passifs liés au portefeuille d’instruments dérivés EAA-OTC.

332    Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante dans le cadre de son cinquième moyen, qui est fondée sur une prétendue violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, est inopérante et que le cinquième moyen doit ainsi manifestement être rejeté.

6.      Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, en raison de la qualification de la requérante d’établissement au sens de cette dernière disposition

333    La requérante soutient que la décision attaquée contrevient aux dispositions combinées de l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 et de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63, en ce que cette décision qualifie la requérante en tant qu’un établissement en restructuration au sens de cette dernière disposition, ce qui majore son multiplicateur d’ajustement.

334    Comme le règlement délégué 2015/63 aurait été adopté en vertu de l’article 103, paragraphes 7 et 8, de la directive 2014/59 et que celle-ci aurait institué à l’échelon de l’Union le premier régime unifié de redressement et de résolution des établissements bancaires, les aides d’État ou financements équivalents, qui sont visés à l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63, se référeraient aux seules prestations de soutien consenties dans le cadre de la directive 2014/59 ou à compter de son entrée en vigueur. Cette interprétation serait corroborée par le libellé des considérants 41 et 55, de l’article 2, paragraphe 1, point 28, et de l’article 31, paragraphe 2, sous c), de ladite directive.

335    Or, les prestations versées à la requérante par l’EAA lui auraient été accordées, à l’époque, au moyen des fonds d’État en vertu de la réglementation nationale et avant l’entrée en vigueur de la directive 2014/59, et non au moyen de ressources du FRU en vertu de cette directive ou du règlement no 806/2014. En conséquence, le CRU n’ aurait pas dû lui appliquer la valeur maximale pour l’indicateur de risque « la mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

336    Le CRU conteste cette argumentation.

337    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 442 à 458 de son arrêt du 29 mai 2024, Portigon/CRU (T‑360/21, EU:T:2024:332). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

338    L’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement délégué 2015/63 dispose que le pilier de risque IV se compose, parmi d’autres indicateurs de risque, de l’indicateur de risque « la mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

339    En vertu de l’article 2, paragraphe 1, point 28, de la directive 2014/59, lu en conjonction avec l’article 3, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63, l’on entend par « soutien financier public exceptionnel », une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ou tout autre soutien financier public au niveau supranational qui, s’il était accordé au niveau national, constituerait une aide d’État, qui est accordé dans le but de préserver ou de rétablir la viabilité, la liquidité ou la solvabilité d’un établissement.

340    En l’espèce, d’une part, il est constant que la requérante a été mise en restructuration après avoir reçu une telle aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

341    D’autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que cette aide ait été octroyée avant l’entrée en vigueur de la directive 2014/59 n’a pas d’impact sur la circonstance que celle-ci relève de l’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, point 28, de cette directive 2014/59.

342    En effet, ni le libellé de l’article 2, paragraphe 1, point 28, de la directive 2014/59 ni celui de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 ne comporte aucune indication qui limiterait l’application dans le temps de cette dernière disposition dans le sens allégué par la requérante.

343    Cette conclusion est confirmée par la finalité de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63. En effet, ainsi que le CRU l’a soutenu en substance, le risque qu’un établissement, qui a été mis en restructuration après avoir reçu un soutien financier public exceptionnel, éprouve à nouveau des difficultés financières n’est pas diminué par le simple fait que ce soutien a été octroyé avant l’entrée en vigueur de la directive 2014/59.

344    Dans ces conditions, le CRU a considéré, à juste titre, que la requérante tombait dans le champ d’application de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63, et lui a appliqué, conformément à cette disposition, la valeur maximale pour l’indicateur de risque « la mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

345    Cette conclusion n’est pas infirmée par la thèse de la requérante selon laquelle il convient d’interpréter l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 à la lumière du considérant 55 et de l’article 31, paragraphe 2, sous c), de la directive 2014/59, si bien que l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 ne concerne que la période postérieure à l’entrée en vigueur de la directive 2014/59.

346    Aux termes du considérant 55 de la directive 2014/59 « les instruments de résolution devraient être mis en œuvre avant toute injection de fonds publics ou soutien public équivalent de nature exceptionnelle à un établissement ». Selon l’article 31, paragraphe 2, sous c), de cette directive, l’un des objectifs de résolution est de « protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours aux aides financières publiques exceptionnelles ».

347    Or, il suffit de relever que le considérant 55 et l’article 31, paragraphe 2, sous c), de la directive 2014/59 concernent les modalités d’une éventuelle application des instruments de résolution établis par la directive 2014/59 et non le calcul des contributions ex ante. Ainsi, aucune conclusion ne saurait en être tirée pour l’interprétation de l’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement délégué 2015/63.

348    La même conclusion s’impose s’agissant des arguments de la requérante tirés de l’extrait du considérant 41 de la directive 2014/59 selon lequel « [u]n établissement ne devrait pas être considéré comme défaillant ou susceptible de l’être du simple fait qu’un soutien financier public exceptionnel lui a été accordé avant l’entrée en vigueur de [cette] directive ».

349    À cet égard, la requérante s’appuie sur une lecture partielle de ce considérant. En effet, comme il ressort de la première phrase de celui-ci (« [l]e cadre de résolution devrait prévoir une ouverture rapide de la procédure de résolution, avant que l’établissement financier ne présente un actif net négatif et voie se tarir tous ses fonds propres »), ledit considérant vise les modalités de déclenchement d’une procédure de résolution. Par conséquent, aucune conclusion ne saurait en être tirée pour l’interprétation de l’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement délégué 2015/63, lu à la lumière de l’article 2, paragraphe 1, point 28, de la directive 2014/59, qui porte sur le calcul des contributions ex ante.

350    De même, la requérante ne saurait s’appuyer sur le fait qu’une partie du libellé de l’article 2, paragraphe 1, point 28, de la directive 2014/59 (à savoir « qui est accordé dans le but de préserver ou de rétablir la viabilité, la liquidité ou la solvabilité d’un établissement ») est formulée au présent de l’indicatif.

351    En effet, comme le juge de l’Union l’a déjà constaté [voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, X (Mandat d’arrêt européen – Double incrimination), C‑717/18, EU:C:2020:142, point 20], le présent de l’indicatif est communément employé dans la réglementation de l’Union afin d’exprimer le caractère obligatoire d’une disposition. Il s’ensuit qu’il ne saurait en être inféré une quelconque indication quant à ses effets temporels.

352    Enfin, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel l’application de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63 aux mesures de soutien antérieures à l’entrée en vigueur de la directive 2014/59 compromettrait des procédures de restructuration, en méconnaissance de l’effet utile de cette directive.

353    À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que cette directive même, à son article 103, paragraphe 7, sous e), prévoit qu’il y a lieu de tenir compte, dans le cadre du calcul des contributions ex ante, de la mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel, sans préciser que ce soutien doit avoir été accordé après son entrée en vigueur.

354    D’autre part, comme il a été rappelé aux points 80 et 274 ci-dessus, l’un des objectifs de la directive 2014/59 est de renforcer la stabilité des marchés financiers, ce qui facilite les établissements tels que la requérante dans l’achèvement de leur démantèlement, que ce processus ait débuté avant ou après l’entrée en vigueur de cette directive.

355    Eu égard à ce qui précède, le sixième moyen doit manifestement être rejeté.

7.      Sur le douzième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

356    La requérante soutient que le CRU a violé le principe de sécurité juridique en adoptant la décision attaquée avec effet rétroactif. Ce principe interdirait de fixer le point de départ de l’application d’un acte à une date antérieure à sa publication, à moins que l’objectif poursuivi l’exige et que la confiance légitime de la personne concernée soit prise en compte, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.

357    Le CRU conteste cette argumentation.

358    Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 162 à 164 et 167 à 173 de son arrêt du 21 février 2024, NRW. Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.

359    La décision attaquée a été adoptée le 8 août 2022 et, conformément à ce que prévoit l’article 4 de son dispositif, elle a pris effet le 16 avril 2019, à savoir au moment de l’adoption de la décision initiale.

360    Aux considérants 191 à 198 de la décision attaquée, le CRU a exposé les raisons pour lesquelles il avait fixé les effets dans le temps de cette décision de la manière décrite au point 359 ci-dessus. Il a, notamment, précisé qu’il avait procédé ainsi afin de maintenir le titre juridique par lequel la contribution ex ante de la requérante pour 2019 avait été perçue en 2019 et de préserver la validité du paiement de cette contribution par la requérante.

361    Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que la portée d’un acte de l’Union dans le temps voie son point de départ fixé à une date antérieure à son adoption, sauf lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l’exige et la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 45, et du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 102 et jurisprudence citée).

362    Par ailleurs, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la décision attaquée a une véritable portée rétroactive, ainsi que la requérante le fait valoir par son douzième moyen, il convient de relever que les conditions mentionnées au point 361 ci-dessus sont, en tout état de cause, remplies en l’espèce.

363    En effet, d’une part, la requérante n’allègue pas que le caractère rétroactif de la décision attaquée méconnaît le principe de protection de la confiance légitime. Au demeurant, rien n’indique que la confiance légitime de la requérante ou celle de tiers n’a pas été dûment respectée dans les circonstances de l’espèce.

364    D’autre part, s’agissant de la question de savoir si les buts à atteindre par la décision attaquée exigeaient que cette dernière prenne effet à une date antérieure à la date de son adoption, il convient de tenir compte du contexte dans lequel cette décision a été prise.

365    Ainsi que cela découle des considérants 15 à 18 de la décision attaquée, cette dernière a été adoptée afin de remédier au défaut de motivation de la décision initiale que la Cour a constaté dans son arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601) et ses ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162) et CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), sans que cette décision, cet arrêt ou ces ordonnances aient modifié la portée de l’obligation de la requérante de verser une contribution ex ante pour la période de contribution 2019, telle qu’elle avait été arrêtée par la décision initiale et telle qu’elle avait existé pour cette période de contribution.

366    En effet, le calcul de la contribution ex ante de la requérante pour ladite période de contribution ainsi que le montant de cette contribution étaient les mêmes tant dans la décision initiale que dans la décision attaquée. À cet égard, le CRU a, notamment, relevé, au considérant 20 de la décision attaquée, que cette dernière était « basée sur les données collectées, les hypothèses formulées, les étapes préparatoires entreprises et la méthodologie appliquée dans le cadre de la procédure de 2019 menant à l’adoption de [la décision initiale] ». Ainsi, le seul élément nouveau introduit par la décision attaquée était une motivation plus étendue du calcul de la contribution ex ante de la requérante pour 2019.

367    Dans ces conditions particulières, si le CRU n’avait pas adopté la décision attaquée en lui donnant effet à compter de la date d’effet de la décision initiale, la décision attaquée n’aurait pas pu déployer ses effets pendant la période allant du 16 avril 2019 au 8 août 2022, au cours de laquelle la requérante aurait été dispensée de son obligation de verser une contribution ex ante pour la période de contribution 2019, alors qu’elle était soumise à cette obligation en vertu de l’article 2, de l’article 67, paragraphe 4, et des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014. De même, au cours de cette période, le FRU aurait été privé, en méconnaissance de ces mêmes dispositions, des fonds provenant des contributions ex ante de la requérante, ce qui aurait porté atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63 (voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 176 et 177).

368    Par conséquent, le fait d’adopter la décision attaquée avec effet à compter du 16 avril 2019 visait à assurer une concomitance entre l’applicabilité de la décision attaquée et le moment auquel l’obligation de la requérante de verser une contribution ex ante pour 2019 avait pris naissance et, ainsi, à éviter un résultat contraire à la réglementation applicable. Or, l’atteinte d’un tel but exigeait que cette décision voie son entrée en vigueur fixée à une date antérieure à celle de son adoption.

369    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel il n’existe aucun but légitime justifiant l’effet prétendument rétroactif de la décision attaquée, étant donné que les juridictions de l’Union ont jusqu’à présent uniquement statué sur le respect des formes substantielles à l’égard de la requérante au travers des différents recours qu’elle a introduits contre le CRU.

370    À cet égard, il suffit de constater, à l’instar du CRU, que cet argument est dépourvu de pertinence au regard des principes énoncés par la jurisprudence rappelée au point 361 ci-dessus.

371    Eu égard à ce qui précède, le douzième moyen doit manifestement être rejeté.

C.      Conclusion

372    Il ressort de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

V.      Sur les dépens

373    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le CRU, conformément aux conclusions de ce dernier.

374    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement, le Conseil et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Portigon AG est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de résolution unique.

3)      Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 17 janvier 2025.

Le greffier

 

Le président

T. Henze, greffier adjoint

 

A. Kornezov


Table des matières


I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du présent recours

II. Décision attaquée

III. Conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur les exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63

1. Sur le premier moyen, en ce qu’il est fondé sur des exceptions d’illégalité

a) Sur le premier moyen, en ce qu’il est tiré d’exceptions d’illégalité du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59

b) Sur le premier moyen, en ce qu’il est tiré d’exceptions d’illégalité du règlement délégué 2015/63

1) Sur la première exception d’illégalité, tirée de ce que le règlement délégué 2015/63 dépasse les compétences conférées à la Commission par la directive 2014/59

2) Sur la deuxième exception d’illégalité, tirée de ce que le règlement délégué 2015/63 viole des éléments essentiels de la directive 2014/59

3) Sur la troisième exception d’illégalité, tirée de la subdélégation de pouvoir au CRU

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une exception d’illégalité du règlement délégué 2015/63, au motif qu’il viole l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte

3. Sur le quatrième moyen, en ce qu’il est tiré de l’illégalité du règlement délégué 2015/63

a) Sur le grief portant sur une incompatibilité du règlement délégué 2015/63 avec l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59

b) Sur le grief portant sur l’incompatibilité du règlement délégué 2015/63 avec l’article 114 TFUE, en ce que la Commission aurait dû tenir compte des modalités nationales divergentes de mise en œuvre de la directive 86/635

B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1. Sur le onzième moyen, tiré d’une motivation insuffisante de la décision attaquée

2. Sur le premier moyen, concernant la violation des dispositions de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous d), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59

3. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 20 et 16 de la Charte

a) Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 20 de la Charte

b) Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’article 16 de la Charte

4. Sur le quatrième moyen, en ce qu’il est tiré de l’applicabilité directe de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 ainsi que d’une application par analogie de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63

a) Sur le grief portant sur l’applicabilité directe de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59

b) Sur le grief, invoqué à titre subsidiaire, portant sur l’analogie avec des prêts de développement

5. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, en raison de l’omission de prendre en considération la valeur nette des passifs liés aux contrats sur des instruments dérivés

6. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, en raison de la qualification de la requérante d’établissement au sens de cette dernière disposition

7. Sur le douzième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

C. Conclusion

V. Sur les dépens



*      Langue de procédure : l’allemand.

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