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Document 61994TJ0271

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 11 juillet 1996.
Eugénio Branco Ldª contre Commission des Communautés européennes.
Recours en annulation - Fonds social européen - Réduction d'un concours financier initialement accordé - Absence d'acte attaquable - Irrecevabilité.
Affaire T-271/94.

Recueil de jurisprudence 1996 II-00749

Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:1996:103

61994A0271

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 11 juillet 1996. - Eugénio Branco Ldª contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Fonds social européen - Réduction d'un concours financier initialement accordé - Absence d'acte attaquable - Irrecevabilité. - Affaire T-271/94.

Recueil de jurisprudence 1996 page II-00749


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

Politique sociale ° Fonds social européen ° Concours au financement d' actions de formation professionnelle ° Réduction d' un concours initialement octroyé ° Compétence exclusive de la Commission ° Subrogation des États membres dans les droits de la Communauté prévue par l' article 6, paragraphe 2, du règlement n 2950/83 ° Subrogation limitée au droit à répétition né de la décision de réduction du concours arrêtée par la Commission ° Recours en annulation introduit par le bénéficiaire suite à une décision purement nationale portant réduction de la contribution nationale et injonction de restituer certains montants ° Irrecevabilité faute d' acte attaquable

(Traité CE, art. 173; règlement du Conseil n 2950/83, art. 6, § 1)

Sommaire


Si toute autorité nationale compétente en matière de financement des actions du Fonds social européen a la possibilité de proposer, dans une demande de paiement du solde conformément à l' article 5, paragraphe 4, du règlement n 2950/83 portant application de la décision n 83/516 concernant les missions du Fonds, de réduire un concours financier accordé par celui-ci, c' est, toutefois, la Commission qui statue sur les demandes de paiement du solde et c' est à elle, et à elle seule, qu' appartient le pouvoir de réduire un concours financier conformément à l' article 6, paragraphe 1, du règlement susvisé. Il s' ensuit que c' est la Commission qui assume, à l' égard du bénéficiaire du concours, la responsabilité juridique de la décision par laquelle son concours est réduit, indépendamment du point de savoir si cette réduction a été proposée ou non par l' autorité nationale concernée.

La Commission étant le titulaire exclusif du droit de réduire les concours, l' autorité nationale compétente ne peut être subrogée dans ce droit. En outre, la subrogation visée à l' article 6, paragraphe 2, du règlement ne porte nullement sur les pouvoirs conférés par l' article 6, paragraphe 1, mais uniquement sur les droits de la Communauté à la répétition des avances indûment versées. L' État membre n' est subrogé dans ces droits que dans la mesure où il verse à la Commission les sommes à rembourser par le responsable financier d' une action. Or, seules les sommes versées au bénéficiaire qui n' ont pas été utilisées dans les conditions fixées par la décision d' agrément donnent lieu à répétition. Comme l' appréciation de la conformité de l' utilisation du concours financier par rapport à cette décision incombe à la seule Commission, la subrogation suppose donc une décision préalable de celle-ci.

En l' absence de toute décision de la Commission de non-paiement du solde ou de réduction d' un concours au sens de l' article 6, paragraphe 1, qui aurait pour objet de modifier la position juridique du bénéficiaire d' un concours résultant des décisions d' agrément, un recours tendant à l' annulation de la réduction d' un concours est irrecevable, faute d' acte attaquable au sens de l' article 173.

Les décisions d' une autorité nationale portant réduction de la contribution financière nationale et injonction de restituer certains montants revêtant un caractère purement national et n' étant en rien imputables à une institution communautaire, elles échappent au contrôle du juge communautaire, le contrôle de la validité des mesures nationales d' exécution des actes communautaires relatifs aux concours litigieux appartenant à la juridiction nationale compétente, qui peut, en application de l' article 177 du traité, déférer à la Cour de justice la question de la validité des actes communautaires.

Parties


Dans l' affaire T-271/94,

Eugénio Branco Ld.a, société de droit portugais, établie à Lisbonne, représentée par Me Bolota Belchior, avocat au barreau de Vila Nova de Gaia, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Jacques Schroeder, 6, rue Heine,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d' annulation d' une décision prétendument prise par la défenderesse et notifiée par lettre du Departamento para os Assuntos do Fundo Social Europeu (département pour les affaires du Fonds social européen) du 25 mai 1994 et par lettre de la défenderesse du 16 juin 1994, portant, d' une part, rejet d' une demande de paiement du solde des concours financiers accordés à la requérante par le Fonds social européen pour deux programmes de formation et, d' autre part, réduction de ces concours financiers et répétition d' avances versées antérieurement par le Fonds social européen et l' État portugais,

LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. R. Schintgen, président, R. García-Valdecasas et J. Azizi, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l' audience du 4 juin 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Cadre réglementaire

1 Selon l' article 1er, paragraphe 2, sous a), de la décision 83/516/CEE du Conseil, du 17 octobre 1983, concernant les missions du Fonds social européen (JO L 289, p. 38), celui-ci participe au financement d' actions de formation et d' orientation professionnelle. En vertu de l' article 5, paragraphe 1, de la même décision, le concours du Fonds social européen (ci-après "FSE") est octroyé à raison de 50 % des dépenses éligibles, sans qu' il puisse toutefois dépasser le montant de la contribution financière des pouvoirs publics de l' État membre intéressé.

2 L' article 1er du règlement (CEE) n 2950/83 du Conseil, du 17 octobre 1983, portant application de la décision 83/516/CEE concernant les missions du Fonds social européen (JO L 289, p. 1, ci-après "règlement"), énumère les dépenses qui peuvent faire l' objet d' un concours du FSE.

3 L' agrément donné par le FSE à une demande de financement entraîne, en application de l' article 5, paragraphe 1, du règlement, le versement, à la date prévue pour le début de l' action de formation, d' une avance égale à 50 % du concours. En vertu du paragraphe 4 du même article, les demandes de paiement du solde contiennent un rapport détaillé sur le contenu, les résultats et les aspects financiers de l' action concernée; l' État membre concerné certifie l' exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement.

4 Conformément à l' article 7, paragraphe 1, du règlement, tant la Commission que l' État membre concerné peuvent contrôler l' utilisation du concours. L' article 7 de la décision 83/673/CEE de la Commission, du 22 décembre 1983, concernant la gestion du Fonds social européen (JO L 377, p. 1, ci-après "décision 83/673"), prescrit à l' État membre enquêtant sur l' utilisation d' un concours, en raison d' une présomption d' irrégularité, d' avertir la Commission sans délai.

5 Enfin, selon les dispositions de l' article 6, paragraphe 1, du règlement, lorsque le concours du FSE n' est pas utilisé dans les conditions fixées par la décision d' agrément, la Commission peut suspendre, réduire ou supprimer ce concours, après avoir donné à l' État membre concerné l' occasion de présenter ses observations. Le paragraphe 2 de cet article dispose que les sommes versées qui n' ont pas été utilisées dans les conditions fixées par la décision d' agrément donnent lieu à répétition, et que, dans la mesure où il verse à la Communauté les sommes à rembourser par les responsables financiers de l' action, l' État membre est subrogé dans les droits de la Communauté.

Faits à l' origine du litige

6 La défenderesse a agréé, par décisions notifiées à la requérante par le Departamento para os Assuntos do Fundo Social Europeu (département pour les affaires du Fonds social européen, ci-après "DAFSE") respectivement les 31 avril et 27 mai 1987, deux concours financiers de 11 736 792 ESC (dossier n 870302 P3) et de 82 700 897 ESC (dossier n 870301 P1) destinés à des programmes de formation.

7 Le 24 juillet 1987, la requérante a perçu une avance en application de l' article 5, paragraphe 1, du règlement.

8 A l' issue des formations, qui se sont déroulées du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1987, elle a introduit auprès du DAFSE des demandes de paiement du solde des concours.

9 Par deux lettres du 24 avril 1989, le DAFSE a informé la défenderesse qu' il avait suspendu le versement du solde, en application de l' article 7 de la décision 83/673.

10 Le 30 juillet 1990, il l' a informée qu' il considérait certaines dépenses inéligibles et qu' il avait autorisé le remboursement des sommes correspondantes qu' elle avait versées à la requérante à titre d' avances.

11 Par lettres du même jour, reçues le lendemain, le DAFSE a enjoint à la requérante de lui restituer dans un délai de dix jours les avances de 1 535 946 ESC (dossier n 870302 P3) et de 4 399 475 ESC (dossier n 870301 P1), versées par le FSE, et de 1 256 683 ESC (dossier n 870302 P3) et de 3 599 570 ESC (dossier n 870301 P1), versées par l' État portugais au titre de la contribution nationale. L' ordre de restitution précisait qu' il ne préjugeait en rien des corrections qui s' avéreraient nécessaires à la suite d' enquêtes effectuées par les organismes compétents et, dans le dossier n 870301 P1, d' une décision de la défenderesse.

12 Par courriers du 13 septembre 1993, le DAFSE a notifié à la requérante deux décisions n s 82/93 et 84/93 du 1er septembre 1993. Celles-ci faisaient état de la subrogation du DAFSE dans les droits de la défenderesse et menaçaient la requérante d' un recouvrement fiscal au cas où elle ne lui restituerait pas dans les huit jours les sommes qu' il avait remboursées à la défenderesse.

13 Par lettre du 12 mai 1994, la requérante a demandé au DAFSE de l' informer sur les motifs pour lesquels la défenderesse n' avait pas encore pris de décision sur ces dossiers.

14 Le 25 mai 1994, le DAFSE a envoyé à la requérante la lettre suivante:

"[...]

1. Certes, aux termes de l' article 6 du règlement (CEE) n 2950/83 du Conseil, du 17 octobre 1983, la décision finale sur les demandes de paiement de solde relève de la Commission des Communautés européennes, qui peut suspendre, réduire ou supprimer le concours du Fonds lorsqu' il n' a pas été utilisé conformément aux conditions fixées par la décision d' approbation de la demande de concours.

2. Toutefois, la CCE fait dépendre sa décision des résultats de la vérification de l' exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans les demandes de paiement du solde, qui doit être certifiée par les États membres [article 5, paragraphe 4, du règlement (CEE) n 2950/83]. La Commission estime, en effet, que les États membres sont mieux en mesure d' apprécier la légalité, l' éligibilité, le caractère raisonnable et la réalité des coûts imputés par les bénéficiaires aux actions concernées.

3. Sur le plan national, il appartient au DAFSE de certifier, sur les plans factuel et comptable, l' exactitude des éléments contenus dans les demandes de paiement de solde [article 2, sous d), du décret-loi n 37/91 du 18 janvier 1991], soit lui-même, soit par l' intermédiaire d' un tiers accrédité à cet effet sauf par l' inspecteur général des finances, qui dispose d' une compétence propre pour effectuer des audits financiers.

4. C' est ainsi que les actions réalisées par la société Eugénio Branco dans le cadre des dossiers 870301 P1 et 870302 P3 ont fait l' objet d' un audit financier effectué par l' inspection générale des finances.

5. Après réexamen, par les agents du DAFSE, des demandes de paiement de solde concernées, en tenant compte des résultats de l' audit mentionné sous le point précédent, le DAFSE a transmis à la Commission sa décision sur les demandes par lettres n s 8241 et 8243 du 30 juillet 1990, dont une copie est jointe en annexe.

6. Par ailleurs, la Commission ne transmet sa décision que lorsque celle-ci ne concorde pas avec les décisions de l' État membre, ou lorsque la décision d' agrément entraîne le paiement d' une somme déterminée à titre de solde.

7. Or, dans le cas d' espèce, la décision de l' État membre sur les demandes de paiement de solde des dossiers 870301 P1 et 870302 P3 a été négative, de sorte que le DAFSE a immédiatement remboursé à la Commission les sommes dues par la société Eugénio Branco, telles qu' elles résultent de la décision (voir les autorisations de paiement n s 1399/90, 1400/90, 1401/90 et 1402/90, toutes du 30 juillet 1990, annexées aux lettres n s 8241 et 8243).

C' est pourquoi la Commission n' a pas transmis sa décision sur les demandes de paiement, puisque l' État membre, ayant payé, est subrogé dans les droits de la Communauté, conformément à l' article 6, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 2950/83, et, par conséquent, elle a considéré que ces dossiers étaient clos.

[...]"

15 Par lettre du 30 mai 1994, la requérante a demandé à la défenderesse la raison pour laquelle elle n' avait pas encore pris de décision finale sur ces dossiers.

16 La défenderesse a répondu le 16 juin 1994, par la lettre suivante:

"[...]

Je tiens à vous informer que les autorités portugaises ont averti les services du Fonds social européen que les dossiers en cause ressortissent à l' article 7 de la décision de la Commission n 83/673/CEE, du 22 décembre 1983, qui dispose:

' Lorsque la gestion d' une action pour laquelle un concours a été accordé fait l' objet d' une enquête en raison d' une présomption d' irrégularité, l' État membre en avertit la Commission sans délai.'

Le DAFSE (département des affaires du Fonds social européen) étant l' interlocuteur officiel du Fonds social européen au Portugal, une copie de votre lettre a été envoyée ce jour à cet organisme afin qu' il vous communique toutes informations utiles.

[...]"

Procédure

17 La requérante a déposé la requête introductive du présent recours le 22 juillet 1994.

18 Par acte déposé le 29 septembre 1994, la défenderesse a soulevé une exception d' irrecevabilité sans engager le débat au fond, conformément à l' article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 10 novembre 1994.

19 En application de l' article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a, par lettre du 9 juin 1995, demandé à la requérante si elle avait attaqué devant les tribunaux nationaux les actes notifiés par lettres du DAFSE du 30 juillet 1990. Il a également invité la défenderesse à produire l' (les) acte(s) contenant l' (les) éventuelle(s) décision(s) de non-versement du solde et de réduction du concours qu' elle aurait prise(s) dans le cadre des dossiers litigieux.

20 La requérante a répondu qu' elle n' avait pas saisi les juridictions nationales.

21 La défenderesse a précisé: "[...] la Commission n' a pas adopté une décision formelle de non-paiement du solde ou de réduction, aux termes de l' article 6 du règlement (CEE) n 2950/83 du Conseil [...] En effet, l' État membre, par le biais de son interlocuteur le DAFSE, ayant constaté des irrégularités dans la gestion des actions de formation litigieuses a suspendu la demande de paiement du solde [...] aux termes de l' article 7 de la décision 83/673".

22 Par ordonnance du 14 juillet 1995, le président de la troisième chambre a joint l' exception d' irrecevabilité au fond.

23 Par la suite, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle l' affaire a, par conséquent, été attribuée.

24 L' audience a eu lieu le 4 juin 1996. Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

25 Le président de la cinquième chambre a clos la procédure orale par décision du 18 juin 1996.

Conclusions des parties

26 La requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° annuler la décision de la Commission, notifiée à la requérante par lettre du DAFSE du 25 mai 1994 et par lettre de la Commission du 16 juin 1994, qui a statué sur la demande de paiement du solde de concours du FSE, en considérant comme non éligibles certaines dépenses présentées par la requérante, et qui lui a imposé:

a) dans le dossier n 870302 P3: la restitution de 1 535 946 ESC au FSE et de 1 256 683 ESC à l' État portugais, en interdisant à la requérante de recevoir les sommes de 991 009 ESC du FSE et de 810 826 ESC de l' État portugais;

b) dans le dossier n 870301 P1: la restitution de 4 399 475 ESC au FSE et de 3 599 570 ESC à l' État portugais, en interdisant à la requérante de recevoir les sommes de 8 589 002 ESC du FSE et de 7 027 365 ESC de l' État portugais;

° condamner la Commission aux dépens.

27 La défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° déclarer le recours irrecevable ou, en toute hypothèse, non fondé;

° condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

Exposé sommaire des moyens et arguments des parties

28 La défenderesse soulève une fin de non-recevoir tirée de l' absence d' acte susceptible d' être attaqué devant le juge communautaire et, subsidiairement, de l' expiration des délais de recours.

29 Selon elle, lorsque les autorités de l' État membre concerné concluent à l' existence d' irrégularités et remboursent à la Communauté les avances indûment versées au bénéficiaire du concours, ces autorités sont alors subrogées dans les droits de la défenderesse. Cette subrogation conférerait aux autorités nationales concernées le pouvoir exclusif de réduire un concours qu' elle aurait initialement agréé. Ce ne serait que dans l' hypothèse où, malgré la certification factuelle et comptable effectuée par l' État membre en application de l' article 5, paragraphe 4, du règlement, elle détecterait des dépenses excessives ou injustifiées qu' il lui incomberait de prendre une décision motivée de réduction du concours. En revanche, elle ne pourrait pas modifier la demande de versement du solde dans un sens plus favorable au bénéficiaire. Il découlerait de ces principes que les litiges nés à l' occasion d' une réduction opérée par les autorités nationales lorsqu' elles sont ainsi subrogées dans les droits de la défenderesse relèveraient du droit national. Le Tribunal serait, par conséquent, incompétent pour en connaître.

30 La défenderesse allègue n' avoir pris, en l' espèce, aucune décision susceptible d' être attaquée devant la juridiction communautaire et, plus particulièrement, aucune décision de réduction de concours. Pareilles décisions auraient été prises par le DAFSE dans l' exercice des pouvoirs qu' il tirait des droits de la défenderesse, dans lesquels il était subrogé.

31 A supposer même qu' elle ait pris de telles décisions, celles-ci auraient été incorporées dans les lettres du DAFSE du 30 juillet 1990. La référence à une éventuelle décision des organes compétents ne les priverait pas de leur caractère définitif, car cette précision ne viserait que d' éventuelles corrections comptables à effectuer par les autorités compétentes. Il s' en déduirait que la requérante savait, depuis le 1er août 1990, qu' elle devait restituer les sommes litigieuses. Par conséquent, le recours serait tardif.

32 Enfin, la lettre du DAFSE du 25 mai 1994 et sa propre lettre du 16 juin 1994 revêtiraient un caractère purement informatif et ne constitueraient dès lors pas des décisions susceptibles d' être attaquées en application de l' article 173 du traité CE. A supposer qu' elles incluent des décisions, ces lettres ne contiendraient que des actes confirmatifs de la subrogation dont la requérante aurait eu connaissance au plus tard à la suite, d' une part, des décisions du DAFSE n s 82/93 et 84/93 qui lui ont été notifiées le 13 septembre 1993 et, d' autre part, de la procédure de recouvrement fiscal engagée contre elle relativement aux dossiers litigieux. La défenderesse demande au Tribunal d' ordonner une mesure d' instruction au titre de l' article 66 du règlement de procédure pour vérifier que la requérante avait effectivement connaissance de la subrogation du DAFSE et du caractère national du litige.

33 La requérante relève que les lettres du DAFSE du 30 juillet 1990 émanent d' un organisme national et soutient qu' elles ne sont pas imputables à la défenderesse.

34 Elle infère des passages de ces lettres annonçant des enquêtes ("[...] après avoir réexaminé le dossier en question, les dépenses suivantes ont été considérées comme non éligibles [...] sans préjuger des corrections qui seront nécessaires à la suite des enquêtes effectuées par les organismes compétents") et, en ce qui concerne le dossier n 870301 P1, une décision de la défenderesse ("[...] sans préjuger des corrections [...] et de la décision que la CCE prendra sur ce dossier") qu' elles constituent de simples actes préparatoires. Elle se prévaut à cet égard de la jurisprudence relative à la notion d' acte attaquable (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 8; arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p. II-367, points 42 et 46) et de l' arrêt de la Cour du 5 décembre 1963, Henricot/Haute Autorité (23/63, 24/63 et 52/63, Rec. p. 439, 455), dans lequel la Cour a jugé qu' une décision définitive suppose que ses destinataires soient en mesure de reconnaître clairement qu' ils se trouvent en présence d' un tel acte.

35 Selon elle, ces lettres du 30 juillet 1990 n' incorporaient pas ni n' évoquaient des décisions de la défenderesse, car celle-ci n' en avait pas pris à cette date. Faute d' acte initial, l' acte attaqué ne pourrait pas être confirmatif.

36 La requérante aurait attendu les résultats des enquêtes et la décision définitive de la défenderesse, mais n' aurait jamais été informée de l' existence d' une telle décision ni d' un quelconque paiement ou refus de paiement. Or, l' article 5, paragraphe 5, du règlement prescrirait la fourniture de cette information.

37 La requérante signale enfin ne pas avoir connaissance d' une quelconque procédure de recouvrement fiscal engagée contre elle.

Appréciation du Tribunal

38 La défenderesse fait valoir en substance qu' elle n' a pas pris de décision dans le cas d' espèce, car il ne lui appartient pas de prendre une décision de réduction de concours lorsque l' autorité nationale estime que certaines dépenses ne sont pas éligibles et qu' elle rembourse à la Commission les avances indûment versées au bénéficiaire. En pareil cas, l' autorité nationale serait subrogée dans les droits de la Commission, y compris dans celui de réduire un concours.

39 Cette thèse ne peut pas être accueillie. En effet, le DAFSE, ainsi que toute autre autorité nationale compétente en matière de financement des actions du FSE, a la possibilité de proposer, dans une demande de paiement du solde conformément à l' article 5, paragraphe 4, du règlement, de réduire un concours financier du FSE. Toutefois, c' est la Commission qui statue sur les demandes de paiement du solde, et c' est à elle ° et à elle seule ° qu' incombe le pouvoir de réduire un concours financier du FSE, conformément à l' article 6, paragraphe 1, du règlement. Il s' ensuit que c' est la Commission qui assume, à l' égard du bénéficiaire d' un concours du FSE, la responsabilité juridique de la décision par laquelle son concours est réduit, indépendamment du point de savoir si cette réduction a été proposée ou non par l' autorité nationale concernée (arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Commission/Branco, T-85/94, Rec. p. II-0000, points 23 et 24).

40 Dès lors, il appartient à la Commission, et non à l' État membre, de se prononcer sur la conformité des dépenses exposées par le bénéficiaire avec les conditions qu' elle a imposées dans la décision d' agrément, l' État membre étant uniquement appelé à coopérer avec la Commission pour en contrôler le respect.

41 Dans ces conditions, la Commission étant, en vertu de l' article 6, paragraphe 1, du règlement, le titulaire exclusif du droit de réduire les concours du FSE, le DAFSE ne peut être subrogé dans ce droit.

42 Du reste, la subrogation visée à l' article 6, paragraphe 2, du règlement ne porte nullement sur les pouvoirs conférés par l' article 6, paragraphe 1, mais uniquement sur les droits de la Communauté à la répétition des avances indûment versées.

43 L' État membre est subrogé dans ces droits dans la mesure où il verse à la Commission les sommes à rembourser par le responsable financier d' une action (article 6, paragraphe 2, in fine). Or, seules les sommes versées au bénéficiaire qui n' ont pas été utilisées dans les conditions fixées par la décision d' agrément donnent lieu à répétition (article 6, paragraphe 2, première phrase). Comme l' appréciation de la conformité de l' utilisation du concours financier incombe à la seule Commission, la subrogation suppose donc une décision préalable de celle-ci.

44 En l' espèce, il y a lieu d' examiner si la défenderesse a pris une décision de réduction des concours au sens de l' article 6, paragraphe 1, du règlement.

45 A cet égard, le Tribunal rappelle que, pour qu' un acte puisse avoir valeur de décision, il faut que ses destinataires soient mis en mesure de reconnaître clairement qu' ils se trouvent en présence d' un tel acte (arrêt Henricot/Haute Autorité, précité, p. 455).

46 Or, il ne ressort pas de la lettre du DAFSE du 25 mai 1994 que la défenderesse ait pris une quelconque décision de réduction de concours ou de non-paiement du solde. Au contraire, le DAFSE y expose les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas devoir prendre une telle décision lorsque, comme en l' espèce, l' autorité nationale décide elle-même de réduire le concours. Partant, on ne saurait l' interpréter en ce sens qu' elle aurait notifié une telle décision.

47 L' absence de pareille décision de la défenderesse est d' ailleurs corroborée par la lettre du 16 juin 1994. Celle-ci fait en effet référence à l' article 7 de la décision 83/673. Or, cet article a trait à l' hypothèse où le concours fait l' objet d' une enquête. Il se déduit dès lors de cette lettre que, à la date du 16 juin 1994, une enquête était toujours en cours et que, ainsi, la défenderesse n' avait pas encore pris de décision sur le sort des concours litigieux.

48 En outre, une telle décision ne saurait se déduire du remboursement par le DAFSE d' une partie des avances versées à la requérante, la défenderesse n' ayant pas exigé le remboursement de ces sommes.

49 Du reste, tant dans ses mémoires que dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal (voir ci-dessus point 21) et à l' audience, la défenderesse a constamment nié avoir pris une décision de réduction de concours ou de non-paiement du solde.

50 La requérante n' a, par ailleurs, pas établi l' existence d' un quelconque autre acte de la défenderesse qui aurait eu pour objet de modifier la position juridique résultant de ses décisions d' agrément des 31 avril et 27 mai 1987.

51 Il n' est en conséquence pas établi que la défenderesse ait pris une décision de réduction des concours ou de non-paiement du solde.

52 Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut que constater l' absence, dans la présente procédure, d' un acte susceptible de recours au sens de l' article 173 du traité.

53 En tout état de cause, étant donné que seule la Commission est habilitée à réduire un concours du FSE, les décisions du DAFSE des 30 juillet 1990 et 1er septembre 1993 portant réduction de la contribution financière nationale et injonction de restituer certains montants (voir ci-dessus points 11 et 12) revêtent un caractère purement national et ne sont en rien imputables à une institution communautaire. Elles échappent au contrôle du juge communautaire, car il appartient à la juridiction nationale compétente de contrôler la validité des mesures nationales d' exécution des actes communautaires relatifs aux concours litigieux. A cette occasion, le juge national peut, en application de l' article 177 du traité, déférer à la Cour de justice la question de la validité de ces actes communautaires.

54 Dès lors, le recours en annulation est irrecevable à défaut d' acte attaquable au sens de l' article 173 du traité, sans qu' il soit nécessaire d' accéder à la demande de la défenderesse tendant à l' adoption de la mesure d' instruction visée ci-dessus au point 32.

55 A supposer même que le recours puisse être considéré comme un recours en carence dirigé, en application de l' article 175, troisième alinéa, du traité, contre l' absence de décision sur les demandes de paiement du solde, il serait irrecevable en raison du non-respect des formalités essentielles prévues à l' article 175, deuxième alinéa, du traité.

56 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

57 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l' article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, du même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l' autre partie les frais qu' elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

58 En l' espèce, la défenderesse a manqué à ses responsabilités en ne statuant pas sur les demandes de paiement du solde. Sa lettre du 16 juin 1994 n' a fait qu' ajouter à la confusion quant au sort des concours litigieux. Enfin, elle a, sans avancer aucun argument sérieux, persévéré à tort dans son analyse, nonobstant l' arrêt Commission/Branco, précité, rendu entre les mêmes parties, qui indiquait clairement qu' elle seule a le pouvoir de réduire un concours financier du FSE. Ces différents éléments ont obligé la requérante à exposer des frais inutiles. En conséquence, il y a lieu de faire application de l' article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure et de condamner la défenderesse à l' ensemble des dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) La défenderesse est condamnée aux dépens.

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