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Document 62016CO0615

Order of the Court (Seventh Chamber) of 21 November 2017.
Giovanna Judith Kerr v Fazenda Pública.
Request for a preliminary ruling from the Supremo Tribunal Administrativo.
Reference for a preliminary ruling — Taxation — Value added tax (VAT) — Directive 2006/112/EC — Article 15(2) and Article 135(1)(f) — Rights to use immovable property — Exemptions — Scope — Concept of ‘negotiation’.
Case C-615/16.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:906

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

21 novembre 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 15, paragraphe 2, et article 135, paragraphe 1, sous f) – Droits d’exploitation de biens immeubles – Exonérations – Champ d’application – Notion de “négociation” »

Dans l’affaire C‑615/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal), par décision du 26 octobre 2016, parvenue à la Cour le 28 novembre 2016, dans la procédure

Giovanna Judith Kerr

contre

Fazenda Pública,

LA COUR (septième chambre)

composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, Mmes C. Toader et A. Prechal, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo et R. Campos Laires, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. A. Caeiros et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 2, et de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci‑après la « directive TVA »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Giovanna Judith Kerr à la Fazenda Pública (Trésor public, Portugal) au sujet, notamment, de la qualification, aux fins de l’application des dispositions relatives aux exonérations de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de l’activité de démarchage de clientèle, de promotion et de commercialisation de droits d’exploitation de biens immeubles, effectuée par Mme Kerr.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 15, paragraphe 2, de la directive TVA :

« Les États membres peuvent considérer comme biens corporels :

a)      certains droits sur les biens immeubles ;

b)      les droits réels donnant à leur titulaire un pouvoir d’utilisation sur les biens immeubles ;

c)      les parts d’intérêts et actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble. »

4        Conformément à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de cette directive, les États membres exonèrent « les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres, à l’exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits ou titres visés à l’article 15, paragraphe 2 » de ladite directive.

 Le droit portugais

5        L’article 9, paragraphe 27, sous e), du Código do Imposto sobre o Valor Acrescentado (code de la taxe sur la valeur ajoutée, ci-après le « CIVA ») prévoit que sont exemptés de la TVA, notamment, « [l]es opérations et services, y compris la négociation, mais à l’exception de la simple garde et administration ou gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres, à l’exclusion des titres représentatifs de marchandises et des titres représentatifs d’opérations sur des biens immeubles lorsqu’elles ont été effectuées pour une durée inférieure à 20 ans ».

 Le litige au principal et la question préjudicielle

6        Mme Kerr a exercé, depuis le mois de février 2010, une activité professionnelle, en tant que prestataire de services, pour Leisure Dimensions Limited Sucursal em Portugal et Soc. Gestão Financeira Central Oura Lda (ci-après, respectivement, « LDL » et « SGF »), deux sociétés dont l’objet social est la commercialisation de droits d’exploitation de biens immeubles.

7        En particulier, il ressort de la décision de renvoi que les services fournis par Mme Kerr consistaient en la prospection de clientèle, la promotion des services commercialisés par ces sociétés et la négociation, dans les limites qui lui étaient imposées, des contrats y afférents. Dans le cadre de cette activité, Mme Kerr aurait été initialement placée sous le régime d’exonération prévu à l’article 9 du CIVA.

8        À la suite d’un contrôle opéré par l’Autoridade Tributária e Aduaneira (autorité fiscale et douanière, Portugal), le 2 juillet 2014, cette dernière a émis un avis de paiement au titre de la TVA, portant sur les exercices fiscaux 2011 à 2014, au motif que les opérations auxquelles Mme Kerr s’était livrée dans le cadre de son activité professionnelle ne pouvaient bénéficier de cette exonération et étaient, partant, taxables.

9        La réclamation introduite par Mme Kerr contre cet avis de paiement ayant été rejetée, elle a formé un recours devant le Tribunal Administrativo e Fiscal de Loulé (tribunal administratif et fiscal de Loulé, Portugal).

10      Ce recours ayant été également rejeté par cette juridiction, Mme Kerr a saisi la juridiction de renvoi, le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal), d’un pourvoi, estimant, d’une part, que, en modifiant rétroactivement son régime, l’autorité fiscale et douanière avait porté atteinte aux principes de non-rétroactivité et de sécurité juridique. D’autre part, Mme Kerr fait valoir que son activité ne peut relever que de l’exonération visée à l’article 9, paragraphe 27, sous e), du CIVA.

11      À cet égard, la juridiction de renvoi indique que cette disposition de droit national transpose en droit interne l’article 135, paragraphe 1, sous f), et l’article 15, paragraphe 2, de la directive TVA.

12      La juridiction de renvoi a décidé d’écarter les prétentions de Mme Kerr relatives à une modification rétroactive du régime fiscal auquel elle était soumise. Toutefois, nourrissant des doutes quant à la qualification des activités de Mme Kerr, elle considère qu’une interprétation de ces dispositions de la directive TVA est nécessaire afin qu’elle soit en mesure de déterminer si les opérations en cause dans le litige au principal doivent être exonérées du paiement de la TVA.

13      Dans ce contexte, le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 135, paragraphe 1, sous f), et l’article 15, paragraphe 2, de la [directive TVA] [...] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils ne couvrent que les parties aux contrats de vente de droits d’exploitation de biens immeubles ou peuvent-ils également être interprétés en ce sens qu’ils couvrent également l’activité de la requérante au [principal] qui consiste à prospecter de la clientèle et à promouvoir des services dont elle assure la vente au nom de l’entreprise qui les commercialise, en fonction de directives et de limites préalablement fixées en ce qui concerne les réductions et les offres promotionnelles ? »

 Sur la question préjudicielle

14      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

15      La Cour estime que tel est le cas dans la présente affaire.

 Observations liminaires

16      Il convient tout d’abord de constater que, comme la Commission européenne l’a relevé à juste titre, la décision de renvoi n’indique ni quels sont les « droits d’utilisation de biens immeubles » ni sous quelle forme ces droits étaient commercialisés, durant les années en cause dans l’affaire au principal, par LDL et SGF, pour le compte desquelles Mme Kerr a exercé son activité, et que, en outre, il n’est pas précisé si la République portugaise a fait usage de la faculté prévue à l’article 15, paragraphe 2, de la directive TVA.

17      Par ailleurs, le gouvernement portugais et la Commission soulignent que la décision de renvoi ne permet pas de déterminer avec certitude si l’activité de Mme Kerr consistait également à conclure les négociations qu’elle menait pour le compte de LDL et de SGF par la signature d’un contrat.

18      Dans le cadre de ses observations écrites, le gouvernement portugais fait valoir que, dans le litige au principal, sont exclusivement en cause des opérations liées à des « droits sur des logements touristiques », qui confèrent uniquement à leur titulaire la possibilité de bénéficier de programmes de logement dans des complexes hôteliers ou de type hôtelier à certaines périodes de l’année.

19      En ce qui concerne en revanche la question de l’article 15, paragraphe 2, il ne ressort pas clairement des observations soumises par ce gouvernement si, et dans quelle mesure, l’État membre concerné a fait usage de la possibilité prévue à cette disposition.

20      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci respecte scrupuleusement les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle et figurant de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, dont la juridiction de renvoi est censée avoir connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2016, Ognyanov, C‑614/14, EU:C:2016:514, points 18 et 19 ainsi que jurisprudence citée).

21      En effet, les informations contenues dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, mais également à donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (voir, notamment, ordonnance du 3 juillet 2014, Talasca, C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 23).

22      Toutefois, en vertu de l’esprit de coopération qui préside aux rapports entre les juridictions nationales et la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle, l’absence de certaines constatations préalables par la juridiction de renvoi ne conduit pas nécessairement à l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle si, malgré ces défaillances, la Cour, eu égard aux éléments qui ressortent du dossier, estime qu’elle est en mesure de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, CASTA e.a., C‑50/14, EU:C:2016:56, point 48 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 8 septembre 2016, Google Ireland et Google Italy, C‑322/15, EU:C:2016:672, point 24).

23      En l’occurrence, d’une part, les explications fournies par la juridiction de renvoi, bien que lacunaires, permettent néanmoins à la Cour de comprendre les raisons pour lesquelles une interprétation du droit de l’Union est utile pour la solution du litige au principal. D’autre part, de telles explications ont permis de surcroît, aux États membres et aux autres intéressés, au sens de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de présenter utilement leurs observations.

24      Partant, la demande de décision préjudicielle est recevable.

 Sur le champ d’application de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA

25      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 2, et l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que la notion de « négociation », au sens de cette dernière disposition, est susceptible de concerner une activité, telle que celle développée par la requérante au principal, qui consiste à prospecter de la clientèle et à promouvoir des services concernant des droits d’exploitation de biens immeubles, dont elle assure la vente au nom des entreprises qui les commercialisent, en fonction de directives et de limites préalablement fixées.

26      Avant d’analyser la notion d’activité de « négociation », il convient de relever, toutefois, que la question de savoir si une activité telle que celle exercée par Mme Kerr peut bénéficier de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA dépend, tout d’abord, des caractéristiques juridiques et économiques des contrats qu’elle promouvait et négociait pour le compte de LDL et de SGF.

27      En particulier, comme le gouvernement portugais et la Commission l’ont souligné, l’exonération des prestations de services qui consistent en une éventuelle « négociation », au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, exige que soient en cause des « titres », au sens de cette même disposition.

28      Dans ce contexte, il convient de fournir à la juridiction de renvoi les éléments d’interprétation nécessaires de la notion de « titre », au sens de cette disposition, en vue de lui permettre de statuer utilement sur le litige dont elle est saisie.

 Sur la notion de « titre » au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA

29      Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, les États membres exonèrent les opérations portant sur « les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres ».

30      À cet égard, il y a lieu de souligner, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les opérations exonérées de la TVA en vertu de cette disposition sont des opérations réalisées sur le marché des valeurs mobilières (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 1997, SDC, C‑2/95, EU:C:1997:278, point 72, et du 29 octobre 2009, SKF, C‑29/08, EU:C:2009:665, point 48), et elle constituent, par leur nature, des opérations financières (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Granton Advertising, C‑461/12, EU:C:2014:1745, point 29).

31      En deuxième lieu, il ressort du libellé de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA que l’exonération y prévue porte spécifiquement sur des opérations relatives, d’une part, à des titres conférant un droit de propriété sur des personnes morales et, d’autre part, à des titres représentant une dette (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Granton Advertising, C‑461/12, EU:C:2014:1745, point 27).

32      En troisième lieu, la Cour a également jugé que les « autres titres » visés par cette exonération doivent être d’une nature juridique comparable tant aux titres spécifiquement visés par les opérations exonérées sur la base de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA qu’à ceux expressément exclus de cette exonération, à savoir les titres représentatifs de marchandises ainsi que les parts d’intérêts et les actions, dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble, pour autant que ces dernières sont considérées comme biens corporels par l’État membre conformément à l’article 15, paragraphe 2, sous c), de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Granton Advertising, C‑461/12, EU:C:2014:1745, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée).

33      Cette interprétation est conforme à la jurisprudence de la Cour selon laquelle les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 135 de la directive TVA sont d’interprétation stricte, étant donné que lesdites exonérations constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. Toutefois, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir les exonérations visées audit article 135 doivent être interprétés d’une manière que priverait celles-ci de leurs effets (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 2013, Woningstichting Maasdriel, C‑543/11, EU:C:2013:20, point 25, ainsi que du 12 juin 2014, Granton Advertising, C‑461/12, EU:C:2014:1745, point 25 et jurisprudence citée).

34      Partant, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans le litige au principal, les opérations effectuées par Mme Kerr peuvent être considérées comme étant des « opérations financières », au sens de la jurisprudence de la Cour, au motif qu’elles sont réalisées sur des titres d’une nature juridique comparable à celle des titres spécifiquement mentionnés à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA.

35      Tel serait le cas, en l’occurrence, si les droits d’exploitation de biens immeubles commercialisés par Mme Kerr pour le compte de LDL et de SGF sont, directement ou indirectement, soumis à la condition que l’acheteur acquière une participation dans une société ou soit titulaire d’une créance dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance de l’intégralité ou d’une fraction de ces biens immeubles.

 Sur l’exception à l’exonération prévue à l’article 15, paragraphe 2, de la directive TVA

36      Ainsi que la Commission l’a souligné dans ses observations écrites, il convient de rappeler que l’exonération de TVA prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA ne s’applique pas aux parts d’intérêts et aux actions relatives aux biens immeubles si l’État membre concerné a exercé la faculté prévue audit article 15, paragraphe 2.

37      En effet, conformément à cette disposition, les États membres peuvent considérer comme biens corporels notamment les parts d’intérêts et les actions dont la possession assure en droit ou en fait l’attribution en propriété ou en jouissance d’un bien immeuble ou d’une fraction d’un bien immeuble.

38      Partant, si la juridiction de renvoi devait considérer que les opérations en cause au principal entrent dans le champ d’application de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1,sous f), de la directive TVA, il incombe également à cette juridiction de vérifier si, pour ce qui concerne les droits en cause au principal, la République portugaise a exercé la faculté prévue à l’article 15, paragraphe 2, de cette directive et, par conséquent, si l’exception à l’exonération de la TVA est applicable en l’occurrence.

39      Il résulte de ce qui précède que, eu égard aux caractéristiques des droits d’exploitation des biens immeubles en cause au principal ainsi que des contrats conclus par Mme Kerr, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les opérations effectuées par cette dernière peuvent être considérées comme des opérations financières portant sur des titres revêtant une nature juridique comparable à celle des titres visés à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA et si, le cas échéant, sur la base du droit national, l’exception à l’exonération prévue à l’article 15, paragraphe 2, de cette directive s’applique pour lesdits droits.

 Sur la notion de « négociation », au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA

40      Tout d’abord, en ce qui concerne la portée de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les opérations sur les actions et sur les autres titres sont réalisées sur le marché des valeurs mobilières et que le commerce des titres comporte des actes qui changent la situation juridique et financière entre les parties, comparables à ceux qui existent dans le cas d’un virement ou d’un paiement (arrêt du 5 juillet 2012, DTZ Zadelhoff, C‑259/11, EU:C:2012:423, point 22).

41      Les termes « opérations [...] portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres » visent, dès lors, des opérations susceptibles de créer, de modifier ou d’éteindre les droits et obligations des parties sur des titres (arrêt du 13 décembre 2001, CSC Financial Services, C‑235/00, EU:C:2001:696, point 33).

42      Ensuite, concernant plus précisément la notion d’activité de « négociation », il convient de relever, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que ce terme vise une activité exercée par une personne intermédiaire qui n’occupe pas la place d’une partie à un contrat portant sur un produit financier et dont l’activité est différente des prestations contractuelles typiques fournies par les parties à de tels contrats. En effet, l’activité de négociation est un service fourni à une partie à un contrat et rémunéré par celle-ci en tant qu’activité distincte d’entremise. Elle peut consister, entre autres, à lui indiquer les occasions de conclure un tel contrat, à entrer en contact avec l’autre partie et à négocier au nom et pour le compte du client les détails des prestations réciproques. La finalité de cette activité est donc de faire le nécessaire pour que deux parties concluent un contrat, sans que le négociateur ait un intérêt propre quant au contenu du contrat (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2001, CSC Financial Services, C‑235/00, EU:C:2001:696, point 39, ainsi que du 5 juillet 2012, DTZ Zadelhoff, C‑259/11, EU:C:2012:423, point 27).

43      À cet égard, la Cour a déjà précisé que les activités d’entremise, qui consistent en la recherche, contre le paiement d’une rémunération, d’acquéreurs pour des biens immeubles qui ont été, par la suite, vendus et cédés moyennant des transferts d’actions, sans que l’intermédiaire ait un intérêt propre quant au contenu de ces contrats, sont des activités qui correspondent au terme de « négociation » portant sur des actions et des parts de sociétés ou d’associations, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2012, DTZ Zadelhoff, C‑259/11, EU:C:2012:423, point 28).

44      En revanche, la fourniture d’une simple prestation matérielle, technique ou administrative qui n’entraîne pas de modification de la situation juridique et financière entre les parties n’est pas couverte par l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA (arrêt du 13 décembre 2001, CSC Financial Services, C‑235/00, EU:C:2001:696, point 28).

45      De même, la Cour a déjà jugé que les termes « négociation portant sur les titres » ne visent pas les services se limitant à fournir des informations sur un produit financier et, le cas échéant, à réceptionner et à traiter les demandes de souscription des titres correspondants, sans les émettre (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2001, CSC Financial Services, C‑235/00, EU:C:2001:696, point 41).

46      Or, il ressort de la décision de renvoi, d’une part, que l’activité développée par Mme Kerr consiste à prospecter de la clientèle et à promouvoir des services dont elle assure la vente au nom de l’entreprise qui les commercialise, en fonction de directives et de limites préalablement fixées en ce qui concerne les réductions et les offres promotionnelles et, d’autre part, que Mme Kerr n’est pas partie aux contrats qu’elle négocie.

47      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que l’article 15, paragraphe 2, et l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que la notion de « négociation », au sens de cette dernière disposition, est susceptible de concerner une activité telle que celle développée par la requérante au principal, à condition que ladite activité soit celle d’un intermédiaire rémunéré pour fournir un service à l’une des parties à un contrat relatif à des opérations financières portant sur des titres, ce service consistant à faire le nécessaire pour que le vendeur et l’acheteur signent ce contrat, sans que l’intermédiaire signe lui-même ledit contrat et, en tout cas, sans qu’il ait un intérêt propre quant au contenu de ce même contrat. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont réunies dans le litige dont elle est saisie. 

 Sur les dépens

48      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

L’article 15, paragraphe 2, et l’article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que la notion de « négociation », au sens de cette dernière disposition, est susceptible de concerner une activité, telle que celle développée par la requérante au principal, à condition que ladite activité soit celle d’un intermédiaire rémunéré pour fournir un service à l’une des parties à un contrat relatif à des opérations financières portant sur des titres, ce service consistant à faire le nécessaire pour que le vendeur et l’acheteur signent ce contrat, sans que l’intermédiaire signe lui-même ledit contrat et, en tout cas, sans qu’il ait un intérêt propre quant au contenu de ce même contrat. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ces conditions sont réunies dans le litige dont elle est saisie. 

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.

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