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Document 62019TO0734
Order of the General Court (Sixth Chamber) of 20 January 2021.#Oriol Junqueras i Vies v European Parliament.#Case T-734/19.
Order of the General Court (Sixth Chamber) of 20 January 2021.
Oriol Junqueras i Vies v European Parliament.
Case T-734/19.
Order of the General Court (Sixth Chamber) of 20 January 2021.
Oriol Junqueras i Vies v European Parliament.
Case T-734/19.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2021:15
DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)
20 janvier 2021 (*)
« Recours en annulation – Droit institutionnel – Membre du Parlement – Privilèges et immunités – Demande de prendre d’urgence une initiative pour confirmer l’immunité d’un député européen – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »
Dans l’affaire T‑734/19,
Oriol Junqueras i Vies, demeurant à Sant Joan de Vilatorrada (Espagne), représenté par Me A. Van den Eynde Adroer, avocat,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par MM. F. Drexler, N. Görlitz et Mme C. Burgos, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la lettre du 22 août 2019 par laquelle le président du Parlement a rejeté la demande de prendre d’urgence une initiative visant à confirmer l’immunité du requérant, présentée le 4 juillet 2019 au nom de celui-ci par Mme Riba i Giner, députée européenne, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur du Parlement,
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend la présente
Ordonnance
Cadre juridique
Protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne
1 L’article 8 du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, annexé aux traités UE et FUE (ci-après le « protocole no 7 »), dispose ce qui suit :
« Les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions. »
2 L’article 9 du protocole no 7 énonce ce qui suit :
« Pendant la durée des sessions du Parlement […], les membres de celui-ci bénéficient :
a) sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays,
b) sur le territoire de tout autre État membre, de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.
L’immunité les couvre également lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement […] ou en reviennent.
L’immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement […] de lever l’immunité d’un de ses membres. »
Règlement intérieur du Parlement (2019 – 2024)
3 L’article 5 du règlement intérieur du Parlement (ci-après le « règlement intérieur »), intitulé « Privilèges et immunités », prévoit ce qui suit :
« 1. Les députés jouissent des privilèges et immunités prévus par le protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne.
2. Dans l’exercice de ses pouvoirs relatifs aux privilèges et aux immunités, le Parlement s’emploie à conserver son intégrité en tant qu’assemblée législative démocratique et à assurer l’indépendance des députés dans l’exercice de leurs fonctions. L’immunité parlementaire n’est pas un privilège personnel du député, mais une garantie d’indépendance du Parlement dans son ensemble et de ses députés.
[…] »
4 L’article 7 du règlement intérieur, intitulé « Défense des privilèges et immunités » énonce ce qui suit :
« 1. Lorsqu’est alléguée une violation, déjà commise ou sur le point de se produire, des privilèges et immunités d’un député ou d’un ancien député par les autorités d’un État membre, une demande peut être introduite conformément à l’article 9, paragraphe 1, pour que le Parlement décide s’il y a eu ou s’il est susceptible d’y avoir violation de ces privilèges et immunités.
2. En particulier, une telle demande de défense des privilèges et immunités peut être introduite s’il est considéré que les circonstances pourraient constituer soit une restriction d’ordre administratif ou autre au libre déplacement des députés se rendant au lieu de réunion du Parlement ou en revenant, soit une restriction d’ordre administratif ou autre à une opinion ou à un vote émis dans l’exercice de leurs fonctions, ou encore que ces circonstances pourraient entrer dans le champ d’application de l’article 9 du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne.
[…]
5. Lorsqu’une décision de ne pas défendre les privilèges et immunités d’un député a été prise, celui-ci peut, à titre exceptionnel, introduire une demande de réexamen de la décision en présentant de nouveaux éléments de preuve conformément à l’article 9, paragraphe 1. La demande de réexamen est irrecevable si un recours a été formé contre la décision en vertu de l’article 263 [TFUE] ou si le [p]résident [du Parlement] estime que les nouveaux éléments de preuve présentés ne sont pas suffisamment étayés pour justifier un réexamen. »
5 L’article 8 du règlement intérieur, intitulé « Action d’urgence du [p]résident [du Parlement] en vue de confirmer l’immunité » établit ce qui suit :
« 1. Dans les cas où un député est arrêté ou privé de sa liberté de déplacement en violation apparente de ses privilèges et immunités, le [p]résident [du Parlement] peut prendre d’urgence, après consultation du président et du rapporteur de la commission compétente, une initiative visant à confirmer les privilèges et immunités du député concerné. Le [p]résident [du Parlement] communique son initiative à la commission et en informe le Parlement.
2. Lorsque le [p]résident [du Parlement] fait usage des pouvoirs qui lui sont conférés au paragraphe 1, la commission prend connaissance de l’initiative du [p]résident [du Parlement] au cours de sa réunion suivante. Lorsqu’elle l’estime nécessaire, la commission peut établir un rapport à soumettre au Parlement. »
6 L’article 9 du règlement intérieur, intitulé « Procédures relatives à l’immunité » dispose ce qui suit :
« 1. Toute demande adressée au [p]résident [du Parlement] par une autorité compétente d’un État membre en vue de lever l’immunité d’un député, ou par un député ou un ancien député en vue de défendre des privilèges et immunités, est communiquée en séance plénière et renvoyée à la commission compétente.
2. Avec l’accord du député ou de l’ancien député concerné, la demande peut être adressée par un autre député, qui est autorisé à représenter le député ou l’ancien député concerné à toutes les étapes de la procédure.
[…]
3. La commission examine sans retard, en tenant compte toutefois de leur complexité relative, les demandes de levée de l’immunité ou de défense des privilèges et immunités.
4. La commission présente une proposition de décision motivée qui recommande l’adoption ou le rejet de la demande de levée de l’immunité ou de défense des privilèges et immunités. Les amendements ne sont pas recevables. En cas de rejet de la proposition, la décision contraire est réputée adoptée.
5. La commission peut demander à l’autorité intéressée de lui fournir toutes informations et précisions qu’elle estime nécessaires pour déterminer s’il convient de lever ou de défendre l’immunité.
6. Le député concerné reçoit la possibilité d’être entendu et peut présenter tout document ou élément de preuve écrit qu’il juge pertinent.
[…]
Le président de la commission invite le député à une audition, en lui indiquant la date et l’heure de celle-ci. Le député concerné peut renoncer à son droit d’être entendu.
[…]
7. Lorsque la demande de levée ou de défense de l’immunité porte sur plusieurs chefs d’accusation, chacun d’eux peut faire l’objet d’une décision distincte. Le rapport de la commission peut, exceptionnellement, proposer que la levée ou la défense de l’immunité concerne exclusivement la poursuite de l’action pénale, sans qu’aucune mesure d’arrestation, de détention ni aucune autre mesure empêchant le député d’exercer les fonctions inhérentes à son mandat puisse être adoptée contre celui-ci, tant qu’un jugement définitif n’a pas été rendu.
8. La commission peut émettre un avis motivé sur la compétence de l’autorité en question et sur la recevabilité de la demande, mais ne se prononce en aucun cas sur la culpabilité ou la non-culpabilité du député ni sur l’opportunité ou non de le poursuivre au pénal pour les opinions ou actes qui sont imputés au député, même dans le cas où l’examen de la demande permet à la commission d’acquérir une connaissance approfondie de l’affaire.
9. La proposition de décision de la commission est inscrite à l’ordre du jour de la première séance suivant le jour de son dépôt. Il ne peut être déposé d’amendements à cette proposition.
[…]
Sans préjudice de l’article 173 [de ce règlement], le député dont les privilèges ou immunités font l’objet d’un examen ne peut intervenir dans le débat.
La ou les propositions de décision contenues dans le rapport sont mises aux voix à la première heure des votes qui suit le débat.
Après examen par le Parlement, il est procédé à un vote séparé sur chacune des propositions contenues dans le rapport. En cas de rejet d’une proposition, la décision contraire est réputée adoptée.
10. Le [p]résident [du Parlement] communique immédiatement la décision du Parlement au député concerné et à l’autorité compétente de l’État membre concerné, en demandant à être informé de toute évolution et de toute décision judiciaire rendue dans la procédure concernée. Dès que le [p]résident [du Parlement] reçoit ces informations, il les communique au Parlement sous la forme qu’il juge la plus appropriée, le cas échéant après consultation de la commission compétente.
11. La commission traite ces questions et examine tous les documents qu’elle reçoit en observant la plus grande confidentialité. L’examen par la commission des demandes relevant des procédures relatives à l’immunité a toujours lieu à huis clos.
12. Le Parlement examine uniquement les demandes de levée de l’immunité d’un député qui lui sont communiquées par les autorités judiciaires ou par la représentation permanente d’un État membre.
[…]
14. Toute demande relative au champ d’application des privilèges ou immunités d’un député adressée par une autorité compétente est examinée conformément aux dispositions ci-dessus. »
7 L’article 22 du règlement intérieur, intitulé « Fonctions du [p]résident [du Parlement] » établit ce qui suit :
« 1. Le [p]résident [du Parlement] dirige, conformément au présent règlement intérieur, l’ensemble des activités du Parlement et de ses organes, et dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour présider aux délibérations du Parlement et pour en assurer le bon déroulement.
2. Le [p]résident [du Parlement] ouvre, suspend et lève les séances. Il statue sur la recevabilité des amendements et des autres textes mis aux voix, ainsi que sur la recevabilité des questions parlementaires. Il assure l’observation du présent règlement intérieur, maintient l’ordre, donne la parole, déclare les discussions closes, met les questions aux voix et proclame les résultats des votes. Il adresse aux commissions les communications qui sont de leur ressort.
3. Le [p]résident [du Parlement] ne peut prendre la parole dans un débat que pour présenter l’état de la question et y ramener. S’il veut participer au débat, il quitte le fauteuil et ne peut le reprendre qu’après que la discussion sur la question est terminée.
[…] »
8 Aux termes de l’article 149 du règlement intérieur, intitulé « Recours devant la Cour de justice de l’Union européenne » :
« […]
3. Le [p]résident [du Parlement] introduit un recours devant la Cour de justice au nom du Parlement conformément à la recommandation de la commission compétente pour les affaires juridiques.
[…]
4. Le [p]résident [du Parlement] dépose des observations ou intervient dans les procédures judiciaires au nom du Parlement, après consultation de la commission compétente pour les affaires juridiques.
[…] »
9 Enfin, l’article 236 du règlement intérieur, intitulé « Application du règlement intérieur », dispose ce qui suit :
« 1. En cas de doute quant à l’application ou à l’interprétation du présent règlement intérieur, le [p]résident [du Parlement] peut renvoyer la question, pour examen, à la commission compétente.
[…] »
Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours
10 Le requérant, M. Oriol Junqueras i Vies, était vice-président du Gobierno autonómico de Cataluña (gouvernement autonome de Catalogne, Espagne) au moment de l’adoption de la Ley 19/2017 del Parlamento de Cataluña, reguladora del referéndum de autodeterminación (loi 19/2017 du Parlement de Catalogne, portant réglementation du référendum d’autodétermination), du 6 septembre 2017 (DOGC no 7449A, du 6 septembre 2017, p. 1), et de la Ley 20/2017 del Parlamento de Cataluña, de transitoriedad jurídica y fundacional de la República (loi 20/2017 du Parlement de Catalogne, de transition juridique et constitutive de la République), du 8 septembre 2017 (DOGC no 7451A, du 8 septembre 2017, p. 1), ainsi que de la tenue, le 1er octobre 2017, du référendum d’autodétermination prévu par la première de ces deux lois, dont les dispositions avaient, dans l’intervalle, été suspendues par une décision du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle, Espagne).
11 À la suite de l’adoption des lois mentionnées au point 10 ci-dessus et de la tenue du référendum d’autodétermination, le Ministerio fiscal (ministère public, Espagne), l’Abogado del Estado (avocat de l’État, Espagne) et le Partido político VOX (parti politique VOX) ont engagé une procédure pénale contre plusieurs personnes, dont le requérant, en considérant que celles-ci avaient pris part à un processus de sécession et commis, dans ce cadre, des faits relevant de trois infractions pénales, à savoir, premièrement, celle de « rébellion » ou de « sédition », deuxièmement, celle de « désobéissance » et, troisièmement, celle de « détournement de fonds ».
12 Le requérant a été placé en détention provisoire pendant la phase d’instruction de cette procédure pénale, en application d’une décision adoptée le 2 novembre 2017 sur le fondement de l’article 503 de la Ley de Enjuiciamiento Criminal (code de procédure pénale, Espagne).
13 Pendant la phase de jugement de ladite procédure, le requérant s’est présenté comme candidat aux élections au Parlement européen organisées le 26 mai 2019. À l’issue de celles-ci, il a été élu au Parlement, ainsi qu’il résulte de la proclamation officielle des résultats électoraux effectuée par la Junta Electoral Central (commission électorale centrale, Espagne) dans une décision du 13 juin 2019, portant « Proclamation des députés élus au Parlement […] aux élections organisées le 26 mai 2019 » (BOE no 142, du 14 juin 2019, p. 62477), conformément à l’article 224, paragraphe 1, de la Ley orgánica 5/1985, de Régimen Electoral General (loi organique 5/1985, portant régime électoral général), du 19 juin 1985 (BOE no 147, du 20 juin 1985, p. 19110, ci-après la « loi électorale espagnole »). Dans cette décision, la commission électorale centrale a par ailleurs procédé, comme le prévoit la même disposition, à l’attribution aux personnes élues, y compris le requérant, des sièges dont disposait le Royaume d’Espagne au sein du Parlement.
14 Par ordonnance du 14 juin 2019, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) a rejeté une demande du requérant tendant à ce que lui soit accordée une autorisation extraordinaire de sortie de prison, sous surveillance policière, afin de lui permettre de se présenter devant la commission électorale centrale et d’y prononcer le serment ou la promesse de respecter la Constitution espagnole requis par l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole.
15 Le 20 juin 2019, la commission électorale centrale a adopté une décision dans laquelle elle a constaté que le requérant n’avait pas prononcé le serment ou la promesse en question et a, conformément à l’article 224, paragraphe 2, de la loi électorale espagnole, déclaré la vacance du siège de député européen attribué au requérant ainsi que la suspension de toutes les prérogatives qui pourraient lui revenir du fait de ses fonctions.
16 Le requérant a introduit, devant le Tribunal Supremo (Cour suprême), un recours contre l’ordonnance mentionnée au point 14 ci-dessus, dans le cadre duquel il se prévalait des immunités prévues à l’article 9 du protocole no 7.
17 Le 1er juillet 2019, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer sur le recours visé au point 16 ci-dessus et d’adresser à la Cour des questions préjudicielles (affaire C‑502/19, Junqueras Vies).
18 Le 2 juillet 2019, le président du Parlement a ouvert la première session de la législature issue des élections au Parlement organisées le 26 mai 2019. Le requérant n’y a pas assisté.
19 Le 4 juillet 2019, Mme Riba i Giner, députée européenne, a, au nom du requérant, demandé au président du Parlement de prendre d’urgence des mesures, sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur, aux fins de confirmer l’immunité du requérant (ci-après la « demande du 4 juillet 2019 de Mme Riba i Giner »).
20 Par lettre du 22 août 2019, le président du Parlement a informé Mme Riba i Giner du rejet de sa demande du 4 juillet 2019 (ci-après l’« acte attaqué »).
21 Par arrêt du 14 octobre 2019, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a, dans la procédure pénale engagée, entre autres personnes, contre le requérant, prononcé, à l’encontre de ce dernier, une peine de treize années de privation de liberté, d’une part, et une peine de treize années d’incapacité absolue entraînant la perte définitive de toutes ses charges et fonctions publiques, y compris électives, ainsi que l’impossibilité d’en obtenir ou d’en exercer de nouvelles, d’autre part.
22 Par arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115), la Cour a dit pour droit qu’une personne qui avait été officiellement proclamée élue au Parlement alors qu’elle faisait l’objet d’une mesure de placement en détention provisoire dans le cadre d’une procédure pour infractions pénales graves, mais qui n’avait pas été autorisée à se conformer à certaines exigences prévues par le droit interne à la suite d’une telle proclamation ainsi qu’à se rendre au Parlement en vue de prendre part à la première session de celui-ci, devait être regardée comme bénéficiant d’une immunité en vertu de l’article 9, deuxième alinéa, du protocole no 7. La Cour a précisé que cette immunité impliquait de lever la mesure de placement en détention provisoire imposée à la personne concernée, afin de lui permettre de se rendre au Parlement et d’y accomplir les formalités requises. En outre, la Cour a jugé que, si la juridiction nationale compétente estimait qu’il y avait lieu de maintenir cette mesure après l’acquisition, par ladite personne, de la qualité de membre du Parlement, elle devait demander dans les plus brefs délais la levée de ladite immunité au Parlement, sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, du même protocole. La Cour a enfin considéré qu’il incombait à la juridiction de renvoi d’apprécier les effets à attacher aux immunités dont bénéficierait la personne concernée dans d’éventuelles autres procédures, dans le respect du droit de l’Union européenne, et, notamment, du principe de coopération loyale visé à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies, C‑502/19, EU:C:2019:1115, points 87 et 90 à 93).
23 Lors de la séance plénière du 13 janvier 2020, le Parlement a pris acte, à la suite de l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115), de l’élection du requérant au Parlement avec effet au 2 juillet 2019.
Procédure et conclusions des parties
24 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 novembre 2019, le requérant a introduit le présent recours.
25 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 6 février 2020, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.
26 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2020, le requérant a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.
27 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter l’exception d’irrecevabilité et déclarer le recours recevable ;
– annuler l’acte attaqué ;
– condamner le Parlement aux dépens.
28 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ;
– condamner le requérant aux dépens.
29 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 janvier 2020, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Parlement.
30 Par lettre du 21 juillet 2020, le Tribunal a adressé des questions aux parties à titre de mesures d’organisation de la procédure, en application de l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, auxquelles les parties ont répondu le 31 août 2020, soit dans les délais impartis.
31 Dans sa réponse du 31 août 2020 aux questions écrites du Tribunal, le requérant conclut, à titre subsidiaire, à ce qu’il plaise au Tribunal de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.
En droit
32 En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, le Parlement ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.
33 Le Parlement excipe de l’irrecevabilité du recours au motif qu’il ne serait pas dirigé contre un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE. Premièrement, le Parlement soutient que, par l’acte attaqué, son président aurait simplement informé Mme Riba i Giner, députée européenne, qu’il n’était pas en mesure d’examiner sa demande du 4 juillet 2019. Deuxièmement, le Parlement fait valoir que l’article 8 du règlement intérieur ne confère pas le droit aux députés européens d’exiger de son président qu’il prenne une initiative au sens de cette disposition. Troisièmement, le Parlement prétend que, dans un cas comme celui de l’espèce, où le droit espagnol ne confèrerait pas de compétence aux assemblées parlementaires nationales pour demander la suspension des poursuites judiciaires contre un député, une initiative d’urgence prise par son président sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur ne serait qu’un avis dépourvu d’effets juridiques obligatoires à l’égard des autorités nationales.
34 Le requérant conclut au rejet de l’exception d’irrecevabilité. En particulier, il soutient que les décisions du président du Parlement prises sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur produisent des effets juridiques obligatoires. À cet égard, le requérant fait valoir que l’acte attaqué aurait refusé de reconnaître sa qualité de député européen en l’empêchant ainsi d’exercer son mandat et de bénéficier d’une protection de l’immunité visée à l’article 9, deuxième alinéa, du protocole no 7. Par ailleurs, dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, posées dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le requérant soutient qu’il y aurait lieu d’interpréter l’article 8 du règlement intérieur comme imposant au président du Parlement le devoir et l’obligation de prendre une initiative pour faire valoir et protéger l’immunité d’un député européen concerné. En substance, une telle initiative aurait pour effet de reconnaître et de protéger l’ensemble des droits dont le requérant disposerait en sa qualité de député européen et de contraindre les autorités espagnoles, d’une part, à prendre acte de leur obligation de respecter les immunités dont il bénéficie, ainsi que l’intégrité du Parlement, et, d’autre part, à se conformer au droit de l’Union.
35 Selon une jurisprudence constante, sont considérés comme des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE tous les actes pris par les institutions, quelles qu’en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de cette dernière (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 51 ; voir, également, arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, point 47 et jurisprudence citée).
36 Pour déterminer si l’acte attaqué produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à la substance de cet acte et d’apprécier lesdits effets à l’aune de critères objectifs, tels que le contenu de ce même acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution de l’Union qui en est l’auteur (voir arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 32 et jurisprudence citée).
37 Selon la jurisprudence, non seulement les actes préparatoires échappent au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE, mais également tout acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires, tels que les actes confirmatifs et les actes de pure exécution, les simples recommandations et avis ainsi que, en principe, les instructions internes [voir ordonnance du 14 mai 2012, Sepracor Pharmaceuticals (Ireland)/Commission, C‑477/11 P, non publiée, EU:C:2012:292, point 52 et jurisprudence citée]. En outre, des actes à caractère purement informatif ne sauraient ni affecter les intérêts du destinataire ni modifier la situation juridique de celui-ci par rapport à la situation antérieure à la réception desdits actes (voir arrêt du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil, T‑15/11, EU:T:2012:661, point 30 et jurisprudence citée).
38 Il découle également de la jurisprudence, que la réponse d’une institution de l’Union à une demande qui lui a été adressée ne constitue pas nécessairement une décision, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ouvrant ainsi au destinataire de cette réponse la voie du recours en annulation (ordonnances du 27 janvier 1993, Miethke/Parlement, C‑25/92, EU:C:1993:32, point 10 ; du 11 décembre 1998, Scottish Soft Fruit Growers/Commission, T‑22/98, EU:T:1998:286, point 34, et du 5 septembre 2012, Farage/Parlement et Buzek, T‑564/11, non publiée, EU:T:2012:403, point 27).
39 Enfin, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une décision d’une institution de l’Union revêt un caractère négatif, cette décision doit être appréciée en fonction de la nature de la demande à laquelle elle constitue une réponse (arrêts du 8 mars 1972, Nordgetreide/Commission, 42/71, EU:C:1972:16, point 5 ; du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C‑15/91 et C‑108/91, EU:C:1992:454, point 22, et du 9 octobre 2018, Multiconnect/Commission, T‑884/16, non publié, EU:T:2018:665, point 45). En particulier, un refus est un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE, dès lors que l’acte que l’institution de l’Union refuse de prendre aurait pu être attaqué en vertu de cette disposition (voir arrêt du 22 octobre 1996, Salt Union/Commission, T‑330/94, EU:T:1996:154, point 32 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que le rejet, par une institution, d’une demande qui lui avait été adressée ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation lorsque cette demande ne tendait pas à l’adoption, par cette institution, d’une mesure produisant des effets juridiques obligatoires (voir ordonnance du 5 septembre 2012, Farage/Parlement et Buzek, T‑564/11, non publiée, EU:T:2012:403, point 27 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du 1er février 2018, Collins/Parlement, T‑919/16, non publiée, EU:T:2018:58, point 28).
40 En l’espèce, à titre liminaire, il convient de relever que la demande du 4 juillet 2019 de Mme Riba i Giner n’est pas une demande de défense des privilèges et des immunités d’un député européen au sens des articles 7 et 9 du règlement intérieur (ci-après la « demande de défense de l’immunité »), mais une demande adressée au président du Parlement sur le fondement de l’article 8 dudit règlement, visant à ce qu’il prenne d’urgence une initiative pour confirmer l’immunité dont le requérant aurait bénéficié en sa qualité de député européen.
41 Par l’acte attaqué, le président du Parlement a rejeté cette demande au motif que, en substance, il n’était pas en mesure de prendre une initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur à l’égard d’une personne qui, à l’instar du requérant, n’avait pas la qualité de député européen.
42 En premier lieu, il ressort de l’article 8, paragraphe 1, du règlement intérieur (voir point 5 ci-dessus) que le président du Parlement se saisit d’office de la question de prendre ou non une initiative visant à confirmer les privilèges et immunités d’un député européen arrêté ou privé de sa liberté de déplacement en violation apparente de ses privilèges et immunités, cette disposition ne prévoyant pas qu’un député européen ou un tiers puisse saisir le président du Parlement d’une demande en ce sens.
43 En outre, aux termes de cette disposition, le président du Parlement « peut » prendre d’urgence une initiative visant à confirmer l’immunité d’un député européen.
44 Ainsi, il découle du libellé de l’article 8, paragraphe 1, du règlement intérieur que le président du Parlement n’est nullement contraint de prendre une initiative visant à confirmer l’immunité d’un député européen et qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, même lorsque ce député serait arrêté ou privé de sa liberté de déplacement en violation apparente de ses privilèges et immunités.
45 Ce pouvoir discrétionnaire est notamment confirmé par l’absence de droits procéduraux dont disposent les députés européens dans le cadre de la procédure visée à l’article 8 du règlement intérieur, alors que ceux-ci disposent expressément de tels droits dans le cadre de la procédure régie par les articles 7 et 9 de ce règlement. À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément l’article 9, paragraphe 1, du règlement intérieur, le président du Parlement est contraint d’instruire une demande de défense de l’immunité qui lui est adressée par un député ou un ancien député et, partant, de la communiquer en séance plénière et de la transmettre à la commission compétente. En outre, en application de l’article 9, paragraphe 6, de ce règlement, le député européen concerné dispose du droit d’être entendu et de présenter tout document ou élément de preuve écrit qu’il juge pertinent. De plus, l’article 9, paragraphe 10, du même règlement impose au président du Parlement de lui communiquer immédiatement la décision adoptée par l’institution. Enfin, l’article 7, paragraphe 5, du règlement intérieur dispose que, lorsqu’une décision de ne pas défendre les privilèges et immunités d’un député européen a été prise, le député concerné peut, à titre exceptionnel, introduire une demande de réexamen de la décision en présentant de nouveaux éléments de preuve conformément à l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement.
46 Au contraire, force est de constater que l’article 8 du règlement intérieur ne confère pas expressément aux députés européens des droits procéduraux leur permettant d’intervenir dans la procédure d’adoption d’une initiative au sens de cette disposition.
47 Ce constat ne saurait être remis en cause par les allégations du requérant selon lesquelles, d’une part, il disposerait de droits procéduraux sur le fondement de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et, d’autre part, l’article 8 du règlement intérieur imposerait au président du Parlement de consulter le président de la commission compétente.
48 À cet égard, il y a lieu, en tout état de cause, de rejeter l’allégation du requérant selon laquelle, en substance, le président du Parlement ne pourrait pas prendre une initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur sans avoir obtenu, au préalable, un avis juridique. En effet, il ne ressort pas du libellé de cet article que le président et le rapporteur de la commission compétente soient tenus d’émettre un quelconque avis ou d’adopter tout autre acte dont l’absence empêcherait le président du Parlement de prendre une telle initiative. En outre, aux termes de l’article 8, paragraphe 2, du règlement intérieur, c’est seulement après qu’une telle initiative a été prise par le président du Parlement que la commission compétente pourra, si elle l’estime nécessaire, établir un rapport sur cette initiative à soumettre au Parlement.
49 Ainsi, le fait que, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement intérieur, le président du Parlement soit tenu de consulter le président et le rapporteur de la commission compétente, non seulement ne confère pas aux députés européens des droits procéduraux leur permettant d’intervenir dans la procédure d’adoption d’une initiative au sens de cette disposition, mais, en outre, ne remet pas en cause le pouvoir discrétionnaire dont ce président dispose aux fins de prendre une initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur.
50 Enfin, force est de constater que le règlement intérieur ne définit ni la notion d’« initiative visant à confirmer les privilèges et immunités » ni la forme que celle-ci peut prendre. Partant, il y a lieu de considérer que le président du Parlement dispose d’une large marge d’appréciation quant à la forme que peut prendre son initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur et, partant, qu’un député européen ne peut exiger de lui qu’il prenne telle ou telle mesure spécifique.
51 Eu égard à ce qui précède, en l’espèce, il y a lieu de considérer que le rejet de la demande du 4 juillet 2019 de Mme Riba i Giner n’est pas un acte attaquable, au sens de l’article 263 TFUE, dès lors qu’il résulte de l’économie de l’article 8 du règlement intérieur que le président du Parlement n’est pas tenu de prendre une initiative au sens de cet article, mais qu’il dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard excluant le droit pour le requérant d’exiger de celui-ci qu’il prenne une position dans un sens déterminé (voir, en ce sens, ordonnance du 24 novembre 2016, Petraitis/Commission, C‑137/16 P, non publiée, EU:C:2016:904, point 22 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 septembre 2015, SV Capital/ABE, T‑660/14, EU:T:2015:608, points 47, 48 et 50, et ordonnance du 23 janvier 2019, MLPS/Commission, T‑304/18, non publiée, EU:T:2019:34, points 16 et 17).
52 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel le président du Parlement aurait été obligé, en application de l’article 8 du règlement intérieur, de protéger son immunité à l’égard des autorités espagnoles et, à cette fin, aurait dû prendre rapidement une série de mesures consistant, notamment, à exiger de ces autorités qu’elles le remettent en liberté.
53 En second lieu, il convient de relever que la demande du 4 juillet 2019 de Mme Riba i Giner ne pouvait pas conduire à l’adoption, par le président du Parlement, d’une mesure produisant des effets juridiques obligatoires à l’égard des autorités espagnoles.
54 Premièrement, l’obligation des autorités nationales de respecter les immunités dont jouissent les députés européens en vertu de l’article 9 du protocole no 7 est préexistante à toute initiative que le président du Parlement déciderait, le cas échéant, de prendre sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur. En effet, cette obligation existe dès qu’un député européen concerné acquière cette qualité et, partant, dès la proclamation officielle des résultats électoraux par les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies, C‑502/19, EU:C:2019:1115, points 77 et 81).
55 Cette interprétation est corroborée par l’emploi, à l’article 8 du règlement intérieur, de l’expression « confirmer l’immunité », laquelle atteste que, par une initiative au sens de cette disposition, le président du Parlement se limite à confirmer une situation préexistante.
56 Partant, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel une initiative prise sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur aurait eu pour effet de reconnaître et de protéger l’ensemble des droits dont jouirait un député européen en cette qualité.
57 Deuxièmement, il convient de relever que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 8 du règlement intérieur, le président du Parlement peut prendre une « initiative », alors que, à l’issue de la procédure régie par les articles 7 et 9 de ce règlement, l’institution adopte une « décision ».
58 Ainsi, le libellé même de l’article 8 du règlement intérieur atteste du caractère non contraignant de l’initiative d’urgence éventuellement prise par le président du Parlement à l’égard des autorités nationales qui en seraient les destinataires.
59 À cet égard, il convient de relever que, en réponse à une question écrite du Tribunal, le Parlement a précisé que l’action de son président dans le cadre de la procédure fixée à l’article 8 du règlement intérieur pouvait prendre plusieurs formes, comme une lettre ou un appel téléphonique, dont l’objet serait uniquement d’attirer l’attention des autorités nationales sur une situation que le président du Parlement estimerait pouvant être constitutive d’une violation apparente des privilèges et des immunités dont bénéficie un député européen.
60 Troisièmement, dans l’hypothèse où le président du Parlement déciderait de prendre une initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur, aucune disposition du protocole no 7, de l’acte portant élection des membres du Parlement au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO 1976, L 278, p. 1), tel que modifié par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 (JO 2002, L 283, p. 1) ou de ce règlement ne prévoit que les autorités nationales seraient tenues d’y donner suite, étant précisé, à cet égard, qu’il est en tout état de cause exclu qu’une quelconque obligation à la charge des États membres puisse être établie sur le seul fondement de l’article 8 du règlement intérieur (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 137).
61 Quatrièmement, eu égard, d’une part, au pouvoir discrétionnaire dont dispose le président du Parlement quant à l’opportunité de prendre une initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur et, d’autre part, à l’absence d’intervention du Parlement dans la procédure conduisant à son adoption, une telle initiative ne fait qu’exprimer l’avis du président du Parlement sur l’existence d’une violation apparente des privilèges et des immunités d’un député européen et non celui de l’institution. Ainsi, une initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur doit en tout état de cause être distinguée d’une résolution formelle du Parlement adoptée, par exemple, sur le fondement des articles 7 et 9 de ce règlement (voir point 45 ci-dessus).
62 Il s’ensuit que les initiatives au sens de l’article 8 du règlement intérieur constituent des avis dépourvus d’effets juridiques contraignants à l’égard des autorités nationales à qui ils s’adressent (voir jurisprudence citée au point 37 ci-dessus).
63 Dès lors, l’allégation du requérant selon laquelle une initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur aurait eu pour effet de contraindre les autorités espagnoles à prendre acte de leur obligation de respecter les immunités dont il aurait bénéficié en tant que député européen, ainsi que l’intégrité du Parlement, et à se conformer au droit de l’Union doit être rejetée.
64 Enfin, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 38 et 39 ci-dessus, il y a lieu de considérer que l’acte attaqué, qui a rejeté une demande ne tendant pas à l’adoption d’une mesure produisant des effets juridiques obligatoires, n’est lui-même pas susceptible de produire de tels effets.
65 À la lumière des constats opérés aux points 51, 62 et 64 ci-dessus, c’est à bon droit que le Parlement soutient que l’acte attaqué n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE.
66 Cette conclusion ne saurait être infirmée par les autres arguments invoqués par le requérant.
67 En premier lieu, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel, en substance, il ressortirait de l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115), d’une part, que le président du Parlement aurait été contraint de prendre une initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur pour protéger l’immunité dont il jouirait au titre de l’article 9, deuxième alinéa, du protocole no 7 et, d’autre part, que cette initiative aurait lié les autorités nationales. À cet égard, il suffit de constater, que, dans l’arrêt susmentionné, la Cour n’a aucunement interprété, ni même mentionné, l’article 8 du règlement intérieur, et s’est limitée à rappeler les obligations qui incombaient aux autorités nationales en application, notamment, de l’article 9 du protocole no 7 (voir point 22 ci-dessus).
68 En deuxième lieu, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel, en substance, les députés européens arrêtés ou privés de leur liberté de déplacement en violation apparente de leurs privilèges et immunités seraient en droit d’exiger du président du Parlement qu’il prenne une initiative sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur, car cet article leur confèrerait un droit subjectif à ce que ledit président agisse en défense des immunités dont ils jouissent en vertu des articles 8 et 9 du protocole no 7.
69 À cet égard, il convient de relever que ce sont les articles 8 et 9 du protocole no 7 qui créent des droits subjectifs pour les députés européens et non les dispositions du règlement intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T‑345/05, EU:T:2008:440, point 28, et du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 58).
70 En troisième lieu, il y a lieu de rejeter comme inopérante l’allégation du requérant selon laquelle les immunités visées aux articles 8 et 9 du protocole no 7 feraient partie du droit de vote et d’éligibilité consacré à l’article 39 de la Charte, dont la violation pourrait être invoquée à l’encontre du président du Parlement conformément à l’article 51 de cette Charte, et dont le Tribunal devrait exiger le respect conformément au droit à une protection juridictionnelle effective visé à l’article 47 de la Charte.
71 En effet, cette allégation concerne la question de l’éventuelle illégalité au fond de l’acte attaqué et n’est pas pertinente aux fins d’établir la recevabilité du présent recours.
72 En quatrième lieu, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel, en substance, il découlerait de l’arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement (T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23), que, en l’absence d’une demande de levée de l’immunité d’un député européen, les autorités nationales seraient liées par une initiative du président du Parlement prise sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur, lorsque celle-ci viserait à protéger l’immunité visée à l’article 9 du protocole no 7.
73 À cet égard, il suffit de relever que l’arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement (T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23), n’est pas pertinent en l’espèce. D’une part, l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait une demande de défense de l’immunité adressée au Parlement sur le fondement de l’article 9 du règlement intérieur et non une demande visant à ce que le président du Parlement prenne d’urgence une initiative au sens l’article 8 de ce règlement. D’autre part, dans l’arrêt susmentionné, le Tribunal a seulement jugé qu’une demande de défense de l’immunité était privée de son objet en présence d’une demande de levée de l’immunité (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 57).
74 En cinquième lieu, eu égard aux motifs exposés aux points 42 à 64 ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel, en substance, l’article 3, paragraphe 6, l’article 22, l’article 149 et l’article 236, paragraphe 1, du règlement intérieur, ainsi que l’article 51 de la Charte, feraient peser sur le président du Parlement l’obligation de reconnaître et de protéger l’ensemble des droits découlant de sa qualité de député européen à l’égard du Parlement, de telle sorte qu’une initiative au sens de de l’article 8 du règlement intérieur produirait des effets juridiques obligatoires.
75 Au surplus, d’une part, force est de constater que l’article 3, paragraphe 6, l’article 22, l’article 149 et l’article 236, paragraphe 1, du règlement intérieur ne comportent pas de règles destinées à assurer la protection des privilèges et des immunités dont les députés européens bénéficient en vertu des articles 8 et 9 du protocole no 7.
76 D’autre part, l’article 51 de la Charte, qui impose aux institutions, organes et organismes de l’Union le respect des droits garantis par ce texte, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont attribuées dans les traités, ne saurait conférer un effet juridique contraignant aux initiatives prises par le président du Parlement sur le fondement de l’article 8 du règlement intérieur, alors même que ces initiatives n’ont ni pour objet ni pour effet de créer des obligations pour les États membres (voir points 53 à 62 ci-dessus).
77 En sixième lieu, le requérant soutient, en substance, que son recours est recevable, car il ressortirait d’une lecture combinée des articles 47 et 51 de la Charte, ainsi que de l’arrêt du 19 septembre 2013, Réexamen Commission/Strack (C‑579/12 RX‑II, EU:C:2013:570), que le Tribunal doit protéger les droits fondamentaux des députés européens et que la protection contre le refus de préserver ces droits est garantie par le droit de recours prévu par les traités.
78 À supposer que, par cet argument, le requérant entende soutenir que son recours devrait être déclaré recevable au titre de son droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la Charte, il suffit de relever que, selon la jurisprudence, cet article n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités et, notamment, les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union, ainsi qu’il découle également des explications afférentes à cet article 47, lesquelles doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (voir arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 97 et jurisprudence citée). Partant, les conditions de recevabilité d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter les conditions expressément prévues par ledit traité.
79 Il s’ensuit que le requérant ne saurait valablement prétendre que le présent recours en annulation devrait être recevable sur la base de l’article 47 de la Charte, alors que l’acte attaqué n’est en tout état de cause pas susceptible de produire des effets juridiques obligatoires au sens de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus.
80 Dès lors, l’argument du requérant doit être rejeté.
81 En septième lieu, le requérant soutient que, puisque, dans l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115), la Cour a jugé que le contenu de l’immunité prévue à l’article 9, deuxième alinéa, du protocole no 7 était déterminé au seul regard du droit de l’Union, le recours contre le rejet de la demande du 4 juillet 2019 de Mme Riba i Giner serait recevable, en substance, conformément à l’arrêt du 15 octobre 2008, Mote/Parlement (T‑345/05, EU:T:2008:440).
82 À cet égard, il suffit de constater que l’arrêt du 15 octobre 2008, Mote/Parlement (T‑345/05, EU:T:2008:440), n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait une décision du Parlement de lever l’immunité d’un député européen, laquelle avait produit des effets juridiques obligatoires en ce qu’elle avait privé automatiquement le député européen concerné de son immunité et, partant, avait autorisé les autorités nationales à entamer ou à poursuivre des procédures judiciaires à son égard (arrêt du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T‑345/05, EU:T:2008:440, points 29 et 30). Cette décision diffère donc d’une initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur, laquelle n’a aucun effet direct sur les procédures judiciaires nationales dont un député européen pourrait faire l’objet.
83 Au surplus, il y a lieu de rappeler que, au point 91 de l’arrêt du 19 décembre 2019, Junqueras Vies (C‑502/19, EU:C:2019:1115), la Cour a dit pour droit que, conformément à l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7, c’était à la juridiction nationale compétente estimant qu’il y avait lieu de maintenir une mesure de placement en détention provisoire à l’égard d’une personne ayant acquis la qualité de député européen, qu’il incombait de demander dans les plus brefs délais au Parlement de lever l’immunité accordée par le deuxième alinéa de cet article (voir point 22 ci-dessus).
84 Ainsi, dans l’hypothèse où le président du Parlement prendrait une initiative visant à confirmer l’immunité d’un député européen, celle-ci ne dispenserait pas les autorités nationales de leur obligation de demander au Parlement de lever l’immunité du député concerné, laquelle découle directement de l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7 (voir point 22 ci-dessus).
85 Dès lors, l’argument du requérant doit être rejeté.
86 En huitième lieu, le requérant prétend que, en l’espèce, le président du Parlement n’aurait pas décidé de prendre ou de ne pas prendre une initiative au sens de l’article 8 du règlement intérieur, mais se serait uniquement déclaré incompétent à cet égard au motif que le requérant n’aurait pas acquis la qualité de député européen, de telle sorte que le président du Parlement aurait refusé non seulement de protéger son immunité, mais également de lui reconnaître la qualité de député européen.
87 À cet égard, il suffit de constater que l’argument du requérant vise à contester le motif pour lequel le président du Parlement a rejeté la demande du 4 juillet 2019 de Mme Riba i Giner et, partant, ne saurait avoir d’incidence sur la recevabilité du recours dirigé contre ce prétendu rejet.
88 En tout état de cause, le fait que, dans l’acte attaqué, le président du Parlement ait considéré que le requérant n’avait pas la qualité de député européen ne saurait produire des effets juridiques obligatoires à son égard, ce motif n’étant que l’avis de ce président et non celui de l’institution (voir point 61 ci-dessus).
89 Dès lors, l’argument du requérant doit être rejeté.
90 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’acte attaqué n’a pas produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. Par conséquent, il ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE.
91 Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement et, partant, de rejeter le recours comme étant irrecevable sans engager de débat au fond et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre motif d’irrecevabilité invoqué par le Parlement, tiré, en substance, de l’incompétence du président du Parlement pour demander la suspension des poursuites judiciaires contre le requérant dans un cas comme celui de l’espèce où le droit espagnol n’aurait pas conféré une telle compétence aux assemblées parlementaires nationales (voir point 33 ci-dessus).
Sur la demande d’intervention du Royaume d’Espagne
92 Aux termes de l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’intervention perd son objet lorsque la requête est déclarée irrecevable. Conformément à l’article 144, paragraphe 3, de ce règlement, lorsque la partie défenderesse dépose une exception d’irrecevabilité ou d’incompétence, visée à l’article 130, paragraphe 1, dudit règlement, il n’est statué sur la demande d’intervention qu’après le rejet ou la jonction de l’exception au fond.
93 En l’espèce, le recours étant rejeté comme irrecevable dans son ensemble, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’intervention du Royaume d’Espagne.
Sur les dépens
94 En vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
95 Le requérant ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement, conformément aux conclusions de ce dernier.
96 Enfin, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens afférents à sa demande d’intervention.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande en intervention du Royaume d’Espagne.
3) M. Oriol Junqueras i Vies est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.
4) Le Royaume d’Espagne supporte ses dépens afférents à sa demande d’intervention.
Fait à Luxembourg, le 20 janvier 2021.
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Le greffier |
La présidente |
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E. Coulon |
A. Marcoulli |
* Langue de procédure : l’espagnol.