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Document 62021CO0576
Order of the Court (Tenth Chamber) of 20 October 2022.#Ana Carla Mendes de Almeida v Council of the European Union.#Appeal – Article 181 of the Rules of Procedure of the Court of Justice – Law governing the institutions – Enhanced cooperation on the establishment of the European Public Prosecutor’s Office – Regulation (EU) 2017/1939 – Appointment of European Prosecutors – Appointment of one of the candidates nominated by the Portuguese Republic – Alleged infringement of the rules applicable to the appointment of European Prosecutors – Action for annulment – Time limit for bringing proceedings – Point from which time starts to run – Out of time – Appeal manifestly unfounded.#Case C-576/21 P.
Διάταξη του Δικαστηρίου (δέκατο τμήμα) της 20ής Οκτωβρίου 2022.
Ana Carla Mendes de Almeida κατά Συμβουλίου της Ευρωπαϊκής Ένωσης.
Αίτηση αναιρέσεως – Άρθρο 181 του Κανονισμού Διαδικασίας του Δικαστηρίου – Θεσμικό δίκαιο – Ενισχυμένη συνεργασία για τη σύσταση της Ευρωπαϊκής Εισαγγελίας – Κανονισμός (ΕE) 2017/1939 – Διορισμός Ευρωπαίων εισαγγελέων – Διορισμός ενός εκ των προταθέντων από την Πορτογαλική Δημοκρατία υποψηφίων – Προβαλλόμενη παράβαση των κανόνων περί διορισμού Ευρωπαίων εισαγγελέων – Προσφυγή ακυρώσεως – Προθεσμίες ασκήσεως προσφυγής – Έναρξη – Εκπρόθεσμη άσκηση – Αναίρεση προδήλως αβάσιμη.
Υπόθεση C-576/21 P.
Διάταξη του Δικαστηρίου (δέκατο τμήμα) της 20ής Οκτωβρίου 2022.
Ana Carla Mendes de Almeida κατά Συμβουλίου της Ευρωπαϊκής Ένωσης.
Αίτηση αναιρέσεως – Άρθρο 181 του Κανονισμού Διαδικασίας του Δικαστηρίου – Θεσμικό δίκαιο – Ενισχυμένη συνεργασία για τη σύσταση της Ευρωπαϊκής Εισαγγελίας – Κανονισμός (ΕE) 2017/1939 – Διορισμός Ευρωπαίων εισαγγελέων – Διορισμός ενός εκ των προταθέντων από την Πορτογαλική Δημοκρατία υποψηφίων – Προβαλλόμενη παράβαση των κανόνων περί διορισμού Ευρωπαίων εισαγγελέων – Προσφυγή ακυρώσεως – Προθεσμίες ασκήσεως προσφυγής – Έναρξη – Εκπρόθεσμη άσκηση – Αναίρεση προδήλως αβάσιμη.
Υπόθεση C-576/21 P.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:826
ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)
20 octobre 2022 (*)
« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Droit institutionnel – Coopération renforcée concernant la création du Parquet européen – Règlement (UE) 2017/1939 – Nomination des procureurs européens – Nomination d’un des candidats désignés par la République portugaise – Violation alléguée des règles applicables à la nomination des procureurs européens – Recours en annulation – Délai de recours – Point de départ – Tardiveté – Pourvoi manifestement non fondé »
Dans l’affaire C‑576/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 17 septembre 2021,
Ana Carla Mendes de Almeida, demeurant à Sobreda (Portugal), représentée par Mes P. Almeida Sande, R. Leandro Vasconcelos et M. Marques de Carvalho, advogados,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme J. Gil, MM. K. Kouri, R. Meyer et K. Pleśniak, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. M. Ilešič (rapporteur), faisant fonction du président de chambre, MM. I. Jurakaitis et Z. Csehi, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, Mme Ana Carla Mendes de Almeida demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 8 juillet 2021, Mendes de Almeida/Conseil (T‑75/21, non publiée, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:424), par laquelle celui‑ci a rejeté comme étant irrecevable, en raison de son caractère tardif, le recours introduit par celle-ci au titre de l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2020/1117 du Conseil, du 27 juillet 2020, portant nomination des procureurs européens du Parquet européen (JO 2020, L 244, p. 18, ci-après la « décision litigieuse »), en ce qu’elle nomme M. José Eduardo Moreira Alves d’Oliveira Guerra procureur européen du Parquet européen.
Le cadre juridique
Le statut de la Cour de justice de l’Union européenne
2 L’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne énonce :
« Des délais de distance seront établis par le règlement de procédure.
Aucune déchéance tirée de l’expiration des délais ne peut être opposée lorsque l’intéressé établit l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure. »
Le règlement de procédure du Tribunal
3 Aux termes de l’article 59 du règlement de procédure du Tribunal :
« Lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de cet acte au Journal officiel de l’Union européenne, le délai est à compter [...] à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de cette publication. »
4 Conformément à l’article 60 de ce règlement de procédure, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.
Le règlement (UE) 2017/1939
5 L’article 6 du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil, du 12 octobre 2017, mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (JO 2017, L 283, p. 1), intitulé « Indépendance et obligation de rendre des comptes », dispose, à son paragraphe 1 :
« Le Parquet européen est indépendant. Le chef du Parquet européen, ses adjoints, les procureurs européens, les procureurs européens délégués, le directeur administratif ainsi que le personnel du Parquet européen, dans l’exercice des fonctions qui leur sont dévolues par le présent règlement, agissent dans l’intérêt de l’Union dans son ensemble, au sens de la législation, et ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucune personne extérieure au Parquet européen, d’aucun État membre de l’Union européenne, ou d’aucune institution, d’aucun organe ou organisme de l’Union. Les États membres de l’Union européenne et les institutions, organes et organismes de l’Union respectent l’indépendance du Parquet européen et ne cherchent pas à l’influencer dans l’exercice de ses missions. »
6 L’article 14, paragraphe 3, de ce règlement instaure un comité de sélection des candidats à la fonction de procureur européen.
7 Aux termes de l’article 16 dudit règlement, intitulé « Nomination et révocation des procureurs européens » :
« 1. Chaque État membre désigne trois candidats au poste de procureur européen parmi des candidats qui :
a) sont des membres actifs du ministère public ou du corps judiciaire de l’État membre concerné ;
b) offrent toutes les garanties d’indépendance ; et
c) disposent des qualifications requises pour l’exercice de hautes fonctions au sein du ministère public ou du corps judiciaire dans leurs États membres respectifs et possèdent une expérience pratique pertinente des ordres juridiques nationaux, des enquêtes financières et de la coopération judiciaire internationale en matière pénale.
2. Après avoir reçu l’avis motivé du comité de sélection visé à l’article 14, paragraphe 3, le Conseil [de l’Union européenne] choisit et nomme l’un des candidats à la fonction de procureur européen de l’État membre concerné. Si le comité de sélection constate qu’un candidat ne remplit pas les conditions requises pour exercer les fonctions de procureur européen, son avis lie le Conseil.
3. Le Conseil, statuant à la majorité simple, sélectionne et nomme les procureurs européens pour un mandat non renouvelable de six ans. Le Conseil peut décider de proroger ce mandat pour une durée maximale de trois années au terme de la période de six ans.
4. Un renouvellement partiel d’un tiers des procureurs européens a lieu tous les trois ans. Le Conseil, statuant à la majorité simple, adopte des règles transitoires régissant la nomination des procureurs européens pour la première période de mandat et durant cette période.
[...] »
Les antécédents du litige
8 Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 29 de l’ordonnance attaquée et, pour les besoins de la présente procédure, peuvent être résumés de la manière suivante.
9 Le 23 avril 2019, à l’issue de la procédure de sélection nationale, les noms des trois candidats au poste de procureur européen désignés par la République portugaise, dont celui de la requérante et celui de M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra, ont été communiqués au comité de sélection visé à l’article 14, paragraphe 3, du règlement 2017/1939.
10 Le 18 novembre 2019, le comité de sélection a adressé son avis motivé au Conseil et a classé les trois candidats désignés par la République portugaise selon l’ordre de préférence suivant : 1) Mme Mendes de Almeida ; 2) M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra ; 3) M. João Conde Correia dos Santos.
11 Par lettre du 29 novembre 2019, le gouvernement portugais a contesté cet ordre de préférence en indiquant au secrétariat général du Conseil que M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra était indiscutablement le candidat le plus qualifié et celui qui détenait la plus grande expérience professionnelle dans le domaine d’action du Parquet européen.
12 Le 27 juillet 2020, le Conseil a adopté la décision litigieuse. Au considérants 12 et 13 de cette décision, le Conseil a indiqué avoir évalué les mérites respectifs des candidats en prenant en compte les avis motivés et l’ordre de préférence non contraignant établis par le comité de sélection, sauf pour les candidats désignés par le Royaume de Belgique, par la République de Bulgarie et par la République portugaise, pour lesquels le Conseil s’est fondé sur une autre évaluation des mérites de ces candidats.
13 Aux termes de l’article 2 de la décision litigieuse, M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra a été nommé procureur européen du Parquet européen.
14 Le 2 septembre 2020, la requérante a demandé au secrétariat général du Conseil l’accès à l’ensemble des documents relatifs aux procédures de sélection des procureurs européens, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).
15 Par courriel du 16 septembre 2020, la requérante a demandé au Conseil de rendre publique l’ensemble des documents relatifs à la procédure de sélection ainsi que les raisons pour lesquelles cette institution n’a pas suivi l’ordre de préférence du comité de sélection.
16 Par lettre du 7 octobre 2020, le Conseil, dans l’attente du résultat de l’examen détaillé des documents demandés, a notifié à la requérante la décision litigieuse ainsi que les motifs de sa décision de nommer M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra.
17 Dans cette lettre, le Conseil a, en outre, précisé que ses instances préparatoires avaient évalué les mérites des candidats sur le fondement, notamment, des avis motivés établis par le comité de sélection et des informations fournies par les États membres. À cet égard, le Conseil a apporté plusieurs précisions concernant les qualifications et l’expérience professionnelle de M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra.
18 Par lettre du 13 octobre 2020, le Conseil a rejeté la demande de la requérante d’accéder à l’ensemble des documents relatifs aux procédures de sélection des procureurs européens.
19 Par courrier électronique du 20 octobre 2020, la requérante a demandé au Conseil l’accès aux documents de la procédure de sélection qui la concernaient.
20 Le Conseil a répondu à cette demande par une lettre datée du 25 novembre 2020, que la requérante a reçue le 27 novembre 2020. Parmi les documents transmis à la requérante en annexe à cette lettre figuraient, notamment, l’extrait de l’avis motivé du comité de sélection la concernant, la lettre du gouvernement portugais du 29 novembre 2019 ainsi que les documents concernant les différentes réunions des instances préparatoires du Conseil.
21 À la suite de la révélation, dans les médias portugais, de deux erreurs factuelles concernant la carrière de M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra contenues dans la lettre du gouvernement portugais du 29 novembre 2019, ce gouvernement a publié, le 31 décembre 2020 et le 4 janvier 2021, deux communiqués indiquant, notamment, qu’aucune de ces erreurs n’avaient été déterminantes quant à sa décision de soutenir la candidature de M. Moreira Alves d’Oliveira Guerra, ni quant à la décision du Conseil de nommer ce dernier procureur européen.
La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
22 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2021, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.
23 À l’appui de son recours, la requérante a invoqué trois moyens tirés, le premier, de la violation des règles applicables à la nomination des procureurs européens, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation et, le troisième, d’un détournement de pouvoir.
24 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 mars 2021, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité, tirée du caractère tardif du recours.
25 Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable, sans engager le débat au fond et a condamné la requérante aux dépens.
26 Le Tribunal a jugé, aux points 54 à 57 de l’ordonnance attaquée, que le délai de recours en annulation de la décision litigieuse courrait à compter de la date de la prise de connaissance par la requérante de la décision litigieuse, qui coïncidait, en l’occurrence, avec sa publication au Journal officiel de l’Union européenne le 29 juillet 2020.
27 Le Tribunal a estimé, au point 58 de l’ordonnance attaquée, que le délai de recours avait pris fin, en application de l’article 263, sixième alinéa, TFUE et des articles 59 et 60 du règlement de procédure du Tribunal, le 23 octobre 2020. Le recours introduit par la requérante le 5 février 2021 était donc tardif.
28 Le Tribunal a relevé, aux points 60 et 61 de l’ordonnance attaquée, que, même dans l’hypothèse où il aurait été considéré que la requérante avait pris connaissance de la décision litigieuse à la date à laquelle le Conseil lui a fait parvenir les motifs individuels de la décision litigieuse, à savoir le 7 octobre 2020, le délai de recours, allongé du délai forfaitaire de dix jours prévu à l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, serait arrivé à échéance le 17 décembre 2020. Ainsi, même dans cette hypothèse, le recours, introduit le 5 février 2021, était tardif.
29 Par ailleurs, le Tribunal a, aux points 66 à 67 de l’ordonnance attaquée, écarté l’argumentation de la requérante, selon laquelle le délai de recours ne prend cours qu’à partir de la divulgation des documents et des éléments lui ayant permis de comprendre la portée exacte et les motifs de la décision litigieuse.
30 Le Tribunal a également, aux points 68 et 69 de l’ordonnance attaquée, rejeté l’argumentation de la requérante prise d’une erreur excusable en raison de la communication tardive par le Conseil de la lettre du gouvernement portugais du 29 novembre 2019, après avoir constaté que cette circonstance est dénuée de pertinence en l’espèce aux fins de la détermination du point de départ du délai de recours.
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi
31 Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :
– d’annuler l’ordonnance attaquée ;
– de statuer elle-même définitivement sur le litige, dès lors qu’elle dispose de tous les éléments de fait et de droit pour le faire, et
– de condamner le Conseil à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, aussi bien dans le cadre de la procédure devant le Tribunal que dans le cadre de celle devant la Cour.
32 Le Conseil demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement non fondé et, en partie, manifestement irrecevable et
– de condamner la requérante aux dépens.
Sur le pourvoi
33 Aux termes de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, celle-ci peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi par voie d’ordonnance motivée, sans ouvrir la procédure orale.
34 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.
35 En l’occurrence, la requérante a soulevé trois moyens à l’appui de son pourvoi tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal a considéré que le délai de recours avait commencé à courir à partir de la date de publication de la décision litigieuse au Journal officiel de l’Union européenne, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal a considéré que le Conseil avait communiqué les motifs individuels de la décision litigieuse le 7 octobre 2020 et, le troisième, invoqué à titre subsidiaire, de la non–application ou de l’application excessivement restrictive de la jurisprudence relative à l’erreur excusable ainsi que de l’absence de réponse au moyen relatif à l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure.
Sur les premier et deuxième moyens
Argumentation des parties
36 Par les premier et deuxième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, la requérante fait valoir, en substance, que, en considérant que le délai de recours a commencé à courir à partir du 29 juillet 2020, date de la publication de la décision litigieuse au Journal officiel de l’Union européenne ou, à titre subsidiaire, à partir de la date à laquelle le Conseil lui a fait parvenir, par la lettre du 7 octobre 2020, les motifs de la décision litigieuse, le Tribunal a commis une erreur manifeste d’appréciation et enfreint tant le principe général du droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que les dispositions du règlement 2017/1939 garantissant la protection des droits des candidats et le principe d’indépendance du Parquet européen, consacré à l’article 6 de ce règlement.
37 La requérante fait valoir que l’efficacité du contrôle juridictionnel, qui porte sur la légalité des motifs de la décision litigieuse, implique la faculté de décider, en pleine connaissance de cause, s’il est utile de saisir la juridiction.
38 La requérante affirme que, même après avoir reçu la lettre du Conseil du 7 octobre 2020, elle ne disposait pas de tous les éléments lui permettant de contester la décision litigieuse. Elle indique qu’elle ignorait l’existence des objections à son classement figurant dans la lettre du gouvernement portugais du 29 novembre 2019 ainsi que la suite favorable que le Conseil a réservé à cette lettre.
39 Or, ladite lettre constituerait le fondement de la décision litigieuse, contiendrait deux erreurs matérielles et porterait atteinte à la procédure de nomination et à l’indépendance des procureurs européens. Le Conseil n’aurait porté la même lettre à la connaissance de la requérante que le 27 novembre 2020, aux fins expresses de l’exercice de ses droits de la défense. Dans ces conditions, le délai de recours, augmenté du délai de dix jours prévu à l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, aurait expiré le 8 février 2021. Le recours, introduit le 5 février 2021, aurait donc été introduit en temps utile.
40 Fixer le point de départ du délai de recours au 29 juillet 2020, date de la publication de la décision litigieuse ou à la date de réception de la lettre du 7 octobre 2020, reviendrait à admettre que le contrôle juridictionnel et l’exercice des droits de la défense dépendent de la diligence avec laquelle une institution donne accès aux informations permettant au destinataire d’un acte lui faisant grief de décider s’il est utile de saisir le juge. Une telle interprétation serait contraire au caractère d’ordre public des délais de recours ainsi qu’à l’égalité des justiciables devant la loi, dès lors que le délai de recours dépendrait du bon vouloir de l’institution concernée.
41 La requérante estime que l’intervention du gouvernement portugais porte atteinte, de façon flagrante, à l’indépendance du Parquet européen ainsi qu’au droit des candidats à une évaluation juste et objective, par le Conseil et par les instances instituées à cette fin.
42 Le Conseil conteste les arguments de la requérante.
Appréciation de la Cour
43 Conformément à l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, les décisions, lorsqu’elles n’indiquent pas de destinataire, sont publiées au Journal officiel de l’Union européenne.
44 En vertu de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, un recours en annulation doit être introduit dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.
45 Ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 44 de l’ordonnance attaquée, la date de prise de connaissance de l’acte a un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Portugal/Commission, C‑337/16 P, EU:C:2017:381, point 39 et jurisprudence citée).
46 Par ailleurs, ainsi que l’a relevé, en substance, le Tribunal au point 52 de l’ordonnance attaquée, la décision de nomination au poste de procureur européen, au terme d’une procédure de sélection, de certains candidats désignés par les États membres participant à la coopération renforcée concernant la création du Parquet européen est indissociablement liée au rejet de la candidature des autres candidats désignés par ces États membres.
47 Il résulte de ces considérations que, d’une part, la décision litigieuse a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne conformément à l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE et, d’autre part, que cette publication a fait courir le point de départ du délai de recours de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
48 Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cas où le point de départ du délai de recours est la publication de l’acte dont l’annulation est demandée, le requérant ne peut invoquer avoir pris connaissance de cet acte postérieurement à sa publication afin de retarder la computation du délai, dès lors que la date de publication est le critère décisif pour déterminer le point de départ du délai de recours (voir, en ce sens, ordonnances du 25 novembre 2008, S.A.BA.R./Commission, C‑501/07 P, non publiée, EU:C:2008:652, point 22 ; du 9 juillet 2009, Fornaci Laterizi Danesi/Commission, C‑498/08 P, non publiée, EU:C:2009:447, point 22, et du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a., C‑426/18 P, non publiée, EU:C:2019:89, point 24).
49 Par conséquent, la Cour constate que le Tribunal a, au point 54 de l’ordonnance attaquée, commis une erreur de droit en considérant que le point de départ du délai de recours était en l’espèce la date à laquelle la requérante a pris connaissance de la décision litigieuse. Après avoir retenu cette date comme point de départ du délai de recours, le Tribunal a en outre, au point 58 de l’ordonnance attaquée, méconnu l’article 59 du règlement de procédure du Tribunal en jugeant que cette disposition était applicable dans un tel cas.
50 Il convient, cependant, de rappeler que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 47 et jurisprudence citée).
51 Or, en l’occurrence, les erreurs commises dans le raisonnement du Tribunal, relevées au point 49 de la présente ordonnance, n’affectent pas la conclusion à laquelle est parvenu celui-ci au point 58 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle le délai de recours, qui a commencé à courir à partir de la date de la publication de la décision litigieuse au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 29 juillet 2020, a pris fin, conformément à l’article 263, sixième alinéa, TFUE ainsi qu’aux articles 59 et 60 du règlement de procédure du Tribunal, le 23 octobre 2020, de telle sorte que le recours introduit par la requérante le 5 février 2021 était tardif.
52 En outre, c’est à bon droit que le Tribunal a rappelé, aux points 47 et 48 de l’ordonnance attaquée, que, selon une jurisprudence constante, les délais de recours au titre de l’article 263 TFUE sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge (arrêt du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, EU:C:1997:33, point 21), et que la réglementation de l’Union en matière de délais de recours a pour objectif de satisfaire à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (ordonnance du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 52 et jurisprudence citée).
53 C’est dès lors sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a, au point 66 de l’ordonnance attaquée, rejeté l’argumentation de la requérante, réitérée dans le cadre du pourvoi, selon laquelle le délai de recours ne prend cours qu’à partir de la divulgation de documents et d’éléments permettant, aux yeux de la requérante, de comprendre la portée exacte et les motifs de la décision litigieuse, en relevant qu’une telle argumentation est incompatible avec la finalité de l’article 263, sixième alinéa, TFUE.
54 Ne saurait donc prospérer l’argumentation de la requérante selon laquelle le délai de recours contre la décision litigieuse n’aurait commencé à courir qu’à compter du 27 novembre 2020, date à laquelle le Conseil aurait porté à sa connaissance la lettre du gouvernement portugais du 29 novembre 2019.
55 La requérante invoquant le droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, il convient de rappeler que, si les conditions de recevabilité prévues à l’article 263 TFUE doivent être interprétées à la lumière de ce droit fondamental, cela ne saurait aboutir à écarter ces conditions, qui sont expressément prévues par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, VodafoneZiggo Group/Commission, C‑689/19 P, EU:C:2021:142, point 137).
56 Enfin, s’agissant de la prétendue incidence de la lettre du gouvernement portugais du 29 novembre 2019 sur la décision finale du Conseil, il convient de relever que l’argumentation de la requérante à cet égard vise non pas la légalité de l’appréciation par le Tribunal de la recevabilité de recours, mais la légalité, au fond, de la décision litigieuse. Ainsi, il y a lieu de constater que l’argument tiré de l’atteinte à l’indépendance du Parquet européen est inopérant.
57 Par conséquent, il convient de rejeter les premier et deuxième moyens comme étant manifestement non fondés.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
58 Par la première branche du troisième moyen, la requérante soutient que la pleine connaissance du caractère définitif d’une décision ainsi que du délai de recours applicable en vertu de l’article 263 TFUE n’exclut pas, en soi, qu’un justiciable puisse invoquer une erreur excusable susceptible de justifier la tardiveté de son recours.
59 Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que le Conseil a dissimulé l’existence de la lettre du gouvernement portugais jusqu’à ce qu’il porte celle-ci à la connaissance de la requérante le 27 novembre 2020. Une telle situation serait susceptible de constituer, selon la jurisprudence de la Cour, une erreur excusable de nature à justifier la tardivité du recours. Or, le Tribunal se serait abstenu d’appliquer, par analogie, la jurisprudence issue de l’arrêt du 15 mai 2003, Pitsiorlas/Conseil et BCE (C‑193/01 P, EU:C:2003:281), et de déterminer si le Conseil avait, en l’espèce, adopté ou non un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti.
60 Par la seconde branche du troisième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a méconnu son moyen subsidiaire tiré de l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure, justifiant qu’il soit dérogé aux délais de procédure.
61 Le Conseil conteste cette argumentation.
Appréciation de la Cour
62 Il convient de rejeter d’emblée l’affirmation de la requérante selon laquelle, en l’occurrence, le Tribunal n’a pas appliqué la jurisprudence de la Cour relative à l’erreur excusable.
63 En effet, au point 62 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rappelé qu’une erreur excusable peut, dans des circonstances exceptionnelles, avoir pour effet de ne pas mettre la partie requérante hors délai (ordonnance du 26 octobre 2000, Autriche/Commission, C‑165/99, non publiée, EU:C:2000:587, point 17 et jurisprudence citée). Au point 63 de cette ordonnance, le Tribunal a précisé à bon droit, que, dans le cadre de la réglementation de l’Union relative aux délais de recours, la notion d’« erreur excusable », permettant d’y déroger, ne vise que des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti (ordonnance du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 42).
64 La requérante ayant soutenu devant le Tribunal, ainsi que cela ressort du point 64 de l’ordonnance attaquée, que c’est uniquement lorsqu’elle a pris connaissance des erreurs contenues dans la lettre du gouvernement portugais du 29 novembre 2019 qu’elle a pu prendre conscience de l’illégalité dont était affectée la décision litigieuse, c’est sans commettre d’erreur de droit, au regard de la jurisprudence rappelée au point 63 de la présente ordonnance, que le Tribunal, aux points 68 et 69 de l’ordonnance attaquée, a considéré, en substance, que, à supposer que le Conseil ait volontairement tardé à lui donner accès à cette lettre, cette circonstance n’était pas de nature à établir l’existence d’une erreur excusable.
65 Enfin, en ce qui concerne l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci est tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s’il ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis et ne repose pas sur des éléments de preuve circonstanciés (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 121, et du 3 mars 2022, WV/SEAE, C‑162/20 P, EU:C:2022:153, point 60).
66 En outre, conformément à l’article 263, sixième alinéa, TFUE et à l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, il appartient à l’intéressé d’établir, d’une part, que des circonstances anormales, imprévisibles et qui lui sont étrangères ont eu pour conséquence l’impossibilité pour lui de respecter le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE et, d’autre part, qu’il ne pouvait se prémunir contre les conséquences desdites circonstances en prenant les mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258, point 72 et jurisprudence citée).
67 Or, la requérante n’ayant avancé dans sa requête aucun élément à l’appui de son argument selon lequel la dissimulation d’informations par le Conseil aurait constitué également un cas fortuit ou de force majeure, elle ne saurait faire grief au Tribunal de ne pas avoir répondu explicitement et spécifiquement à cet argument.
68 Dès lors, le troisième moyen doit être écarté comme étant manifestement non fondé.
69 Il convient, par conséquent, de rejeter le pourvoi comme étant manifestement non fondé.
Sur les dépens
70 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté comme étant manifestement non fondé.
2) Mme Ana Carla Mendes de Almeida est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure : le portugais.