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Document 62023TO1194
Order of the General Court (Fifth Chamber) of 5 November 2024.#Apc Europe SL and Others v European Commission.#Case T-1194/23.
Rettens kendelse (Femte Afdeling) af 5. november 2024.
Apc Europe SL m.fl. mod Europa-Kommissionen.
Sag T-1194/23.
Rettens kendelse (Femte Afdeling) af 5. november 2024.
Apc Europe SL m.fl. mod Europa-Kommissionen.
Sag T-1194/23.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2024:795
DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
5 novembre 2024 (*)
« Recours en annulation – Police sanitaire – Règlement (CE) no 999/2001 – Encéphalopathie spongiforme bovine – Interdiction d’utiliser du sang et des produits sanguins dérivés de bovins dans le régime alimentaire des animaux d’aquaculture – Refus d’engager la procédure de réexamen de l’interdiction – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »
Dans l’affaire T‑1194/23,
Apc Europe SL, établie à Granollers (Espagne), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, (1), représentées par Me M. Moretto, avocat,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par Mme F. Moro et M. B. Rechena, en qualités d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh et Mme M. Stancu (rapporteure), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
rend la présente
Ordonnance
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Apc Europe SL et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe, demandent l’annulation de la décision contenue dans la lettre de la Commission européenne reçue le 24 octobre 2023, par laquelle cette dernière a rejeté leur demande, formulée par lettre du 28 août 2023, tendant au réexamen, eu égard à la nouvelle situation prévalant dans l’Union européenne du fait de la disparition de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), de l’interdiction, actuellement en vigueur, d’utiliser du sang et des produits sanguins dérivés de bovins dans le régime alimentaire des animaux d’aquaculture, et à la présentation d’un projet de mesures visant à en autoriser l’utilisation (ci-après la « lettre litigieuse »).
Antécédents du litige
2 Les requérantes sont, d’une part, une association de droit néerlandais de défense des intérêts des entreprises de l’Union spécialisées dans la production et la commercialisation de protéines animales, en particulier de sang et de produits sanguins, et, d’autre part, neuf entreprises ayant leur siège dans différents États membres qui collectent, transforment et commercialisent du sang et des produits sanguins d’origine animale destinés à être utilisés, entre autres, comme aliments pour les animaux d’aquaculture.
3 Le règlement (CE) no 999/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l’éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles (JO 2001, L 147, p. 1), prévoit à son article 7, paragraphes 1 à 3, que l’utilisation de protéines animales est interdite dans l’alimentation des ruminants ainsi que dans celle des animaux autres que les ruminants qui sont mentionnés à l’annexe IV de ce règlement, sauf dérogations. Selon l’annexe IV, chapitre I, sous b), et chapitre V, section C, paragraphe 1, dudit règlement, l’utilisation du sang et des produits sanguins d’origine bovine dans l’Union est autorisée seulement pour l’alimentation des animaux à fourrure et des animaux familiers.
4 En estimant que la situation épidémiologique relative à l’ESB s’était améliorée sensiblement et progressivement dans l’Union, les requérantes ont, par lettre du 28 août 2023, formellement mis en demeure la Commission, sur le fondement de l’article 265 TFUE, en lui demandant, en substance, d’engager la procédure prévue aux articles 23 et 24 du règlement no 999/2001 afin de réexaminer l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphes 2 et 3, de ce règlement (ci-après la « procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux ») et de présenter un projet de mesures visant à autoriser les produits sanguins d’origine bovine dans le régime alimentaire des animaux d’aquaculture.
5 Par la lettre litigieuse, la Commission a informé les requérantes de son refus de réexaminer l’interdiction d’utiliser du sang et des produits sanguins dans l’alimentation des animaux d’aquaculture, au motif que, même si la situation relative à l’ESB s’était améliorée au sein de l’Union, la levée de l’interdiction en question pouvait compromettre les efforts accomplis jusqu’à présent pour endiguer la diffusion de cette pathologie.
Conclusions des parties
6 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la lettre litigieuse ;
– condamner la Commission aux dépens.
7 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
8 En vertu de l’article 129 du règlement de procédure du Tribunal, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal peut, à tout moment, d’office, les parties entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée sur les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent les conditions de recevabilité d’un recours.
9 Le 30 avril 2024, le Tribunal a invité les parties à lui soumettre leurs éventuelles observations quant à la recevabilité du présent recours, notamment sur la question de savoir si la lettre faisant l’objet du présent recours en annulation constitue un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. Les parties ont déposé leurs observations dans le délai imparti. Après avoir entendu les parties à cet égard et s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, le Tribunal décide de statuer par la voie d’une ordonnance motivée sans poursuivre la procédure.
10 Les requérantes font valoir dans la requête que la lettre litigieuse constitue un acte préliminaire à l’adoption d’un acte juridique, à savoir la modification du règlement no 999/2001, laquelle aurait pour effet potentiel de lever l’interdiction de production et de commercialisation du sang et des produits sanguins d’origine bovine à des fins d’utilisation dans le régime alimentaire des animaux d’aquaculture. Ainsi, la modification de ce règlement constituant un acte réglementaire qui les affecte directement et qui n’a pas besoin de mesures d’exécution, la lettre litigieuse peut faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE.
11 Dans leurs observations sur la mesure d’organisation de la procédure mentionnée au point 9 ci-dessus, les requérantes ajoutent que, premièrement, la lettre litigieuse constitue une prise de position explicite et définitive de la Commission quant au refus d’engager la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux et de se conformer aux obligations découlant de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1), ainsi que des principes de précaution et de proportionnalité, de sorte que cette lettre ne saurait être considérée comme un acte préparatoire.
12 Deuxièmement, la Commission étant obligée, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 178/2002, ainsi qu’aux principes de précaution et de proportionnalité, de réexaminer périodiquement les interdictions en matière d’alimentation des animaux, il s’ensuivrait que des personnes morales, telles que les requérantes, qui sont soumises à de telles interdictions depuis de nombreuses années, ont le droit non seulement de demander à la Commission de réexaminer ces interdictions, mais aussi de demander devant le Tribunal l’annulation du refus éventuel de la Commission de procéder à un tel réexamen. Selon les requérantes, ce refus produit des effets juridiques obligatoires affectant leurs intérêts, puisqu’il les empêche de pouvoir programmer et réaliser leurs activités commerciales. Les requérantes font valoir en outre qu’elles ne peuvent pas intenter un recours en carence sur le fondement de l’article 265 TFUE, la Commission ayant mis fin à la carence en répondant par la lettre litigieuse.
13 Troisièmement, les requérantes font valoir que la jurisprudence citée par le Tribunal dans la mesure d’organisation de la procédure mentionnée au point 9 ci-dessus, à savoir l’ordonnance du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission (T‑369/03, EU:T:2005:458), confirmée par l’ordonnance du 13 mars 2007, Arizona Chemical e.a./Commission (C‑150/06 P, non publiée, EU:C:2007:164), ainsi que l’ordonnance du 18 décembre 2020, Micreos Food Safety/Commission (T‑568/19, non publiée, EU:T:2020:647, notamment les points 94 à 109), n’est pas transposable au cas d’espèce, aucune de ces affaires ne portant sur les règlements no 999/2001 et no 178/2002 ni sur les principes de proportionnalité et précaution.
14 Quatrièmement, les requérantes affirment qu’elles n’ont pas à démontrer qu’elles bénéficient de garanties procédurales particulières, dès lors que l’existence de telles garanties relève de l’affectation individuelle qui ne doit pas être prouvée dans le cadre d’un recours, comme celui en l’espèce, tendant à l’annulation d’un acte réglementaire.
15 Elles précisent que, en tout état de cause, ces garanties, de même que le droit de demander l’engagement de la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux, découlent du règlement no 178/2002.
16 En premier lieu, l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement prévoit que la Commission doit adapter, au plus tard le 1er janvier 2007, les procédures en matière de législation alimentaire. Or, pour se conformer à cette disposition ainsi qu’à l’article 7 du même règlement, la Commission aurait dû modifier le règlement no 999/2001 afin d’inclure la possibilité pour les entreprises, telles que les requérantes, frappées par des interdictions en matière d’alimentation des animaux, de demander d’engager la procédure de réexamen de ces interdictions, ce qu’elle n’a pas fait. En outre, les requérantes considèrent que la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44), portant sur un « régime » d’autorisation nationale préventive comportant l’interdiction de commercialiser certains produits alimentaires, doit s’appliquer à la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux, de sorte que, si le produit alimentaire ne présente pas de risques pour la santé, l’autorisation doit être accordée et, en cas de refus, les opérateurs économiques doivent bénéficier de la possibilité d’attaquer un tel refus devant un juge national.
17 En second lieu, le règlement no 178/2002, tel que modifié par le règlement (UE) 2019/1381 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019 (JO 2019, L 231, p. 1), prévoit, à l’article 8 bis, sous f), l’article 8 ter, sous c) et l’article 8 quater, la participation des opérateurs de l’industrie des aliments pour animaux au processus d’analyse du risque, y compris dans le cadre de procédures de réexamen, telles que celle des interdictions en matière d’alimentation des animaux.
18 Cinquièmement, les requérantes font valoir que les considérations exposées aux points 11 à 17 ci-dessus s’appliquent également au refus contenu dans la lettre litigieuse d’adopter un projet de mesures visant à autoriser l’utilisation du sang et des produits sanguins dérivés de bovins dans le régime alimentaire des animaux d’aquaculture, la Commission étant obligée de proposer un tel projet pour engager la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux.
19 Dans ses observations sur la mesure d’organisation de la procédure mentionnée au point 9 ci-dessus, la Commission fait valoir, en substance, que l’acte que les requérantes lui ont demandé d’adopter, à savoir l’engagement de la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux, constitue un acte intermédiaire et préparatoire, dès lors que cette procédure pourrait ne pas aboutir au résultat escompté par les requérantes. Ainsi, le refus contenu dans la lettre litigieuse d’engager une telle procédure ne constituant qu’une prise de position sur un acte intermédiaire et préparatoire, il ne saurait faire l’objet d’un recours en annulation. En outre, selon la Commission, ni le règlement no 999/2001 ni le règlement no 178/2002 ne confèrent aux personnes morales, telles que les requérantes, le droit de demander à cette institution d’engager la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux.
20 Selon une jurisprudence constante, le refus opposé, par une institution de l’Union, de procéder au retrait ou à la modification d’un acte ne saurait constituer lui-même un acte dont la légalité peut être contrôlée, conformément à l’article 263 TFUE, que lorsque l’acte que l’institution de l’Union refuse de retirer ou de modifier aurait pu lui-même être attaqué en vertu de cette disposition (voir ordonnances du 22 janvier 2010, Makhteshim-Agan Holding e.a./Commission, C‑69/09 P, non publiée, EU:C:2010:37, point 46 et jurisprudence citée ; du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03, EU:T:2005:458, point 64 et jurisprudence citée, et du 22 décembre 2023, Exxonmobil Petroleum & Chemical/Commission et ECHA, T‑121/23, non publiée, EU:T:2023:876, point 28 et jurisprudence citée).
21 Il s’ensuit que les recours en annulation dirigés contre un refus de proposition sont, en principe, irrecevables, à l’image de ceux dirigés contre une proposition (ordonnance du 13 mars 2007, Arizona Chemical e.a./Commission, C‑150/06 P, non publiée, EU:C:2007:164, points 23 et 24, et arrêt du 24 octobre 2019, EPSU et Goudriaan/Commission, T‑310/18, EU:T:2019:757, point 26).
22 Toutefois, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’un texte confère à certaines personnes le droit de demander à la Commission d’ouvrir une procédure, notamment en vue d’adopter un acte, ou qu’il prévoit que ces personnes bénéficient de garanties procédurales lors d’une telle procédure, le refus de la Commission d’engager cette procédure constitue un acte attaquable. En effet, ce refus met fin à la procédure initiée par les personnes en cause sur le fondement dudit texte. Un tel refus exprime la position définitive de la Commission et produit des effets juridiques obligatoires et, partant, est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation (voir ordonnance du 22 décembre 2023, Exxonmobil Petroleum & Chemical/Commission et ECHA, T‑121/23, non publiée, EU:T:2023:876, point 48 et jurisprudence citée).
23 Il y a lieu d’emblée de relever que l’argument, exposé au point 14 ci-dessus, selon lequel les requérantes n’ont pas à prouver qu’elles sont aussi « individuellement » concernées au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE par une éventuelle modification du règlement no 999/2001 n’est pas pertinent en l’espèce. En effet, les requérantes ne contestent pas la légalité de ce règlement, mais le refus de la Commission d’entamer la procédure visant à le modifier. Or, conformément à la jurisprudence citée aux points 20 à 22 ci-dessus, pour pouvoir attaquer un tel refus sur le fondement de l’article 263 TFUE, les requérantes sont tenues de prouver que l’acte que la Commission a refusé d’adopter en l’espèce produit des effets juridiques obligatoires et aurait donc pu lui-même être attaqué en vertu de l’article 263 TFUE ou, à tout le moins, qu’elles ont le droit de demander à la Commission d’engager la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux ou qu’elles bénéficient de garanties procédurales lors d’une telle procédure.
24 Dans le même ordre d’idées, le fait que la Commission ait, par la lettre litigieuse, mis fin à la carence en empêchant les requérantes d’introduire un recours en carence sur le fondement de l’article 265 TFUE, ce dont le Tribunal n’a en tout état de cause pas à connaître dans le cadre de la présente affaire, ne saurait entraîner automatiquement la recevabilité d’un recours introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE.
25 Ces précisions étant apportées, il convient d’examiner, dans un premier temps, si la Commission a refusé d’adopter un acte attaquable puis, dans un second temps, si les requérantes ont le droit de demander à la Commission d’engager la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux ou si elles bénéficient de garanties procédurales lors d’une telle procédure.
Sur l’existence d’un refus d’adopter un acte attaquable
26 Selon l’article 23, premier alinéa, du règlement no 999/2001, « [a]près consultation du comité scientifique approprié sur toute question susceptible d’avoir un effet sur la santé publique, les annexes sont modifiées ou complétées et toute mesure transitoire appropriée est adoptée, conformément à la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 24, paragraphe 3 ».
27 L’article 24, paragraphes 1 et 3, de ce règlement, prévoit ce qui suit :
« 1. La Commission est assistée par le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale. […]
3. Dans le cas où il est fait référence au présent paragraphe, l’article 5 bis, paragraphes 1 à 4, et l’article 7 de la [décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO 1999, L 184, p. 23)] s’appliquent, dans le respect des dispositions de l’article 8 de celle-ci. »
28 Plus précisément, l’article 5 bis, paragraphes 1 et 2, de la décision 1999/468 dispose que la Commission soumet au comité de réglementation avec contrôle, composé des représentants des États membres, un projet des mesures à prendre et que ce comité émet un avis sur ce projet à la majorité qualifiée. Le paragraphe 3 énonce que, lorsque les mesures envisagées par la Commission sont conformes à l’avis du comité, celle-ci soumet le projet de mesures au Parlement européen et au Conseil pour contrôle. Si ni le Parlement ni le Conseil ne se sont opposés au projet de mesures, celles-ci sont arrêtées par la Commission. Le paragraphe 4 dispose que, lorsque les mesures envisagées par la Commission ne sont pas conformes à l’avis du comité, ou en l’absence d’avis, la Commission soumet une proposition relative aux mesures à prendre au Conseil et au Parlement. Si ni le Conseil ni le Parlement ne se sont opposés aux mesures proposées, celles-ci sont arrêtées par le Conseil ou par la Commission.
29 La procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux mentionnée ci-dessus possède les caractéristiques d’une procédure complexe conduisant à l’adoption de mesures de portée générale, du type des procédures de « comitologie » (voir, par analogie, ordonnance du 18 décembre 2020, Micreos Food Safety/Commission, T‑568/19, non publiée, EU:T:2020:647, point 107).
30 Dans ce contexte, le projet de mesures que la Commission soumet au comité de réglementation composé de représentants des États membres ne constitue qu’un acte intermédiaire et préparatoire, dès lors qu’il précède l’adoption de la modification du règlement no 999/2001 dont le contenu ne coïnciderait pas nécessairement avec celui du projet de mesures (voir, par analogie, ordonnance du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03, EU:T:2005:458, point 53). Il en va d’autant plus ainsi que la procédure de réglementation avec contrôle, applicable en l’espèce, prévoit des contrôles supplémentaires par le Parlement et le Conseil, permettant à ces derniers de bloquer l’adoption d’une mesure proposée par la Commission (voir, par analogie, ordonnance du 18 décembre 2020, Micreos Food Safety/Commission, T‑568/19, non publiée, EU:T:2020:647, point 107).
31 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de considérer que la lettre litigieuse ne constitue qu’une prise de position sur une mesure purement intermédiaire et préparatoire qui, sur la base de la jurisprudence citée au point 20 ci-dessus, n’est pas, en principe, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation (voir, par analogie, ordonnances du 22 janvier 2010, Makhteshim-Agan Holding e.a./Commission, C‑69/09 P, non publiée, EU:C:2010:37, point 46 ; du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03, EU:T:2005:458, point 66, et du 18 décembre 2020, Micreos Food Safety/Commission, T‑568/19, non publiée, EU:T:2020:647, point 109).
Sur les éventuels droits procéduraux accordés aux requérantes
32 Il ressort du libellé clair des dispositions citées aux points 26 et 27 ci-dessus que la Commission dispose de la faculté de procéder au réexamen des interdictions en matière d’alimentation, notamment au cas où une « question susceptible d’avoir un effet sur la santé publique » se poserait. Les personnes morales, telles que les requérantes, ne bénéficient pas d’un quelconque droit, en vertu de ces dispositions, de demander et d’obtenir de la Commission l’engagement de la procédure de réexamen en cause. Par ailleurs, aucune participation de personnes morales telles que les requérantes dans cette procédure de réexamen n’est explicitement prévue par ces dispositions ni d’ailleurs par d’autres dispositions figurant dans le règlement no 999/2001, ce que ces dernières ne contestent pas.
33 Les requérantes se limitent tout au plus à faire valoir que le règlement no 999/2001 n’interdit pas expressément une telle démarche pour les opérateurs économiques qui, comme elles, se retrouvent soumis à des interdictions en matière d’alimentation des animaux depuis de nombreuses années. Sur ce point, il importe de relever que, si elle devait être suivie, cette argumentation reviendrait à créer une procédure inédite par la voie jurisprudentielle. Or, le Tribunal ne dispose pas, eu égard aux principes de l’équilibre institutionnel et de l’attribution des compétences, tels que consacrés à l’article 13, paragraphe 2, TUE, de la compétence pour aménager les dispositions du règlement no 999/2001 (voir, par analogie, ordonnance du 22 décembre 2023, Exxonmobil Petroleum & Chemical/Commission et ECHA, T‑121/23, non publiée, EU:T:2023:876, point 64 et jurisprudence citée).
34 En outre, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, les droits de demander à la Commission d’engager une procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux ou de bénéficier de garanties procédurales lors de cette procédure ne découlent pas non plus du règlement no 178/2002.
35 À cet égard, il convient de relever d’emblée que le règlement no 178/2002 ne saurait être invoqué afin de contester la validité du règlement no 999/2001 (voir point 16 ci-dessus), dans la mesure où lesdits règlements ont le même rang (voir, par analogie, arrêt du 29 septembre 2021, Società agricola Vivai Maiorana e.a./Commission, T‑116/20, EU:T:2021:632, point 132).
36 Ensuite, aucune des dispositions du règlement no 178/2002 invoquées par les requérantes (voir points 16 et 17 ci-dessus) ne prévoit la possibilité pour des personnes morales, telles que les requérantes, de contraindre la Commission à entamer une procédure de réexamen visant à modifier un règlement en matière de législation alimentaire.
37 À cet égard, force est de constater que si, certes, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 178/2002, prévoit que « les mesures adoptées en application du paragraphe 1 […] sont réexaminées dans un délai raisonnable », il ne ressort ni du texte de cette disposition ni de son interprétation à la lumière de l’article 8 bis, sous f), de l’article 8 ter, sous c), et de l’article 8 quater, dudit règlement, que le réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux puisse être entrepris à l’initiative de personnes morales, telles que les requérantes, et que, en présence d’une telle demande, la Commission soit tenue d’engager la procédure de réexamen en question et de modifier en conséquence un règlement comme celui en l’espèce. En effet, l’article 8 bis, sous f), l’article 8 ter, sous c), et l’article 8 quater, du règlement no 178/2002 concernent la « communication sur les risques » et aucun des objectifs de cette communication cités audit article 8 bis ne vise à conférer aux entreprises, telles que les requérantes, le droit de demander à la Commission d’engager une procédure de réexamen en matière de législation alimentaire, telle que la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux.
38 En ce qui concerne en particulier l’objectif mentionné à l’article 8 bis, sous f), du règlement no 178/2002 qui prévoit que « [la communication sur les risques poursuit le but d’]assurer la participation appropriée des consommateurs, des entreprises du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale, des milieux universitaires et de toutes les autres parties intéressées », il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 4 du règlement (UE) 2019/1381, cette participation vise à encourager un « dialogue participatif et ouvert entre toutes les parties intéressées afin d’assurer que la primauté de l’intérêt public ainsi que l’exactitude, l’exhaustivité, la transparence, la cohérence et l’obligation de rendre des comptes sont prises en compte au sein du processus d’analyse des risques ». Or, il est patent qu’un tel dialogue participatif a seulement pour but d’impliquer ces entreprises dans la communication sur les risques et non de leur fournir un instrument juridique pour contraindre la Commission à engager une procédure de réexamen, telle que celle concernant les interdictions en matière d’alimentation des animaux.
39 La jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France (C‑333/08, EU:C:2010:44), n’est par ailleurs d’aucun secours pour les requérantes. En effet, celle-ci porte sur une procédure pouvant être engagée par des opérateurs économiques aux fins de l’inscription de substances utilisées dans le processus d’élaboration ou de fabrication d’une denrée alimentaire (arrêt du 28 janvier 2010, Commission/France, C‑333/08, EU:C:2010:44, points 116 à 121), ce qui n’est clairement pas le cas en l’espèce, dès lors que, comme précisé aux points 32 à 38 ci-dessus, les requérantes ne peuvent pas revendiquer le droit d’engager une quelconque procédure, que ce soit à la lumière du règlement no 999/2001 ou du règlement no 178/2002.
40 Par conséquent, les requérantes ne disposent pas d’un droit à demander l’ouverture de la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux, que ce soit au titre du règlement no 999/2001 ou du règlement no 178/2002, et n’ont aucun autre droit ou garantie procédurale dans le cadre de cette procédure.
41 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de constater, premièrement, que la lettre litigieuse ne constitue qu’une prise de position sur une mesure purement intermédiaire et préparatoire qui n’est, en principe, pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation et, deuxièmement, que les requérantes ne disposent pas d’un droit à demander l’ouverture de la procédure de réexamen des interdictions en matière d’alimentation des animaux et ne bénéficient pas de garanties procédurales dans le cadre de cette procédure.
42 Eu égard aux considérations qui précèdent, qui sont fondées sur une jurisprudence bien établie que les requérantes n’ont pas été en mesure de remettre en cause, le recours doit être rejeté comme étant irrecevable, sans qu’il y ait lieu de proposer le renvoi de la présente affaire devant une formation de jugement élargie, comme demandé par les requérantes.
Sur les dépens
43 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme étant irrecevable.
2) Apc Europe SL et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
Fait à Luxembourg, le 5 novembre 2024.
Le greffier |
Le président |
V. Di Bucci |
J. Svenningsen |
* Langue de procédure : l’italien.
1 La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.