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Document 62014TO0495(02)

Rettens kendelse (Første Udvidede Afdeling) af 17. december 2021.
Georgios Theodorakis og Maria Theodoraki mod Rådet for Den Europæiske Union.
Ansvar uden for kontraktforhold – økonomisk og monetær politik – støtteprogram for stabilitet i Cypern – Eurogruppens erklæringer af 16. og 25. marts 2013 vedrørende Cypern – erklæring fra Eurogruppens formand af 21. marts 2013 vedrørende Cypern – fejlagtig angivelse af sagsøgte – åbenbart afvisningsgrundlag.
Sag T-495/14.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2021:941

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

17 décembre 2021 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Politique économique et monétaire – Programme de soutien à la stabilité de Chypre – Déclarations de l’Eurogroupe des 16 et 25 mars 2013 concernant Chypre – Déclaration du président de l’Eurogroupe du 21 mars 2013 concernant Chypre – Désignation erronée de la partie défenderesse – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑495/14,

Georgios Theodorakis, demeurant à La Canée (Grèce),

Maria Theodoraki, demeurant à La Canée,

représentés par Me V. Christianos, avocat,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. A. de Gregorio Merino, Mmes E. Chatziioakeimidou et E. Dumitriu-Segnana, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. B. Smulders, J.-P. Keppenne, M. Konstantinidis et Mme S. Delaude, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation des préjudices que les requérants auraient subis du fait des déclarations de l’Eurogroupe des 16 et 25 mars 2013 et de la déclaration du président de l’Eurogroupe du 21 mars 2013,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, M. Jaeger, Mmes N. Półtorak, O. Porchia et M. Stancu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Au début de l’année 2012, la Cyprus Popular Bank Public Co Ltd (ci-après la « Laïki ») et la Trapeza Kyprou Dimosia Etaireia Ltd (ci-après la « BoC ») ont rencontré d’importantes difficultés. Face à la dégradation continue de la situation financière de ces deux banques chypriotes, le gouvernement chypriote a jugé nécessaire d’intervenir.

2        Après avoir recapitalisé la Laïki à hauteur de 1,8 milliard d’euros en juin 2012, la République de Chypre a elle-même fait face à de graves difficultés financières.

3        Le 25 juin 2012, la République de Chypre a présenté au président de l’Eurogroupe une demande d’assistance financière du mécanisme européen de stabilité (MES) ou du Fonds européen de stabilité financière (FESF).

4        Par déclaration du 27 juin 2012, l’Eurogroupe a indiqué que l’assistance financière demandée serait fournie soit par le FESF soit par le MES, dans le cadre d’un programme d’ajustement macroéconomique devant se concrétiser dans un protocole d’accord dont la négociation serait menée, d’une part, par la Commission européenne, conjointement avec la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI), et, d’autre part, par les autorités chypriotes.

5        En mars 2013, la République de Chypre et les autres États membres dont la monnaie est l’euro (ci-après les « EMME ») sont parvenus à un accord politique sur un projet de protocole d’accord.

6        Par déclaration du 16 mars 2013, l’Eurogroupe a salué cet accord ainsi que l’engagement des autorités chypriotes à prendre des mesures supplémentaires visant à mobiliser des ressources internes, aux fins de limiter le volume de l’assistance financière liée au programme d’ajustement macroéconomique visé au point 4 ci-dessus. Parmi ces mesures figuraient, notamment, l’institution d’une taxe sur les dépôts bancaires de Chypre, la restructuration et la recapitalisation de banques ainsi que le renflouement interne des détenteurs d’obligations de rang inférieur. L’Eurogroupe a également souligné que le secteur financier chypriote ferait l’objet d’une réduction appropriée en vue de remédier à sa fragilité et à sa très grande taille par rapport au produit intérieur brut (PIB) de la République de Chypre. Dans ce contexte, l’Eurogroupe a indiqué qu’il considérait que l’octroi d’une assistance financière susceptible d’assurer la stabilité financière de la République de Chypre et de la zone euro était, en principe, justifié et a invité les parties intéressées à accélérer les négociations en cours.

7        Le 19 mars 2013, le Parlement chypriote a rejeté un projet de loi du gouvernement chypriote relatif à la création d’une taxe sur tous les dépôts bancaires de Chypre. Le gouvernement chypriote a alors élaboré un nouveau projet de loi prévoyant uniquement la restructuration de la BoC et de la Laïki.

8        Le 21 mars 2013, le Président de l’Eurogroupe a déclaré que l’Eurogroupe était prêt à discuter avec les autorités chypriotes d’une nouvelle proposition, dont il était attendu qu’elle soit présentée le plus rapidement possible. Il a précisé que l’Eurogroupe serait, sur la base d’une analyse de la Commission, de la BCE et du FMI, prêt à poursuivre les négociations sur un programme d’ajustement tout en respectant les paramètres qu’il avait préalablement définis.

9        Le 22 mars 2013, le Parlement chypriote a adopté la O peri exiyiansis pistotikon kai allon idrimaton nomos (No. 17(I)/2013) [loi sur l’assainissement d’établissements de crédit et d’autres établissements, EE, annexe I (I), no 4379, 22.3.2013, p. 117] (ci-après la « loi du 22 mars 2013 »). En vertu du point 3, paragraphe 1, et du point 5, paragraphe 1, de cette loi, la Kentriki Trapeza tis Kyprou (Banque centrale de Chypre, ci-après la « BCC ») a été chargée, conjointement avec le ministère des Finances chypriote, de l’assainissement des établissements visés par ladite loi. À cette fin, tout d’abord, le point 12, paragraphe 1, de la loi du 22 mars 2013 prévoit que la BCC peut, par décret, restructurer les dettes et les obligations d’un établissement soumis à une procédure de résolution, y compris par voie de réduction, de modification, de rééchelonnement ou de novation du capital nominal ou du solde de tout genre de créances existantes ou futures sur cet établissement ou par le biais d’une conversion de titres de dette en fonds propres. Ensuite, ledit point exclut de ces mesures les dépôts assurés, au sens du point 2, cinquième alinéa, de la loi du 22 mars 2013, soit les dépôts d’un montant inférieur ou égal à 100 000 euros. Le point 3, paragraphe 2, sous a) et b), de cette loi prévoit que les actionnaires d’un établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter toute perte résultant de la mise en œuvre des mesures de résolution, tandis que les créanciers d’un tel établissement ne supportent ces pertes qu’après les actionnaires. Enfin, il ressort du point 3, paragraphe 2, sous d), de ladite loi que les mesures adoptées sur le fondement de cette loi ne peuvent pas placer les créanciers des banques concernées dans une situation financière moins favorable que celle dans laquelle ils se trouveraient en cas de liquidation de ces banques. Le point 12, paragraphe 14, de la loi en question précise que, en cas de mise en œuvre de la mesure prévue au point 12, paragraphe 1, de la même loi, les parties affectées reçoivent, en paiement de leurs demandes, au minimum le montant qu’elles auraient reçu, en vertu du droit chypriote, en cas de liquidation desdites banques.

10      Par déclaration du 25 mars 2013, l’Eurogroupe a indiqué être parvenu à un accord avec les autorités chypriotes sur les éléments essentiels d’un futur programme macroéconomique d’ajustement ayant le soutien de tous les EMME ainsi que de la Commission, de la BCE et du FMI.

11      Dans cette déclaration, il est, notamment, indiqué ce qui suit :

« L’Eurogroupe salue les plans de restructuration du secteur financier mentionnés en annexe. Ces mesures serviront de base pour restaurer la viabilité du secteur financier. En particulier, elles garantissent tous les dépôts inférieurs à 100 000 euros, conformément aux principes de l’Union.

Le programme contiendra une approche décisive en vue de remédier aux déséquilibres du secteur financier. Il y aura une réduction appropriée du secteur financier […]

L’Eurogroupe demande instamment la mise en œuvre immédiate de l’accord entre [la République de Chypre] et la [République hellénique] relatif aux succursales grecques des banques chypriotes, qui protège la stabilité des systèmes bancaires grec et chypriote à la fois. »

12      L’annexe de cette déclaration est rédigée comme suit :

« À la suite d’une présentation des projets politiques des autorités [de la République de Chypre], qui ont été largement salués par l’Eurogroupe, il y a eu accord sur ce qui suit :

1. La Laïki est immédiatement démantelée – avec une contribution complète des actionnaires, des détenteurs d’obligations et des déposants non assurés – selon une résolution de la [BCC] en utilisant le cadre de résolution bancaire nouvellement adopté.

2. La Laïki est scindée en une structure de défaisance et en une banque assainie. La structure de défaisance devra disparaître progressivement.

3. La banque assainie est intégrée dans la [BoC] à l’aide du cadre de résolution bancaire et après consultation des conseils d’administration de la BoC et de la Laïki. Elle apportera [un soutien exceptionnel à la liquidité] s’élevant à 9 milliards d’euros. Seuls les dépôts non assurés de la BoC resteront gelés jusqu’à ce que la recapitalisation ait été réalisée et pourront ensuite être soumis à des conditions appropriées.

4. Le conseil des gouverneurs de la BCE apportera des liquidités à la BoC en respectant les règles applicables.

5. La BoC sera recapitalisée par le biais d’une conversion des dépôts non assurés en fonds propres avec une contribution complète des actionnaires et des détenteurs d’obligations.

6. La conversion sera effectuée de manière à sécuriser un ratio de capital de 9 % à la fin du programme.

7. Tous les détenteurs de dépôts assurés dans toutes les banques bénéficieront d’une protection totale en conformité avec la législation pertinente de [l’Union].

8. L’enveloppe du programme (jusqu’à 10 milliards d’euros) ne servira pas à recapitaliser la Laïki ou la [BoC]. »

13      Le 29 mars 2013, le to Peri tis Polisis Orismenon Ergasion tis Cyprus Popular Bank Public Co Ltd Diatagma tou 2013, Kanonistiki Dioikitiki Praxi No. 104 [décret de 2013 sur la vente de certaines activités de la Laïki, acte administratif réglementaire no 104, EE, annexe III(I), no 4645, 29.3.2013, p. 781 à 788] (ci-après le « décret no 104 ») a été publié sur le fondement de la loi du 22 mars 2013.

14      Les dispositions combinées des points 2 et 5 du décret no 104 prévoyaient, pour le 29 mars 2013, à 6 h 10, le transfert à la BoC de certains éléments d’actif et de passif de la Laïki, auprès de laquelle les requérants, M. Georgios Theodorakis et Mme Maria Theodoraki, étaient à l’époque titulaires de dépôts supérieurs à 100 000 euros. Parmi les éléments transférés figuraient les dépôts inférieurs à 100 000 euros. Les dépôts supérieurs à 100 000 euros ont été maintenus auprès de la Laïki, en attendant sa liquidation.

15      Le 25 avril 2013, agissant en vertu de l’article 136, paragraphe 1, TFUE, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2013/236/UE, adressée à Chypre, portant mesures spécifiques pour restaurer la stabilité financière et une croissance durable (JO 2013, L 141, p. 32). Cette décision indique que la « recapitalisation [de la Laïki et de la BoC] viendrait presque exclusivement de ces banques elles-mêmes (c’est-à-dire de leurs actionnaires, créanciers obligataires et déposants) » et prévoit une série de « mesures et [de] résultats » en vue de corriger le déficit budgétaire de la République de Chypre et de rétablir la solidité du système financier de cette dernière.

16      Le 26 avril 2013, le nouveau protocole d’accord a été signé par le vice-président de la Commission, au nom du MES, par le ministre des Finances de la République de Chypre et par le gouverneur de la BCC.

17      Le 8 mai 2013, le MES, la République de Chypre et la BCC ont conclu l’accord relatif à la facilité d’assistance financière. Le même jour, le conseil d’administration du MES a approuvé cet accord.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juin 2014, les requérants ont introduit le présent recours.

19      Dans leur requête, les requérants concluent en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, en réparation du préjudice matériel subi, condamner le Conseil à leur verser la somme de 1 431 193,58 euros, majorée des intérêts courant du 29 mars 2013 jusqu’au prononcé de l’arrêt du Tribunal ;

–        à titre subsidiaire, en réparation du préjudice matériel subi, condamner le Conseil à leur verser les quatre cinquièmes de la somme demandée à titre principal, soit 1 144 954,86 euros, majorée des intérêts courant du 29 mars 2013 jusqu’au prononcé de l’arrêt du Tribunal ;

–        à titre tout à fait subsidiaire, fixer la somme que le Conseil sera tenu de leur verser en réparation du préjudice matériel subi ;

–        condamner le Conseil à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la violation du principe d’égalité de traitement ;

–        condamner le Conseil à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective ;

–        condamner le Conseil aux dépens exposés par eux.

20      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 25 septembre 2014, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

21      Dans son exception d’irrecevabilité, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

22      Par lettre du 9 octobre 2014, le Conseil a présenté une demande de suspension de la présente procédure, que le président de la première chambre du Tribunal a rejetée par décision du 22 janvier 2015.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2014, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil.

24      Par acte du 5 janvier 2015, les requérants ont demandé au Tribunal de faire application de l’article 115, paragraphe 1, et de l’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure du 2 mai 1991, au motif que la demande d’intervention de la Commission était tardive.

25      Les requérants ont présenté leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité du Conseil le 7 janvier 2015. Dans ces observations, ils concluent en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité et procéder à l’examen du bien-fondé de la requête ;

–        à titre subsidiaire, joindre l’exception d’irrecevabilité au fond ;

–        condamner le Conseil aux dépens exposés par eux également en ce qui concerne l’exception d’irrecevabilité.

26      Par ordonnance du 3 juin 2015, le Tribunal (première chambre) a joint au fond l’exception d’irrecevabilité, conformément à l’article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

27      Par ordonnance du 29 juin 2015, le Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de la Commission. Le Tribunal a néanmoins précisé, en substance, que, la Commission ayant demandé à intervenir dans la présente procédure plus de six semaines après la communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure du 2 mai 1991, son intervention devrait se limiter à présenter des observations lors de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 116, paragraphe 6, de ce règlement.

28      Le 28 juillet 2015, le Conseil a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal. Dans ce mémoire, le Conseil conclut en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, déclarer le recours irrecevable dans son ensemble ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours dans sa totalité comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit ;

–        condamner les requérants aux dépens.

29      Le 14 janvier 2016, les requérants ont déposé une réplique au greffe du Tribunal.

30      Le 22 février 2016, le Conseil a déposé une duplique au greffe du Tribunal.

31      Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 24 mars 2016, les requérants ont demandé la tenue d’une audience.

32      Le 18 avril 2016, en application de l’article 69, sous d), du règlement de procédure, le président de la première chambre du Tribunal a, les parties principales entendues, décidé de suspendre la présente procédure jusqu’à l’adoption de la décision mettant fin à l’instance dans les affaires C‑8/15 P, Ledra Advertising/Commission et BCE, C‑9/15 P, Eleftheriou e.a./Commission et BCE, C‑10/15 P, Theophilou et Theophilou/Commission et BCE, C‑105/15 P, Mallis et Malli/Commission et BCE, C‑106/15 P, Tameio Pronoias Prosopikou Trapezis Kyprou/Commission et BCE, C‑107/15 P, Chatzithoma/Commission et BCE, C‑108/15 P, Chatziioannou/Commission et BCE, et C‑109/15 P, Nikolaou/Commission et BCE.

33      À la suite des arrêts du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), et Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), par lesquels la Cour a mis fin à l’instance dans les affaires visées au point 32 ci-dessus, la présente procédure a repris.

34      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

35      Le 24 octobre 2016, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties principales à présenter des observations quant aux conséquences qu’elles tiraient des deux arrêts mentionnés au point 33 ci-dessus pour le présent litige. Les parties principales ont déféré à cette invitation dans le délai imparti.

36      Le 17 mai 2017, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.

37      Par décision du 19 octobre 2017, adoptée sur le fondement de l’article 69, sous d), du règlement de procédure, le président de la quatrième chambre élargie du Tribunal a, les parties principales entendues, décidé de suspendre la procédure jusqu’à l’adoption des décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T‑680/13, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a., et T‑786/14, Bourdouvali e.a./Conseil e.a.

38      À la suite du prononcé des arrêts du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a. (T‑680/13, EU:T:2018:486), et Bourdouvali e.a./Conseil e.a. (T‑786/14, non publié, EU:T:2018:487), par lesquels le Tribunal a mis fin aux instances dans les affaires visées au point 37 ci-dessus, la présente procédure a repris.

39      Le 4 septembre 2018, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à présenter des observations quant aux conséquences qu’elles tiraient des arrêts visés au point 38 ci-dessus pour le présent litige.

40      Le 1er octobre 2018, le Conseil a demandé que la présente procédure soit suspendue jusqu’à ce que la Cour se prononce, dans les affaires C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, sur les pourvois introduits contre les arrêts du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a. (T‑680/13, EU:T:2018:486), et Bourdouvali e.a./Conseil e.a. (T‑786/14, non publié, EU:T:2018:487).

41      Par décision du 14 novembre 2018, adoptée sur le fondement de l’article 69, sous d), du règlement de procédure, le président de la quatrième chambre élargie du Tribunal a, les parties entendues, décidé de suspendre la procédure jusqu’à l’adoption de la décision mettant fin à l’instance dans les affaires visées au point 40 ci-dessus.

42      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre et la présente affaire a, par conséquent, été attribuée à la première chambre élargie.

43      À la suite de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), par lequel la Cour a mis fin aux instances dans les affaires visées au point 40 ci-dessus, la présente procédure a repris.

44      Le 19 janvier 2021, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à présenter des observations quant aux conséquences qu’elles tiraient, pour le présent litige, de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), et, dans la mesure où cela était nécessaire et où ils n’avaient pas été annulés par la Cour, des arrêts du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a. (T‑680/13, EU:T:2018:486), et Bourdouvali e.a./Conseil e.a. (T‑786/14, non publié, EU:T:2018:487). Les parties ont déféré à cette demande dans le délai requis.

 En droit

45      En vertu de l’article 126 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou que celui-ci est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

46      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la désignation de la partie défenderesse

47      Il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure du 2 mai 1991 que les recours en responsabilité non contractuelle de l’Union européenne doivent, sous peine d’irrecevabilité, être formellement dirigés contre l’institution à laquelle sont imputables les agissements dont la partie requérante soutient qu’ils ont causé le préjudice dont elle demande réparation (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, EU:C:2004:174, point 67 ; voir également, par analogie, arrêt du 12 novembre 2015, Elitaliana/Eulex Kosovo, C‑439/13 P, EU:C:2015:753, point 72).

48      Pour autant, la désignation dans la requête d’une partie défenderesse autre que celle à qui sont imputables ces agissements n’entraîne pas l’irrecevabilité de la requête si cette dernière contient des éléments permettant d’identifier sans ambiguïté la partie contre laquelle elle est formée. En pareille hypothèse, il convient de considérer comme partie défenderesse la personne à qui lesdits agissements sont imputables, quand bien même elle ne serait pas évoquée dans la partie introductive de la requête (voir, par analogie, ordonnance du 16 octobre 2006, Aisne et Nature/Commission, T‑173/06, non publiée, EU:T:2006:320, point 17 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 novembre 2015, Elitaliana/Eulex Kosovo, C‑439/13 P, EU:C:2015:753, point 73 et jurisprudence citée).

49      Toutefois, lorsque la requête est clairement dirigée contre une personne autre que celle à qui les agissements en cause sont imputables, le juge de l’Union ne peut ni contrevenir ni se substituer à la volonté manifeste de la partie requérante et n’a d’autre choix que de déclarer la requête irrecevable (voir, par analogie, arrêt du 12 novembre 2015, Elitaliana/Eulex Kosovo, C‑439/13 P, EU:C:2015:753, point 73). En effet, dans une telle hypothèse, la désignation de la partie défenderesse dans la requête ne relève pas d’une erreur et il n’appartient pas au Tribunal d’identifier la partie contre laquelle le recours devrait être dirigé afin de satisfaire aux exigences de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure du 2 mai 1991 [voir, en ce sens, ordonnance du 4 juin 2013, Elitaliana/Eulex Kosovo, T‑213/12, EU:T:2013:292, point 39, et arrêt du 3 juin 2015, Luxembourg Pamol (Cyprus) et Luxembourg Industries/Commission, T‑578/13, non publié, EU:T:2015:354, point 51].

50      En l’espèce, il ressort de la partie introductive de la requête que le présent recours est dirigé contre le « Conseil de l’Union européenne (en formation d’Eurogroupe) ». Selon les requérants, l’adoption des agissements suivants (ci-après les « agissements litigieux ») est imputable au Conseil :

–        la déclaration de l’Eurogroupe du 16 mars 2013 ;

–        la déclaration du président de l’Eurogroupe du 21 mars 2013 ;

–        la déclaration de l’Eurogroupe du 25 mars 2013, assortie de l’annexe dans laquelle aurait figuré l’« accord » que les autorités chypriotes auraient, sous la contrainte, conclu avec les ministres des Finances des EMME, en tant que membres de l’Eurogroupe.

51      Dans le corps de la requête, les requérants expliquent que l’Eurogroupe figure « [p]armi les formations à travers lesquelles le Conseil agit ». Ils soutiennent que c’est au moyen des agissements litigieux et en outrepassant les limites de ses compétences et en violation du droit dérivé et des principes généraux du droit de l’Union que le « Conseil, siégeant en formation d’Eurogroupe », a imposé les mesures prévues par le décret no 104 à la République de Chypre et a, par suite, causé la ponction de leurs dépôts ou, à tout le moins, a contribué à celle-ci.

52      Or, il convient de constater que l’auteur des agissements litigieux est l’Eurogroupe et qu’aucun d’entre eux ne comporte la moindre référence au Conseil.

53      Au point 30 de la réponse des requérants aux mesures d’organisation de la procédure du 19 janvier 2021, ils ont néanmoins insisté sur le fait qu’ils « ne dirige[aie]nt pas leur recours contre l’Eurogroupe en tant qu’entité distincte de l’Union, mais contre le Conseil, qui est une institution de l’Union, conformément à l’article 13, paragraphe 1, TUE » et dont l’Eurogroupe serait une « majorité spéciale ». Au point 35 de cette réponse, les requérants ont réitéré que les agissements litigieux étaient imputables au Conseil, siégeant dans une formation constituée par l’Eurogroupe.

54      Il en ressort que la désignation du Conseil en tant que partie défenderesse dans la requête ne relève pas d’une erreur des requérants. Elle résulte, au contraire, de leur point de vue réitéré tout au long de la procédure selon lequel l’Eurogroupe est une formation du Conseil, auquel les agissements de l’Eurogroupe sont dès lors imputables.

55      Il y a donc lieu d’examiner si tel est effectivement le cas.

56      À cet égard, il convient de rappeler que, au point 61 de l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), la Cour a jugé que l’Eurogroupe ne pouvait pas être assimilé à une formation du Conseil.

57      Il est vrai que, comme le relèvent les requérants dans leurs réponses aux mesures d’organisation de la procédure du 24 octobre 2016 et du 19 janvier 2021, l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), trouve son origine dans des recours en annulation fondés sur l’article 263 TFUE, tandis que la présente affaire a pour objet un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union fondé sur l’article 268 TFUE. Il y a cependant lieu d’observer que la conclusion dégagée au point 61 de cet arrêt, selon laquelle l’Eurogroupe n’est pas une formation du Conseil, se fonde sur des considérations tenant à sa nature juridique. Audit point, la Cour a ainsi renvoyé à la fois à l’utilisation du qualificatif « informel » dans le libellé du protocole no 14, du 26 octobre 2012, sur l’Eurogroupe (JO 2012, C 326, p. 283), annexé au traité FUE, et à l’absence de mention de l’Eurogroupe parmi les différentes formations du Conseil, énumérées à l’annexe I du règlement intérieur de celui-ci, adopté par la décision du Conseil 2009/937/UE, du 1er décembre 2009 (JO 2009, L 325, p. 35), dont la liste est visée à l’article 16, paragraphe 6, TUE. Or, de telles considérations valent qu’il soit question d’un recours en annulation comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), ou d’un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union comme en l’espèce et quand bien même le Conseil aurait représenté l’Eurogroupe devant le juge de l’Union dans le cadre d’autres procédures.

58      La Cour l’a d’ailleurs confirmé au point 87 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), qui avait pour origine deux recours en responsabilité non contractuelle de l’Union dans le cadre desquels le Conseil représentait l’Eurogroupe. En effet, dans cet arrêt, dans le prolongement du constat selon lequel l’article 137 TFUE et le protocole no 14 avaient formalisé l’existence de l’Eurogroupe sans en modifier la nature intergouvernementale, la Cour s’est référée au point 61 de l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), pour juger que l’Eurogroupe ne pouvait pas être assimilé à une formation du Conseil.

59      Ce faisant, la Cour a aussi, si besoin en était, éliminé tout doute quant au statut du point 61 de l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), dans sa jurisprudence.

60      Les agissements litigieux ne sauraient donc être imputés au Conseil, contre lequel le présent recours est pourtant dirigé.

61      Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée aux points 47 à 49 ci-dessus, la requête ne satisfait pas aux exigences de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure du 2 mai 1991. Le présent recours doit en conséquence être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

62      Ce n’est donc qu’à titre surabondant que le Tribunal examine sa compétence pour connaître du présent recours dans l’hypothèse où celui-ci devrait, nonobstant les points 51 à 54 ci-dessus, être compris comme étant, en réalité, dirigé contre l’Eurogroupe.

 Sur la compétence du Tribunal pour connaître du présent recours dans l’hypothèse où il serait dirigé contre l’Eurogroupe

63      En vertu de l’article 268 et de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, la compétence du Tribunal en matière de responsabilité non contractuelle se limite aux litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les institutions de l’Union ou par leurs agents agissant dans l’exercice de leurs fonctions.

64      En l’espèce, comme il ressort des points 52 à 60 ci-dessus, les agissements litigieux sont tous les trois imputables à l’Eurogroupe ou à son président. Dès lors, à supposer que le présent recours puisse être interprété comme étant dirigé contre l’Eurogroupe, la compétence du Tribunal pour en connaître dépend de la réponse à apporter à la question de savoir s’il est une « institution », au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

65      Le débat entre les parties porte notamment sur la question de savoir si la Cour a tranché ce point dans l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028).

66      À cet égard, il convient de relever que les requérants avaient, sur le fondement de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, demandé à être admis à intervenir devant la Cour dans les affaires qui ont donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028). À l’appui de leur demande, ils soutenaient que, dans ces affaires, la Cour allait trancher la question de droit dont dépendait la solution du présent litige, le Tribunal étant lié par l’interprétation de la Cour (ordonnance du 10 septembre 2019, Conseil/K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, non publiée, EU:C:2019:743, point 8).

67      Pour rejeter cette demande, le président de la Cour a jugé, notamment, que l’intérêt dont se prévalaient les requérants se rapportait uniquement au raisonnement de la Cour sur les points de droit soulevés dans le cadre des litiges portés devant elle et non à la solution de ces derniers en tant que telle. Or, un tel intérêt n’était pas suffisant pour établir l’existence d’un droit d’intervention (ordonnance du 10 septembre 2019, Conseil/K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, non publiée, EU:C:2019:743, point 16). Le président de la Cour a ajouté que le droit des demandeurs en intervention à faire valoir leurs droits et à exposer leurs arguments, tel qu’il découlait de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, était garanti par leur qualité de parties aux procédures pendantes devant le Tribunal (ordonnance du 10 septembre 2019, Conseil/K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, non publiée, EU:C:2019:743, point 18), dont la présente procédure pour les requérants.

68      Dans le cadre de la présente procédure, le Conseil soutient, en substance, que l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), de même que l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), confirment que l’Eurogroupe ne compte pas parmi les institutions, organes et organismes habilités à prendre des décisions produisant des effets juridiques imputables à l’Union. L’Eurogroupe serait une réunion informelle de ministres dont les actes expriment la volonté politique commune des EMME et non celle de l’Union. Les accords conclus au niveau de l’Eurogroupe auraient une simple valeur politique et une dimension intergouvernementale.

69      Quant à la Commission, elle a avancé, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 19 janvier 2021, que le Tribunal devrait se déclarer incompétent pour connaître du présent recours au vu de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028).

70      Les requérants contestent l’argumentation du Conseil et de la Commission. En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 19 janvier 2021, ils ont soutenu, en substance, que les conclusions dégagées dans l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), ne devraient pas être transposées à la présente espèce. Quant aux affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 24 octobre 2016, ils ont avancé qu’elles devraient être distinguées de la présente affaire.

71      En premier lieu, les requérants font valoir que c’est à tort que la Cour a retenu, dans l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), que l’Eurogroupe avait été formellement institué à l’extérieur du cadre institutionnel de l’Union dès 1997, par la résolution du Conseil européen du 13 décembre 1997 sur la coordination des politiques économiques au cours de la troisième phase de l’union économique et monétaire et sur les articles 109 et 109 B du traité CE (JO 1998, C 35, p. 1, ci-après la « résolution du Conseil européen du 13 décembre 1997 »), et avait conservé son caractère intergouvernemental lorsque l’article 137 TFUE et le protocole no 14 avaient formalisé son existence. Cette résolution n’aurait qu’une valeur historique. Du point de vue institutionnel, seule compterait l’institution de l’Eurogroupe par le traité de Lisbonne. Si l’Eurogroupe avait d’ores et déjà été formellement institué par la résolution du Conseil européen du 13 décembre 1997, il aurait été injustifié de répéter dans les traités la disposition relative à son existence.

72      En deuxième lieu, les requérants font, en substance, valoir que, au point 88 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Cour s’est contentée de renvoyer aux conclusions dégagées au point 61 de l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), quant à la nature informelle de l’Eurogroupe sans développer plus avant sa motivation.

73      En troisième lieu, les requérants critiquent la Cour pour avoir jugé, aux points 92 et 93 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), que l’impossibilité de former un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union contre l’Eurogroupe n’était pas remise en cause par le principe de protection juridictionnelle effective. Tout d’abord, cette appréciation reposerait sur le constat que l’Eurogroupe ne dispose pas du pouvoir de sanctionner les accords politiques conclus en son sein. Ce seraient pourtant des agissements préjudiciables de l’Eurogroupe qui seraient en cause en l’espèce et non des décisions. Or, l’application de sanctions résulterait de la prise de décisions. La motivation de la Cour méconnaîtrait par conséquent le fonctionnement même du recours en responsabilité non contractuelle de l’Union, dont la recevabilité ne dépendrait pas de l’aptitude de la partie défenderesse à adopter des décisions.

74      Par ailleurs, tout recours en responsabilité non contractuelle de l’Union qui aurait pu être introduit contre le Conseil, la Commission ou la BCE au titre des actes ou des comportements qu’ils ont adoptés aux fins de mettre en œuvre les accords politiques conclus au sein de l’Eurogroupe n’aurait pas pu fournir aux requérants une protection juridictionnelle effective. En effet, ces actes et comportements auraient été postérieurs de plus d’un mois aux agissements litigieux, lesquels auraient causé le préjudice dont les requérants demandent réparation.

75      Ensuite, la motivation figurant aux points 92 et 93 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), méconnaîtrait le pouvoir, insusceptible de contrôle juridictionnel, de l’Eurogroupe dans les négociations menées avec la République de Chypre et les autres États membres qui rencontraient des difficultés économiques pendant la crise de la zone euro.

76      Enfin, la Cour aurait omis de mentionner les risques que comportaient ses propres conclusions relatives à la consécration de l’Union de droit.

77      À cet égard, le Tribunal relève que, au point 80 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Cour a, en substance, rappelé que la notion d’« institution », au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, n’englobait pas seulement les institutions de l’Union énumérées à l’article 13, paragraphe 1, TUE, mais englobait aussi tous les organes et organismes de l’Union qui satisfaisaient à deux critères cumulatifs, à savoir d’avoir été institués par les traités, ou en vertu de ceux-ci, et d’être destinés à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union.

78      Au point 84 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Cour a relevé que l’Eurogroupe avait été formellement institué par la résolution du Conseil européen du 13 décembre 1997, en vertu de laquelle « les ministres des [EMME] peuvent se réunir entre eux de façon informelle pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu’ils partagent en matière de monnaie unique », tandis que « la Commission ainsi que, le cas échéant, la [BCE], sont invitées à participer aux réunions ». Elle a souligné que l’Eurogroupe avait été conçu comme un organe intergouvernemental, extérieur au cadre institutionnel de l’Union, visant à permettre aux ministres des EMME d’échanger et de coordonner leurs points de vue sur des questions relatives à leurs responsabilités communes en matière de monnaie unique. Il fait ainsi fonction de liaison entre le niveau national et le niveau de l’Union aux fins de la coordination des politiques économiques des EMME.

79      Ainsi que la Cour l’a relevé au point 87 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), l’article 137 TFUE et le protocole no 14 ont, certes, formalisé l’existence de l’Eurogroupe et la participation de la Commission et de la BCE à ses réunions. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ils n’ont aucunement modifié sa nature intergouvernementale.

80      Au point 88 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Cour a précisé qu’il ressortait expressément du libellé de la résolution du Conseil européen du 13 décembre 1997 et de l’article 1er du protocole no 14 que l’Eurogroupe se caractérisait par sa nature informelle. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la Cour ne s’est pas contentée de renvoyer au point 61 de l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), pour fonder cette conclusion. Elle s’est aussi appuyée sur la finalité de la création de l’Eurogroupe, qui consistait à doter l’union économique et monétaire d’un outil intergouvernemental de coordination, sans toutefois affecter le rôle du Conseil, qui est au cœur du processus décisionnel au niveau de l’Union en matière économique, ni l’indépendance de la BCE.

81      Au point 89 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Cour a ajouté que l’Eurogroupe ne disposait, dans l’ordre juridique de l’Union, d’aucune compétence propre, l’article 1er du protocole no 14 se limitant à énoncer que ses réunions ont lieu, en tant que de besoin, pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques que les ministres des EMME partagent en matière de monnaie unique, étant entendu que ces responsabilités leur incombent en raison de leur seule compétence au niveau national.

82      La Cour en a, en substance, conclu, au point 90 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), que l’Eurogroupe ne satisfaisait pas au premier des deux critères identifiés au point 77 ci-dessus, qui exige que la partie défenderesse à un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union soit une entité de l’Union instituée par les traités, et qu’un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union ne pouvait dès lors être introduit contre lui.

83      Ensuite, aux points 91 à 96 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Cour a examiné la question de savoir si l’absence de possibilité de former, sur le fondement de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union contre l’Eurogroupe pouvait se heurter au principe de l’Union de droit eu égard aux exigences liées au respect du principe de protection juridictionnelle effective.

84      Ainsi, au point 93 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Cour a rappelé que l’Eurogroupe n’avait ni compétence propre dans l’ordre juridique de l’Union ni le pouvoir de sanctionner le non-respect des accords politiques conclus en son sein. Au même point, la Cour a précisé que les accords politiques conclus au sein de l’Eurogroupe se concrétisaient et étaient mis en œuvre au moyen, notamment, d’actes et de comportements du Conseil, de la Commission et de la BCE, contre lesquels les justiciables pouvaient introduire, devant les juridictions de l’Union, un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union.

85      Au point 96 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Cour a ajouté qu’il ressortait de l’article 17, paragraphe 1, TUE que la Commission promouvait l’intérêt général de l’Union et surveillait l’application du droit de l’Union. La Cour en a déduit que la Commission conservait, dans le cadre de sa participation aux activités de l’Eurogroupe, son rôle de gardienne des traités et que son éventuelle inaction dans le contrôle de la conformité au droit de l’Union des accords politiques conclus au sein de l’Eurogroupe était, par suite, susceptible de conduire à une mise en cause de la responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

86      Les requérants ne contestent d’ailleurs aucunement qu’un recours tendant à mettre en cause la responsabilité non contractuelle de la Commission pour une telle inaction aurait, en l’espèce, été de nature à leur assurer une protection juridictionnelle effective.

87      Il ne saurait donc être considéré que la transposition à la présente espèce des conclusions dégagées dans l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), priverait les requérants de leur droit à une protection juridictionnelle effective ou risquerait de porter atteinte au principe de l’Union de droit.

88      Il convient par conséquent de conclure que, comme l’a jugé la Cour au point 212 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), l’Eurogroupe ne constitue pas une entité instituée par les traités dont les actes ou les comportements, tels que la déclaration du 16 mars 2013, la déclaration du 25 mars 2013 et l’accord prétendument répertorié dans cette dernière, pourraient faire l’objet d’un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. Il en va de même des actes ou comportements du président de l’Eurogroupe, tels que la déclaration du 21 mars 2013.

89      Il en résulte que, dans l’hypothèse où il conviendrait d’interpréter le présent recours comme étant dirigé contre l’Eurogroupe, le Tribunal est manifestement incompétent pour en connaître.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

91      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La Commission étant intervenue au litige, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable.

2)      M. Georgios Theodorakis et Mme Maria Theodoraki sont condamnés à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 17 décembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

H. Kanninen


*      Langue de procédure : le grec.

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