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Document 62024TJ0522

Rettens dom (Anden Afdeling) af 10. september 2025.
Seven.One Entertainment Group GmbH mod Den Europæiske Unions Kontor for Intellektuel Ejendomsret.
Sag T-522/24.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:850

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

10 septembre 2025 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative GERMANY’S NEXT top kebab by Uncle Charlie – Cause de nullité absolue – Mauvaise foi – Article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Obligation de motivation – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑522/24,

Seven.One Entertainment Group GmbH, établie à Unterföhring (Allemagne), représentée par Mes A. Renck et C. Stöber, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Alaattin Celik, demeurant à Vienne (Autriche), représenté par Me R. Igáli-Igálffy, avocat,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes A. Marcoulli, présidente, V. Tomljenović (rapporteure) et M. W. Valasidis, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Seven.One Entertainment Group GmbH, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 juillet 2024 (affaire R 2224/2023-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 22 juin 2022, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée le 1er avril 2022 à la suite d’une demande déposée par l’intervenant, M. Alaattin Celik, pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, à la description suivante : « Plats cuisinés essentiellement composés de kebab ; hamburgers de dinde ; hamburgers au poulet ».

4        La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Au soutien de son argumentation tirée de la mauvaise foi de l’intervenant, la requérante s’est fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        l’enregistrement international désignant l’Union européenne pour la marque figurative GERMANY’S NEXT top model enregistrée le 1er juin 2006 sous le numéro 914003, désignant des produits et des services compris dans les classes 3, 9, 14, 16, 18, 25, 28, 35, 38 et 41, telle que reproduite ci-après :

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–        l’enregistrement international désignant l’Union européenne pour la marque figurative top model enregistrée le 1er juin 2006 sous le numéro 914002, désignant des produits et des services compris dans les classes 3, 9, 14, 16, 18, 28, 35 et 38, telle que reproduite ci-après :

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–        la marque verbale allemande GERMANY’S NEXT Topmodel, enregistrée le 2 mai 2016 sous le numéro 302014074280, désignant des produits et des services relevant de la classe 9, 16, 25, 28, 35, 38 et 41 ;

–        le nom commercial, reproduit ci-après :

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6        Par décision du 31 août 2023, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité.

7        Le 31 octobre 2023, l’intervenant a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours. En substance, elle a considéré que la requérante n’avait pas établi que la demande d’enregistrement de la marque contestée avait été déposée de mauvaise foi, au sens de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. La chambre de recours a, tout d’abord, constaté que la requérante n’avait pas fait valoir ni démontré l’absence de logique commerciale sous-jacente au dépôt de ladite marque, ni fait valoir que la marque contestée avait été déposée afin de l’empêcher d’exercer son activité commerciale liée à l’usage des signes antérieurs. À cet égard, elle a constaté que les produits en cause étaient différents. Ensuite, la chambre de recours a exposé que l’exploitation indue de la renommée d’une marque antérieure ne permettait normalement pas de justifier l’annulation de la marque contestée pour cause de mauvaise foi. Enfin, la chambre de recours a considéré que, en tout état de cause, la requérante n’avait pas démontré que la marque contestée avait été déposée dans l’intention de tirer indument profit de la renommée des signes antérieurs. Elle a retenu, à cet égard, premièrement, que la requérante n’avait pas établi la notoriété des signes antérieurs dans son ensemble, mais uniquement de l’élément verbal « Germany’s next top model », deuxièmement, que seuls des éléments non distinctifs des signes antérieurs avaient été repris et, troisièmement, que les produits en cause étaient différents.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens si une audience est organisée.

11      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

13      Au soutien du premier moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a insuffisamment motivé la décision attaquée dans la mesure où elle n’a pas examiné son argument principal, tiré de la quasi-identité visuelle non fortuite entre la marque contestée et les signes antérieurs. À cet égard, elle souligne que la chambre de recours n’a pas analysé les différents éléments figuratifs des signes en conflit, ni procédé à leur comparaison dans leur ensemble, mais qu’elle s’est bornée à constater que les éléments verbaux « germany’s next top » étaient communs. Ainsi, elle considère que la chambre de recours n’a pas procédé à un examen global de tous les éléments requis pour constater l’existence de la mauvaise foi de l’intervenant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

14      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante. L’EUIPO fait valoir que la chambre de recours a suffisamment motivé la décision attaquée dans la mesure où elle a explicité, aux points 32, 34 et 35 de ladite décision, que l’intervenant avait repris une partie des éléments verbaux des signes antérieurs, à savoir « germany’s next top » et qu’elle avait également repris certains éléments du logo, ce qui viserait implicitement tant les éléments figuratifs des signes antérieurs que les éléments verbaux desdits signes. Partant, il fait valoir que par cette analyse, figurant aux points 31 à 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a implicitement mais nécessairement répondu à l’argument de la requérante relatif à la quasi-identité visuelle des signes en conflit. Par ailleurs, l’EUIPO fait valoir que s’agissant des autres arguments avancés par la requérante, ces derniers se réfèrent à l’appréciation au fond de la décision attaquée.

15      Aux termes de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lequel exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Cette obligation, qui découle également de l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision concernée (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, points 64 et 65 et jurisprudence citée).

16      Par ailleurs, la chambre de recours n’est pas tenue de répondre expressément et de manière exhaustive à l’ensemble des arguments avancés par les parties à la procédure devant elle, à condition toutefois qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [arrêt du 10 avril 2024, Schönegger Käse-Alm/EUIPO – Jumpseat3D plus Germany (Rebell), T‑161/23, non publié, EU:T:2024:218, point 29 et jurisprudence citée].

17      En l’espèce, la requérante reproche en substance à la chambre de recours d’avoir omis d’examiner son argument relatif à la quasi-identité des signes en conflit et de ne pas avoir expliqué les raisons pour lesquelles elle avait écarté cet argument dans le cadre de son appréciation globale de la mauvaise foi.

18      À cet égard, il convient de relever que, aux fins de démontrer la mauvaise foi de l’intervenant, la requérante, devant les instances de l’EUIPO, s’était prévalue principalement des circonstances tenant à la quasi-identité des signes en conflit et au fait que cette similitude ne pouvait être le fruit du hasard, mais démontrait que la marque contestée avait été délibérément déposée dans le but d’établir un lien avec les signes antérieurs. Ladite argumentation constituait l’axe principal de la démonstration de la requérante relative à la mauvaise foi de l’intervenant.

19      Toutefois, alors que la requérante s’était prévalue de la quasi-identité des signes en conflit dans le cadre de la procédure de nullité et qu’un tel argumentaire avait une portée essentielle dans le cadre de sa demande, force est de constater que la décision attaquée ne contient aucune indication permettant de comprendre suffisamment de quelle manière ledit argumentaire aurait été pris en compte par la chambre de recours et pour quelles raisons elle l’aurait rejeté.

20      En effet, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas fait état de sa comparaison des signes en conflit dans leur globalité, ni de son examen des arguments de la requérante selon lesquels la police de caractère, la position et la taille des différents éléments, composant lesdits signes, étaient similaires, et engendraient une configuration graphique quasiment identique. En particulier, la chambre de recours n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle a considéré que la quasi-identité desdits signes invoquée par la requérante ne devait pas être prise en compte, en l’espèce, aux fins de l’appréciation globale de la mauvaise foi.

21      Or, compte tenu des circonstances de la présente affaire et plus particulièrement des raisons mêmes de la demande en nullité de la requérante, des indications sur les motifs qui ont conduit la chambre de recours à écarter les arguments de la requérante tirés de la quasi-identité des signes en conflit revêtent une importance essentielle afin de pouvoir comprendre le raisonnement de la chambre de recours et, le cas échéant, contrôler la légalité de la décision attaquée.

22      À cet égard, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, il ne saurait être considéré que le raisonnement de la chambre de recours figurant aux points 31 à 35 de la décision attaquée répond, implicitement, mais nécessairement, à l’argumentation de la requérante tirée de la quasi-identité des signes en conflit.

23      En effet, premièrement, certes, aux points 32 et 34 de la décision attaquée, respectivement, la chambre de recours a indiqué que « seuls les éléments verbaux “ GERMANY’S NEXT top”, des signes antérieurs, [avaie]nt été repris dans le signe contesté » et qu’il y avait également « la reprise d’éléments non distinctifs du logo de la [requérante] ».

24      Toutefois, d’une part, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, il ne saurait être considéré que par l’utilisation des mots « repris » et « reprise », aux points 32 et 34 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait implicitement exposé les raisons pour lesquelles elle a écarté les arguments selon lesquels les signes en conflit, pris dans leur ensemble, étaient quasiment identiques, ainsi que ceux selon lesquels cette identité, qui ne pouvait être le fruit du hasard, permettait de démontrer l’intention de l’intervenant de créer une association avec les signes antérieurs. De plus, s’agissant spécifiquement de l’emploi du terme « reprise », au point 34 de la décision attaquée, il convient de noter que ledit terme se réfère à « la reprise d’éléments non distinctifs du logo ». Or, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, il ne peut être déduit de la décision attaquée à quoi ces « éléments non distinctifs » font référence.

25      D’autre part, le raisonnement de la chambre de recours, figurant aux points 30 à 35 de la décision attaquée, tend à exposer que les signes antérieurs, pris dans leur ensemble, ne jouissaient pas d’une protection juridique importante et à écarter l’argument de la requérante, tiré de la renommée des signes antérieurs. Ainsi, il n’est pas possible de déduire des points 31 à 35 de la décision attaquée quelles seraient les raisons permettant d’écarter les arguments tirés de ce que la quasi-identité des signes, au regard de leur comparaison dans leur globalité et de leur identité quant à la police, à la couleur et à la configuration des différents éléments les composant, ne pouvait être le fruit du hasard. Ces points de la décision attaquée ne permettent pas non plus de comprendre les raisons ayant conduit la chambre de recours à écarter les arguments de la requérante selon lesquels l’intervenant avait l’intention de créer une association visuelle non fortuite entre ces signes.

26      Deuxièmement, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, la simple circonstance que, aux points 5 et 13 de la décision attaquée, la chambre de recours ait résumé les arguments de la requérante, tirés de la quasi-identité non fortuite des signes en conflit, avancés tant devant la division d’annulation que devant ladite chambre, ne permet pas de considérer que, en tant que telles, les appréciations, contenues aux points 30 à 35 de la décision attaquée, répondaient implicitement, mais nécessairement, à ces arguments.

27      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les motifs de la décision attaquée, notamment en ses points 32 à 34, ne permettent pas de comprendre les raisons pour lesquelles la chambre de recours n’a pas tenu compte de la prétendue quasi-identité non fortuite des signes en conflit invoquée par la requérante, de sorte que la requérante ne peut pas faire valoir effectivement ses droits devant le Tribunal et que ce dernier n’est pas davantage à même de contrôler le bien-fondé desdits motifs.

28      Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le premier moyen comme étant fondé, en ce que la chambre de recours a méconnu l’obligation de motivation que lui impose l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001 et ainsi, d’accueillir le recours et d’annuler la décision attaquée sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

30      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

31      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenant supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 juillet 2024 (affaire R 2224/2023-1) est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Seven.One Entertainment Group GmbH.

3)      M. Alaattin Celik supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Tomljenović

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 septembre 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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