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Document 61996TJ0071

Rozsudek Soudu prvního stupně (druhého senátu) ze dne 6. listopadu 1997.
Sonja Edith Berlingieri Vinzek proti Komisi Evropských společenství.
Úředníci.
Věc T-71/96.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1997:170

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

6 novembre 1997 ( *1 )

Dans l'affaire T-71/96,

Sonja Edith Berlingieri Vinzek, fonctionnaire stagiaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Sterrebeek (Belgique), représentée par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure et Ariane Tornei, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, et initialement par Mme Ana Maria Alves Vieira, puis par Mme Florence Clotuche, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du jury du concours COM/A/955, du 26 mars 1996, de ne pas admettre la requérante à l'épreuve orale du concours, et, pour autant que de besoin, de la décision initiale de ce même jury, du 16 février 1996,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de M. C. W. Bellamy, président, M. A. Kalogeropoulos et Mme P. Lindh, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 12 juin 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1

L'avis de concours général COM/A/955, en vue de la constitution d'une liste de réserve de recrutement d'administrateurs principaux (A 5/A 4) de nationalité autrichienne, a été publié au Journal officiel des Communautés européennes du 4 octobre 1995 (JO C 259 A, p. 9, version allemande uniquement). Ce concours, sur titres et épreuve orale, comprenait quatre options, dont l'une pour le recrutement d'agents ayant une expérience de l'administration générale, de l'administration publique ou de la gestion.

2

Les points III. A et III.B de l'avis de concours, relatifs aux conditions d'admission, étaient libellés comme suit:

«A.

CONDITIONS GÉNÉRALES

être de nationalité autrichienne,

[...]

B.

CONDITIONS PARTICULIERES

[...]

3.

Expérience professionnelle requise

Les candidats devront démontrer qu'ils ont acquis, postérieurement au diplôme universitaire donnant accès au concours et dans une position correspondant à leur formation, une expérience professionnelle d'une durée minimale de douze ans, dont au moins six ans en rapport avec la nature des fonctions pertinentes pour le présent concours.

L'expérience professionnelle devra être précisée en détail dans l'acte de candidature.

4.

Connaissances linguistiques

Les candidats doivent posséder une connaissance approfondie de la langue allemande et une connaissance satisfaisante d'une des langues suivantes: anglais, danois, espagnol, finnois, français, grec, italien, néerlandais, portugais ou suédois [...]»

3

Le point IV de l'avis de concours, relatif à l'admission à concourir et à l'examen des titres, était libellé comme suit:

«A.

Admission à concourir

1.

L'autorité investie du pouvoir de nomination arrête la liste des candidats qui remplissent les conditions prévues au point III.A et la transmet au président du jury, accompagnée des dossiers de candidatures.

2.

Après avoir pris connaissance de ces dossiers, le jury détermine la liste des candidats qui répondent aux conditions figurant au point III.B et qui sont en conséquence admis au concours.

B.

Examen des titres

1.

Suite à l'admission à concourir, le jury établit préalablement les critères sur la base desquels il appréciera les titres des candidats, en tenant compte notamment de la nature et de la durée de l'expérience professionnelle en rapport avec le concours.

2.

Le jury, sur la base de ces critères, procède ensuite à l'examen des titres des candidats admis à concourir. Seront admis à l'épreuve orale les candidats possédant les titres les meilleurs.»

4

La requérante, qui est de nationalité autrichienne, a une formation de vétérinaire et a occupé, depuis 1974, divers emplois de consultante indépendante dans des domaines technico-administratifs liés au secteur vétérinaire. Elle a régulièrement posé sa candidature au concours COM/A/955, en choisissant l'option «administration générale, administration publique et gestion».

5

Par lettre du 16 février 1996, elle a été informée que le jury du concours, après avoir examiné les «preuves habilitantes» des candidats selon les points IV.B.l et IV.B.2 de l'avis de concours, et avoir pris en considération en particulier la nature et la durée de l'expérience professionnelle en relation avec le concours, avait décidé de ne pas l'inviter à l'examen oral, bien qu'elle ait rempli les conditions d'admission fixées par l'avis de concours.

6

Par lettre du 29 février 1996, la requérante a demandé le réexamen de cette décision. Elle indiquait notamment:

«Je ne connais ni les critères que le jury a établis pour évaluer les preuves habilitantes des candidats, ni le moment précis de leur établissement. Pour cette raison je vous prie de bien vouloir me faire connaître les critères et le moment précis de leur établissement afin d'être moi-même en mesure déjuger la situation.»

7

La défenderesse a rejeté cette demande de réexamen par une lettre du chef de l'unité 7 «recrutement» de la direction A «personnel» de la direction générale Personnel et administration (DG IX) (ci-après «unité IX.A.7») du 26 mars 1996, ainsi libellée:

«Suivant votre demande le jury a réexaminé votre candidature.

Le jury ne conteste pas votre expérience professionnelle de plusieurs années mais attire votre attention sur le point IV.B.2 de l'avis de concours, selon lequel seuls les meilleurs candidats seront admis à l'épreuve orale. Le jury confirme que malheureusement vous ne pouvez pas y être admise.»

8

Par lettre du 23 avril 1996, l'avocat de la requérante a réitéré la demande de communication des critères retenus pour évaluer les mérites des candidats ainsi que le moment exact de leur adoption.

9

La partie défenderesse n'ayant pas immédiatement donné suite à cette demande, la requérante a introduit le présent recours par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 15 mai 1996.

10

Par lettre du 6 juin 1996 à l'avocat de la requérante, le chef de l'unité IX.A.7 a précisé comme suit les critères retenus par le jury «au début de ses travaux»:

«Dans l'évaluation des dossiers des candidats inscrits, permettant la sélection de ceux qui seront admis à l'épreuve orale, le jury a décidé de prendre en considération toutes les conditions d'admission prévues dans l'avis de concours et notamment l'expérience professionnelle et d'apprécier les candidats en fonction de leurs qualités respectives.

En ce qui concerne la formation des candidats, le jury décide de la noter sur 45 points maximum, en fonction de son étendue.

En ce qui concerne l'expérience professionnelle, les aspects suivants seront plus particulièrement appréciés: durée, nature de l'activité professionnelle exercée, niveau et qualité des fonctions remplies, éventuelle expérience dans des organisations internationales. L'expérience professionnelle sera globalement notée sur 65 points maximum.

Pour les connaissances linguistiques le jury fixe un maximum de 7 points, en fonction de leur ampleur.

Le jury décide de n'admettre à l'épreuve orale que les candidates qui dépassent le seuil des 80 points sur les 117 prévus.»

11

Dans la même lettre, le rejet de la candidature de la requérante a été explicité comme suit:

«Les points qui ont été octroyés à Mme S. Berlingieri Vinzek par le jury, à savoir 25 points pour la ‘formation’, 30 points pour ‘l'expérience professionnelle’ et 7 points pour les ‘connaissances linguistiques’, soit un total de 62 points, n'ont pas permis au jury de la classer parmi les candidats(e)s à convoquer à l'épreuve orale.

C'est dès lors notamment en raison de l'expérience professionnelle de votre cliente, essentiellement centrée sur une activité de consultante dans le domaine vétérinaire, que le jury n'a pu lui octroyer qu'une notation de 30 points sur 65.»

12

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Le Tribunal a néanmoins posé certaines questions écrites à la défenderesse, qui y a répondu par lettre du 20 mai 1997.

13

Par lettre au greffe du 2 juin 1997, la requérante a demandé à être autorisée à verser au dossier un ensemble de documents relatifs à son inscription sur la liste d'aptitude du concours COM/A/1032, organisé en vue du recrutement du chef de l'unité 2 «législation vétérinaire et zootechnique» de la direction B.II «qualité et santé» de la direction générale Agriculture (DG VI) (ci-après «unité VI.B.II.2»), qui lui a été notifiée par lettre de la Commission du 16 avril 1997.

14

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 12 juin 1997. La partie défenderesse y a demandé le retrait du dossier des documents déposés par la requérante le 2 juin 1997. Le Tribunal a réservé sa décision sur l'adjonction desdits documents au dossier.

Conclusions des parties

15

La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision, du 26 mars 1996, du jury du concours COM/A/955 de ne pas l'admettre à l'épreuve orale du concours;

pour autant que de besoin, annuler la décision, du 16 février 1996, du jury du concours COM/A/955 de ne pas l'admettre à l'épreuve orale du concours;

condamner la partie défenderesse aux dépens.

16

La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme non fondé;

statuer sur les dépens comme de droit.

Sur le deuxième chef de conclusions du recours

17

La requérante conclut non seulement à l'annulation de la décision du jury du 26 mars 1996, mais aussi, pour autant que de besoin, à l'annulation de la décision initiale dudit jury du 16 février 1996.

18

Or, il est de jurisprudence constante que la décision par laquelle un jury de concours reruse l'admission d'un candidat aux épreuves, après avoir procédé, à la demande de l'intéressé, au réexamen de sa candidature, se substitue à la décision précédemment arrêtée par le jury et ne peut être considérée comme purement confirmative de celle-ci (arrêts de la Cour du 11 mars 1986, Adams e.a./Commission, 294/84, Rec. p. 977, points 14 à 16, et du 16 décembre 1987, Beiten/Commission, 206/85, Rec. p. 5301, point 8; arrêts du Tribunal du 11 février 1992, Panagiotopoulou/Parlement, T-16/90, Rec. p. II-89, point 20, et du 3 mars 1994, Cortes Jimenez e.a./Commission, T-82/92, RecFP p. II-237, point 17).

19

Il n'y a dès lors pas lieu de statuer, en l'espèce, sur le chef de conclusions visant à l'annulation de la décision du jury du 16 février 1996, qui peut être considéré comme étant sans objet en raison de la substitution intervenue.

Sur l'adjonction au dossier des documents relatifs au concours COM/A/1032

Arguments des parties

20

Selon les explications données par son avocat à l'audience, les documents relatifs à l'inscription de la requérante sur la liste d'aptitude du concours COM/A/1032 seraient de nature à établir l'erreur manifeste d'appréciation du jury du concours COM/A/955 invoquée à l'appui du deuxième moyen d'annulation dans la présente affaire. Leur production tardive serait justifiée par la circonstance que l'événement auquel ils se rapportent n'est intervenu qu'après la clôture de la procédure écrite.

21

Lors de l'audience, l'agent de la Commission s'est opposé à la production de ces documents, au double motif qu'elle ne serait pas conforme aux règles qui président normalement à la communication des pièces et des documents annexés aux actes de procédure, et que, en tout état de cause, lesdits documents ne seraient pas pertinents pour le jugement de la présente cause.

Appréciation du Tribunal

22

Il convient de relever que, si aucune disposition du règlement de procédure ne prévoit expressément les conditions dans lesquelles des pièces nouvelles peuvent être déposées à l'audience, la pratique constante du Tribunal, inspirée par le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense, est de n'accepter le versement de telles pièces au dossier que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque, pour des motifs valables, elles n'ont pu être produites au cours de la procédure écrite.

23

En l'espèce, toutefois, la requérante a valablement exposé les raisons pour lesquelles les documents en cause n'ont pu être produits par elle au cours de la procédure écrite. Par ailleurs, la production tardive de ces documents ne porte pas atteinte aux droits de la défense de la Commission, qui a d'ailleurs pris position à leur égard à l'audience, dès lors qu'ils lui avaient déjà été adressés dans le cadre d'une procédure de pourvoi d'emploi ou qu'ils émanaient de ses propres services.

24

Quant à la pertinence des documents en question pour le jugement de la présente cause, cette question relève du fond de l'affaire et sera abordée dans la suite du présent arrêt.

25

Il s'ensuit que lesdits documents peuvent être versés au dossier.

Sur le fond

26

A l'appui de son recours la requérante invoque trois moyens, tirés respectivement de l'illégalité de l'avis de concours COM/A/955 et des décisions prises par le jury sur la base de cet avis, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut de motivation.

Sur le premier moyen, tiré de l'illégalité de l'avis de concours COM/A/955 et des décisions adoptées à sa suite

Arguments des parties

27

La requérante soutient qu'un jury de concours est tenu de fixer les critères de sélection des candidats, et notamment les critères d'évaluation de leur expérience professionnelle, avant de prendre connaissance de leur dossier personnel, et donc avant de déterminer la liste des candidats qui répondent objectivement aux conditions fixées par l'avis de concours. Elle invoque, en ce sens, outre l'article 5 de l'annexe III du statut des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (ci-après «statut»), les arrêts de la Cour du 13 juillet 1989, Caturla-Poch et de la Fuente Pascual/Parlement (361/87 et 362/87, Rec. p. 2471, points 7 et 8), et du 6 février 1986, Vlachou/Cour des comptes (143/84, Rec. p. 459, points 17 et 19), les conclusions de l'avocat général M. Lenz sous cet arrêt (Rec. 1986, p. 460, 467), et l'arrêt du Tribunal du 17 mai 1995, Kratz/Commission (T-10/94, RecFP p. II-315, points 54 et suivants).

28

Or, en l'espèce, le point IV.B.1. de l'avis de concours COM/A/955 aurait imposé au jury de fixer les critères de sélection après avoir pris connaissance de l'ensemble des actes de candidature et des dossiers déposés à l'appui de ceux-ci. Le jury aurait ainsi fixé ces critères à un moment où il risquait de ne plus disposer de l'objectivité nécessaire pour prendre ses décisions au regard du seul intérêt du service. Ce simple risque suffirait à faire planer un doute sur l'impartialité du jury et rendrait, dès lors, l'ensemble de la procédure de sélection illégal.

29

La partie défenderesse considère que la légalité des rubriques A et B du point IV de l'avis de concours COM/A/955 doit être appréciée à la lumière de l'article 5 de l'annexe III du statut, dont les dispositions auraient été scrupuleusement respectées en l'espèce. L'extrait de l'arrêt Caturla-Poch et de la Fuente Pascual/Parlement, précité, confirmerait la justesse de sa thèse plutôt que de celle de la requérante. La défenderesse conteste également la pertinence, en l'espèce, des arrêts Vlachou/Cour des comptes et Kratz/Commission, précités. Enfin, la défenderesse conteste l'affirmation de la requérante, selon laquelle le simple risque que l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») et/ou le jury puissent manquer d'objectivité suffit à rendre la procédure illégale.

Appréciation du Tribunal

30

Aux termes de l'article 4 de l'annexe III du statut:

«L'autorité investie du pouvoir de nomination arrête la liste des candidats qui remplissent les conditions prévues aux points a), b) et c) de l'article 28 du statut et la transmet au président du jury accompagnée des dossiers de candidature.»

31

Aux termes de l'article 5, alinéas 1 à 4, de l'annexe III du statut:

«Après avoir pris connaissance de ces dossiers, le jury détermine la liste des candidats qui répondent aux conditions fixées par l'avis de concours.

En cas de concours sur épreuves, tous les candidats inscrits sur cette liste sont admis aux épreuves.

En cas de concours sur titres, le jury, après avoir établi les critères sur la base desquels il appréciera les titres des candidats, procède à l'examen des titres de ceux qui sont inscrits sur la liste visée au premier alinéa.

En cas de concours sur titres et épreuves, le jury désigne sur cette liste les candidats admis aux épreuves.»

32

Contrairement à la thèse soutenue par la requérante, il ressort de ces dispositions que le jury doit, tout d'abord, établir la liste des candidats admis à concourir, après avoir pris connaissance des dossiers. Ensuite, il fixe les critères d'appréciation des titres et procède, sur la base de ces critères, à l'examen des titres des candidats admis à concourir (arrêt Caturla-Poch et de la Fuente Pascual/Parlement, précité, point 8).

33

En l'espèce, la défenderesse s'est dûment conformée à cette procédure. Il ressort en effet des pièces du dossier et des réponses de la défenderesse aux questions écrites du Tribunal que:

l'AIPN a arrêté la liste prévue par l'article 4 de l'annexe III du statut et l'a transmise au président du jury avec les dossiers des candidats;

le 22 janvier 1996, le jury a pris connaissance de ces dossiers et a déterminé la liste des candidats qui répondaient aux conditions fixées par l'avis de concours;

le même jour, le jury a établi les critères sur la base desquels il allait apprécier les titres des candidats;

le 26 janvier 1996, le jury a procédé à l'examen des titres des candidats inscrits sur la liste et a désigné sur cette liste les candidats admis aux épreuves.

34

Quant à l'arrêt Vlachou/Cour des comptes, précité, la Cour a relevé, au point 9 de l'arrêt Caturla-Poch et de la Fuente Pascual/Parlement européen, précité, qu'il concernait une situation différente de celle de l'espèce. Dans cette affaire, en effet, la requérante soutenait que le jury avait défini des critères d'appréciation en fonction des titres des candidats, de façon à en avantager certains et à en défavoriser d'autres, en violation du principe d'égalité de traitement.

35

Quant à l'argument fondé sur le danger d'atteinte au devoir d'objectivité du jury, compte tenu du moment où celui-ci a fixé les critères de sélection, force est de constater, premièrement, que la procédure critiquée par la requérante résulte du libellé même de l'article 5 de l'annexe III du statut, tel qu'il a été interprété par la Cour. Or la requérante n'a pas invoqué, par voie d'exception, l'illégalité de cette disposition, qu'il n'appartient pas au Tribunal de vérifier d'office.

36

Deuxièmement, la requérante ne soutient nullement que, en l'espèce, le jury a effectivement fixé les critères de sélection en fonction des titres des candidats, de façon à pouvoir en avantager certains. Au contraire, au point 32 de son mémoire en réplique elle «se défend d'avoir accusé le jury du concours COM/A/955 de‘manipulations’», et, au point 33 du même mémoire, elle affirme n'avoir jamais soutenu que le jury avait «commis une quelconque illégalité». Or, la simple allusion à un risque hypothétique de manque d'objectivité du jury, non autrement circonstanciée ou étayée, ne saurait suffire à justifier l'annulation d'une procédure de sélection. Le cas échéant, il incombait à la requérante d'établir en quoi les critères effectivement retenus par le jury ont pu défavoriser sa candidature, en violation du principe d'égalité de traitement. A défaut de tout élément ou indice en ce sens, elle n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de la procédure.

37

Quant à l'arrêt Kratz/Commission, précité, il concerne une situation trop différente de celle de l'espèce pour être retenu comme pertinent. Dans cette affaire, en effet, le Tribunal a, d'une part, constaté une violation de l'avis de vacance par l'AIPN (au point 51), et a, d'autre part, fait application du principe selon lequel la décision concernant le niveau du pourvoi d'un poste vacant doit être prise antérieurement à l'examen des candidatures puisque l'AIPN est tenue de fixer le niveau du poste en question en fonction de son importance, indépendamment des qualifications du ou des candidats (aux points 58 et 59).

38

Au demeurant, le Tribunal relève que, en l'espèce, les critères de sélection retenus in concreto par le jury, et notamment ceux relatifs à l'expérience professionnelle des candidats (durée, nature de l'activité professionnelle exercée, niveau et qualité des fonctions remplies, éventuelle expérience dans des organisations internationales), sont des critères qualitatifs normaux dans le cadre de l'appréciation des titres des candidats à un concours.

39

Troisièmement, il ressort d'une jurisprudence constante que les appréciations auxquelles se livre un jury de concours, lorsqu'il évalue les aptitudes des candidats, ne sauraient être soumises au contrôle du juge communautaire qu'en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury (voir par exemple l'arrêt du Tribunal du 15 juillet 1993, Cámara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point 90). Or en l'espèce ces règles imposent, comme il a été rappelé ci-dessus, la procédure suivie par le jury.

40

Il découle des développements qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation

Arguments des parties

41

Renvoyant à son acte de candidature et ses annexes ainsi qu'à son curriculum vitae, la requérante soutient qu'elle possède des qualifications et une expérience professionnelles remarquables, nettement supérieures à celles exigées par l'avis de concours, en particulier dans le domaine pour lequel elle s'est portée candidate. Elle justifierait, en effet, d'une expérience professionnelle totale de 21 ans, dont près de 9 ans en relation directe avec le domaine de l'administration générale, de l'administration publique et de la gestion. Elle justifierait également d'une expérience spécifique dans les domaines visés au point II. 1, troisième tiret, de l'avis de concours, plus particulièrement dans les domaines sanitaire et vétérinaire relevant de la politique agricole commune. La requérante justifierait également d'une connaissance approfondie de la langue allemande, d'une excellente connaissance de l'italien, d'une connaissance au moins très bonne de l'anglais et du français ainsi que de notions d'espagnol.

42

La requérante estime, dès lors, que la décision de ne pas l'admettre aux épreuves orales du concours est incompréhensible et ne peut qu'être entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

43

A l'audience, la requérante a également fait valoir que son inscription sur la liste d'aptitude du concours COM/A/1032, organisé en vue du recrutement, au niveau A 3, du chef de l'unité VLB.II.2 (voir point 20 ci-dessus), était en soi de nature à établir l'erreur manifeste d'appréciation commise à son égard par le jury du concours COM/A/955, organisé en vue du recrutement d'administrateurs principaux au niveau A 5/A 4. Selon elle, en effet, cette inscription démontre son aptitude à accéder à des responsabilités au niveau A 3, de sorte qu'un jury de concours se livrant à une appréciation correcte des mérites des candidats aurait dû, a fortiori, reconnaître son aptitude à exercer des responsabilités au niveau A 5.

44

Renvoyant au point IV.B. 1 de l'avis de concours ainsi qu'aux explications complémentaires contenues dans sa lettre du 6 juin 1996 (voir point 10 ci-dessus), la défenderesse fait valoir que la décision du jury à l'égard de la candidature de la requérante n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation.

45

Quant à l'inscription de la requérante sur la liste d'aptitude du concours COM/A/1032, la défenderesse fait valoir, d'une part, que le contexte et les finalités de ce concours diffèrent de ceux du concours COM/A/955, de sorte que leurs résultats ne sauraient être comparés, et, d'autre part, que l'acte de candidature de la requérante au concours COM/A/1032, et les pièces qu'elle y a jointes, diffèrent de son acte de candidature au concours COM/A/955 et des pièces jointes, notamment en ce que la requérante, au lieu de décrire son expérience professionnelle essentiellement en termes d'activités de «consultante», y a mis l'accent sur des activités de «management» et de gestion.

Appréciation du Tribunal

46

Selon une jurisprudence constante, le jury dispose, dans le cadre des conditions et exigences posées par l'avis de concours, d'un large pouvoir d'appréciation quant à la fixation des modalités du déroulement d'un concours et du contenu détaillé des épreuves prévues. Conformément à cette jurisprudence, le juge communautaire ne saurait censurer le déroulement d'une épreuve que dans la mesure nécessaire pour assurer le traitement égal des candidats et l'objectivité du choix opéré entre ceux-ci (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Sergio e.a./Commission, 64/86, 71/86, 72/86, 73/86 et 78/86, Rec p. 1399, point 22, et l'arrêt du Tribunal du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T-153/95, RecFP p. II-663, point 37).

47

Il convient de rappeler également que les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu'il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats sont de nature comparative et que ces appréciations ainsi que les décisions par lesquelles le jury constate l'échec d'un candidat à une épreuve constituent l'expression d'un jugement de valeur sur la prestation du candidat lors de l'épreuve, s'insèrent dans le large pouvoir d'appréciation dont dispose le jury et ne sauraient être soumises au contrôle du juge communautaire qu'en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury (arrêt de la Cour du 9 octobre 1974, Campogrande e.a./Commission, 112/73, 144/73 et 145/73, Rec. p. 957, point 53; arrêts du Tribunal Cámara Alloisio e.a./Commission, précité, point 90, du 1er décembre 1994, Michaël-Chiou/Commission, T-46/93, RecFP p. II-929, point 48, et Kaps/Cour de justice, précité, point 38).

48

Le Tribunal estime que ces principes sont applicables à l'examen comparatif des titres des candidats, au stade duquel le jury procède à un premier choix sélectif entre candidats, sur la base des critères qu'il a préalablement établis, afin de ne retenir que les titres les meilleurs et les plus adéquats par rapport aux fonctions à exercer.

49

En l'espèce, la requérante a obtenu 25 points sur 45 pour la formation, 30 points sur 65 pour l'expérience professionnelle, et 7 points sur 7 pour les connaissances linguistiques, soit un total de 62 points sur 117, alors que le jury avait décidé de n'admettre aux épreuves orales que les candidats dépassant le seuil des 80 points sur les 117 prévus.

50

La requérante ne mettant en cause ni l'appréciation de sa formation ni celle de ses connaissances linguistiques, elle aurait dû, pour dépasser le seuil des 80 points sur 117, être créditée d'au moins 49 points sur 65 au titre de l'expérience professionnelle.

51

Il ressort de la lettre de la défenderesse du 6 juin 1996 (voir point 10 ci-dessus) que le mauvais score réalisé par la requérante à cet égard (30 points sur 65) tient au fait que le jury a considéré que son expérience professionnelle était «essentiellement centrée sur une activité de consultante dans le domaine vétérinaire».

52

Le curriculum vitae et les documents joints à l'acte de candidature de la requérante révèlent que celle-ci a effectivement, pour l'essentiel, une expérience professionnelle de consultante indépendante dans des domaines technico-administratifs liés au secteur vétérinaire. C'est ainsi que de 1982 à 1990 elle a collaboré, en qualité de «consulente medico veterinario», aux activités de l'Unione nazionale dell'avicoltura, et que, de 1990 à 1995, elle a collaboré aux activités de la société Bonifica en qualité de «consulente tecnico-amministrativo».

53

Il est certes possible que, comme le soutient la requérante au point 70 de son mémoire en réplique, cette activité de consultante l'ait amenée à développer une expérience pratique, y compris sous l'angle de la gestion administrative, dans certains domaines visés par l'avis de concours.

54

II n'en demeure pas moins que, d'après la requérante elle-même, le statut de «consulente» s'apparente au régime plus communément connu sous la dénomination «free-lance», et se caractérise par une grande autonomie (voir les points 68 et 69 de son mémoire en réplique). Comme le relève la défenderesse, dans son acception courante le terme «consultant» désigne le plus souvent un prestataire de services indépendant, appelé généralement à travailler dans un cadre caractérisé par une grande flexibilité, sur des dossiers ou projets ponctuels, ou pour conseiller ou donner un avis éclairé sur différentes questions relevant de sa spécialité.

55

Le Tribunal estime, dès lors, que la requérante n'a pas établi que le jury a commis une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à la nature des emplois d'administrateurs principaux (A 5/A 4) à pourvoir, en notant moins favorablement, sur la base des renseignements fournis par la requérante, une telle expérience professionnelle que celle de personnes exerçant des fonctions d'administration, d'encadrement ou de gestion.

56

Pour le surplus, la requérante n'a fourni aucun indice d'un quelconque traitement inégal des candidats par le jury, de nature à faire douter de l'objectivité de ses travaux.

57

Quant à l'inscription ultérieure de la requérante sur la liste d'aptitude du concours COM/A/1032, il convient de relever que ce concours spécial visait au recrutement d'un chef d'unité dans le domaine de la législation vétérinaire et zootechnique, domaine dans lequel la requérante possède une expérience professionnelle spécifique d'au moins 17 années (de 1978 à 1995). Quels que soient les critères retenus par le jury d'un tel concours spécial pour apprécier les mérites des candidats, aucune comparaison utile ne saurait être faite entre ses travaux et ceux d'un jury de concours général organisé en vue du recrutement d'agents ayant une expérience de l'administration générale, de l'administration publique ou de la gestion. A cet égard, il y a tout particulièrement lieu de rappeler que la notion d'expérience professionnelle requise des candidats à un concours doit être appréciée exclusivement à la lumière des finalités de ce concours, telles qu'elles résultent de la description générale des tâches donnée dans l'avis de concours (arrêt du Tribunal du 22 mai 1990, Sparr/Commission, T-50/89, Rec. p. II-207, point 18).

58

Force est de constater, en outre, que le curriculum vitae et les documents joints à l'acte de candidature de la requérante au concours COM/A/1032 diffèrent sensiblement de ceux joints à son acte de candidature au concours COM/A/955. Le Tribunal relève, en particulier, que l'attestation d'emploi délivrée par l'Unione nazionale dell'avicoltura le 21 février 1994 (annexe 6 à la requête), utilisée dans le cadre du concours COM/A/955, a été remplacée, dans le cadre du concours COM/A/1032, par une attestation du même organisme datée du 18 décembre 1996 (document déposé le 2 juin 1997), dont le contenu omet toute référence à une activité de consultante et insiste sur l'exécution de travaux de synthèse dans le domaine des législations nationale et communautaire pertinentes, dont il n'était pas fait état dans la première attestation. De même, l'attestation d'emploi délivrée par la société Bonifica le 27 juin 1995 (annexe 7 à la requête), utilisée dans le cadre du concours COM/A/955, a été remplacée, dans le cadre du concours COM/A/1032, par une attestation de la même société datée du 15 mai 1996 (document déposé le 2 juin 1997), qui ne fait plus état d'une simple «collaboration» en qualité de «consultante technico-administrative» («ha collaborato con la società [...] in qualità di consulente tecnico-amministrativo»), mais se réfère au contraire à un contrat de travail dans le cadre duquel la requérante aurait assumé diverses responsabilités de «gestion» et de «contrôle» («ha lavorato per la società [...] [E]ra responsabile [...] di gestione e controllo»), incluant notamment la gestion des ressources humaines, la sélection, le recrutement et la direction d'équipes internationales, la gestion des budgets, etc., dont il n'était pas fait mention dans la première attestation. La description détaillée de l'expérience professionnelle de la requérante, dans le curriculum vitae joint à l'acte de candidature au concours COM/A/1032 (document déposé le 2 juin 1997), est elle aussi sensiblement plus étoffée que celle faite dans le document correspondant joint à l'acte de candidature au concours COM/A/955 (annexe 9 à la requête), tout en mettant davantage l'accent sur l'exercice de responsabilités d'administration et de gestion.

59

Dans ces conditions, il ne saurait être fait grief au jury du concours COM/A/955 de ne pas avoir apprécié les titres et mérites de la requérante de la même manière que l'a fait, ultérieurement, le jury du concours COM/A/1032.

60

Le deuxième moyen doit dès lors être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

61

La requérante soutient que, en refusant de communiquer, au cours de la phase précontentieuse, toute information sur le déroulement des travaux du jury et, notamment, les critères précis fixés par celui-ci, et le moment de leur adoption, la partie défenderesse a violé l'obligation de motivation découlant de l'article 25 du statut (voir l'arrêt du 15 février 1996, Belhanbel/Commission, T-125/95, RecFP p. II-115). Cette absence totale de motivation des décisions litigieuses aurait empêché la requérante d'examiner en temps utile le bien-fondé des décisions attaquées et le juge communautaire d'exercer son contrôle, notamment quant à la question de savoir si l'AIPN, en adoptant l'avis de concours, et le jury, au cours de ses travaux, ont scrupuleusement respecté le principe d'égalité de traitement entre les candidats.

62

Selon la requérante, cette irrégularité ne saurait être couverte par les explications tardives fournies par la partie défenderesse, après l'introduction du présent recours, dans sa lettre du 6 juin 1996. La requérante invoque en ce sens les arrêts du Tribunal du 30 mai 1995, Innamorati/Parlement (T-289/94, RecFP p. II-393, points 28 à 31), et du 21 mars 1996, Farrugia/Commission (T-230/94, Rec p. II-195, point 36).

63

Dans son mémoire en réplique, la requérante critique également la motivation contenue dans la lettre de la défenderesse du 6 juin 1996, notamment en ce qui concerne les critères de la formation et de l'expérience professionnelle.

64

Premièrement, à défaut de préciser l'importance relative accordée aux quatre critères retenus pour évaluer l'expérience professionnelle des candidats, cette lettre ne permettrait ni à la requérante ni au Tribunal de vérifier l'exactitude des appréciations portées sur les divers aspects de son expérience professionnelle.

65

Deuxièmement, le jury aurait retenu un critère qui n'était pas visé par l'avis de concours, à savoir l'expérience dans des organisations internationales.

66

Troisièmement, en reconnaissant comme critère déterminant du rejet de la candidature de la requérante son «activité de consultante dans le domaine vétérinaire», le jury aurait traité différemment une expérience de consultante par rapport à un autre type d'expérience, alors que le statut de consultante s'apparente à celui de free-lance et ne concerne que la nature du lien d'emploi, caractérisé par une grande autonomie, sans définir la nature des fonctions exercées. En outre, le jury aurait apprécié de façon défavorable l'expérience professionnelle de la requérante eu égard à ses activités dans le domaine vétérinaire, alors que l'avis de concours ne faisait aucune distinction entre les divers domaines dans lesquels les candidats devaient avoir exercé leur activité et que les critères de sélection devaient dès lors s'appliquer indifféremment à tous ces domaines.

67

La requérante ajoute, en revenant à l'argumentation développée dans le cadre de son premier moyen, que le jury a porté atteinte au principe d'égalité de traitement entre les participants au concours en décidant, après avoir pris connaissance des dossiers, d'adopter un système de répartition des points attribués à l'expérience professionnelle privilégiant certains types d'expériences, alors qu'un tel système n'était pas visé par l'avis de concours (voir l'arrêt Vlachou/Cour des comptes, précité, point 19).

68

Quatrièmement, la lettre du 6 juin 1996 ne mentionnerait pas la date à laquelle les critères de sélection ont été adoptés.

69

Tout en reconnaissant que le jury n'a pas fourni les explications précises demandées par la requérante avant que celle-ci n'introduise son recours, la défenderesse estime qu'il n'a pas manqué de diligence en l'espèce, compte tenu des difficultés qu'un jury de concours, qui ne siège pas en permanence, rencontre pour répondre rapidement aux demandes qui lui sont adressées.

70

Il ne serait par ailleurs pas question, en l'espèce, d'une absence totale de motivation des décisions attaquées. Dans sa lettre du 16 février 1996, le jury aurait en effet déjà indiqué à la requérante que les raisons de son exclusion découlaient de l'appréciation comparative de ses titres, en ce qui concerne tout particulièrement la nature et la durée de son expérience professionnelle. Dans sa correspondance du 26 mars 1996, le jury aurait souligné que seuls les meilleurs candidats avaient été admis à l'épreuve orale. Or, il serait de jurisprudence constante qu'une motivation insuffisante peut être complétée par des précisions complémentaires apportées en cours d'instance. La lettre du jury du 6 juin 1996 compléterait ainsi de façon légitime la motivation initiale.

71

La défenderesse rejette par ailleurs les critiques de la requérante à l'encontre de la motivation complémentaire contenue dans ladite lettre du 6 juin 1996.

Appréciation du Tribunal

72

Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation, énoncée à l'article 25 du statut, de motiver toute décision individuelle faisant grief a pour objet, d'une part, de permettre au juge d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et, d'autre part, de fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée (voir, par exemple, l'arrêt Belhanbel/Commission, précité, point 21).

73

Pour ce qui est plus particulièrement des décisions de refus d'admission à concourir, la Cour a précisé qu'il est nécessaire, à cet effet, que le jury indique précisément quelles sont les conditions arrêtées dans l'avis de concours qui ont été jugées non satisfaites par le candidat (voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 30 novembre 1978, Salerno e.a./Commission, 4/78, 19/78 et 28/78, Rec. p. 2403, et du 21 mars 1985, De Santis/Cour des comptes, 108/84, Rec. p. 947).

74

A cet égard, il y a toutefois lieu de rappeler que, en cas de concours à participation nombreuse, une jurisprudence constante autorise le jury à se limiter, dans un premier stade, à motiver le refus de façon sommaire et à ne communiquer aux candidats qu'une information sur les critères et le résultat de la sélection (voir l'arrêt de la Cour du 12 juillet 1989, Belardinelli e.a./Cour de justice, 225/87, Rec. p. 2353, point 7, et les arrêts du Tribunal du 21 mai 1992, Almeida Antunes/Parlement, T-54/91, Rec. p. II-1739, point 33, du 15 juillet 1993, Camera-Lampitelli e.a./Commission, T-27/92, Rec. p. II-873, point 51, et Innamorati/Parlement, précité, point 27).

75

En l'espèce, il ne saurait donc être reproché au jury d'avoir informé la requérante de la décision de ne pas l'admettre à l'épreuve orale au moyen de la lettre type en date du 16 février 1996, laquelle indiquait, avec une précision suffisante, quelles étaient les conditions de l'avis de concours qui, selon le jury, n'étaient pas satisfaites, à savoir «la nature et la durée de l'expérience professionnelle en relation avec le concours».

76

Néanmoins, conformément à la même jurisprudence, le jury du concours est tenu de fournir ultérieurement des explications individuelles à ceux des candidats qui le demandent expressément. Ces indications individuelles doivent être envoyées par le jury avant l'expiration du délai prévu par les articles 90 et 91 du statut en vue de permettre aux candidats de faire usage, s'ils l'estiment utile, de leurs droits (arrêt de la Cour du 9 juin 1983, Verzyck/Commission, 225/82, Rec. p. 1991, point 16). La décision d'un jury de ne pas admettre un candidat à l'épreuve suivante d'un concours ne saurait être suffisamment motivée que si elle fournit à l'intéressé les raisons pour lesquelles il n'a pas satisfait aux critères mis en œuvre pour la sélection. Les difficultés inhérentes à tout examen comparatif ne sauraient dispenser un jury de donner une telle motivation. L'exigence de procéder à un jugement global des candidats n'exclut pas non plus de donner une motivation qui satisfasse à la jurisprudence de la Cour (arrêt Sergio e.a./Commission, précité, point 49).

77

Or, il résulte du texte de la lettre du 26 mars 1996 que celle-ci n'indiquait pas à la requérante les critères au regard desquels avaient été appréciés les titres des candidats et les résultats de la sélection opérée et qu'elle ne comportait aucun élément, ne serait-ce que sommaire, de motivation individuelle.

78

Il s'ensuit que le jury n'a pas motivé de manière suffisante sa décision de ne pas admettre la requérante à l'épreuve orale et que le moyen dirigé contre la motivation initiale de cette décision est fondé (arrêts Sergio e.a./Commission, précité, point 51, et Verzyck/Commission, précité, point 17).

79

Il convient néanmoins de rappeler que, si une absence totale de motivation ne peut être couverte par des explications fournies après l'introduction d'un recours puisque, à ce stade, de telles explications ne remplissent plus leur fonction (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22, et du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C-115/92 P, Rec. p. I-6549, point 23; arrêts du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T-52/90, Rec. p. II-121, points 40 et 41, et du 23 février 1994, Coussios/Commission, T-18/92 et T-68/92, RecFP p. II-171, points 74 à 76), en cas d'insuffisance de motivation des précisions complémentaires peuvent être apportées en cours d'instance et rendre sans objet un moyen tiré du défaut de motivation, de sorte qu'il ne justifie plus l'annulation de la décision en cause (arrêts de la Cour du 30 mai 1984, Picciolo/Parlement, 111/83, Rec. p. 2323, point 22, du 27 mars 1985, Kypreos/Conseil, 12/84, Rec. p. 1005, point 8, et Sergio e.a./Commission, précité, point 52; arrêts du Tribunal du 13 décembre 1990, Kalavros/Cour de justice, T-160/89 et T-161/89, Rec. p. II-871, point 72, du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201, point 26, et du 30 novembre 1993, Perakis/Parlement, T-78/92, Rec. p. II-1299, point 52), étant entendu toutefois que l'institution n'est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale erronée (arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, point 15; arrêt Farrugia/Commission, précité, points 31 à 38).

80

En l'espèce, la Commission a, par lettre du 6 juin 1996, fourni des explications détaillées à la requérante. Ces explications sont venues compléter et expliciter le motif essentiel du rejet de sa candidature, tel qu'il était sommairement indiqué dans les lettres des 16 février et 26 mars 1996. Elles lui ont permis de prendre connaissance des raisons de sa non-admission à l'épreuve orale et d'amplifier ses moyens dans le mémoire en réplique et lors de la procédure orale, notamment pour ce qui est des moyens concernant la procédure suivie par le jury et l'existence d'erreurs manifestes quant à l'appréciation de son expérience professionnelle de consultante. Ces mêmes explications permettent également au Tribunal de contrôler ladite procédure et son résultat, dans une mesure conciliable avec le large pouvoir reconnu à tout jury dans ses jugements de valeur.

81

Le Tribunal considère que cette motivation est de nature à remédier aux défauts de la motivation initiale, dans la mesure autorisée par la jurisprudence.

82

Il convient de relever en outre que les explications en question ont été données par la défenderesse le 6 juin 1996, en réponse à la lettre de l'avocat de la requérante du 23 avril 1996, et que le présent recours a été introduit le 15 mai 1996 alors que le délai de recours expirait au plus tôt le 27 juin 1996, compte non tenu du délai de distance. En effet, la décision du 26 mars 1996, par laquelle le jury a refusé l'admission de la requérante à l'épreuve orale après avoir procédé, à sa demande, au réexamen de sa candidature, s'est substituée à la décision précédemment arrêtée par le jury le 16 février 1996 et ne peut être considérée comme purement confirmative de celle-ci. Dans un tel cas le délai de recours commence à courir à partir de la notification de la nouvelle décision (voir l'arrêt Panagiotopoulou/Parlement, précité, point 20).

83

Dans ces circonstances, et bien que la voie de droit ouverte à l'égard d'une décision d'un jury de concours consiste normalement en une saisine directe du juge communautaire (arrêt du Tribunal du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T-133/89, Rec. p. II-245, point 17), le Tribunal estime que l'insuffisance de la motivation initiale de la décision attaquée ne peut être qualifiée de violation d'une forme substantielle justifiant en soi l'annulation de cette décision.

84

Pour le surplus, il y a lieu de rappeler que la communication des résultats chiffrés obtenus par un candidat aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante du jugement de valeur porté par le jury (arrêt de la Cour du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C-254/95 P, Rec. p. I-3423, point 31; arrêts du Tribunal du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T-156/89, Rec. p. II-407, points 130 à 133, Camera-Lampitelli e.a./Commission, précité, points 51 et 52, Belhanbel/Commission, précité, point 22, et Kaps/Cour de justice, précité, point 81).

85

Quant aux critiques adressées par la requérante à l'encontre de la motivation spécifiquement contenue dans la lettre du 6 juin 1996, premièrement, le Tribunal considère que le jury était fondé à apprécier l'expérience professionnelle des candidats de manière globale, notamment à la lumière des quatre critères plus particulièrement retenus par lui.

86

Il est par ailleurs normal, s'agissant d'un concours d'accès à une réserve de recrutement d'une institution internationale, qu'une expérience antérieure dans une organisation de ce type soit appréciée et qu'il en soit éventuellement tenu compte dans la comparaison des titres des candidats. L'avis de concours faisait d'ailleurs expressément référence aux capacités des lauréats à s'adapter à un milieu de travail multiculturel et aux futures tâches à accomplir, incluant notamment la participation à des négociations internationales.

87

Ensuite, le Tribunal considère que, en se référant à l'expérience de consultante de la requérante, telle que décrite dans son curriculum vitae, le jury entendait simplement se référer à la nature de l'activité exercée précédemment par elle, critère qui était expressément prévu par l'avis de concours. Quant à la prétendue discrimination commise par le jury qui aurait privilégié certains domaines d'activité par rapport à d'autres comme le domaine vétérinaire, le Tribunal relève que dans sa réponse le jury n'a nullement mis l'accent sur le domaine d'activité dans lequel exerçait la requérante, mais sur la nature des fonctions exercées par elle.

88

Enfin, il découle de la réponse du Tribunal au premier moyen d'annulation de la requérante que la date à laquelle le jury a établi les critères sur la base desquels il allait apprécier les titres des candidats est sans pertinence, en l'espèce, pour le contrôle de la légalité des décisions attaquées.

89

Il s'ensuit que le troisième moyen doit également être rejeté.

90

Il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

91

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, applicable par analogie au présent recours (voir les arrêts Panagiotopoulou/Parlement, précité, point 90, et Belhanbel/Commission, précité, point 36), dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

92

En l'espèce, bien que la requérante ait succombé en tous ses moyens, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation des décisions attaquées n'est devenu sans objet qu'en cours d'instance. On ne saurait dès lors tenir rigueur à la requérante d'avoir saisi le Tribunal en vue d'un contrôle de la légalité de décisions insuffisamment motivées (arrêt Sergio e.a./Commission, précité, point 56).

93

Dans ces circonstances, il paraît équitable d'ordonner que la partie défenderesse supportera, outre ses propres dépens, le tiers des dépens de la requérante.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

La Commission est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, le tien des dépens de la requérante.

 

Bellamy

Kalogeropoulos

Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 novembre 1997.

Le greffier

H. Jung

Le président

A. Kalogeropoulos


( *1 ) Langue de procédure: le français.

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