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Document 62024TO0676

Определение на председателя на Общия съд от 27 юни 2025 г.
Iran Air - The Airline of the Islamic Republic of Iran (Iran Air) срещу Съвет на Европейския съюз.
Дело T-676/24 R.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:646

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

27 juin 2025 (*)

« Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives en raison du soutien militaire de l’Iran à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, ainsi qu’à des groupes armés et des entités au Moyen‑Orient et dans la région de la mer Rouge – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑676/24 R,

Iran Air – The Airline of the Islamic Republic of Iran (Iran Air), établie à Téhéran (Iran), représentée par Mes D Rahimi Moghaddam et T. Wülfing, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes E. Kübler et M. Di Gaetano, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, la requérante, Iran Air – The Airline of the Islamic Republic of Iran (Iran Air), sollicite le sursis à l’exécution de la décision (PESC) 2024/2698 du Conseil, du 14 octobre 2024, modifiant la décision (PESC) 2023/1532 concernant des mesures restrictives en raison du soutien militaire de l’Iran à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, ainsi qu’à des groupes armés et des entités au Moyen‑Orient et dans la région de la mer Rouge (JO L, 2024/2698), et du règlement d’exécution (UE) 2024/2697 du Conseil, du 14 octobre 2024, mettant en œuvre le règlement (UE) 2023/1529 concernant des mesures restrictives en raison du soutien militaire de l’Iran à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, ainsi qu’à des groupes armés et des entités au Moyen‑Orient et dans la région de la mer Rouge (JO L, 2024/2697) (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »), en tant que ces actes la concernent.

 Antécédents du litige et conclusions des parties

2        Le 20 juillet 2023, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision (PESC) 2023/1532 concernant des mesures restrictives en raison du soutien militaire de l’Iran à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine (JO 2023, L 186, p. 20).

3        Le même jour, le Conseil a adopté le règlement (UE) 2023/1529 concernant des mesures restrictives en raison du soutien militaire de l’Iran à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine (JO 2023, L 186, p. 1).

4        Dans ses conclusions des 21 et 22 mars 2024, le Conseil européen a déclaré que, si l’Iran transférait à la Russie des missiles balistiques et des technologies connexes en vue d’une utilisation contre l’Ukraine après avoir fourni au régime russe des aéronefs sans pilote (UAV), qui sont utilisés dans le cadre d’attaques incessantes contre la population civile en Ukraine, l’Union européenne serait prête à réagir rapidement et en coordination avec ses partenaires internationaux, y compris par de nouvelles mesures restrictives significatives à l’encontre de l’Iran.

5        Le 13 septembre 2024, dans la déclaration du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au nom de l’Union, l’Union a condamné fermement le transfert récent de missiles balistiques de fabrication iranienne à la Russie. Le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a déclaré que ce transfert représentait une menace directe pour la sécurité européenne et constituait une escalade substantielle par rapport à la fourniture d’UAV et de munitions iraniens, que la Russie a utilisés dans sa guerre d’agression illégale contre l’Ukraine.

6        Le 14 octobre 2024, le Conseil a adopté les actes attaqués par lesquels le nom de la requérante a été inscrit sur les listes figurant à l’annexe de la décision 2023/1532 et à l’annexe III du règlement 2023/1529, pour les motifs suivants :

« Iran Air est une compagnie aérienne d’État iranienne contrôlée par le ministère iranien des infrastructures, et est donc subordonnée à la direction militaire et politique du pays.

Elle a été utilisée à plusieurs reprises pour transférer vers la Russie des véhicules aériens sans pilote (UAV) de fabrication iranienne ainsi que des technologies connexes, qui ont été utilisés dans le cadre de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.

Iran Air est donc impliquée dans le transfert des UAV et de technologies connexes de fabrication iranienne vers la Russie à l’appui de la guerre d’agression menée par celle-ci contre l’Ukraine. »

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2024, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation des actes attaqués, pour autant que ces actes la concernaient.

8        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 mars 2025, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal d’ordonner le sursis à l’exécution des actes attaqués, pour autant que ces actes la concernent.

9        Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 7 avril 2025, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Considérations générales

10      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

11      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

12      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

13      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

14      Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

15      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

 Sur la condition relative à l’urgence

16      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite l’adoption de mesures provisoires. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

17      Par ailleurs, aux termes de l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure, les demandes en référé « contiennent toutes les preuves et offres de preuve disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires ».

18      C’est à la lumière de ces critères qu’il convient d’examiner si la requérante parvient à démontrer l’urgence.

19      En l’espèce, pour démontrer le caractère grave et irréparable du préjudice invoqué, en premier lieu, la requérante fait valoir qu’elle risque de subir, dans les prochains mois, un manque à gagner menaçant l’ensemble de son activité économique, d’un montant de 4 375 450,00 euros par mois. Dans ce cadre, la requérante affirme que, selon les derniers calculs, la poursuite de son exploitation ne pourra pas être assurée jusqu’à la clôture de la procédure au fond.

20      En deuxième lieu, la requérante allègue qu’elle risque de subir une perte irréversible de parts de marché sur le marché européen du transport aérien et que les conséquences de cette perte de parts de marché seraient profondes. Les actes attaqués ont gravement compromis sa capacité à maintenir et à développer sa position sur ce marché important et ont eu pour effet de réduire à néant son avantage concurrentiel. Selon la requérante, il y a un risque sérieux que des concurrents, qui ne sont pas affectés par des restrictions similaires, saisissent cette opportunité et s’emparent durablement de ses parts de marché. En outre, sa marque serait compromise en raison de son absence sur des lignes importantes. De plus, l’érosion continue des parts de marché risque de nuire, dans le monde entier et durablement, à sa réputation et à ses perspectives d’avenir dans l’industrie aéronautique, étant donné que, même après l’annulation des actes attaqués, il ne sera pas aisé de récupérer des parts de marché perdues.

21      En troisième lieu, la requérante soutient que l’ensemble de sa flotte est composé de machines de type occidental et que les actes attaqués la privent de la capacité d’obtenir des pièces de rechange et des services techniques essentiels de ses fournisseurs internationaux de longue date. Ces restrictions constituent un risque critique pour la sécurité opérationnelle et la fiabilité de l’ensemble de sa flotte. En outre, selon la requérante, les actes attaqués augmentent le risque d’acquisition par inadvertance de composants de moindre qualité qui mettent en péril l’intégrité opérationnelle et la sécurité aérienne et donc, en particulier, la sécurité des passagers. Enfin, la dépendance de voies d’approvisionnement moins efficaces entraîne une charge financière supplémentaire et constitue une menace supplémentaire pour sa compétitivité dans l’industrie aéronautique mondiale.

22      En quatrième lieu, la requérante estime que les actes attaqués ont considérablement limité sa capacité à assurer à son personnel la formation et la certification nécessaires au respect des normes internationales en matière de transport aérien. La requérante signale que, avant l’adoption desdits actes, les formations et les cours réguliers avaient lieu à Paris (France) et que désormais elle est contrainte de les organiser à Istanbul (Turquie). Selon la requérante, cette situation constitue également un défi pour le renouvellement et la validation en temps utile des licences des pilotes, ce qui nuit encore à sa capacité à maintenir la disponibilité opérationnelle.

23      En cinquième lieu, la requérante avance que le maintien en vigueur prolongé des actes attaqués risquerait de porter une atteinte grave et durable à son image de marque, ce qui saperait sa crédibilité et affaiblirait considérablement et durablement la confiance des partenaires commerciaux internationaux et de ses clients potentiels à son égard. Une telle perte de confiance réduirait sensiblement ses perspectives à long terme de reprise et de croissance sur le marché mondial. Le rétablissement rapide de la réputation et de la confiance au sein de la communauté internationale est essentiel à sa survie à long terme et à sa capacité à rester un acteur important du secteur de l’aviation mondiale. Selon la requérante, le risque d’atteinte à sa réputation serait irréversible sans un remède rapide. Elle risquerait de perdre pour toujours son statut d’acteur de longue date et considéré de l’industrie aéronautique mondiale.

24      Le Conseil conteste l’argumentation de la requérante.

25      À cet égard, en premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel elle risque de subir un manque à gagner menaçant l’ensemble de son activité économique, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en cas de préjudice d’ordre pécuniaire, une mesure provisoire se justifie s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la partie qui la sollicite se trouvera dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière, avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques du groupe auquel elle appartient (voir ordonnance du 12 mars 2021, Ciano Trading & Services CT & S e.a./Commission, T‑45/21 R, non publiée, EU:T:2021:131, point 32 et jurisprudence citée).

26      En outre, il résulte d’une jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre pécuniaire est considéré comme irréparable s’il ne peut pas être chiffré, c’est‑à‑dire lorsqu’il apparaît clairement, dès l’appréciation effectuée par le juge des référés, que le préjudice invoqué, compte tenu de sa nature et de son mode prévisible de survenance, ne sera pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate s’il se produit et que, en pratique, un recours en indemnité au titre des articles 268 et 340 TFUE ne saurait par conséquent permettre de le réparer [voir ordonnance du 27 février 2024, SBK Art/Conseil, T‑102/23 R, EU:T:2024:123, non publiée, point 40 et jurisprudence citée].

27      À cette fin, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit, en principe, produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir ordonnance du 10 juillet 2018, Synergy Hellas/Commission, T‑244/18 R, non publiée, EU:T:2018:422, point 27 et jurisprudence citée).

28      En effet, les indications établissant une telle image fidèle et globale doivent être étayées par des documents détaillés, certifiés par un expert indépendant et extérieur à la partie requérante, permettant d’apprécier la véracité desdites indications (voir, en ce sens, ordonnance du 8 mai 2012, Investigación y Desarrollo en Soluciones y Servicios IT/Commission, T‑134/12 R, non publiée, EU:T:2012:225, point 16 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, quand bien même la requérante fournit, dans sa demande en référé, des chiffres sur l’importance des vols vers l’Union et le manque à gagner qui résulterait de l’interruption de ces vols, ces données ne sont pas étayées par des documents détaillés démontrant sa situation financière et permettant d’apprécier si, en l’absence des mesures provisoires demandées, elle se trouverait effectivement dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière.

30      D’une part, la requérante est une entreprise publique contrôlée par le ministère iranien des infrastructures. Il n’est donc pas exclu que la requérante puisse compter sur le soutien financier de l’État iranien dans l’attente de la décision que le Tribunal rendra dans la procédure au fond.

31      D’autre part, la requérante n’a fourni aucune indication concrète et précise, étayée par des preuves documentaires détaillées et certifiées par un expert indépendant et extérieur à elle, conformément aux exigences de la jurisprudence citée aux points 27 et 28 ci‑dessus, qui démontrerait la situation financière dans laquelle elle se trouve et permettrait d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées.

32      La requérante se contente d’apporter comme preuve, aux annexes M3 et M4 de la demande en référé, une déclaration du directeur général sur les registres de vols, les pertes financières et le calcul de futures pertes financières effectué sur cette base, accompagnée d’une déclaration sous serment de ce même directeur général.

33      Or, selon la jurisprudence, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 124 et jurisprudence citée).

34      En l’espèce, les déclarations établies aux fins de la présente procédure par le directeur général de la requérante possèdent une valeur probante relativement faible, dès lors que ledit directeur général a un intérêt personnel à la solution du présent litige. En effet, ces déclarations devraient être corroborées par d’autres éléments de preuve indépendants, au sens de la jurisprudence citée au point 28 ci‑dessus.

35      De plus, en supposant que les chiffres résultant des annexes M3 et M4 soient fiables, ils permettraient d’identifier et de quantifier le préjudice financier allégué par la requérante, au sens de la jurisprudence citée au point 26 ci‑dessus.

36      Par conséquent, la requérante pourrait obtenir une compensation financière ultérieure par la voie d’un recours en indemnité au titre des articles 268 et 340 TFUE, la seule possibilité de former un tel recours étant suffisante pour attester du caractère en principe réparable d’un tel préjudice (voir, en ce sens, ordonnance du 21 septembre 2015, Eden Green Vivai Piante di Verdesca Giuseppe e.a./Commission, T‑437/15 R, non publiée, EU:T:2015:666, point 19 et jurisprudence citée).

37      Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la condition relative à l’urgence était remplie en ce qui concerne le préjudice financier invoqué.

38      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel elle risque de subir une perte irréversible de parts de marché sur le marché européen du transport aérien, il y a lieu de constater que cette perte serait due, à tout le moins en partie, au fait qu’il y a un risque sérieux que des concurrents qui ne sont pas affectés par des restrictions similaires saisissent cette opportunité et s’emparent durablement des parts de marché de la requérante.

39      Toutefois, d’une part, il convient d’observer que le risque de survenance du préjudice allégué devrait être établi avec un degré de probabilité suffisant.

40      S’il n’est pas exigé, à cet égard, une certitude absolue que le dommage se produira et s’il suffit d’une probabilité suffisante qu’il se réalise, il n’en reste pas moins que la partie requérante demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel dommage [voir ordonnance du 28 mai 2018, BASF Grenzach/ECHA, C‑565/17 P(R), non publiée, EU:C:2018:340, point 49 et jurisprudence citée].

41      En l’espèce, la requérante part de l’hypothèse selon laquelle d’autres compagnies pourront assurer instantanément les vols qu’elle ne sera plus en mesure d’effectuer à partir de Téhéran vers l’Union. Or, il n’est pas certain que cette hypothèse soit la plus probable, dès lors qu’elle dépend des droits d’atterrissage que les autorités aéroportuaires de Téhéran sont disposées à concéder à ces autres compagnies. Il convient de rappeler à cet égard que la requérante est une compagnie contrôlée par le ministère iranien des infrastructures.

42      D’autre part, la requérante n’explique pas les obstacles de nature structurelle ou juridique qui s’opposeraient à ce qu’elle regagne les parts de marché en cause si le Tribunal devait annuler les actes attaqués.

43      En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsque la partie qui sollicite la mesure provisoire se prévaut de la perte de ses parts de marché, elle doit démontrer que des obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêchent de reconquérir une fraction appréciable de ces parts de marché [ordonnance du 24 mars 2009, Cheminova e.a./Commission, C‑60/08 P(R), non publiée, EU:C:2009:181, point 64].

44      En l’espèce, la requérante se contente d’affirmer que, même après l’annulation des actes attaqués, il ne sera pas aisé de récupérer les parts de marché perdues. Elle serait confrontée à la tâche presque impossible de rétablir des liens déjà totalement perdus avec sa clientèle, de renégocier complètement des contrats et de reconstruire à partir de zéro son réseau de lignes aériennes et de clients.

45      Or, l’établissement de liens avec la clientèle, la négociation de contrats et la construction d’un réseau de lignes aériennes et de clients dans le cadre de l’industrie aéronautique font partie des opérations courantes qui permettent à une entreprise de produire des revenus et d’assurer son fonctionnement continu.

46      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’ensemble de sa flotte est composé de machines de type occidental et que les actes attaqués la privent de la capacité d’obtenir des pièces de rechange ainsi que des services techniques essentiels de ses fournisseurs internationaux de longue date, il y a lieu de souligner que les informations fournies par cette dernière ne permettent de comprendre les raisons pour lesquelles, d’une part, les produits et les services en cause ne seraient offerts que par des fournisseurs européens sur le territoire de l’Union et, d’autre part, les pièces de rechange fournies par d’autres entreprises que les constructeurs d’origine, compromettraient nécessairement la sécurité de ces machines.

47      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les actes attaqués ont considérablement limité sa capacité à assurer à son personnel la formation et la certification nécessaires au respect des normes internationales en matière de transport aérien, il y a lieu d’observer que cette dernière n’explique pas la raison pour laquelle, d’une part, ses employés devraient suivre des formations nécessairement sur le territoire de l’Union et, d’autre part, la participation à de telles formations et certifications dans des pays tiers serait moins valorisée. De plus, la requérante n’indique pas dans quelle mesure les actes attaqués empêchent les pilotes d’obtenir ou de renouveler leurs licences et d’assurer leurs qualifications. Enfin, la requérante ne précise pas le lien entre l’interruption des formations et certifications délivrées dans l’Union, d’une part, et le préjudice irréparable invoqué au soutien de sa demande en référé, d’autre part.

48      En cinquième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le risque d’atteinte à sa réputation serait irréversible sans une intervention rapide du Tribunal, il y a lieu de reconnaître que le fait qu’une personne soit inscrite sur la liste des mesures restrictives en cause en raison des actes attaqués peut être susceptible de porter préjudice à sa réputation (voir, en ce sens, ordonnance du 30 mars 2022, RT France/Conseil, T‑125/22 R, non publiée, EU:T:2022:199, point 47 et jurisprudence citée).

49      Toutefois, il y a lieu de souligner que, conformément à une jurisprudence constante, l’atteinte à la réputation de la requérante, à la supposer établie, aurait déjà été causée par les actes attaqués et durerait aussi longtemps que ces actes ne seraient pas annulés par l’arrêt au principal. Or, la finalité de la procédure de référé n’est pas d’assurer la réparation d’un préjudice déjà subi. En outre, la requérante ne saurait se prévaloir utilement, pour établir l’existence d’un préjudice grave et irréparable, de ce que seul un sursis à l’exécution des actes attaqués permettrait d’éviter qu’il soit porté atteinte à sa réputation. En effet, une annulation des actes attaqués au terme de la procédure dans l’affaire principale constituerait une réparation suffisante du préjudice allégué (voir, en ce sens, ordonnance du 30 mars 2022, RT France/Conseil, T‑125/22 R, non publiée, EU:T:2022:199, point 48 et jurisprudence citée).

50      En effet, l’atteinte portée à la réputation durera aussi longtemps que la mention du nom de la requérante apparaîtra dans les actes attaqués, c’est-à-dire tant que ces derniers ne seront pas annulés dans l’affaire principale. Dans ces conditions, un sursis à l’exécution desdits actes, que le juge des référés ne pourrait ordonner qu’à titre purement provisoire et dans le cadre d’une procédure sommaire, ne serait guère de nature à dissiper la suspicion qui pèse sur la requérante (voir, en ce sens, ordonnance du 22 décembre 2011, Al-Chihabi/Conseil, T‑593/11 R, non publiée, EU:T:2011:770, point 32 et jurisprudence citée).

51      Dans ce contexte, le juge des référés estime qu’une annulation des actes attaqués au terme de la procédure au principal constituerait une réparation suffisante du préjudice lié à l’atteinte portée à la réputation de la requérante. En effet, un tel arrêt d’annulation mettrait formellement et définitivement en évidence que le Conseil a fait preuve d’un comportement illégal en portant atteinte à la réputation de la requérante, ce qui donnerait satisfaction à cette dernière (voir, en ce sens, ordonnance du 27 août 2008, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 R, non publiée, EU:T:2008:301, point 54).

52      Il s’ensuit que la condition relative à l’urgence n’est pas remplie en ce qui concerne le préjudice lié à l’atteinte portée à la réputation de la requérante.

53      Il résulte de tout ce qui précède que le caractère grave et irréparable du préjudice invoqué par la requérante n’est pas établi et que, partant, la demande en référé doit être rejetée, à défaut pour la requérante d’établir que la condition relative à l’urgence est remplie, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris ou de procéder à la mise en balance des intérêts.

54      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 27 juin 2025.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’allemand.

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