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Dokumentum 62022TO0059
Order of the President of the General Court of 13 May 2022.#Conserve Italia - Consorzio Italiano fra cooperative agricole Soc. coop. agr. and Conserves France v European Commission.#Interim relief – Competition – Agreements, decisions and concerted practices – European market for preserved vegetables – Decision imposing a fine – Application for suspension of operation of a measure – No urgency.#Case T-59/22 R.
Определение на председателя на Общия съд от 13 май 2022 г.
Conserve Italia - Consorzio Italiano fra cooperative agricole Soc. coop. agr. и Conserves France срещу Европейска комисия.
Обезпечително производство — Конкуренция — Картели — Европейски пазар на консервирани зеленчуци — Решение, с което се налага глоба — Молба за спиране на изпълнението — Липса на неотложност.
Дело T-59/22 R.
Определение на председателя на Общия съд от 13 май 2022 г.
Conserve Italia - Consorzio Italiano fra cooperative agricole Soc. coop. agr. и Conserves France срещу Европейска комисия.
Обезпечително производство — Конкуренция — Картели — Европейски пазар на консервирани зеленчуци — Решение, с което се налага глоба — Молба за спиране на изпълнението — Липса на неотложност.
Дело T-59/22 R.
Európai esetjogi azonosító: ECLI:EU:T:2022:290
DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
13 mai 2022 (*)
« Référé – Concurrence – Ententes – Marché européen des légumes en conserve – Décision infligeant une amende – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »
Dans l’affaire T‑59/22 R,
Conserve Italia – Consorzio Italiano fra cooperative agricole Soc. coop. agr., établie à San Lazzaro di Savena (Italie),
Conserves France, établie à Tarascon (France),
représentées par Mes L. Di Via, M. Petite, L. Tresoldi et E. Belli, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. S. Baches Opi, F. Jimeno Fernández et Mme C. Sjödin, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution de la décision C(2021) 8259 final de la Commission, du 19 novembre 2021, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFEU et de l’article 53 de l’accord EEE,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties
1 Les requérantes, Conserve Italia ‑ Consorzio Italiano fra cooperative agricole Soc. coop. agr. (ci-après la « première requérante ») et sa filiale Conserves France (ci-après la « seconde requérante »), font partie d’un groupe actif dans le secteur de la transformation alimentaire.
2 Le 19 novembre 2021, la Commission européenne a adopté la décision C(2021) 8259 final relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40127 – Légumes en conserve) (ci‑après la « décision attaquée »), par laquelle elle a constaté que, du 15 mars 2000 au 1er octobre 2013, les requérantes ont participé, avec trois autres entreprises, à une entente portant sur la fourniture de certains types de légumes en conserve à des détaillants et/ou à des entreprises du secteur de la restauration dans l’EEE. En particulier, la Commission a constaté que, pendant plus de 13 ans, les requérantes et les autres participants à l’entente avaient fixé les prix, convenu des parts de marché et des volumes de vente, réparti des clients et des marchés, échangé des informations commerciales sensibles et coordonné les réponses aux appels d’offres.
3 Par l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée, la Commission a infligé aux requérantes une amende de 20 000 000 euros pour leur participation à l’infraction, dont elles sont solidairement responsables. Selon l’article 2, deuxième alinéa, de cette décision, l’amende doit être versée sur un compte bancaire ouvert au nom de la Commission dans un délai de six mois à compter de la date de la notification de la décision attaquée. Selon l’article 2, quatrième alinéa, de ladite décision, en cas de recours devant le Tribunal, les requérantes peuvent couvrir le montant de l’amende à la date d’échéance soit en constituant une garantie financière acceptable, soit en versant à titre provisoire le montant de l’amende.
4 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2022, les requérantes ont introduit un recours tendant notamment à l’annulation de la partie de la décision attaquée relative au calcul de l’amende.
5 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont introduit la présente demande en référé, dans laquelle elles concluent à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– à titre principal, ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée ;
– à titre subsidiaire, ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée pour la partie de l’amende supérieure à 5 697 720 euros, sans intérêts ni caution ;
– condamner la Commission aux dépens.
6 Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 15 février 2022, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– rejeter la demande en référé ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
7 Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12 et jurisprudence citée).
8 L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».
9 Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).
10 Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].
11 Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.
12 Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.
13 À cet égard, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).
14 C’est à la lumière de ces critères qu’il convient d’examiner si les requérantes parviennent à démontrer l’urgence.
15 En l’espèce, pour démontrer le caractère grave et irréparable du préjudice, en premier lieu, les requérantes allèguent que le paiement éventuel, même à titre provisoire, de l’amende mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique des quelque 350 entreprises agricoles associées qui ont fourni les produits concernés par l’entente et qui seraient tenues de payer, en moyenne, un montant disproportionné d’environ 57 000 euros par entreprise, ce qui aurait des effets négatifs sur la production, les revenus et l’emploi de toute la chaîne de production. En effet, en raison de la séparation des secteurs agricoles, seraient seules appelées à payer l’amende les quelque 350, sur 14 000, entreprises agricoles associées qui ont apporté les produits concernés par l’infraction.
16 Selon les requérantes, c’est donc la viabilité économique de ces quelque 350 entreprises agricoles, et non celle de l’ensemble du consortium qui caractérise la structure coopérative de la première requérante, qui doit être prise en considération afin d’évaluer la capacité des entreprises ayant participé à l’infraction de payer l’amende. Or, ces quelque 350 entreprises agricoles concernées par la décision attaquée disposeraient de ressources économiques très limitées, les produits horticoles étant souvent vendus à un prix très proche du coût de production. Selon les requérantes, si elles étaient obligées de payer, même seulement à titre provisoire, le montant total de l’amende, elles ne seraient pas en mesure d’assurer la continuité de la production et seraient, très vraisemblablement, contraintes de quitter la structure coopérative.
17 En outre, les requérantes soutiennent que les préjudices causés aux 350 entreprises agricoles auraient également un effet d’entraînement sur la stabilité du consortium lui‑même, avec un risque réel de dissolution, et, par conséquent, sur l’ensemble des quelque 14 000 entreprises agricoles à la base de la filière. De plus, dans l’hypothèse de la dissolution de la structure coopérative de la première requérante, il y aurait également des répercussions importantes sur l’ensemble du secteur agricole et sur les consommateurs finals.
18 En second lieu, les requérantes allèguent qu’il est exclu que la première requérante puisse procéder au paiement de l’amende soit par une injection de nouveaux capitaux par tous les associés, soit au moyen des liquidités disponibles, soit par l’émission de nouvelles dettes. Selon elles, la seule solution envisageable pour assurer le paiement de l’amende serait de recourir à un financement, même si cela devait entraîner une détérioration significative de la situation financière de la première requérante. Toutefois, il serait difficile pour cette dernière d’obtenir de nouveaux prêts à moyen et à long termes pour faire face au paiement de l’amende en raison de l’épuisement de toute possibilité d’utiliser les actifs existants comme garantie éventuelle et de la nécessité de satisfaire aux clauses financières des accords de financement conclus avec certains établissements de crédit, dans la mesure où il existerait un risque que les établissements de crédit demandent unilatéralement la résiliation des accords de financement conclus avec la première requérante si le montant de l’amende infligée était excessivement élevé.
19 Enfin, les requérantes ajoutent que, si l’exécution de la décision attaquée n’était pas suspendue, le coût de la caution, prévue à l’article 2, quatrième alinéa, de cette décision, et les intérêts augmenteraient encore le coût de la sanction infligée.
20 La Commission estime, en revanche, que la condition relative à l’urgence n’est pas remplie.
21 À cet égard, il convient de constater d’emblée que le préjudice invoqué est d’ordre purement financier.
22 Or, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 et 340 TFUE [voir ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 24 et jurisprudence citée].
23 Dans un tel cas de figure, lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie qui les sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques du groupe auquel elle appartient (voir, en ce sens, ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 46 et jurisprudence citée).
24 Il s’ensuit que, afin de prouver qu’elles encourent un préjudice grave et irréparable, les requérantes sont tenues de démontrer au juge des référés qu’elles ont exploré, sans succès, toutes les possibilités offertes leur permettant d’éviter la survenance d’un tel préjudice, de sorte qu’il n’existe aucune autre solution que l’adoption, à titre exceptionnel, des mesures provisoires sollicitées [voir ordonnance du 15 décembre 2015, CCPL e.a./Commission, T‑522/15 R, EU:T:2015:1012, point 46 (non publié) et jurisprudence citée].
25 À cette fin, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit, en principe, produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir ordonnance du 29 février 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, T‑732/15 R, non publiée, EU:T:2016:129, point 39 et jurisprudence citée).
26 En outre, il convient d’observer que, selon une jurisprudence bien établie, il n’y a urgence que si le préjudice grave et irréparable redouté par la partie qui sollicite les mesures provisoires est imminent à tel point que sa réalisation est prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Cette partie demeure, en tout état de cause, tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires (voir ordonnance du 27 février 2015, Espagne/Commission, T‑826/14 R, EU:T:2015:126, point 33 et jurisprudence citée).
27 C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les éléments avancés par les requérantes pour établir qu’elles subiraient un préjudice grave et irréparable d’ordre financier si le sursis à l’exécution de la décision attaquée n’était pas ordonné.
28 En l’espèce, en premier lieu, ainsi qu’il ressort de l’article 2, quatrième alinéa, de la décision attaquée, la Commission a autorisé les requérantes à recourir à une garantie bancaire leur permettant de s’acquitter provisoirement de l’obligation de payer l’amende infligée, sans devoir verser la somme réclamée à la date de son exigibilité.
29 À cet égard, il convient de rappeler que, la possibilité d’exiger la constitution d’une garantie bancaire correspondant à une ligne de conduite générale et raisonnable de la Commission, ce n’est qu’en présence de circonstances exceptionnelles que les requérantes peuvent être dispensées de l’obligation de fournir une telle garantie comme condition du non‑recouvrement immédiat des amendes infligées (voir ordonnance du 15 décembre 2015, CCPL e.a./Commission, T‑522/15 R, EU:T:2015:1012, point 49 et jurisprudence citée).
30 Afin d’établir l’existence de telles circonstances exceptionnelles, les requérantes doivent, en principe, apporter la preuve, soit qu’il leur est objectivement impossible de constituer une garantie bancaire, soit que sa constitution mettrait en péril leur existence (voir ordonnance du 15 décembre 2015, CCPL e.a./Commission, T‑522/15 R, EU:T:2015:1012, point 50 et jurisprudence citée).
31 En outre, il convient de noter que la question de la possibilité pour les requérantes de constituer ou non une garantie bancaire constitue indéniablement un élément essentiel, qui devait ressortir du corps même de la demande en référé (voir ordonnance du 12 juillet 2011, Emme/Commission, T‑422/10 R, non publiée, EU:T:2011:349, point 38 et jurisprudence citée).
32 Or, en l’espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que les requérantes ont été dans l’impossibilité d’entreprendre des démarches visant à obtenir une telle garantie avant le dépôt de la demande en référé ou que sa constitution mettrait en péril leur existence.
33 En effet, il ressort uniquement du dossier que le coût de la caution, prévue à l’article 2, quatrième alinéa, de la décision attaquée, augmenterait encore le coût de l’amende pour les quelque 350 entreprises agricoles associées qui ont apporté les produits concernés par l’entente.
34 Il s’ensuit que les requérantes n’ayant pas fait valoir, ni démontré, l’impossibilité de constituer une garantie financière en tant que moyen de substitution au paiement provisoire de l’amende, il ne saurait être considéré qu’elles ont exploré, sans succès, toutes les possibilités dont elles disposaient pour éviter la survenance du préjudice grave et irréparable allégué, au sens de la jurisprudence citée au point 24 ci‑dessus.
35 En deuxième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel c’est la viabilité économique des quelque 350 entreprises agricoles ayant fourni les produits concernés par l’infraction, et non celle de la première requérante, qui doit être prise en considération aux fins de l’évaluation du préjudice résultant du paiement de l’amende dans l’attente d’une décision sur le fond du litige, il y a lieu de constater que, conformément aux articles 2 et 4 de la décision attaquée, les destinataires de cette décision, solidairement responsables pour le paiement de l’amende, sont les requérantes, et non les 350 entreprises susmentionnées.
36 En effet, comme la Commission le fait valoir et le considérant 647 de la décision attaquée le précise, bien qu’elle puisse également être considérée comme une association d’entreprises aux fins de l’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), la première requérante reste néanmoins une entreprise et, par conséquent, l’article 23, paragraphe 2, troisième alinéa, de ce règlement n’est pas applicable. Par conséquent, la Commission a, de ce fait, exclu la possibilité d’imposer une amende fondée sur la somme du chiffre d’affaires total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l’infraction de l’association.
37 Or, il y a lieu de relever, à cet égard, que le préjudice grave et irréparable allégué, que le sursis à l’exécution de la décision attaquée a pour objet d’éviter, ne peut être pris en compte par le juge des référés, dans le cadre de son examen de la condition relative à l’urgence, que dans la mesure où il est susceptible d’être occasionné aux intérêts de la partie qui sollicite la mesure provisoire. Il s’ensuit que les dommages que l’exécution de la décision attaquée est susceptible de causer à une partie autre que celle sollicitant la mesure provisoire ne peuvent être pris en considération, le cas échéant, par le juge des référés que dans le cadre de la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 22 juillet 2021, Aloe Vera of Europe/Commission, T‑189/21 R, non publiée, EU:T:2021:487, point 55 et jurisprudence citée).
38 Dans ces conditions, les préjudices que l’exécution de la décision attaquée cause à des parties autres que celles qui requièrent la mesure provisoire ne peuvent être pris en considération par le juge des référés dans le cadre de l’examen de l’urgence. Par conséquent, le prétendu préjudice causé aux 350 entreprises agricoles ayant fourni les produits concernés par l’infraction ne saurait en soi justifier l’adoption des mesures provisoires sollicitées par les requérantes.
39 En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les préjudices causés auraient en outre un effet d’entraînement sur la stabilité du consortium lui‑même, avec un risque réel de dissolution, force est de constater que les requérantes n’ont pas démontré que, en l’absence de sursis à l’exécution de la décision attaquée, elles se trouveraient dans une situation susceptible de mettre en péril leur viabilité économique ou de modifier de manière importante leurs parts de marché avant l’adoption de la décision sur le fond par le Tribunal, au sens de la jurisprudence citée au point 23 ci‑dessus.
40 Certes, les requérantes citent, de manière sélective, certains extraits de l’annexe de la décision attaquée concernant l’examen, par la Commission, de leur demande relative à l’absence de capacité contributive, qui, selon elles, confirment que le consortium se caractérise par une faible marge d’exploitation et un niveau d’endettement élevé avec une tendance fortement saisonnière.
41 Toutefois, les requérantes s’abstiennent d’exposer leur situation financière complète et de fournir, dans la demande en référé, la moindre donnée, notamment chiffrée, sur les liquidités disponibles du groupe auquel elles appartiennent.
42 En quatrième et dernier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel il est difficile pour la première requérante d’obtenir de nouveaux prêts à moyen et à long termes pour faire face au paiement de l’amende en raison de l’épuisement de toute possibilité d’utiliser les actifs existants comme garantie éventuelle et de la nécessité de satisfaire aux clauses financières des accords de financement conclus avec certains établissements de crédit, force est de constater que les informations fournies par les requérantes ne remplissent pas les conditions résultant de la jurisprudence rappelée au point 25 ci‑dessus, selon laquelle le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées.
43 En l’absence de toute indication concrète quant à la difficulté d’obtenir de nouveaux prêts à moyen et à long termes pour faire face au paiement de l’amende, le préjudice invoqué par les requérantes apparaît purement hypothétique, au sens de la jurisprudence citée au point 26 ci‑dessus.
44 Au vu de ce qui précède, le juge des référés ne peut que constater que les requérantes ne sont pas parvenues à établir que, à défaut d’octroi d’un sursis à l’exécution de la décision attaquée, elles subiraient de manière imminente un préjudice grave et irréparable.
45 Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée à défaut, pour les requérantes, d’établir l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris ou de procéder à la mise en balance des intérêts.
46 En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 13 mai 2022.
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Le greffier |
Le président |
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E. Coulon |
M. van der Woude |
* Langue de procédure : l’italien.