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Document 62012CJ0094

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 10 octobre 2013.
Swm Costruzioni 2 SpA et Mannocchi Luigino DI contre Provincia di Fermo.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per le Marche.
Marchés publics – Directive 2004/18/CE – Capacité économique et financière – Capacités techniques et/ou professionnelles – Articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3 – Faculté pour un opérateur économique de faire valoir les capacités d’autres entités – Article 52 – Système de certification – Marchés publics de travaux – Législation nationale imposant la possession d’une attestation de qualification correspondant à la catégorie et à la valeur des travaux objet du marché – Interdiction de faire valoir les attestations de plusieurs entités pour des travaux relevant d’une même catégorie.
Affaire C‑94/12.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:646

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

10 octobre 2013 ( *1 )

«Marchés publics ? Directive 2004/18/CE — Capacité économique et financière — Capacités techniques et/ou professionnelles — Articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3 — Faculté pour un opérateur économique de faire valoir les capacités d’autres entités — Article 52 — Système de certification ? Marchés publics de travaux ? Législation nationale imposant la possession d’une attestation de qualification correspondant à la catégorie et à la valeur des travaux objet du marché — Interdiction de faire valoir les attestations de plusieurs entités pour des travaux relevant d’une même catégorie»

Dans l’affaire C‑94/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (Italie), par décision du 15 décembre 2011, parvenue à la Cour le 20 février 2012, dans la procédure

Swm Costruzioni 2 SpA,

Mannocchi Luigino DI

contre

Provincia di Fermo,

en présence de:

Torelli Dottori SpA,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász, D. Šváby (rapporteur) et C. Vajda, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procedure écrite,

considérant les observations présentées:

pour Swm Costruzioni 2 SpA et Mannocchi Luigino DI, par Me C. Famiglini, avvocato,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par MM. C. Zadra et A. Tokár, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 février 2013,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 47, paragraphe 2, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114, et rectificatif, JO L 351, p. 44).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant, d’une part, Swm Costruzioni 2 SpA (ci-après «Swm») et Mannocchi Luigino DI, entreprises ayant formé entre elles un groupement temporaire d’entreprises (Raggruppamento Temporaneo di Imprese, ci-après un «RTI»), et, d’autre part, la Provincia di Fermo, au sujet de la décision de cette dernière d’exclure ledit RTI d’une procédure d’attribution d’un marché public de travaux.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes du considérant 32 de la directive 2004/18:

«Afin de favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics, il convient de prévoir des dispositions en matière de sous-traitance.»

4

Le considérant 45 de cette directive est libellé comme suit:

«La présente directive prévoit la possibilité pour les États membres d’instaurer des listes officielles d’entrepreneurs, de fournisseurs ou de prestataires de services ou une certification par des organismes publics ou privés, ainsi que les effets d’une telle inscription ou d’un tel certificat dans le cadre d’une procédure de passation de marchés publics dans un autre État membre. En ce qui concerne les listes officielles d’opérateurs économiques agréés, il importe de tenir compte de la jurisprudence de la Cour de justice dans le cas où un opérateur économique faisant partie d’un groupe se prévaut des capacités économique, financière ou technique d’autres sociétés du groupe à l’appui de sa demande d’inscription. Il appartient dans ce cas à l’opérateur économique de prouver qu’il disposera effectivement de ces moyens pendant toute la durée de validité de l’inscription. Aux fins de cette inscription, un État membre peut dès lors déterminer des niveaux d’exigences à atteindre et notamment, par exemple, lorsque cet opérateur se prévaut de la capacité financière d’une autre société du groupe, l’engagement, si besoin est solidaire, de cette dernière société.»

5

L’article 1er, paragraphes 2, sous b), et 8, premier alinéa, de la directive 2004/18 contient les définitions suivantes:

«2.   [...]

b)

Les ‘marchés publics de travaux’ sont des marchés publics ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à l’annexe I ou d’un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Un ‘ouvrage’ est le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique.

[...]

8.   Les termes ‘entrepreneur’, ‘fournisseur’ et ‘prestataire de services’ désignent toute personne physique ou morale ou entité publique ou groupement de ces personnes et/ou organismes qui offre, respectivement, la réalisation de travaux et/ou d’ouvrages, des produits ou des services sur le marché.»

6

Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive:

«Les groupements d’opérateurs économiques sont autorisés à soumissionner ou à se porter candidats. [...]»

7

L’article 25, premier alinéa, de ladite directive dispose:

«Dans le cahier des charges, le pouvoir adjudicateur peut demander ou peut être obligé par un État membre de demander au soumissionnaire d’indiquer, dans son offre, la part du marché qu’il a l’intention de sous-traiter à des tiers ainsi que les sous-traitants proposés.»

8

L’article 44 de la même directive prévoit:

«1.   L’attribution des marchés se fait [...] après vérification de l’aptitude des opérateurs économiques non exclus [...], effectuée par les pouvoirs adjudicateurs conformément aux critères relatifs à la capacité économique et financière, aux connaissances ou capacités professionnelles et techniques visés aux articles 47 à 52 [...]

2.   Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger des niveaux minimaux de capacités, conformément aux articles 47 et 48, auxquels les candidats et les soumissionnaires doivent satisfaire.

L’étendue des informations visées aux articles 47 et 48 ainsi que les niveaux minimaux de capacités exigés pour un marché déterminé doivent être liés et proportionnés à l’objet du marché.

[...]»

9

L’article 47 de la directive 2004/18, intitulé «Capacité économique et financière», est libellé comme suit:

«1.   La justification de la capacité économique et financière de l’opérateur économique peut, en règle générale, être constituée par une ou plusieurs des références suivantes:

[...]

c)

une déclaration concernant le chiffre d’affaires global et, le cas échéant, le chiffre d’affaires du domaine d’activités faisant l’objet du marché, pour au maximum les trois derniers exercices disponibles en fonction de la date de création ou du début d’activités de l’opérateur économique, dans la mesure où les informations sur ces chiffres d’affaires sont disponibles.

2.   Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, faire valoir les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, par la production de l’engagement de ces entités à cet effet.

3.   Dans les mêmes conditions, un groupement d’opérateurs économiques visé à l’article 4 peut faire valoir les capacités des participants au groupement ou d’autres entités.

[...]»

10

L’article 48 de cette directive, intitulé «Capacités techniques et/ou professionnelles», dispose:

1.   Les capacités techniques et/ou professionnelles des opérateurs économiques sont évaluées et vérifiées conformément aux paragraphes 2 et 3.

Les capacités techniques des opérateurs économiques peuvent être justifiées d’une ou de plusieurs des façons suivantes, selon la nature, la quantité ou l’importance, et l’utilisation des travaux, des fournitures ou des services:

a)

i)

la présentation de la liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années, cette liste étant appuyée de certificats de bonne exécution pour les travaux les plus importants. Ces certificats indiquent le montant, l’époque et le lieu d’exécution des travaux et précisent s’ils ont été effectués selon les règles de l’art et menés régulièrement à bonne fin; le cas échéant, ces certificats sont transmis directement au pouvoir adjudicateur par l’autorité compétente;

[...]

b)

l’indication des techniciens ou des organismes techniques, qu’ils soient ou non intégrés à l’entreprise de l’opérateur économique, en particulier de ceux qui sont responsables du contrôle de la qualité et, lorsqu’il s’agit de marchés publics de travaux, dont l’entrepreneur disposera pour l’exécution de l’ouvrage;

[...]

h)

une déclaration indiquant l’outillage, le matériel et l’équipement technique dont le prestataire de services ou l’entrepreneur disposera pour la réalisation du marché;

[...]

3.   Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, faire valoir les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur que, pour l’exécution du marché, il disposera des moyens nécessaires, par exemple, par la production de l’engagement de ces entités de mettre à la disposition de l’opérateur économique les moyens nécessaires.

4.   Dans les mêmes conditions, un groupement d’opérateurs économiques visé à l’article 4 peut faire valoir les capacités des participants au groupement ou d’autres entités.

[...]»

11

Intitulé «Listes officielles d’opérateurs économiques agréés et certification par des organismes de droit public ou privé», l’article 52 de la directive 2004/18 prévoit à son paragraphe 1:

«Les États membres peuvent instaurer soit des listes officielles d’entrepreneurs, de fournisseurs ou de prestataires de services agréés soit une certification par des organismes de certification publics ou privés.

Les États membres adaptent les conditions d’inscription sur ces listes ainsi que celles pour la délivrance de certificats par les organismes de certification à l’article 45, paragraphe 1 et paragraphe 2, points a) à d) et g), à l’article 46, à l’article 47, paragraphes 1, 4 et 5, à l’article 48, paragraphes 1, 2, 5 et 6, à l’article 49 et, le cas échéant, à l’article 50.

Les États membres les adaptent également à l’article 47, paragraphe 2, et à l’article 48, paragraphe 3, pour les demandes d’inscription présentées par des opérateurs économiques faisant partie d’un groupe et faisant valoir des moyens mis à leur disposition par les autres sociétés du groupe. Ces opérateurs doivent, dans ce cas, prouver à l’autorité établissant la liste officielle qu’ils disposeront de ces moyens pendant toute la durée de validité du certificat attestant leur inscription à la liste officielle et que ces sociétés continuent à remplir pendant cette même durée les exigences en matière de sélection qualitative prévues aux articles visés au deuxième alinéa dont ces opérateurs se prévalent pour leur inscription.»

Le droit italien

12

Conformément au décret du président de la République no 34 du 25 janvier 2000, portant règlement instaurant le système de qualification pour les personnes qui exécutent des travaux publics conformément à l’article 8 de la loi no 109 du 11 février 1994 et ses modifications successives (decreto del Presidente della Repubblica n. 34 – Regolamento recante istituzione del sistema di qualificazione per gli esecutori di lavori pubblici, ai sensi dell’articolo 8 della legge 11 febbraio 1994, n. 109, e successive modificazioni, supplément ordinaire à la GURI no 49, du 29 février 2000), applicable dans le cadre de l’affaire au principal, les marchés publics de travaux dont la valeur dépasse 150000 euros ne peuvent être exécutés que par des entreprises disposant d’attestations dites «SOA».

13

Ces attestations correspondent à des catégories de qualification, selon la nature des travaux concernés, et à des classes, ces dernières déterminant la valeur des marchés auxquels une attestation donne accès.

14

Lesdites attestations sont délivrées par des organismes de certification, les società organismi di attestazione, qui ont pour mission d’attester, notamment, que toute entreprise certifiée satisfait à un ensemble de critères d’ordre général, d’ordre économique et financier ainsi que d’ordre technique et organisationnel, considérés comme indispensables pour l’exécution de travaux publics.

15

Il résulte du dossier dont dispose la Cour que la capacité économique et financière appropriée est démontrée, notamment, par un chiffre d’affaires se rapportant à des travaux égal ou supérieur à 100 % des montants des qualifications demandées dans les différentes catégories. En ce qui concerne l’aptitude technique, il est exigé, entre autres, que soient établies, pour chaque catégorie faisant l’objet d’une demande de qualification, d’une part, la réalisation de travaux pour un montant égal ou supérieur à 90 % du montant de la classe demandée et, d’autre part, la réalisation d’un, de deux ou de trois chantiers dont la valeur est égale ou supérieure à, respectivement, 40 %, 55 % ou 65 % dudit montant.

16

L’article 49 du décret législatif no 163 du 12 avril 2006, portant le code des marchés publics de travaux, de services et de fournitures en application des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE (decreto legislativo n. 163 – Codice dei contratti pubblici relativi a lavori, servizi e forniture in attuazione delle direttive 2004/17/CE e 2004/18/CE, supplément ordinaire à la GURI no 100, du 2 mai 2006), tel que modifié par le décret législatif no 152 du 11 septembre 2008 (supplément ordinaire à la GURI no 231, du 2 octobre 2008, ci-après le «décret législatif no 163/2006»), dispose:

«1.   Le soumissionnaire, qu’il soit seul, membre d’un consortium ou d’un groupement au sens de l’article 34, dans le cadre d’un appel d’offres spécifique de travaux, de fournitures ou de services, peut satisfaire à l’exigence relative aux critères de nature économique, financière, technique, organisationnelle, c’est-à-dire obtenir l’attestation [...] SOA, en faisant valoir les critères remplis par une autre personne ou l’attestation SOA d’une autre personne.

[...]

6.   Pour les travaux, le soumissionnaire ne peut faire valoir qu’une seule entreprise auxiliaire pour chacune des catégories de qualification. L’appel d’offres peut autoriser le recours à plusieurs entreprises auxiliaires eu égard au montant de l’appel d’offres ou à la spécificité des prestations [...]»

Le litige au principal et la question préjudicielle

17

La Provincia di Fermo a engagé une procédure d’adjudication pour des travaux de modernisation et d’extension d’une route, dont la valeur estimée dépasse le seuil pertinent d’application de la directive 2004/18, tel que fixé à l’article 7 de celle-ci. Dans le cadre de cette procédure, il était exigé des soumissionnaires qu’ils établissent leurs capacités techniques et professionnelles par la présentation d’une attestation SOA correspondant à la nature et à la valeur des travaux objet du marché.

18

Le RTI formé par Swm et Mannocchi Luigino DI a participé à ladite procédure par l’intermédiaire de Swm. Afin de satisfaire à l’exigence concernant la classe d’attestation SOA requise, Swm a fait valoir les attestations SOA de deux entreprises tierces.

19

Par décision du 2 août 2011, ce RTI a été exclu de la procédure d’adjudication eu égard à l’interdiction générale de faire valoir les capacités de plusieurs entreprises pour une même catégorie de qualification, inscrite à l’article 49, paragraphe 6, du décret législatif no 163/2006.

20

Le Tribunale amministrativo regionale per le Marche (tribunal administratif régional des Marches) a été saisi d’un recours contre cette décision.

21

Il fait état de certaines décisions rendues en cette matière par le Consiglio di Stato (Conseil d’État). Ainsi, cette dernière juridiction aurait jugé, d’une part, que ladite interdiction n’est pas applicable aux entreprises faisant partie d’un RTI lorsque ce dernier est lui-même candidat ou soumissionnaire. Cette décision serait fondée sur la ratio legis de la faculté de recours aux capacités d’entités tierces, à savoir favoriser la participation la plus large possible d’entreprises à un appel d’offres. D’autre part, le Consiglio di Stato aurait également jugé qu’un soumissionnaire ne peut pas cumuler son attestation SOA et celle d’une entité tierce afin d’atteindre la classe requise pour un marché donné. Cette décision serait fondée sur l’objectif de la réglementation de l’Union en matière de marchés publics selon lequel la concurrence la plus large viserait également à l’exécution la plus sûre et la plus efficace possible des marchés publics.

22

Dans ce contexte, le Tribunale amministrativo regionale per le Marche a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 47, paragraphe 2, de la directive [2004/18] doit-il être interprété en ce sens qu’il fait obstacle, en principe, à une [règle] d’un État membre telle que [celle] figurant à l’article 49, paragraphe 6, du décret législatif no 163/2006, qui, sauf cas particuliers, interdit [aux opérateurs économiques participant à une procédure d’adjudication d’un marché public de travaux] de faire valoir plus d’une entreprise auxiliaire [...] pour chacune des catégories de qualification[, sous réserve que l]’appel d’offres puisse autoriser le recours à plusieurs entreprises auxiliaires eu égard au montant [du marché] ou à la spécificité des prestations [...] [?]»

Sur la question préjudicielle

23

À titre liminaire, il y a lieu de relever que la disposition nationale visée par la question préjudicielle s’applique tant aux critères de capacité économique et financière qu’aux critères de capacité technique et organisationnelle. Or, l’article 47, paragraphe 2, de la directive 2004/18, seule disposition de cette dernière visée dans la question préjudicielle, concerne seulement la capacité économique et financière des opérateurs économiques participant à une procédure d’adjudication, tandis que l’article 48 de cette directive, relatif aux capacités techniques et/ou professionnelles de ces opérateurs, comporte un paragraphe 3 dont le contenu est en substance identique à celui dudit article 47, paragraphe 2.

24

La circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, libellé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait cependant pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de sa ou de ses questions (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2012, Nilaş e.a., C‑248/11, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

25

Il convient, dès lors, de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale telle que celle en cause au principal, qui interdit, en règle générale, aux opérateurs économiques participant à une procédure d’adjudication d’un marché public de travaux de faire valoir, pour une même catégorie de qualification, les capacités de plusieurs entreprises.

26

En vertu de l’article 44, paragraphe 1, de la directive 2004/18, il appartient au pouvoir adjudicateur de vérifier l’aptitude des candidats ou des soumissionnaires conformément aux critères visés aux articles 47 à 52 de ladite directive.

27

À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que ledit article 47 prévoit, à son paragraphe 1, sous c), que le pouvoir adjudicateur peut notamment demander aux candidats ou aux soumissionnaires qu’ils justifient de leur capacité économique et financière par une déclaration concernant le chiffre d’affaires global ainsi que le chiffre d’affaires du domaine d’activités faisant l’objet du marché, portant au maximum sur les trois derniers exercices disponibles. D’autre part, ledit article 48, quant à lui, dispose à son paragraphe 2, sous a), i), qu’il peut être demandé aux opérateurs économiques de justifier de leurs capacités techniques par la présentation de la liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années.

28

En vertu de l’article 44, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2004/18, un pouvoir adjudicateur peut exiger des candidats ou des soumissionnaires qu’ils satisfassent à des niveaux minimaux de capacité économique et financière ainsi que de capacités techniques et professionnelles, conformément aux articles 47 et 48 de cette directive.

29

À ce titre, ce pouvoir adjudicateur doit tenir compte du droit que les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18 reconnaissent à tout opérateur économique de faire valoir, pour un marché déterminé, les capacités d’autres entités, quelle que soit la nature des liens existant entre lui-même et ces entités, pour autant qu’il prouve au pouvoir adjudicateur qu’il disposera des moyens nécessaires pour l’exécution de ce marché.

30

À cet égard, il convient de relever, ainsi que M. l’avocat général l’a fait au point 18 de ses conclusions, que l’emploi systématique du pluriel dans ces dispositions indique que celles-ci n’interdisent pas, en principe, aux candidats ou aux soumissionnaires de recourir aux capacités de plusieurs entités tierces pour justifier qu’ils satisfont à un niveau minimal de capacité. A fortiori, lesdites dispositions n’édictent aucune interdiction de principe quant au recours, par un candidat ou un soumissionnaire, aux capacités d’une ou de plusieurs entités tierces en sus de ses propres capacités, afin de remplir les critères fixés par un pouvoir adjudicateur.

31

Ce constat est corroboré par plusieurs dispositions de la directive 2004/18. Ainsi, l’article 48, paragraphe 2, sous b), de celle-ci vise le recours à des techniciens ou à des organismes techniques, indistinctement, que ceux-ci soient ou non intégrés à l’entreprise de l’opérateur économique concerné, mais dont celui-ci disposera pour l’exécution de l’ouvrage. De même, le point h) dudit paragraphe 2 fait état de l’outillage, du matériel et de l’équipement technique dont l’entrepreneur disposera pour la réalisation du marché, sans aucune limitation quant au nombre d’entités qui fourniront ces moyens. Dans le même sens, encore, l’article 4, paragraphe 2, de cette directive autorise les groupements d’opérateurs économiques à participer aux procédures d’adjudication de marchés publics sans prévoir de limitation quant au cumul de capacités, tout comme l’article 25 de ladite directive envisage le recours à des sous-traitants sans évoquer de limitation à cet égard.

32

Enfin, la Cour a expressément fait état de la faculté, pour un opérateur économique, de mettre en œuvre, pour exécuter un marché, des moyens qui appartiennent à une ou à plusieurs autres entités, éventuellement en sus de ses propres moyens (voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 1999, Holst Italia, C-176/98, Rec. p. I-8607, points 26 et 27, ainsi que du 18 mars 2004, Siemens et ARGE Telekom, C-314/01, Rec. p. I-2549, point 43).

33

Il convient donc de considérer que la directive 2004/18 permet le cumul des capacités de plusieurs opérateurs économiques en vue de satisfaire aux exigences minimales de capacité fixées par le pouvoir adjudicateur pour autant qu’il soit prouvé à celui-ci que le candidat ou le soumissionnaire qui se prévaut des capacités d’une ou de plusieurs autres entités disposera effectivement des moyens de ces dernières qui sont nécessaires à l’exécution du marché.

34

Une telle interprétation est conforme à l’objectif d’ouverture des marchés publics à la concurrence la plus large possible que poursuivent les directives en la matière au bénéfice non seulement des opérateurs économiques, mais également des pouvoirs adjudicateurs (voir, en ce sens, arrêt du 23 décembre 2009, CoNISMa, C-305/08, Rec. p. I-12129, point 37 et jurisprudence citée). En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 33 et 37 de ses conclusions, elle est également de nature à faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics, ce à quoi tend également la directive 2004/18, ainsi que le révèle son considérant 32.

35

Certes, il ne saurait être exclu qu’il existe des travaux qui présentent des particularités nécessitant une certaine capacité qui n’est pas susceptible d’être obtenue en rassemblant des capacités inférieures de plusieurs opérateurs. Dans une telle hypothèse, le pouvoir adjudicateur serait fondé à exiger que le niveau minimal de la capacité concernée soit atteint par un opérateur économique unique ou, le cas échéant, par le recours à un nombre limité d’opérateurs économiques, en vertu de l’article 44, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2004/18, dès lors que cette exigence serait liée et proportionnée à l’objet du marché en cause.

36

Toutefois, cette hypothèse constituant une situation exceptionnelle, la directive 2004/18 s’oppose à ce que ladite exigence soit érigée en règle générale par le droit national, ainsi que le fait une disposition telle que l’article 49, paragraphe 6, du décret législatif no 163/2006.

37

La circonstance que, en l’occurrence, l’appréciation du niveau de capacité d’un opérateur économique, s’agissant de la valeur des marchés publics de travaux qui sont accessibles à cet opérateur, soit prédéterminée de façon générale dans le cadre d’un système national de certification ou d’inscription sur des listes, est sans influence à cet égard. En effet, la faculté accordée aux États membres, par l’article 52 de la directive 2004/18, de prévoir un tel système ne saurait être mise en œuvre par ceux-ci que dans le respect des autres dispositions de cette directive, notamment des articles 44, paragraphe 2, 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de celle-ci.

38

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18, lus en combinaison avec l’article 44, paragraphe 2, de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale telle que celle en cause au principal, qui interdit, en règle générale, aux opérateurs économiques participant à une procédure d’adjudication d’un marché public de travaux de faire valoir, pour une même catégorie de qualification, les capacités de plusieurs entreprises.

Sur les dépens

39

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

 

Les articles 47, paragraphe 2, et 48, paragraphe 3, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, lus en combinaison avec l’article 44, paragraphe 2, de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition nationale telle que celle en cause au principal, qui interdit, en règle générale, aux opérateurs économiques participant à une procédure d’adjudication d’un marché public de travaux de faire valoir, pour une même catégorie de qualification, les capacités de plusieurs entreprises.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’italien.

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