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Document 62006CJ0055

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 24 avril 2008.
Arcor AG & Co. KG contre Bundesrepublik Deutschland.
Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Köln - Allemagne.
Télécommunications - Règlement (CE) nº 2887/2000 - Accès à la boucle locale - Principe d’orientation des tarifs en fonction des coûts - Coûts - Intérêts liés au capital investi - Amortissements des actifs immobilisés - Évaluation des infrastructures locales de télécommunications - Coûts actuels et coûts historiques - Base de calcul - Coûts réels - Coûts déjà payés et coûts prévisionnels - Justification des coûts - Modèle analytique ascendant et descendant - Réglementation nationale détaillée - Marge d’appréciation des autorités réglementaires nationales - Contrôle du juge - Autonomie procédurale des États membres - Principes d’équivalence et d’effectivité - Contestation en justice des décisions d’autorisation des tarifs de l’opérateur notifié par les bénéficiaires - Charge de la preuve - Procédure de surveillance et procédure juridictionnelle.
Affaire C-55/06.

Recueil de jurisprudence 2008 I-02931

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2008:244

Affaire C-55/06

Arcor AG & Co. KG

contre

Bundesrepublik Deutschland

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgericht Köln)

«Télécommunications — Règlement (CE) nº 2887/2000 — Accès à la boucle locale — Principe d’orientation des tarifs en fonction des coûts — Coûts — Intérêts liés au capital investi — Amortissements des actifs immobilisés — Évaluation des infrastructures locales de télécommunications — Coûts actuels et coûts historiques — Base de calcul — Coûts réels — Coûts déjà payés et coûts prévisionnels — Justification des coûts — Modèle analytique ascendant et descendant — Réglementation nationale détaillée — Marge d’appréciation des autorités réglementaires nationales — Contrôle du juge — Autonomie procédurale des États membres — Principes d’équivalence et d’effectivité — Contestation en justice des décisions d’autorisation des tarifs de l’opérateur notifié par les bénéficiaires — Charge de la preuve — Procédure de surveillance et procédure juridictionnelle»

Sommaire de l'arrêt

1.        Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Dégroupage de l'accès à la boucle locale — Règlement nº 2887/2000 — Principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 2887/2000, art. 3, § 3)

2.        Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Dégroupage de l'accès à la boucle locale — Règlement nº 2887/2000 — Principe d'orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts — Coûts

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 2887/2000, art. 3, § 3)

3.        Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Dégroupage de l'accès à la boucle locale — Règlement nº 2887/2000 — Principe d'orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 2887/2000, art. 3, § 3)

4.        Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Dégroupage de l'accès à la boucle locale — Règlement nº 2887/2000 — Principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 2887/2000, art. 4, § 2, b))

5.        Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Dégroupage de l'accès à la boucle locale — Règlement nº 2887/2000 — Principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 2887/2000, art. 1er, § 4, et 3, § 3)

6.        Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Dégroupage de l'accès à la boucle locale — Règlement nº 2887/2000 — Principe d'orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts — Surveillance par les autorités réglementaires nationales

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 2887/2000, art. 3, § 3, et 4, § 1 et 2)

7.        Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Dégroupage de l'accès à la boucle locale — Règlement nº 2887/2000 — Principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts — Application

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 2887/2000, art. 3, § 3, et 4, § 1 et 3)

8.        Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Dégroupage de l'accès à la boucle locale Règlement nº 2887/2000 — Principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts — Application

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 2887/2000, art. 3, § 3, et 4, § 1; directive du Conseil 90/387, art. 5 bis, § 3)

9.        Rapprochement des législations — Secteur des télécommunications — Dégroupage de l'accès à la boucle locale — Règlement nº 2887/2000 — Principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts — Surveillance par les autorités réglementaires nationales

(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 2887/2000, art. 3, § 3, et 4)

1.        Le principe d'orientation des tarifs de l'accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, énoncé à l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale, n'obéit pas aux règles d'un marché concurrentiel ouvert, guidé par les règles de l'offre et de la demande, dans le cadre duquel les tarifs de l'accès dégroupé à la boucle locale sont librement fixés en fonction du jeu de la libre concurrence. En revanche, dans le cadre de l'ouverture graduelle du marché des télécommunications à la concurrence, ce principe impose aux opérateurs notifiés l'obligation d'orienter les tarifs de l'accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts supportés pour la mise en place de celle-ci, tout en tirant de la fixation desdits tarifs une rémunération raisonnable afin de permettre le développement à long terme et la modernisation des infrastructures existantes.

(cf. points 60-61, 64, 69)

2.        Les intérêts liés aux capitaux investis et les amortissements des actifs immobilisés utilisés pour la mise en place de la boucle locale font partie des coûts qui doivent être pris en considération conformément au principe d’orientation des tarifs de l'accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, prévu à l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale.

Doivent, en effet, être pris en considération, pour fixer les tarifs d’accès dégroupé à la boucle locale, les coûts que l’opérateur notifié a dû exposer dans le cadre des investissements effectués pour la mise en place de ses infrastructures locales. À cet égard, les intérêts liés au capital investi représentent le revenu procuré par ce capital s’il n’était pas investi dans la boucle locale tandis que les intérêts afférents aux emprunts représentent le coût de l’endettement dans le cadre des investissements effectués pour la mise en place de la boucle locale. Quant aux amortissements des actifs immobilisés utilisés pour constituer le réseau local, dont la prise en compte permet de saisir la diminution de la valeur réelle de ces actifs, ils se rapportent aux investissements engagés par l’opérateur notifié pour la mise en place de la boucle locale et, partant, ils relèvent des coûts d’exploitation devant être pris en considération, conformément au principe de tarification prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2887/2000.

(cf. points 72, 77-80, 84, disp. 1)

3.        Dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale, les autorités réglementaires nationales doivent prendre en compte, pour déterminer la base de calcul des coûts de l’opérateur notifié, les coûts réels, à savoir les coûts déjà payés par l’opérateur notifié, ainsi que les coûts prévisionnels, ces derniers étant fondés, le cas échéant, sur une estimation des frais de remplacement du réseau ou de certains éléments de celui-ci.

À cet égard, le calcul des coûts ne saurait être fondé exclusivement ni sur les coûts que représente la construction ex nihilo par un opérateur, autre que l’opérateur notifié, d’une nouvelle infrastructure locale d’accès pour la fourniture de services de télécommunications équivalents (le coût actuel), ni sur les coûts réellement supportés par l’opérateur notifié en prenant en compte les amortissements déjà effectués (le coût historique).

En effet, la prise en considération exclusive de l’une ou de l’autre base de calcul est susceptible de mettre en cause l’objectif visé par ce règlement, à savoir le renforcement de la concurrence en établissant des conditions harmonisées d’accès dégroupé à la boucle locale, afin de favoriser la fourniture concurrentielle d’un large éventail de services de communications électroniques.

D'une part, la possibilité pour l’opérateur notifié de fonder la base de calcul des coûts exclusivement sur les coûts actuels de ses investissements lui permettrait de choisir ceux qui pourraient lui donner la possibilité de fixer les tarifs au plus haut niveau et de ne pas prendre en compte les éléments de tarification qui avantageraient les bénéficiaires, contournant ainsi les règles concernant la fixation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

D'autre part, si la base de calcul des coûts était exclusivement fondée sur les coûts historiques, ce qui, potentiellement, en fonction de l’âge du réseau, pourrait conduire à prendre en compte un réseau quasi amorti, et partant aboutir à un tarif très faible, l’opérateur notifié serait confronté à une situation caractérisée par des désavantages injustifiés que le règlement nº 2887/2000 vise précisément à éviter.

(cf. points 86, 98, 104, 108-109, 119, disp. 2)

4.        En vertu de l'article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale, l'autorité réglementaire nationale peut demander à l'opérateur notifié de lui fournir des informations pertinentes sur les documents justifiant les coûts pris en compte dans le cadre de l’application du principe de l’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts. Le droit communautaire ne prévoyant pas de disposition concernant les documents comptables à vérifier, il appartient aux seules autorités réglementaires nationales, selon le droit applicable, d’examiner si, pour les besoins de la comptabilisation des coûts, les documents produits sont les plus appropriés.

En l'absence d'indications visant à établir à suffisance de droit l'orientation du législateur communautaire en faveur d'un modèle comptable ascendant ou descendant, il revient aux autorités réglementaires nationales, sur la base du droit applicable, de choisir d'utiliser les méthodes de comptabilisation des coûts qui leur semblent, selon le cas, les plus appropriées. Dès lors, le droit communautaire n'exclut pas l'hypothèse que, dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, à défaut de documents comptables complets et compréhensibles, les autorités réglementaires nationales déterminent les coûts en se fondant sur un modèle analytique des coûts ascendant ou descendant.

(cf. points 127, 131-132, 134, disp. 3-4)

5.        La possibilité accordée aux États membres, à l'article 1er, paragraphe 4, du règlement nº 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale, d'adopter des mesures nationales détaillées ne saurait rendre inapplicable le principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, tel qu'énoncé à l'article 3, paragraphe 3, dudit règlement. Cette faculté de maintenir ou d'introduire des mesures contenant des dispositions plus détaillées autorise les États membres à prévoir dans leur législation nationale des dispositions de nature à concrétiser le principe de l’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, dans le cadre de la marge d'appréciation dont ils disposent en la matière mais, en toute hypothèse, cette marge d'appréciation ne peut déroger aux principes et limites instaurés à l’article 1er, paragraphe 4, dudit règlement.

(cf. points 143, 146, 150, disp. 5)

6.        Il résulte des dispositions de l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale, que, lors de l’examen des tarifs des opérateurs notifiés pour la fourniture d’un accès dégroupé à leur boucle locale au regard du principe de tarification énoncé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement, les autorités réglementaires nationales disposent d’un pouvoir étendu couvrant l’appréciation des différents aspects de ces tarifs, et ce jusqu’à modifier les prix, donc les tarifs proposés. Ce pouvoir étendu se rapporte également aux coûts supportés par les opérateurs notifiés, tels que les intérêts liés au capital investi et les amortissements des actifs immobilisés, la base de calcul de ceux-ci ainsi que les modèles de justification comptable desdits coûts.

(cf. point 159, disp. 6)

7.        Il appartient aux seuls États membres, dans le cadre de l’autonomie procédurale dont ils disposent, de déterminer, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité de la protection juridictionnelle, la juridiction compétente, la nature du contentieux et, partant, les modalités du contrôle du juge en ce qui concerne les décisions des autorités réglementaires nationales relatives à l’autorisation des tarifs des opérateurs notifiés pour l’accès dégroupé à leur boucle locale. Dans ces conditions, la juridiction nationale doit assurer que les obligations résultant du règlement nº 2887/2000, relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale, quant à l’accès dégroupé à la boucle locale selon des modalités conformes au principe de tarification énoncé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement sont effectivement respectées, et ce dans des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires.

(cf. point 170, disp. 7)

8.        L’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale, lu en combinaison avec l’article 5 bis, paragraphe 3, de la directive 90/387, relative à l’établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d’un réseau ouvert de télécommunications, telle que modifiée par la directive 97/51, exige que les juridictions nationales interprètent et appliquent les règles internes de procédure gouvernant l’exercice des recours d’une manière telle qu’une décision de l’autorité réglementaire nationale relative à l’autorisation des tarifs d’accès dégroupé à la boucle locale puisse être contestée en justice, non seulement par l’entreprise destinataire d’une telle décision, mais également par des bénéficiaires, au sens dudit règlement, potentiellement affectés dans leurs droits par celle-ci.

(cf. point 178, disp. 8)

9.        Le règlement nº 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale doit être interprété en ce sens que, lors d’une procédure de surveillance de la tarification de l’accès dégroupé à la boucle locale conduite par une autorité réglementaire nationale selon l’article 4 dudit règlement, il incombe à l’opérateur notifié d’apporter la preuve que ses tarifs respectent le principe d’orientation des tarifs en fonction des coûts. En revanche, il appartient aux États membres d’établir la répartition de la charge de la preuve entre l’autorité réglementaire nationale ayant pris la décision d’autorisation des tarifs de l’opérateur notifié et le bénéficiaire qui conteste cette décision. Il appartient, également, aux États membres d’établir, conformément à leurs règles procédurales ainsi que dans le respect des principes communautaires d’effectivité et d’équivalence de la protection juridictionnelle, les modalités de répartition de la charge de cette preuve lors d’une contestation en justice d’une décision de l’autorité réglementaire nationale portant autorisation des tarifs d’un opérateur notifié pour l’accès dégroupé à sa boucle locale.

(cf. point 192, disp. 9)









ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

24 avril 2008 (*)

«Télécommunications – Règlement (CE) n° 2887/2000 – Accès à la boucle locale – Principe d’orientation des tarifs en fonction des coûts – Coûts – Intérêts liés au capital investi – Amortissements des actifs immobilisés – Évaluation des infrastructures locales de télécommunications – Coûts actuels et coûts historiques – Base de calcul – Coûts réels – Coûts déjà payés et coûts prévisionnels – Justification des coûts – Modèle analytique ascendant et descendant – Réglementation nationale détaillée – Marge d’appréciation des autorités réglementaires nationales – Contrôle du juge – Autonomie procédurale des États membres – Principes d’équivalence et d’effectivité – Contestation en justice des décisions d’autorisation des tarifs de l’opérateur notifié par les bénéficiaires – Charge de la preuve – Procédure de surveillance et procédure juridictionnelle»

Dans l’affaire C‑55/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Verwaltungsgericht Köln (Allemagne), par décision du 26 janvier 2006, parvenue à la Cour le 2 février 2006, dans la procédure

Arcor AG & Co. KG

contre

Bundesrepublik Deutschland,

en présence de:

Deutsche Telekom AG,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. G. Arestis (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 mars 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour Arcor AG & Co. KG, par Me K. Kleinlein, Rechtsanwalt et Me G. Metaxas, dikigoros,

–        pour la Bundesrepublik Deutschland, par Me M. Deutsch, Rechtsanwalt,

–        pour Deutsche Telekom AG, par Mes F. Hölscher et U. Karpenstein, Rechtsanwälte,

–        pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma et Mme C. Schulze-Bahr, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement lituanien, par M. D. Kriaučiūnas, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster et M. P. van Ginneken, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. Gibbs et M. G. Peretz, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. G. Braun et M. Shotter, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 juillet 2007,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 4, 3, paragraphe 3, et 4, paragraphes 1 à 3, du règlement (CE) n° 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale (JO L 336, p. 4).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Arcor AG & Co. KG (ci-après «Arcor») à la Bundesrepublik Deutschland au sujet d’une autorisation partielle des tarifs de Deutsche Telekom AG (ci-après «Deutsche Telekom») pour l’accès à la boucle locale.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

 Le règlement n° 2887/2000

3        Les cinquième, sixième, onzième et treizième à quinzième considérants du règlement n° 2887/2000 énoncent ce qui suit:

«(5)      La fourniture directe de nouvelles boucles de fibre optique à haute capacité aux gros utilisateurs constitue un marché bien particulier, qui se développe dans des conditions concurrentielles grâce à de nouveaux investissements. Par conséquent, le présent règlement vise l’accès aux boucles locales métalliques, sans préjudice des obligations nationales en ce qui concerne d’autres types d’accès aux infrastructures locales.

(6)      Il ne serait pas économiquement viable pour les nouveaux arrivants de reproduire l’infrastructure d’accès local métallique des opérateurs en place, dans sa totalité et dans un laps de temps raisonnable. Les autres infrastructures, telles que télévision par câble, satellite, boucle locale, radio, n’offrent en général ni la même fonctionnalité, ni la même densité de couverture, pour le moment, bien que les situations dans les États membres puissent être différentes.

[…]

(11)      En ce qui concerne la boucle locale et les ressources connexes, les règles en matière d’évaluation des coûts et de tarification devraient être transparentes, non discriminatoires et objectives, de manière à garantir l’équité. Les règles de tarification devraient permettre au fournisseur de la boucle locale de couvrir les coûts y afférents tout en retirant de l’opération une rémunération raisonnable afin d’assurer le développement à long terme et la modernisation de l’infrastructure locale d’accès. Les règles de tarification applicables à la boucle locale devraient promouvoir une concurrence loyale et durable en tenant compte de la nécessité d’investir dans de nouvelles infrastructures et permettre d’éviter toute distorsion de la concurrence et, notamment, tout amenuisement des marges entre les prix de gros et de détail des services de l’opérateur notifié. À cet égard, il est jugé important que les autorités de la concurrence soient consultées.

[…]

(13)  Dans sa recommandation 2000/417/CE du 25 mai 2000 relative au dégroupage de l’accès à la boucle locale: permettre la fourniture concurrentielle d’une gamme complète de services de communications électroniques, y compris les services multimédias à large bande et l’Internet à haut débit (JO L 156, p. 44) et dans sa communication du 26 avril 2000 (JO C 272, p. 55), la Commission donne des orientations détaillées pour aider les autorités réglementaires nationales à réglementer équitablement les différents types d’accès dégroupé à la boucle locale.

(14) Conformément au principe de subsidiarité énoncé à l’article 5 du traité [CE], l’objectif consistant à établir un cadre harmonisé pour le dégroupage de l’accès à la boucle locale afin de permettre la fourniture dans des conditions concurrentielles d’une infrastructure de communications peu onéreuse et d’envergure mondiale ainsi que d’une large gamme de services à toutes les entreprises et tous les citoyens de la Communauté ne peut pas être atteint par les États membres de manière sûre et harmonisée et en temps voulu, et peut donc être mieux réalisé au niveau communautaire. Conformément au principe de proportionnalité énoncé audit article, les dispositions du présent règlement n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Elles sont adoptées sans préjudice des dispositions nationales conformes au droit communautaire qui énoncent des mesures plus détaillées [...]

(15)      Les dispositions du présent règlement complètent le cadre réglementaire des télécommunications, en particulier les directives 97/33/CE et 98/10/CE; […]»

4        L’article 1er de ce règlement, intitulé «Portée et champ d’application», est libellé comme suit:

«1.      Le présent règlement vise à renforcer la concurrence et à encourager l’innovation technologique sur le marché de l’accès local, en établissant des conditions harmonisées d’accès dégroupé à la boucle locale, afin de favoriser la fourniture concurrentielle d’un large éventail de services de communications électroniques.

2.      Le présent règlement s’applique à l’accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes des opérateurs notifiés tels que définis à l’article 2, point a).

[...]

4.      Le présent règlement s’applique sans préjudice du droit des États membres de maintenir ou d’introduire, dans le respect du droit communautaire, des mesures qui contiennent des dispositions plus détaillées que celles qui figurent dans le présent règlement et/ou qui ne relèvent pas du champ d’application de ce dernier, notamment en ce qui concerne d’autres types d’accès aux infrastructures locales.»

5        Aux termes de l’article 2 dudit règlement, on entend par:

«a)       ‘opérateur notifié’, un opérateur de réseau téléphonique public fixe qui a été désigné par les autorités réglementaires nationales [ci-après les ‘ARN’] comme puissant sur le marché de la fourniture de réseaux téléphoniques publics fixes aux termes de l’annexe I, première partie, de la directive 97/33/CE ou de la directive 98/10/CE;

b)       ‘bénéficiaire’, une tierce partie dûment autorisée, conformément à la directive 97/13/CE, ou habilitée à fournir des services de télécommunications en vertu de la législation nationale, et qui remplit les conditions nécessaires pour bénéficier d’un accès dégroupé à la boucle locale;

c)       ‘boucle locale’, le circuit physique à paire torsadée métallique qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l’abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente du réseau téléphonique public fixe;

[…]»

6        L’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 2887/2000, intitulé «Fourniture d’un accès dégroupé», dispose:

«2.      À partir du 31 décembre 2000, les opérateurs notifiés accèdent à toute demande raisonnable des bénéficiaires visant à obtenir un accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes, à des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires. Les demandes ne peuvent être rejetées que sur la base de critères objectifs afférents à la faisabilité technique ou à la nécessité de préserver l’intégrité du réseau. Si l’accès est refusé, la partie lésée peut soumettre le cas aux procédures de règlement des litiges visées à l’article 4, paragraphe 5. Les opérateurs notifiés fournissent aux bénéficiaires des ressources équivalentes à celles qu’ils fournissent à leurs propres services ou à des entreprises qui leur sont associées, dans les mêmes conditions et délais.

3.      Sans préjudice de l’article 4, paragraphe 4, les opérateurs notifiés orientent les tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes en fonction des coûts.»

7        L’article 4 de ce règlement, intitulé «Surveillance par [l’ARN]», prévoit:

«1.      [L’ARN] veille à ce que la tarification de l’accès dégroupé à la boucle locale favorise l’établissement d’une concurrence loyale et durable.

2.       [L’ARN] est habilitée:

a)       à imposer des modifications de l’offre de référence pour l’accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes, y compris les prix, lorsque ces modifications sont justifiées et

b)       à demander aux opérateurs notifiés de lui fournir des informations pertinentes pour la mise en œuvre du présent règlement.

3.       [L’ARN] peut intervenir, lorsque cela se justifie, de sa propre initiative pour assurer la non-discrimination, une concurrence équitable ainsi que l’efficacité économique et le plus grand bénéfice pour les utilisateurs.

4.       Lorsque [l’ARN] constate que le marché de l’accès local fait l’objet d’une concurrence suffisante, elle lève l’obligation faite aux opérateurs notifiés, à l’article 3, paragraphe 3, d’établir les prix en fonction des coûts.

5.      Les litiges entre entreprises relatifs à des questions relevant du présent règlement font l’objet des procédures nationales de règlement des litiges établies conformément à la directive 97/33/CE et sont traitées avec célérité, équité et transparence.»

 L’ancien cadre réglementaire en matière de télécommunications (ci-après l’«ACR»)

–       La directive 90/387/CEE

8        La directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l’établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d’un réseau ouvert de télécommunications (JO L 192, p. 1), telle que modifiée par la directive 97/51/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 1997 (JO L 295, p. 23, ci-après la «directive 90/387»), applicable à la date des faits au principal, concerne, selon son article 1er, paragraphe 1, l’harmonisation des conditions d’accès et d’utilisation ouverts et efficaces en matière de réseaux publics de télécommunications et, le cas échéant, de services publics de télécommunications.

9        Selon l’article 2, point 8, de cette directive, on entend par «conditions de fourniture du réseau ouvert»:

«les conditions […] qui concernent la liberté et l’efficacité de l’accès aux réseaux publics de télécommunications et, le cas échéant, aux services publics de télécommunications, ainsi que l’efficacité d’utilisation de ces réseaux et de ces services.

Sans préjudice de leur application cas par cas, les conditions de fourniture du réseau ouvert peuvent comprendre des conditions harmonisées concernant:

–        les interfaces techniques, y compris, le cas échéant, la définition et la mise en œuvre des points de terminaison du réseau,

–        les conditions d’utilisation,

–        les principes de la tarification,

–        l’accès aux fréquences et aux numéros/adresses/noms, le cas échéant conformément au cadre de référence de l’annexe».

10      L’article 3, paragraphe 1, de la directive 90/387 prévoit:

«Les conditions de fourniture du réseau ouvert doivent répondre aux principes de base énoncés ci-après:

–        elles doivent être fondées sur des critères objectifs,

–        elles doivent être transparentes et publiées d’une manière appropriée,

–        elles doivent garantir l’égalité d’accès et être non discriminatoires, conformément au droit communautaire.»

11      L’article 5 bis, paragraphe 3, de ladite directive prévoit ce qui suit:

«Les États membres garantissent l’existence, au niveau national, de mécanismes adéquats permettant à une partie touchée par une décision de l’[ARN] de se pourvoir devant une instance indépendante des parties intéressées.»

12      La directive 90/387 comporte une annexe, intitulée «Cadre de référence pour l’application des conditions de fourniture du réseau ouvert», dont le point 3, relatif à l’harmonisation des principes de tarification, est rédigé comme suit:

«Les principes de tarification doivent correspondre aux principes énoncés à l’article 3, paragraphe 1.

Ceux-ci impliquent notamment que:

–        les tarifs doivent se fonder sur des critères objectifs et, en principe, – en attendant que la concurrence soit effective et maintienne les prix à un niveau peu élevé, en faveur des utilisateurs – être orientés en fonction des coûts, étant entendu que la fixation du niveau réel de tarification continue à relever du droit national et n’est pas soumise aux conditions de fourniture du réseau ouvert. Lorsqu’un organisme n’est plus puissant sur le marché en cause, l’[ARN] compétente peut suspendre l’exigence d’orientation en fonction des coûts. L’un des objectifs devrait consister à définir des principes de tarification efficaces dans l’ensemble de la Communauté, tout en garantissant un service général pour tous,

–        les tarifs doivent être transparents et être publiés de façon adéquate,

–        pour permettre aux utilisateurs de choisir entre les différents éléments des services, et dans la limite des possibilités technologiques, les tarifs doivent être suffisamment dégroupés, conformément aux règles de concurrence du traité. Il faut notamment que les caractéristiques supplémentaires introduites pour fournir certains compléments de services spécifiques soient, en règle générale, facturées indépendamment des caractéristiques forfaitaires et du transport proprement dit,

–        les tarifs ne peuvent être discriminatoires et doivent garantir l’égalité de traitement, sauf si les restrictions faites à ce principe sont compatibles avec le droit communautaire.

Les redevances d’accès aux ressources ou services du réseau doivent respecter les principes de tarification énoncés plus haut ainsi que les règles de concurrence du traité. Elles doivent également tenir compte du principe du partage équitable du coût global des ressources utilisées, de la nécessité d’un taux de rendement adéquat des investissements et, le cas échéant, du financement du service universel, conformément aux dispositions de la directive relative à l’interconnexion.

Plusieurs tarifications différentes peuvent être appliquées, notamment pour tenir compte de l’excédent de trafic pendant les périodes de pointe et de l’absence de trafic pendant les périodes creuses, à condition que les écarts entre les tarifs soient justifiables du point de vue commercial et ne soient pas contraires aux principes énoncés ci-dessus.»

–       La directive 97/33/CE

13      La directive 97/33CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, relative à l’interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture d’un réseau ouvert (ONP) (JO L 199, p. 32), applicable à la date des faits au principal, prévoit à son dixième considérant ce qui suit:

«considérant que la fixation des tarifs d’interconnexion est déterminante pour la structure et l’intensité de la concurrence lors du passage à un marché libéralisé; que les organismes puissants sur le marché doivent être en mesure de prouver que leurs redevances d’interconnexion sont déterminées selon des critères objectifs, respectent les principes de transparence et d’orientation en fonction des coûts, et sont suffisamment diversifiées en fonction des éléments de réseaux et de services offerts; que la publication d’une liste de services, de tarifs et de modalités d’interconnexion accroît la transparence nécessaire et favorise la non-discrimination; que les méthodes de tarification du trafic d’interconnexion doivent être souples et comprendre notamment une tarification fondée sur la capacité; que les tarifs doivent stimuler la productivité et favoriser l’entrée sur le marché d’opérateurs efficaces et viables et ne doivent pas être inférieurs à un seuil fixé en fonction des coûts marginaux à long terme et selon des méthodes de répartition et d’attribution des coûts fondées sur les coûts réels, ni supérieurs à un plafond fixé par le coût propre de la fourniture de l’interconnexion en question; que des tarifs d’interconnexion fondés sur un niveau de prix étroitement lié aux coûts marginaux à long terme de la fourniture de l’accès à l’interconnexion sont propres à favoriser le développement rapide d’un marché ouvert et compétitif.»

14      Aux termes de son article 1er, la directive 97/33 établit un cadre réglementaire assurant dans la Communauté européenne l’interconnexion des réseaux de télécommunications, et en particulier l’interopérabilité des services, ainsi que la fourniture d’un service universel, dans un environnement d’ouverture et de concurrence des marchés.

15      Selon l’article 2 de cette directive, on entend par «interconnexion» la liaison physique et logique des réseaux de télécommunications utilisés par le même organisme ou un organisme différent, afin de permettre aux utilisateurs d’un organisme de communiquer avec les utilisateurs du même ou d’un autre organisme ou d’accéder aux services fournis par un autre organisme.

16      L’article 7 de ladite directive, intitulé «Principes de tarification de l’interconnexion et système de comptabilisation des coûts», prévoit ce qui suit:

«[…]

2. Les redevances d’interconnexion respectent les principes de la transparence et de l’orientation en fonction des coûts. La charge de la preuve que les redevances sont déterminées en fonction des coûts réels, y compris un rendement raisonnable des investissements, incombe à l’organisme qui fournit l’interconnexion avec ses installations. […]

3. Les [ARN] veillent à la publication, conformément à l’article 14 paragraphe 1, d’une offre d’interconnexion de référence. L’offre d’interconnexion de référence comprend une description des offres d’interconnexion réparties en divers éléments selon les besoins du marché et les modalités et conditions correspondantes, y compris la tarification.

Plusieurs tarifs, modalités et conditions différents d’interconnexion peuvent être fixés pour diverses catégories d’organismes qui sont autorisés à fournir des réseaux et des services, lorsque ces différences peuvent objectivement se justifier sur la base du type d’interconnexion fourni et/ou des conditions d’octroi de licences nationales concernées. Les [ARN] veillent à ce que ces différences ne conduisent pas à des distorsions en matière de concurrence et, en particulier, que l’organisme applique les tarifs ainsi que les modalités et les conditions d’interconnexion correspondants lorsqu’il fournit une interconnexion pour ses propres services ou ceux de ses filiales ou partenaires […]

L’[ARN] a la faculté d’imposer des modifications de l’offre d’interconnexion de référence, lorsque ces dernières sont justifiées.

L’annexe IV fournit une liste d’exemples d’éléments entrant ultérieurement dans l’élaboration des redevances d’interconnexion, des structures tarifaires et des éléments de tarification. Lorsqu’un organisme procède à des modifications de l’offre d’interconnexion de référence publiée, les adaptations requises par l’[ARN] peuvent avoir un effet rétroactif, à partir de la date d’introduction de la modification.

[…]

5. La Commission élabore […] des recommandations en matière de systèmes de comptabilisation des coûts et de séparation comptable dans le domaine de l’interconnexion. Les [ARN] veillent à ce que les systèmes de comptabilisation des coûts utilisés par les organismes concernés conviennent à la mise en œuvre des exigences du présent article et s’appuient sur des documents suffisamment détaillés, tels qu’indiqués à l’annexe V.

Les [ARN] veillent à ce qu’une description du système de comptabilisation des coûts, faisant apparaître les principales catégories au sein desquelles les coûts sont regroupés et les règles appliquées en matière de répartition des coûts affectés à l’interconnexion, soit disponible sur demande. Le respect du système de comptabilisation des coûts est vérifié par les [ARN] ou un autre organisme compétent indépendant de l’organisme de télécommunications et approuvé par les [ARN]. Une attestation de conformité est publiée annuellement.

[…]»

17      L’annexe IV de la directive 97/33, intitulée «Liste d’exemples d’éléments des redevances d’interconnexion», est rédigée comme suit:

«Par ‘redevances d’interconnexion’, on entend les redevances réelles qui doivent être payées par les parties interconnectées.

Par ‘structure tarifaire’, on entend les grandes catégories au sein desquelles les redevances d’interconnexion sont réparties, à savoir:

–        les frais permettant de couvrir la mise en place de l’interconnexion physique, basés sur les coûts induits par la fourniture de l’interconnexion spécifique demandée (par exemple équipements et ressources spécifiques, vérification de la compatibilité),

–        les coûts de location couvrant l’utilisation permanente d’équipements et de ressources (maintenance de la connexion, etc.),

–        les coûts variables des services auxiliaires et supplémentaires (par exemple accès aux services des annuaires, aide d’un standardiste, collecte de données, taxation, facturation, services commutés et avancés, etc.),

–        les coûts relatifs au trafic, induits par l’acheminement du trafic à destination et en provenance du réseau interconnecté (par exemple les coûts de commutation et de transmission), qui peuvent se calculer minute par minute et/ou sur la base de la capacité supplémentaire du réseau qui est exigée.

Par ‘éléments de tarification’, on entend les prix fixés individuellement pour chaque élément ou installation du réseau fournis à la partie connectée.

Les tarifs et les redevances d’interconnexion doivent respecter les principes d’orientation en fonction des coûts et de transparence, conformément à l’article 7, paragraphe 2.

[…]»

18      L’annexe V de la directive 97/33, intitulée «Système de comptabilisation des coûts pour l’interconnexion», indique, à titre d’exemple, quelques éléments qui peuvent entrer dans le système de comptabilisation susmentionné. Cette annexe est rédigée comme suit:

«L’article 7 paragraphe 5 prévoit la présentation détaillée du système de comptabilisation des coûts et la liste visée ci-dessous indique, à titre d’exemple, quelques éléments qui peuvent entrer dans ce système de comptabilisation.

La publication de ces informations est destinée à assurer la transparence du calcul des redevances d’interconnexion, afin que les autres acteurs sur le marché puissent s’assurer que les redevances ont été équitablement et correctement calculées.

Cet objectif doit être pris en considération lorsque l’[ARN] et les organismes concernés fixent le degré de précision des informations publiées.

La liste visée ci-dessous indique les éléments qui doivent figurer dans les informations publiées.

1)      Coût standard utilisé

Par exemple, coûts intégralement répartis, coûts marginaux moyens à long terme, frais marginaux, frais de prestation unique, frais directs intégrés, etc.

y compris la ou les bases de coûts utilisées

c’est-à-dire

coûts déjà payés (fondés sur les dépenses effectives engagées pour le matériel et les systèmes) ou coûts prévisionnels (fondés sur une estimation des frais de remplacement du matériel ou des systèmes).

2)       Éléments de coût intégrés dans le tarif d’interconnexion

Indication de tous les éléments de coût distincts qui constituent ensemble la redevance d’interconnexion, y compris le bénéfice.

3)       Degrés et méthodes de répartition des coûts, notamment traitement des frais associés et communs

Détails concernant le degré d’analyse des frais directs, ainsi que le degré et la méthode d’intégration des frais associés et communs dans les redevances d’interconnexion.

4)       Conventions comptables

C’est-à-dire les conventions comptables utilisées pour le traitement des coûts couvrant:

–        le délai d’amortissement des principales catégories d’immobilisations (par exemple terrains, bâtiments, équipements, etc.),

–        le traitement réservé aux autres grandes dépenses, considérées comme recettes ou comme coûts en capital (par exemple logiciels et systèmes informatiques, recherche et développement, prospection commerciale, construction directe et indirecte, réparations et maintenance, frais financiers, etc.).

[…]»

–       La directive 98/10/CE

19      La directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 1998, concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel (JO L 101, p. 24), applicable à la date des faits au principal, a pour objet, selon son article 1er, l’harmonisation des conditions assurant un accès ouvert et efficace aux réseaux téléphoniques publics fixes et aux services téléphoniques publics fixes, ainsi que l’harmonisation des conditions de leur utilisation dans un environnement de marchés ouverts et concurrentiels, conformément aux principes de la fourniture d’un réseau ouvert.

20      L’article 17 de cette directive, intitulé «Principes de tarification», prévoit:

«[…]

2.      Les tarifs d’utilisation du réseau téléphonique public fixe et des services téléphoniques publics fixes respectent les principes fondamentaux d’orientation en fonction des coûts énoncés à l’annexe [...] de la directive 90/387/CEE.

3.      Sans préjudice de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/33/CE relative à l’interconnexion, les tarifs d’accès au réseau téléphonique public fixe et d’utilisation de celui-ci sont indépendants du type d’application que les utilisateurs mettent en œuvre, sauf dans la mesure où ils requièrent des services ou des compléments de services différents.

[…]»

21      L’article 18, paragraphes 1 et 2, de ladite directive, intitulé «Principes de comptabilisation des coûts», dispose:

«1.      Les États membres veillent à ce que, lorsque des organismes sont tenus de respecter le principe de l’orientation des tarifs en fonction des coûts conformément à l’article 17, les systèmes de comptabilisation des coûts appliqués par ces organismes soient appropriés aux fins de l’application de l’article 17 et à ce que la conformité à ces systèmes soit contrôlée par un organisme compétent indépendant de ces organismes. Les [ARN] veillent à ce qu’une déclaration de conformité soit publiée annuellement.

2.      Les [ARN] veillent à ce qu’une description des systèmes de comptabilisation des coûts visés au paragraphe 1, faisant apparaître les catégories principales sous lesquelles les coûts sont regroupés ainsi que les règles de ventilation des coûts utilisées pour les services de téléphonie vocale, soit mise à leur disposition si elles en font la demande. Elles communiquent à la Commission, sur demande, des informations sur le système de comptabilisation des coûts appliqué par les organismes concernés.»

–       La recommandation 98/195/CE

22      Le 8 janvier 1998, la Commission a adopté la recommandation 98/195/CE, concernant l’interconnexion dans un marché des télécommunications libéralisé (Partie 1 – Tarification de l’interconnexion) (JO L 73, p. 42).

–       La recommandation 98/322/CE

23      Le 8 avril 1998, la Commission a adopté, en vertu de l’article 7, paragraphe 5, de la directive 97/33, la recommandation 98/322/CE, concernant l’interconnexion dans un marché des télécommunications libéralisé (Partie 2 – Séparation comptable et comptabilisation des coûts) (JO L 141, p. 6).

–       La recommandation 2000/417/CE

24      Le 25 mai 2000, la Commission a adopté la recommandation 2000/417/CE, relative au dégroupage de l’accès à la boucle locale: permettre la fourniture concurrentielle d’une gamme complète de services de communications électroniques, tels que les services multimédias à large bande et l’Internet à haut débit (JO L 156, p. 44).

–       La communication sur le dégroupage de l’accès à la boucle locale

25      Le 23 septembre 2000, la Commission a publié la communication 2000/C 272/10 «Dégroupage de l’accès à la boucle locale: permettre la fourniture concurrentielle d’une gamme complète de services de communications électroniques, notamment les services multimédias à large bande et l’Internet à haut débit».

 Le nouveau cadre réglementaire

26      Le 7 mars 2002, le Parlement européen et le Conseil ont adopté quatre directives concernant le nouveau cadre réglementaire applicable aux communications électroniques (ci-après le «NCR»), à savoir les directives 2002/19/CE, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (JO L 108, p. 7), 2002/20/CE, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (JO L 108, p. 21), 2002/21/CE, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33), et 2002/22/CE, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51).

27      Les articles 26 et 28, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2002/21, abrogent, notamment, les directives 90/387, 97/33 et 98/10, avec effet au 25 juillet 2003.

28      Selon les articles 19 des directives 2002/19 et 2002/20, 29 de la directive 2002/21 ainsi que 39 de la directive 2002/22, lesdites directives entrent en vigueur le jour de leur publication au Journal officiel desCommunautés européennes, en l’occurrence le 24 avril 2002.

 La réglementation nationale

 La loi relative aux télécommunications

29      L’article 24 de la loi relative aux télécommunications (Telekommunikationsgesetz), du 25 juillet 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1120, ci-après le «TKG 1996»), dans sa version applicable dans l’affaire au principal, prévoit:

«§1.      Les tarifs doivent être orientés en fonction des coûts d’une prestation de services efficace et être conformes aux exigences du paragraphe 2. […]

§2.      Les tarifs ne peuvent

1.       comporter des suppléments pouvant être imposés uniquement en raison de la politique dominante d’un fournisseur sur le marché des télécommunications en cause, en application de l’article 19 de la loi contre les restrictions de concurrence;

2.       comporter des minorations qui restreignent les possibilités concurrentielles d’autres entreprises sur le marché des télécommunications ou

3.       conférer à des opérateurs des avantages par rapport à d’autres opérateurs recourant à des services de télécommunications équivalents ou similaires sur le marché des télécommunications en cause,

à moins qu’une raison objective à cet effet ne soit démontrée.»

30      L’article 27, paragraphe 1, du TKG 1996 prévoit que l’ARN autorise les tarifs soit sur la base des coûts d’une prestation de services efficace au titre de chaque prestation, soit sur la base du niveau, fixé par elle, des taux d’évolution moyens des tarifs à acquitter pour un panier de services. Le paragraphe 4 du même article habilite le gouvernement fédéral à préciser, au moyen de règlements, le régime des types d’autorisations et à fixer les conditions selon lesquelles l’ARN doit décider laquelle des procédures énoncées au paragraphe 1 dudit article s’applique.

 Le règlement sur la régulation tarifaire

31      Le règlement sur la régulation tarifaire dans le domaine des télécommunications (Telekommunikations-Entgeltregulierungsverordnung), du 1er octobre 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1492, ci-après la «TEntgV»), comprend notamment les dispositions suivantes:

«Article 2

§1.      L’entreprise qui a présenté la demande d’autorisation tarifaire visée à l’article 27, paragraphe 1, du TKG [1996] doit produire les documents suivants au titre de la prestation en cause dans chaque cas:

1.       une description détaillée de la prestation, y compris des données quant à sa qualité, ainsi qu’un projet des conditions générales,

2.       des données sur le chiffre d’affaires réalisé au cours des cinq dernières années ainsi que sur celui escompté pour l’année de la demande et pour les quatre années suivantes,

3.       des données sur les volumes de vente et, si possible, sur l’élasticité des prix de la demande pour la période visée au point 2,

4.       des données sur l’évolution des différents coûts visés au paragraphe 2 (justificatifs des coûts) et l’évolution des marges sur coûts variables pour la période visée au point 2,

5.       des données sur l’impact financier pour la clientèle, s’agissant notamment de la structure de la demande des clients privés et commerciaux, ainsi que pour les concurrents qui reçoivent la prestation comme prestation préalable, et

6.       en cas de différenciation des tarifs, des données sur les effets pour les groupes d’utilisateurs concernés par la différenciation ainsi qu’une justification objective de la différenciation envisagée.

§2.      Les justificatifs des coûts visés au paragraphe 1, point 4, englobent les coûts qui peuvent être imputés directement à la prestation (coûts directs) et les coûts non directement imputables (coûts communs). S’agissant des coûts communs, il y a lieu d’indiquer et d’expliquer comment ils sont imputés aux différentes prestations. Pour effectuer cette imputation, l’entreprise qui a déposé la demande doit prendre en considération les critères fixés par les directives du Conseil adoptées en vertu de l’article 6 de la directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l’établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d’un réseau ouvert de télécommunications [...]. Les justificatifs des coûts visés à la première phrase doivent préciser également:

1.       la méthode d’évaluation des coûts,

2.       le montant des frais de personnel, des amortissements, des frais financiers afférents au capital investi, des frais matériels,

3.       l’utilisation de la capacité escomptée et réalisée durant la période de référence et

4.       les quantités servant de base au calcul des coûts employées pour la prestation, y compris les prix y afférents, en particulier les parties du réseau public de télécommunications et les coûts d’utilisation de ces parties.

§3.      L’[ARN] peut refuser une demande d’autorisation tarifaire lorsque l’entreprise ne produit pas les documents visés aux paragraphes 1 et 2 dans leur totalité.

Article 3

§1.      L’[ARN] est tenue d’examiner les justificatifs produits par l’entreprise ayant déposé la demande afin de déterminer si, et dans quelle mesure, les tarifs sollicités sont orientés en fonction des coûts d’une prestation de services efficace au sens du paragraphe 2.

§2.       Les coûts d’une prestation de services efficace résultent des coûts supplémentaires à long terme de la prestation et d’un supplément raisonnable au titre des coûts communs indépendants du volume de la prestation y compris, dans chaque cas, une rémunération raisonnable du capital investi, dans la mesure où ces coûts sont nécessaires à cette prestation.

§3.      Dans le cadre de l’examen prévu au paragraphe 1, l’[ARN] devra en outre utiliser notamment, à titre comparatif, les prix et les coûts des entreprises qui offrent des prestations de même nature sur des marchés similaires dans une situation de concurrence. À cet égard, les particularités des marchés de référence doivent être prises en considération.

§4.      Dans la mesure où les coûts justifiés en application de l’article 2, paragraphe 2, excèdent les coûts de la prestation de services efficace selon le paragraphe 2, ils sont réputés être des dépenses non nécessaires aux fins d’une prestation de services efficace. Ces dépenses, ainsi que d’autres dépenses neutres, ne sont prises en considération dans le cadre de l’autorisation tarifaire que dans la mesure où – et tant que – il existe une obligation légale à cet effet ou que l’entreprise ayant déposé la demande fournit une autre justification objective.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

32      Deutsche Telekom est un opérateur notifié de réseau téléphonique public fixe au sens du règlement n° 2887/2000.

33      Arcor, anciennement Mannesmann Arcor AG & Co, est un bénéficiaire au sens du même règlement et, à ce titre, elle fournit notamment des connexions téléphoniques ISDN à des clients finaux. Ces connexions ne peuvent toutefois être utilisées que si Arcor dispose d’un accès dégroupé à la boucle locale correspondante sur le réseau de télécommunications de Deutsche Telekom.

34      Ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, le 30 septembre 1998, Arcor a conclu avec Deutsche Telekom un premier contrat relatif à l’accès dégroupé aux boucles locales de cette dernière.

35      Le 8 mars 1999, Arcor a introduit, auprès de la Commission, une plainte fondée sur l’article 86 du traité CE (devenu article 82 CE) contre Deutsche Telekom, concernant les prix facturés par celle-ci pour l’accès à ses réseaux locaux, ces derniers comportant chacun plusieurs boucles locales vers les abonnés.

36      Par décision du 30 mars 2001, rectifiée le 17 avril suivant, l’ARN, à savoir le Bundesnetzagentur (réseau fédéral de l’électricité, du gaz, des télécommunications, de la poste et des chemins de fer), a autorisé en partie les tarifs de Deutsche Telekom pour l’accès dégroupé à sa boucle locale (abonnement mensuel pour l’utilisation de la ligne, frais uniques de mise en service et de résiliation) à compter du 1er avril 2001, ces tarifs comportant de nombreuses variantes d’accès à des prix différents. Selon la décision de renvoi, pour ce qui est de l’abonnement mensuel, l’autorisation expirait le 31 mars 2003 et, pour le reste, au plus tard le 31 mars 2002.

37      Le 30 avril 2001, Arcor a introduit un recours devant le juge compétent par lequel elle demande l’annulation partielle de la décision d’autorisation susmentionnée au motif que les tarifs autorisés sont trop élevés. À cet égard, elle fait notamment valoir que la valeur de l’investissement que constitue la boucle locale a été évaluée de manière erronée par application du modèle analytique des coûts et de la méthode des annuités et en ne tenant pas compte des autres coûts et frais. Selon Arcor, cette évaluation a permis de calculer les tarifs pour l’accès dégroupé à la boucle locale non pas sur la base des coûts du réseau existant, mais sur la base des coûts fictifs afférents à la mise en place d’un nouveau réseau local.

38      Par décision 2003/707/CE de la Commission, du 21 mai 2003, relative à une procédure d’application de l’article 82 du traité CE (affaires COMP/C-1/37.451, 37.578, 37.579 – Deutsche Telekom AG) (JO L 263, p. 9), une amende d’un montant de 12,6 millions d’euros a été infligée à Deutsche Telekom en raison des infractions aux dispositions de l’article 82, sous a), CE, que celle-ci a commises du fait de la perception de tarifs non équitables pour la mise en service et l’abonnement mensuel relatifs à l’accès de ses concurrents et de ses abonnés à sa boucle locale, entravant ainsi considérablement la concurrence sur le marché de l’accès à la boucle locale.

39      C’est dans ces conditions que le Verwaltungsgericht Köln a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)       L’article 1er, paragraphe 4, du règlement [...] n° 2887/2000 doit-il être compris en ce sens que les conditions de l’orientation en fonction des coûts de l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement constituent des exigences minimales en ce sens que la législation nationale des États membres ne peut pas s’écarter de ce niveau au détriment des bénéficiaires?

2)       L’exigence de l’orientation en fonction des coûts prévue à l’article 3, paragraphe 3, du règlement [...] n° 2887/2000 inclut-elle également les intérêts et les amortissements calculés?

3)       En cas de réponse affirmative à la deuxième question:

a)       La base de calcul de ces intérêts et de ces amortissements est-elle constituée par la valeur de remplacement des actifs après déduction des amortissements déjà effectués avant la date de l’évaluation ou exclusivement par la valeur actuelle de remplacement, exprimée en prix courant à la date de l’évaluation?

b)       Les coûts allégués en tant que base de calcul des intérêts et des amortissements calculés, en particulier ceux qui ne peuvent être directement imputés à la prestation (coûts communs), doivent-ils être justifiés dans tous les cas par des documents compréhensibles de l’opérateur notifié?

c)       En cas de réponse négative, en totalité ou en partie, à la [troisième] question, [sous] b):

Ces coûts peuvent-ils alors être justifiés au moyen d’une évaluation fondée sur un modèle analytique des coûts?

À quelles exigences méthodologiques et autres exigences de contenu cette évaluation alternative doit-elle répondre?

d)       Lors de l’examen de l’orientation en fonction des coûts, [l’ARN] dispose-t-elle, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement [...] n° 2887/2000, de ‘marges d’appréciation’, lesquelles ne sont soumises qu’à un contrôle juridictionnel limité?

e)       En cas de réponse affirmative à la [troisième] question, [sous] d):

Ces marges d’appréciation portent-elles en particulier aussi sur la méthode de calcul des coûts ainsi que sur des questions relatives à la détermination d’intérêts calculés (pour les capitaux empruntés et/ou les capitaux propres) et de périodes d’amortissements raisonnables?

Quelles sont les limites de ces marges d’appréciation?

f)       Les exigences en matière d’orientation en fonction des coûts contribuent-elles au moins aussi à protéger les droits des concurrents en tant que bénéficiaires, de manière que ces concurrents puissent contester en justice des tarifs d’accès non orientés en fonction des coûts?

g)       L’opérateur notifié supporte-t-il le désavantage de l’impossibilité de justifier les coûts (charge de la preuve) lorsque ceux-ci ne peuvent être établis, en totalité ou en partie, lors de la procédure de surveillance prévue à l’article 4 du règlement [...] n° 2887/2000 ou de la procédure juridictionnelle subséquente?

h)       En cas de réponse affirmative [à la troisième] question, [sous] f) et g):

La charge de la preuve de l’orientation en fonction des coûts incombe-t-elle également à l’opérateur notifié lorsqu’un concurrent forme, en sa qualité de bénéficiaire, un recours contre une autorisation délivrée par l’autorité réglementaire en vertu de la législation nationale, au motif que les tarifs d’accès autorisés sont trop élevés parce que non orientés en fonction des coûts?»

 Sur les questions préjudicielles

40      Par une série de questions, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter plusieurs dispositions du règlement n° 2887/2000 et, en particulier, celles relatives au principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

41      Ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, les questions posées soulèvent quatre problématiques distinctes.

42      La première est relative à la définition du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, tel qu’énoncé à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000.

43      La deuxième concerne le champ d’application de ce principe, à la lumière des dispositions prévues à l’article 1er, paragraphe 4, du même règlement.

44      La troisième se rapporte au pouvoir d’appréciation des ARN dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

45      La quatrième et dernière est relative à des aspects procéduraux et, notamment, au contrôle juridictionnel lorsqu’il y a précisément lieu d’appliquer ledit principe.

46      C’est donc sur cette base qu’il y a lieu de répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi.

 Sur les deuxième et troisième questions, sous a) à c), relatives à la définition du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts

47      Sans demander expressément de définir le principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes en fonction des coûts, tel qu’énoncé à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000, la juridiction de renvoi invite la Cour à prendre position, par sa deuxième question, sur les coûts qui doivent être pris en considération afin d’orienter les tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale, par sa troisième question, sous a), sur la base de calcul de ces coûts et, par sa troisième question, sous b) et c), sur la justification desdits coûts.

48      Avant de répondre aux questions susmentionnées, il y a lieu de constater que le règlement n° 2887/2000 ne contient pas de définition du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

49      En effet, ainsi qu’il résulte des termes de l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement, ce dernier se limite à un énoncé général selon lequel les opérateurs notifiés orientent les tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

50      Dans ces conditions, il convient d’examiner s’il existe des indications relatives au principe d’orientation des tarifs en fonction des coûts dans les directives de l’ACR et, en particulier, dans les directives 97/33 et 98/10 applicables à l’affaire au principal, que le règlement n° 2887/2000 vise notamment à compléter conformément à son quinzième considérant.

51      À cet égard, il importe de constater que, d’une manière générale, le principe d’orientation des tarifs en fonction des coûts figure dans plusieurs directives de l’ACR, telles que les directives 97/33 et 98/10.

52      En effet, l’article 7, paragraphe 2, de la directive 97/33, qui se réfère non pas aux tarifs, mais aux redevances d’interconnexion, indique que ces dernières respectent les principes de la transparence et de l’orientation en fonction des coûts.

53      Pour sa part, l’article 17, paragraphe 2, de la directive 98/10 prévoit que les tarifs d’utilisation du réseau téléphonique public fixe et des services téléphoniques publics fixes respectent les principes fondamentaux d’orientation en fonction des coûts, énoncés à l’annexe de la directive 90/387.

54      À cet égard, le point 3, deuxième alinéa, de ladite annexe prévoit que les tarifs doivent être fondés sur des critères objectifs et, en principe, être orientés en fonction des coûts.

55      Toutefois, force est de constater que, quelques précisions ponctuelles sur la notion de certains coûts dans la jurisprudence mises à part (voir arrêts du 6 décembre 2001, Commission/France, C‑146/00, Rec. p. I‑9767; du 25 novembre 2004, KPN Telecom, C‑109/03, Rec. p. I‑11273, et du 13 juillet 2006, Mobistar, C‑438/04, Rec. p. I‑6675), les directives 97/33 et 98/10 ne fournissent aucune définition du principe d’orientation des tarifs en fonction des coûts.

56      Il résulte de ce qui précède que, d’une manière générale, le droit communautaire prévoit, dans divers domaines du secteur des télécommunications, le principe d’orientation des tarifs, ou des prix, en fonction des coûts, sans en préciser, dans chacun des domaines concernés, à savoir notamment l’interconnexion, la téléphonie vocale ou la boucle locale, son contenu.

57      Dans ces conditions, pour définir le principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, il convient de tenir compte non seulement des termes de celui-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation qui le prévoit.

58      À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, selon le septième considérant du règlement n° 2887/2000, l’accès dégroupé à la boucle locale permet aux nouveaux opérateurs d’entrer en concurrence avec les opérateurs notifiés en offrant des services de transmission de données à haut débit pour un accès permanent à l’Internet et pour des applications multimédia à partir de la technologie de ligne d’abonné numérique.

59      En outre, conformément à son article 1er, paragraphe 1, le règlement n° 2887/2000 vise à renforcer la concurrence en établissant des conditions harmonisées d’accès dégroupé à la boucle locale, afin de favoriser la fourniture concurrentielle d’un large éventail de services de communications électroniques.

60      Toutefois, ledit règlement ne prévoit pas, à cet effet, un principe selon lequel les tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale seraient librement fixés, dans la logique d’un marché concurrentiel ouvert, par les règles de l’offre et de la demande.

61      En effet, ainsi qu’il ressort des termes employés à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000, les tarifs sont orientés par l’opérateur notifié non pas en fonction du jeu de la libre concurrence, mais en fonction des coûts supportés par celui-ci.

62      À cet égard, il importe de préciser que l’article 4, paragraphe 4, du même règlement prévoit que lorsque l’ARN constate que le marché de l’accès local fait l’objet d’une concurrence suffisante, elle lève l’obligation faite aux opérateurs notifiés d’orienter les tarifs en fonction des coûts.

63      C’est également en ce sens que, à l’article 1er, paragraphe 6, de la recommandation 2000/417, laquelle est visée au treizième considérant du règlement n° 2887/2000, la Commission précise que, tant que la concurrence sur le réseau d’accès local n’est pas suffisante pour empêcher la fixation de tarifs excessivement élevés pour le dégroupage de l’accès à la boucle locale, il est recommandé d’établir ces tarifs conformément au principe d’orientation en fonction des coûts.

64      Il s’ensuit que le principe de tarification prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000 n’obéit pas aux règles d’un marché concurrentiel ouvert guidé par les règles de l’offre et de la demande. En revanche, ce principe impose aux opérateurs notifiés l’obligation d’orienter les tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts pour une période donnée et dans le but de permettre une ouverture graduelle du marché concerné à la concurrence.

65      En deuxième lieu, il résulte du onzième considérant du règlement n° 2887/2000, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement que, pour l’accès dégroupé à la boucle locale, les tarifs doivent être orientés en fonction des coûts, en ce sens que les règles de tarification doivent permettre au fournisseur de la boucle locale, en l’occurrence l’opérateur notifié, tel que Deutsche Telekom, de pouvoir couvrir les coûts y afférents déjà supportés.

66      Il découle donc de ces dispositions que la règle de tarification prévue à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000 impose que, lors de l’orientation des tarifs pour l’accès dégroupé à sa boucle locale, l’opérateur notifié doit prendre en considération des éléments quantitatifs qui sont en rapport avec les coûts qu’il a supportés pour la mise en place de cette boucle.

67      En troisième lieu, et ainsi qu’il ressort également du onzième considérant du règlement n° 2887/2000, l’opérateur notifié doit tirer de la fixation des tarifs de l’accès dégroupé à sa boucle locale une rémunération raisonnable afin d’assurer le développement à long terme et la modernisation de l’infrastructure locale d’accès.

68      Dès lors, dans le cadre de l’accès dégroupé à la boucle locale, le principe de tarification prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000 permet à l’opérateur notifié de percevoir de la part des autres opérateurs de télécommunications une rémunération susceptible de lui permettre, au moins, de garantir le bon fonctionnement des infrastructures locales en cas d’accès dégroupé de celles-ci.

69      Il résulte des considérations qui précèdent que le principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, énoncé à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000, se lit comme l’obligation imposée aux opérateurs notifiés, dans le cadre de l’ouverture graduelle du marché des télécommunications à la concurrence, d’orienter ces tarifs en fonction des coûts supportés pour la mise en place de la boucle locale, tout en tirant de la fixation desdits tarifs une rémunération raisonnable afin de permettre le développement à long terme et la modernisation des infrastructures de télécommunications existantes.

 Sur la deuxième question, relative aux coûts

70      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le règlement n° 2887/2000 ne contient aucune disposition indiquant les coûts qui doivent être pris en considération lorsque l’opérateur notifié propose des tarifs pour l’accès dégroupé à sa boucle locale.

71      Toutefois, ainsi qu’il a été notamment indiqué au point 67 du présent arrêt, il résulte de la lecture combinée du onzième considérant du règlement n° 2887/2000 et de l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement, que l’opérateur notifié propose les tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts déjà supportés pour la mise en place du réseau local et, par la rémunération perçue, assure la viabilité économique dudit réseau.

72      Il découle de ces dispositions que, en vue de la fourniture aux autres opérateurs de télécommunications d’un accès dégroupé à sa boucle locale, l’opérateur notifié répercute notamment dans les tarifs proposés les coûts liés aux investissements effectués. Doivent, dès lors, être pris en considération, pour fixer les tarifs d’accès dégroupé à la boucle locale, les coûts que l’opérateur notifié a dû exposer dans le cadre des investissements effectués pour la mise en place de ses infrastructures locales.

73      Cette conclusion est confirmée, en premier lieu, par l’annexe IV de la directive 97/33 qui se réfère à titre d’exemple aux éléments de redevances d’interconnexion, à savoir les redevances réelles qui doivent être payées par les parties interconnectées. Cette annexe mentionne, notamment, les frais permettant de couvrir la mise en place de l’interconnexion physique, les coûts de location couvrant l’utilisation permanente d’équipements et de ressources, les coûts variables de services auxiliaires et supplémentaires ainsi que les coûts liés au trafic.

74      Dans ce cadre, l’annexe V de la même directive comporte, en second lieu, et à titre d’exemple, une liste des coûts qui doivent être pris en compte dans le cadre de la fixation des redevances d’interconnexion et qui se rapportent aux investissements effectués, tels que, notamment, les coûts fondés sur les dépenses engagées pour le matériel et le système d’interconnexion.

75      C’est dans ces conditions que la juridiction de renvoi demande à la Cour si les intérêts et les amortissements calculés font partie des coûts qui doivent être pris en considération lorsqu’il y a lieu de fixer les tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale conformément au principe énoncé à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000.

76      Même si la juridiction de renvoi se réfère dans sa question de manière générale aux intérêts et aux amortissements calculés, il découle de la décision de renvoi, du contexte du litige au principal et des observations présentées devant la Cour qu’il y a lieu d’examiner, en substance, si les intérêts liés au capital investi ainsi que les amortissements des actifs immobilisés utilisés pour la mise en place des infrastructures locales de télécommunications font partie de tels coûts.

77      En ce qui concerne les intérêts liés au capital investi, il s’agit de coûts à prendre en compte afin de fixer les tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale selon le principe énoncé à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000. En effet, ces coûts représentent le revenu procuré par ce capital s’il n’était pas investi dans la boucle locale.

78      Il en va de même des intérêts afférents aux emprunts, qui représentent en réalité le coût de l’endettement dans le cadre des investissements effectués pour la mise en place de la boucle locale.

79      En ce qui concerne les amortissements des actifs immobilisés utilisés pour constituer le réseau local, il y a lieu de constater que la prise en compte de ces amortissements permet de saisir la diminution de la valeur réelle de ces actifs et constitue un coût pour l’opérateur notifié.

80      À cet égard, il convient de préciser que lesdits amortissements se rapportent aux investissements engagés par l’opérateur notifié pour la mise en place de la boucle locale et, partant, ils relèvent des coûts d’exploitation devant être pris en considération, conformément au principe de tarification prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000.

81      Cette constatation est confirmée, par ailleurs, par l’annexe V de la directive 97/33 qui prévoit que, parmi les éléments qui peuvent entrer dans le système de comptabilisation des coûts, figurent, notamment, les conventions comptables utilisées pour le traitement des coûts couvrant le délai d’amortissement des principales catégories d’immobilisations.

82      En ce sens également, la recommandation 98/322 dont l’annexe concernant les lignes directrices relatives à la mise en œuvre de la séparation comptable se réfère, en son point 4, aux frais d’exploitation des opérateurs et inclut parmi les frais, donc les coûts supportés, les amortissements.

83      Le même point de l’annexe de la recommandation 98/322 fait également état de la procédure d’imputation des coûts, décrite au point 3 de cette annexe, en précisant que cette procédure est valable pour les frais d’exploitation ainsi que les dépenses d’investissement et, à cet égard, il mentionne expressément les amortissements comme constituant une catégorie de frais d’exploitation.

84      Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il y a lieu de répondre à la deuxième question en ce sens que les intérêts liés aux capitaux investis et les amortissements des actifs immobilisés utilisés pour la mise en place de la boucle locale font partie des coûts qui doivent être pris en considération conformément au principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000.

 Sur la troisième question, sous a), relative à la base de calcul des coûts

85      La juridiction de renvoi invite la Cour à prendre position sur la question de savoir si la base de calcul des coûts, qui doivent être pris en compte dans le cadre de la fixation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale, est constituée par la valeur de remplacement des actifs après déduction des amortissements déjà effectués avant la date de l’évaluation ou exclusivement par la valeur actuelle de remplacement exprimée en prix courants à la date d’évaluation.

86      Par cette question, la juridiction de renvoi demande si la base de calcul des coûts doit être fondée sur les coûts que représente la construction ex nihilo par un opérateur, autre que l’opérateur notifié, d’une nouvelle infrastructure locale d’accès pour la fourniture de services de télécommunications équivalents (ci-après le «coût actuel») ou sur les coûts réellement supportés par l’opérateur notifié en prenant en compte les amortissements déjà effectués (ci-après le «coût historique»).

87      Il convient de constater d’emblée que le règlement n° 2887/2000 ne contient aucun élément quant à la base de calcul des coûts qui doivent être pris en compte dans le cadre de la fixation des tarifs d’accès dégroupé à la boucle locale.

88      Dans ces conditions, il importe d’examiner si les directives 97/33 et 98/10, que le règlement n° 2887/2000 vise à compléter, contiennent des indications à ce sujet.

89      En premier lieu, à cet égard, Deutsche Telekom, le gouvernement allemand et la Bundesrepublik Deutschland, en tant que partie au principal, soutiennent que, malgré le défaut d’indications dans le règlement n° 2887/2000 et les directives de l’ACR applicables dans l’affaire au principal, il existe des indications significatives selon lesquelles le législateur communautaire a opté en faveur d’une méthode de calcul fondée sur les coûts actuels.

90      Des indications en ce sens découleraient, premièrement, du point 6 de la recommandation 98/195, qui prévoit que l’imputation des coûts sur la base des branches d’activité tient compte des coûts courants plutôt que des coûts historiques. Il ressortirait également du même point de cette recommandation que les ARN imposent à leurs opérateurs notifiés des délais pour la mise en œuvre de nouveaux systèmes de comptabilisation des coûts basés sur les coûts courants lorsque de tels systèmes ne sont pas encore en place.

91      Il en irait de même, deuxièmement, du point 4 de la recommandation 98/322, qui prévoit que l’évaluation des actifs de réseau à la valeur prospective ou actuelle d’un opérateur efficient est un élément essentiel de la méthode de comptabilité en coûts actuels.

92      Dans ce contexte, troisièmement, la recommandation 2000/417 confirmerait les indications précitées en prévoyant à son article 1er, paragraphe 6, que, dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, ce sont, en règle générale, les coûts actuels qui doivent être pris en considération, à savoir les coûts que représentent à l’heure de l’évaluation du réseau la construction d’une infrastructure moderne équivalente efficace et la fourniture de ce type de service.

93      En ce sens, quatrièmement, la communication 2000/C 272/10 se réfèrerait également à son point 6, intitulé «Obligations des autorités réglementaires et des autorités de la concurrence nationales», au système de tarification fondé sur les coûts actuels.

94      En réponse à cette argumentation, il convient de s’appuyer sur la recommandation 2000/417, qui concerne, par rapport aux autres recommandations précédemment citées, spécifiquement l’accès dégroupé à la boucle locale et se réfère simultanément aux directives 97/33 et 98/10. En effet, même si les recommandations ne visent pas à produire d’effets contraignants, les juges nationaux sont tenus de prendre les recommandations en considération en vue de la solution des litiges qui leur sont soumis, notamment lorsqu’elles éclairent l’interprétation de dispositions nationales prises dans le but d’assurer leur mise en œuvre ou lorsqu’elles ont pour objet de compléter des dispositions communautaires ayant un caractère contraignant (voir arrêts du 13 décembre 1989, Grimaldi, C‑322/88, Rec. p. 4407, point 18, et du 11 septembre 2003, Altair Chimica, C‑207/01, Rec. p. I‑8875, point 41). L’article 1er, paragraphe 6, de la recommandation 2000/417 prévoit le principe d’une approche prospective reposant sur les coûts actuels. En effet, ainsi qu’il résulte de cette disposition, cette approche permettra d’encourager une concurrence équitable et durable et de créer de nouvelles incitations aux investissements.

95      Toutefois, il ressort clairement de la même disposition qu’une autre approche, notamment pour éviter des distorsions de concurrence se fondant sur les coûts historiques, n’est pas exclue. Ainsi, l’ARN est en mesure de tenir compte de chaque situation concurrentielle particulière.

96      En deuxième lieu, Deutsche Telekom, le gouvernement allemand et la Bundesrepublik Deutschland, en tant que partie au principal, soutiennent que, à supposer qu’il ne ressortirait pas du cadre réglementaire applicable dans l’affaire au principal que la base de calcul des coûts doit être fondée sur les coûts actuels, des considérations économiques propres au secteur de télécommunications imposeraient en toute hypothèse, ainsi que le démontre la pratique suivie dans certains États membres, une méthode de calcul fondée exclusivement sur ces coûts.

97      À cet égard, il convient de considérer que, compte tenu de l’évolution technologique dans le domaine des télécommunications, il n’est pas exclu que le coût actuel de certains investissements, liés notamment au matériel du réseau mis en place, soit susceptible, dans certains cas, d’être inférieur au coût historique.

98      Il s’ensuit que la possibilité pour l’opérateur notifié de fonder la base de calcul des coûts exclusivement sur les coûts actuels de ses investissements lui permet, en réalité, de choisir ceux qui pourraient lui donner la possibilité de fixer les tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale au plus haut niveau et de ne pas prendre en compte les éléments de tarification qui avantageraient les bénéficiaires. Dans ce contexte, l’opérateur notifié pourrait en réalité contourner les règles concernant la fixation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

99      Il y a donc lieu de constater qu’une méthode de calcul fondée exclusivement sur les coûts actuels n’est pas non plus la méthode la plus appropriée dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

100    En troisième lieu, Arcor soutient qu’il faut prendre en considération comme base de calcul les coûts historiques et non les coûts actuels, car dans ce dernier cas, un bénéficiaire, au sens du règlement n° 2887/2000, serait dans l’obligation de rémunérer l’opérateur notifié à un prix excessivement élevé compte tenu de l’âge des infrastructures locales d’accès, sans exclure, par ailleurs, l’hypothèse que le réseau pourrait d’ores et déjà être amorti.

101    À cet égard, il y a lieu de rappeler, dans un premier temps, que l’accès dégroupé à la boucle locale permet aux nouveaux opérateurs de télécommunications, faute d’infrastructures propres, d’entrer en concurrence avec les opérateurs notifiés en utilisant les infrastructures de ces derniers. En effet, ainsi que l’indique le sixième considérant du règlement n° 2887/2000, il serait impossible d’ouvrir rapidement le secteur des télécommunications à la concurrence s’il fallait attendre que chaque opérateur concerné puisse construire ses propres infrastructures locales.

102    C’est précisément dans le but d’éviter une nouvelle distorsion de la concurrence liée à l’absence de nouveaux réseaux pour les opérateurs, autres que les opérateurs notifiés, que le règlement n° 2887/2000 a prévu l’accès dégroupé à la boucle locale.

103    Dans ces conditions, il y a lieu de rappeler, dans un second temps, que la règle de tarification prévue à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement permet au fournisseur de la boucle locale de couvrir les coûts y afférents tout en retirant une rémunération raisonnable afin d’assurer le développement à long terme et la modernisation de l’infrastructure locale d’accès.

104    Par conséquent, si, comme le prétend Arcor, pour l’application de la règle de tarification prévue à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000, la base de calcul des coûts était exclusivement fondée sur les coûts historiques, ce qui, potentiellement, en fonction de l’âge du réseau, pourrait conduire à prendre en compte un réseau quasi amorti, et partant aboutir à un tarif très faible, l’opérateur notifié serait confronté à une situation caractérisée par des désavantages injustifiés.

105    D’une part, il serait dans l’obligation d’ouvrir son réseau à ses concurrents et, partant, d’assumer la perte éventuelle d’une partie de sa clientèle.

106    D’autre part, la rémunération qu’il percevrait en contrepartie de la fourniture d’un accès dégroupé à la boucle locale ne lui permettrait pas de tirer un profit raisonnable de l’opération, sans oublier qu’il lui incomberait, ainsi que l’indique le onzième considérant du règlement n° 2887/2000, d’assurer le développement à long terme et la modernisation de l’infrastructure locale.

107    À cet égard, il y a lieu d’ajouter que les coûts liés à la maintenance et à la modernisation de l’infrastructure locale sont calculés en toute hypothèse en fonction de la valeur réelle des actifs immobilisés de l’opérateur notifié.

108    Il s’ensuit que la base de calcul des coûts qui doivent être pris en compte dans le cadre de la fixation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale ne saurait être exclusivement fondée sur les coûts historiques, sinon l’opérateur notifié serait placé, par rapport au bénéficiaire, dans une situation caractérisée par des désavantages injustifiés que le règlement n° 2887/2000 lui-même vise précisément à éviter. En effet, l’objectif de ce règlement est de permettre simultanément aux bénéficiaires et à l’opérateur notifié d’opérer sur le marché, afin qu’une concurrence normale soit, à moyen terme, établie.

109    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il n’existe pas d’indication, dans le règlement n° 2887/2000 et les directives 97/33 et 98/10 de l’ACR, en faveur d’une méthode de calcul fondée exclusivement sur la base des coûts actuels ou des coûts historiques et que la prise en considération exclusive de l’une ou de l’autre base est susceptible de mettre en cause l’objectif visé par ce règlement, à savoir le renforcement de la concurrence en établissant des conditions harmonisées d’accès dégroupé à la boucle locale, afin de favoriser la fourniture concurrentielle d’un large éventail de services de communications électroniques.

110    Dans ces conditions, il convient d’examiner, indépendamment de la référence faite par la juridiction de renvoi aux coûts actuels et aux coûts historiques, s’il existe, dans les directives 97/33 et 98/10 que le règlement n° 2887/2000 vise à compléter, d’autres indications concernant la base de calcul des coûts.

111    À cet égard, il convient de relever que, selon le dixième considérant de la directive 97/33, les tarifs doivent stimuler la productivité et favoriser l’entrée sur le marché d’opérateurs efficaces et viables et ne doivent pas être inférieurs à un seuil fixé en fonction des coûts marginaux à long terme et selon des méthodes de répartition et d’attribution des coûts fondées sur les coûts réels, ni supérieurs à un plafond fixé par le coût propre de la fourniture de l’interconnexion en question.

112    En ce sens également, l’article 7, paragraphe 2, de la même directive prévoit que les redevances d’interconnexion respectent les principes de la transparence et de l’orientation en fonction des coûts et que la charge de la preuve que les redevances sont déterminées en fonction des coûts réels, y compris un rendement raisonnable des investissements, incombe à l’organisme qui fournit l’interconnexion avec ses installations.

113    De même, l’annexe IV de la directive 97/33 qualifie les redevances d’interconnexion de redevances réelles qui doivent être payées par les parties interconnectées.

114    Dans l’annexe V de la directive 97/33, le législateur communautaire se réfère au «coût standard utilisé» et, lorsqu’il y a lieu de déterminer la méthode de calcul de ces coûts, cette annexe indique comme référence les «coûts déjà payés», fondés sur les dépenses effectives engagées pour le matériel et les systèmes, et les «coûts prévisionnels», fondés sur une estimation des frais de remplacement du matériel ou des systèmes.

115    Il résulte des dispositions susmentionnées que le principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts requiert la prise en compte des coûts réels, à savoir les coûts déjà payés par l’opérateur notifié et les coûts prévisionnels fondés sur une estimation des frais de remplacement du réseau ou de certains éléments de celui-ci.

116    En l’absence d’une réglementation communautaire spécifique, il relève de l’appréciation des autorités de régulation nationales de définir les modalités de détermination de la base de calcul sur laquelle les amortissements doivent être pris en compte.

117    Ainsi, d’après les dispositions de la directive 97/33, qui s’appliquent également à la boucle locale dans le cadre du règlement n° 2887/2000, la méthode de calcul des coûts peut être à la fois fondée sur des coûts déjà payés par l’opérateur notifié, ce qui suppose la prise en compte, comme base de référence, des coûts à leur valeur historique et sur des coûts prévisionnels, ce qui n’exclut pas la prise en compte, comme base de référence, des coûts à leur valeur actuelle.

118    C’est dans ces conditions que les ARN doivent calculer les coûts réels devant être pris en considération dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

119    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la troisième question, sous a), en ce sens que, dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000, les ARN doivent prendre en compte, pour déterminer la base de calcul des coûts de l’opérateur notifié, les coûts réels, à savoir les coûts déjà payés par l’opérateur notifié, ainsi que les coûts prévisionnels, ces derniers étant fondés, le cas échéant, sur une estimation des frais de remplacement du réseau ou de certains éléments de celui-ci.

 Sur la troisième question, sous b) et c), relative à la justification des coûts

120    Par sa troisième question, sous b), la juridiction de renvoi demande à la Cour de déterminer si les coûts qui doivent être pris en considération dans le cadre de l’application du principe de tarification prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000 doivent être justifiés par des documents comptables complets et compréhensibles.

121    En cas de réponse négative à cette question, la juridiction de renvoi demande, par sa troisième question, sous c), si lesdits coûts peuvent être justifiés au moyen d’une évaluation fondée sur un modèle analytique des coûts ascendant ou descendant. À cet égard, la juridiction de renvoi demande également à la Cour de déterminer, notamment, les exigences méthodologiques de cette évaluation.

–       Sur la troisième question, sous b), relative aux documents comptables

122    Pour ce qui concerne la justification, sur la base de documents comptables complets et compréhensibles, des coûts qui doivent être pris en considération dans le cadre de l’application du principe de tarification prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000, il y a lieu de constater que ce règlement ainsi que les directives 97/33 et 98/10 ne prévoient pas de disposition à cet égard.

123    Arcor soutient toutefois qu’il existe, dans l’annexe V de la directive 97/33, des indices selon lesquels le législateur communautaire viserait à assurer l’adoption d’un système de comptabilisation des coûts fondé sur des documents détaillés de sorte qu’un opérateur notifié ne puisse pas contourner ce système en envoyant des documents comptables incomplets ou incompréhensibles, ce qui impliquerait que les ARN recourent à des modèles théoriques de comptabilisation des coûts.

124    À supposer que tel soit le cas, à défaut d’une disposition expresse en ce sens, il ne peut être déduit de la seule annexe V de la directive 97/33 qu’il existe une obligation de justifier dans tous les cas, par des documents complets et compréhensibles, les coûts pris en compte dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs pour l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

125    À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2887/2000 prévoit que l’ARN est habilitée à demander aux opérateurs notifiés de lui fournir les informations pertinentes pour la mise en œuvre dudit règlement.

126    Donc, en vertu de cette disposition, les ARN peuvent demander des informations, et ce même lorsqu’il s’agit de documents justifiant des coûts qui doivent être pris en considération dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000.

127    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la troisième question, sous b), que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2887/2000, l’ARN peut demander à l’opérateur notifié de lui fournir des informations pertinentes sur les documents justifiant les coûts pris en compte dans le cadre de l’application du principe de l’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts. Le droit communautaire ne prévoyant pas de disposition concernant les documents comptables à vérifier, il appartient aux seules ARN, selon le droit applicable, d’examiner si, pour les besoins de la comptabilisation des coûts, les documents produits sont les plus appropriés.

–       Sur la troisième question, sous c), relative aux modèles analytiques des coûts

128    En ce qui concerne les modèles analytiques des coûts, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans le cadre du modèle analytique des coûts ascendant, dit également modèle «bottom up», il faut prendre en considération la valeur actuelle des investissements pour construire un nouveau réseau. Ce modèle se fonde sur les coûts qu’un opérateur aurait engagés pour acquérir et exploiter son propre réseau. En revanche, le modèle descendant, dit également «top down», est fondé sur les coûts réellement engagés par l’opérateur notifié.

129    À cet égard, il y a lieu de constater d’emblée que ni le règlement n° 2887/2000 ni les directives 97/33 et 98/10 ne contiennent d’indications concrètes et concordantes sur la question posée par la juridiction de renvoi.

130    Par ailleurs, le cinquième considérant de la recommandation 98/322 indique que les modèles économiques ascendants deviennent hautement perfectionnés tout en restant imparfaits de sorte qu’un rapprochement des approches ascendantes et descendantes est conseillé pour l’avenir prévisible.

131    Il résulte donc du règlement n° 2887/2000 et des textes de l’ACR applicables dans l’affaire au principal qu’il n’existe pas d’indications visant à établir à suffisance de droit l’orientation du législateur communautaire en faveur d’un modèle comptable ascendant ou descendant.

132    À défaut d’autres précisions, il convient de constater que le droit communautaire laisse aux ARN, sur la base du droit applicable, le choix d’utiliser les méthodes de comptabilisation des coûts qui leur semblent, selon le cas, les plus appropriées.

133    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de répondre à la question consécutive de la juridiction de renvoi concernant les exigences méthodologiques de l’évaluation fondée sur un modèle analytique des coûts ascendant ou descendant.

134    Il convient donc de répondre à la troisième question, sous c), en ce sens que le droit communautaire n’exclut pas l’hypothèse que, dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, à défaut de documents comptables complets et compréhensibles, les ARN déterminent les coûts en se fondant sur un modèle analytique des coûts ascendant ou descendant.

 Sur la première question, relative au champ d’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts

135    Par sa première question, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2887/2000 doit être compris en ce sens que le principe de l’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts prévu à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement constitue une exigence minimale dont la législation nationale des États membres ne pourrait pas s’écarter au détriment des bénéficiaires.

136    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2887/2000, ce règlement s’applique sans préjudice du droit des États membres de maintenir ou d’introduire, dans le respect du droit communautaire, des mesures qui contiennent des dispositions plus détaillées que celles qui figurent dans ledit règlement et/ou qui ne relèvent pas du champ d’application de ce dernier, notamment en ce qui concerne d’autres types d’accès aux infrastructures locales.

137    S’agissant de l’article 3, paragraphe 3, du même règlement, il y a également lieu de rappeler qu’il se limite à énoncer de manière générale que les opérateurs notifiés orientent les tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, sans autre précision.

138    Eu égard à la teneur des dispositions susmentionnées du règlement n° 2887/2000 et au contexte factuel du litige au principal, il convient de constater que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour si des mesures nationales détaillées, adoptées conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 4, de ce règlement, sont susceptibles de rendre inapplicable le principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, tel qu’énoncé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement.

139    À cet égard, il importe de préciser, en premier lieu, que l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2887/2000 laisse, certes, la possibilité aux États membres de maintenir ou d’introduire des mesures qui contiennent des dispositions plus détaillées que celles figurant dans ce règlement et, en particulier, celles relatives au principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

140    Une telle disposition ne saurait cependant être interprétée en ce sens qu’elle confère la faculté aux États membres, par le maintien ou l’adoption de mesures nationales, de déroger audit principe.

141    En effet, il résulte des termes employés à l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2887/2000 que cette disposition permet à l’État membre concerné de compléter, par des dispositions nationales détaillées, les dispositions pertinentes de ce règlement, en l’occurrence celles relatives au principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, et non pas d’y déroger.

142    La faculté qu’offre l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2887/2000 à l’État membre concerné s’impose compte tenu du fait que, ainsi qu’il a été indiqué aux points 48 et 49 du présent arrêt, ce règlement ne contient aucun élément concret concernant la définition de ce principe.

143    En conséquence, la faculté de maintenir ou d’introduire des mesures contenant des dispositions plus détaillées, reconnue à l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2887/2000, autorise les États membres à prévoir dans leur législation nationale des dispositions de nature à concrétiser le principe de l’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts à condition qu’elles respectent les limites instaurées à l’article 1er, paragraphe 4, dudit règlement.

144    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’adoption dudit règlement a été effectuée, ainsi qu’il est indiqué dans son quatorzième considérant, dans le respect du principe de subsidiarité énoncé à l’article 5 du traité et ce n’est que dans ce contexte qu’il est expressément indiqué que les États membres conservent la possibilité d’établir les règles spécifiques dans le domaine en question.

145    En outre, il convient de préciser que les parties au principal ayant présenté des observations devant la Cour ne soulèvent pas l’argument selon lequel le principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts pourrait ne pas s’appliquer en raison des dispositions de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2887/2000, puisque les dispositions nationales applicables dans l’affaire au principal, à savoir les articles 24 du TKG 1996 ainsi que 2 et 3 de la TEntgV, constituent une application détaillée de ce principe.

146    En revanche, il a été soutenu que le principe de tarification en cause dans l’affaire au principal doit être concrétisé par des dispositions nationales dans le cadre de la marge d’appréciation dont disposent en la matière les États membres et que, en toute hypothèse, cette marge d’appréciation n’a pas, en l’occurrence, été dépassée.

147    Dans ces conditions, se pose, en second lieu, la question de savoir si les dispositions nationales en cause dans l’affaire au principal, telles que les articles 24 du TKG 1996 ainsi que 2 et 3 de la TEntgV, constituent des dispositions détaillées au sens de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2887/2000.

148    Il ne fait pas de doute que la seule lecture de ces dispositions nationales permet d’aboutir à la conclusion qu’il s’agit de dispositions détaillées au sens de l’article 1er, paragraphe 4, dudit règlement.

149    En effet, lesdites dispositions nationales mettent en œuvre, dans le respect du droit communautaire, le principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts au moyen de mesures techniques relatives, notamment, aux redevances et aux documents devant être produits par l’entreprise ayant présenté une demande d’autorisation tarifaire.

150    Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la première question en ce sens que la possibilité accordée aux États membres, à l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2887/2000, d’adopter des mesures nationales détaillées ne saurait rendre inapplicable le principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, tel qu’énoncé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement.

 Sur la troisième question, sous e), relative au pouvoir d’appréciation des ARN dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts

151    Il y a lieu de rappeler que l’article 4 du règlement n° 2887/2000, intitulé «Surveillance par [l’ARN]», prévoit, à son paragraphe 1, que l’ARN veille à ce que la tarification de l’accès dégroupé à la boucle locale favorise l’établissement d’une concurrence loyale et durable.

152    À ce titre, le paragraphe 2 du même article indique que l’ARN est habilitée, d’une part, à imposer des modifications de l’offre de référence pour l’accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes, y compris les prix, lorsque ces modifications sont justifiées et, d’autre part, à demander aux opérateurs notifiés de lui fournir des informations pertinentes pour la mise en œuvre du présent règlement.

153    Il résulte de ces dispositions que les ARN disposent d’un pouvoir étendu pour intervenir sur les différents aspects de la tarification pour la fourniture d’un accès dégroupé à la boucle locale, et ce jusqu’à modifier les prix, donc les tarifs proposés.

154    À cet égard, il importe de rappeler que, conformément au principe prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000, le niveau des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale doit être fixé en fonction des coûts réels, à savoir les coûts déjà payés et les coûts prévisionnels encourus par l’opérateur notifié.

155    Dans ces conditions, il s’ensuit que le pouvoir étendu que reconnaît le règlement n° 2887/2000 aux ARN en ce qui concerne l’appréciation des aspects tarifaires de l’accès dégroupé à la boucle locale se rapporte également à l’évaluation des coûts supportés par l’opérateur notifié.

156    Dès lors, il convient de constater que le pouvoir étendu dont disposent les ARN en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2887/2000 porte également sur les coûts pris en compte, tels que les intérêts liés au capital investi et les amortissements des actifs immobilisés, la base de calcul de ceux-ci ainsi que les modèles de justification comptable desdits coûts.

157    Par ailleurs, il y a lieu de préciser qu’il résulte également des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement que, dans le cadre des pouvoirs étendus que leur reconnaissent ces dispositions, les ARN disposent également de compétences pour diligenter la procédure de contrôle de la tarification de l’accès dégroupé à la boucle locale en ce sens qu’elles peuvent demander des informations concernant, notamment, les coûts engagés dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs en fonction des coûts.

158    Il s’ensuit que le règlement n° 2887/2000 confère aux ARN non seulement un pouvoir étendu, mais également des moyens appropriés leur permettant d’examiner de la manière la plus efficace la bonne application du principe prévu à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement.

159    Il convient donc de répondre à la troisième question, sous e), en ce sens qu’il résulte des dispositions de l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2887/2000 que, lors de l’examen des tarifs des opérateurs notifiés pour la fourniture d’un accès dégroupé à leur boucle locale au regard du principe de tarification énoncé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement, les ARN disposent d’un pouvoir étendu couvrant l’appréciation des différents aspects de ces tarifs, et ce jusqu’à modifier les prix, donc les tarifs proposés. Ce pouvoir étendu se rapporte également aux coûts supportés par les opérateurs notifiés, tels que les intérêts liés au capital investi et les amortissements des actifs immobilisés, la base de calcul de ceux-ci ainsi que les modèles de justification comptable desdits coûts. 

 Sur la troisième question, sous d) et f) à h), relative aux aspects procéduraux liés à l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts

160    La juridiction de renvoi invite la Cour, en premier lieu, à prendre position sur l’étendue du contrôle du juge relatif aux décisions des ARN concernant l’application du principe de tarification énoncé à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000.

161    En deuxième lieu, la juridiction de renvoi demande à la Cour de se prononcer sur la possibilité pour les opérateurs de télécommunications entrant dans la catégorie que le règlement n° 2887/2000 qualifie de bénéficiaires, à savoir les tiers concurrents opérant dans le secteur des télécommunications, de pouvoir contester en justice les décisions des ARN autorisant les tarifs des opérateurs notifiés pour la fourniture d’un accès dégroupé à leur boucle locale.

162    Dans ce contexte se pose, en troisième et dernier lieu, la question de savoir à qui incombe, notamment lors d’une procédure juridictionnelle ou encore lors de la procédure de surveillance prévue à l’article 4 du règlement n° 2887/2000, la charge de la preuve du respect du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, auquel se réfère l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement.

 Sur la troisième question, sous d), relative à l’étendue du contrôle juridictionnel

163    Il y a lieu de constater d’emblée que ni le règlement n° 2887/2000 ni les directives de l’ACR n’envisagent une harmonisation des règles nationales relatives aux procédures juridictionnelles applicables non plus que, à ce titre, l’étendue du contrôle du juge selon le cas.

164    À ce sujet, le gouvernement allemand, la Bundesrepublik Deutschland en tant que partie au principal et Deutsche Telekom tirent argument de la jurisprudence selon laquelle, lorsque le droit communautaire reconnaît aux institutions de la Communauté un large pouvoir d’appréciation en raison des évaluations économiques complexes qu’elles effectuent dans le domaine en cause, l’éventuel contrôle du juge communautaire doit se limiter à vérifier si les mesures litigieuses ne sont pas entachées d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir, ou si l’institution en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir, notamment, arrêts du 21 janvier 1999, Upjohn, C‑120/97, Rec. p. I‑223, point 34, ainsi que du 9 juin 2005, HLH Warenvertrieb et Orthica, C‑211/03, C‑299/03 et C‑316/03 à C‑318/03, Rec. p. I‑5141, point 75)

165    En transposant par analogie cette jurisprudence à l’affaire au principal, il est soutenu que les appréciations effectuées par les ARN concernant l’application du principe de tarification prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000, à savoir celles concernant les coûts à prendre en considération, leur calcul et la justification comptable de ceux-ci dans l’hypothèse de l’évaluation fictive des infrastructures locales de télécommunications, constitueraient des appréciations économiques complexes et, partant, le contrôle du juge national devrait être également limité.

166    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, pour autant, d’une part, que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir arrêts du 17 juin 2004, Recheio ‑ Cash & Carry, C‑30/02, Rec. p. I‑6051, point 17, et du 7 juin 2007, van der Weerd e.a., C‑222/05 à C-225/05, Rec. p. I‑4233, point 28 et jurisprudence citée).

167    Dans ce contexte, il convient de relever que, comme le soutiennent à juste titre Arcor et, dans un contexte plus général, le gouvernement lituanien, il résulte du onzième considérant du règlement n° 2887/2000 ainsi que des articles 3, paragraphes 2 et 3, et 4, paragraphe 3, dudit règlement que les ARN doivent garantir l’application des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale dans des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires.

168    Il appartient, dès lors, au juge national de faire assurer le respect des obligations résultant du règlement n° 2887/2000 quant à l’accès dégroupé à la boucle locale selon des modalités conformes au principe de tarification énoncé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement, et ce dans les conditions susmentionnées.

169    Il s’ensuit que le droit communautaire ne prévoit aucune règle selon laquelle les États membres doivent prévoir l’institution d’un mode particulier de contrôle à l’égard des décisions des ARN relatives aux tarifs de l’opérateur notifié pour l’accès à la boucle locale de ce dernier.

170    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la troisième question, sous d), en ce sens qu’il appartient aux seuls États membres, dans le cadre de l’autonomie procédurale dont ils disposent, de déterminer, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité de la protection juridictionnelle, la juridiction compétente, la nature du contentieux et, partant, les modalités du contrôle du juge en ce qui concerne les décisions des ARN relatives à l’autorisation des tarifs des opérateurs notifiés pour l’accès dégroupé à leur boucle locale. Dans ces conditions, la juridiction nationale doit assurer que les obligations résultant du règlement n° 2887/2000 quant à l’accès dégroupé à la boucle locale selon des modalités conformes au principe de tarification énoncé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement sont effectivement respectées, et ce dans des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires.

 Sur la troisième question, sous f), relative au droit de recours contre les décisions des ARN afférentes aux tarifs des opérateurs notifiés pour l’accès dégroupé à leur boucle locale

171    Dans le cadre de la troisième question, sous f), la Cour est, en substance, invitée à examiner si les bénéficiaires au sens du règlement n° 2887/2000 peuvent contester les décisions des ARN autorisant les tarifs des opérateurs notifiés pour l’accès dégroupé à leur boucle locale en vertu des exigences en matière d’orientation des tarifs en fonction des coûts.

172    Pour répondre à cette question, il convient d’examiner le cadre réglementaire dans lequel s’inscrit l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000.

173    À cet égard, il convient de rappeler que, d’après les termes de l’article 5 bis, paragraphe 3, de la directive 90/387, les États membres garantissent l’existence, au niveau national, de mécanismes adéquats permettant à une partie touchée par une décision de l’ARN de se pourvoir devant une instance indépendante des parties intéressées.

174    Ladite disposition constitue une émanation du principe de protection juridictionnelle effective, lequel constitue un principe général du droit communautaire, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré aux articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, en vertu duquel il incombe aux juridictions des États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (voir, par analogie, arrêt du 21 février 2008, Tele2 Telecommunication, C‑426/05, Rec. p. I‑0000, point 30 et jurisprudence citée).

175    Étant donné qu’une décision de l’ARN prise en relation avec l’article 4 du règlement n° 2887/2000 tombe dans le champ d’application de la directive 90/387, l’article 5 bis, paragraphe 3, de cette directive exige que le droit national prévoie des mécanismes adéquats permettant à la «partie touchée» par cette décision de se pourvoir devant une instance indépendante. Cette garantie vaut tant pour le destinataire de ladite décision que pour les bénéficiaires au sens du règlement n° 2887/2000.

176    À l’égard du droit de recours des tiers, il convient de constater qu’un bénéficiaire, n’étant pas destinataire d’une décision de l’ARN, acquiert la qualité de «partie touchée» lorsque ses droits sont potentiellement affectés par une telle décision en raison, d’une part, de son contenu et, d’autre part, de l’activité exercée ou envisagée par cette partie (voir, par analogie, arrêt Tele2 Telecommunication, précité, point 39).

177    Dans l’affaire au principal, force est de constater qu’Arcor, ayant conclu avec l’opérateur notifié un contrat relatif à l’accès aux boucles locales, est une partie touchée au sens de l’article 5 bis, paragraphe 3, de la directive 90/387, du fait qu’une décision de l’ARN relative aux exigences en matière d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts l’affecte nécessairement dans ses droits en tant que partie à un tel contrat. Toutefois, il convient de préciser qu’un lien contractuel, tel que celui existant dans l’affaire au principal, n’est pas requis pour que les droits d’un bénéficiaire soient potentiellement affectés par une telle décision.

178    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la troisième question, sous f), en ce sens que l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2887/2000, lu en combinaison avec l’article 5 bis, paragraphe 3, de la directive 90/387 exige que les juridictions nationales interprètent et appliquent les règles internes de procédure gouvernant l’exercice des recours d’une manière telle qu’une décision de l’ARN relative à l’autorisation des tarifs d’accès dégroupé à la boucle locale puisse être contestée en justice, non seulement par l’entreprise destinataire d’une telle décision, mais également par des bénéficiaires, au sens dudit règlement, potentiellement affectés dans leurs droits par celle-ci.

 Sur la troisième question, sous g) et h), relative à la charge de la preuve

179    Par sa troisième question, sous g) et h), la juridiction de renvoi demande à la Cour de déterminer à qui incombe la charge de la preuve du respect du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, dans le cadre de la procédure de surveillance prévue à l’article 4 du règlement n° 2887/2000 ou à l’occasion d’une procédure juridictionnelle dirigée contre la décision de l’ARN portant autorisation desdits tarifs d’un opérateur notifié.

180    En ce qui concerne, en premier lieu, la charge de la preuve du respect du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, dans le cadre de la procédure de surveillance prévue à l’article 4 du règlement n° 2887/2000, il convient de constater d’emblée que ce règlement ainsi que la recommandation 2000/417 ne comportent aucune disposition à cet égard.

181    Il convient dès lors d’examiner si une indication en ce sens peut être tirée des directives de l’ACR.

182    À ce titre, il importe de rappeler que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 97/33 prévoit que la charge de la preuve que les redevances sont déterminées en fonction des coûts réels, y compris un rendement raisonnable des investissements, incombe à l’organisme qui fournit l’interconnexion avec ses installations.

183    Il s’ensuit que, dans cette directive, il existe des dispositions permettant de considérer que, dans le cadre de la procédure administrative d’autorisation des redevances, il incombe à l’opérateur notifié d’établir les éléments quantitatifs sur lesquels repose sa proposition de tarification.

184    Outre cette constatation sans équivoque dans l’ACR, il convient également de relever que, dans le cadre de l’accès dégroupé à la boucle locale, d’une part, l’opérateur notifié doit soumettre pour autorisation ses tarifs à l’ARN et que, d’autre part, il est le seul à pouvoir fournir des informations sur les coûts afférents à la mise en place de son réseau.

185    Dans ces conditions, et étant donné que les éléments sur lesquels est fondée la tarification proposée concernent au premier chef l’opérateur notifié, il y a lieu de conclure qu’il incombe à ce dernier, dans le cadre de la procédure de surveillance prévue à l’article 4 du règlement n° 2887/2000, d’apporter les éléments de preuve du respect du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts.

186    Cette constatation ne concerne pas, en revanche, les bénéficiaires au sens du règlement n° 2887/2000.

187    En effet, le droit communautaire ne prévoyant aucune règle relative à la charge de la preuve du respect du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, dans le cadre de la procédure de surveillance, il appartient aux États membres d’établir, conformément à leurs règles procédurales, dans le cadre de la procédure de surveillance prévue à l’article 4 du règlement n° 2887/2000, les modalités de preuve applicables, y compris la répartition de la charge de cette preuve entre l’ARN ayant pris la décision d’autorisation des tarifs de l’opérateur notifié et le bénéficiaire qui conteste cette décision.

188    En ce qui concerne en second lieu, la charge de la preuve du respect du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle dirigée contre la décision de l’ARN portant autorisation desdits tarifs d’un opérateur notifié, il importe de préciser qu’il n’existe à ce titre aucune précision dans le règlement n° 2887/2000 ni dans l’ACR.

189    Il s’ensuit que, le droit communautaire ne prévoyant aucune règle relative à la charge de la preuve du respect dudit principe dans le cadre d’une telle procédure juridictionnelle, il appartient aux États membres d’établir, conformément à leurs règles procédurales, les modalités de preuve applicables, y compris la répartition de la charge de cette preuve entre l’ARN qui a pris la décision d’autorisation des tarifs de l’opérateur notifié et la partie qui conteste cette décision.

190    À cet égard, il convient de préciser que cette compétence réservée des États membres ne saurait être exercée sans respecter les principes communautaires d’effectivité et d’équivalence de la protection juridictionnelle.

191    En effet, il résulte de la jurisprudence que les États membres doivent s’assurer que les modalités de preuve, notamment les règles sur la répartition de la charge de la preuve, applicables aux recours portant sur des litiges relatifs à une violation du droit communautaire, en premier lieu, ne sont pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne et, en second lieu, ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice par le justiciable des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (voir arrêt du 3 février 2000, Dounias, C‑228/98, Rec. p. I‑577, point 69 et jurisprudence citée).

192    Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la troisième question, sous g) et h), que le règlement nº 2887/2000 doit être interprété en ce sens que, lors d’une procédure de surveillance de la tarification de l’accès dégroupé à la boucle locale conduite par une ARN selon l’article 4 dudit règlement, il incombe à l’opérateur notifié d’apporter la preuve que ses tarifs respectent le principe d’orientation des tarifs en fonction des coûts. En revanche, il appartient aux États membres d’établir la répartition de la charge de la preuve entre l’ARN ayant pris la décision d’autorisation des tarifs de l’opérateur notifié et le bénéficiaire qui conteste cette décision. Il appartient, également, aux États membres d’établir, conformément à leurs règles procédurales ainsi que dans le respect des principes communautaires d’effectivité et d’équivalence de la protection juridictionnelle, les modalités de répartition de la charge de cette preuve lors d’une contestation en justice d’une décision de l’ARN portant autorisation des tarifs d’un opérateur notifié pour l’accès dégroupé à sa boucle locale.

 Sur les dépens

193    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      Les intérêts liés aux capitaux investis et les amortissements des actifs immobilisés utilisés pour la mise en place de la boucle locale font partie des coûts qui doivent être pris en considération conformément au principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale.

2)      Dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, prévu à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 2887/2000, les autorités réglementaires nationales doivent prendre en compte, pour déterminer la base de calcul des coûts de l’opérateur notifié, les coûts réels, à savoir les coûts déjà payés par l’opérateur notifié, ainsi que les coûts prévisionnels, ces derniers étant fondés, le cas échéant, sur une estimation des frais de remplacement du réseau ou de certains éléments de celui-ci.

3)      En vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 2887/2000, l’autorité réglementaire nationale peut demander à l’opérateur notifié de lui fournir des informations pertinentes sur les documents justifiant les coûts pris en compte dans le cadre de l’application du principe de l’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts. Le droit communautaire ne prévoyant pas de disposition concernant les documents comptables à vérifier, il appartient aux seules autorités réglementaires nationales, selon le droit applicable, d’examiner si, pour les besoins de la comptabilisation des coûts, les documents produits sont les plus appropriés.

4)      Le droit communautaire n’exclut pas l’hypothèse que, dans le cadre de l’application du principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, à défaut de documents comptables complets et compréhensibles, les autorités réglementaires nationales déterminent les coûts en se fondant sur un modèle analytique des coûts ascendant ou descendant.

5)      La possibilité accordée aux États membres, à l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 2887/2000, d’adopter des mesures nationales détaillées ne saurait rendre inapplicable le principe d’orientation des tarifs de l’accès dégroupé à la boucle locale en fonction des coûts, tel qu’énoncé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement.

6)      Il résulte des dispositions de l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2887/2000 que, lors de l’examen des tarifs des opérateurs notifiés pour la fourniture d’un accès dégroupé à leur boucle locale au regard du principe de tarification énoncé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement, les autorités réglementaires nationales disposent d’un pouvoir étendu couvrant l’appréciation des différents aspects de ces tarifs, et ce jusqu’à modifier les prix, donc les tarifs proposés. Ce pouvoir étendu se rapporte également aux coûts supportés par les opérateurs notifiés, tels que les intérêts liés au capital investi et les amortissements des actifs immobilisés, la base de calcul de ceux-ci ainsi que les modèles de justification comptable desdits coûts.

7)      Il appartient aux seuls États membres, dans le cadre de l’autonomie procédurale dont ils disposent, de déterminer, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité de la protection juridictionnelle, la juridiction compétente, la nature du contentieux et, partant, les modalités du contrôle du juge en ce qui concerne les décisions des autorités réglementaires nationales relatives à l’autorisation des tarifs des opérateurs notifiés pour l’accès dégroupé à leur boucle locale. Dans ces conditions, la juridiction nationale doit assurer que les obligations résultant du règlement n° 2887/2000 quant à l’accès dégroupé à la boucle locale selon des modalités conformes au principe de tarification énoncé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement sont effectivement respectées, et ce dans des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires.

8)      L’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2887/2000, lu en combinaison avec l’article 5 bis, paragraphe 3, de la directive 90//387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l’établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d’un réseau ouvert de télécommunications, telle que modifiée par la directive 97/51/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 1997, exige que les juridictions nationales interprètent et appliquent les règles internes de procédure gouvernant l’exercice des recours d’une manière telle qu’une décision de l’autorité réglementaire nationale relative à l’autorisation des tarifs d’accès dégroupé à la boucle locale puisse être contestée en justice, non seulement par l’entreprise destinataire d’une telle décision, mais également par des bénéficiaires, au sens dudit règlement, potentiellement affectés dans leurs droits par celle-ci.

9)      Le règlement nº 2887/2000 doit être interprété en ce sens que, lors d’une procédure de surveillance de la tarification de l’accès dégroupé à la boucle locale conduite par une autorité réglementaire nationale selon l’article 4 dudit règlement, il incombe à l’opérateur notifié d’apporter la preuve que ses tarifs respectent le principe d’orientation des tarifs en fonction des coûts. En revanche, il appartient aux États membres d’établir la répartition de la charge de la preuve entre l’autorité réglementaire nationale ayant pris la décision d’autorisation des tarifs de l’opérateur notifié et le bénéficiaire qui conteste cette décision. Il appartient, également, aux États membres d’établir, conformément à leurs règles procédurales ainsi que dans le respect des principes communautaires d’effectivité et d’équivalence de la protection juridictionnelle, les modalités de répartition de la charge de cette preuve lors d’une contestation en justice d’une décision de l’autorité réglementaire nationale portant autorisation des tarifs d’un opérateur notifié pour l’accès dégroupé à sa boucle locale.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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