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Judgment of the Court (Second Chamber) of 27 January 2005.#Irmtraud Junk v Wolfgang Kühnel.#Reference for a preliminary ruling: Arbeitsgericht Berlin - Germany.#Directive 98/59/EC - Collective redundancies - Consultation with workers' representatives - Notification to the competent public authority - Concept of "redundancy" - Time at which redundancy takes effect.#Case C-188/03.
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 27 janvier 2005. Irmtraud Junk contre Wolfgang Kühnel. Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Berlin - Allemagne. Directive 98/59/CE - Licenciements collectifs - Consultation des représentants des travailleurs - Notification à l'autorité publique compétente - Notion de 'licenciement' - Moment du licenciement. Affaire C-188/03.
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 27 janvier 2005. Irmtraud Junk contre Wolfgang Kühnel. Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Berlin - Allemagne. Directive 98/59/CE - Licenciements collectifs - Consultation des représentants des travailleurs - Notification à l'autorité publique compétente - Notion de 'licenciement' - Moment du licenciement. Affaire C-188/03.
(demande de décision préjudicielle, introduite par l'Arbeitsgericht Berlin)
«Directive 98/59/CE – Licenciements collectifs – Consultation des représentants des travailleurs – Notification à l’autorité publique compétente – Notion de ’licenciement’ – Moment du licenciement»
Conclusions de l’avocat général M. A. Tizzano, présentées le 30 septembre 2004
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 27 janvier 2005.
Sommaire de l’arrêt
1. Politique sociale – Rapprochement des législations – Licenciements collectifs – Directive 98/59 – Notion de licenciement collectif
– Événement valant licenciement
(Directive du Conseil 98/59, art. 2 à 4)
2. Politique sociale – Rapprochement des législations – Licenciements collectifs – Directive 98/59 – Procédures de consultation
et de notification – Obligation de l’employeur de ne pas effectuer les licenciements avant la fin de la procédure de consultation
et avant la notification aux autorités compétentes
(Directive du Conseil 98/59, art. 2 à 4)
1. Les articles 2 à 4 de la directive 98/59, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements
collectifs, lesquels prévoient des obligations de consultation et de notification dans le chef de l’employeur, doivent être
interprétés en ce sens que l’événement valant licenciement est constitué par la manifestation de la volonté de l’employeur
de résilier le contrat de travail, la cessation effective de la relation d’emploi à l’expiration du délai de préavis du licenciement
ne constituant que l’effet de la décision de licenciement.
(cf. points 36, 39, disp. 1)
2. L’employeur est en droit d’effectuer des licenciements collectifs après la fin de la procédure de consultation prévue à l’article
2 de la directive 98/59, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs,
et après la notification du projet de licenciement collectif prévue aux articles 3 et 4 de cette directive.
(cf. point 54, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre) 27 janvier 2005(1)
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE, introduite par l'Arbeitsgericht Berlin
(Allemagne), par décision du 30 avril 2003, parvenue à la Cour le 7 mai 2003, dans la procédure
Irmtraud JunkWolfgang Kühnel,
LA COUR (deuxième chambre),,
composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, M me R. Silva de Lapuerta, MM. C. Gulmann (rapporteur), P. Kūris et G. Arestis, juges,
avocat général: M. A. Tizzano, greffier: M me M.-F. Contet, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 15 juillet 2004, considérant les observations présentées:
–
pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d'agent,
–
pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M me R. Caudwell, en qualité d'agent, assistée de M. T. Ward, barrister,
–
pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Martin et H. Kreppel, en qualité d'agents,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 30 septembre 2004,
rend le présent
Arrêt
1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1 er à 4 de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres
relatives aux licenciements collectifs (JO L 225, p. 16, ci-après la «directive»).
2
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M me Junk à M e Kühnel, pris en sa qualité d’administrateur judiciaire des biens de la société qui employait la demanderesse, au sujet du
licenciement de cette dernière.
Le cadre juridique
Le droit communautaire
3
Les articles 1 er à 4 de la directive disposent:
«Article premier
1. Aux fins de l’application de la présente directive:
a)
on entend par ‘licenciements collectifs’: les licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents
à la personne des travailleurs lorsque le nombre de licenciements intervenus est, selon le choix effectué par les États membres:
i)
soit, pour une période de trente jours:
–
au moins égal à 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs,
–
au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 100 et moins de
300 travailleurs,
–
au moins égal à 30 dans les établissements employant habituellement au moins 300 travailleurs;
ii)
soit, pour une période de quatre-vingt-dix jours, au moins égal à 20, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement
employés dans les établissements concernés;
[…]
Article 2
1. Lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations
avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord.
2. Les consultations portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur
les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide
au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés.
Les États membres peuvent prévoir que les représentants des travailleurs pourront faire appel à des experts, conformément
aux législations et/ou pratiques nationales.
3. Afin de permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives, l’employeur est tenu, en
temps utile au cours des consultations:
a)
de leur fournir tous renseignements utiles et
b)
de leur communiquer, en tout cas, par écrit:
i)
les motifs du projet de licenciement;
ii)
le nombre et les catégories des travailleurs à licencier;
iii)
le nombre et les catégories des travailleurs habituellement employés;
iv)
la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements;
v)
les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier dans la mesure où les législations et/ou pratiques nationales
en attribuent la compétence à l’employeur;
vi)
la méthode de calcul envisagée pour toute indemnité éventuelle de licenciement autre que celle découlant des législations
et/ou pratiques nationales.
L’employeur est tenu de transmettre à l’autorité publique compétente au moins une copie des éléments de la communication écrite
prévus au premier alinéa, points b) i) à v).
[…]
Article 3
1. L’employeur est tenu de notifier par écrit tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente.
Toutefois, les États membres peuvent prévoir que, dans le cas d’un projet de licenciement collectif lié à une cessation des
activités de l’établissement qui résulte d’une décision de justice, l’employeur n’est tenu de le notifier par écrit à l’autorité
publique compétente que sur la demande de celle-ci.
La notification doit contenir tous renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif et les consultations
des représentants des travailleurs prévues à l’article 2, notamment les motifs de licenciement, le nombre des travailleurs
à licencier, le nombre des travailleurs habituellement employés et la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer
les licenciements.
2. L’employeur est tenu de transmettre aux représentants des travailleurs copie de la notification prévue au paragraphe 1.
Les représentants des travailleurs peuvent adresser leurs observations éventuelles à l’autorité publique compétente.
Article 4
1. Les licenciements collectifs dont le projet a été notifié à l’autorité publique compétente prennent effet au plus tôt trente
jours après la notification prévue à l’article 3, paragraphe 1, sans préjudice des dispositions régissant les droits individuels
en matière de délai de préavis.
Les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente la faculté de réduire le délai visé au premier alinéa.
2. L’autorité publique compétente met à profit le délai visé au paragraphe 1 pour chercher des solutions aux problèmes posés
par les licenciements collectifs envisagés.
3. Dans la mesure où le délai initial prévu au paragraphe 1 est inférieur à soixante jours, les États membres peuvent accorder
à l’autorité publique compétente la faculté de prolonger le délai initial jusqu’à soixante jours après la notification lorsque
les problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés risquent de ne pas trouver de solution dans le délai initial.
Les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente des facultés de prolongation plus larges.
L’employeur doit être informé de la prolongation et de ses motifs avant l’expiration du délai initial prévu au paragraphe
1.
4. Les États membres peuvent ne pas appliquer le présent article aux licenciements collectifs intervenant à la suite d’une cessation
des activités de l’établissement qui résulte d’une décision de justice.»
Le droit national
4
En droit allemand, les articles 17 et 18 du Kündigungsschutzgesetz (loi relative à la protection en matière de licenciement),
dans sa version du 25 août 1969 (BGBl. 1969 I, p. 1317), modifié par la loi du 23 juillet 2001 (BGBl. 2001 I, p. 1852, ci-après
le «KSchG»), dispositions applicables dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, régissent les procédures de
licenciements collectifs.
5
L’article 17 du KSchG prévoit que, lorsqu’il a l’intention de procéder à un certain nombre de licenciements dans un délai
de trente jours civils, l’employeur est tenu de:
–
fournir en temps utile au comité d’entreprise tous renseignements pertinents relatifs, notamment, aux motifs du projet de
licenciement, au nombre et aux catégories des travailleurs à licencier ainsi que des travailleurs habituellement employés,
à la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer les licenciements, et aux critères prévus pour le choix des
travailleurs à licencier;
–
notifier son intention à l’office pour l’emploi en lui transmettant une copie de la communication qu’il a adressée au comité
d’entreprise et de l’avis de celui-ci sur les licenciements.
6
L’article 18 du KSchG dispose:
«(1)
Les licenciements qui doivent être notifiés en application de l’article 17 ne prennent effet avant l’expiration d’un mois
suivant la réception de la notification par l’office pour l’emploi qu’avec l’accord de ce dernier, ledit accord pouvant aussi
être donné rétroactivement jusqu’à la date de dépôt de la demande.
(2)
Dans certains cas, l’office pour l’emploi a la faculté de décider que les licenciements ne prendront pas effet avant l’expiration
d’un délai maximal de deux mois suivant la réception de la notification.
[…]»
7
Par ailleurs, l’article 102 du Betriebsverfassungsgesetz (loi sur l'organisation des entreprises), dans sa version du 25 septembre
2001 (BGBl. 2001 I, p. 2518), modifié par la loi du 10 décembre 2001 (BGBl. 2001 I, p. 3443, ci-après le «BetrVG»), prévoit
que l’employeur qui a l’intention de procéder à des licenciements collectifs est tenu de respecter le droit de participation
avec voix consultative du comité d’entreprise. La résiliation de contrats de travail prononcée avant la clôture de cette procédure
est dénuée d’effet.
8
Enfin, les articles 111 et suivants du BetrVG confèrent un droit de participation au même comité en cas de modification de
l’exploitation, y compris l’hypothèse d’un licenciement collectif. La modification de l’exploitation opérée sans qu’aient
été respectées ces dispositions est sanctionnée, en application de l’article 113 du BetrVG, par une obligation de réparation
du préjudice sous forme d’une indemnité à verser par l’employeur.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
9
M me Junk était employée comme aide-soignante et aide-ménagère par la société AWO Gemeinnützige Pflegegesellschaft Südwest mbh
(ci-après «AWO»). L’activité d’AWO, qui comptait environ 430 travailleurs, avait pour objet la prestation de services de soins
à domicile. Un comité d’entreprise avait été constitué.
10
Le 31 janvier 2002, AWO a déposé une demande de mise en redressement judiciaire, en raison de difficultés de trésorerie. Elle
a exempté l’ensemble des travailleurs, avec effet au 1 er février 2002, de l’obligation d’accomplir leur tâche et elle ne leur a pas versé le salaire du mois de janvier 2002. À la
mi-juin 2002, 176 travailleurs étaient encore employés. À la fin du mois d’août 2002, ce nombre était réduit à 172.
11
Le 5 février 2002, la procédure de redressement judiciaire a été ouverte, suivie, le 1 er mai 2002, d’une procédure de liquidation judiciaire définitive. M e Kühnel a été nommé administrateur judiciaire.
12
Par lettre du 19 juin 2002, parvenue le même jour, M e Kühnel a informé le président du comité d’entreprise qu’il avait l’intention, en raison de la fermeture de l’établissement,
de résilier tous les contrats de travail en cours, dont celui de M me Junk, en respectant le préavis maximal de trois mois prévu par la procédure de redressement judiciaire, c’est-à-dire avec
effet au 30 septembre 2002, et de procéder à un licenciement collectif. À la lettre était jointe une liste des noms, adresses,
dates de naissance des travailleurs à licencier ainsi que d’autres informations les concernant.
13
Par lettre du 26 juin 2002, le président du comité d’entreprise a informé l’administrateur judiciaire que ledit comité souhaitait
également un règlement rapide de la question.
14
Auparavant, M e Kühnel avait conclu avec le comité d’entreprise, le 23 mai 2002, un accord de compensation sur la cessation d’activité d’AWO
ainsi qu’un plan social au sens de l’article 112 du BetrVG.
15
Par lettre du 27 juin 2002, reçue par M me Junk le 29 juin 2002, M e Kühnel a résilié le contrat de travail de celle-ci, avec effet au 30 septembre 2002, pour des motifs inhérents à l’entreprise.
16
Par requête déposée devant l’Arbeitsgericht Berlin le 17 juillet 2002, M me Junk a contesté ce licenciement.
17
Par lettre du 27 août 2002, reçue le même jour, M e Kühnel a notifié à l’office pour l’emploi le licenciement de 172 salariés, avec effet au 30 septembre 2002, conformément
à l’article 17, paragraphe 3, du KSchG. Il a joint à cette notification l’avis du comité d’entreprise.
18
Devant l’Arbeitsgericht, M me Junk invoque la nullité de son licenciement.
19
La juridiction de renvoi considère que la solution du litige qui lui est soumis dépend de la question de savoir si le licenciement
en cause est nul en vertu de l’article 18, paragraphe 1, du KSchG, du chef d’une infraction aux dispositions applicables aux
licenciements collectifs.
20
Elle relève que, selon une opinion jusqu’à présent dominante en droit allemand, les dispositions applicables en cas de licenciement
collectif se réfèrent non pas à la résiliation des contrats de travail, mais à la date à laquelle les travailleurs quittent
effectivement l’entreprise, c’est-à-dire, en règle générale, à l’expiration des préavis de licenciement.
21
Elle constate que les articles 17 et 18 du KSchG ainsi que la version en langue allemande de la directive utilisent le terme
«Entlassung».
22
Elle souligne que le droit allemand distingue la notion de «Kündigung» de celle d’«Entlassung». La première correspond à la
déclaration de volonté unilatérale de l’une des parties au contrat de travail visant à mettre fin à la relation d’emploi.
La seconde correspond à la cessation effective de la relation d’emploi, en raison de la résiliation du contrat de travail
décidée par l’employeur.
23
La juridiction de renvoi conclut que, appliquée aux dispositions relatives aux licenciements collectifs, la distinction entre
«Kündigung» et «Entlassung» aurait pour effet que l’existence d’un licenciement collectif ne serait pas déterminée par la
date de la résiliation des contrats de travail, mais par la date d’expiration des préavis individuels de licenciement. Dans
ces conditions, l’employeur pourrait saisir le comité d’entreprise et procéder à la notification à l’office pour l’emploi
après la résiliation des contrats de travail, dès lors qu’il le ferait avant la cessation effective des relations d’emploi.
24
Cependant, la juridiction de renvoi considère que, au sens de la directive, qui vise à la protection des travailleurs, la
notion de «licenciement» doit être interprétée comme coïncidant avec la résiliation du contrat par l’employeur, de sorte que
la procédure de consultation des représentants des travailleurs et de notification à l’autorité compétente doit avoir été
totalement respectée avant la résiliation des contrats de travail.
25
Dans ces conditions, l’Arbeitsgericht Berlin a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles
suivantes:
«1)
La directive […] doit-elle être interprétée en ce sens qu’il faut entendre par ‘licenciement’ [‘Entlassung’] au sens de l’article
1 er , paragraphe 1, sous a), de ladite directive la résiliation du contrat de travail [‘Kündigung’], premier acte de la cessation
de la relation d’emploi, ou bien le ‘licenciement’ [‘Entlassung’] désigne-t-il la cessation de la relation d’emploi, à l’expiration
du préavis de licenciement?
2)
S’il faut entendre par ‘licenciement’ [‘Entlassung’] la résiliation du contrat de travail, la directive exige-t-elle que la
procédure de consultation visée à l’article 2 de la directive, ainsi que la procédure de notification visée aux articles 3
et 4 de la directive, soient obligatoirement closes avant la résiliation des contrats de travail [‘Kündigung’]?»
Sur les questions préjudicielles
26
Le litige au principal a pour objet l’appréciation de la régularité d’un licenciement au regard des procédures de consultation
et de notification prévues respectivement à l’article 2 ainsi qu’aux articles 3 et 4 de la directive. Aux fins de cette appréciation,
il est nécessaire de déterminer le moment auquel intervient un licenciement, c’est-à-dire celui auquel survient l’événement
valant licenciement.
27
La solution du litige au principal implique donc que soit précisé le contenu de la notion de «licenciement» au sens de la
directive.
28
L’article 1 er , paragraphe 1, sous a), de la directive définit la notion de «licenciements collectifs», mais n’indique pas l’élément qui
opère licenciement ni ne renvoie sur ce point au droit des États membres.
29
À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que
du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit
des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation
autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par
la réglementation en cause (voir, notamment, arrêts du 19 septembre 2000, Linster, C-287/98, Rec. p. I-6917, point 43, et
du 12 octobre 2004, Commission/Portugal, C-55/02, non encore publié au Recueil, point 45).
30
Dans ces conditions, la notion de «licenciement» visée aux articles 2 à 4 de la directive doit recevoir une interprétation
autonome et uniforme dans l’ordre juridique communautaire.
Sur la première question
31
Par sa première question, la juridiction de renvoi vise en substance à savoir si les articles 2 à 4 de la directive doivent
être interprétés en ce sens que l’événement valant licenciement est constitué par la manifestation de la volonté de l’employeur
de résilier le contrat de travail ou bien par la cessation effective de la relation d’emploi à l’expiration du délai de préavis
de licenciement.
32
Selon les indications de cette juridiction, le terme «Entlassung» utilisé dans la version en langue allemande de la directive
renvoie, en droit allemand, à la cessation effective de la relation d’emploi et non à la manifestation de la volonté de l’employeur
de résilier le contrat de travail.
33
À cet égard, il doit être rappelé que, conformément à une jurisprudence constante, la nécessité d’une application et, dès
lors, d’une interprétation uniformes d’un acte communautaire exclut que celui-ci soit considéré isolément dans une de ses
versions, mais exige qu’il soit interprété en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce
dernier, à la lumière, notamment, des versions établies dans toutes les langues (voir, notamment, arrêts du 12 novembre 1969,
Stauder, 29/69, Rec. p. 419, point 3; du 7 juillet 1988, Moksel, 55/87, Rec. p. 3845, point 15, et du 20 novembre 2001, Jany
e.a., C-268/99, Rec. p. I-8615, point 47).
34
En ce qui concerne la directive, il y a lieu d’observer que, dans ses versions linguistiques autres que la version en langue
allemande, le terme utilisé à la place de «Entlassung» ou bien couvre à la fois les deux événements visés par la juridiction
de renvoi ou bien renvoie plutôt à la manifestation de la volonté de l’employeur de résilier le contrat de travail.
35
Il y a lieu de constater ensuite que l’article 2, paragraphe 1, de la directive prévoit une obligation de l’employeur de procéder,
en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs lorsqu’il «envisage d’effectuer des licenciements
collectifs». L’article 3, paragraphe 1, de la directive énonce une obligation de l’employeur de notifier à l’autorité publique
compétente «tout projet de licenciement collectif».
36
La circonstance que l’employeur «envisage» des licenciements collectifs et a établi un «projet» en ce sens correspond à une
hypothèse dans laquelle aucune décision n’a encore été prise. En revanche, la notification au travailleur de la résiliation
du contrat de travail est l’expression d’une décision de rupture de la relation d’emploi, la cessation effective de cette
relation à l’expiration du délai de préavis ne constituant que l’effet de ladite décision.
37
Ainsi, les termes employés par le législateur communautaire indiquent que les obligations de consultation et de notification
naissent antérieurement à une décision de l’employeur de résilier des contrats de travail.
38
Il y a lieu, enfin, de relever que cette interprétation est confirmée, en ce qui concerne la procédure de consultation des
représentants des travailleurs, par l’objectif, exprimé à l’article 2, paragraphe 2, de la directive, d’éviter des résiliations
de contrats de travail ou d’en réduire le nombre. La réalisation de cet objectif serait compromise si la consultation des
représentants des travailleurs était postérieure à la décision de l’employeur.
39
Il convient donc de répondre à la première question que les articles 2 à 4 de la directive doivent être interprétés en ce
sens que l’événement valant licenciement est constitué par la manifestation de la volonté de l’employeur de résilier le contrat
de travail.
Sur la seconde question
40
Par sa seconde question, la juridiction de renvoi vise à savoir si l’employeur est en droit d’effectuer des licenciements
collectifs avant la fin de la procédure de consultation prévue à l’article 2 de la directive ainsi que de la procédure de
notification prévue aux articles 3 et 4 de cette même directive.
41
Il résulte déjà de la réponse donnée à la première question que l’employeur ne peut procéder à des résiliations de contrats
de travail avant d’avoir entamé les deux procédures en cause.
42
S’agissant de la procédure de consultation, elle est prévue, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive, «en
vue d’aboutir à un accord». Selon le paragraphe 2 du même article, elle porte «au moins sur les possibilités d’éviter ou
de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des
mesures sociales d’accompagnement».
43
Il apparaît ainsi que l’article 2 de la directive impose une obligation de négociation.
44
L’effet utile d’une telle obligation serait compromis si l’employeur était en droit de résilier les contrats de travail au
cours de la procédure, voire dès le début de celle-ci. Pour les représentants des travailleurs, il serait sensiblement plus
difficile d’obtenir le retrait d’une décision arrêtée qu’une renonciation à une décision projetée.
45
La résiliation du contrat de travail ne peut donc être effectuée que postérieurement à la fin de la procédure de consultation,
à savoir après que l’employeur a respecté les obligations énoncées à l’article 2 de la directive.
46
En ce qui concerne la procédure de notification à l’autorité publique compétente, il convient de rappeler que, conformément
à l’article 3 de la directive, l’employeur est tenu de notifier à l’autorité compétente «tout projet de licenciement».
47
En vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive, la notification a pour objectif de permettre à l’autorité compétente
de chercher des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés.
48
La même disposition précise que l’autorité compétente met à profit le délai visé au paragraphe 1 pour chercher de telles solutions.
49
Le délai en cause est d’au moins trente jours après la notification. Dans les conditions prévues à l’article 4, paragraphes
1, second alinéa, et 3, de la directive, les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente la faculté de
réduire ou de prolonger ce délai.
50
En vertu de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, les licenciements collectifs, c’est‑à‑dire les résiliations
des contrats de travail, ne prennent effet qu’à l’expiration du délai applicable.
51
Par conséquent, celui-ci correspond à la période minimale dont l’autorité compétente doit pouvoir disposer pour chercher des
solutions.
52
En réservant expressément les dispositions régissant les droits individuels en matière de délai de préavis, l’article 4, paragraphe
1, premier alinéa, de la directive vise nécessairement l’hypothèse de résiliations déjà opérées, qui font courir un tel délai.
En effet, la réserve de l’expiration d’un délai de préavis différent du délai prévu par la directive serait privée de sens
si aucun préavis n’avait commencé à courir.
53
Dans ces conditions, il convient de constater que les articles 3 et 4 de la directive ne s’opposent pas à ce qu’il soit procédé
à la résiliation des contrats de travail au cours de la procédure qu’ils instituent, à condition que cette résiliation intervienne
après la notification du projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente.
54
Il convient donc de répondre à la seconde question que l’employeur est en droit d’effectuer des licenciements collectifs après
la fin de la procédure de consultation prévue à l’article 2 de la directive et après la notification du projet de licenciement
collectif prévue aux articles 3 et 4 de cette même directive.
Sur les dépens
55
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi,
il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que
ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
1)
Les articles 2 à 4 de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des
États membres relatives aux licenciements collectifs, doivent être interprétés en ce sens que l’événement valant licenciement
est constitué par la manifestation de la volonté de l’employeur de résilier le contrat de travail.
2)
L’employeur est en droit d’effectuer des licenciements collectifs après la fin de la procédure de consultation prévue à l’article
2 de la directive 98/59 et après la notification du projet de licenciement collectif prévue aux articles 3 et 4 de cette même
directive