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Document 62024CO0470(01)

    Ordonnance du vice-président de la Cour du 16 août 2024.
    Vivendi SE contre Commission européenne.
    Pourvoi – Référé – Concurrence – Concentrations – Marché des médias – Demande de renseignements – Données à caractère personnel – Intérêt à agir.
    Affaire C-470/24 P(R).

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:674

    ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

    16 août 2024 (*)

    « Pourvoi – Référé – Concurrence – Concentrations – Marché des médias – Demande de renseignements – Données à caractère personnel – Intérêt à agir »

    Dans l’affaire C‑470/24 P(R),

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 juillet 2024,

    Vivendi SE, établie à Paris (France), représentée par Mes Y. Boubacir, F. de Bure, E. Dumur, P. Gassenbach, S. Schrameck, O. Thomas, P. Wilhelm, avocats,

    partie requérante,

    les autres parties à la procédure étant :

    Commission européenne, représentée par MM. P. Caro de Sousa, B. Cullen et D. Viros, en qualité d’agents,

    partie défenderesse en première instance,

    Conseil de l’Union européenne, représenté par M. N. Coghlan et Mme A.-L. Meyer, en qualité d’agents,

    partie intervenante en première instance,

    LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

    l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        Par son pourvoi, Vivendi SE demande l’annulation de l’ordonnance du vice-président du Tribunal de l’Union européenne du 13 juin 2024, Vivendi/Commission (T‑1097/23 R–RENV, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2024:381), par laquelle celui-ci a partiellement fait droit à sa demande visant, d’une part, à obtenir le sursis à exécution de la décision C(2023) 6428 final de la Commission, du 19 septembre 2023, relative à une procédure d’application de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil (affaire M.11184 – Vivendi/Lagardère), telle que modifiée par la décision C(2023) 7463 final de la Commission, du 27 octobre 2023 (ci-après la « décision litigieuse »), ainsi que, d’autre part, à titre conservatoire, qu’il lui soit enjoint de conserver l’ensemble des documents en sa possession concernés par la décision litigieuse sur un support électronique dédié, remis sous scellé électronique à un tiers de confiance indépendant.

     Les antécédents du litige

    2        Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 7 de l’ordonnance attaquée. Ils peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

    3        Le 24 octobre 2022, Vivendi, société mère du groupe Vivendi, groupe français de dimension internationale spécialisé dans les médias et le divertissement, a notifié à la Commission une opération de concentration qui consistait en l’acquisition du contrôle exclusif de Lagardère SA. Le 9 juin 2023, cette opération de concentration a été autorisée par la Commission, sous réserve du respect d’engagements souscrits par Vivendi.

    4        Le 25 juillet 2023, la Commission a informé Vivendi de l’ouverture d’une enquête formelle portant sur une potentielle réalisation anticipée de l’opération de concentration. Dans le cadre de cette procédure, par la décision C(2023) 6428 final, la Commission a adressé à Vivendi une demande de renseignements, assortie d’un délai expirant le 27 octobre 2023. Par la décision C(2023) 7463 final, cette institution a prorogé ce délai jusqu’au 1er décembre 2023.

     La procédure devant le Tribunal et devant la Cour ainsi que l’ordonnance attaquée

    5        Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 23 novembre 2023, Vivendi a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

    6        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2023, Vivendi a introduit une demande en référé tendant, d’une part, à obtenir le sursis à exécution de cette décision et, d’autre part, à titre conservatoire, à ce qu’il lui soit enjoint de conserver l’ensemble des documents en sa possession concernés par la décision litigieuse sur un support électronique dédié, remis, sous scellé électronique, à un tiers de confiance indépendant, par exemple un commissaire de justice ou un mandataire, dans un délai raisonnable et compatible avec les contraintes matérielles liées à la copie des supports contenant lesdits documents.

    7        Par l’ordonnance du 28 novembre 2023, Vivendi/Commission (T‑1097/23 R), adoptée sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le président du Tribunal a ordonné le sursis à exécution de la décision litigieuse jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure dans l’affaire T‑1097/23 R, sans préjudice de l’obligation de Vivendi de poursuivre la collecte des informations et de conserver, sur un support électronique, l’ensemble des documents concernés par cette décision susceptibles d’intéresser l’enquête de la Commission.

    8        Par l’ordonnance du 19 janvier 2024, Vivendi/Commission (T‑1097/23 R, EU:T:2024:15), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé introduite par Vivendi devant le Tribunal et a rapporté son ordonnance du 28 novembre 2023, Vivendi/Commission (T‑1097/23 R).

    9        Par l’ordonnance du 6 février 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R)–R, EU:C:2024:121], adoptée sur le fondement de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour, le vice-président de la Cour a ordonné la suspension de l’obligation imposée à Vivendi, par la décision litigieuse, de collecter et de communiquer à la Commission les documents visés par cette décision jusqu’à l’adoption de l’ordonnance qui interviendra le plus tôt entre celle mettant fin à la procédure en référé dans l’affaire C‑90/24 P(R)-R et celle se prononçant sur le pourvoi dans l’affaire C‑90/24 P(R), sans préjudice de l’obligation, pour Vivendi, de prendre toutes les mesures utiles pour assurer la conservation de l’ensemble de ces documents.

    10      Par l’ordonnance du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), EU:C:2024:318], le vice-président de la Cour a annulé l’ordonnance du président du Tribunal du 19 janvier 2024, Vivendi/Commission (T‑1097/23 R, EU:T:2024:15), et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il soit statué sur la condition relative au fumus boni juris et pour que soit effectuée, le cas échéant, la mise en balance des intérêts en présence.

    11      Par l’ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal a :

    –        ordonné le sursis à exécution de la décision litigieuse, dans la mesure où l’obligation qui y est formulée vise des documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernées par cette décision ;

    –        ordonné à Vivendi de prendre toutes les mesures utiles pour assurer la conservation, dans un format qui garantit leur intégrité et leur caractère inaltérable, des documents visés à l’annexe de ladite décision qui n’ont pas encore été communiqués à la Commission, pour autant qu’il s’agisse de documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernées ;

    –        ordonné à la Commission de conserver sous scellés les documents visés à l’annexe de la même décision qui lui ont été fournis par Vivendi, pour autant qu’il s’agisse de documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernés ;

    –        rejeté la demande en référé mentionnée au point 6 de la présente ordonnance pour le surplus, et

    –        réservé les dépens.

    12      À cet égard, en premier lieu, il a considéré, au point 32 de l’ordonnance attaquée, qu’il avait été définitivement statué sur la condition relative à l’urgence dans l’ordonnance du vice-président de la Cour du 11 avril 2024, Vivendi/Commission [C‑90/24 P(R), EU:C:2024:318].

    13      En deuxième lieu, le vice-président du Tribunal a jugé, aux points 58 et 59 de l’ordonnance attaquée, qu’il y avait lieu d’admettre l’existence d’un fumus boni juris en ce qui concerne le moyen tiré d’une violation de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

    14      En troisième lieu, au point 69 de cette ordonnance, il a estimé que l’intérêt de la Commission à voir rejeter la demande en référé devait céder devant l’intérêt défendu par Vivendi.

    15      En quatrième lieu, aux points 70 à 75 de ladite ordonnance, il a statué sur la forme précise des mesures provisoires devant être ordonnées en l’espèce.

    16      Par son ordonnance du 8 juillet 2024, Vivendi/Commission [C‑470/24 P(R)–R, EU:C:2024:592], le vice-président de la Cour a ordonné la suspension de l’obligation imposée à Vivendi, par la décision litigieuse, de collecter et de communiquer à la Commission les documents visés par cette décision jusqu’à l’adoption de l’ordonnance qui interviendra le plus tôt entre celle mettant fin à la procédure en référé dans l’affaire C‑470/24 P(R)-R et celle se prononçant sur le présent pourvoi, sans préjudice de l’obligation, pour Vivendi, de prendre toutes les mesures utiles pour assurer la conservation de l’ensemble de ces documents.

     Les conclusions des parties

    17      Vivendi demande à la Cour :

    –        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

    –        d’ordonner le sursis à exécution de la décision litigieuse jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif du Tribunal et, le cas échéant, de la Cour sur le recours en annulation introduit par Vivendi contre cette décision ;

    –        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

    –        de condamner la Commission aux dépens des deux instances.

    18      La Commission demande à la Cour :

    –        de rejeter le pourvoi et

    –        de condamner Vivendi aux dépens.

     Sur le pourvoi

     Sur la recevabilité du pourvoi

    19      Il résulte de la jurisprudence de la Cour que celle-ci peut soulever d’office le défaut d’intérêt d’une partie à introduire ou à poursuivre un pourvoi et déclarer le pourvoi irrecevable ou sans objet pour ce motif [ordonnance du vice-président de la Cour du 31 octobre 2023, Baldan/Commission, C‑545/23 P(R), EU:C:2023:825, point 8 et jurisprudence citée].

    20      En effet, l’intérêt à agir d’un requérant constitue une condition de recevabilité de son recours, qui doit perdurer jusqu’à ce que le juge statue au fond. Tant l’existence que la persistance de l’intérêt à agir supposent que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a formé [ordonnance du vice-président de la Cour du 20 mars 2023, Xpand Consortium e.a./Commission, C‑739/22 P(R), EU:C:2023:228, point 22 ainsi que jurisprudence citée].

    21      En l’espèce, il ressort des conclusions du pourvoi que Vivendi demande à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée dans son ensemble.

    22      Il découle cependant des points 1 et 3 du dispositif de cette ordonnance que celle-ci a fait partiellement droit aux conclusions de la demande en référé introduite devant le Tribunal, telles qu’elles ressortent des points 9 et 16 de ladite ordonnance, le vice-président du Tribunal ayant ordonné la suspension de certains des effets de la décision litigieuse, dont Vivendi sollicite le sursis à exécution.

    23      Il s’ensuit que l’annulation des points 1 et 3 du dispositif de l’ordonnance attaquée ne serait pas de nature à procurer un bénéfice à Vivendi et que, en conséquence, le pourvoi doit être déclaré irrecevable en tant qu’il vise à obtenir l’annulation de ces points.

    24      En revanche, par le point 2 du dispositif de cette ordonnance, le vice-président du Tribunal a prononcé, à l’égard de Vivendi, une injonction qui diffère pour partie de celle qu’elle avait formulée dans les conclusions de sa demande en référé.

    25      Il ne saurait, dès lors, être exclu que l’annulation du point 2 de ce dispositif puisse lui procurer un bénéfice.

    26      Par le point 4 dudit dispositif, le vice-président du Tribunal a rejeté, pour le surplus, la demande en référé.

    27      Vivendi a, dès lors, intérêt à en demander l’annulation, en vue d’obtenir que sa demande en référé soit accueillie intégralement ou, à tout le moins, de manière plus étendue que ce qu’a ordonné le vice-président du Tribunal.

    28      Partant, le pourvoi doit être considéré comme étant recevable dans la mesure où il tend à l’annulation des points 2 et 4 du dispositif de l’ordonnance attaquée.

     Sur le fond

     Argumentation

    29      Par son premier moyen, Vivendi soutient que l’ordonnance attaquée est entachée d’un défaut de motivation, en tant qu’elle ne comporte aucun examen de six des sept moyens avancés en première instance pour démontrer l’existence d’un fumus boni juris.

    30      Par son deuxième moyen, elle fait valoir que, au regard des six moyens que le vice-président du Tribunal a omis d’examiner, le fumus boni juris est amplement caractérisé, ce qui justifie que la demande en référé soit accueillie dans son ensemble.

    31      Par son troisième moyen, Vivendi soutient que, au terme de la mise en balance des intérêts en présence, son intérêt à obtenir le sursis à exécution de la décision litigieuse, dans son ensemble, l’emporte sur l’intérêt de la Commission au maintien des effets de cette décision.

    32      La Commission objecte que les trois moyens doivent être écartés comme étant irrecevables ou comme étant non fondés.

    33      Le Conseil de l’Union européenne fait valoir, à titre principal, que l’exception d’illégalité de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), invoquée par Vivendi à l’appui de son recours en annulation ne fait pas l’objet du présent pourvoi et, à titre subsidiaire, que cette exception d’illégalité ne satisfait pas au critère du fumus boni juris.

     Appréciation

    34      En vue de statuer sur les trois moyens invoqués par Vivendi, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, il importe de relever, d’une part, que l’obligation prévue au point 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée est justifiée exclusivement par les motifs exposés au point 74 de cette ordonnance, lesquels se rapportent aux mesures destinées à préserver l’intégrité des documents qui n’ont pas encore été fournis à la Commission dans l’attente de l’issue de la procédure principale.

    35      D’autre part, la décision de ne suspendre que certains des effets de la décision litigieuse repose uniquement sur le motif, exposé au point 70 de ladite ordonnance, selon lequel l’intérêt de Vivendi ne l’emporte sur celui de la Commission que dans la mesure où cette décision impose la fourniture de documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernées, dès lors que, en statuant définitivement sur la condition relative à l’urgence, le vice-président de la Cour a constaté que le préjudice invoqué par Vivendi découlait d’une ingérence dans la vie privée de certaines de ces personnes.

    36      Or, le pourvoi ne comporte aucun argument contestant directement les points 70 ou 74 de l’ordonnance attaquée.

    37      En outre, les trois moyens invoqués par Vivendi ne sauraient être compris comme emportant, indirectement, une critique de ces points.

    38      En effet, les deux premiers moyens se rapportent à la seule condition relative au fumus boni juris, condition dont le vice-président du Tribunal a jugé, au point 59 de l’ordonnance attaquée, qu’elle était satisfaite.

    39      Si ces deux moyens visent certes à démontrer que le vice-président du Tribunal aurait dû constater l’existence d’un fumus boni juris en ce qui concerne d’autres moyens que celui qu’a examiné le vice-président du Tribunal, il y a lieu de relever que, au vu des éléments rappelés aux points 34 et 35 de la présente ordonnance, un tel constat ne serait pas de nature à remettre en cause les motifs qui sous-tendent les points 2 et 4 du dispositif de l’ordonnance attaquée.

    40      Par ailleurs, le troisième moyen tend, de manière générale, à établir que l’intérêt du requérant prévaut sur celui de la Commission sans comporter aucun argument visant à démontrer que le vice-président du Tribunal aurait commis une erreur en jugeant, au point 70 de cette ordonnance, que tel n’est le cas que s’agissant de documents contenant des données relevant de la vie privée des personnes concernées.

    41      Dans ces conditions, il apparaît que les trois moyens invoqués par Vivendi ne sont, en tout état de cause, pas de nature à priver de fondement les points 2 et 4 du dispositif de ladite ordonnance et que ces moyens doivent, en conséquence, être écartés comme étant inopérants.

    42      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

     Sur les dépens

    43      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

    44      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    45      La Commission ayant conclu à la condamnation de Vivendi aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens de la Commission.

    46      En l’absence de toute conclusion relative aux dépens du Conseil, celui–ci supporte ses propres dépens.

    Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      Vivendi SE supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

    3)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens.

    Fait à Luxembourg, le 16 août 2024.

    Le greffier

     

    Le vice-président

    A. Calot Escobar

     

    L. Bay Larsen


    *      Langue de procédure : le français.

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