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Document 62021CO0087

Beschikking van het Hof (Zesde kamer) van 14 oktober 2021.
NSV en NM tegen BT.
Verzoek van de Curte de Apel Cluj om een prejudiciële beslissing.
Prejudiciële verwijzing – Artikel 99 van het Reglement voor de procesvoering van het Hof – Consumentenbescherming – Richtlijn 93/13/EEG – Oneerlijke bedingen in consumentenovereenkomsten – Werkingssfeer – Artikel 1, lid 2 – Contractuele bedingen waarin dwingende wettelijke of bestuursrechtelijke bepalingen zijn overgenomen – Kredietovereenkomsten in vreemde valuta – Bedingen betreffende het wisselkoersrisico die een nationale bepaling van aanvullend recht bevatten – Gestelde niet-nakoming van de op de kredietverstrekkende bank rustende informatieplicht – Vereiste van goede trouw – Verplichting voor de nationale rechter om eerst te toetsen aan artikel 1, lid 2, van richtlijn 93/13.
Zaak C-87/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:860

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

14 octobre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Champ d’application – Article 1er, paragraphe 2 – Clauses contractuelles reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives – Contrats de prêt libellés en devise étrangère – Clauses relatives au risque de change reprenant une disposition supplétive du droit national – Manquement allégué à l’obligation d’information pesant sur l’établissement bancaire prêteur – Exigence de bonne foi – Examen par la juridiction nationale à effectuer en priorité au regard de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 »

Dans l’affaire C‑87/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), par décision du 26 novembre 2020, parvenue à la Cour le 11 février 2021, dans la procédure

NSV,

NM

contre

BT,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen vice-président, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. N. Jääskinen (rapporteur) et M. Safjan, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant NSV et NM à BT, au sujet du caractère prétendument abusif d’une clause insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère, qui prévoit le remboursement de ce prêt dans cette devise étrangère et qui fait peser le risque de change sur les emprunteurs.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le treizième considérant de la directive 93/13 énonce :

« considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives ; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou [l’Union européenne] sont parti[e]s ; que, à cet égard, l’expression “dispositions législatives ou réglementaires impératives” figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu ».

4        L’article 1er, paragraphe 2, de cette directive prévoit :

« Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou [l’Union] sont parti[e]s, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

5        L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ».

6        L’article 4, paragraphe 2, de la même directive est libellé comme suit :

« L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

7        Aux termes de l’article 5 de la directive 93/13 :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. [...] »

 Le droit roumain

8        L’article 1578 du Cod Civil (code civil), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code civil »), prévoyait :

« L’obligation qui résulte d’un prêt en argent n’est toujours que de la somme numérique énoncée au contrat.

S’il y a eu augmentation ou diminution de la valeur de la devise avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme numérique prêtée et ne doit rendre cette somme que dans les espèces ayant cours au moment du paiement. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        Le 10 janvier 2008, les requérants au principal, qui ont la qualité de consommateurs, ont conclu avec BT, un établissement bancaire (ci-après la « banque »), un contrat de prêt d’une durée de 300 mois destiné à l’achat d’un bien immobilier (ci-après le « contrat »). Ce contrat était libellé en francs suisses (CHF) et assorti d’un taux d’intérêt révisable par la banque, dans l’hypothèse de changements significatifs intervenus sur le marché monétaire.

10      L’article 6 des conditions particulières du contrat stipulait, notamment, que les emprunteurs s’engageaient solidairement à payer, conformément à l’échéancier de remboursement, les mensualités prévues en francs suisses.

11      Conformément à la section 4, point 1, des conditions générales du contrat, tout paiement devait être effectué dans la devise dans laquelle ce contrat était libellé. Par ailleurs, cette section 4 stipulait que l’emprunteur autorisait la banque à prélever les montants dus en débitant automatiquement à l’échéance le compte bancaire, correspondant à la devise du contrat, que l’emprunteur était tenu d’approvisionner.

12      Le taux de change entre le franc suisse et le leu roumain (RON), durant la période allant du mois de janvier 2008 au mois d’août 2016, est passé de 2,2819 à 4,1026 lei pour un franc suisse.

13      Le 17 août 2016, les requérants au principal ont introduit un recours devant le Tribunalul Specializat Cluj (tribunal spécialisé de Cluj, Roumanie) visant à faire constater, notamment, le caractère abusif des clauses figurant à l’article 6, paragraphe 1, point I, des conditions particulières du contrat, ainsi que celles figurant à la section 4 des conditions générales de celui-ci. Ils réclamaient, par ailleurs, le rétablissement de la situation antérieure des parties, notamment la restitution des sommes indûment versées sur le fondement des clauses concernées et la stabilisation du taux de change entre le franc suisse et le leu roumain en vigueur à la date de souscription du contrat.

14      Les requérants au principal reprochaient en outre à la banque de ne pas avoir respecté son obligation d’information en ce qui concerne, notamment, la volatilité de la devise étrangère dans laquelle le contrat était libellé. Par ailleurs, ils soutenaient que la banque avait saisi l’opportunité de la prise de valeur des prêts libellés en francs suisses sur le marché, alors même que celle-ci savait que l’augmentation du cours de change concernée était de nature à créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.

15      Par le jugement du 30 janvier 2018, le Tribunalul Specializat Cluj (tribunal spécialisé de Cluj, Roumanie) a rejeté ce recours, considérant que le contrat ne constituait pas une dérogation à la règle de droit commun consacrant le principe du nominalisme monétaire. Selon cette juridiction, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, tel que transposé dans le droit roumain, était applicable à l’affaire pendante devant elle. Par ailleurs, en ce qui concerne l’obligation d’information de la banque, ladite juridiction a rejeté les arguments des requérants au principal, jugeant que, si les consommateurs avaient accepté de contracter le contrat en francs suisses, se fondant sur l’hypothèse selon laquelle cette devise resterait stable, hypothèse reposant sur les informations communiquées par la banque et sur les faibles variations de ladite devise dans le passé, il n’en résultait pas pour autant que la banque avait communiqué des informations erronées aux emprunteurs. En effet, aucun élément n’aurait permis de considérer que la banque avait eu des informations quant à l’augmentation significative du cours de change du franc suisse par rapport au leu roumain et, en tout état de cause, la demande des requérants au principal visant à rétablir l’équilibre entre les parties par la stabilisation de ce cours de change au même niveau que celui en vigueur à la date de conclusion du contrat ne pourrait être accueillie.

16      Les requérants au principal ont interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, faisant valoir, notamment, que la clause du contrat concernée ne reflétait pas le principe du nominalisme monétaire.

17      La juridiction de renvoi se réfère à la jurisprudence issue de l’arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania (C‑81/19, EU:C:2020:532), dans lequel la Cour s’est prononcée, dans un cadre factuel et juridique analogue à celui de l’affaire au principal, sur l’exclusion du champ d’application de la directive 93/13 d’une clause contractuelle en substance identique à celle en cause au principal. Selon la juridiction de renvoi, la solution dégagée par la Cour dans cet arrêt n’aurait pas pris en compte la nature du contrat dans lequel avait été insérée la clause concernée, qui reflète le principe de nominalisme monétaire, consacré à l’article 1578 du code civil.

18      La juridiction de renvoi fait observer, à cet égard, que l’article 1578 du code civil figure dans ce code au chapitre consacré au prêt à la consommation à titre gratuit, lequel envisage des partenaires égaux. Le législateur national n’aurait pas, selon elle, adopté spécifiquement cet article en vue d’une application à des contrats de prêt conclus par des professionnels avec des consommateurs.

19      Par ailleurs, il ressortirait de l’arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania (C‑81/19, EU:C:2020:532), que l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 n’est justifiée que par la présomption légitime que le législateur national a déjà établi un équilibre entre l’ensemble des droits et obligations des parties à certains contrats, et non en l’absence de cette présomption.

20      Dans ces conditions, la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)       L’article 1er, paragraphe 2, l’article 5 [et] l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 [...] doivent-ils être interprétés en ce sens que n’est pas exclue du contrôle une clause relative au risque de change, qui transpose dans un contrat à titre onéreux, régi par des rapports de pouvoir, un principe exprimé par une règle supplétive applicable à un contrat à titre gratuit, règle qui vise des partenaires égaux et qui n’a pas fait l’objet d’une évaluation par le législateur aux fins d’établir un équilibre raisonnable entre les intérêts du professionnel et ceux du consommateur, lorsque la transposition a été effectuée par le professionnel sans informer, conseiller et avertir le consommateur, au stade précontractuel, quant aux spécifications du produit bancaire, du point de vue des caractéristiques de la devise du prêt, de telle sorte que le consommateur puisse comprendre les conséquences économiques de son engagement ?

2)      La directive 93/13 doit-elle être interprétée en ce sens que l’exclusion n’est pas justifiée lorsqu’il existe des indices que le professionnel a inséré la clause de mauvaise foi, en sachant que l’application du principe exprimé par la règle supplétive est susceptible de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ? »

 Sur les questions préjudicielles

21      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, lorsque, notamment, une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle elle a déjà statué ou la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence.

22      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

23      Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’une clause insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère conclu entre un consommateur et un professionnel, qui reflète une disposition du droit national de nature supplétive, relève du champ d’application de cette directive, dans le cas où, premièrement, cette disposition du droit national n’a pas fait l’objet d’une évaluation par le législateur national, en vue d’instaurer un équilibre entre les intérêts du consommateur et du professionnel, dans le cadre spécifique des contrats de prêt bancaire conclus avec des consommateurs, deuxièmement, le professionnel a inséré cette clause dans le contrat concerné sans satisfaire à son obligation d’information ainsi que de transparence, et troisièmement il existe des indices permettant de considérer que le professionnel a inséré ladite clause dans ce contrat en agissant de mauvaise foi, ce professionnel ne pouvant ignorer que l’application de la même clause était susceptible de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties audit contrat.

24      Il convient de rappeler que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, qui vise les clauses reflétant les dispositions législatives ou réglementaires impératives, institue une exclusion du champ d’application de celle-ci (arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 23 et jurisprudence citée).

25      Cette exclusion est d’interprétation stricte et son application suppose la réunion de deux conditions. D’une part, la clause contractuelle concernée doit refléter une disposition législative ou réglementaire et, d’autre part, cette disposition doit être impérative (arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 24 et jurisprudence citée).

26      Ainsi qu’il ressort du treizième considérant de la directive 93/13, l’expression « dispositions législatives ou réglementaires impératives », figurant à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci, couvre également les règles qui, selon la loi nationale, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu (arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 25 et jurisprudence citée), c’est-à-dire, les dispositions du droit national qui sont de nature supplétive (voir, en ce sens, ordonnance du 14 avril 2021, Credit Europe Ipotecar IFN et Credit Europe Bank, C‑364/19, EU:C:2021:306, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

27      La Cour a également précisé que ladite exclusion du régime de la directive 93/13 est justifiée par le fait qu’il est, en principe, légitime de présumer que le législateur national a établi un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des parties à certains contrats, équilibre que le législateur de l’Union a explicitement entendu préserver (arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 26 ainsi que jurisprudence citée, et ordonnance du 14 avril 2021, Credit Europe Ipotecar IFN et Credit Europe Bank, C‑364/19, EU:C:2021:306, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

28      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la clause relative au risque de change, dont le caractère abusif est allégué par les requérants au principal, reflète le principe du nominalisme monétaire, consacré à l’article 1578 du code civil. Cet article est qualifié par la juridiction de renvoi comme étant de nature supplétive, à savoir que celui-ci trouve à s’appliquer lorsque les parties n’ont pas convenu d’un arrangement différent.

29      Il importe de relever, à cet égard, que, s’agissant de la même disposition nationale que celle visée dans l’affaire au principal, la Cour a jugé que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, mais qui reflète une règle qui, selon la loi nationale, s’applique entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu à cet égard, ne relève pas du champ d’application de cette directive (arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 37).

30      La juridiction de renvoi considère néanmoins que la solution dégagée par la Cour dans la jurisprudence issue de l’arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania (C‑81/19, EU:C:2020:532), n’est pas transposable à l’affaire au principal, compte tenu notamment de la nature du contrat de prêt concerné. L’article 1578 du code civil, consacrant le principe du nominalisme monétaire, n’aurait pas fait l’objet d’une évaluation par le législateur national en vue d’instaurer un équilibre entre les intérêts des parties à un contrat de prêt bancaire, tel que celui en cause au principal.

31      À cet égard, la Cour a précisé que la circonstance qu’il est, en principe, légitime de présumer que le législateur national a établi un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des parties à certains contrats constitue non pas une condition pour l’application de l’exclusion visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, mais la justification d’une telle exclusion (arrêt du 9 juillet 2020, Banca Transilvania, C‑81/19, EU:C:2020:532, point 27).

32      Or, il ressort des éléments fournis par la juridiction de renvoi que celle-ci considère, d’une part, que la clause concernée reflète le principe du nominalisme monétaire, consacré à l’article 1578 du code civil, et d’autre part, que cet article constitue une disposition législative de nature supplétive, au sens de la jurisprudence visée au point 26 de la présente ordonnance.

33      Dans ces conditions et dès lors que les deux conditions visées au point 25 de la présente ordonnance sont réunies, ne revêtent aucune pertinence, aux fins de l’application de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, la nature du contrat concerné et le point de savoir si la disposition législative nationale de nature supplétive a effectivement fait l’objet, dans le cadre de l’élaboration de la législation nationale, d’une évaluation spécifique, en vue d’établir un équilibre entre les intérêts du professionnel et ceux du consommateur, dans le cadre des contrats de prêt bancaire conclus avec des consommateurs.

34      Cette conclusion n’est pas infirmée par les circonstances, mentionnées par la juridiction de renvoi, qui sont liées au comportement du professionnel concerné.

35      Selon la juridiction de renvoi, ce professionnel aurait inséré dans le contrat la clause concernée, qui reflète une disposition du droit national de nature supplétive, sans satisfaire à son obligation d’information et de transparence. Par ailleurs, la juridiction de renvoi indique qu’il existe des indices permettant de considérer que ledit professionnel a agi de mauvaise foi, ce dernier ne pouvant ignorer que l’inclusion de cette clause dans ce contrat était susceptible de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

36      L’appréciation du possible non-respect, par le même professionnel, de l’obligation d’information et de transparence, telle qu’elle résulte des articles 4 et 5 de la directive 93/13, ou encore l’examen de la question de savoir si l’exigence de bonne foi a été respectée, au sens de l’article 3 de celle-ci, relèvent, dans le système établi par cette directive, de l’appréciation du caractère prétendument abusif d’une clause contractuelle.

37      Or, force est de rappeler que tout instrument du droit de l’Union n’est applicable à une situation donnée que dans la mesure où celle-ci relève du champ d’application de cet instrument (ordonnance du 14 avril 2021, Credit Europe Ipotecar IFN et Credit Europe Bank, C‑364/19, EU:C:2021:306, point 32).

38      Par ailleurs, il ressort clairement de la structure même de la directive 93/13 que l’appréciation éventuelle du caractère abusif d’une clause contractuelle au regard des dispositions de celle-ci exige de déterminer, au préalable, si la clause concernée relève du champ d’application de cette directive, notamment au regard de l’exclusion de ce champ d’application qui est énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive (ordonnance du 14 avril 2021, Credit Europe Ipotecar IFN et Credit Europe Bank, C‑364/19, EU:C:2021:306, point 33).

39      C’est pourquoi, dans l’arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a. (C‑186/16, EU:C:2017:703, points 30 à 32), la Cour a indiqué qu’il appartenait à la juridiction nationale saisie d’apprécier, eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations des contrats de prêt concernés ainsi qu’au contexte juridique et factuel dans lequel ces derniers s’inscrivaient, si la clause en cause au principal, aux termes de laquelle le prêt devait être remboursé dans la même devise que celle dans laquelle il avait été accordé, reflétait des dispositions impératives du droit national, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, puis, seulement dans le cas où cette juridiction constaterait que la clause concernée n’était pas couverte par l’exclusion prévue à cette disposition, de se pencher sur l’application de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive (ordonnance du 14 avril 2021, Credit Europe Ipotecar IFN et Credit Europe Bank, C‑364/19, EU:C:2021:306, point 34).

40      Partant, lorsqu’une juridiction d’un État membre est saisie d’un litige portant sur une clause contractuelle prétendument abusive qui reflète une disposition de droit national de nature supplétive, elle est tenue d’examiner en priorité l’incidence de l’exclusion du champ d’application de cette directive prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci (ordonnance du 14 avril 2021, Credit Europe Ipotecar IFN et Credit Europe Bank, C‑364/19, EU:C:2021:306, point 42).

41      Il en découle que l’analyse du caractère abusif d’une clause d’un contrat, y compris l’appréciation du possible non-respect, par le professionnel concerné, de son obligation d’information et de transparence, telle qu’elle résulte des articles 4 et 5 de la directive 93/13, ou encore l’examen de la question de savoir si l’exigence de bonne foi a été respectée, au sens de l’article 3 de cette directive, ne saurait intervenir que dans la mesure où le juge national a établi, au préalable, que cette clause relève effectivement du champ d’application de la directive 93/13.

42      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère conclu entre un consommateur et un professionnel, qui reflète une disposition du droit national de nature supplétive, ne relève pas du champ d’application de cette directive, même si :

–        cette disposition du droit national n’a pas fait l’objet d’une évaluation par le législateur national, en vue d’instaurer un équilibre entre les intérêts du consommateur et du professionnel, dans le cadre spécifique des contrats de prêt bancaire conclus avec des consommateurs ;

–        le professionnel a inséré cette clause dans le contrat concerné sans satisfaire à son obligation d’information et de transparence ;

–        il existe des indices permettant de considérer que le professionnel concerné a inséré ladite clause dans ce contrat en agissant de mauvaise foi, ce professionnel ne pouvant ignorer que l’application de la même clause était susceptible de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties audit contrat.

 Sur les dépens

43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’une clause insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère conclu entre un consommateur et un professionnel, qui reflète une disposition du droit national de nature supplétive, ne relève pas du champ d’application de cette directive, même si :

–        cette disposition du droit national n’a pas fait l’objet d’une évaluation par le législateur national, en vue d’instaurer un équilibre entre les intérêts du consommateur et du professionnel, dans le cadre spécifique des contrats de prêt bancaire conclus avec des consommateurs ;

–        le professionnel a inséré cette clause dans le contrat concerné sans satisfaire à son obligation d’information et de transparence ;

–        il existe des indices permettant de considérer que le professionnel concerné a inséré ladite clause dans ce contrat en agissant de mauvaise foi, ce professionnel ne pouvant ignorer que l’application de la même clause était susceptible de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties audit contrat.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.

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