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Document 61992TJ0107

    Sentenza del Tribunale di primo grado (Terza Sezione) del 10 febbraio 1994.
    George John White contro Commissione delle Comunità europee.
    Dipendenti - Assegno di famiglia - Modalità di calcolo - Ripetizione dell'indebito - Diligenza normale - Termine di decadenza - Termine ragionevole.
    Causa T-107/92.

    Raccolta della Giurisprudenza – Pubblico impiego 1994 I-A-00041; II-00143

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:1994:17

    ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

    10 février 1994 ( *1 )

    «Fonctionnaires — Allocation de foyer — Modalités de calcul — Répétition de l'indu — Diligence normale — Délai de forclusion - Délai raisonnable»

    Dans l'affaire T-107/92,

    George John White, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Woluwé-Saint-Étienne (Belgique) représenté par M" Edmond Lebrun et Éric Boigelot, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Louis Schütz, 2, rue du Fort Rheinsheim,

    partie requérante,

    contre

    Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d'agent, assistée de Me Bertrand Wägenbaur, avocat au barreau d'Aix-la-Chapelle, ayant élu domicile auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet, en premier lieu, l'annulation de la décision de la Commission du 1er avril 1992 supprimant, avec effet rétroactif, l'allocation de foyer versée au requérant, en deuxième lieu, l'annulation de la décision de la Commission du 16 juin 1992 arrêtant les montants indûment perçus par le requérant, ainsi que les modalités de leur remboursement, et, en troisième lieu, la condamnation de la Commission à restituer les montants d'ores et déjà déduits de ses rémunérations,

    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

    composé de MM. R. Garcia-Valdecasas, président, B. Vesterdorf et J. Biancarelli, juges,

    greffier: M. H. Jung,

    vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 10 novembre 1993,

    rend le présent

    Arrêt

    Faits et cadre juridique du recours

    1

    Le requérant est entré au service de la Commission en 1976, en tant que fonctionnaire de grade C 3, échelon 3. Après avoir été affecté, de juin 1987 à décembre 1991, à la direction générale du personnel et de l'administration (DG IX), le requérant travaille, actuellement, en qualité d'officier d'information auprès de la direction générale de la science, de la recherche et du développement (DG XII) et il est classé au grade C 2, échelon 8. En 1985, il a été élu au comité du personnel et en a été le secrétaire jusqu'en 1986, puis le vice-président en 1989 et 1990.

    2

    Le 1er mars 1979, l'épouse du requérant est entrée au service de la Commission, en qualité d'agent auxiliaire, classé au grade C 5, échelon 4. Le 1er mars 1980, après avoir été nommée fonctionnaire, elle a été promue au grade C 4, échelon 3, puis, le 1er février 1984, au grade C 3, échelon 3, puis, enfin, le 1er janvier 1991, au grade C 2, échelon 6.

    3

    Par décision du 27 avril 1979, la Commission a accordé au requérant le bénéfice de l'allocation de foyer, sur le fondement des dispositions de l'article 1er de l'annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), avec effet au 1er mars 1979. Cene décision précisait au requérant, d'une part, que l'allocation de foyer lui était accordée parce que les revenus professionnels de son conjoint étaient inférieurs à une certaine somme et, d'autre part, qu'il était tenu d'informer, sans délai et par écrit, les services compétents de toute augmentation de la rémunération de son conjoint.

    4

    En effet, l'article 1er de l'annexe VII du statut dispose:

    « 1.

    L'allocation de foyer est fixée à 5 % du traitement de base du fonctionnaire...

    2.

    A droit à l'allocation de foyer:

    a)

    le fonctionnaire marié;

    ...

    3.

    Dans le cas où son conjoint exerce une activité professionnelle lucrative, donnant lieu à des revenus professionnels supérieurs au traitement de base annuel d'un fonctionnaire de grade C 3 au troisième échelon, affecté du coefficient correcteur fixé pour le pays dans lequel le conjoint exerce son activité professionnelle, avant déduction de l'impôt, le fonctionnaire ayant droit à l'allocation de foyer ne bénéficie pas de cette allocation, sauf décision spéciale de l'autorité investie du pouvoir de nomination...»

    5

    Par ailleurs, le cadre juridique du litige peut être défini comme suit:

    l'article 62, troisième alinéa, du statut dispose que la rémunération du fonctionnaire «comprend un traitement de base, des allocations familiales et des indemnités»;

    l'article 67 du statut précise que les allocations familiales comprennent l'allocation de foyer;

    enfin, l'article 85 du statut dispose que «toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l'irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu'il ne pouvait manquer d'en avoir connaissance».

    6

    Au début de l'année 1992, les services compétents de la Commission ont informé le requérant que celui-ci n'était plus en droit de percevoir l'allocation de foyer, étant donné que les revenus annuels de son épouse dépassaient, pour l'année 1992, le plafond tel que prévu par l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut (ci-après «plafond»).

    7

    Par décision du 1er avril 1992, la Commission a retiré au requérant, avec effet rétroactif au 1er janvier 1982, le bénéfice de l'allocation de foyer qui lui avait été accordée par erreur, selon la Commission, du 1er janvier 1982 au 1er mars 1992. La somme des versements indus, selon la Commission, représente un montant total de 685358 BFR. Ce montant de l'indu, ainsi que les modalités de son remboursement, ont été arrêtés par une décision de la Commission en date du 16 juin 1992, remplaçant une précédente décision, en ce sens, du 5 mai 1992.

    8

    Le 8 mai 1992, le requérant a introduit une réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de la Commission du 1er avril 1992. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision implicite de rejet.

    Procédure

    9

    C'est dans ces conditions que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 7 décembre 1992, le requérant a déposé le présent recours.

    10

    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale, sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a, toutefois, au titre des mesures d'organisation de la procédure, invité la Commission à produire un certain nombre de documents et à répondre à une question.

    11

    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 10 novembre 1993.

    Conclusions des parties

    12

    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    déclarer le recours recevable et fondé;

    1.

    à titre principal:

    a)

    annuler la décision de la Commission du 1er avril 1992, par laquelle celle-ci entend réclamer au requérant les sommes indûment payées à celui-ci à titre d'allocation de foyer, et ce pour la période s'étalant entre le 1er janvier 1982 et le 1er mars 1992;

    b)

    annuler, pour autant que de besoin, la décision du 16 juin 1992, par laquelle la Commission, annulant et remplaçant une précédente note du 5 mai 1992, établit les sommes indûment reçues par le requérant, soit 685358 BFR, et l'informe de la récupération d'office de ce montant sur sa rémunération mensuelle, et ce de façon suivante:

    358 BFR en juin 1992,

    6250 BFR x 109 de juillet 1992 à juillet 2001,

    3750 BFR en août 2001;

    c)

    annuler la décision implicite de rejet de la réclamation introduite par le requérant le 8 mai 1992 et, pour autant que de besoin, l'annulation de la note datée du 30. 11. 1992 adressée au requérant et établie par le directeur général de la DG IX, M. Frans de Koster;

    d)

    condamner la Commission à restituer au requérant les sommes d'ores et déjà déduites d'office de ses rémunérations mensuelles, à la date de la décision à intervenir, et ce depuis le mois de juin 1992, augmentées des intérêts moratoires fixés à 8 % l'an à partir de la date à laquelle chaque paiement a été indûment prélevé d'office;

    e)

    condamner la Commission aux dépens, en tout état de cause;

    2.

    à titre subsidiaire:

    annuler, à supposer, quod non, que par impossible le Tribunal rejette le recours en annulation tel que formulé à titre principal, les décisions attaquées en ce qu'elles rétroagissent au-delà du 1er mai 1991, cette date constituant le point de départ des sommes indues susceptibles d'être répétées;

    condamner la Commission à restituer au requérant les sommes d'ores et déjà déduites d'office de ses rémunérations mensuelles, à la date de la décision à intervenir, et ce depuis le mois de juin 1992, augmentées des intérêts moratoires fixés à 8 % l'an à partir de la date à laquelle chaque paiement a été indûment prélevé d'office, et ce dans la mesure où les sommes retenues d'office dépassent le montant indu à restituer à partir du 1er mai 1991;

    condamner la Commission aux dépens, en tout état de cause.

    13

    Lors de l'audience, le requérant a déclaré se désister des conclusions qu'il avait présentées «à titre très subsidiaire».

    14

    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    rejeter le recours;

    statuer sur les dépens comme de droit.

    Sur le fond

    I — Sur les conclusions présentées à titre principal et tendant à l'annulation des décisions de la Commission des Ie' avril et 16 juin 1992, à l'annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation du requérant et à la condamnation de la Commission à restituer les sommes déjà prélevées sur la rémunération du requérant

    15

    Au soutien de ces conclusions, le requérant a invoqué, en substance, deux moyens: le premier concerne l'existence d'un indu au titre des aimées 1982 à 1992; le second est relatif à l'application, en l'espèce, de l'article 85 du statut.

    1. Sur le premier moyen, relatif à l'indu au titre des années 1982 à 1992

    a) En ce qui concerne l'existence d'un indu au titre des années 1982, 1983 et 1984

    16

    Le requérant, au titre de ces trois années, soutient que les revenus professionnels de son épouse n'étaient pas supérieurs au traitement de base annuel d'un fonctionnaire de grade C 3, échelon 3, c'est-à-dire, au plafond. Pour étayer son argumentation, il se fonde, d'une part, sur le montant des plafonds qui ne devaient pas être dépassés au titre de ces trois années et, d'autre part, sur les bulletins individuels de rémunération de son épouse, dont il a versé au dossier les plus significatifs, selon lui, soit ceux des mois de janvier et de juillet de chaque année. Dans ses calculs, le requérant n'a ajouté au traitement de base de son épouse ni l'indemnité de dépaysement, ni l'indemnité de secrétariat, puisque, selon lui, ces montants n'interviennent qu'après calcul de l'impôt et que ces indemnités ne sont elles-mêmes pas assujetties à l'impôt. A partir de ces prémisses, le requérant parvient, pour les années 1982, 1983 et 1984, à une rémunération annuelle de son épouse inférieure au plafond.

    17

    La Commission fait valoir que le requérant s'est trompé à un double titre: en premier lieu, en estimant que la rémunération de son épouse était constante au cours de chaque semestre, négligeant ainsi les promotions successives de cette dernière, intervenues à trois reprises précisément en cours de semestre; en second lieu, ni le libellé ni l'esprit de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut ne permettraient d'admettre que les allocations et indemnités, perçues par l'épouse du requérant, ne devaient pas être prises en compte au titre des revenus professionnels, le membre de phrase «avant déduction de l'impôt» ne signifiant pas «avant déduction des allocations et indemnités». Dès lors, la Commission, estimant que l'indemnité de dépaysement et l'indemnité de secrétariat devaient être intégrées dans les revenus professionnels de Mme White, soutient que, pour les années 1982, 1983 et 1984, les revenus professionnels de cette dernière dépassaient le plafond, respectivement d'environ 40000 BFR, 64000 BFR et 86000 BFR (tableau produit dans le mémoire en défense, point 12).

    18

    La Commission, par ailleurs, en réponse à une question écrite du Tribunal l'invitant à produire un décompte faisant clairement apparaître, par année calendaire, puis à l'intérieur de chaque année calendaire, mois par mois, pour les années 1981 à 1985, les revenus professionnels de Mme White, au sens de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, a produit, le 28 octobre 1993, une série de documents comprenant, d'une part, des données globales retraçant les revenus annuels de l'épouse du requérant et, d'autre part, soit certains bulletins de rémunération, relatifs aux années 1983. et 1984, soit des «listes historiques de paiements d'après historique du 12/90», censées représenter des données analytiques permettant de reconstituer les revenus professionnels de Mme White, par sommation de ses fiches de rémunération.

    19

    Le Tribunal considère que c'est à juste titre que la Commission a estimé que la notion de revenu professionnel, au sens de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, comprend l'ensemble des revenus perçus régulièrement en contrepartie de l'exercice des fonctions (voir, par à contrario, l'arrêt de la Cour du 31 janvier 1989, Klein/Commission, 307/87, Rec. p. 125). La circonstance que les indemnités en cause n'interviennent pas dans le calcul de l'impôt est sans incidence sur leur qualification de revenus professionnels. En effet, le membre de phrase«avant déduction de l'impôt», figurant à l'article 1", paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, permet de comparer l'ensemble des revenus professionnels bruts d'un agent au traitement de base annuel brut d'un fonctionnaire de grade C 3, échelon 3, et n'a nullement pour effet d'impliquer que seuls les revenus professionnels soumis à l'impôt devraient être pris en considération. D'ailleurs, le requérant a admis, lors de la procédure orale, l'exactitude de l'interprétation ainsi faite par la Commission, tout en en soulignant la complexité.

    20

    En l'espèce, le Tribunal, sur la base des éléments de calcul susmentionnés produits par la Commission, en réponse à ses questions, a établi, pour chacune des années en cause, une fiche reconstituant les revenus professionnels de Mme White, d'une part, à partir des données globales et, d'autre part, à partir des données analytiques, par bulletin de rémunération. Dans chacune de ces fiches, les chiffres étaient relatifs aux revenus professionnels comparés avec les montants, également reconstitués, des plafonds. Ces fiches ont été distribuées aux parties lors de la procédure orale et n'ont fait l'objet d'aucune contestation. Il en ressort qu'au titre de l'année 1982 les revenus professionnels de Mme White s'établissaient à 746614 BFR (données globales) ou 760260 BFR (données analytiques), alors que le plafond était de 729528 BFR; pour l'aimée 1983, ces chiffres étaient respectivement de 807332 BFR, 818876 BFR et 780606 BFR; pour l'année 1984 de 942978 BFR (données globales et analytiques) et 835454 BFR (plafond).

    21

    II y a donc lieu d'en déduire que, contrairement à ce que soutient le requérant et quelle que soit la méthode de calcul utilisée, les revenus professionnels de son épouse, au titre des années 1982, 1983 et 1984, ont dépassé les plafonds respectifs, lesquels ne font l'objet d'aucune contestation entre les parties.

    b) En ce qui concerne l'existence d'un indu au titre de l'année 1985

    22

    Le requérant soutient que les revenus de son épouse, en 1985, n'ont dépassé le plafond que d'une somme très faible, inférieure à 10000 BFR, et qu'il appartenait donc à l'administration, dans une telle hypothèse et au regard de la finalité de la réglementation de l'allocation de foyer, de prendre une décision spéciale d'octroi de ladite allocation, telle que prévue à l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut.

    23

    Selon la Commission, qui reprend, à cet égard, l'ensemble de ses arguments avancés pour justifier l'exactitude des calculs effectués au titre des années 1982, 1983 et 1984, le montant des revenus professionnels de l'épouse du requérant aurait dépassé de manière très significative le plafond, au titre de l'année 1985. Dès lors, l'adoption d'une décision spéciale aurait été dépourvue de fondement. La Commission ajoute que le requérant semble vouloir nier l'évidence, puisque, dès le 1er février 1984, l'épouse du requérant a été promue au grade C 3, échelon 3, et que, par suite, à partir de cette date, les revenus professionnels de cette dernière ont nécessairement dépassé le plafond, sans même qu'un calcul ou qu'une comparaison soit nécessaire.

    24

    Le Tribunal constate qu'il ressort des pièces versées au dossier et, notamment, de celles versées par la Commission, en réponse aux demandes de production de documents que lui a adressées le Tribunal, que la fiche de calcul concernant la situation de Mme White au titre de l'année 1985, telle que distribuée aux parties et non contestée par ces dernières, lors de la procédure orale, fait apparaître un total de revenus professionnels s'élevant à 999683 BFR, alors que le plafond était, pour la même année, de 890052 BFR. C'est donc à juste titre que, compte tenu de l'importance de ce dépassement, de l'ordre de 110000 BFR, la Commission a estimé ne pas devoir adopter une décision spéciale, telle que prévue à l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut. En outre, il est clair, comme le souligne la Commission, que, compte tenu de sa promotion au grade C 3, échelon 3, à la date du 1er février 1984, l'épouse du requérant, bénéficiaire de l'indemnité de dépaysement et de l'indemnité de secrétariat, a nécessairement perçu, au titre de l'année 1985, une somme supérieure à celle du traitement de base annuel d'un fonctionnaire classé au grade C 3, échelon 3.

    25

    Dans ces conditions, l'argumentation du requérant relative à l'inexistence d'un indu, au titre de l'année 1985, ne peut qu'être rejetée.

    c) En ce qui concerne l'existence d'un indu au titre des années 1986 à 1992

    26

    Au cours de la procédure orale, le requérant a expressément admis qu'il ne conteste pas le caractère indu des versements effectués, au titre de l'allocation de foyer, entre 1986 et 1992. Toutefois, dans ses productions écrites, il a soutenu que l'inexistence d'un indu au titre des années 1982 à 1985 devait entraîner l'annulation de l'ensemble des décisions attaquées.

    27

    Le Tribunal, prenant acte des déclarations du requérant, constate, en outre, qu'il ressort des pièces du dossier que, du 1er janvier 1986 au 1er mars 1992, l'allocation de foyer dont a bénéficié le requérant a été, de toute façon, indûment versée. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit précédemment en ce qui concerne l'existence d'un indu, au titre de la période allant du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1985, l'argument du requérant sur le caractère indivisible des décisions attaquées est, en tout état de cause, inopérant.

    28

    Il résulte de ce qui précède que les sommes perçues par le requérant au titre de l'allocation de foyer, du 1er janvier 1982 au 1er mars 1992, ont été indûment versées et que, par suite, le premier moyen doit être rejeté.

    2. Sur le second moyen, tiré d'une application erronée de l'article 85 du statut ainsi que de la violation des principes généraux du droit, «tels ceux de confiance légitime, d'excès de pouvoir et de délai raisonnable»

    29

    A l'appui de ce moyen, le requérant a développé les trois arguments suivants:

    l'absence d'évidence de l'irrégularité des versements litigieux et la diligence normale caractérisant son comportement;

    l'absence de gestion normalement diligente de la part de l'administration et la faute commise par cette dernière;

    la bonne foi du requérant.

    a) En ce qui concerne l'absence d'évidence de l'irrégularité des versements litigieux et la diligence normale caractérisant le comportement du requérant

    30

    L'argumentation du requérant peut être brièvement résumée comme suit:

    la Commission n'ayant ni rapporté la preuve, ni même soutenu que le requérant avait connaissance du caractère irrégulier des versements litigieux, il appartient à celle-ci de justifier du caractère évident de l'irrégularité desdits versements, au regard du critère de la diligence normale;

    cette notion de diligence normale est subjective et varie selon les fonctions exercées par le fonctionnaire concerné, son grade, sa culture, ce qu'il est normalement en droit d'attendre de son administration et le climat de confiance créé par l'institution;

    en l'espèce, l'administration, étant à la source des deux rémunérations versées au requérant et à son épouse, devait nécessairement savoir que la rémunération de cette dernière avait, à un moment déterminé, dépassé le plafond; dès lors, le requérant n'avait aucune raison de s'interroger sur la régularité des versements litigieux, alors surtout que, pendant la période concernée, la situation de son épouse n'avait pas connu de modification notable;

    la Commission avait la possibilité, voire le devoir, de s'apercevoir que l'allocation de foyer n'était plus due à partir d'une certaine date et ce serait la réaction d'un fonctionnaire normalement diligent que de faire confiance à son administration, dès lors que celle-ci dispose, à la source, de l'ensemble des renseignements utiles pour procéder au contrôle;

    le comportement du requérant aurait été d'autant plus diligent que ce n'est qu'en 1991 que, dans un bulletin d'Informations administratives, l'administration a attiré l'attention des fonctionnaires communautaires, dont le conjoint est également aux services des Communautés, sur la nécessité de vérifier également le salaire de leur conjoint, en vue de s'assurer de leur droit à l'allocation de foyer;

    le requérant insiste sur la complexité des calculs à opérer en matière d'allocation de foyer, en soutenant, à cet égard, que les critères retenus par la Commission, pour déterminer les revenus professionnels et les plafonds, sont délicats et mal connus, notamment quant à la nature et à la qualification de certaines indemnités;

    en conclusion, le requérant soutient avoir eu un comportement normalement diligent, dès lors qu'il n'avait aucune raison de s'interroger sur la régularité du versement de l'allocation de foyer qu'il percevait depuis 14 ans. L'article 85 du statut ferait de la non-répétition la règle et de la répétition l'exception et cette disposition ne dispenserait pas la Commission de respecter les principes de bonne administration et de confiance légitime.

    31

    L'argumentation en défense de la Commission peut être brièvement résumée comme suit:

    l'expression «si évidente», caractérisant l'irrégularité des versements, qui figure à l'article 85 du statut, ne signifie pas que le fonctionnaire, bénéficiant de paiements indus, est dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, mais, au contraire, que la restitution est due dès lors qu'il s'agit d'une erreur qui n'échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent et qui est censé connaître les règles régissant son traitement, ce qui serait le cas du requérant, compte tenu notamment des fonctions qu'il a exercées;

    lors de l'octroi initial de l'allocation de foyer au requérant, la Commission lui a rappelé, dans sa lettre du 27 avril 1979, qu'il était tenu d'informer, sans délai et par écrit, les services administratifs compétents de toute augmentation de la rémunération de son conjoint. Dès lors, le requérant ne pouvait ignorer qu'il était seul responsable de la vérification des montants des revenus professionnels de son épouse, par rapport aux plafonds respectivement en vigueur;

    compte tenu des informations claires que la Commission a régulièrement adressées au requérant, l'expression même de la diligence normale, voire élémentaire, incombant au requérant, impliquait qu'il lise les lettres et les informations administratives qui lui étaient adressées par son employeur et qu'il en tienne compte;

    le requérant a bien eu connaissance des promotions et changements d'échelon successifs de son épouse, lesquels ont nécessairement eu pour effet de créer, dans son esprit, une perception de plus en plus manifeste du dépassement du plafond;

    l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, dans son libellé comme dans son esprit, ne permet pas de distinguer entre l'activité professionnelle du conjoint exercée en qualité de fonctionnaire des Communautés ou exercée en dehors des Communautés. Dès lors, l'information communiquée dans les Informations administratives de 1991 ne constituait que le rappel d'une évidence, dont le requérant n'aurait d'ailleurs tenu aucun compte;

    enfin, les calculs à opérer ne présenteraient aucune complexité, qu'il s'agisse de la détermination des revenus professionnels ou de celle des plafonds. En effet, les revenus professionnels étaient nécessairement connus et les plafonds étaient communiqués annuellement, aussi bien au requérant qu'à son épouse, dans les Informations administratives. Ijs. requérant était, dès lors, dispensé de tout calcul complexe et la comparaison entre les revenus professionnels de son épouse et les plafonds était d'une extrême simplicité.

    32

    Le Tribunal rappelle que, ainsi que l'a jugé la Cour dans son arrêt du 11 octobre 1979, Berghmans/Commission (142/78, Rec. p. 3125), il résulte de l'article 85 du statut que, «pour qu'une somme versée sans justification puisse être répétée, il est nécessaire d'administrer la preuve que les bénéficiaires avaient une connaissance effective du caractère irrégulier du paiement, ou que l'irrégularité du versement était si évidente que le bénéficiaire ne pouvait manquer d'en avoir connaissance». La Cour a précisé, dans son arrêt du 27 juin 1973, Kuhl/Conseil (71/72, Rec. p. 705), que «dans la deuxième hypothèse visée à l'article 85, si les bénéficiaires contestent avoir eu connaissance de l'irrégularité du versement, il y a lieu d'examiner les circonstances dans lesquelles le versement a été effectué, afin d'établir si l'irrégularité du versement devait apparaître avec évidence».

    33

    La Commission n'ayant ni rapporté la preuve, ni même expressément soutenu que le requérant avait connaissance de l'irrégularité du versement en cause, il convient d'examiner si, en l'espèce, l'irrégularité du versement était si évidente que l'intéressé ne pouvait manquer d'en avoir connaissance. A cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l'a jugé dans son arrêt du 17 janvier 1989, Stempels/Commission(310/87, Rec. p. 43), «l'expression'si évidente', caractérisant l'irrégularité du versement, qui figure à l'article 85 du statut, ne signifie pas que le fonctionnaire bénéficiant de paiements indus est dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, mais signifie que restitution est due, dès qu'il s'agit d'une erreur qui n'échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent qui est censé connaître les règles régissant son traitement».

    34

    Le Tribunal estime que, pour apprécier le caractère d'évidence de l'irrégularité des versements litigieux, il y a lieu d'examiner, successivement, la période allant du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1983, puis celle du 1er janvier 1984 au 1er mars 1992.

    35

    Pour les années 1982 et 1983, il convient de considérer que l'exigence d'évidence caractérisant l'irrégularité du versement, telle que rappelée plus haut, n'est pas satisfaite pour les raisons suivantes:

    en premier lieu, il ressort des fiches de calcul des revenus professionnels de Mme White, établies par le Tribunal et non contestées par les parties lors de la procédure orale, que le dépassement des plafonds est très limité au titre de ces deux années: pour l'aimée 1982, selon que l'on se réfère aux données globales ou aux données analytiques, il n'est que de l'ordre de 16000 BFR ou 30000 BFR et, pour l'année 1983, ces chiffres s'établissent respectivement à environ 27000 BFR ou 38000 BFR;

    en deuxième lieu, il convient de relever les discordances existant entre les données chiffrées successivement produites par la Commission en ce qui concerne les revenus professionnels de l'épouse du requérant, alors que les décisions attaquées ne précisent en rien, année par année, le montant des revenus professionnels, le plafond et, par voie de conséquence, le dépassement reproché: c'est ainsi qu'au titre de l'année 1982 la Commission a soutenu, dans son mémoire en défense, que les revenus professionnels de M(tm) White s'établissaient à 764822 BFR, puis, dans les documents qu'elle a produits le 28 octobre 1993, à 746614 BFR, à partir des données globales, et à 760260 BFR, à partir des données analytiques; au titre de l'année 1983, ces chiffres s'établissent respectivement à 834637 BFR, 807332 BFR et 818876 BFR;

    en troisième lieu, il importe de relever les discordances entre les chiffres fournis par la Commission en ce qui concerne la détermination des plafonds au titre de ces deux années: pour l'année 1982, la Commission a affirmé, dans son mémoire en défense, que le plafond s'établissait à 724908 BFR, avant d'affirmer, dans ses productions du 28 octobre 1993, qu'il s'établissait à 729528 BFR (moyenne des deux semestres), alors que, dans les Informations administratives communiquées au personnel, les plafonds avaient été fixés, en mars 1982, à 687684 BFR et, en septembre 1982, à 713815 BFR; au titre de l'année 1983, ces chiffres s'établissent respectivement à 780238 BFR et à 780606 BFR et la Commission n'a pas été en mesure de produire les Informations administratives communiquées au personnel au titre de l'année 1983;

    en quatrième lieu, il convient de relever qu'il ressort des débats menés lors de la procédure orale que les variations entre les chiffres, avancés par la Commission, représentant les revenus professionnels de Mme White et les plafonds, s'expliquent par le fait que certains de ces chiffres ont été calculés, par la Commission, en prenant en compte rétroactivement l'incidence de l'évolution des coefficients correcteurs affectant la rémunération des fonctionnaires;

    en cinquième lieu, il importe de noter que l'affirmation de la Commission, lors de la procédure orale, selon laquelle la décision attaquée du 1er avril 1992 aurait été arrêtée sur la base des chiffres produits au Tribunal le 28 octobre 1993, ne saurait être retenue, dès lors qu'elle est directement contredite par les dires mêmes de la défenderesse, qui a affirmé, aussi bien par écrit, en introduction à ses productions du 28 octobre 1993, qu'oralement, lors de l'audience, que le dossier statistique produit devant le Tribunal a été établi à l'intention de ce dernier, dans les jours mêmes précédant la procédure orale. Il est dès lors impossible, pour le Tribunal, et il en était de même, à fortiori, pour le requérant, au cours des années 1982 et 1983, de connaître avec précision les montants des revenus professionnels et des plafonds en cause;

    en sixième lieu, la Commission, non seulement a expressément admis que, pour les années 1982 et 1983, les revenus annuels de Mme White ont fait l'objet d'un calcul global par année, dès lors que l'ordinateur du service compétent ne stocke les données que pendant une période de dix années (annexe 1 aux productions de la Commission du 28 octobre 1993), mais a également fait valoir que, «suite à des réadaptations intervenues dans le coefficient correcteur ..., des réajustements correspondants dans le montant des composantes de la rémunération perçue par Mme White ... ont dû être effectués... Ces ajustements, effectués à posteriori, ainsi que leur montant, ressortent non des fiches mensuelles de rémunération, mais des copies des 'microfiches-historique de rémunération'» (lettre introductive aux productions du 27 octobre 1993);

    en septième lieu, la Commission a admis expressément, lors de la procédure orale, le caractère quelque peu approximatif des différentes séries de chiffres par elle produites.

    36

    II résulte de ce qui précède que, eu égard au caractère très limité du dépassement des plafonds, au titre des années 1982 et 1983, allégué par la Commission, aux discordances sensibles existant entre les différentes séries de chiffres successivement produites par la Commission, tant en ce qui concerne les revenus professionnels de Mme White qu'en ce qui concerne les plafonds, il y a lieu d'estimer que, pour les années 1982 et 1983, le versement de l'allocation de foyer, d'un montant d'ailleurs minime, ne présentait pas un caractère d'irrégularité évidente. L'erreur ainsi commise par le requérant a pu, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, échapper à un fonctionnaire normalement diligent, même s'il est regrettable que le requérant n'ait pas respecté les instructions qui lui avaient été données par la Commission dans sa décision du 27 avril 1979 (voir point 3, ci-dessus). Il s'ensuit que, pour la période allant du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1983, l'argument présenté par le requérant doit être considéré comme fondé.

    37

    En ce qui concerne la période allant du 1er janvier 1984 au 1er mars 1992, le Tribunal estime que l'erreur commise par l'administration ne pouvait pas échapper à l'attention d'un fonctionnaire normalement diligent, censé connaître les règles régissant son traitement, pour les raisons suivantes:

    en premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche de calcul établi par le Tribunal, qui n'a pas été contestée par le requérant, que, pour l'année 1984, les revenus professionnels de son épouse ont dépassé le plafond de près de 110000 BFR, ce dépassement excédant la somme de 320000 BFR en 1991; par suite, la perception du dépassement du plafond ne pouvait que croître dans l'esprit du requérant, au fil des promotions successives de son épouse, dont il est constant qu'il avait connaissance; dès lors, l'importance de ces dépassements ne pouvait échapper à un fonctionnaire normalement diligent.

    en second lieu, il devait être évident, pour le requérant, à la date du 1er février 1984, à laquelle son épouse a été promue au grade C 3, échelon 3, que les revenus professionnels de cette dernière, comprenant son traitement de base annuel, l'indemnité de dépaysement et l'indemnité de secrétariat, dépasseraient nécessairement, pour l'ensemble de l'année 1984 et pour les années suivantes, le plafond annuel, au sens de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, c'est-à-dire le traitement de base annuel d'un fonctionnaire de grade C 3, échelon 3.

    38

    S'agissant de l'argument du requérant tiré de ce que la Commission avait la possibilité, sinon le devoir de s'apercevoir que l'allocation de foyer n'était plus due à partir d'une certaine date, il convient de rappeler que, dans son arrêt du 11 juillet 1979, Broe/Commission (252/78, Rec. p. 2393), la Cour a jugé, à propos de l'interprétation de l'article 85 du statut, qu'«il ne s'agit pas de savoir si l'erreur était ou non évidente pour l'administration, mais si elle l'était pour le requérant et la situation dans laquelle se trouve une administration chargée d'assurer le paiement de milliers de traitements et allocations de tout genre ne saurait être comparée à celle du fonctionnaire qui a un intérêt personnel à vérifier les paiements qui lui sont mensuellement versés».

    39

    Ainsi, en l'espèce, même s'il est regrettable qu'il ait fallu un long délai à la Commission pour se rendre compte de l'irrégularité du versement de l'allocation de foyer, il n'en demeure pas moins que le requérant, bénéficiaire de l'allocation en cause, loin d'être dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, a commis une erreur qui ne pouvait échapper à un fonctionnaire normalement diligent. En effet, au vu des informations publiées par la Commission, de façon régulière, dans le bulletin d'Informations administratives, dont le requérant n'a pas contesté avoir eu connaissance, il apparaît que ce dernier, en possession de toutes les données utiles, c'est-à-dire les revenus professionnels de son épouse et les plafonds annuels, ne s'est pas comporté de façon normalement diligente.

    40

    S'agissant de l'argument tiré de ce que le requérant n'avait aucune raison de s'interroger sur la régularité des versements litigieux, au motif que la situation de son épouse n'aurait pas connu de modification notable durant la période en cause, le Tribunal relève qu'il est établi, au contraire, que, précisément, pendant cette période, son épouse a bénéficié de plusieurs avancements en grade ou en échelon, lesquels ont eu nécessairement pour effet de provoquer un dépassement manifeste du plafond par ses revenus professionnels (voir, ci-dessus, point 2).

    41

    Pour ce qui est de l'argument du requérant, tiré de ce que la Commission, dans un bulletin d'Informations administratives de 1991, aurait attiré, pour la première fois, l'attention des fonctionnaires communautaires dont le conjoint est également au service des Communautés, sur la nécessité de vérifier également le salaire de leur conjoint, en vue de s'assurer de leur droit à l'allocation de foyer, il y a lieu d'estimer qu'il s'agissait là d'une information d'évidence et que rien, dans la lettre ou dans l'esprit de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII au statut, ne permet de distinguer entre une activité professionnelle du conjoint exercée en qualité de fonctionnaire des Communautés et une activité professionnelle exercée en dehors des Communautés.

    42

    Enfin, s'agissant de l'argument du requérant, tiré de la complexité des calculs à opérer, pour déterminer les revenus professionnels de son épouse, au sens de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, le Tribunal estime que c'est à juste titre que la Commission soutient qu'il suffisait d'additionner les différentes composantes de la rémunération de Mme White, c'est-à-dire son traitement de base et les indemnités de dépaysement et de secrétariat qu'elle percevait, d'en déduire les charges sociales et de ne pas tenir compte de l'incidence de l'impôt. D'ailleurs, il est clair qu'à partir du début de l'année 1984, si le requérant avait réellement pu éprouver un doute sur cette question, il lui appartenait de saisir de ce problème les services compétents de la Commission, ainsi d'ailleurs que la Cour l'a jugé dans son arrêt Broe/Commission, précité.

    43

    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, au titre de la période allant du 1er janvier 1984 au 1er mars 1992, et sans même qu'il soit besoin d'examiner si, comme le soutient la Commission, les fonctions jusque-là exercées par le requérant lui conféraient une compétence particulière en matière de gestion de la fonction publique communautaire (voir, à cet égard, les arrêts du Tribunal du 12 juillet 1990, Scheiber/Conseil, T-111/89, Rec. p. II-429, et du 28 février 1991, Kormeier/Commission, T-124/89, Rec. p. II-125), l'argumentation du requérant, relative à l'absence d'évidence de l'irrégularité des versements litigieux et à la diligence normale du comportement du fonctionnaire, ne saurait être accueillie.

    b) En ce qui concerne l'absence de gestion normalement diligente de la part de l'administration et la faute prétendument commise par cette dernière

    44

    Le requérant fait valoir que ce n'est qu'en 1992 que la Commission lui a fait savoir que, depuis onze années, c'est à tort que l'allocation de foyer lui avait été allouée. Une telle circonstance enlèverait nécessairement tout caractère d'évidence à l'erreur, par lui commise, car il ne serait pas concevable que, dans le cadre d'une bonne gestion normale, l'administration commette une erreur pendant onze années, si l'erreur était à ce point évidente à déceler et à corriger. L'absence de gestion normalement diligente serait donc le fait de l'administration et non le sien. Or, l'administration serait tenue de se comporter d'une façon telle qu'elle ne puisse affecter, de manière déraisonnable et injustifiée, la situation d'un fonctionnaire, ce qui renforcerait le droit de ce dernier de se prévaloir du principe de confiance légitime et du principe général du droit au délai raisonnable. Ces principes interdiraient à l'administration, d'une part, de mettre autant de temps pour déceler une erreur de ses propres services et, d'autre part, de réclamer, pour une période aussi longue, des sommes depuis longtemps dépensées. Lors de la procédure orale, le requérant a précisé qu'il n'invoquait nullement la notion de délai de prescription ou de forclusion en matière de droit à répétition de l'indu, dès lors que ces délais doivent être prévus par des textes, mais qu'il se prévalait d'un délai de déchéance ou du principe du délai raisonnable.

    45

    La Commission rétorque que le requérant, par son argumentation, invoque, en réalité, une forclusion en matière de répétition de l'indu. Or, selon elle, l'article 85 du statut ne fixe pas de terme pour la répétition de l'indu et, en l'espèce, le laps de temps écoulé entre le 1er janvier 1982 et le 1er avril 1992 ne serait pas démesuré au point d'affecter la validité de la décision attaquée. Par ailleurs, le requérant ne saurait invoquer la longueur de ce délai, dès lors que lui-même, pendant cette période, n'aurait jamais satisfait à l'obligation d'information qui lui avait été précisée par la lettre, précitée, du 27 avril 1979. En outre, et même après la publication des Informations administratives de 1991, le requérant se serait abstenu d'informer la Commission de l'augmentation des revenus de son épouse, alors qu'il connaissait, ou qu'il aurait dû connaître, l'erreur commise pendant toute la période en cause. Dans de telles circonstances, selon la Commission, il ne saurait y avoir forclusion du droit au remboursement, alors surtout que le caractère indu du versement de l'allocation de foyer serait devenu, pour le requérant, au fil des années, de plus en plus manifeste, au fur et à mesure qu'augmentaient les revenus de son épouse.

    46

    Le Tribunal rappelle que, dans son arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission (48/69, Rec. p. 619), la Cour a jugé qu'un délai de prescription doit être fixé d'avance et que la fixation de ce délai et de ses modalités d'application relèvent de la compétence du législateur communautaire. En outre, dans son arrêt du 18 mars 1975, Acton e.a./Commission (44/74, 46/74 et 49/74, Rec. p. 383), la Cour a jugé que l'article 85 «ne fixant pas de terme pour la répétition de l'indu, le laps de temps qui s'est écoulé entre la grève et les opérations de retenues n'est pas démesuré au point d'affecter la validité des décisions litigieuses». Enfin, dans son arrêt du 13 mars 1990, Costacurta/Commission (T-34/89 et T-67/89, Rec. p. II-93), le Tribunal s'est également référé, en matière de répétition de l'indu, à la notion de délai raisonnable, aux fins de rejeter le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

    47

    Il y a lieu d'estimer, en l'absence d'un texte fixant un délai de prescription ou de forclusion en matière de répétition de l'indu, que la notion de délai raisonnable, telle que dégagée dans la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, doit s'apprécier en fonction des circonstances propres à chaque espèce, notamment au regard du degré d'évidence de l'irrégularité des versements litigieux et du caractère occasionnel ou continu des versements indus. Ainsi, le temps n'intervient que comme un élément d'appréciation du bien-fondé de l'exercice du droit à répétition, compte tenu, notamment, d'une part, de l'évidence de l'irrégularité commise par l'administration et, d'autre part, de l'ensemble des circonstances qui peuvent être prises en compte par le juge, telles que le montant des sommes exigées, le comportement fautif de l'administration, la bonne foi du fonctionnaire et la diligence normale que l'on peut attendre de lui, compte tenu de sa formation, de son grade et de son expérience professionnelle.

    48

    En l'espèce, le Tribunal estime que le délai qui s'est écoulé entre le 1er janvier 1984 et le 1er mars 1992, bien que très important, n'est pas démesuré au point d'affecter l'exercice même du droit à répétition de l'indu, pour les raisons suivantes qui révèlent un comportement particulièrement négligent de la part du requérant:

    en premier lieu, et ainsi qu'il a déjà été dit (voir, ci-dessus, point 37), la perception du caractère évident de l'irrégularité des versements litigieux aurait dû être absolument manifeste pour le requérant, depuis le 1er février 1984, date à laquelle son épouse a été promue au grade C 3, échelon 3, et où, par voie de conséquence, ses revenus professionnels dépassaient nécessairement le plafond;

    en deuxième lieu, parce que la décision du 27 avril 1979, octroyant au requérant le bénéfice de l'allocation de foyer, telle que visée plus haut (voir, ci-dessus, point 3), précisait expressément au requérant, d'une part, que cette allocation lui était accordée au motif que les revenus professionnels de son conjoint étaient inférieurs à une certaine somme et, d'autre part, qu'il était tenu d'informer, sans délai et par écrit, les services administratifs compétents de toute augmentation de la rémunération de son conjoint. Or, il résulte des pièces du dossier, et il n'a d'ailleurs pas été contesté par le requérant, que ce dernier, malgré les différentes promotions successives de son conjoint, en grade ou en échelon, n'a jamais respecté ces instructions. Le requérant a d'ailleurs admis, lors de la procédure orale, qu'il avait tout simplement oublié l'existence même de cette lettre;

    en troisième lieu, il n'est pas contesté que le requérant a reçu, chaque année, communication, par le bulletin des Informations administratives, des plafonds à ne pas dépasser, avec référence aux dispositions statutaires applicables, et que, parallèlement, il disposait d'une connaissance exacte des revenus perçus par son épouse; par suite, l'irrégularité des versements litigieux était particulièrement manifeste, au prix d'une comparaison élémentaire;

    enfin, le Tribunal relève que, dans l'hypothèse de l'espèce, il s'agit d'un indu continu et non pas occasionnel qui porte sur l'ensemble de la période allant du 1er janvier 1984 au 1er mars 1992. Même si l'administration a certainement beaucoup trop tardé avant de déceler son erreur, le comportement du requérant, qui, par son inaction, a laissé perdurer une telle situation, à l'évidence irrégulière, et dont il était de plus en plus manifeste qu'elle devenait irrégulière au fil du temps, revêt encore un caractère plus grave, alors que, comme il a été dit plus haut (voir, ci-dessus, point 38), la situation individuelle d'un fonctionnaire ne saurait être comparée à celle de la Commission, qui doit, pour sa part, gérer plusieurs milliers de dossiers de fonctionnaires.

    49

    Il résulte de ce qui précède que l'argumentation du requérant, tirée de l'absence d'une gestion normalement diligente de la part de l'administration et d'une faute prétendument commise par cette dernière, ne saurait être retenue.

    c) En ce qui concerne la bonne foi du requérant

    50

    Le Tribunal estime qu'il y a lieu de rappeler que, dans son arrêt du 30 mai 1973, Meganck/Commission (36/72, Rec. p. 527), la Cour a jugé qu'«un fonctionnaire qui, pour avoir tardé à signaler à son administration un changement intervenu dans sa situation familiale, s'est placé, par son propre comportement, dans une situation irrégulière, ne saurait invoquer sa bonne foi en vue d'être libéré de l'obligation de restituer une allocation qu'il a indûment continué à percevoir» (voir également, l'arrêt du Tribunal Costacurta/Commission, précité).

    51

    En l'espèce, le Tribunal estime que la bonne foi du requérant ne saurait être admise. En effet, il convient de relever qu'il a déjà été répondu, ci-dessus, aux différents arguments avancés par le requérant pour étayer sa bonne foi, à savoir la portée et la finalité de l'article 85 du statut (voir, ci-dessus, points 32 et 33), l'importance du délai qu'il a fallu à la Commission pour déceler son erreur (voir, ci-dessus, points 38 et 39), la prétendue complexité des calculs à opérer (voir, ci-dessus, points 19 et 42) et l'incidence du bulletin d'Informations administratives de 1991 (voir, ci-dessus, point 41). Enfin, s'agissant de la circonstance, alléguée par le requérant, selon laquelle il aurait fait preuve, antérieurement, de bonne foi à deux reprises, il y a lieu de considérer qu'elle n'est pas de nature à établir sa bonne foi en l'espèce, dans le cadre du présent litige.

    52

    Il ressort de ce qui précède que l'argument tiré de la bonne foi du requérant ne peut qu'être écarté.

    53

    II résulte de l'examen du second moyen invoqué à l'appui des conclusions principales du recours que la décision attaquée du 1er avril 1992 doit être annulée, en tant qu'elle exige la répétition des sommes indûment versées au titre de l'allocation de foyer, pour la période allant du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1983. Par voie de conséquence, la décision de la Commission du 16 juin 1992, arrêtant le montant de l'indu et les modalités de son remboursement, doit, elle aussi, être annulée. Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal ne pourra statuer sur le surplus des conclusions principales de la requête qu'après avoir examiné les conclusions présentées à titre subsidiaire.

    II — Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire et tendant, d'une part, à l'annulation des décisions attaquées en tant qu'elles concernent la période antérieure au 1er mai 1991 et, d'autre part, à la condamnation de la Commission à restituer au requérant les sommes d'ores et déjà déduites de ses rémunérations, majorées des intérêts moratoires

    54

    Le requérant soutient que, du fait que ce n'est que le 29 avril 1991 que la Commission, par le biais des Informations administratives, a précisé à ses fonctionnaires que ceux d'entre eux qui perçoivent une allocation de foyer et dont le conjoint est également au service des Communautés européennes sont également tenus d'opérer la vérification des revenus de celui-ci, aux fins de déterminer leur droit à l'allocation de foyer, une telle obligation de vérification n'incombait pas, jusqu'à cette date, aux fonctionnaires mais à l'administration elle-même, qui disposait de tous les renseignements utiles à cet effet. Dès lors, le requérant soutient qu'aucune somme ne peut lui être réclamée au titre de la période antérieure au 29 avril 1991, sous peine de méconnaître le principe de confiance légitime.

    55

    Selon la Commission, ni le libellé ni l'esprit de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut ne permettent de distinguer entre une activité professionnelle exercée en qualité de fonctionnaire communautaire et une activité professionnelle exercée en dehors des Communautés. En réalité, dans le bulletin en cause d'Informations administratives de 1991, la Commission n'a fait que rappeler, aux fonctionnaires communautaires, une information d'évidence et, d'ailleurs, même après la publication de ce bulletin, le requérant n'aurait tenu aucun compte des obligations qui lui incombaient et se serait abstenu de fournir toute information à la Commission.

    56

    Comme le souligne, à juste titre, la Commission et comme il a déjà été dit (voir, ci-dessus, point 41), ni le libellé ni l'esprit de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut ne permettent d'opérer une distinction entre une activité professionnelle exercée en qualité de fonctionnaire communautaire et une activité professionnelle exercée en dehors des Communautés, aux fins de la détermination des droits à l'allocation de foyer. Dans ces conditions, le numéro en cause du bulletin d'Informations administratives, se bornant à rappeler une vérité d'évidence, n'a pu faire naître une quelconque expectative légitime dans le chef de l'intéressé, lequel, par conséquent, n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée du 1er avril 1992 méconnaît le principe de confiance légitime, en tant qu'elle exige la répétition des sommes indûment versées antérieurement à la date du 29 avril 1991.

    57

    Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées à titre subsidiaire doivent être rejetées. Par voie de conséquence, et compte tenu de ce qui a été dit plus haut (voir, ci-dessus, point 53), le surplus des conclusions principales du recours doit également être rejeté. En effet, si la décision attaquée du 1er avril 1992 doit être annulée, en tant qu'elle exige la répétition des sommes indûment versées au titre de l'allocation de foyer, pour la période allant du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1983, et si, par voie de conséquence, la décision de la Commission, en date du 16 juin 1992, doit, elle aussi, être annulée, l'ensemble des conclusions du recours tendant à l'annulation de la décision du 1er avril 1992 doit être rejeté, en tant que cette dernière concerne la période allant du 1er janvier 1984 au 1er mars 1992. Dans ces conditions, il appartiendra à la Commission, en application de l'article 176 du traité CE, de prendre les mesures que comporte l'exécution du présent arrêt et, notamment, en tant que de besoin, d'établir un nouvel échéancier fixant les modalités de remboursement des sommes indûment versées, en tenant compte de l'annulation partielle concernant les années 1982 et 1983. Dès lors, il n'y a pas lieu, pour le Tribunal, de condamner la Commission à restituer au requérant les sommes d'ores et déjà déduites d'office de ses rémunérations mensuelles, puisque ces montants sont largement inférieurs à celui des sommes indûment versées et pour lesquelles l'exigence de répétition de l'indu a été reconnue fondée.

    58

    De l'ensemble de ce qui précède, il résulte que la décision de la Commission du 1er avril 1992 doit être annulée dans la seule mesure où elle exige la répétition des sommes indûment versées au titre de l'allocation de foyer pour la période allant du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1983, que la décision de la Commission du 16 juin 1992 doit être annulée et que le surplus des conclusions du recours doit être rejeté.

    Sur les dépens

    59

    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs ou pour des motifs exceptionnels. Enfin, selon l'article 88 de ce même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

    60

    En l'espèce, chacune des parties a succombé partiellement sur un ou plusieurs chefs de ses conclusions. Compte tenu de l'imprécision de la décision de la Commission du 1er avril 1992, des discordances entre les données chiffrées fournies par cette institution et des responsabilités respectives de chacune des parties dans l'engagement du présent recours, il sera fait une juste appréciation des faits de la cause en condamnant la partie requérante à supporter la moitié de ses propres dépens et la partie défenderesse à supporter ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la partie requérante.

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (troisième chambre)

    déclare et arrête:

     

    1)

    La décision de la Commission, en date du 1er avril 1992, est annulée en tant qu'elle exige la répétition des sommes indûment versées, au titre de l'allocation de foyer, pour la période allant du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1983.

     

    2)

    La décision de la Commission du 16 juin 1992, arrêtant le montant des sommes indûment versées et en fixant les modalités de remboursement, est annulée.

     

    3)

    Le surplus des conclusions du recours est rejeté.

     

    4)

    La partie requérante supportera la moitié de ses propres dépens et la partie défenderesse supportera ses propres dépens, ainsi que la moitié des dépens exposés par la partie requérante.

     

    García-Valdecasas

    Vesterdorf

    Biancarelli

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 février 1994.

    Le greffier

    H. Jung

    Le président

    R. Garcia-Valdecasas


    ( *1 ) Langue de procédure: le français.

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