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Document 62023CJ0036

Arrêt de la Cour (septième chambre) du 25 avril 2024.
L contre Familienkasse Sachsen der Bundesagentur für Arbeit.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Finanzgericht Bremen.
Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale – Règlement (CE) no 883/2004 – Prestations familiales – Article 68 – Règles de priorité en cas de cumul de prestations – Obligation pour l’institution de l’État membre compétent en ordre subsidiaire de transmettre une demande de prestations familiales à l’institution de l’État membre prioritairement compétent – Absence de demande de prestations familiales dans l’État membre de résidence de l’enfant – Recouvrement partiel des prestations familiales versées dans l’État membre d’activité salariée de l’un des parents.
Affaire C-36/23.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:355

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

25 avril 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale – Règlement (CE) no 883/2004 – Prestations familiales – Article 68 – Règles de priorité en cas de cumul de prestations – Obligation pour l’institution de l’État membre compétent en ordre subsidiaire de transmettre une demande de prestations familiales à l’institution de l’État membre prioritairement compétent – Absence de demande de prestations familiales dans l’État membre de résidence de l’enfant – Recouvrement partiel des prestations familiales versées dans l’État membre d’activité salariée de l’un des parents »

Dans l’affaire C‑36/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzgericht Bremen (tribunal des finances de Brême, Allemagne), par décision du 19 janvier 2023, parvenue à la Cour le 25 janvier 2023, dans la procédure

L

contre

Familienkasse Sachsen der Bundesagentur für Arbeit,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de chambre, M. J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : Mme N. Mundhenke, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 novembre 2023,

considérant les observations présentées :

pour la Familienkasse Sachsen der Bundesagentur für Arbeit, par Mme M. Gößling, en qualité d’agent,

pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller, en qualité d’agent,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme L. Fiandaca, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes E. M. M. Besselink et M. K. Bulterman, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par MM. B. Majczyna, J. Lachowicz et Mme A. Siwek-Ślusarek, en qualité d’agents,

pour le gouvernement slovaque, par Mmes E. V. Drugda et S. Ondrášiková, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme F. Clotuche-Duvieusart et M. B.-R. Killmann, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 68 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant L à la Familienkasse Sachsen der Bundesagentur für Arbeit (caisse d’allocations familiales de Saxe de l’Agence fédérale de l’emploi, Allemagne) (ci-après la « caisse d’allocations familiales ») au sujet de la demande, par cette dernière, du remboursement partiel des allocations familiales versées à L.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 1408/71

3

L’article 76 du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1) (ci-après le « règlement no 1408/71 »), prévoyait :

« 1.   Lorsque des prestations familiales sont, au cours de la même période, pour le même membre de la famille et au titre de l’exercice d’une activité professionnelle, prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel les membres de la famille résident, le droit aux prestations familiales dues en vertu de la législation d’un autre État membre, le cas échéant en application des articles 73 ou 74, est suspendu jusqu’à concurrence du montant prévu par la législation du premier État membre.

2.   Si une demande de prestations n’est pas introduite dans l’État membre sur le territoire duquel les membres de la famille résident, l’institution compétente de l’autre État membre peut appliquer les dispositions du paragraphe 1 comme si des prestations étaient octroyées dans le premier État membre. »

Le règlement no 883/2004

4

Le considérant 35 du règlement no 883/2004 énonce :

« En vue d’éviter des cumuls injustifiés de prestations, il convient de prévoir des règles de priorité en cas de cumul de droits à prestations familiales en vertu de la législation de l’État membre compétent et en vertu de la législation de l’État membre de résidence des membres de la famille. »

5

L’article 1er, sous a) à c), de ce règlement contient les définitions suivantes :

« Aux fins du présent règlement :

a)

le terme “activité salariée” désigne une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ;

b)

le terme “activité non salariée” désigne une activité, ou une situation assimilée, qui est considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette activité est exercée ou la situation assimilée se produit ;

c)

le terme “personne assurée” désigne, par rapport aux différentes branches de sécurité sociale visées au titre III, chapitres 1 et 3, toute personne qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État membre compétent en vertu du titre II pour avoir droit aux prestations, compte tenu des dispositions du présent règlement ».

6

L’article 11, paragraphe 3, dudit règlement dispose :

« Sous réserve des articles 12 à 16 :

a)

la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre ;

[...] »

7

Le chapitre 8, consacré aux prestations familiales, du titre III de ce même règlement, intitulé « Dispositions particulières applicables aux différentes catégories de prestations », comporte les articles 67 à 69 de celui-ci.

8

L’article 67 du règlement no 883/2004, intitulé « Membres de la famille résidant dans un autre État membre », prévoit :

« Une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre, comme si ceux-ci résidaient dans le premier État membre. Toutefois, le titulaire d’une pension a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent pour sa pension. »

9

Aux termes de l’article 68 de ce règlement, intitulé « Règles de priorité en cas de cumul » :

« 1.   Si, pour la même période et pour les mêmes membres de la famille, des prestations sont prévues par la législation de plus d’un État membre, les règles de priorité ci-après s’appliquent :

a)

si des prestations sont dues par plus d’un État membre à des titres différents, l’ordre de priorité est le suivant : en premier lieu les droits ouverts au titre d’une activité salariée ou non salariée, deuxièmement les droits ouverts au titre de la perception d’une pension et enfin les droits ouverts au titre de la résidence ;

b)

si des prestations sont dues par plus d’un État membre à un même titre, l’ordre de priorité est établi par référence aux critères subsidiaires suivants :

i)

s’il s’agit de droits ouverts au titre d’une activité salariée ou non salariée : le lieu de résidence des enfants, à condition qu’il y ait une telle activité, et subsidiairement, si nécessaire, le montant le plus élevé de prestations prévu par les législations en présence. Dans ce dernier cas, la charge des prestations sera répartie selon des critères définis dans le règlement d’application ;

[...]

iii)

s’il s’agit de droits ouverts au titre de la résidence : le lieu de résidence des enfants.

2.   En cas de cumul de droits, les prestations familiales sont servies conformément à la législation désignée comme étant prioritaire selon le paragraphe 1. Les droits aux prestations familiales dues en vertu de la ou des autres législations en présence sont suspendus jusqu’à concurrence du montant prévu par la première législation et servis, le cas échéant, sous forme de complément différentiel, pour la partie qui excède ce montant. Toutefois, il n’est pas nécessaire de servir un tel complément différentiel pour les enfants résidant dans un autre État membre, lorsque le droit aux prestations en question se fonde uniquement sur le lieu de résidence.

3.   Si, en vertu de l’article 67, une demande de prestations familiales est introduite auprès de l’institution compétente d’un État membre dont la législation est applicable, mais n’est pas prioritaire selon les paragraphes 1 et 2 du présent article :

a)

cette institution transmet la demande sans délai à l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en priorité, en informe l’intéressé, et, sans préjudice des dispositions du règlement d’application relatives à la liquidation provisoire de prestations, sert, le cas échéant, le complément différentiel visé au paragraphe 2 ;

b)

l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en priorité traite cette demande comme si celle-ci lui avait été soumise directement et la date à laquelle une telle demande a été introduite auprès de la première institution est considérée comme la date d’introduction de la demande auprès de l’institution prioritaire. »

10

L’article 76, paragraphes 4 et 5, dudit règlement se lit comme suit :

« 4.   Les institutions et les personnes couvertes par le présent règlement sont tenues à une obligation mutuelle d’information et de coopération pour assurer la bonne application du présent règlement.

[...]

Les personnes concernées sont tenues d’informer dans les meilleurs délais les institutions de l’État membre compétent et de l’État membre de résidence de tout changement dans leur situation personnelle ou familiale ayant une incidence sur leurs droits aux prestations prévues par le présent règlement.

5.   Le non-respect de l’obligation d’information prévue au paragraphe 4, troisième alinéa, peut faire l’objet de mesures proportionnées conformément au droit national. Toutefois, ces mesures doivent être équivalentes à celles applicables à des situations similaires relevant de l’ordre juridique interne et ne doivent pas dans la pratique rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux intéressés par le présent règlement. »

11

L’article 81 du même règlement prévoit :

« Les demandes, déclarations ou recours qui auraient dû être introduits, en application de la législation d’un État membre, dans un délai déterminé auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction de cet État membre sont recevables s’ils sont introduits dans le même délai auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction correspondante d’un autre État membre. Dans ce cas, l’autorité, l’institution ou la juridiction ainsi saisie transmet sans délai ces demandes, déclarations ou recours à l’autorité, à l’institution ou à la juridiction compétente du premier État membre, soit directement, soit par l’intermédiaire des autorités compétentes des États membres concernés. La date à laquelle ces demandes, déclarations ou recours ont été introduits auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction du second État membre est considérée comme la date d’introduction auprès de l’autorité, de l’institution ou de la juridiction compétente pour en connaître. »

12

L’article 84 du règlement no 883/2004, intitulé « Recouvrement de cotisations et répétition de prestations », est rédigé comme suit :

« 1.   Le couvrement des cotisations dues à une institution d’un État membre ainsi que la répétition de prestations indûment servies par l’institution d’un État membre peuvent être opérés dans un autre État membre, suivant les procédures et avec les garanties et privilèges applicables au recouvrement des cotisations dues à l’institution correspondante de ce dernier État membre ainsi qu’à la répétition de prestations indûment servies par celle-ci.

2.   Les décisions exécutoires des instances judiciaires et des autorités administratives concernant le recouvrement de cotisations, d’intérêts et de tous autres frais ou la répétition de prestations indûment servies en vertu de la législation d’un État membre sont reconnues et mises à exécution à la demande de l’institution compétente dans un autre État membre, dans les limites et selon les procédures prévues par la législation et toutes autres procédures qui sont applicables à des décisions similaires de ce dernier État membre. Ces décisions sont déclarées exécutoires dans cet État membre dans la mesure où la législation et toutes autres procédures dudit État membre l’exigent.

[...] »

Le règlement (CE) no 987/2009

13

L’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1), dispose :

« Les personnes auxquelles s’applique le règlement [no 883/2004] sont tenues de transmettre à l’institution concernée les informations, documents ou pièces justificatives nécessaires à l’établissement de leur situation ou à celle de leur famille, à l’établissement ou au maintien de leurs droits et obligations, ainsi qu’à la détermination de la législation applicable et des obligations qui leur incombent en vertu de celle-ci. »

14

L’article 60 de ce règlement prévoit :

« 1.   La demande d’octroi de prestations familiales est adressée à l’institution compétente. Aux fins de l’application des articles 67 et 68 du règlement [no 883/2004], la situation de l’ensemble de la famille est prise en compte comme si toutes les personnes concernées étaient soumises à la législation de l’État membre concerné et y résidaient, en particulier pour ce qui concerne le droit d’une personne à demander de telles prestations. Lorsqu’une personne pouvant prétendre au bénéfice des prestations n’exerce pas son droit, une demande d’octroi de prestations familiales présentée par l’autre parent, une personne considérée comme telle ou une personne ou l’institution exerçant la tutelle sur l’enfant ou les enfants est prise en compte par l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable.

2.   L’institution saisie d’une demande conformément au paragraphe 1 examine celle-ci sur la base des informations détaillées fournies par le demandeur, compte tenu de l’ensemble des éléments de fait et de droit qui caractérisent la situation de la famille du demandeur.

Si cette institution conclut que sa législation est applicable en priorité conformément à l’article 68, paragraphes 1 et 2, du règlement [no 883/2004], elle sert les prestations familiales selon la législation qu’elle applique.

S’il semble à cette institution qu’il existe une possibilité de droit à un complément différentiel en vertu de la législation d’un autre État membre conformément à l’article 68, paragraphe 2, du règlement [no 883/2004], elle transmet sans délai la demande à l’institution compétente de l’autre État membre et informe l’intéressé ; elle informe en outre l’institution de l’autre État membre de sa décision relative à la demande et du montant des prestations familiales versées.

3.   Lorsque l’institution saisie de la demande conclut que sa législation est applicable, mais n’est pas prioritaire selon l’article 68, paragraphes 1 et 2, du règlement [no 883/2004], elle prend sans délai une décision à titre provisoire sur les règles de priorité applicables et transmet la demande, conformément à l’article 68, paragraphe 3, du règlement [no 883/2004], à l’institution de l’autre État membre ; elle en informe également le demandeur. Ladite institution prend position, dans un délai de deux mois, sur la décision prise à titre provisoire.

Si l’institution à laquelle la demande a été transmise ne prend pas position dans un délai de deux mois suivant la réception de la demande, la décision provisoire visée plus haut s’applique et l’institution verse les prestations prévues au titre de sa législation et informe l’institution à laquelle la demande a été faite du montant des prestations versées.

[...]

5.   L’institution qui a procédé au versement de prestations à titre provisoire pour un montant qui excède celui dont elle a finalement la charge peut s’adresser à l’institution prioritaire pour le recouvrement du trop-perçu selon la procédure prévue à l’article 73 du règlement d’application. »

Le droit allemand

15

L’article 31, troisième phrase, de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« EStG »), prévoit :

« Pendant l’année civile en cours, les allocations familiales sont payées mensuellement sous forme de remboursement de l’impôt. »

16

L’article 32, paragraphes 1 et 3, de l’EStG est rédigé comme suit :

« (1)   Par enfants, on entend

1. les enfants liés au contribuable au premier degré,

[...]

(3)   Un enfant est pris en compte à partir du mois civil au cours duquel il est né vivant et pour chaque mois civil suivant au début duquel il n’a pas atteint l’âge de 18 ans. »

17

L’article 62, paragraphe 1, de l’EStG dispose :

« S’agissant d’enfants au sens de l’article 63, a droit aux allocations familiales en vertu de la présente loi, toute personne :

1.   qui a son domicile ou sa résidence habituelle sur le territoire national ou

2.   qui, n’ayant pas son domicile ou sa résidence habituelle sur le territoire national,

a)

est soumise à une obligation fiscale illimitée au titre de l’impôt sur le revenu en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, ou

b)

est traitée comme étant soumise à une obligation fiscale illimitée au titre de l’impôt sur le revenu en vertu de l’article 1er, paragraphe 3.

[...] »

18

Aux termes de l’article 63, paragraphe 1, de l’EStG :

« 1 Par enfants, on entend

1.   les enfants au sens de l’article 32, paragraphe 1,

[...]

2 L’article 32, paragraphes 3 à 5, s’applique par analogie. […] »

19

L’article 70, paragraphe 2, de l’EStG prévoit :

« 1 Pour autant que des modifications interviennent dans les circonstances pertinentes pour le droit aux allocations familiales, l’octroi des allocations familiales doit être annulé ou modifié avec effet à la date de modification des circonstances. [...] »

20

L’article 37 de l’Abgabenordnung (code des impôts), dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« (1)   Les droits issus de l’assujettissement à l’impôt englobent la perception de l’impôt auprès de l’assujetti, le remboursement de l’impôt, la perception de l’impôt auprès du tiers solidaire, les accessoires de l’impôt, le remboursement prévu au paragraphe 2 ainsi que la restitution de l’impôt prévue dans les lois fiscales spéciales.

(2) 1   Toute personne pour le compte de laquelle a été effectué le paiement ou le remboursement, sans fondement juridique, d’un impôt dû par l’assujetti, d’un remboursement de l’impôt, d’un impôt dû par le tiers solidaire ou d’un accessoire de l’impôt dispose, vis-à-vis du bénéficiaire du paiement, d’un droit au remboursement du montant payé ou remboursé. 2 Il en va de même lorsque le fondement juridique du paiement ou du remboursement disparaît ultérieurement. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

21

Le requérant au principal est un ressortissant polonais qui exerce depuis plusieurs années une activité salariée en Allemagne. Son épouse vit en Pologne avec leur enfant commun, né en 2008.

22

En 2016, le requérant au principal a présenté une demande en vue de l’obtention d’allocations familiales en Allemagne, en attestant de son activité salariée en Allemagne et de l’absence d’activité professionnelle exercée par son épouse en Pologne. La caisse d’allocations familiales a fait droit à cette demande au motif que la législation allemande qui ouvre droit aux allocations familiales est applicable en priorité pour la période d’activité salariée du requérant au principal.

23

En 2019, dans le cadre d’une procédure de contrôle du droit aux allocations familiales, la caisse d’allocations familiales a envoyé au requérant au principal un questionnaire afin de confirmer les données fournies et a sollicité auprès des autorités compétentes polonaises des renseignements sur l’existence d’une éventuelle activité professionnelle de l’épouse du requérant au principal et d’un droit aux prestations familiales polonaises.

24

Lesdites autorités ont répondu que cette dernière exerçait une activité professionnelle depuis l’année 2006 et cotisait au régime de sécurité sociale agricole polonais, mais qu’elle ne percevait pas de prestations familiales polonaises. Si, depuis une modification législative intervenue en Pologne au cours de l’année 2019, il était dorénavant possible de toucher des prestations dites « famille 500+ » sans condition de revenus, l’épouse du requérant au principal aurait toutefois déclaré ne pas souhaiter présenter de demande en ce sens.

25

À la suite de cette réponse, la caisse d’allocations familiales a, en application de l’article 70, paragraphe 2, de l’EStG, annulé, à compter du mois d’octobre 2020, l’octroi des allocations familiales allemandes à concurrence du montant des prestations familiales légalement prévues en Pologne.

26

Par ailleurs, la caisse d’allocations familiales a, par une « demande de décision en matière de compétence », prié les autorités compétentes polonaises d’examiner le droit à des prestations familiales à partir du mois de juillet 2019. Ces autorités ont notamment répondu que l’épouse du requérant au principal n’avait perçu aucune prestation de ce type depuis le 1er juillet 2019 et qu’elle souhaitait ne pas présenter de demande en vue de percevoir de telles prestations.

27

Par décision du 6 janvier 2021, la caisse d’allocations familiales a annulé l’octroi des allocations familiales pour la période allant du mois de juillet 2019 au mois de septembre 2020 à concurrence du montant des prestations familiales légalement prévues en Pologne et a réclamé du requérant au principal le remboursement du trop-perçu des allocations familiales, à savoir le montant de 1674,60 euros correspondant au versement de ces allocations au cours de cette période.

28

À la suite du rejet de sa demande de modification de cette décision, le requérant au principal a introduit un recours devant le Finanzgericht Bremen (tribunal des finances de Brême, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi.

29

À l’appui de son recours, le requérant au principal affirme que son épouse n’exerce pas d’activité professionnelle, la ferme agricole qu’elle a héritée de ses parents n’étant pas exploitée. L’assurance auprès du régime de sécurité sociale agricole polonais, pour laquelle il paie des cotisations, aurait été souscrite en raison de la propriété de cette ferme et ne présupposerait pas l’exercice d’une activité agricole indépendante. En outre, pendant la période mentionnée au point 27 du présent arrêt, son épouse n’aurait ni demandé ni reçu d’allocations familiales en Pologne.

30

La caisse d’allocations familiales soutient, notamment, que l’épouse du requérant au principal a droit à des prestations dites « famille 500+ », dont l’octroi n’est pas, depuis le mois de juillet 2019, subordonné à la perception de revenus. En outre, ainsi qu’il ressort des informations obtenues des autorités compétentes polonaises, ladite épouse doit être considérée comme exerçant une activité professionnelle en Pologne. Il résulterait de l’article 68, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 883/2004 que les prestations familiales sont dues à titre prioritaire dans cet État membre puisque l’enfant du requérant au principal et son épouse y résident.

31

La juridiction de renvoi estime qu’il découle de la jurisprudence de la Cour, portant sur le règlement no 1408/71 qui a été abrogé par le règlement no 883/2004, et en particulier de l’arrêt du 14 octobre 2010, Schwemmer (C‑16/09, EU:C:2010:605), que la suspension d’un droit aux prestations familiales en raison de l’existence d’un tel droit dans un autre État membre n’est envisageable que si les prestations familiales sont effectivement versées par cet autre État membre et que, en l’absence de pareil versement, il est sans incidence que le non-paiement soit uniquement dû au fait qu’une demande en ce sens n’a pas été déposée.

32

Toutefois, la juridiction de renvoi relève que, s’agissant de situations existant sous l’empire du règlement no 883/2004, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) a considéré que, en vertu de la fiction instaurée à l’article 68, paragraphe 3, sous b), et à l’article 81 de ce règlement, la demande de prestations familiales déposée dans l’État membre dont la législation n’est pas applicable en priorité est également considérée comme une demande de prestations familiales déposée, à la même date, dans l’État membre dont la législation est applicable en priorité, ce qui permettrait de considérer que la condition formelle d’ouverture du droit, dans le cadre d’une demande dans ce dernier État, est respectée. Selon le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), tel serait le cas même si le premier État n’a pas connaissance de l’existence d’un élément d’extranéité, faute d’en avoir été informé par le demandeur, et ne transmet donc pas ladite demande au second État membre. Il s’ensuivrait que c’est seulement lorsque, dans l’État membre dont la législation est applicable en priorité, les conditions matérielles d’un droit ne sont pas remplies, notamment en raison du dépassement de la limite d’âge ou des seuils de revenus, que les dispositions de l’article 68 de ce règlement ne s’appliquent pas.

33

La juridiction de renvoi souligne que le règlement no 883/2004 a pour but, comme il ressort de son considérant 35, d’éviter des cumuls injustifiés de prestations en cas de cumul de droits à prestations familiales en vertu des législations de plusieurs États membres, de sorte que les règles de priorité visées à l’article 68 de ce règlement ne doivent, en principe, pas avoir pour effet d’octroyer à l’ayant droit des prestations inférieures à celles qui lui seraient versées si ces règles de priorité n’étaient pas appliquées.

34

S’agissant du paragraphe 3 de l’article 68 dudit règlement, la juridiction de renvoi considère que l’assimilation des demandes, telles que décrites au point 32 du présent arrêt, qui y est prévue et qui tend à simplifier la procédure pour l’ayant droit, n’a pas d’incidence sur le fait que les délais d’introduction des demandes d’octroi de prestations familiales et la possibilité d’un octroi rétroactif de telles prestations demeurent régis par les législations nationales et que, partant, l’introduction d’une telle demande annuelle et préalable est requise en Pologne. En outre, la procédure visée au point a) de ce paragraphe 3 ne concernerait que la situation dans laquelle une décision doit être prise sur une demande d’octroi de prestations familiales qui n’a pas encore été traitée.

35

Toutefois, si tel ne devait pas être le cas et que les règles de priorité prévues à l’article 68, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 devaient s’appliquer dans une situation telle que celle en cause au principal, la juridiction de renvoi se demande s’il convient de déterminer la priorité entre les États membres concernés sur le fondement des conditions d’ouverture des droits prévues par le droit national ou sur celui des critères visés aux articles 11 à 16 de ce règlement. En ce qui concerne cette seconde hypothèse, la juridiction de renvoi se demande s’il doit être présumé qu’une personne exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre, dès lors que les autorités compétentes de cet État membre l’attestent, nonobstant l’affirmation contraire de ladite personne.

36

Dans ces conditions, le Finanzgericht Bremen (tribunal des finances de Brême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 68 du règlement no 883/2004 permet-il que le remboursement partiel d’allocations familiales allemandes soit réclamé a posteriori sur le fondement d’un droit prioritaire dans un autre État membre, même si aucune prestation familiale n’est et n’a été fixée et versée pour l’enfant dans cet autre État membre, avec pour conséquence que le montant qui reste à l’ayant droit en vertu de la législation allemande est, en définitive, inférieur aux allocations familiales allemandes ?

2)

Dans l’hypothèse où la [réponse à la première question est] affirmative[, p]our répondre à la question de savoir pour quels motifs les prestations doivent être octroyées par plusieurs États membres au sens de l’article 68 du règlement no 883/2004 et notamment quels éléments déclenchent l’ouverture des droits devant faire l’objet de la coordination, convient-il de se fonder sur les conditions d’ouverture des droits prévues par les règles nationales ou sur le point de savoir au titre de quel critère les personnes concernées sont soumises à la législation des États membres respectifs en vertu des articles 11 à 16 du règlement no 883/2004 ?

3)

Dans l’hypothèse où l’aspect déterminant résiderait dans le point de savoir au titre de quel critère les personnes concernées sont soumises à la législation des États membres respectifs en vertu des articles 11 à 16 du règlement no 883/2004[, l]’article 68, lu conjointement avec l’article 1er, sous a) et b), et l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’il y a lieu de présumer l’existence d’une activité salariée ou non salariée d’une personne dans un autre État membre ou d’une situation qui, du point de vue du droit de la sécurité sociale, est assimilée à une telle activité, lorsque la caisse de sécurité sociale de l’autre État membre atteste l’existence d’une assurance “en qualité d’agriculteur” et que l’institution compétente pour les prestations familiales dans cet État confirme l’existence d’une activité professionnelle, même si la personne concernée fait valoir que l’assurance est uniquement liée à la propriété de la ferme enregistrée comme surface agricole utile, mais qui n’est, en réalité, pas exploitée ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

37

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 68 du règlement no 883/2004, qui fixe les règles de priorité en cas de cumul de prestations familiales, doit être interprété en ce sens qu’il permet à l’institution d’un État membre dont la législation n’est pas prioritaire selon les critères visés au paragraphe 1 de cet article, de réclamer à la personne intéressée le remboursement partiel de telles prestations versées dans cet État membre, en raison de l’existence d’un droit à ces prestations prévu dans la législation d’un autre État membre applicable en priorité, et ce quand bien même aucune prestation familiale n’a été fixée ni versée dans cet autre État membre.

38

À titre liminaire, il convient de rappeler qu’un travailleur qui, à l’instar du requérant au principal, travaille dans un État membre et dont la famille vit sur le territoire d’un autre État membre, relève du champ d’application de l’article 67 du règlement no 883/2004.

39

L’article 67 du règlement no 883/2004 instaure le principe en vertu duquel une personne peut prétendre aux prestations familiales pour les membres de sa famille qui résident dans un État membre autre que celui qui est compétent pour verser ces prestations, comme si ceux-ci résidaient dans ce dernier État membre. Ainsi, cet article vise à faciliter aux travailleurs migrants la perception des allocations familiales dans l’État membre où ils sont employés, lorsque leur famille ne s’est pas déplacée avec eux (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2019, Moser, C‑32/18, EU:C:2019:752, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).

40

Or, ce principe de l’assimilation n’est pas absolu, en ce sens que lorsque plusieurs droits sont dus en vertu de différentes législations, les règles anti-cumul prévues à l’article 68 du règlement no 883/2004 doivent s’appliquer [voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2022, DN (Recouvrement de prestations familiales), C‑199/21, EU:C:2022:789, point 33 et jurisprudence citée].

41

Ainsi qu’il ressort du considérant 35 du règlement no 883/2004, l’objectif de ces règles consiste à éviter des cumuls injustifiés de prestations en cas de cumul de droits à prestations familiales.

42

Ainsi, le point a) du paragraphe 1 de l’article 68 du règlement no 883/2004 détermine les règles de priorité lorsque des prestations sont dues par plus d’un État membre à des titres différents, tandis que le point b) de ce paragraphe énonce l’ordre de priorité pour des prestations qui sont dues à un même titre. Aux termes du paragraphe 2 de cet article, en cas de cumul de droits, les prestations familiales sont servies selon la législation désignée comme étant prioritaire selon le paragraphe 1 dudit article, les droits aux prestations familiales dues en vertu d’autres législations étant suspendus jusqu’à concurrence du montant prévu par la première législation et servis, le cas échéant, sous forme de complément différentiel, pour la partie qui excède ce montant.

43

S’agissant de l’applicabilité de ces règles de priorité, il convient de rappeler qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que, pour qu’il puisse être considéré qu’une telle situation de cumul se présente dans un cas donné, il ne suffit pas que des prestations soient dues dans l’État membre de résidence de l’enfant concerné et soient, en parallèle, seulement susceptibles d’être versées dans un autre État membre. Il est encore nécessaire que la personne intéressée remplisse toutes les conditions, tant de forme que de fond, imposées par la législation dudit État pour pouvoir exercer ce droit, parmi lesquelles peut figurer, le cas échéant, la condition qu’une demande préalable ait été introduite [voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 2010, Schwemmer, C‑16/09, EU:C:2010:605, points 52 et 53, ainsi que du 13 octobre 2022, DN (Recouvrement de prestations familiales), C‑199/21, EU:C:2022:789, points 34 et 35 ainsi que jurisprudence citée].

44

Cette jurisprudence, qui concerne les règles de priorité qui étaient prévues à l’article 76 du règlement no 1408/71, n’a pas été remise en cause par l’introduction du mécanisme prévu au paragraphe 3 de l’article 68 du règlement no 883/2004.

45

À cet égard, il ressort du point a) du paragraphe 3 de l’article 68 du règlement no 883/2004 que l’institution compétente d’un État membre auprès de laquelle une demande de prestations familiales est introduite mais dont la législation n’est pas applicable prioritairement selon les paragraphes 1 et 2 du même article, transmet cette demande sans délai à l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en priorité, en informe l’intéressé et sert, le cas échéant, le complément différentiel visé au paragraphe 2 de cet article, sans préjudice des dispositions de l’article 60 du règlement no 987/2009 relatives à la liquidation provisoire des prestations.

46

S’agissant de ce dernier article, qui, en raison de son renvoi aux articles 67 et 68 du règlement no 883/2004, doit être examiné par rapport à ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2019, Moser, C‑32/18, EU:C:2019:752, point 34), il y a lieu de constater qu’il dispose, à son paragraphe 3, premier alinéa, que l’institution saisie d’une demande d’octroi de prestations familiales, qui considère que sa législation n’est pas prioritaire, prend une décision à titre provisoire sur les règles de priorité applicables et transmet cette demande à l’institution de l’autre État membre, tout en informant le demandeur de cette transmission. Le second alinéa de ce même paragraphe précise que si l’institution à laquelle ladite demande a été transmise ne prend pas position dans un délai de deux mois suivant la réception de celle-ci, la décision provisoire prise par l’institution saisie en premier s’applique et cette dernière doit verser les prestations prévues au titre de sa législation.

47

Ainsi, il ressort clairement du libellé de l’article 60 du règlement no 987/2009 que l’institution d’un État membre saisie d’une demande d’octroi de prestations familiales, qui estime que sa législation n’est pas prioritaire, est tenue, en cas d’absence de prise de position par l’institution supposée compétente à titre prioritaire, de verser les prestations prévues au titre de cette législation.

48

Par conséquent, dans un tel cas de figure, cette institution ne saurait suspendre le versement desdites prestations familiales à concurrence du montant éventuellement prévu par la législation considérée comme étant prioritaire et les servir sous forme de complément différentiel pour la partie qui excède ce montant.

49

Cette interprétation se trouve d’ailleurs confirmée par l’article 60, paragraphe 5, du règlement no 987/2009 qui prévoit que, lorsqu’une institution a procédé au versement de prestations à titre provisoire pour un montant qui excède celui dont elle a finalement la charge, elle peut s’adresser à l’institution prioritaire pour le recouvrement du trop-perçu.

50

En outre, l’article 68, paragraphe 3, sous b), du règlement no 883/2004 prévoit que l’institution compétente dont la législation est applicable en priorité traite cette demande comme si elle lui avait été soumise directement et la date à laquelle la demande a été introduite auprès de la première institution est considérée comme la date d’introduction de la demande auprès de l’institution prioritaire.

51

Les dispositions de l’article 68, paragraphe 3, du règlement no 883/2004 sont complétées par celles de l’article 81 de ce règlement, en vertu desquelles le dépôt d’une demande auprès d’une autorité, d’une institution ou d’une juridiction d’un État membre autre que l’État membre appelé à servir la prestation a les mêmes effets que si cette demande avait été directement présentée à l’autorité compétente de ce dernier État membre et la date à laquelle cette demande a été introduite dans le premier État membre est considérée comme la date d’introduction auprès de l’autorité, de l’institution ou de la juridiction compétente pour en connaître.

52

Ces dispositions visent à faciliter la circulation des travailleurs migrants, en simplifiant, d’un point de vue administratif, leurs démarches, étant donné la complexité des procédures administratives existant dans les différents États membres, et d’éviter que, pour des raisons de pur formalisme, les intéressés puissent être privés de leurs droits (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2022, Chief Appeals Officer e.a., C‑3/21, EU:C:2022:737, point 26).

53

Ainsi, dans la mesure où une demande introduite par l’intéressé est supposée être transmise de manière automatique à l’autorité compétente de l’État membre dont la législation est applicable en priorité et que, en raison de la fiction que la date d’introduction de la demande auprès d’une autorité compétente est à considérer comme la date d’introduction auprès de l’autorité appelée à en connaître prioritairement, la condition, mentionnée au point 43 du présent arrêt, qu’une demande préalable ait été introduite n’est, en principe, plus requise pour apprécier l’existence d’une situation de cumul de prestations en vue de l’application des règles de priorité.

54

Il n’en demeure pas moins que toutes les autres conditions de forme et de fond imposées par la législation de l’État membre compétent en priorité doivent être respectées, dès lors qu’il y a lieu d’opérer une distinction entre l’introduction d’une demande de prestations familiales et le droit à percevoir de telles prestations [voir, en ce sens, arrêts du 22 octobre 2015, Trapkowski, C‑378/14, EU:C:2015:720, point 46, et du 13 octobre 2022, DN (Recouvrement de prestations familiales), C‑199/21, EU:C:2022:789, point 42].

55

À cet égard, il convient de rappeler que les États membres demeurent compétents pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et qu’il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions d’octroi des prestations de sécurité sociale, le montant et la durée d’octroi de celles-ci, ainsi que les délais pour introduire les demandes en vue de l’obtention de ces prestations (arrêt du 29 septembre 2022, Chief Appeals Officer e.a., C‑3/21, EU:C:2022:737, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

56

En outre, il découle du libellé de l’article 1er, sous a) et b), du règlement no 883/2004, qui définit une activité salariée ou non salariée comme étant une activité ou une situation assimilée considérée comme telle pour l’application de la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel cette activité est exercée ou dans lequel la situation assimilée se produit, que l’appréciation du point de savoir si une personne exerce une telle activité, au sens de l’article 68 de ce règlement, incombe à l’institution compétente de l’État membre dans lequel cette activité est exercée.

57

En effet, étant donné que la décision relative à l’octroi de prestations familiales est subordonnée à l’interprétation et à l’application de la législation de l’État membre concerné, l’institution d’un autre État membre n’est pas en mesure d’apprécier si les conditions en sont toutes remplies. Cette institution doit donc se limiter à constater que l’institution compétente d’un autre État membre soit a effectivement accordé à la personne intéressée des prestations familiales, soit en a refusé l’octroi au bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 3 février 1983, Robards, 149/82, EU:C:1983:26, point 11).

58

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, lors de l’introduction de la demande initiale d’allocations familiales en Allemagne, cet État membre a fait droit à la demande en vertu de sa compétence en tant qu’État membre prioritaire sans déclencher le mécanisme de l’article 60, paragraphe 3, du règlement no 987/2009.

59

Ce n’est que lors d’une vérification ultérieure, en raison d’une modification de la législation applicable en Pologne, que la République fédérale d’Allemagne a considéré que sa législation n’était plus prioritaire, au sens de l’article 68, paragraphes 1 et 2, du règlement no 883/2004, et en a informé tant le bénéficiaire des allocations familiales que l’institution polonaise compétente, cette dernière étant, conformément au mécanisme introduit par l’article 68, paragraphe 3, de ce règlement, appelée à traiter la demande comme si elle lui avait été soumise directement, et ce à la date de son introduction auprès de l’institution allemande compétente.

60

À cet égard, il importe de préciser que la notion de « demande », qui ne saurait être assimilée au fait de percevoir une prestation périodique de la part des autorités d’un État membre, requiert une démarche administrative de la part de la personne intéressée (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2022, Chief Appeals Officer e.a., C‑3/21, EU:C:2022:737, point 31), à l’instar de celle du requérant au principal qui a répondu au questionnaire envoyé dans le cadre d’une procédure de contrôle du droit aux allocations familiales afin de confirmer les données fournies.

61

Dans l’hypothèse où toutes les autres conditions de forme et de fond prévues par la législation polonaise pour l’octroi des allocations familiales sont remplies, la République de Pologne ne saurait soulever des arguments de pur formalisme en relation avec cette demande pour refuser l’octroi des prestations familiales. Il en va d’autant plus ainsi que les raisons pour lesquelles une personne refuse ou n’entend pas introduire une demande formelle n’ont aucune incidence sur la réponse apportée par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Schwemmer, C‑16/09, EU:C:2010:605, point 54).

62

Dans ces conditions, lorsque l’institution polonaise, compétente à titre prioritaire, ne procède pas au versement des prestations familiales en cause au principal et s’abstient de prendre position sur la demande de transmission, l’institution allemande, en tant que première institution saisie, devra certes verser les prestations prévues au titre de sa législation mais pourra réclamer par la suite auprès de l’institution compétente polonaise le remboursement du montant des prestations familiales qui excède celui qui lui incombe en application des dispositions du règlement no 883/2004.

63

Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, conformément aux dispositions de l’article 68, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 et de l’article 60, paragraphes 2 et 3, du règlement no 987/2009, l’institution de l’État membre prioritairement compétent et l’institution de l’État membre compétent en ordre subsidiaire sont liées mutuellement et il appartient à ces deux institutions de traiter conjointement la demande déposée par le demandeur de prestations familiales auprès de l’une d’entre elles [voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2021, Finanzamt Österreich (Allocations familiales pour coopérant), C‑372/20, EU:C:2021:962, point 66].

64

En outre, il découle du principe de coopération loyale, tel que concrétisé à l’article 60, paragraphe 5, du règlement no 987/2009, ainsi que de l’article 84 du règlement no 883/2004, qu’un État membre peut exiger d’un autre État membre un remboursement du trop-perçu de la prestation familiale, y compris pour le passé, pour autant que les conditions de forme et de fond prévues dans la réglementation du second État membre sont considérées comme étant remplies pour le passé.

65

Toute autre interprétation, qui consisterait à reprocher un manque de collaboration à l’une des institutions compétentes quant au montant des allocations familiales à verser au bénéficiaire ou qui imposerait à ce dernier de procéder au remboursement de montants versés par une institution mais dont le versement n’incombait pas à celle-ci, contredirait clairement l’objectif des règles anti-cumul, qui visent à garantir au bénéficiaire de prestations versées par plusieurs États membres un montant total des prestations identiques au montant de la prestation la plus favorable qui lui est due en vertu de la législation d’un seul de ces États (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 2010, Schwemmer, C‑16/09, EU:C:2010:605, point 58 et jurisprudence citée, ainsi que du 18 septembre 2019, Moser, C‑32/18, EU:C:2019:752, point 42 et jurisprudence citée).

66

Dans ce contexte, il convient de rappeler que, conformément à l’article 76, paragraphe 4, du règlement no 883/2004, si les autorités visées par ce règlement sont tenues de répondre à toutes les demandes dans un délai raisonnable et de fournir aux personnes concernées toute information nécessaire pour que ceux-ci puissent faire valablement valoir les droits qui leur sont conférés par ce règlement, ces personnes sont, quant à elles, tenues d’informer, dans les meilleurs délais, les institutions de l’État membre compétent et de l’État membre de résidence de tout changement dans leur situation personnelle ou familiale ayant une incidence sur leurs droits aux prestations prévues par ledit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2022, Chief Appeals Officer e.a., C‑3/21, EU:C:2022:737, point 34).

67

En l’occurrence, dans l’hypothèse où il devrait être retenu que la déclaration du requérant au principal, selon laquelle son épouse ne travaille pas en Pologne, ne corresponde pas à la réalité, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, le remède à un tel non-respect de l’obligation d’information se trouverait toutefois non pas dans le recouvrement des prestations au titre de l’article 68 du règlement no 883/2004, mais dans l’application de mesures proportionnées prévues par le droit national qui, conformément à l’article 76, paragraphe 5, de ce règlement, doivent, en outre, respecter les principes d’équivalence et d’effectivité (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2022, Chief Appeals Officer e.a., C‑3/21, EU:C:2022:737, point 43).

68

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 68 du règlement no 883/2004, qui fixe les règles de priorité en cas de cumul de prestations familiales, doit être interprété en ce sens que, s’il ne permet pas à l’institution d’un État membre dont la législation n’est pas prioritaire selon les critères visés au paragraphe 1 de cet article de réclamer à la personne intéressée le remboursement partiel de telles prestations versées dans cet État membre, en raison de l’existence d’un droit à ces prestations prévu dans la législation d’un autre État membre applicable en priorité, dès lors qu’aucune prestation familiale n’a été fixée ni versée dans cet autre État membre, il permet toutefois à cette institution de réclamer auprès de l’institution prioritairement compétente le remboursement du montant des prestations qui excède celui qui lui incombe en application des dispositions dudit règlement.

Sur les deuxième et troisième questions

69

Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.

Sur les dépens

70

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

L’article 68 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, qui fixe les règles de priorité en cas de cumul de prestations familiales,

 

doit être interprété en ce sens que :

 

s’il ne permet pas à l’institution d’un État membre dont la législation n’est pas prioritaire selon les critères visés au paragraphe 1 de cet article de réclamer à la personne intéressée le remboursement partiel de telles prestations versées dans cet État membre, en raison de l’existence d’un droit à ces prestations prévu dans la législation d’un autre État membre applicable en priorité, dès lors qu’aucune prestation familiale n’a été fixée ni versée dans cet autre État membre, il permet toutefois à cette institution de réclamer auprès de l’institution prioritairement compétente le remboursement du montant des prestations qui excède celui qui lui incombe en application des dispositions dudit règlement.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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