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Document 62023CC0346
Opinion of Advocate General Medina delivered on 5 September 2024.###
Conclusions de l'avocat général Mme L. Medina, présentées le 5 septembre 2024.
Conclusions de l'avocat général Mme L. Medina, présentées le 5 septembre 2024.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:690
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME LAILA MEDINA
présentées le 5 septembre 2024 (1)
Affaire C‑346/23
Banco Santander SA, venant aux droits de Banco Banif SA
contre
Asociación de Consumidores y Usuarios de Servicios Generales‑Auge, en représentation de ses membres : Mme Andrea et M. Alberto
[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne)]
(Renvoi préjudiciel – Marchés d’instruments financiers – Directive 2004/39/CE – Action dans l’intérêt des consommateurs – Article 52, paragraphe 2 – Qualité des associations de consommateurs pour représenter en justice des consommateurs individuels – Investisseurs‑consommateurs – Aide juridictionnelle aux associations de consommateurs – Exemption du paiement des honoraires de la partie adverse – Risque de recours abusifs)
I. Introduction
1. La présente affaire concerne l’interprétation des règles relatives à la qualité pour agir des associations de consommateurs en vue de former des recours dans l’intérêt des consommateurs dans le contexte des marchés d’instruments financiers, conformément à l’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39/CE (2) (ci-après la « la directive MiFID I »). La principale question qui se pose est celle de savoir s’il est permis que la qualité d’une association de consommateurs pour agir au nom d’investisseurs individuels remplissant les conditions pour être considérés comme des consommateurs soit soumise à des restrictions fondées sur la nature et la valeur des produits financiers dans lesquels ceux-ci ont investi. La Cour aura ainsi l’occasion d’explorer l’intersection entre la protection des investisseurs, la protection des consommateurs et les mécanismes de recours disponibles dans l’intérêt des consommateurs.
II. Le cadre juridique
(a) Droit de l’Union européenne
La directive MiFID I
2. L’article 52 de la directive MiFID I, intitulé « Droit de recours », était libellé comme suit :
« 1. Les États membres veillent à ce que toute décision prise en vertu des dispositions législatives, réglementaires ou administratives arrêtées en application de la présente directive soit dûment motivée et puisse faire l’objet d’un droit de recours juridictionnel. Le droit de recours juridictionnel s’applique également lorsqu’il n’a pas été statué, dans les six mois qui ont suivi son introduction, sur une demande d’agrément comportant toutes les informations requises.
2. Les États membres prévoient qu’un ou plusieurs des organismes ci-après, selon le droit national, puissent, dans l’intérêt des consommateurs et conformément au droit national, intenter une action devant les tribunaux ou les autorités administratives compétentes pour faire appliquer les dispositions nationales relatives à la mise en œuvre de la présente directive :
(a) les organismes publics ou leurs représentants ;
(b) les organisations de consommateurs ayant un intérêt légitime à protéger les consommateurs ;
(c) les organisations professionnelles ayant un intérêt légitime à agir pour protéger leurs membres. »
3. L’article 53 de la directive MiFID I, intitulé « Mécanisme extrajudiciaire de règlement des plaintes des investisseurs », était libellé comme suit :
« 1. Les États membres encouragent l’institution de procédures de plainte et de recours efficaces permettant le règlement extrajudiciaire des litiges en matière de consommation concernant les services d’investissement et les services auxiliaires fournis par les entreprises d’investissement, en faisant appel, le cas échéant à des organismes existants.
[...] »
La directive 2014/65/UE (MiFID II)
4. L’article 74, paragraphe 2, de la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO 2014, L 173, p. 349) (ci-après la « directive MiFID II »), est libellé comme suit :
« 2. Les États membres prévoient qu’un ou plusieurs des organismes ci-après, selon le droit national, puissent également, dans l’intérêt des consommateurs et conformément au droit national, intenter une action devant les tribunaux ou les autorités administratives compétentes pour faire appliquer le [règlement (UE) no 600/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 84)] et les dispositions nationales adoptées pour la mise en œuvre de la présente directive :
a) les organismes publics ou leurs représentants ;
b) les organisations de consommateurs ayant un intérêt légitime à protéger les consommateurs ;
c) les organisations professionnelles ayant un intérêt légitime à agir pour protéger leurs membres. »
(b) Le droit espagnol
5. L’article 11, de la Ley 1/2000, de Enjuiciamiento Civil (loi no 1/2000, portant code de procédure civile), du 7 janvier 2000 (BOE no 7, du 8 janvier 2000, p. 575, ci-après le « code de procédure civile »), prévoit que, sans préjudice de la qualité individuelle pour agir des personnes lésées, les associations de consommateurs et d’usagers légalement constituées disposent de la qualité pour agir pour défendre en justice les droits et les intérêts de leurs membres et ceux de l’association, ainsi que les intérêts généraux des consommateurs et des usagers.
6. En vertu de la deuxième disposition additionnelle de la Ley 1/1996 de asistencia jurídica gratuita (loi 1/1996, du 10 janvier 1996, relative à l’aide juridictionnelle) (BOE nº 11, du 12 janvier 1996, p. 793, ci-après la « loi 1/1996 »), les associations de consommateurs et d’usagers ont droit à l’aide juridictionnelle lorsque les actions introduites « ont un rapport direct avec des produits ou des services d’utilisation ou de consommation courante, ordinaire et généralisée ».
7. Conformément à l’article 36, paragraphe 2, de la loi 1/1996, si l’association perd le procès, elle n’est pas tenue de supporter les dépens de la partie adverse, quelle que soit la valeur du litige, et les membres individuels qu’elle représente dans l’affaire en cause ne les paieraient pas non plus.
8. L’annexe I, section C, point 13 du Real Decreto 1507/2000 por el que se actualizan los catálogos de productos y servicios de uso o consumo común, ordinario y generalizado y de bienes de naturaleza duradera, a efectos de lo dispuesto, respectivamente, en los artículos 2, apartado 2, y 11, apartados 2 y 5, de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y normas concordantes (décret royal 1507/2000, portant mise à jour des catalogues de produits et services d’usage ou de consommation commune, ordinaire et généralisée et de biens de nature durable, aux fins des dispositions, respectivement, de l’article 2, paragraphe 2, et de l’article 11, paragraphes 2 et 5, de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et des règles correspondantes), du 1er septembre 2000 (BOE no 219 du 12 septembre 2000, p. 31349 ), inclut, en termes généraux, les services bancaires et financiers parmi ces produits et services d’usage ou de consommation commune, ordinaire et généralisée.
9. L’article 11, paragraphe 2, de la Ley Orgánica del Poder Judicial (loi organique relative au pouvoir juridictionnel) du 1er juillet 1985 (BOE no 157 du 2 juillet 1985, p. 20632), et l’article 247, paragraphe 2, du code de procédure civile prévoient, dans les mêmes termes, que les cours et tribunaux rejettent, par décision motivée, les demandes, incidents et exceptions formulés par abus de droit ou en fraude de la loi ou de la procédure.
III. Les faits, la procédure et la question préjudicielle
10. Entre mai 2007 et mars 2009, deux personnes physiques, M. Alberto et Mme Andrea, ont souscrit cinq ordres d’achat pour cinq produits financiers auprès de Banco Banif SA (devenue Banco Santander SA, « Banco Santander ») pour des montants allant de 150 000 euros à 300 000 euros et d’une valeur totale de 900 000 euros.
11. Tous les achats ont été effectués sous l’empire de la directive MiFID I.
12. L’Asociación de Consumidores y Usuarios de Servicios Generales-Auge (association de consommateurs et d’usagers de services généraux, ci-après l’« Auge »), agissant en représentation de ses membres M. Alberto et Mme Andrea, a introduit un recours contre Banco Banif SA. Elle a demandé que soit constatée la nullité des contrats d’acquisition de ces produits financiers pour vice du consentement. Elle a également demandé que les investisseurs soient remboursés de la somme de 481 634,14 euros, majorée des frais, dépens et intérêts. Ce recours a été partiellement accueilli en première instance en ce qui concerne certains ordres d’achat. L’établissement bancaire a en conséquence été condamné à rembourser aux requérants la somme de 462 515,74 euros, majorée des intérêts légaux à compter de la date des investissements respectifs annulés.
13. L’établissement bancaire défendeur a interjeté appel du jugement de première instance devant l’Audiencia Provincial de Granada (cour provinciale de Grenade, Espagne). Cette juridiction a rejeté l’appel et confirmé le jugement de première instance, au motif que la défenderesse n’avait pas tenu compte du profil d’investisseur des clients et ne leur avait pas fourni des informations précontractuelles claires et complètes concernant les risques liés aux produits qu’ils souscrivaient.
14. L’établissement bancaire défendeur a introduit un recours extraordinaire pour vice de procédure et formé un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi. Il soutient que l’Auge n’a pas qualité pour agir au nom de ses membres, au motif que les produits souscrits ne sont pas d’utilisation courante et généralisée, mais sont au contraire des produits financiers spéculatifs de grande valeur économique qui dépassent les produits de consommation courante.
15. Le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) souligne avoir admis, en tant que règle générale, que les associations de consommateurs ont qualité pour agir en vue de défendre leurs membres dans le cadre d’actions relevant du champ d’application de la directive MiFID I, y compris dans les procédures auxquelles l’Auge avait été partie.
16. Toutefois, dans deux cas spécifiques, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a estimé que l’Auge, en tant qu’association de consommateurs, n’avait pas qualité pour défendre les intérêts individuels des consommateurs en ce qui concerne les investissements dans des produits financiers spéculatifs à grande valeur économique, dès lors qu’il ne s’agissait pas de produits ou de services d’utilisation ou de consommation courante, ordinaire et généralisée. À cet égard, il a considéré que la qualité pour agir des associations de consommateurs et d’usagers était liée, en droit espagnol, à la protection des droits de ces consommateurs qui présentent un lien direct avec des biens ou à des services d’utilisation courante, ordinaire et généralisée.
17. Dans ces arrêts, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a estimé qu’il existe des services financiers qui, en raison de leur nature et des circonstances dans lesquelles ils ont été souscrits – compte tenu de l’importance des sommes en jeu et du caractère spéculatif –, excèdent le cadre des « services d’utilisation courante, ordinaire et généralisée ». Il n’en résulte pas que les investisseurs individuels concernés ne peuvent pas eux-mêmes intenter une action pour défendre leurs droits, mais ils n’ont pas de motif légitime de le faire par l’intermédiaire d’une association de consommateurs, afin de ne pas payer les frais de justice requis pour former un recours et d’éviter le risque d’être condamnés aux dépens de la procédure et de l’appel.
18. Il s’agit ainsi d’éviter l’utilisation frauduleuse ou abusive de la qualité particulière pour agir des associations de consommateurs dans des cas où le statut de consommateur est affaibli au regard des caractéristiques du litige et du montant en cause. Il pourrait sinon être tiré profit, souligne la juridiction de renvoi, du droit à l’aide juridictionnelle dont bénéficient ces associations lorsqu’elles font valoir en justice les intérêts de leurs membres.
19. Enfin, le Tribunal Supremo explique que, dans sa jurisprudence, il n’a pas nié que des investisseurs poursuivant des visées lucratives aient la qualité de consommateurs lorsqu’ils agissent dans un domaine sortant du cadre de leur activité commerciale ou professionnelle, même lorsque leurs investissements sont complexes ou importants. Il a cependant remis en cause la qualité pour agir d’une association de consommateurs dans certains cas spécifiques, où, compte tenu des circonstances, il y a fraude procédurale. Cette fraude consiste à éviter de payer les frais de justice et les frais de la partie adverse en n’introduisant pas la procédure en personne mais par l’intermédiaire d’une association de consommateurs, le tout au détriment de la partie adverse et du Trésor public.
20. C’est dans ces conditions que le Tribunal Supremo (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Eu égard au fait que les associations de consommateurs ont qualité pour représenter en justice des investisseurs/consommateurs qui intentent une action contre une société de services d’investissement pour inexécution de ses obligations lors de la commercialisation de produits financiers complexes, les juridictions nationales peuvent-elles exceptionnellement restreindre cette qualité lorsque, dans le cadre d’une action individuelle, il est question d’investisseurs dotés d’une grande capacité financière, qui réalisent des opérations qui ne sauraient être considérées comme étant d’utilisation ordinaire et généralisée et qui agissent en justice sous l’égide d’une association de consommateurs, de sorte qu’ils peuvent bénéficier d’une éventuelle exonération des frais de justice dans une procédure judiciaire portant sur un montant très élevé, en évitant le versement de consignations judiciaires ainsi que le paiement des dépens de la partie adverse dans le cas de recours infondés voire abusifs ? »
21. Des observations écrites ont été présentées par l’Auge, Banco Santander, le gouvernement espagnol et la Commission européenne. Ces parties ont présenté des arguments oraux lors de l’audience qui a eu lieu le 8 mai 2024 et ont répondu aux questions posées par la Cour.
IV. Appréciation
22. Par son unique question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle la qualité pour agir des associations de consommateurs en vue de représenter les intérêts individuels de certaines catégories d’investisseurs ayant le statut de consommateurs est exceptionnellement soumise à des restrictions tenant à la valeur monétaire et à la nature des produits financiers dans lesquels ceux-ci ont investi. La juridiction de renvoi s’interroge également sur la pertinence du fait que, dans de telles situations, les associations de consommateurs bénéficient de l’aide juridictionnelle, et du fait que les personnes qu’elles représentent évitent le paiement des frais de justice et des dépens de la partie adverse.
23. La question posée par la juridiction de renvoi découle de deux aspects spécifiques du droit espagnol. Le premier est que les associations de consommateurs ont qualité pour défendre non seulement les « intérêts généraux des consommateurs », mais aussi « les droits et les intérêts de leurs membres » (3). Le second est que les associations de consommateurs ont droit à l’aide juridictionnelle lorsque les actions intentées « ont un rapport direct avec des produits ou des services d’utilisation ou de consommation courante, ordinaire et généralisée » (4). Dans ce cas, si l’association n’obtient pas gain de cause, elle ne doit pas supporter les dépens exposés par la partie adverse ; ceux-ci ne sont pas non plus à la charge des membres individuels que l’association représente dans la procédure.
24. Les doutes de la juridiction de renvoi portent sur la compatibilité, avec l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, d’une interprétation jurisprudentielle imposant des limites à la qualité pour agir d’une association de consommateurs.
25. La juridiction de renvoi expose que, selon sa jurisprudence, les investisseurs sont considérés comme des consommateurs lorsqu’ils agissent dans un domaine étranger à leur activité commerciale ou professionnelle (les « investisseurs-consommateurs ») (5). Elle a également admis que les associations de consommateurs ont, en général, qualité pour défendre les investisseurs-consommateurs. Elle se demande toutefois si la qualité pour agir des associations de consommateurs telles que l’Auge peut être limitée lorsqu’elles agissent pour la défense des intérêts individuels de leurs membres sur la base de la nature et de la valeur des investissements réalisés, qui ne peuvent pas être considérés comme des produits d’utilisation ou de consommation courante, ordinaire et généralisée. La juridiction de renvoi relève que, compte tenu du système d’aide juridictionnelle applicable aux associations de consommateurs, la reconnaissance de la qualité pour agir aux associations de consommateurs dans de telles circonstances pourrait conduire à une fraude procédurale consistant à éviter d’avoir à supporter les frais de justice et les dépens.
26. Avant d’examiner la question posée par la juridiction de renvoi, il convient, à titre liminaire, de déterminer la disposition applicable ratione temporis dans l’affaire au principal.
(a) Observations liminaires sur la disposition applicable ratione temporis
27. La directive MiFID I a été abrogée avec effet au 3 janvier 2017, date d’entrée en vigueur de la directive MiFID II (6). L’article 74, paragraphe 2, de la directive MiFID II régit le droit des organismes qui y sont énumérés d’intenter une action dans l’intérêt des consommateurs. Son libellé est presque identique à celui de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I. La première phrase de l’article 74, paragraphe 2, de la directive MiFID II contient l’adverbe « également », ce qui indique clairement que le droit d’action des organismes énumérés est complémentaire du droit de recours prévu au paragraphe 1 de cet article.
28. La juridiction de renvoi considère que la disposition applicable ratione temporis dans l’affaire au principal est l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, dans la mesure où les transactions financières concernées ont toutes été conclues lorsque cette directive était applicable.
29. Lors de l’audience, la Cour a demandé à la Commission si la disposition pertinente régissant le droit de recours était une règle de fond ou une règle de procédure, aux fins de déterminer quelle directive est applicable ratione temporis. La Commission a estimé que la disposition concernée est de nature procédurale et que l’applicabilité des directives MiFID I ou MiFID II doit être établie en fonction de la date d’introduction de l’action.
30. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué (7).
31. Lors de l’audience, l’Auge a fait valoir qu’elle avait introduit son recours en 2015. Il ressort du dossier dont dispose la Cour que le recours a été engagé avant 2017.
32. Dans la mesure où l’Auge a formé son recours avant l’entrée en vigueur de la directive MiFID II, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, la disposition applicable ratione temporis est l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I. Il n’apparaît donc pas nécessaire d’examiner si l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I et l’article 74, paragraphe 2, de la directive MiFID II établissent des règles de procédure ou de fond.
33. En tout état de cause, comme l’a fait remarquer la Commission lors de l’audience, le libellé de l’article 74, paragraphe 2, de la directive MiFID II étant presque identique à celui de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, toute interprétation relative à cette dernière disposition est également applicable à la première.
34. Eu égard aux considérations qui précèdent, mon analyse repose sur la prémisse selon laquelle la disposition applicable ratione temporis est l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I.
(b) La portée de l’action dans « l’intérêt des consommateurs » en vertu de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I : intérêts collectifs ou également individuels ?
35. Banco Santander et le gouvernement espagnol soutiennent, en substance, que la question soulevée dans l’affaire au principal ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union et que la Cour n’est pas compétente pour répondre à la question posée. Selon eux, l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I régit uniquement le droit des associations de consommateurs d’agir dans l’intérêt collectif des consommateurs, par opposition aux intérêts individuels de ceux-ci. Ainsi estiment-ils que la question soulevée concerne l’interprétation du droit espagnol, qui donne aux associations de consommateurs la qualité pour agir afin de défendre non seulement des intérêts collectifs, mais aussi des intérêts individuels.
36. Dans la mesure où Banco Santander et le gouvernement espagnol contestent la compétence de la Cour, il suffira de constater que, par sa question, la juridiction de renvoi cherche à connaître l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 267 TFUE, l’interprétation des dispositions nationales appartient aux juridictions des États membres et non à la Cour, et s’il n’incombe pas à cette dernière de se prononcer sur la compatibilité de normes de droit interne avec les dispositions du droit de l’Union, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui permettent à celle-ci d’apprécier la compatibilité de telles normes avec la réglementation de l’Union (8).
37. En l’espèce, la question de la juridiction de renvoi vise à déterminer la portée de l’expression « l’intérêt des consommateurs » dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I. Cette question porte sur le champ d’application matériel de cette disposition. Il s’ensuit que la Cour est compétente pour répondre à cette question.
38. En ce qui concerne le fond de la question, il convient de rappeler que l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I impose aux États membres de prévoir qu’un ou plusieurs des organismes énumérés dans cette disposition, tels que déterminés par le droit national, peuvent, dans l’intérêt des consommateurs et conformément au droit national, intenter une action devant les tribunaux ou les organes administratifs compétents pour faire appliquer les dispositions nationales relatives à la mise en œuvre de cette directive. Les organismes énumérés dans cette disposition sont les suivants : (a) les organismes publics ou leurs représentants ; (b) les organisations de consommateurs ayant un intérêt légitime à protéger les consommateurs ; et (c) les organisations professionnelles ayant un intérêt légitime à agir pour protéger leurs membres.
39. Pour les raisons que j’exposerai ci-dessous, je considère que l’expression « l’intérêt des consommateurs » à laquelle recourt cette disposition est suffisamment large et laisse aux États membres une marge d’appréciation pour déterminer la portée précise de cet intérêt, qui peut être aussi bien collectif qu’individuel.
40. Plus particulièrement, il convient de souligner que le terme « consommateurs » figurant à l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I est exprimée au pluriel. L’utilisation du pluriel indique que l’action concernée a une dimension collective. Les États membres doivent prévoir un mécanisme permettant à un ou plusieurs des organismes énumérés dans la directive d’avoir qualité pour défendre une pluralité de consommateurs et leur intérêt dans le domaine des services financiers et d’investissement.
41. Par ailleurs, l’article 52, paragraphe 2, ne précise pas la portée exacte de l’intérêt des consommateurs en question ni, plus précisément, si les organismes ayant qualité pour agir sont habilités à défendre exclusivement les intérêts collectifs des consommateurs, entendus comme l’intérêt général des consommateurs (9), ou également les intérêts individuels d’un groupe identifié de consommateurs.
42. Il appartient alors à l’ordre juridique interne de chaque État membre de déterminer la portée exacte de toutes actions intentées au titre de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I quant à l’intérêt des consommateurs que ces actions sont destinées à protéger.
43. En effet, l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I est rédigé en termes généraux et ne constitue pas une harmonisation exhaustive des dispositions nationales régissant les actions qui peuvent être intentées par les organismes qui y sont énumérés, dont des organisations de consommateurs.
44. À cet égard, il ressort de son considérant 2 que la directive MiFID I prévoit « le degré d’harmonisation nécessaire pour offrir aux investisseurs un niveau élevé de protection » (10). Si, conformément à son considérant 5, cette directive établit un « cadre réglementaire global » dans certains domaines des marchés financiers (11), les moyens d’application de ses dispositions ne font pas l’objet d’une harmonisation exhaustive.
45. C’est ce qui ressort du libellé de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, qui renvoie à deux reprises au droit national. Premièrement, le droit national détermine quels sont les organismes énumérés dans la directive qui ont le droit d’intenter une action. Deuxièmement, le droit d’agir de ces organismes est exercé « conformément au droit national ». Ainsi, en renvoyant au droit national, le législateur de l’Union a laissé à la discrétion de chaque État membre le soin de désigner les organismes habilités à agir et de déterminer le modèle de mise en œuvre, les mécanismes de recours, l’étendue des intérêts des consommateurs protégés et les conditions d’exercice des actions.
46. Les différentes catégories d’organismes énumérés à l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I qui peuvent, conformément au droit national, intenter des actions en vue de protéger les intérêts des consommateurs dans le domaine des services financiers, reflètent les différentes approches et traditions des États membres en ce qui concerne la responsabilité première de la mise en œuvre des règles protectrices des intérêts des consommateurs. La distinction consiste, à grands traits, à déterminer si la responsabilité première de l’application des règles incombe aux autorités publiques (mise en œuvre par la sphère publique – public enforcement) ou aux associations de consommateurs et aux organismes professionnels (mise en œuvre par la sphère privée – private enforcement) ou à une combinaison des deux (12). Ainsi, selon le choix fait par les États membres, la responsabilité unique ou principale de prendre des mesures dans l’intérêt des consommateurs pour garantir l’application des dispositions nationales de mise en œuvre de la directive MiFID I peut incomber à des organismes publics ou à leurs représentants [article 52, paragraphe 2, sous a)] (modèle de la mise en œuvre par la sphère publique – public enforcement) (13) Les États membres peuvent également décider que la responsabilité unique ou principale incombe aux organisations de consommateurs ayant un intérêt légitime à protéger les consommateurs, conformément à l’article 52, paragraphe 2, sous b), et/ou aux organisations professionnelles ayant un intérêt légitime à agir pour protéger leurs membres, conformément à l’article 52, paragraphe 2, sous c) (modèle de la mise en œuvre par la sphère privée – private enforcement).
47. Le choix du modèle d’application a une incidence sur l’étendue des intérêts des consommateurs qui sont protégés. Les organismes publics protègent l’intérêt général. Les organisations de consommateurs protègent également, et principalement, l’intérêt général des consommateurs (14). Il n’est cependant pas exclu que, en fonction du droit national, les associations de consommateurs puissent être autorisées à intenter des actions en vue de défendre des intérêts individuels (15). La défense des intérêts individuels des consommateurs (dans le domaine des services financiers et d’investissement) semble particulièrement pertinente pour l’option de mise en œuvre visée à l’article 52, paragraphe 2, sous c), de la directive MiFID I, dans la mesure où elle fait référence aux « organisations professionnelles ayant un intérêt légitime à agir pour protéger leurs membres » (16).
48. Dans un contexte plus large, il est important de tenir compte du fait que, lors de l’adoption de la directive MiFID I (en 2004), le degré d’harmonisation des voies de recours dans l’Union européenne pour la protection des intérêts des consommateurs de façon générale était extrêmement faible (17).
49. Seuls certains domaines pertinents pour la protection des consommateurs prévoyaient un mécanisme d’actions en cessation visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs, sans abroger les mécanismes de recours existants pour la protection des consommateurs.
50. La plus importante de ces dispositions, toujours en vigueur, est l’article 7, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE (18). Le mécanisme prévu par cette disposition permet aux États membres d’instaurer un contrôle des clauses abusives contenues dans les contrats d’adhésion par la voie d’actions en cessation intentées dans l’intérêt public par des associations de protection des consommateurs (19).
51. La directive 98/27/CE (20) a opéré un rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux actions en cessation visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs inclus dans les directives figurant dans la liste annexée à cette directive (21). Selon le considérant 2 de la directive 98/27, les « intérêts collectifs » des consommateurs s’entendent des « intérêts qui ne sont pas une simple accumulation d’intérêts de particuliers auxquels il a été porté atteinte par une infraction ».
52. La directive 98/27 n’a pas inclus dans son annexe de référence au prédécesseur de la directive MiFID I, à savoir la directive 93/22/CEE (22). Ce choix paraît approprié, car la directive 93/22 visait simplement à harmoniser les conditions initiales d’agrément et d’exercice applicables aux entreprises d’investissement et n’était pas d’une grande pertinence pour la protection des consommateurs agissant dans le domaine des services financiers et des services d’investissement (23).
53. Après l’entrée en vigueur de la directive MiFID I, et malgré la référence à « l’intérêt des consommateurs » inscrite à l’article 52, paragraphe 2, de cette directive, l’annexe de la directive 98/27 n’a pas été modifiée. La directive 2009/22/CE relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (24) n’incluait pas non plus la directive MiFID I dans son annexe. L’omission de la directive MiFID I du champ d’application de la directive 2009/22 témoigne du fait que l’harmonisation des mécanismes de recours visant à protéger les intérêts des consommateurs dans le domaine de la directive MiFID I était faible et qu’elle l’est restée.
54. La directive (UE) 2020/1828 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (25) a permis une première harmonisation plus substantielle des recours collectifs au niveau de l’Union européenne (26), couvrant les actions en cessation ainsi que des mesures de réparation. Cette directive définit les « intérêts collectifs des consommateurs » comme « l’intérêt général des consommateurs et, en particulier aux fins des mesures de réparation, les intérêts d’un groupe de consommateurs » (27).
55. Le champ d’application de la directive 2020/1828 est particulièrement large. Elle vise à atteindre un niveau élevé de protection des consommateurs dans de nombreux domaines mettant en jeu les intérêts des consommateurs, y compris dans les services financiers (28). Son annexe couvre notamment les articles 23 à 29 de la directive MiFID II, qui prévoient des dispositions pour assurer la protection des investisseurs.
56. Certains considérants de la directive 2020/1828 révèlent la variété des mécanismes de recours existant au moment de son adoption pour protéger les intérêts individuels et collectifs des consommateurs, y compris dans le domaine des services financiers. Plus particulièrement, il ressort du considérant 13 qu’« un niveau élevé de protection des consommateurs » nécessite que cette directive « couvre, outre le droit général de la consommation, des domaines tels que [...] les services financiers » et que, « comme il existe une demande accrue de services financiers et de services d’investissement de la part des consommateurs, il est important d’améliorer l’application du droit de la consommation dans ces domaines ». Le considérant 11 de la directive 2020/1828 précise que celle-ci « ne devrait pas remplacer les mécanismes procéduraux nationaux existants visant à protéger les intérêts collectifs ou individuels des consommateurs » (29). Enfin, il ressort de son considérant 48 que « les États membres devraient fixer des règles pour la coordination des actions représentatives, des actions individuelles intentées par des consommateurs et de toute autre action visant à protéger les intérêts individuels et collectifs des consommateurs prévue dans le droit de l’Union et dans le droit national » (30).
57. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la portée de l’expression « l’intérêt des consommateurs » visée à l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I doit être comprise de manière large, en sorte qu’il soit permis aux États membres de prévoir des actions visant à défendre les intérêts collectifs, mais aussi individuels, des consommateurs, en fonction des traditions nationales, qui peuvent varier considérablement.
58. Ainsi est-il loisible aux États membres, s’ils décident d’accorder aux organisations de consommateurs la qualité pour agir en vertu de l’article 52, paragraphe 2, sous b), de la directive MiFID I, de limiter l’action à la défense des intérêts collectifs des consommateurs. Il leur est également loisible de reconnaître, comme c’est le cas en Espagne, que les associations de consommateurs ont qualité pour défendre non seulement l’intérêt collectif et général des consommateurs, mais aussi les intérêts individuels de leurs membres.
59. Comme je l’expliquerai dans la section suivante, la marge d’appréciation laissée aux États membres pour déterminer la portée d’une action à cet égard n’en est pas moins soumise à des limites.
(c) Les limites du pouvoir d’appréciation des États membres lors de la mise en œuvre de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I
60. L’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I oblige les États membres à prévoir qu’un ou plusieurs des organismes qui y sont désignés peuvent, dans l’intérêt des consommateurs et « conformément au droit national », intenter une action pour faire appliquer les dispositions nationales relatives à la mise en œuvre de cette directive. En exerçant le pouvoir d’appréciation qui leur est conféré par l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, les États membres n’en doivent pas moins, comme l’a en substance observé la Commission, agir dans les limites prévues par cette disposition. Plus particulièrement, les règles pertinentes du droit national ne sauraient porter atteinte à l’effet utile de ladite disposition, étant entendu qu’il y a lieu de tenir compte des objectifs que poursuit cette directive (31).
61. En ce qui concerne plus particulièrement le champ d’application matériel du recours prévu à l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, il résulte de cette disposition qu’elle couvre l’application correcte des dispositions nationales relatives à la mise en œuvre de cette directive dans l’intérêt des consommateurs, sans exclure les investisseurs qui ont la qualité de consommateurs (32).
62. La notion de « consommateur » n’est définie ni à l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, ni dans aucune autre disposition de celle-ci. En revanche, l’article 4 de la directive MiFID I définit la notion de « client » et les deux catégories de clients (particuliers et professionnels) (33).
63. Ainsi qu’il a été à juste titre observé en doctrine, il n’existe pas de définition unique de la notion de « consommateur » en droit de l’Union (34). Chaque directive définit son champ d’application et chacune comporte sa propre définition du « consommateur » qui est pertinente aux fins de cet acte. La directive MiFID I ne définit cependant pas ce qu’est un « consommateur ». Aussi, afin d’assurer le respect des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union dans le domaine des contrats conclus par les consommateurs ainsi que la cohérence du droit de l’Union européenne, convient-il de tenir compte, notamment, de la définition que recouvre cette notion de « consommateur » dans d’autres réglementations du droit de l’Union (35). Les instruments juridiques pertinents pour la protection des intérêts des consommateurs lors de l’adoption de la directive MiFID I (36) révèlent une convergence sur certains éléments essentiels de la définition de la notion de « consommateur » (37). Le consommateur est une personne physique qui agit en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d’ordre professionnel, dans l’unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée.
64. Cette conception de la notion de consommateur, fondée sur le critère de la personne physique agissant en dehors de son activité professionnelle, est de nature objective (38). Rien n’indique à l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I que, pour qualifier un investisseur de « consommateur » en vertu de cette disposition, il convient de tenir compte de la situation financière de cette personne au moment où elle a effectué l’investissement ainsi que de la nature et de la valeur des instruments financiers dans lesquels elle a investi.
65. Il ressort de la référence à l’« intérêt des consommateurs » figurant à l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I que les investisseurs qui peuvent être considérés comme des consommateurs ont deux « casquettes », celle du consommateur et celle de l’investisseur. L’article 53 de la directive MiFID I corrobore ce double statut. Comme l’indique le titre de cette disposition, elle régit le mécanisme extrajudiciaire de règlement des plaintes des investisseurs. Cette disposition prévoit que les États membres encouragent l’institution de procédures de plainte et de recours efficaces permettant le règlement extrajudiciaire des « litiges en matière de consommation concernant les services d’investissement et les services auxiliaires ». Il découle de cette disposition que certains litiges concernant des investisseurs peuvent être considérés comme des litiges de consommation (39).
66. Le double statut de l’investisseur-consommateur est confirmé par la directive MiFID II, qui fait référence dans ses considérants à l’objectif de protection des investisseurs et des consommateurs (40).
67. La directive 2020/1828 soutient également ce double statut. Le considérant 14 indique que cette directive couvre les infractions aux dispositions du droit de l’Union visées à l’annexe I, dont la directive MiFID II, dans la mesure où ces dispositions protègent les intérêts des consommateurs, « indépendamment du fait que ces consommateurs soient dénommés consommateurs, [...] clients, investisseurs de détail, clients de détail, [...] ou autrement » (mise en italique ajoutée).
68. Il ressort des considérations qui précèdent que, dans le contexte de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, les notions d’investisseur et de consommateur coexistent pour former une « notion composite » (41) de l’« investisseur-consommateur ».
69. Cette coexistence n’emporte aucun seuil relatif aux moyens financiers ou à la valeur des instruments financiers auquel serait subordonné le droit d’intenter une action que prévoit l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I. Ainsi, aux fins de cette disposition, le comportement du consommateur en tant qu’investisseur, et notamment le montant qu’il a investi, ou la complexité ou la valeur des instruments, ne prive pas cette personne de la qualité de consommateur dans la mesure où elle agit en dehors de sa profession (42).
70. Cette circonstance a pour corollaire que ces facteurs peuvent ne pas être pertinents pour déterminer la qualité des organismes qui y sont énumérés aux fins d’engager des procédures dans l’intérêt des investisseurs-consommateurs. En d’autres termes, la qualité pour agir au titre de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I ne saurait être dissociée de la qualité de consommateur qu’ont ces investisseurs.
71. Exclure le droit de ces organismes, et notamment des associations de consommateurs, d’intenter une action concernant certains investisseurs qui ont la qualité de consommateurs affaiblirait indirectement cette qualité, alors qu’elle n’est en réalité assortie d’aucune condition ou réserve. L’exclusion de ce droit porterait en outre atteinte à l’effet utile de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, qui consiste à prévoir un droit d’introduire un recours dans l’intérêt de tous les investisseurs-consommateurs, sans distinguer différents niveaux de ce droit en fonction de la taille ou de la nature de l’investissement. À cet égard, il convient également de tenir compte du fait que l’objectif de la directive MiFID I consiste, selon ses considérants 2 et 31, à offrir aux investisseurs un niveau élevé de protection.
72. En l’espèce, il est constant que le droit espagnol reconnaît aux associations de consommateurs la qualité pour représenter les droits et les intérêts de leurs membres ainsi que les intérêts généraux des consommateurs. La juridiction de renvoi souligne que les personnes physiques impliquées dans l’affaire au principal sont des consommateurs et que leur qualité de consommateur est établie. En outre, cette juridiction a indiqué qu’elle avait, de façon générale, reconnu que les associations de consommateurs bénéficiaient de la qualité pour défendre en justice leurs membres dans les litiges relevant de la directive MiFID I. Elle considère toutefois que la qualité pour agir des associations de consommateurs devrait être limitée lorsqu’elles représentent les intérêts de consommateurs qui ont investi dans des produits financiers complexes.
73. Pour les raisons exposées aux points 69 à 71 ci-dessus, une telle interprétation jurisprudentielle, qui limite la qualité pour agir de ces associations en fonction de la valeur ou de la nature du produit financier, est cependant de nature à porter atteinte à l’effet utile de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I.
74. Il résulte des considérations qui précèdent que, bien que les États membres disposent d’une marge d’appréciation pour décider, lors de la mise en œuvre de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, si les associations de consommateurs ont qualité pour défendre les intérêts collectifs des consommateurs, voire les intérêts individuels de leurs membres, cette qualité pour agir est subordonnée au statut de consommateur de ces investisseurs. Le type de produits ou le montant de l’investissement effectué par les investisseurs-consommateurs concernés n’est pas déterminant à cet égard.
(d) La qualité pour agir et l’abus de procédure au regard du régime d’aide juridictionnelle applicable
75. La juridiction de renvoi a relevé qu’en vertu du droit espagnol les associations de consommateurs ont droit à l’aide juridictionnelle lorsque les actions intentées « ont un rapport direct avec des produits ou des services d’utilisation ou de consommation courante, ordinaire et généralisée ». Il en résulte que, selon le droit national applicable (43), les associations de consommateurs ne sont pas tenues de payer les frais de la partie adverse, même lorsqu’elles perdent. En outre, les associations de consommateurs ne sont pas tenues de payer les frais de justice liés à l’introduction de l’action.
76. La juridiction de renvoi considère que, dans les situations où une association de consommateurs introduit une action qui ne « présente pas de lien direct avec des biens ou des services d’utilisation ou de consommation courante, ordinaire et généralisée », tels que les produits financiers complexes qui relèvent de la directive MiFID I, il existe un risque que la qualité pour agir fasse l’objet d’un usage frauduleux ou abusif. Cet abus consiste à ce que l’association de consommateurs tire indûment profit du régime « privilégié » de l’aide juridictionnelle.
77. À cet égard, il convient de souligner, en premier lieu, qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’interpréter les conditions prévues par le droit national pour qu’une association de consommateurs puisse bénéficier de l’aide juridictionnelle. Plus précisément, il appartient à la juridiction nationale de déterminer si des produits financiers complexes et de grande valeur doivent être considérés comme relevant ou non du champ d’application des « produits ou des services d’utilisation ou de consommation courante, ordinaire et généralisée ». Il appartient également à la juridiction nationale de déterminer les conséquences de la classification de tels biens en ce qui concerne l’applicabilité du régime national d’aide juridictionnelle.
78. En second lieu, il convient d’opérer une distinction claire entre la qualité pour agir des associations de consommateurs dans le cadre de la directive MiFID I et la question de l’aide juridictionnelle ou d’un éventuel abus de procédure.
79. La position que j’adopte dans les présentes conclusions, selon laquelle la qualité pour agir dont bénéficient les associations de consommateurs en vertu de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I ne saurait être limité sur la base de la valeur ou de la nature des produits financiers concernés, est sans préjudice de la question de savoir si l’aide juridictionnelle accordée à ces associations est susceptible d’être soumise à des restrictions fondées sur un tel critère.
80. À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I (ou tout autre texte de droit de l’Union applicable à l’époque) ne comporte aucune disposition régissant l’octroi d’une aide juridictionnelle aux organismes ayant qualité pour agir. Il s’ensuit que, en l’absence de réglementation de l’Union en ce qui concerne l’octroi d’une aide juridictionnelle à des associations de protection des consommateurs qui intentent des actions dans l’intérêt des consommateurs dans le cadre de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre d’établir de telles règles, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (44).
81. S’agissant du principe d’équivalence, il y a lieu de constater que la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à susciter un doute quant à la conformité à celui-ci des règles procédurales en cause au principal.
82. Sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, il ressort de la deuxième disposition additionnelle de la loi 1/1996 que la règle voulant que les associations de consommateurs aient droit à l’aide juridictionnelle lorsque les actions qu’elles intentent ont un rapport direct avec des produits ou des services d’utilisation ou de consommation courante, ordinaire et généralisée, s’applique à toutes les actions pertinentes, qu’elles soient fondées sur le droit de l’Union ou sur le droit national.
83. En ce qui concerne le principe d’effectivité, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération, le cas échéant, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (45).
84. En outre, les règles nationales restreignant l’accès à l’aide juridictionnelle peuvent avoir une incidence sur le droit d’accès à un tribunal et sur le principe de protection juridictionnelle effective tel qu’il est consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (46). Ce droit implique l’octroi d’une aide juridictionnelle à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, si cette aide est nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice (47).
85. En l’espèce, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il apparaît que le bénéfice de l’aide juridictionnelle pour les associations de consommateurs ne dépend pas de la situation financière de l’association mais uniquement de la nature des biens ou des services concernés par le litige. Il apparaît également que le droit national applicable a pour effet de suspendre le principe dit du « perdant payeur » au profit des associations de consommateurs (48).
86. Dès lors que le droit national instaure un régime favorable aux associations de consommateurs et déroge au principe du « perdant payeur », les critères auxquels le droit national subordonne le bénéfice de ce régime en relation avec la nature du bien, tels qu’interprétés par les juridictions nationales, ne paraissent pas de nature à porter atteinte au principe d’effectivité (49).
87. Par ailleurs, dans la mesure où l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I réaffirme le droit à un recours effectif que consacre l’article 47 de la Charte (50), il y a lieu de relever que le régime national en cause permet d’accorder une aide juridictionnelle aux associations de consommateurs sans exiger la preuve d’un manque de ressources suffisantes. Dans ces conditions, ce régime spécifique d’aide juridictionnelle n’apparaît pas de nature à porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif de l’association de consommateurs.
88. Il convient également d’ajouter que, comme l’a fait valoir le gouvernement espagnol lors de l’audience, et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, les critères établis par le droit national pour permettre aux associations de consommateurs de bénéficier du régime spécifique d’aide juridictionnelle ne portent pas atteinte au droit des investisseurs individuels ayant la qualité de consommateurs d’intenter une action individuelle et de demander l’aide juridictionnelle s’ils ne disposent pas de ressources suffisantes, conformément aux dispositions pertinentes du droit national.
89. C’est également à la juridiction nationale qu’il appartient d’appliquer la législation nationale de manière à sanctionner les recours abusifs et les demandes non fondées (51).
90. Cela étant, il convient de souligner que le simple fait qu’une association de consommateurs agisse au nom d’investisseurs‑consommateurs disposant de moyens financiers importants et ayant investi dans des produits complexes ne constitue pas, en tant que tel, un abus de procédure qui priverait l’association de consommateurs de la qualité pour agir.
91. Ainsi qu’il ressort de l’analyse à laquelle j’ai procédé ci‑dessus (52), toute autre interprétation porterait atteinte à l’effet utile de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I.
92. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle la qualité pour agir des associations de consommateurs en vue de représenter les intérêts individuels de certaines catégories d’investisseurs ayant le statut de consommateurs est exceptionnellement soumise à des restrictions tenant à la valeur et à la nature des produits financiers dans lesquels ceux-ci ont investi. Cette interprétation est sans préjudice de la question de savoir si l’aide juridictionnelle et l’exemption concomitante du paiement des frais de justice et des dépens de la partie adverse peuvent faire l’objet de limitations fondées sur de tels critères.
V. Conclusion
93. Je propose à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) :
L’article 52, paragraphe 2, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil,
doit être interprétée en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle la qualité pour agir des associations de consommateurs en vue de représenter les intérêts individuels de certaines catégories d’investisseurs ayant le statut de consommateurs est exceptionnellement soumise à des restrictions tenant à la valeur et à la nature des produits financiers dans lesquels ceux-ci ont investi. Cette interprétation est sans préjudice de la question de savoir si l’aide juridictionnelle et l’exemption concomitante du paiement des frais de justice et des dépens de la partie adverse peuvent faire l’objet de limitations fondées sur de tels critères.
1 Langue originale : l’anglais.
2 Directive du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1). Elle est communément appelée la « directive MiFID I ».
3 Article 11, paragraphe 1, du code de procédure civile. Voir point 5 des présentes conclusions.
4 Deuxième disposition additionnelle de la loi 1/1996. Voir point 6 des présentes conclusions.
5 J’explore le terme d’investisseurs-consommateurs aux points 65 et suivants des présentes conclusions.
6 Dans les conditions prévues à l’article 93, paragraphe 1, de la directive MiFID II.
7 Arrêt du 3 juin 2021, Jumbocarry Trading (C‑39/20, EU:C:2021:435), point 28).
8 Voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2024, Asociația “Forumul Judecătorilor din România” (Associations de magistrats) (C‑53/23, EU:C:2024:388, point 14), et du 21 juin 2022, Ligue des droits humains (C‑817/19, EU:C:2022:491, point 240).
9 La définition des intérêts collectifs a fait l’objet de discussions en doctrine. Voir Boré, L., La défense des intérêts collectifs par les associations devant les juridictions administratives et judiciaires, LGDJ, Paris, 1997, p. 3, qui souligne que l’intérêt collectif « est un intérêt qui concerne au moins deux personnes. Qu’il en concerne deux ou deux milliards, peu importe, cela reste un intérêt collectif. Tel est le sens littéral du mot ; il est clair et simple ». S’agissant du sens juridique de l’intérêt collectif, ce même auteur reconnaît qu’il est, « au contraire, [...] obscur et discuté ». Voir Calais-Auloy, J., Temple, H. et Depincé, M., Droit de la consommation, 10e éd, Paris, Dalloz, 2020, p. 719, qui définissent l’intérêt collectif comme un « intérêt qui se trouve à mi-chemin entre les intérêts individuels de quelques consommateurs et l’intérêt général de tous les citoyens »). Voir points 48 et suivants des présentes conclusions.
10 C’est moi qui souligne. Voir conclusions de l’avocat général Campos Sánchez‑Bordona dans l’affaire Khorassani (C‑678/15, EU:C:2017:100, note en bas de page 21).
11 Voir Daams, L., Private enforcement im Kapitalmarktrecht – Das Verhältnis von Aufsichts- und Zivilrecht nach der MiFID II, Verlag Dr. Kovač, Hamburg, 2021, p. 96, faisant référence à une « harmonisation sectorielle complète » (« bereichsspezifische Vollharmonisierung »). Le considérant 7 de la directive MiFID II indique que « [l]e principal objectif et objet de la [directive MiFID II] étant d’harmoniser les dispositions nationales concernant les domaines visés, elle devrait être fondée sur l’article 53, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ».
12 Voir, de façon générale, Cafaggi, F. et Micklitz, H.W., New Frontiers of Consumer Protection : The Interplay between Private and Public Enforcement, Intersentia, Anvers, 2009 ; Fairgrieve, D. et Lein, E., Extraterritoriality and Collective Redress, Oxford University Press, Oxford, 2012 ; Hodges, C., The Reform of Class and Representative Actions in European Legal Systems : A New Framework for Collective Redress in Europe, Hart, Oxford, 2008, p. 15 et suivantes.
13 Le droit d’intenter une action au titre de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I est sans préjudice du pouvoir des autorités compétentes d’exiger la cessation de toute pratique contraire aux dispositions adoptées pour la mise en œuvre de la directive MiFID I, conformément à l’article 50, paragraphe 2, sous e), de ladite directive, ainsi que du pouvoir d’adopter des sanctions administratives, conformément à l’article 51 de la directive MiFID I.
14 Voir Hodges, C., The Reform of Class and Representative Actions in European Legal Systems, op. cit., note de bas de page 12, p. 15, qui souligne que « l’objet des recours que peut former l’entité privée, une association de consommateurs, est traditionnellement limité aux actions en cessation visant à protéger l’intérêt général des consommateurs, sans s’étendre à celles tendant à la protection d’intérêts individuels ou à la réparation d’un dommage ».
15 Tel semble être le cas dans l’ordre juridique espagnol, tel que le présente la juridiction de renvoi. Le droit français de la consommation connaît également des exemples d’actions mettant en cause les intérêts individuels d’un groupe de consommateurs. Il en est ainsi de l’action de groupe simplifiée prévue à l’article L623‑14 du code de la consommation. Cette disposition permet aux associations de consommateurs d’introduire une action lorsque l’identité et le nombre de consommateurs sont connus, et que ces consommateurs ont subi le même préjudice. Un autre exemple est l’action en représentation conjointe, prévue à l’article L622‑1 du code de la consommation. Cette disposition donne le droit à toute association de consommateurs reconnue représentative sur le plan national, d’agir en réparation lorsque plusieurs consommateurs identifiés ont subi des préjudices individuels qui ont une origine commune et ont été causés par le fait d’une même personne, si elle est mandatée à cet effet par au moins deux des consommateurs concernés. La doctrine souligne le caractère distinctif de cette action « made in France » en ce qu’elle est détachée des intérêts collectifs des consommateurs et en ce qu’elle vise à défendre une « collectivité d’intérêts individuels » ; voir Poillot, E., « L’action des associations en représentation conjointe », in Sauphanor-Brouillaud, N. et al, Les contrats de consommation. Règles communes, Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin, LGDJ, 2011, p. 1075 (mise en italique ajoutée).
16 Mise en italique ajoutée. En France, l’article L452‑2 du code monétaire et financier donne qualité aux associations d’investisseurs agréées pour agir en réparation, si elles sont mandatées par au moins deux des investisseurs concernés, au nom de ces investisseurs, lorsque plusieurs investisseurs identifiés ont subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d’une même personne et qui ont une origine commune.
17 Voir Hodges, C. et Voet, S., Delivering Collective Redress : New Technologies, Oxford, Hart, 2018, p. 12, où il est relevé que « pendant de nombreuses années, l’Europe a peiné pour adopter une position claire sur les recours collectifs et pour établir un cadre juridique cohérent ». Voir également Mullenix, L.S., « For the Defense : 28 Shades of European Class Actions », dans Uzelac, A. et Voet, S. (eds), Class Actions in Europe, Holy Grail or Wrong Trail ?, Springer, 2021, p. 43 à 69.
18 Directive du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 9529)
19 Voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2024, Caixabank e.a. (Contrôle de transparence dans l’action collective) (C‑450/22, EU:C:2024:577, point 26 et jurisprudence citée).
20 Directive du Parlement européen et du Conseil, du 19 mai 1998, relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (JO 1998, L 166, p. 51).
21 Voir le point de vue critique de Hodges, C., The Reform of Class and Representative Actions in European Legal Systems, op. cit. note en bas de page 12, p. 10, qui observe que « c’est une erreur d’imaginer que les mesures de l’Union, notamment la directive 98/27 relative aux actions en cessation, harmonisent en grande partie les mécanismes collectifs nationaux préexistants. On peut même dire que cette directive a davantage pour effet d’obscurcir que d’harmoniser ou de simplifier la situation générale ».
22 Directive du Conseil, du 10 mai 1993, concernant les services d’investissement dans le domaine des valeurs mobilières (JO 1993, L 141, p. 27).
23 Voir considérant 2 de la directive MiFID I.
24 Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 (JO 2009, L 110, p. 30).
25 Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020, qui a abrogé la directive 2009/22/CE (JO 2020, L 409, p. 1).
26 Voir Kodek, G., « Representative Actions – a Judge’s View », Praefatio, Lex & Forum, Vol. 1, 2024, p. 1, qui souligne que la directive 2020/1828 « reflète l’approche sceptique et, en réalité, restrictive qui caractérisait déjà les initiatives antérieures de l’Union ».
27 Article 3, paragraphe 3, de la directive 2020/1828.
28 Voir considérant 13 de la directive 2020/1828, qui indique que « comme il existe une demande accrue de services financiers et de services d’investissement de la part des consommateurs, il est important d’améliorer l’application du droit de la consommation dans ces domaines ».
29 Mise en italique ajoutée. Voir également considérant 15, aux termes duquel la directive 2020/1828 « devrait s’appliquer sans préjudice des actes juridiques énumérés à l’annexe I et ne devrait, par conséquent, [pas] remplacer les mécanismes d’application que ces actes juridiques pourraient contenir ».
30 Mise en italique ajoutée.
31 Voir, à cet effet, arrêt du 11 janvier 2024, G (Frais de résiliation anticipée) (C‑371/22, EU:C:2024:21, point 50 et jurisprudence citée).
32 Il ressort de la genèse de l’article 52, paragraphe 2, de la directive MiFID I que le législateur a entendu conférer un large champ d’application à l’action qui y est visée. L’article 48, paragraphe 2, de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les services d’investissement et les marchés réglementés, et modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil, ainsi que la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil (COM/2002/625 final), contenait la phrase introductive suivante : « [c]oncernant le droit de recours juridictionnel visé au paragraphe 1 ». Elle établissait ainsi un lien direct entre le droit d’un ou de plusieurs des organismes qui y sont énumérés d’intenter une action, d’une part, et le droit de former un recours juridictionnel contre toute décision prise en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, telle que visée à l’article 48, paragraphe 1, de ladite proposition, d’autre part. Cette phrase introductive a été supprimée dans le texte final.
33 Le « client » est défini comme « toute personne physique ou morale à qui une entreprise d’investissement fournit des services d’investissement et/ou des services auxiliaires ». Le « client professionnel » s’entend d’un client respectant les critères énoncés à l’annexe II, tandis que le « client de détail » est défini de manière négative, comme un client qui n’est pas un client professionnel.
34 Stuyck, J., « La notion de consommateur en droit de l’Union européenne », in Combet, M., Le droit européen de la consommation au XXI e siècle, État des lieux et perspectives, Bruylant, 2022, p. 25.
35 Voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2019, Pillar Securitisation (C‑694/17, EU:C:2019:345, point 34 et jurisprudence citée).
36 Voir directives énumérées à l’annexe I de la directive 2009/22 qui fixent des règles pour la protection des intérêts des consommateurs. Les directives qui semblent particulièrement pertinentes sont la directive 93/13 et la directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE (JO 2002, L 271, p. 16).
37 Voir Riassetto, I., « L’investisseur-consommateur à la croisée du droit financier et du droit de la consommation. The investor-consumer at the crossroads of financial and consumer law », European Journal of Consumer Law – Revue Européenne du Droit de la Consommation, Vol. 2, 2023, p. 373.
38 En faveur de la conception objective de la notion de consommateur, voir arrêts du 4 juillet 2024, Caixabank e.a. (Contrôle de transparence dans l’action collective) (C‑450/22, EU:C:2024:577, point 49 et jurisprudence citée), et du 3 octobre 2019, Petruchová (C‑208/18, EU:C:2019:825, point 55). Voir Poillot, E., « Clients et consommateurs en droit bancaire et financier : entre protection subjective et protection objective de la partie faible en droit européen », Hors-série Banque & Droit, février 2023, p. 10, spécialement p. 13 ; Prorok, J., « La distinction entre consommateur et investisseur. Commentaire CJUE, 4e chambre, 2 avril 2020, aff. C‑500/18, AU c/ Reliantco Investments et Reliantco Investments Limassol Sucursala București », Banque & Droit, mai-juin 2020, p. 48, spécialement p. 49.
39 Sous l’empire de la directive MiFID II, la disposition pertinente régissant le mécanisme extrajudiciaire est l’article 75, dont le titre fait explicitement référence aux « plaintes des consommateurs ».
40 Voir considérants 77, 156 et 166 de la directive MiFID II.
41 Riassetto, I., « L’investisseur-consommateur à la croisée du droit financier et du droit de la consommation. The investor-consumer at the crossroads of financial and consumer law », op. cit. note en bas de page 37, p. 369 à 386 ; Riassetto, I., « Prestations de services d’investissement et clauses abusives », in Henry, X. (dir.), Des contrats civils et commerciaux aux contrats de consommation, Mélanges en l’honneur du Doyen Bernard Gross, Presses Universitaires de Nancy, 2009, p. 273. Voir également Poillot, E., « Clients et consommateurs en droit bancaire et financier : entre protection subjective et protection objective de la partie faible en droit européen », op. cit. note en bas de page 38, p. 15, où il est souligné que la coexistence et l’articulation des deux systèmes de protection trouvent leur origine dans l’article 12 TFUE.
42 Voir, par analogie, arrêts du 3 octobre 2019, Petruchová (C‑208/18, EU:C:2019:825, point 42), et du 2 avril 2020, Reliantco Investments et Reliantco Investments Limassol Sucursala București (C‑500/18, EU:C:2020:264, point 53).
43 Voir point 7 des présentes conclusions.
44 Voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2018, EOS KSI Slovensko (C‑448/17, EU:C:2018:745, point 36).
45 Arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101, point 51).
46 Voir, à cet effet, arrêt du 22 décembre 2010, DEB (C‑279/09, EU:C:2010:811, points 29 à 31).
47 Voir, à cet effet, arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101, point 53).
48 Sur la question du financement des associations de consommateurs dans le cadre des recours collectifs, voir Hodges, C., The Reform of Class and Representative Actions in European Legal Systems, op. cit., note en bas de page 12, p. 234, où il est souligné que « le fait d’exonérer l’ONG, dans une mesure plus ou moins grande, de la règle du “perdant-payeur” est une option théorique, mais [...] contraire aux principes ». On peut observer que la directive 2020/1828 approuve le principe du “perdant-payeur” dans les actions représentatives visant à obtenir des mesures de réparation. Selon l’article 12 de cette directive, « [l]es États membres veillent à ce que la partie succombante dans une action représentative visant à obtenir des mesures de réparation soit tenue de payer les frais de procédure supportés par la partie qui obtient gain de cause, conformément aux conditions et exceptions prévues par le droit national applicable à la procédure judiciaire en général ».
49 Voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť (C‑470/12, EU:C:2014:101, point 54).
50 Voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, UBS Europe e.a. (C‑358/16, EU:C:2018:715, point 57).
51 Je note que la directive 2020/1828 laisse aux États membres le soin de traiter la question des recours abusifs. Il ressort du considérant 39 de cette directive que « [a]fin d’éviter les recours abusifs, les États membres devraient adopter de nouvelles règles ou appliquer les règles existantes du droit national de manière que la juridiction ou l’autorité administrative puisse décider de rejeter les recours manifestement non fondés dès qu’elle a reçu les informations nécessaires pour justifier cette décision ».
52 Point 71 des présentes conclusions.