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Document 62023CC0224

Conclusions de l'avocat général Mme T. Ćapeta, présentées le 21 mars 2024.
Penya Barça Lyon : Plus que des supporters (PBL) et Issam Abdelmouine contre Commission européenne.
Pourvoi – Aides d’État – Plainte relative à une aide d’État ayant permis à un club de football d’engager un joueur jusqu’alors employé par un autre club – Plainte déposée par un des socios de ce dernier club, constitué sous la forme d’association à but non lucratif – Décision de la Commission européenne concluant à l’absence de qualité de “partie intéressée” en droit de déposer une plainte – Règlement (UE) 2015/1589 – Article 1er, sous h) – Notions de “partie intéressée” et de “personne dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide”.
Affaire C-224/23 P.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:267

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME TAMARA ĆAPETA

présentées le 21 mars 2024 ( 1 )

Affaire C‑224/23 P

Penya Barça Lyon : Plus que des supporters (PBL),

Issam Abdelmouine

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Aide d’État – Aide alléguée en faveur du Paris Saint-Germain FC – Règlement (UE) 2015/1589 – Article 1er, sous h) – Article 24, paragraphe 2 – Notion de “partie intéressée” – Portée de la notion d’“intérêt” d’une personne, d’une entreprise ou d’une association d’entreprises – Nécessité d’un lien de causalité entre les intérêts de ces parties et l’octroi de l’aide »

I. Introduction

1.

M. Issam Abdelmouine est un supporter déclaré du FC Barcelona et un « socio » (membre) de ce club de football. Avec Penya Barça Lyon : Plus que des supporters (ci-après « PBL »), une association française de supporters de football soutenant le FC Barcelona, il a déposé une plainte auprès de la Commission européenne en soutenant que la République française avait octroyé une aide d’État illégale, prenant la forme de la non‑application de certaines règles relatives au fair-play financier instituées par l’Union des associations européennes de football (UEFA). Selon lui, cette non‑application a permis au Paris Saint-Germain FC de recruter le joueur de football M. Lionel Messi, du FC Barcelona.

2.

La Commission a répondu à cette plainte par une lettre dans laquelle elle a expliqué que cette correspondance ne pouvait être traitée comme une « plainte formelle » ( 2 ), M. Abdelmouine n’ayant pas la qualité de « partie intéressée » au sens du règlement 2015/1589 ( 3 ).

3.

Dans l’arrêt du 8 février 2023, PBL et WA/Commission (T‑538/21, non publié, ci-après l’ arrêt attaqué , EU:T:2023:53), ayant fait suite au recours en annulation introduit contre cette lettre, le Tribunal a confirmé la position de la Commission, selon laquelle M. Abdelmouine ne pouvait pas être reconnu comme étant une « partie intéressée » au sens du règlement 2015/1589.

4.

Dans le cadre du présent pourvoi, la Cour est chargée de clarifier les exigences qui sous-tendent la notion de « partie intéressée » aux fins de la procédure de plainte en matière d’aides d’État.

II. Les antécédents de la procédure

A.   La plainte adressée à la Commission et la lettre litigieuse

5.

Les faits et le cadre juridique pertinents pour le présent pourvoi peuvent être résumés de la manière suivante.

6.

Le 8 août 2021, le FC Barcelona a annoncé le transfert de M. Lionel Messi vers le Paris Saint-Germain FC.

7.

Le même jour, M. Abdelmouine a déposé une plainte auprès de la Commission en faisant valoir que la Ligue de Football Professionnel (France) et son autorité administrative de surveillance avaient octroyé au Paris Saint‑Germain FC une aide d’État prétendument illégale, prenant la forme d’une suspension temporaire de l’application, par la Fédération française de football (FFF), du règlement de l’UEFA sur l’octroi de licence aux clubs et le fair-play financier ( 4 ).

8.

Selon M. Abdelmouine, cette décision de non‑application a entraîné une distorsion des règles appliquées par les instances de football professionnel en Espagne et en France, ce qui a affecté la concurrence et a permis au Paris Saint‑Germain FC de recruter M. Lionel Messi.

9.

Par lettre du 1er septembre 2021 (ci-après la « décision attaquée ») ( 5 ), la Commission a répondu à la plainte de M. Abdelmouine.

10.

Dans la partie pertinente, la décision attaquée est libellée comme suit :

« Conformément à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, seule une partie intéressée peut déposer une plainte formelle. On entend par “partie intéressée” tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles [...].

Vous avez déposé la plainte au nom d’un membre (socio) du [FC Barcelona]. Un membre n’est ni un concurrent du [Paris Saint-Germain FC] ni une association professionnelle. Bien que la définition de “partie intéressée” ne se limite pas aux seuls concurrents du bénéficiaire de l’aide, les intérêts purement généraux ou indirects d’une personne à l’égard d’une mesure ne permettent pas de qualifier cette personne de “partie intéressée”, car de tels éléments ne révèlent aucune affectation concrète de sa situation. Par exemple, la qualité d’actionnaire de la société concurrente d’un bénéficiaire d’une aide ne confère pas à cette personne un intérêt propre et distinct de celui de la société concernée. L’actionnaire ne peut défendre ses intérêts par rapport à cette mesure qu’en exerçant ses droits d’associé de cette entreprise, qui peut elle‑même avoir le droit de porter plainte. La qualité de partie intéressée n’est pas étendue à toutes les personnes susceptibles d’être affectées par une diminution du résultat net annuel d’une entreprise. La situation des membres (‟socios”) du [FC Barcelona], qui est organisée comme une association sans but lucratif, est à cet égard similaire à celle des actionnaires d’une société, car ils ne pourraient faire valoir qu’un intérêt indirect à l’égard de la mesure en cause, par l’intermédiaire du [FC Barcelona].

Étant donné que, par conséquent, vous ne pouvez pas être qualifié de “partie intéressée”, votre demande ne peut pas être traitée comme une plainte formelle au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. »

B.   La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

11.

Par requête du 2 septembre 2021, PBL et M. Abdelmouine (ci‑après, ensemble, les « requérants ») ont introduit un recours au titre de l’article 263 TFUE devant le Tribunal.

12.

Par ce recours, les requérants demandaient que la décision attaquée soit annulée et qu’il soit notamment enjoint à la Commission d’ouvrir une enquête à l’encontre de la République française pour aide d’État illégale à l’égard du Paris Saint-Germain FC dans le cadre des compétitions nationales et européennes ( 6 ).

13.

L’unique moyen invoqué en première instance était tiré de la violation de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589. Dans le cadre de ce moyen, les requérants faisaient également valoir que la Commission avait à tort assimilé la qualité d’actionnaire à celle de « socio » et avait ainsi abouti à une interprétation erronée de la notion de « partie intéressée » ( 7 ).

14.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, premièrement, jugé que le recours en annulation était irrecevable en ce qu’il avait été introduit par PBL, étant donné qu’il n’existait aucune preuve que la plainte avait été déposée également au nom de cette partie ( 8 ).

15.

Deuxièmement, le Tribunal a examiné les quatre types d’intérêt que faisait valoir M. Abdelmouine, à savoir : i) l’intérêt patrimonial direct en lien avec la situation financière du FC Barcelona ; ii) l’intérêt fondé sur les valeurs du football et la défense du sport ; iii) la conséquence de la distorsion de concurrence sur la forme d’organisation du FC Barcelona, et iv) l’intérêt de préserver les droits dont jouissent les « socios » dans l’hypothèse d’une transformation du statut ou de la structure du FC Barcelona.

16.

Le Tribunal a conclu qu’aucun des intérêts invoqués par M. Abdelmouine à l’appui de sa qualité de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 n’était susceptible d’aboutir à l’annulation de la décision attaquée ( 9 ).

17.

Troisièmement, le Tribunal a jugé inopérant l’argument de M. Abdelmouine, selon lequel sa qualité de « socio » ne pouvait pas être assimilée à celle d’actionnaire d’une société. Il a expliqué que l’analogie établie par la Commission dans la décision attaquée présentait un caractère accessoire à la déclaration de celle-ci, selon laquelle M. Abdelmouine n’était pas une « partie intéressée » ( 10 ).

18.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal a rejeté le recours en annulation et condamné les requérants aux dépens.

III. La procédure devant la Cour

19.

Par un pourvoi introduit le 11 avril 2023, les requérants demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité et de faire droit aux conclusions telles qu’elles ont été présentées dans leur dernier état en première instance.

20.

Dans son mémoire en réponse, déposé le 14 juillet 2023, la Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérants aux dépens.

IV. Analyse

21.

Par la décision attaquée, la Commission a informé M. Abdelmouine que sa plainte ne pouvait pas être traitée comme une plainte « formelle » au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. Selon la Commission, tel est le cas parce que M. Abdelmouine n’avait pas la qualité de « partie intéressée » telle qu’elle est définie à l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589. Cependant, dans la décision attaquée, la Commission explique également que les informations communiquées par M. Abdelmouine seront enregistrées en tant que « renseignements d’ordre général concernant le marché » ( 11 ).

22.

La Commission n’a pas expliqué quelles seraient les conséquences du refus de traiter la lettre adressée par M. Abdelmouine comme une plainte « formelle » et du fait de la traiter plutôt comme des « renseignements d’ordre général concernant le marché ». La décision attaquée ne contient pas non plus de constatations concernant le point de savoir si la Commission considère qu’il y a une aide d’État (illégale) ou si elle a l’intention d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

23.

Par leur recours en annulation, les requérants contestent ainsi, en substance, le refus de la Commission de qualifier M. Abdelmouine de « partie intéressée ».

24.

Cette contestation pose, à mon sens, deux questions. Premièrement, quelles sont les conséquences de ce refus pour M. Abdelmouine ? Deuxièmement, est-ce à tort que M. Abdelmouine s’est vu refuser la qualité de « partie intéressée » ?

25.

J’aborderai ces points l’un après l’autre dans les présentes conclusions. À cette fin, j’exposerai tout d’abord brièvement les droits procéduraux reconnus aux « parties intéressées » et ceux accordés aux personnes n’ayant pas cette qualité (section A). J’examinerai ensuite les conditions qu’une personne doit remplir pour être qualifiée de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 (section B). Enfin, j’examinerai le point de savoir si c’est à tort que le Tribunal a refusé de reconnaître à M. Abdelmouine la qualité de « partie intéressée » (section C).

A.   Les droits procéduraux des « parties intéressées » et ceux des autres personnes

26.

L’obligation pour la Commission d’examiner les aides susceptibles de porter atteinte à une concurrence effective et non faussée entre les entreprises (et les États membres) sur le marché commun découle directement des traités.

27.

Par conséquent, lorsque la Commission reçoit des informations relatives à une potentielle violation de l’article 107 TFUE, elle est tenue, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, d’examiner ces informations et de décider si elles requièrent d’adopter d’autres mesures, y compris celle consistant à ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ( 12 ).

28.

Cette obligation s’impose indépendamment du point de savoir si c’est la victime d’une concurrence faussée sur le marché commun qui porte certaines informations à la connaissance de la Commission, ou bien une personne qui peut être considérée comme nourrissant des préoccupations d’ordre plus « commun » ou « général » en ce qui concerne l’octroi d’une aide prétendument illégale.

29.

Dans le même temps, l’article 108 TFUE octroie à la Commission une compétence exclusive pour veiller à la bonne mise en œuvre des règles en matière d’aides d’État et prévoit qu’elle exerce ce rôle « avec les États membres ».

30.

Ces éléments ont conduit la Cour à conclure que la procédure de contrôle des aides d’État n’implique, en premier lieu, que la Commission et les États membres : une enquête sur l’octroi d’une aide est ouverte à l’encontre de l’État et adressée à ce dernier, et non à l’encontre du bénéficiaire de cette aide ou d’autres parties affectées ( 13 ).

31.

Ainsi, les tiers sont en principe exclus de la procédure de contrôle des aides d’État, en particulier de sa phase préliminaire, avant l’adoption d’une décision relative au point de savoir s’il y a lieu d’ouvrir une procédure d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

32.

Cette exclusion implique que ni le bénéficiaire d’une mesure d’aide ni aucune autre entité affectée par celle-ci ne sauraient être considérés comme jouant un rôle particulier dans la phase préliminaire d’examen des aides instituée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE ( 14 ).

33.

Ce n’est qu’au stade de la procédure formelle d’examen ouverte sur la base de l’article 108, paragraphe 2, TFUE que l’on a considéré que les tiers étaient titulaires de certains droits procéduraux. Cette phase de la procédure étant « destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire », cette institution est tenue de permettre aux « intéressés » de présenter des observations ( 15 ).

34.

Cependant, malgré l’obligation incombant à la Commission au titre du traité FUE d’enquêter sur tout cas éventuel d’aide illégale, les intéressés ne disposaient d’aucun droit procédural au cours de la phase préliminaire.

35.

Ce n’est qu’en 1998, à la suite de l’arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, que des tiers se sont vu, pour la première fois, reconnaître certains droits procéduraux en dehors du cadre de la procédure formelle d’examen ( 16 ).

36.

Cet arrêt a également joué un rôle d’initiative, au cours de la procédure législative sous-jacente au règlement (CE) no 659/1999 ( 17 ) (ayant précédé le règlement 2015/1589) ( 18 ), afin d’attribuer officiellement à ces parties le droit spécifique de déposer une plainte auprès de la Commission pour « informer [cette dernière] de toute aide illégale prétendue » ( 19 ).

37.

Ce droit de déposer une plainte est assorti de certains droits procéduraux accordés par le règlement 2015/1589 au stade préliminaire de la procédure.

38.

Par exemple, l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 oblige la Commission, en cas de dépôt d’une plainte, à dialoguer avec le plaignant. Cette exigence implique que, lorsqu’elle estime, sur la base des informations fournies dans la plainte, qu’il n’y a pas, à première vue, de motifs suffisants pour ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission a l’obligation d’informer la partie intéressée de cette décision. Après avoir fait connaître sa position, la Commission doit également accorder à la partie intéressée un délai pour répondre et, éventuellement, fournir des informations complémentaires. Enfin, la Commission est tenue de transmettre à la « partie intéressée » une copie de toute décision adoptée dans une affaire concernant le sujet de sa plainte.

39.

Ces droits ont été renforcés dans la jurisprudence.

40.

Ainsi, en particulier lorsque la Commission décide de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen instituée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE parce qu’elle considère que la mesure à l’origine de la plainte ne constitue pas une aide incompatible avec le marché commun ou que cette aide est justifiée, le plaignant s’est vu reconnaître le droit de contester la décision à cet égard sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. La Cour a considéré que cette possibilité de former un recours était justifiée eu égard aux droits procéduraux dont aurait bénéficié un tiers en cas d’ouverture de la procédure formelle ( 20 ).

41.

Par conséquent, le règlement 2015/1589 ouvre une voie procédurale permettant aux tiers d’engager, du moins dans une certaine mesure, un débat avec la Commission avant l’ouverture de la procédure formelle au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ( 21 ).

42.

Néanmoins, le règlement 2015/1589 ne confère pas de droits procéduraux à tout tiers qui communique des informations à la Commission concernant une aide d’État alléguée. En réalité, ce règlement établit une distinction intrinsèque entre les « parties intéressées » et (ce que j’appellerai) les « autres informateurs ».

43.

Conformément à l’article 12, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2015/1589, la Commission peut, de sa propre initiative, examiner les informations concernant une aide présumée illégale, quelle qu’en soit la source. À l’inverse, le second alinéa de cette disposition prévoit que la Commission examine sans délai toute plainte déposée par « une partie intéressée » lorsque cette plainte est déposée conformément à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 ( 22 ).

44.

L’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 réserve le droit de déposer une plainte aux « parties intéressées ».

45.

En particulier, cet article dispose que « [t]oute partie intéressée peut déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide. À cet effet, la partie intéressée remplit en bonne et due forme un formulaire figurant dans une disposition d’application [...] et fournit les renseignements obligatoires qui y sont demandés » ( 23 ).

46.

En conséquence, l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 subordonne le dépôt d’une plainte auprès de la Commission à deux exigences pratiques : i) la nécessité d’avoir la qualité de « partie intéressée » et ii) la nécessité de remplir un formulaire et de fournir certaines informations afin de démontrer à première vue l’existence d’une aide illégale ou d’une application abusive d’une aide ( 24 ).

47.

Ainsi, la notion de « partie intéressée » accorde aux informateurs ayant cette qualité certains droits procéduraux dont ne bénéficient pas les « autres informateurs ».

48.

Il s’ensuit que, en refusant de reconnaître à M. Abdelmouine la qualité de « partie intéressée » au sens du règlement 2015/1589, la Commission a également privé cette partie des droits procéduraux prévus par ce règlement, même si cela ne dispense pas la Commission de son obligation d’examiner les informations fournies en ce qui concerne l’aide d’État alléguée.

B.   Qu’est-ce qu’une « partie intéressée » ?

49.

La notion de « partie intéressée » est définie à l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.

50.

Cette disposition, qui conserve le libellé du règlement no 659/1999, codifie la jurisprudence de la Cour relative à la notion de « partie intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ( 25 ).

51.

Elle dispose qu’on entend par « partie intéressée »« tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ».

52.

La Cour a admis que, si cette définition vise assurément les entreprises concurrentes du bénéficiaire de cette aide ( 26 ), elle est toutefois rédigée de telle façon qu’elle est susceptible de viser un « ensemble indéterminé de destinataires » ( 27 ).

53.

Le critère de qualification limitant cette liste de personnes, en théorie ouverte, est le point de savoir si « les intérêts [de la personne en question] pourraient être affectés par l’octroi d’une aide » ( 28 ).

54.

Étant donné que la présente affaire concerne une personne qui n’est pas une entreprise concurrente de celle à laquelle l’aide a prétendument été accordée, ce sont les notions d’« intérêts » et d’intérêts « affectés » figurant à l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 qui sont pertinentes afin de répondre à la question de savoir si M. Abdelmouine a la qualité de « partie intéressée ».

1. La question de l’intérêt

55.

Quels sont les intérêts susceptibles de conférer à une personne morale ou physique la qualité de « partie intéressée » ? Le règlement 2015/1589 demeure silencieux à cet égard.

56.

Dans un certain courant jurisprudentiel, le Tribunal a considéré qu’une personne ayant un « intérêt purement général ou indirect » à l’égard d’une mesure spécifique d’aide ne saurait avoir la qualité d’« intéressée » ( 29 ). Ce courant jurisprudentiel n’explique pas ce qu’il convient d’entendre par un intérêt « purement général ». Cependant, il semble s’inspirer de la jurisprudence relative à l’affectation directe et individuelle au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ( 30 ). J’estime que cette approche est erronée.

57.

Dans la mesure où elle est liée à la qualité de « partie intéressée » dans la procédure en matière d’aides d’État, la notion d’« intérêt » est dissociée de la qualité de cette partie à contester une décision de la Commission, qualité qu’elle acquiert au stade de la procédure formelle d’examen instituée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Pour être recevable à contester une telle décision, la « partie intéressée » doit démontrer que cette décision l’affecte directement et individuellement dans ses intérêts, cette qualité ne découlant pas directement de sa qualité de « partie intéressée » au titre du règlement 2015/1589 ( 31 ).

58.

L’affectation directe et individuelle de la partie intéressée dans ses intérêts n’est présumée que lorsque celle-ci entend contester une décision de ne pas ouvrir la procédure formelle (voir point 40 des présentes conclusions).

59.

Cependant, dans un autre courant jurisprudentiel, le Tribunal ne subordonne pas la qualité de « partie intéressée » à l’existence d’un intérêt personnel, par opposition à un intérêt général ( 32 ).

60.

Je considère que cette approche est plus conforme à la finalité de la qualité de « partie intéressée » dans la procédure en matière d’aides d’État.

61.

La procédure de plainte est, comme le règlement 2015/1589 le prévoit lui‑même, « une source essentielle d’informations pour détecter les infractions aux règles de l’Union sur les aides d’État » ( 33 ).

62.

À cet égard, il importe peu de savoir quel type d’intérêt subjectif a incité un plaignant à s’adresser à la Commission en arguant de l’existence d’une aide illégale ( 34 ).

63.

Les informations que la Commission reçoit des parties intéressées lui permettent potentiellement de détecter et d’examiner une mesure d’aide qui a une incidence négative sur le marché commun. Dès lors, même lorsque les intérêts d’un plaignant ne correspondent pas, par exemple, à ceux du bénéficiaire de l’aide, ou même lorsqu’il ne s’agit en aucun cas d’intérêts économiques, ce qui importe, c’est l’intérêt public, que partagent tous les sujets du droit de l’Union et dont la surveillance est confiée à la Commission, à interdire toute aide non conforme aux conditions de concurrence sur le marché commun.

64.

Cette approche ouverte de la portée des « intérêts » couverts par le règlement 2015/1589 transparaît en particulier dans l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Ja zum Nürburgring/Commission ( 35 ).

65.

Dans cet arrêt, la Cour a expliqué que l’intérêt d’« une association qui défend les intérêts de l’ensemble du sport automobile allemand en rapport avec le circuit du Nürburgring [dont l’]objectif central est de garantir l’exploitation de ce circuit dans des conditions économiques orientées sur l’intérêt général assurant l’accès à celui-ci également aux sportifs amateurs » ( 36 ) était suffisant pour satisfaire au critère de l’« intérêt ».

66.

Par conséquent, il n’y a aucune raison de considérer que l’intérêt consistant à maintenir une certaine structure organisationnelle ou fonctionnelle en ce qui concerne des organisations sportives, ou même l’intérêt plus large consistant à garantir l’équité dans un sport particulier, ne sauraient être pris en considération en tant qu’intérêt suffisant pour qualifier une partie d’« intéressée » au sens du règlement 2015/1589.

67.

Il s’ensuit que la réponse à la question de savoir quels sont les intérêts susceptibles d’être affectés est assez simple : tout intérêt peut être protégé en déposant une plainte contre l’octroi d’une aide susceptible d’avoir une incidence sur les conditions de concurrence sur le marché commun.

68.

Néanmoins, étant donné que la qualité de « partie intéressée » confère certains droits à une partie et compte tenu du fait que, dans le règlement 2015/1589, le législateur entendait non pas accorder de tels droits à tout le monde, mais, au contraire, les limiter à une certaine catégorie de personnes, le cercle des personnes qui peuvent se prévaloir de cette qualité doit nécessairement être limité.

69.

Comme je l’expliquerai dans les présentes conclusions, le véritable élément de filtrage n’est pas le type d’intérêt en cause, mais plutôt l’exigence aux termes de laquelle cet intérêt doit être affecté. Pour le formuler autrement, il s’agit de déterminer s’il est possible d’établir un lien entre les incidences sur les intérêts de la personne morale ou physique et la mesure d’aide en cause.

2. La question de l’affectation

70.

L’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 subordonne la qualité de « partie intéressée » à la possibilité que les intérêts de cette partie soient affectés par l’octroi de l’aide.

71.

Traditionnellement, la jurisprudence a interprété cette exigence en ce sens qu’il doit y avoir un risque que la mesure d’aide en cause ait une incidence « concrète » sur la situation de la personne physique ou morale en cause ou sur celle des personnes qu’elle représente ( 37 ).

72.

À mon sens, ces termes ne sont que des synonymes de l’exigence d’un lien de causalité entre la mesure d’aide en cause et les effets allégués.

73.

L’utilisation du terme « par » à l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 implique que la personne qui cherche à se prévaloir de la qualité de « partie intéressée » doit établir que l’incidence négative sur l’intérêt en cause découle explicitement de la mesure spécifique qu’elle conteste ( 38 ).

74.

En outre, compte tenu de l’utilisation du verbe « pouvoir » dans le libellé de cette disposition, la qualification de « partie intéressée » dépend non seulement du point de savoir si les intérêts de la personne sont effectivement affectés, mais également de l’incidence potentielle que la mesure d’aide en cause est susceptible d’avoir ( 39 ).

75.

Néanmoins, en pratique, ce type d’imputation d’une incidence potentielle peut s’avérer difficile à établir avec certitude. Une multitude de mesures (dont certaines sont de nature réglementaire) ou d’effets (trouvant leur origine dans des mesures ou des actes en amont/en aval) sont susceptibles d’avoir une incidence négative sur l’entité en cause.

76.

Dans ces conditions, je suggère de compléter l’imputation « positive » exposée aux points précédents des présentes conclusions par une appréciation de l’imputation « négative ».

77.

Cela signifie que la Commission doit apprécier si la mesure qui fait l’objet de la plainte demeure à l’origine de l’incidence négative alléguée y compris lorsqu’on élimine les effets qui, en réalité, découlent d’une autre source possible ( 40 ).

78.

À mon sens, la jurisprudence reconnaît déjà (implicitement) ce type d’approche ( 41 ).

79.

Par exemple, dans l’arrêt rendu dans l’affaire Solar Ileias Bompaina/Commission, la Cour a jugé qu’un producteur d’électricité utilisant des sources d’énergie renouvelables, reconnu comme ayant été affecté de manière négative par une mesure visant à réduire les tarifs de rachat pour ces producteurs ( 42 ), n’a pas pu établir une corrélation suffisante entre ces effets et l’aide alléguée aux fournisseurs d’électricité, qui n’ont pas été affectés par cette réduction et ont par conséquent prétendument bénéficié d’une position concurrentielle plus favorable ( 43 ).

80.

De même, dans l’ordonnance récemment rendue dans l’affaire CAPA e.a./Commission, la Cour a été confrontée à des demandes d’une coopérative de pêcheurs qui soutenait que l’aide (au fonctionnement) aux parcs éoliens en mer avait une incidence négative sur les activités de pêche de ses membres. Suivant l’appréciation du Tribunal, la Cour a jugé que l’incidence alléguée sur les activités de pêche de la requérante ( 44 ) n’était pas (le cas échéant) imputable aux aides en cause, mais découlait des décisions mises en place par les autorités françaises en vue de réglementer les activités maritimes et de pêche à proximité de ces sites de parcs éoliens ( 45 ).

81.

En conséquence, je considère que le droit de déposer une plainte tel qu’il est prévu à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 implique, de même que les droits procéduraux qui en découlent, que la personne qui entend déposer une telle plainte doit établir que l’incidence (négative) alléguée découle de la mesure d’aide en cause.

82.

Lorsque cet élément ne peut pas être établi par la personne physique ou morale en cause, cette partie ne peut ni ouvrir la procédure ni se prévaloir des droits que celle-ci prévoit et qui découlent de la qualité de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.

C.   La qualité du requérant

83.

La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges ( 46 ).

84.

En l’espèce, le grief formulé par M. Abdelmouine porte uniquement sur la conclusion de la Commission selon laquelle il n’est pas une « partie intéressée » au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 et ne peut donc pas déposer de plainte au titre de ce règlement en ce qui concerne l’aide d’État alléguée de la République française en faveur du Paris Saint-Germain FC ( 47 ).

85.

La Commission a-t-elle commis une erreur dans cette appréciation ? En bref, cette question appelle une réponse négative. Par conséquent, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’annuler l’arrêt attaqué.

86.

Je considère cependant qu’il conviendrait de modifier en partie l’argumentation sous-jacente à cet arrêt en ce qui concerne le critère juridique applicable, afin de préciser que la jurisprudence est ouverte à tout type d’intérêt, celui-ci n’étant limité que par la nécessité d’un lien de causalité entre l’incidence sur les intérêts de la personne physique ou morale et la mesure d’aide en cause.

87.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les quatre éléments sur la base desquels M. Abdelmouine cherchait à démontrer que ses intérêts étaient affectés par la mesure d’aide en cause ( 48 ).

88.

Selon M. Abdelmouine, ces éléments étaient les suivants : i) l’intérêt patrimonial direct en rapport à la situation du FC Barcelona, susceptible de conduire à l’engagement de sa responsabilité financière et de celle des autres « socios » en cas de faillite de ce club ( 49 ); ii) l’intérêt fondé sur la défense des valeurs du football et sur la défense du sport comme bien commun ( 50 ); iii) la conséquence de la distorsion de concurrence sur la forme d’organisation du FC Barcelona, son droit moral en tant que « socio » et la création d’une insécurité juridique et économique pour lui-même et pour les autres « socios », constitutive d’une atteinte à la liberté d’association ( 51 ); et iv) l’intérêt visant la conservation des droits des « socios », ceux-ci étant menacés de disparition dans l’hypothèse d’une transformation du statut ou de la structure du FC Barcelona en société détenue par des capitaux ( 52 ).

89.

Le Tribunal a rejeté séparément l’argument selon lequel les intérêts de M. Abdelmouine ne pouvaient être assimilés à ceux d’un actionnaire au motif que la partie pertinente de la décision attaquée présentait un caractère accessoire ne permettant pas d’infirmer la conclusion principale, selon laquelle il ne remplissait pas les conditions pour être qualifié de « partie intéressée » ( 53 ).

90.

Bien que M. Abdelmouine ne fasse pas spécifiquement référence aux points pertinents de l’arrêt attaqué ( 54 ), je crois comprendre qu’il conteste la conclusion du Tribunal sur l’ensemble des points qui précèdent.

91.

Néanmoins, contrairement à ce que soutient en effet M. Abdelmouine, le Tribunal n’a pas, dans l’arrêt attaqué, exclu que, en sa qualité de « socio », M. Abdelmouine puisse se prévaloir des intérêts que lui octroient les statuts du FC Barcelona ou de tout autre intérêt subjectif qui serait le sien ( 55 ).

92.

Comme je l’ai expliqué dans les présentes conclusions, tout intérêt – qu’il soit d’ordre personnel ou général – est susceptible de relever de la notion de « partie intéressée » lorsque cet intérêt est susceptible d’être affecté par l’octroi de l’aide. Cela inclut à la fois l’intérêt qu’a M. Abdelmouine, en tant que « socio », aux politiques de transfert du FC Barcelona et son intérêt de nature plus générale à des conditions égales de concurrence dans le football en général.

93.

La question est de savoir si M. Abdelmouine a pu établir, sur la base des éléments de preuve présentés au Tribunal, que ces intérêts étaient susceptibles d’être affectés par l’octroi de l’aide (alléguée) en cause.

94.

Le Tribunal a répondu à cette question par la négative. Dans l’arrêt attaqué, il a rejeté les demandes de M. Abdelmouine comme étant soit irrecevables, soit non fondées, au motif : i) qu’il n’a pas établi que les articles pertinents des statuts du FC Barcelona lui octroyaient les droits susceptibles, selon lui, d’être affectés par l’octroi de l’aide ( 56 ); ii) qu’il n’a pas établi de lien entre l’incidence alléguée sur son intérêt et l’octroi de l’aide ( 57 ), et iii) que ses explications n’étaient pas suffisamment claires en ce qui concerne la manière dont ses intérêts allégués étaient affectés ( 58 ).

95.

M. Abdelmouine n’ayant pas invoqué une dénaturation des éléments de preuve sur ces points, la Cour ne saurait exercer de contrôle sur cette conclusion.

96.

Eu égard à ce qui précède, il importe peu de savoir si la situation de M. Abdelmouine peut être assimilée ou non à celle d’un actionnaire d’une société de capitaux : même si sa critique de l’arrêt attaqué aboutissait sur ce point, cela ne serait pas susceptible de lui conférer la qualité de « partie intéressée » au sens du règlement 2015/1589 ( 59 ).

97.

Partant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant que M. Abdelmouine n’est pas une « partie intéressée » au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589.

98.

Je propose donc à la Cour de rejeter les troisième et quatrième moyens soulevés par M. Abdelmouine à l’appui de son pourvoi comme étant non fondés, de confirmer l’arrêt attaqué et de procéder à une modification partielle du raisonnement du Tribunal.

V. Conclusion

99.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter les troisième et quatrième moyens comme étant non fondés.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Une notion qui, je le relève d’emblée, n’est pas définie dans le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9).

( 3 ) Article 1er, sous h), du règlement 2015/1589.

( 4 ) Le règlement de l’UEFA sur l’octroi de licence aux clubs et le fair-play financier est disponible à l’adresse Internet suivante : https://fr.uefa.com/MultimediaFiles/Download/Tech/uefaorg/General/02/56/20/16/2562016_DOWNLOAD.pdf.

( 5 ) Décision portant la référence COMP.C.4/AH/mdr 2021(092342).

( 6 ) Arrêt attaqué, point 7.

( 7 ) Arrêt attaqué, point 19.

( 8 ) Arrêt attaqué, points 17 et 18.

( 9 ) Arrêt attaqué, points 28 à 47.

( 10 ) Arrêt attaqué, points 51 à 53.

( 11 ) Cette notion n’est pas définie dans le règlement 2015/1589. Cependant, il y est fait référence au considérant 32 de ce règlement, afin d’expliquer quelles sont les conséquences du dépôt d’une plainte ne respectant pas les conditions visées dans le formulaire de plainte, à savoir que les informations en question « ne devraient pas nécessairement entraîner l’ouverture d’enquêtes d’office ».

( 12 ) Voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, ci-après l’ arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France , EU:C:1998:154, point 62), dans lequel la Cour explique que, bien que la Commission n’ait pas l’obligation d’engager un débat avec un plaignant, « cette constatation n’implique pas que la Commission n’a pas l’obligation, le cas échéant, d’instruire une plainte en allant au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant. En effet, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État, de procéder à un examen diligent et impartial de la plainte, ce qui peut rendre nécessaire qu’elle procède à l’examen des éléments qui n’ont pas été expressément évoqués par le plaignant ». Dans le même ordre d’idées, voir, également, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Autriche/Scheucher-Fleisch e.a. (C‑47/10 P, EU:C:2011:373, point 120).

( 13 ) Voir, en ce sens, arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France (point 59) et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, points 81 et 83).

( 14 ) Voir, par exemple, arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, point 83), et du 6 octobre 2005, Scott/Commission (C‑276/03 P, EU:C:2005:590, point 33). Il en va ainsi nonobstant le fait que, comme l’explique l’avocat général Lenz dans ses conclusions dans l’affaire Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1997:249, point 86), « le traité n’interdit pas à la Commission d’entendre un intéressé dès le stade de la procédure d’examen préliminaire prévue par l’article 93, paragraphe 3[, CEE (devenu article 88, paragraphe 3, CE, lui-même devenu article 108, paragraphe 3, TFUE)] ».

( 15 ) Voir arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission (C‑225/91, EU:C:1993:239, point 16). Dans le même ordre d’idées, voir, également, arrêt du 20 mars 1984, Allemagne/Commission (84/82, EU:C:1984:117, points 11 et 13).

( 16 ) Voir arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France (points 45 à 48).

( 17 ) Règlement du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1).

( 18 ) Comme le montrent les actes préparatoires du règlement no 659/1999, ce n’est pas la Commission qui a initialement proposé d’accorder ce droit [voir proposition de règlement (CE) du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (COM/98/0073 final) (JO 1998, C 116, p. 13)]. En réalité, c’est le Comité économique et social européen qui a estimé, en faisant référence à l’arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, qu’il serait souhaitable d’accorder à certaines parties le droit de déposer une plainte [voir avis du Comité économique et social sur la « Proposition de règlement (CE) du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE » (JO 1998, C 224, p. 10), point 4.3.1].

( 19 ) Voir article 20, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, qui autorise toute partie intéressée à « informer la Commission de toute aide illégale prétendue et de toute application prétendue abusive de l’aide ».

( 20 ) Voir, en particulier, arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission (C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 36 et jurisprudence citée), ainsi que du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 53 et jurisprudence citée).

( 21 ) Cela étant dit, le statut procédural des tiers dans la procédure d’aide d’État demeure différent du statut plus libéral accordé à ces parties dans le domaine de l’antitrust et du commerce ; voir, à titre de comparaison, article 5 du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 du traité CE (JO 2004, L 123, p. 18), et article 5 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21). Dans le même ordre d’idée, en ce qui concerne la différence avec les procédures d’examen dans le domaine de l’antitrust, voir Niejahr, M., et Scharf, T., « Some Thoughts on the Jurisprudence of European Courts Concerning the Admissibility of Actions against State Aid Decisions », dans EC State Aid Law – Le droit des aides d’État dans la CE : Liber amicorum Francisco Santaolalla Gadea, Kluwer, 2008, p. 353 et 354.

( 22 ) Il est intéressant de noter que la disposition correspondante du règlement no 659/1999, l’article 10, paragraphe 1, n’établissait pas cette distinction. Elle disposait que, « [l]orsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai » (mise en italique par mes soins).

( 23 ) Article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589.

( 24 ) Ce dernier élément est développé à l’article 24, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement 2015/1589.

( 25 ) Voir arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 58 et jurisprudence citée), dans lequel la Cour explique que la « notion d’“intéressé ”, telle qu’elle résulte de la jurisprudence de la Cour, a été codifiée par le législateur de l’Union à l’article 1er, sous h), [...] du règlement 2015/1589 ».

( 26 ) Voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission (323/82, EU:C:1984:345, point 16), et du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 63).

( 27 ) Voir arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 59 et jurisprudence citée). Voir, également, en ce sens, arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission (323/82, EU:C:1984:345, point 16).

( 28 ) Voir article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 (mise en italique par mes soins).

( 29 ) Voir arrêt attaqué (point 33), arrêts du 19 décembre 2019, BPC Lux 2 e.a./Commission (T‑812/14 RENV, non publié, EU:T:2019:885, point 60), et du 7 juin 2023, UNSA Énergie/Commission (T‑322/22, non publié, EU:T:2023:307, point 20), ainsi que ordonnance du 25 juin 2003, Pérez Escolar/Commission (T‑41/01, EU:T:2003:175, point 36).

( 30 ) Ce courant jurisprudentiel repose, en conséquence, sur l’interprétation d’un tout autre critère (juridique). Voir, notamment, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, BPC Lux 2 e.a./Commission (T‑812/14 RENV, non publié, EU:T:2019:885, point 60), fondé sur l’ordonnance du 25 juin 2003, Pérez Escolar/Commission (T‑41/01, EU:T:2003:175, point 36), qui, pour sa part, repose sur l’arrêt du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission (T‑188/95, EU:T:1998:217, point 37), dans lequel le Tribunal explique que « [l]a requérante ne peut pas être individuellement concernée en raison du caractère normatif de la [décision SG(95) D/8442 de la Commission, du 3 juillet 1995, relative à l’aide NN 13/95 – Pays-Bas – Wet belastingen op milieugrondslag], laquelle n’approuverait que l’application de dispositions fiscales ayant une portée générale [étant donné qu’]une telle décision s’appliquerait à des situations déterminées objectivement et comporterait des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite ».

( 31 ) Voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 54 et jurisprudence citée).

( 32 ) Voir arrêt du 15 septembre 2021, CAPA e.a./Commission (T‑777/19, EU:T:2021:588, point 89) (dans lequel le Tribunal explique qu’« il ne peut pas être exclu, par principe, qu’une aide affecte concrètement les intérêts de tiers en raison des impacts que l’installation aidée génère sur son environnement et, notamment sur les autres activités qui s’exercent à proximité »), confirmé en appel par l’ordonnance du 14 décembre 2023, CAPA e.a./Commission (C‑742/21 P, non publiée, EU:C:2023:1000, point 83).

( 33 ) Considérant 32 du règlement no 2015/1589.

( 34 ) Voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 60), dans lequel la Cour a souligné qu’il était nécessaire que l’entreprise « [fasse] valoir que ses intérêts peuvent être affectés par l’octroi d’une aide » sans pour autant imposer à la Commission ou au Tribunal d’apprécier le lien existant entre ces intérêts et la partie plaignante.

( 35 ) Arrêt du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission (C‑647/19 P, ci-après l’« arrêt Ja zum Nürburgring/Commission,EU:C:2021:666). Cependant, voir, également, arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission (C‑319/07 P, EU:C:2009:435, points 65 et 104), concernant les intérêts du syndicat général des travailleurs du Danemark et de ses membres s’agissant de mesures fiscales liées à l’emploi de marins originaires d’États tiers.

( 36 ) Arrêt Ja zum Nürburgring/Commission, point 66.

( 37 ) Voir, notamment, arrêts du 9 juillet 2009, 3F/Commission (C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 33) ; du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 65), et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a. (C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132).

( 38 ) Voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58, points 60 et 80 ainsi que jurisprudence citée). Comme le confirme en particulier le premier de ces points, la jurisprudence relative à la question de l’incidence « concrète » de l’aide visait à déduire qu’il y avait lieu d’appliquer le critère de l’imputation positive (voir point 71 des présentes conclusions).

( 39 ) Voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2022, Solar Ileias Bompaina/Commission (C‑429/20 P, EU:C:2022:282, point 35), dans lequel la Cour explique que, « si l’atteinte portée aux intérêts de cette entreprise peut n’être que potentielle, un risque d’incidence concrète sur ces mêmes intérêts doit pouvoir être démontré à suffisance de droit ». Voir, également, ordonnances du 10 mai 2023, MKB Multifunds/Commission (C‑665/21 P, non publiée, EU:C:2023:408, point 48), et du 14 décembre 2023, CAPA e.a./Commission (C‑742/21 P, non publiée, EU:C:2023:1000, point 73).

( 40 ) Il va sans dire que cette considération est sans préjudice de l’obligation générale pour la Commission d’examiner les informations qui lui sont fournies par une « partie intéressée » qui dépose une plainte (voir, par analogie et en ce sens, arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 85 et jurisprudence citée) afin de prévenir les potentielles stratégies mises en place par un État membre en vue de rompre artificiellement le lien de causalité entre la mesure d’aide en cause et son incidence sur certaines « parties intéressées » [voir, par analogie, arrêts du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a. (C‑290/15, EU:C:2016:816, point 48), ainsi que du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C‑24/19, EU:C:2020:503, point 70 et jurisprudence citée), dans lequel la Cour explique que le principe d’effectivité requiert que les actions d’un État membre soit examinées afin d’éliminer les potentielles stratégies de contournement des obligations imposées par le droit de l’Union pouvant se matérialiser par une fragmentation des mesures].

( 41 ) Voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 81) (dans lequel la Cour indique que des mesures, « certes liées dans les faits, mais juridiquement distinctes », sont dénuées de pertinence aux fins de l’appréciation de la qualité de « partie intéressée »), et ordonnance du 14 décembre 2023, CAPA e.a./Commission (C‑742/21 P, non publiée, EU:C:2023:1000, point 97). Voir, également, par analogie, arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil (C‑358/89, EU:C:1991:214, points 16 à 19), dans lequel la Cour exige, dans le cadre d’une analyse du lien de causalité en vue de déterminer le préjudice découlant d’importations faisant l’objet d’un dumping, de ne pas tenir compte du préjudice imputable à d’autres facteurs.

( 42 ) Arrêt du 7 avril 2022, Solar Ileias Bompaina/Commission (C‑429/20 P, EU:C:2022:282, point 41).

( 43 ) Arrêt du 7 avril 2022, Solar Ileias Bompaina/Commission (C‑429/20 P, EU:C:2022:282, point 43).

( 44 ) Ordonnance du 14 décembre 2023, CAPA e.a./Commission (C‑742/21 P, non publiée, EU:C:2023:1000, points 40 et 79).

( 45 ) Ordonnance du 14 décembre 2023, CAPA e.a./Commission (C‑742/21 P, non publiée, EU:C:2023:1000, points 79 et 94).

( 46 ) Voir, notamment, arrêt du 4 mars 2021, Commission/Fútbol Club Barcelona (C‑362/19 P, EU:C:2021:169, point 47 et jurisprudence citée).

( 47 ) M. Abdelmouine n’a pas soulevé l’argument selon lequel sa qualité de plaignant découle de l’article 108, troisième alinéa, TFUE.

( 48 ) Arrêt attaqué, point 28.

( 49 ) Arrêt attaqué, point 29.

( 50 ) Arrêt attaqué, point 32.

( 51 ) Arrêt attaqué, point 35.

( 52 ) Arrêt attaqué, point 39.

( 53 ) Arrêt attaqué, points 50 et 51.

( 54 ) Par conséquent, les troisième et quatrième moyens sont irrecevables, faute de satisfaire à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, qui dispose qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont M. Abdelmouine demande l’annulation ; voir, notamment, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission (C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 34).

( 55 ) Voir, par exemple, arrêt attaqué, point 43.

( 56 ) Voir, en ce sens, arrêt attaqué, points 29 à 31.

( 57 ) Voir, en ce sens, arrêt attaqué, points 32 à 34 et 39 à 46.

( 58 ) Voir, en ce sens, arrêt attaqué, points 35 à 37.

( 59 ) Voir, notamment, en ce sens, arrêt du 24 juin 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission (53/85, EU:C:1986:256, point 21).

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