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Document 62022CJ0167

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 21 décembre 2023.
Commission européenne contre Royaume de Danemark.
Manquement d’État – Transport international de marchandises par route – Règlement (CE) no 1072/2009 – Articles 8 et 9 – Règlement (CE) no 561/2006 – Temps de repos – Réglementation nationale introduisant une durée maximale de stationnement de 25 heures sur les aires de repos publiques le long du réseau autoroutier d’un État membre – Entrave à la libre prestation des services de transport routier – Charge de la preuve.
Affaire C-167/22.

Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:1020

 ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 décembre 2023 ( *1 )

« Manquement d’État – Transport international de marchandises par route – Règlement (CE) no 1072/2009 – Articles 8 et 9 – Règlement (CE) no 561/2006 – Temps de repos – Réglementation nationale introduisant une durée maximale de stationnement de 25 heures sur les aires de repos publiques le long du réseau autoroutier d’un État membre – Entrave à la libre prestation des services de transport routier – Charge de la preuve »

Dans l’affaire C‑167/22,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 4 mars 2022,

Commission européenne, représentée initialement par Mme L. Grønfeldt et M. P. Messina, puis par Mme L. Grønfeldt, MM. P. Messina et G. Wilms, et enfin par M. P. Messina, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par :

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Royaume de Danemark, représenté initialement par Mmes J. Farver Kronborg, V. Pasternak Jørgensen et M. Søndahl Wolff, puis par Mmes J. Farver Kronborg et C. Maertens, ainsi que M. M. Jespersen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. F. Biltgen, N. Wahl, J. Passer (rapporteur) et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 mai 2023,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en établissant une règle limitant à 25 heures la durée maximale de stationnement sur les aires de repos publiques le long du réseau autoroutier danois (ci-après la « règle des 25 heures »), le Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions relatives à la libre prestation des services de transport prévues aux articles 1er, 8 et 9 du règlement (CE) no 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route (JO 2009, L 300, p. 72).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 1072/2009

2

Aux termes des considérants 2, 4, 5 et 13 du règlement no 1072/2009 :

« (2)

L’instauration d’une politique commune des transports entraîne, entre autres, l’établissement de règles communes applicables à l’accès au marché des transports internationaux de marchandises par route sur le territoire de la Communauté, ainsi que l’établissement des conditions auxquelles les transporteurs non-résidents peuvent effectuer des transports dans un État membre. Ces règles doivent être établies de façon à contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur des transports.

[...]

(4)

L’instauration d’une politique commune des transports entraîne l’élimination de toutes restrictions à l’égard du prestataire de services de transport en raison de la nationalité ou du fait qu’il est établi dans un État membre autre que celui où les services doivent être fournis.

(5)

Pour atteindre cet objectif de manière souple et sans heurts, il convient de prévoir un régime transitoire de cabotage, tant que l’harmonisation du marché des transports routiers n’aura pas été réalisée.

[...]

(13)

Les transporteurs routiers titulaires de la licence communautaire prévue dans le présent règlement et les transporteurs habilités à effectuer certaines catégories de transports internationaux devraient être autorisés à effectuer, à titre temporaire, des transports nationaux de marchandises dans un État membre, conformément au présent règlement, sans y disposer d’un siège ou d’un autre établissement. Lorsque de tels transports de cabotage sont effectués, ils devraient être soumis à la législation communautaire, notamment le règlement (CE) no 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route[, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil (JO 2006, L 102, p. 1)], et à la législation nationale en vigueur concernant des domaines spécifiques dans l’État membre d’accueil. »

3

L’article 1er de ce règlement, intitulé « Champ d’application », prévoit :

« 1.   Le présent règlement s’applique aux transports internationaux de marchandises par route pour compte d’autrui pour les trajets effectués sur le territoire de la Communauté.

[...]

4.   Le présent règlement s’applique aux transports nationaux de marchandises par route assurés à titre temporaire par un transporteur non-résident conformément aux dispositions du chapitre III.

[...] »

4

L’article 2 dudit règlement, intitulé « Définitions », est ainsi libellé :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

2)

“transports internationaux” :

a)

les déplacements en charge d’un véhicule, dont le point de départ et le point d’arrivée se trouvent dans deux États membres différents, avec ou sans transit par un ou plusieurs États membres ou pays tiers ;

b)

les déplacements en charge d’un véhicule au départ d’un État membre et à destination d’un pays tiers et vice versa, avec ou sans transit par un ou plusieurs États membres ou pays tiers ;

c)

les déplacements en charge d’un véhicule entre pays tiers, traversant en transit le territoire d’un ou plusieurs États membres ; ou

d)

les déplacements à vide en relation avec les transports visés aux points a), b) et c) ;

[...]

6)

“transports de cabotage”, des transports nationaux pour compte d’autrui assurés à titre temporaire dans un État membre d’accueil, dans le respect du présent règlement ;

[...] »

5

Le chapitre III du même règlement, intitulé « Cabotage », comprend les articles 8 à 10.

6

L’article 8 du règlement no 1072/2009, intitulé « Principe général », dispose :

« 1.   Tout transporteur de marchandises par route pour compte d’autrui qui est titulaire d’une licence communautaire et dont le conducteur, s’il est ressortissant d’un pays tiers, est muni d’une attestation de conducteur, est admis, aux conditions fixées par le présent chapitre, à effectuer des transports de cabotage.

2.   Une fois que les marchandises transportées au cours d’un transport international à destination de l’État membre d’accueil ont été livrées, les transporteurs visés au paragraphe 1 sont autorisés à effectuer, avec le même véhicule, ou, s’il s’agit d’un ensemble de véhicules couplés, avec le véhicule à moteur de ce même véhicule jusqu’à trois transports de cabotage consécutifs à un transport international en provenance d’un autre État membre ou d’un pays tiers à destination de l’État membre d’accueil. Le dernier déchargement au cours d’un transport de cabotage avant de quitter l’État membre d’accueil a lieu dans un délai de sept jours à partir du dernier déchargement effectué dans l’État membre d’accueil au cours de l’opération de transport international à destination de celui-ci.

Dans le délai visé au premier alinéa, les transporteurs peuvent effectuer une partie ou l’ensemble des transports de cabotage autorisés en vertu dudit alinéa dans tout État membre, à condition qu’ils soient limités à un transport de cabotage par État membre dans les trois jours suivant l’entrée à vide sur le territoire de cet État membre.

[...] »

7

L’article 9 de ce règlement, intitulé « Règles applicables aux transports de cabotage », énonce :

« 1.   L’exécution des transports de cabotage est soumise, sauf si la législation communautaire en dispose autrement, aux dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur dans l’État membre d’accueil, en ce qui concerne :

a)

les conditions régissant le contrat de transport ;

b)

les poids et dimensions des véhicules routiers ;

c)

les prescriptions relatives au transport de certaines catégories de marchandises, en particulier les marchandises dangereuses, les denrées périssables et les animaux vivants ;

d)

les temps de conduite et périodes de repos ;

e)

la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les services de transport.

[...]

2.   Les dispositions législatives, réglementaires et administratives visées au paragraphe 1 sont appliquées aux transporteurs non-résidents dans les mêmes conditions que celles qui sont imposées aux transporteurs établis dans l’État membre d’accueil, afin d’empêcher toute discrimination fondée sur la nationalité ou le lieu d’établissement. »

Le règlement no 561/2006

8

L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 561/2006 prévoit :

« Le présent règlement s’applique au transport routier :

a)

de marchandises par des véhicules, y compris des véhicules à remorque ou à semi-remorque, dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes ;

[...] »

9

L’article 4 de ce règlement est ainsi libellé :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

f)

“repos”: toute période ininterrompue pendant laquelle un conducteur peut disposer librement de son temps ;

g)

“temps de repos journalier” : la partie d’une journée pendant laquelle un conducteur peut disposer librement de son temps et qui peut être un “temps de repos journalier normal” ou un “temps de repos journalier réduit” :

“temps de repos journalier normal” : toute période de repos d’au moins onze heures. Ce temps de repos journalier normal peut aussi être pris en deux tranches, dont la première doit être une période ininterrompue de trois heures au moins et la deuxième une période ininterrompue d’au moins neuf heures ;

“temps de repos journalier réduit” : toute période de repos d’au moins neuf heures, mais de moins de onze heures ;

h)

“temps de repos hebdomadaire” : une période hebdomadaire pendant laquelle un conducteur peut disposer librement de son temps, et qui peut être un “temps de repos hebdomadaire normal” ou un “un temps de repos hebdomadaire réduit” ;

“temps de repos hebdomadaire normal” : toute période de repos d’au moins quarante-cinq heures ;

“temps de repos hebdomadaire réduit” : toute période de repos de moins de quarante-cinq heures, pouvant être réduite à un minimum de vingt-quatre heures consécutives, sous réserve des conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 6 ;

[...] »

10

Le chapitre II dudit règlement, intitulé « Équipages, durées de conduite, pauses et temps de repos », comprend les articles 5 à 9.

11

L’article 6 du règlement no 561/2006 dispose :

« 1.   La durée de conduite journalière ne dépasse pas neuf heures.

La durée de conduite journalière peut, toutefois, être prolongée jusqu’à dix heures maximum, mais pas plus de deux fois au cours de la semaine.

2.   La durée de conduite hebdomadaire ne dépasse pas cinquante-six heures ni n’entraîne un dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire définie dans la directive 2002/15/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier (JO 2002, L 80, p. 35)].

3.   La durée de conduite totale accumulée au cours de deux semaines consécutives ne doit pas dépasser quatre-vingt-dix heures.

[...] »

12

L’article 8 de ce règlement énonce :

« 1.   Le conducteur prend des temps de repos journaliers et hebdomadaires.

2.   Dans chaque période de vingt-quatre heures écoulées après la fin de son temps de repos journalier ou hebdomadaire antérieur, le conducteur doit avoir pris un nouveau temps de repos journalier.

Si la partie du temps de repos journalier qui tombe dans cette période de vingt-quatre heures est de neuf heures au moins, mais de moins de onze heures, le temps de repos journalier en question est considéré comme un temps de repos journalier réduit.

[...]

6.   Au cours de deux semaines consécutives, un conducteur prend au moins :

deux temps de repos hebdomadaires normaux, ou

un temps de repos hebdomadaire normal et un temps de repos hebdomadaire réduit d’au moins vingt-quatre heures. Toutefois, la réduction est compensée par une période de repos équivalente prise en bloc avant la fin de la troisième semaine suivant la semaine en question.

Un temps de repos hebdomadaire commence au plus tard à la fin de six périodes de vingt-quatre heures à compter du temps de repos hebdomadaire précédent.

7.   Tout repos pris en compensation de la réduction d’un temps de repos hebdomadaire est rattaché à un autre temps de repos d’au moins neuf heures.

8.   Si un conducteur en fait le choix, les temps de repos journaliers et temps de repos hebdomadaires réduits loin du point d’attache peuvent être pris à bord du véhicule, à condition que celui-ci soit équipé d’un matériel de couchage convenable pour chaque conducteur et qu’il soit à l’arrêt.

[...] »

13

Aux termes de l’article 10, paragraphe 2, dudit règlement, figurant au chapitre III de ce règlement, intitulé « Responsabilité de l’entreprise de transport » :

« Les entreprises de transport organisent le travail des conducteurs visés au paragraphe 1 de manière qu’ils puissent se conformer [...] au chapitre II du présent règlement. Les entreprises de transport donnent des instructions appropriées à leurs conducteurs et effectuent des contrôles réguliers pour veiller à ce que [...] le chapitre II du présent règlement [soit respecté]. »

Le droit danois

14

La règle des 25 heures n’est pas explicitement prévue dans la législation ou les dispositions administratives danoises. Elle a été introduite à la suite de l’accord entre le gouvernement danois et le parti populaire danois sur la loi de finances pour 2018 et mise en œuvre par l’autorité routière en vertu de l’article 92, paragraphe 1, du færdselsloven (code de la route). Elle est entrée en vigueur le 1er juillet 2018.

La procédure précontentieuse

15

Après avoir adressé au Royaume de Danemark une demande de renseignements sur la règle des 25 heures, la Commission a décidé d’engager une procédure d’infraction pour manquement à l’obligation d’assurer la libre prestation des services de transport telle que garantie par le règlement no 1072/2009. Dans une lettre de mise en demeure adressée au Royaume de Danemark, le 20 juillet 2018, sur le fondement de l’article 258 TFUE, la Commission a fait valoir, en substance, que, si la règle des 25 heures n’introduit pas directement une discrimination, elle constitue toutefois une restriction à la libre prestation des services de transport dès lors qu’elle n’affecte pas de la même manière les transporteurs routiers danois et les transporteurs routiers non-résidents.

16

Le Royaume de Danemark a répondu par lettre du 20 septembre 2018 en contestant toute infraction à cet égard. Le 19 février 2019, il a fourni les renseignements complémentaires entre-temps demandés par la Commission.

17

Estimant que les arguments avancés par le Royaume de Danemark en réponse à la lettre de mise en demeure, ainsi que les données et les explications fournies par cet État membre lors de la correspondance qui a suivi, n’étaient pas convaincants, la Commission a, par lettre du 15 mai 2020, adressé un avis motivé au Royaume de Danemark, conformément à l’article 258 TFUE, pour manquement aux obligations qui lui incombent en vertu des règles relatives à la libre prestation des services de transport prévues aux articles 1er, 8 et 9 du règlement no 1072/2009.

18

Dans cet avis motivé, la Commission a expliqué que, selon elle, la règle des 25 heures constitue une restriction qui entrave la libre prestation des services de transport, car elle affecte plus sévèrement les transporteurs non-résidents que les transporteurs danois. Par ailleurs, cette restriction ne pourrait être justifiée par les objectifs avancés par le Royaume de Danemark étant donné que la règle des 25 heures ne serait pas propre à atteindre ces objectifs et/ou irait au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre.

19

Dans sa réponse du 14 septembre 2020 à l’avis motivé, le Royaume de Danemark a soutenu que la règle des 25 heures est conforme au droit de l’Union. En effet, cette règle ne constituerait pas une restriction à la libre prestation des services de transport, dès lors qu’elle s’appliquerait tant aux transporteurs danois qu’aux transporteurs non-résidents et que ces derniers disposeraient d’autres options de stationnement au Danemark.

20

En tout état de cause, la règle des 25 heures serait justifiée au regard d’objectifs légitimes, à savoir garantir une plus grande capacité effective de stationnement pour permettre aux conducteurs de prendre leurs pauses et leur temps de repos réduit, mettre fin au stationnement illégal et dangereux pour le trafic sur les aires d’autoroute, assurer le bon fonctionnement des aires de repos en luttant contre les effets négatifs du stationnement de longue durée et garantir aux conducteurs un bon environnement et de bonnes conditions de travail, les aires de repos des autoroutes danoises n’étant pas adaptées aux séjours de longue durée.

21

N’étant toujours pas convaincue par les arguments avancés par le gouvernement danois en réponse à l’avis motivé, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

22

Par décision du président de la Cour du 28 juillet 2022, la République de Pologne a été admise à intervenir au soutien de la Commission.

Sur le recours

Sur la recevabilité du recours

Argumentation des parties

23

Selon le Royaume de Danemark, le recours est irrecevable. D’une part, ce recours ne satisferait pas aux exigences de cohérence, de clarté et de précision requises en vertu de l’article 120, sous c) et d), du règlement de procédure de la Cour en raison des références tout à fait générales qui sont faites aux articles 1er, 8 et 9 du règlement no 1072/2009, qui auraient eux-mêmes une portée très large, sans que soient identifiées les règles précises que comportent lesdites dispositions et qui auraient prétendument été méconnues en l’occurrence. D’autre part, il n’y aurait pas de concordance entre les conclusions et les moyens invoqués dans la requête, en ce que, dans cette dernière, la Commission se référerait à plusieurs endroits aux articles 1er, 4, 6 et 8 du règlement no 561/2006, alors que ces articles ne sont pas mentionnés dans lesdites conclusions.

24

La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

Appréciation de la Cour

25

Il ressort d’une jurisprudence constante relative à l’article 120, sous c), du règlement de procédure que toute requête introductive d’instance doit indiquer de manière claire et précise l’objet du litige et contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un tel recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou qu’elle n’omette de statuer sur un grief [arrêt du 28 avril 2022, Commission/Bulgarie (Mise à jour des stratégies marines), C‑510/20, EU:C:2022:324, point 16 et jurisprudence citée].

26

La Cour a également jugé que, dans le cadre d’un recours formé en application de l’article 258 TFUE, celui-ci doit présenter les griefs de façon cohérente et précise, afin de permettre à l’État membre et à la Cour d’appréhender exactement la portée de la violation du droit de l’Union reprochée, condition nécessaire pour que cet État puisse faire valoir utilement ses moyens de défense et pour que la Cour puisse vérifier l’existence du manquement allégué [arrêt du 28 avril 2022, Commission/Bulgarie (Mise à jour des stratégies marines), C‑510/20, EU:C:2022:324, point 17 et jurisprudence citée].

27

En particulier, le recours de la Commission doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons l’ayant amenée à la conviction que l’État membre intéressé a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu des traités [arrêt du 28 avril 2022, Commission/Bulgarie (Mise à jour des stratégies marines), C‑510/20, EU:C:2022:324, point 18 et jurisprudence citée].

28

En l’occurrence, en premier lieu, il découle clairement de la requête introductive d’instance que, selon la Commission, en ayant introduit la règle des 25 heures, le Royaume de Danemark a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des règles relatives à la libre prestation des services de transport prévues aux articles 1er, 8 et 9 du règlement no 1072/2009, ces articles devant, selon cette institution, être interprétés à la lumière du principe général de libre prestation des services énoncé à l’article 56 TFUE, et ladite règle constituant, au sens de cette dernière disposition, une entrave au droit à la libre prestation des services de transport de marchandises que les articles précités de ce règlement établissent.

29

Par ailleurs, dans la mesure où le Royaume de Danemark reproche à la Commission de ne pas avoir davantage précisé les parties pertinentes desdits articles qui auraient été enfreintes, il suffit de relever que de telles précisions n’étaient pas nécessaires pour permettre au Royaume de Danemark, premièrement, de comprendre les raisons, venant d’être rappelées, pour lesquelles la Commission a estimé qu’il avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union et, deuxièmement, de faire valoir utilement ses arguments de défense à cet égard.

30

En second lieu, il découle sans équivoque des termes de la requête que la Commission n’affirme pas que la règle des 25 heures est contraire au règlement no 561/2006, mais considère que cette règle a introduit une entrave à la libre prestation des services de transport au Danemark en raison du fait, notamment, qu’elle rend beaucoup plus difficile pour un transporteur établi dans un autre État membre de respecter les durées de conduite et les temps de repos prévus par ce règlement que pour un transporteur établi au Danemark. Dans ces conditions, le fait d’évoquer, dans la requête, à l’appui du grief tiré d’un manquement aux règles relatives à la libre prestation des services de transport prévues aux articles 1er, 8 et 9 du règlement no 1072/2009, différentes dispositions du règlement no 561/2006, sans citer ces dernières dans la conclusion de la requête, n’est nullement contraire aux exigences posées à l’article 120 du règlement de procédure, tel qu’interprété par la Cour dans sa jurisprudence.

31

Il résulte des considérations qui précèdent que le présent recours est recevable.

Sur le fond

Argumentation des parties

32

La Commission, soutenue par le gouvernement polonais, affirme que la règle des 25 heures constitue une entrave à la libre prestation des services de transport routier telle qu’elle est prévue par le règlement no 1072/2009 et, notamment, aux articles 1er, 8 et 9 de celui-ci. D’une part, cette règle affecterait la capacité des conducteurs à se conformer aux dispositions relatives aux temps de repos hebdomadaire réduits et normaux ainsi qu’au temps de conduite total prévues aux articles 4, 6 et 8 du règlement no 561/2006. À cet égard, la présence de zones de stationnement dans les États membres, qu’elles soient gratuites ou payantes, qu’elles soient publiques ou non, serait, en effet, nécessaire à l’exercice des droits prévus par le règlement no 1072/2009.

33

D’autre part, quand bien même la règle des 25 heures s’applique tant aux transporteurs établis au Danemark qu’aux transporteurs non-résidents, elle ne les affecterait pas de la même manière, les transporteurs qui ont un centre d’exploitation au Danemark pouvant relativement facilement amener leurs conducteurs à y conduire leurs camions. Cette règle aurait limité les possibilités existantes de stationnement à un point tel que, compte tenu de l’obligation de respecter les dispositions susmentionnées relatives aux temps de repos et de conduite, il en découlerait une entrave à la fourniture de services de transport au Danemark par les transporteurs non-résidents. À cet égard, les capacités de stationnement alternatives évoquées par le Royaume de Danemark seraient insuffisantes car elles ne couvriraient pas l’ensemble du territoire danois, et seraient même trop concentrées à proximité des frontières de celui-ci.

34

L’entrave introduite par la règle des 25 heures, dont l’objectif déclaré aurait, au demeurant, été d’empêcher « plus particulièrement le stationnement de longue durée de camions étrangers sur les aires de repos danoises », ainsi qu’il ressortirait des termes de l’accord mentionné au point 14 du présent arrêt, ne serait par ailleurs justifiée par aucun des motifs impérieux d’intérêt public invoqués par le Royaume de Danemark.

35

Cet État membre conteste les arguments avancés par la Commission.

36

Selon lui, dans la mesure où ni le règlement no 1072/2009 ni le règlement no 561/2006 ne contiennent de dispositions réglementant le stationnement dans les divers États membres et où la compétence pour fixer des règles en matière de durée du stationnement sur les aires de repos des États membres appartient, dès lors, à ces derniers et non à l’Union, il n’existe pas d’interdiction générale d’introduire des restrictions telles que des restrictions de stationnement, pour autant que celles-ci soient non discriminatoires, conformément à ce qu’énonce le considérant 4 du règlement no 1072/2009. L’article 56 TFUE ne serait pas applicable dans le cas d’espèce, lequel relèverait de l’article 58 TFUE sur la libre circulation des services en matière de transports.

37

Par ailleurs, quant au besoin d’aires de stationnement, dont la nécessité, dans le cadre de l’exercice des droits prévus par ces règlements, n’est pas contestée par le Royaume de Danemark, il serait satisfait au Danemark, eu égard, en particulier, au nombre de places de stationnement non publiques, disponibles pour les temps de repos de longue durée de plus de 25 heures, de telles places étant de surcroît accessibles tantôt gratuitement tantôt à un coût très peu élevé, le plus souvent sans limitation de durée du stationnement, et réparties principalement le long des routes les plus empruntées par le trafic de camions, ainsi qu’il ressortirait de la documentation que produit cet État membre. Pour leur part, les aires de repos autoroutières publiques auraient pour but principal de permettre aux usagers de la route de se reposer, de se soulager et de se restaurer sans être conçues pour des arrêts prolongés impliquant un accès suffisant à l’hébergement et à des facilités en termes d’hygiène, de restauration et de loisirs.

38

En tout état de cause, la règle des 25 heures serait propre à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par ledit État membre, notamment celui de promouvoir et d’améliorer la sécurité routière ainsi que les conditions de travail des conducteurs, et n’irait pas au-delà de ce qui est nécessaire et approprié pour atteindre ces objectifs.

Appréciation de la Cour

39

Il convient de rappeler d’emblée que les services, qui, à l’instar de ceux dont il est question dans la présente affaire, répondent à la qualification de « service dans le domaine des transports », relèvent non pas de l’article 56 TFUE, relatif à la libre prestation des services en général, mais de l’article 58, paragraphe 1, TFUE, disposition spécifique aux termes de laquelle « [l]a libre circulation des services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports », à savoir du titre VI de la troisième partie du traité FUE, qui comprend les articles 90 à 100 TFUE (arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi, C‑434/15, EU:C:2017:981, point 44 et jurisprudence citée). Ainsi, un service dans le domaine des transports, au sens de l’article 58, paragraphe 1, TFUE, est exclu du champ d’application de l’article 56 TFUE (arrêt du 8 décembre 2020, Pologne/Parlement et Conseil, C‑626/18, EU:C:2020:1000, point 145 ainsi que jurisprudence citée).

40

Certes, cela n’empêche pas qu’un acte de l’Union adopté sur le fondement desdites dispositions des traités afférentes aux transports puisse, dans la mesure qu’il détermine, rendre applicable à un secteur de transport le principe de la libre prestation des services tel que consacré à l’article 56 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1994, Commission/France, C‑381/93, EU:C:1994:370, points 12 et 13).

41

En l’occurrence, il importe de relever que le règlement no 1072/2009, qui a été adopté sur le fondement de l’article 71 CE (devenu article 91 TFUE), s’applique, conformément à son article 1er, paragraphes 1 et 4, lu en combinaison avec son article 2, point 6, aux transports internationaux de marchandises par route pour compte d’autrui pour les trajets effectués sur le territoire de l’Union ainsi qu’aux transports de cabotage, à savoir les transports nationaux de marchandises par route pour compte d’autrui assurés à titre temporaire par un transporteur non-résident. Il résulte des considérants 2 et 4 de ce règlement que celui-ci fait partie des actes de l’Union qui visent l’instauration d’une politique commune des transports et entraînent, par conséquent, « l’élimination de toutes restrictions à l’égard du prestataire de services de transport en raison de la nationalité ou du fait qu’il est établi dans un État membre autre que celui où les services doivent être fournis ». Conformément à cet objectif, notamment, les articles 8 et 9 du règlement no 1072/2009 définissent les conditions dans lesquelles, une fois que les marchandises transportées au cours d’un transport international à destination de l’État membre d’accueil ont été livrées, les transporteurs de ces marchandises sont autorisés à effectuer lesdits transports de cabotage.

42

À ce dernier égard, l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1072/2009 précise, notamment, que les dispositions nationales visées au paragraphe 1 de cet article sont appliquées aux transporteurs non-résidents dans les mêmes conditions que celles qui sont imposées aux transporteurs établis dans l’État membre d’accueil, afin d’empêcher toute discrimination fondée sur la nationalité ou le lieu d’établissement.

43

S’agissant de l’argument du Royaume de Danemark relatif au fait que la compétence pour fixer des règles en matière de durée du stationnement sur les aires de repos publiques appartient aux États membres et non à l’Union, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les États membres doivent exercer leurs compétences dans le respect du droit de l’Union, et donc, en l’occurrence, en particulier, des dispositions pertinentes du règlement no 1072/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2018, Vorarlberger Landes- und Hypothekenbank, C‑625/17, EU:C:2018:939, point 27 et jurisprudence citée).

44

Dans ce contexte, les États membres doivent, par ailleurs, tenir compte des règles relatives aux durées de conduite, aux pauses et aux temps de repos qui doivent être respectées, en vertu du règlement no 561/2006, par les conducteurs assurant le transport de marchandises avec des véhicules dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes, auxquelles se réfèrent au demeurant expressément le considérant 13 et l’article 9, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1072/2009. En effet, la possibilité, pour ces conducteurs, de respecter les règles relatives aux pauses et aux temps de repos prévues par ce règlement peut dépendre, entre autres, de la disponibilité d’aires de repos sur les autoroutes.

45

En l’occurrence, il y a lieu de constater que, par sa nature même, une règle fixant à 25 heures la durée maximale de stationnement sur les aires de repos publiques le long du réseau autoroutier d’un État membre a pour conséquence de rendre ces aires de repos indisponibles aux fins des temps de repos hebdomadaires normaux (d’au moins 45 heures) et des temps de repos hebdomadaires réduits (de moins de 45 heures, pouvant être réduits, dans le respect des conditions prévues à l’article 8, paragraphe 6, du règlement no 561/2006, à un minimum de 24 heures consécutives), à la seule exception des temps de repos hebdomadaires réduits allant de 24 à 25 heures.

46

Il s’ensuit qu’une telle règle est a priori susceptible d’avoir un effet concret sur l’exercice, par les transporteurs non-résidents, des droits de transport, en particulier, de cabotage, dont ils se trouvent investis en vertu du règlement no 1072/2009 et d’affecter davantage ces derniers que les transporteurs ayant un centre d’exploitation au Danemark et pouvant, de ce fait, plus facilement amener leurs conducteurs à y conduire leurs camions.

47

À cet égard, il convient, toutefois, de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans que la Commission puisse se fonder sur une présomption quelconque [arrêt du 24 juin 2021, Commission/Espagne (Détérioration de l’espace naturel de Doñana), C‑559/19, EU:C:2021:512, point 46 et jurisprudence citée].

48

En l’espèce, le Royaume de Danemark a produit, dans le cadre de la procédure précontentieuse et en annexe de son mémoire en défense, des données relatives au nombre de places de stationnement pour les véhicules dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes. Par la suite, lors de l’audience, cet État membre a apporté, sans être contredit sur ce point par la Commission, des précisions sur ces données, conformément auxquelles, outre les 1400 places de stationnement publiques concernées par la règle des 25 heures, il existe sur le territoire du Danemark, pour ces véhicules, à tout le moins, 855 places de stationnement sans limites horaires fournies par le secteur privé.

49

Or, dans sa requête, la Commission s’est bornée à soutenir, à cet égard, qu’il n’existe pas une capacité de stationnement alternative suffisante répartie sur le réseau autoroutier danois, étant donné que, sur l’ensemble de ce réseau, selon les données dont elle disposait à ce stade de la procédure, on recensait, tout au plus, 717 emplacements, dont 625 se situent à la frontière danoise ou tout près de celle-ci, certains des emplacements étant, en outre, payants.

50

Par ailleurs, s’agissant des données produites par le Royaume de Danemark en annexe de son mémoire en défense et indiquant, avant d’être revues à la baisse par cet État membre lors de l’audience, l’existence d’au moins 1047 places de stationnement pour les temps de repos de longue durée, la Commission s’est limitée à observer, dans son mémoire en réplique, que ces données ne modifiaient pas ses conclusions en l’espèce.

51

En revanche, la Commission n’a produit aucune donnée objective qui permettrait d’établir que les capacités de stationnement alternatives fournies par le secteur privé sont, au regard du volume du trafic pertinent, insuffisantes pour accueillir les véhicules dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes aux fins des temps de repos dépassant les 25 heures. Or, sans de telles données objectives, il ne peut pas être établi, sauf à se fonder sur des présomptions, que la règle des 25 heures est effectivement de nature à entraver les activités de transport de cabotage exercées par des prestataires établis dans les autres États membres au détriment de ceux-ci par rapport aux prestataires de transport de l’État membre d’accueil.

52

Cette appréciation n’est pas remise en cause par le fait qu’il ressort du dossier transmis dans la présente affaire que, au moment de l’introduction de la règle des 25 heures, il existait des problèmes de capacité sur les aires de repos publiques du réseau autoroutier danois et que, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, le Royaume de Danemark a lui-même identifié « les défis actuels auxquels le Danemark est confronté en termes de capacité de stationnement » comme l’une des raisons principales de l’introduction de cette règle.

53

En effet, en elle-même, une telle reconnaissance, d’ordre général, quant à l’existence de problèmes de capacité de stationnement dans les aires de repos publiques ne permet pas de conclure que, en l’espèce, en adoptant la règle des 25 heures, le Royaume de Danemark a violé le règlement no 1072/2009. En particulier, le simple fait que, ainsi qu’il a été relevé au point 48 du présent arrêt, les capacités de stationnement fournies par le secteur privé sont inférieures à celles disponibles sur les aires de repos publiques ne permet pas, en soi, d’établir l’insuffisance des capacités de stationnement fournies par le secteur privé pour accueillir les véhicules dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes aux fins des temps de repos dépassant les 25 heures, dès lors que, dans cette limite horaire, le stationnement de ces véhicules demeure permis sur les aires de repos publiques. Partant, en l’absence des données objectives à cet égard, il n’est pas établi que les capacités de stationnement fournies par le secteur privé seraient, au regard du volume du trafic pertinent, insuffisantes pour la prise des temps de repos plus longs.

54

S’agissant du fait, relevé par la Commission, qu’une majorité des places de stationnement sans limites horaires se situent à la frontière danoise ou à proximité de celle-ci, force est de constater, en l’espèce, qu’il découle des données produites par le Royaume de Danemark en annexe de son mémoire en défense, d’une part, que quelque 230 places sur les 855 places de stationnement disponibles aux fins des temps de repos dépassant les 25 heures se situent à l’intérieur du territoire danois et, d’autre part, que les autres emplacements sont répartis dans différentes zones frontalières tantôt terrestres tantôt maritimes dudit territoire fort éloignées les unes des autres. Or, à défaut de données objectives à cet égard, produites par la Commission, celle-ci n’établit ni que la capacité de ces places est insuffisante aux fins du respect de ces temps de repos, ni que la localisation de celles-ci est de nature à entraver de manière significative les activités, notamment, de transport de cabotage exercées par les prestataires établis dans les autres États membres au détriment de ceux-ci par rapport aux prestataires de transport de l’État membre d’accueil, lesquels sont, au demeurant, eux aussi potentiellement contraints de rediriger leurs véhicules vers les lieux où se situe leur centre d’exploitation.

55

Dans sa réponse à une question posée par la Cour lors de l’audience, la Commission a admis, en outre, qu’elle n’était pas en mesure de produire un chiffre précis du nombre de places utiles ni, notamment, de renseigner la Cour sur la manière dont ces places devraient être réparties géographiquement, pour qu’il puisse être considéré qu’il n’y a plus d’entrave aux activités des transporteurs établis dans d’autres États membres. Elle a ajouté que, à son avis, la capacité de stationnement fournie par le secteur privé, invoquée par le Royaume de Danemark, n’est pas pertinente, car cette capacité alternative nécessaire devrait atteindre un seuil très élevé pour que la règle des 25 heures ne représente plus une charge supplémentaire pour les opérateurs étrangers par rapport aux charges supportées par les opérateurs danois.

56

Or, ce faisant, la Commission a elle-même reconnu qu’elle s’était fondée, en l’espèce, sur des présomptions.

57

Enfin, s’agissant du fait qu’une partie de ladite capacité alternative privée existant au Danemark est payante, il y a lieu de souligner que, selon les données produites par le Royaume de Danemark, les montants dus pour l’utilisation des places de stationnement payantes fournies par le secteur privé n’apparaissent pas excessifs et que de tels coûts sont, le cas échéant, également susceptibles d’affecter les prestations de transport effectuées par les transporteurs nationaux, par exemple aux fins d’éviter les coûts liés au fait de devoir rediriger leurs véhicules vers les lieux où se situe leur centre d’exploitation. En outre, il ne peut être exclu, en l’absence de données objectives pertinentes apportées par la Commission, que les places de stationnement non payantes fournies par le secteur privé soient, en tout état de cause, suffisantes pour accueillir les véhicules dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes aux fins des temps de repos dépassant les 25 heures.

58

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas apporté, à suffisance de droit, la preuve de ses affirmations rappelées au point 33 du présent arrêt selon lesquelles la règle des 25 heures aurait, en l’occurrence, limité les possibilités existantes de stationnement à un point tel que, compte tenu de l’obligation de respecter les dispositions susmentionnées relatives aux temps de repos et de conduite, il en découlerait une entrave à la libre prestation des services de transport relevant du règlement no 1072/2009. Le recours de la Commission doit, dès lors, être rejeté.

Sur les dépens

59

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume de Danemark ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

60

En application de l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement de procédure, selon lequel les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, la République de Pologne supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

La Commission européenne supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Royaume de Danemark.

 

3)

La République de Pologne supporte ses propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le danois.

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