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Document 62022CC0240

Conclusions de l'avocat général Mme L. Medina, présentées le 18 janvier 2024.


ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:65

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME LAILA MEDINA

présentées le 18 janvier 2024 (1)

Affaire C240/22 P

Commission européenne

contre

Intel Corporation Inc.

(Pourvoi – Concurrence – Abus de position dominante – Marché des microprocesseurs – Décision constatant une infraction à l’article 102 TFUE et à l’article 54 de l’accord EEE – Rabais de fidélité – Qualification de pratique abusive – Analyse du concurrent aussi efficace – Stratégie d’ensemble – Infraction unique et continue – Évaluation économique complexe – Extrapolation de données économiques – Rabais accordés sous forme d’avantages en nature)






I.      Introduction

1.        Les présentes conclusions portent sur le pourvoi formé par la Commission européenne et tendant à l’annulation de l’arrêt du 26 janvier 2022, Intel Corporation/Commission (T‑286/09 RENV) (2). Cet arrêt faisait suite à l’arrêt de la Cour du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P) (3), qui avait lui-même annulé l’arrêt du 12 juin 2014, Intel/Commission (T‑286/09) (4), et renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

2.        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que la décision C(2009) 3726 final de la Commission, du 13 mai 2009, relative à une procédure d’application de l’article [102 TFUE] et de l’article 54 de l’accord EEE (5) devait être partiellement annulée.

3.        Plus précisément, le Tribunal a constaté que la Commission n’était pas en mesure d’établir que les rabais d’exclusivité et les paiements octroyés par Intel à plusieurs équipementiers informatiques (Original Equipment Manufacturer, ci-après les « OEM ») et à un distributeur européen d’ordinateurs de bureau étaient capables ou susceptibles d’avoir des effets d’éviction anticoncurrentiels et qu’ils étaient donc constitutifs d’une violation de l’article 102 TFUE (6). En effet, selon le Tribunal, la décision litigieuse était entachée d’erreurs s’agissant, d’une part, de l’appréciation effectuée par la Commission en ce qui concerne la capacité des rabais d’évincer un concurrent aussi efficace (as efficient competitor test, ci-après le « test AEC ») et, d’autre part, de l’appréciation du taux de couverture du marché par la pratique d’Intel et de sa durée (7).

4.        La Commission conteste l’approche suivie par le Tribunal et présente six moyens à l’appui de son pourvoi. Par ces moyens, la Commission reproche, en substance, au Tribunal de ne pas avoir procédé à une appréciation globale de la capacité des pratiques d’Intel à éliminer la concurrence au regard de toutes les circonstances pertinentes, d’avoir dénaturé des éléments de preuve et commis plusieurs erreurs de droit en ce qui concerne le niveau de contrôle juridictionnel, d’avoir interprété de manière erronée le test AEC tel qu’appliqué dans la décision litigieuse et d’avoir violé ses droits de la défense.

5.        La Cour a demandé l’examen de deux questions juridiques précises, qui concernent les quatrième et cinquième moyens. Ces deux moyens contestent l’appréciation, par le Tribunal, du test AEC en ce qui concerne deux des OEM ayant bénéficié de la pratique d’Intel. Les présentes conclusions se concentreront donc sur ces moyens et, en particulier, sur les questions qu’ils soulèvent, relatives, d’une part, à la marge d’appréciation dont dispose la Commission lorsqu’elle applique le test AEC à un comportement commercial spécifique et, d’autre part, à l’appréciation des rabais accordés sous la forme d’avantages en nature.

II.    Faits et procédure

6.        Pour les besoins des présentes conclusions, les faits et la procédure peuvent être résumés comme suit (8).

A.      Antécédents du litige et procédure administrative

7.        Intel Corp. (ci-après « Intel ») est une société de droit américain qui assure la conception, le développement, la fabrication et la commercialisation de microprocesseurs (ci-après les « CPU »), de jeux de puces (« chipsets ») et d’autres composants semi-conducteurs ainsi que de solutions pour plateformes dans le cadre du traitement des données et des dispositifs de communication.

8.        À la suite d’une plainte formelle soumise le 18 octobre 2000 par Advanced Micro Devices, Inc. (ci-après « AMD »), complétée le 26 novembre 2003, la Commission a lancé une série d’investigations conformément au règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (9).

9.        Le 26 juillet 2007, la Commission a notifié à Intel une communication des griefs relative à son comportement à l’égard de cinq grands OEM, à savoir Dell, Hewlett-Packard Company (ci-après « HP »), Acer Inc. (ci-après « Acer »), NEC Corp. (ci-après « NEC ») et International Business Machines Corp. (ci-après « IBM »).

10.      Le 17 juillet 2008, la Commission a notifié à Intel une communication des griefs complémentaire relative à son comportement à l’égard de MSH, distributeur européen d’appareils microélectroniques et premier distributeur européen d’ordinateurs de bureau. Cette communication des griefs portait également sur le comportement d’Intel à l’égard de Lenovo Group Ltd (ci-après « Lenovo ») et comportait de nouveaux éléments de preuve se rapportant au comportement d’Intel à l’égard de certains OEM mentionnés ci-dessus.

11.      Au terme de diverses étapes procédurales, la Commission a adopté, le 13 mai 2009, la décision litigieuse, dont un résumé figure au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2009, C 227, p. 13).

B.      La décision litigieuse

12.      Selon la décision litigieuse, Intel a commis une violation unique et continue de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), entre octobre 2002 et décembre 2007, en mettant en œuvre une stratégie visant à exclure un concurrent, à savoir AMD, du marché des CPU d’architecture x86 (ci-après les « CPU x86 »).

1.      Marché pertinent

13.      Les produits en cause dans la décision litigieuse sont des CPU, à savoir les CPU x86, qui sont des composants essentiels de tout ordinateur, tant pour les performances générales du système que pour son coût global. Ils sont souvent considérés comme le « cerveau » de l’ordinateur et leur fabrication requiert des installations de pointe coûteuses. Avant 2000, plusieurs fabricants de CPU x86 étaient sur le marché. La plupart ont toutefois quitté le marché depuis. La décision litigieuse relève que Intel et AMD sont pratiquement les deux seules entreprises à fabriquer encore des CPU x86.

14.      Le marché géographique a été défini comme étant de taille mondiale.

2.      Position dominante

15.      Compte tenu, premièrement, d’une part de marché d’environ 70 % ou plus détenue par Intel entre 1997 et 2007 et, deuxièmement, des barrières importantes à l’entrée et à l’expansion sur le marché en cause, résultant des investissements irrécupérables dans la recherche et le développement, la propriété intellectuelle et les installations de production nécessaires, la Commission a conclu que, au moins au cours de la période couverte par la décision litigieuse, soit d’octobre 2002 à décembre 2007, Intel a occupé une position dominante sur ledit marché.

3.      Types de comportements

16.      La décision litigieuse décrit deux types de comportement adoptés par Intel à l’égard de ses partenaires commerciaux, à savoir les rabais conditionnels et les restrictions non déguisées.

17.      Premièrement, selon la décision litigieuse, Intel a accordé des rabais à quatre OEM, en l’occurrence Dell, Lenovo, HP et NEC, à la condition qu’ils achètent auprès d’elle la totalité ou la quasi-totalité de leurs CPU x86. De même, Intel aurait octroyé des paiements à MSH, à la condition que ce dernier vende exclusivement des ordinateurs équipés de CPU x86 d’Intel.

18.      La décision litigieuse conclut que les rabais conditionnels accordés par Intel constituent des rabais de fidélité. En ce qui concerne MSH, la décision litigieuse constate que le mécanisme économique des paiements conditionnels d’Intel à MSH est équivalent à celui des rabais conditionnels accordés aux OEM.

19.      De plus, la décision litigieuse fournit également une analyse économique portant sur la capacité des rabais d’évincer un concurrent qui serait aussi efficace qu’Intel sans occuper pour autant une position dominante. Concrètement, l’analyse établit le prix auquel un concurrent aussi efficace qu’Intel aurait dû proposer ses CPU afin d’indemniser un OEM pour la perte d’un rabais que lui aurait accordé Intel. Une analyse du même type a été réalisée pour les paiements octroyés par Intel à MSH.

20.      Sur la base des éléments de preuve qu’elle a rassemblés, la Commission parvient à la conclusion selon laquelle les rabais conditionnels et les paiements octroyés par Intel ont eu pour conséquence d’assurer la fidélité des OEM stratégiques et de MSH. Ces pratiques auraient eu des effets complémentaires, en ce sens qu’elles auraient sensiblement réduit la capacité des concurrents de se livrer une concurrence fondée sur les mérites de leurs CPU x86. Le comportement anticoncurrentiel d’Intel aurait contribué ainsi à réduire le choix offert aux consommateurs ainsi que les incitations à l’innovation.

21.      Deuxièmement, en ce qui concerne les restrictions non déguisées, la Commission soutient qu’Intel a octroyé des paiements à trois OEM, à savoir HP, Acer et Lenovo, à la condition que ceux-ci reportent ou annulent le lancement de produits équipés de CPU d’AMD ou imposent des restrictions à la distribution de ces produits. La décision litigieuse conclut que ce comportement d’Intel a également causé un préjudice direct à la concurrence et ne relève pas d’une concurrence normale, fondée sur les mérites.

4.      Comportement abusif et amende

22.      La Commission conclut dans la décision litigieuse que chacun des comportements litigieux d’Intel à l’égard des OEM susmentionnés et de MSH constitue un abus au sens de l’article 102 TFUE, la totalité de ces abus s’inscrivant également dans le cadre d’une stratégie d’ensemble visant à évincer AMD, le seul concurrent important d’Intel, du marché des CPU x86. Ces abus formaient donc une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE, commise d’octobre 2002 à décembre 2007 (10).

23.      En appliquant les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2), la Commission a infligé à Intel une amende de 1,06 milliard d’euros (11).

C.      L’arrêt initial

24.      Le 22 juillet 2009, Intel a formé un recours en annulation contre la décision litigieuse. L’Association for Competitive Technology (ci‑après l’« ACT ») a été admise à intervenir dans cette procédure au soutien d’Intel.

25.      Par l’arrêt initial, rendu le 12 juin 2014, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

26.      Dans son arrêt, le Tribunal a jugé, en substance, que les rabais accordés aux OEM étaient des rabais d’exclusivité, en ce qu’ils étaient liés à la condition que le client s’approvisionne auprès d’Intel soit pour la totalité de ses besoins en CPU x86, soit pour une partie importante de ses besoins. En outre, le Tribunal a exposé que la question de savoir si de tels rabais pouvaient être qualifiés d’abusifs ne dépendait ni d’une analyse des circonstances de l’espèce visant à établir la capacité de ces rabais à restreindre la concurrence, ni de la démonstration d’effets anticoncurrentiels potentiels au moyen d’un test AEC.

27.      À titre surabondant, le Tribunal a considéré, dans le cadre d’un examen effectué de manière subsidiaire, que la Commission avait démontré, à suffisance de droit et sur la base d’une analyse des circonstances de l’espèce, la capacité des rabais et des paiements d’exclusivité accordés par Intel à Dell, à HP, à NEC, à Lenovo et à MSH de restreindre la concurrence. En revanche, le Tribunal n’a pas jugé utile d’examiner si la Commission avait effectué le test AEC conformément aux règles applicables et sans commettre d’erreur.

D.      L’arrêt sur le premier pourvoi

28.      Le 26 août 2014, Intel a formé un pourvoi contre l’arrêt initial.

29.      Par l’arrêt sur le premier pourvoi, prononcé le 6 septembre 2017 (12), la Cour a annulé l’arrêt initial et renvoyé l’affaire devant le Tribunal (13).

30.      En particulier, après avoir rejeté les cinquième et quatrième moyens, tirés, respectivement, d’une application erronée, par le Tribunal, des critères relatifs à la compétence de la Commission à l’égard des accords conclus entre Intel et Lenovo et d’un vice de procédure substantiel (14), la Cour a examiné et accueilli le premier moyen, tiré d’une erreur de droit en raison de l’absence d’examen des rabais litigieux au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes.

31.      À cet égard, la Cour a rappelé, d’une part, que l’article 102 TFUE n’a aucunement pour but d’empêcher une entreprise de conquérir, par ses propres mérites, la position dominante sur un marché. Cette disposition ne vise pas non plus à assurer que des concurrents moins efficaces que l’entreprise occupant une position dominante restent sur le marché (15). Cependant, compte tenu de la responsabilité particulière qui incombe à l’entreprise dominante de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur, elle ne saurait, notamment, mettre en œuvre des pratiques produisant des effets d’éviction pour ses concurrents considérés comme étant aussi efficaces qu’elle-même (16).

32.      Sur la base de ces considérations, la Cour a jugé que les principes dégagés dans l’arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (17), devaient être précisés, dans le cas où l’entreprise concernée soutient, au cours de la procédure administrative, éléments de preuve à l’appui, que son comportement n’a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction reprochés (18). Dans un tel cas, la Commission est non seulement tenue d’analyser, d’une part, l’importance de la position dominante de l’entreprise sur le marché pertinent et, d’autre part, le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d’octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais elle est également tenue d’apprécier l’existence éventuelle d’une stratégie visant à évincer les concurrents au moins aussi efficaces (19).

33.      De plus, la Cour a constaté que si, dans une décision constatant le caractère abusif d’un système de rabais, la Commission effectue une telle analyse, il appartient au Tribunal d’examiner l’ensemble des arguments de la partie requérante visant à mettre en cause le bien-fondé des constatations faites par la Commission quant à la capacité d’éviction du système de rabais concerné (20).

34.      Quant à la décision litigieuse, la Cour a relevé que le test AEC a revêtu une importance réelle dans l’appréciation, par la Commission, de la capacité de la pratique de rabais en cause de produire un effet d’éviction de concurrents aussi efficaces (21). Dans ces conditions, le Tribunal était tenu d’examiner l’ensemble des arguments d’Intel formulés au sujet de ce test (22). Dès lors que le Tribunal a jugé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la question de savoir si les calculs alternatifs proposés par Intel avaient été effectués de manière correcte (23), il s’est abstenu, à tort, de prendre en considération l’argumentation d’Intel visant à dénoncer de prétendues erreurs commises par la Commission dans le cadre du test AEC (24).

E.      L’arrêt attaqué

35.      À la suite du renvoi, l’affaire a été attribuée à la quatrième chambre élargie du Tribunal.

36.      Par l’arrêt attaqué, rendu le 26 janvier 2022, le Tribunal a jugé que la décision litigieuse devait être partiellement annulée.

37.      À titre liminaire, le Tribunal a fait référence à l’objet du litige après renvoi (25). Plus précisément, le Tribunal a conclu que l’objet du litige portait, en substance, sur l’analyse de la capacité des rabais litigieux de restreindre la concurrence à la lumière, d’une part, des précisions apportées quant aux principes posés dans l’arrêt Hoffmann‑La Roche et, d’autre part, des observations principales et complémentaires des parties sur les conclusions à tirer de ces précisions (26).

38.      En outre, le Tribunal a accepté les constatations de l’arrêt initial relatives à la qualification juridique des restrictions non déguisées et à leur caractère illégal au regard de l’article 102 TFUE (27). Il a également repris les appréciations portant sur la qualification des rabais litigieux de « rabais d’exclusivité » (28). Le Tribunal a toutefois jugé que, conformément à l’arrêt de la Cour sur le premier pourvoi, cette qualification ne signifiait pas que l’application du test AEC n’était pas nécessaire pour analyser leur capacité de restreindre la concurrence. Cette qualification ne suffisait pas non plus à les considérer comme abusifs au titre de l’article 102 TFUE (29).

39.      En ce qui concerne le fond de l’affaire, après avoir rappelé la méthode définie par la Cour pour apprécier la capacité d’un système de rabais de restreindre la concurrence (30) et les principes découlant de l’arrêt rendu sur le premier pourvoi (31), le Tribunal a examiné les arguments soulevés par Intel et par ACT.

1.      Arguments concernant l’analyse juridique sur laquelle s’est appuyée la Commission

40.      En premier lieu, le Tribunal a examiné les arguments d’Intel et d’ACT selon lesquels la décision litigieuse reposait sur une analyse juridique erronée. À cet égard, le Tribunal a conclu que, en partant de la prémisse selon laquelle les rabais litigieux enfreignaient l’article 102 TFUE, au motif qu’ils étaient par nature abusifs, sans devoir nécessairement tenir compte de la capacité de ces rabais de restreindre la concurrence, la Commission a entaché la décision litigieuse d’une erreur de droit (32). Toutefois, compte tenu de l’importance réelle du test AEC dans l’appréciation, par la Commission, de la capacité des rabais en cause de produire un effet d’éviction à l’égard de concurrents aussi efficaces, le Tribunal s’est estimé tenu, dans un second temps, d’examiner l’ensemble des arguments d’Intel formulés au sujet de ce test (33).

2.      Arguments concernant les erreurs entachant l’analyse AEC

41.      En deuxième lieu, le Tribunal a consacré son analyse aux arguments concernant le test AEC. Cette analyse a été divisée en quatre sections.

42.      La première section est consacrée à la portée du contrôle du Tribunal (34), qui s’étend, selon lui, conformément à la jurisprudence de la Cour, à l’ensemble des éléments de la décision de la Commission, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par la partie requérante et compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents soumis par cette dernière. Le Tribunal a toutefois rappelé que, dans le cadre du contrôle de la légalité de l’acte litigieux, il ne pouvait substituer sa propre motivation à celle de la Commission.

43.      La deuxième section concerne des considérations générales sur l’analyse AEC, qui sont en ces termes (35) :

« 152.      Le point de départ du test AEC […] est que, compte tenu notamment de la nature de son produit, de son image de marque et de son profil, Intel était un partenaire commercial incontournable et que les OEM auraient toujours acheté au moins une partie de leurs besoins en CPU auprès d’Intel, indépendamment de la qualité de l’offre du fournisseur alternatif. Par conséquent, c’est seulement pour une part du marché que les clients étaient disposés et en mesure de reporter leur approvisionnement sur ce fournisseur alternatif (ci-après la “ part disputable ”). De cette qualité de partenaire commercial incontournable résultait le pouvoir d’Intel d’utiliser la part non disputable comme un levier pour réduire le prix sur la part disputable du marché.

153.      Ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 141 de l’arrêt initial, le test AEC effectué dans la décision attaquée part du principe qu’un concurrent aussi efficace, qui cherche à décrocher la part disputable des commandes jusque-là satisfaites par une entreprise dominante, doit offrir une compensation au client pour le rabais d’exclusivité qu’il perdrait s’il achetait une part moindre que celle définie par la condition d’exclusivité ou de quasi-exclusivité. Le test AEC vise à déterminer si le concurrent aussi efficace que l’entreprise en position dominante, qui subit les mêmes coûts que celle-ci, peut toujours couvrir ses coûts dans ce cas.

154.      Le test AEC, tel qu’il est appliqué en l’espèce, établit le prix auquel un concurrent aussi efficace qu’Intel aurait dû offrir ses CPU x86 afin de compenser un OEM pour la perte d’un quelconque paiement d’exclusivité octroyé par Intel. Ce prix est dénommé dans le test AEC “ prix effectif ” ou “ PE ”.

155.      En principe, la partie des rabais totaux, pour laquelle un concurrent aussi efficace doit offrir une compensation, comprend seulement le montant des rabais qui est soumis à la condition d’approvisionnement exclusif en excluant des rabais de quantité (ci-après la “ part conditionnelle ” des rabais). [...] pour ne prendre en considération que la part conditionnelle d’un paiement, le test AEC fait référence, en l’espèce, au prix moyen de vente (ci-après le “ PVM ”), à savoir le prix catalogue, déduction faite des rabais conditionnels.

156.      Plus la part disputable et, par conséquent, la quantité des produits avec lesquels le fournisseur alternatif peut entrer en concurrence est petite, plus la probabilité que le paiement d’exclusivité ait la capacité d’évincer un concurrent aussi efficace est grande. En effet, si la perte des paiements octroyés par Intel à son client doit être répartie sur une faible quantité de produits offerts par le fournisseur alternatif sur la part disputable, cela entraîne une réduction sensible du prix effectif. Ce dernier sera donc plus vraisemblablement inférieur à la mesure viable du coût d’Intel.

157.      Le prix effectif doit être comparé à la mesure viable du coût d’Intel. La mesure viable du coût d’Intel adoptée dans la décision attaquée est celle du coût évitable moyen (ci-après le “ CEM ”).

158.      [...] il est permis de conclure qu’un système de paiements d’exclusivité est capable de barrer l’accès au marché pour les concurrents aussi efficaces lorsque le prix effectif est inférieur au CEM d’Intel. Il s’agit dans ce cas d’un résultat négatif du test AEC. Si, en revanche, le prix effectif est supérieur au CEM, un concurrent aussi efficace est censé pouvoir couvrir ses coûts et donc être en mesure d’accéder au marché. Dans ce cas, le test AEC aboutit à un résultat positif.

159.      C’est à la lumière de ces considérations générales qu’il y a lieu d’examiner le bien-fondé des arguments de la requérante selon lesquels l’analyse AEC est entachée de nombreuses erreurs. »

44.      Il ressort, en particulier, de l’arrêt attaqué (36) que, en application de la méthodologie adoptée par la Commission, le résultat – positif ou négatif – du test AEC, tel que défini au point 158 de cet arrêt, est finalement déterminé au moyen d’une comparaison entre la part disputable et la part requise, cette dernière étant la quotité des besoins du client que doit obtenir un concurrent aussi efficace pour pouvoir entrer sur le marché sans encourir de pertes. Si la part disputable est supérieure à la part requise, le résultat du test AEC est positif pour Intel. La situation inverse indique un résultat négatif et donc que les rabais contestés sont capables d’évincer un concurrent aussi efficace qu’Intel.

45.      La troisième section traite de la charge de la preuve et du niveau de preuve requis (37).

46.      Dans la quatrième section, le Tribunal a examiné le bien-fondé des arguments d’Intel selon lesquels la décision litigieuse était entachée de nombreuses erreurs quant au test AEC (38). Cette section comporte cinq sous-sections, chacune traitant des arguments soulevés par Intel concernant l’analyse AEC contenue dans la décision litigieuse en ce qui concerne les quatre OEM concernés, à savoir Dell, HP, NEC et Lenovo, d’une part, et MSH, d’autre part. Au vu de son analyse, le Tribunal a accueilli l’argument d’Intel selon lequel l’analyse AEC effectuée par la Commission dans la décision litigieuse était entachée d’erreurs (39).

3.      Arguments concernant les critères mentionnés au point 139 de l’arrêt sur le premier pourvoi

47.      En troisième lieu, le Tribunal a examiné les arguments d’Intel et d’ACT selon lesquels la Commission n’avait pas dûment analysé les critères mentionnés au point 139 de l’arrêt sur le premier pourvoi (40).

48.      À cet égard, le Tribunal a jugé qu’Intel était fondée à soutenir que l’analyse effectuée dans la décision litigieuse était entachée de plusieurs erreurs, en ce que la Commission n’avait pas dûment examiné le critère relatif au taux de couverture du marché par la pratique litigieuse et n’avait pas procédé à une analyse correcte de la durée des rabais (41).

4.      Conclusion

49.      Le Tribunal a constaté que, eu égard aux considérations qui précèdent, et compte tenu des erreurs entachant la décision litigieuse en ce qui concerne, d’une part, l’appréciation du test du concurrent aussi efficace effectuée par la Commission et, d’autre part, l’appréciation du taux de couverture du marché par la pratique d’Intel et de sa durée (42), la Commission n’était pas en mesure d’établir que les rabais d’exclusivité d’Intel étaient capables ou susceptibles d’avoir des effets d’éviction anticoncurrentiels et qu’ils étaient donc constitutifs d’une violation de l’article 102 TFUE (43).

50.      Partant, le Tribunal a conclu que les motifs de la décision litigieuse n’étaient pas susceptibles de servir de fondement à l’article 1er, sous a) à e), de ladite décision s’agissant en particulier des rabais d’exclusivité d’Intel. Cet article a par conséquent été annulé (44). En outre, le Tribunal ne s’estimant pas en mesure d’identifier le montant de l’amende afférent uniquement aux restrictions non déguisées, considérées comme ayant été correctement établies dans l’arrêt initial (45), l’article 2 de la décision litigieuse a également été annulé (46). Enfin, l’article 3 de la décision attaquée a été annulé pour autant qu’il concerne les rabais d’exclusivité d’Intel. Le Tribunal a rejeté le recours pour le surplus (47).

III. Conclusions des parties devant la Cour

51.      Par son pourvoi, introduit le 5 avril 2022, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        annuler l’arrêt attaqué, à l’exception du point 3 de son dispositif ;

–        renvoyer l’affaire devant le Tribunal ;

–        réserver les dépens.

52.      Par ordonnance du Président de la Cour du 5 août 2022, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir dans cette affaire au soutien des conclusions de la Commission.

53.      Intel et ACT demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens.

54.      Il n’a pas été tenu d’audience dans la présente affaire.

IV.    Analyse

55.      Au soutien de son pourvoi, la Commission invoque six moyens. En particulier, la Commission allègue que :

–        le Tribunal a statué ultra petita, a mal appliqué l’arrêt rendu sur le premier pourvoi et n’a pas procédé à une appréciation globale de la capacité des pratiques d’Intel à évincer la concurrence (premier moyen du pourvoi) ;

–        l’examen du test AEC par le Tribunal a violé les droits de la défense de la Commission (deuxième moyen) ;

–        le Tribunal a commis une erreur en ce qui concerne le niveau de preuve, violé les droits de la défense de la Commission et dénaturé les éléments de preuve dans le cadre de l’examen du test AEC à l’égard de Dell (troisième moyen) ;

–        le Tribunal a commis des erreurs de droit et violé les droits de la défense de la Commission dans le cadre de l’examen du test AEC à l’égard de HP (quatrième moyen) ;

–        le Tribunal a commis une erreur dans l’interprétation du test AEC et de l’article 102 TFUE, a dénaturé les éléments de preuve et a violé les droits de la défense de la Commission dans le cadre de l’examen de ce test à l’égard de Lenovo (cinquième moyen) ;

–        dans la mesure où l’arrêt attaqué se fonde sur l’examen du test AEC pour annuler partiellement la décision litigieuse, le Tribunal n’a pas tenu correctement compte des conséquences de ses conclusions (sixième moyen).

56.      Conformément à la demande de la Cour, mon analyse sera consacrée aux quatrième et cinquième moyens.

A.      Sur le quatrième moyen, tiré de plusieurs erreurs de droit et de la violation des droits de la défense de la Commission dans le cadre de l’examen du test AEC à l’égard de HP

57.      Par son quatrième moyen, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que la décision litigieuse n’avait pas démontré l’effet d’éviction des rabais accordés par Intel à HP pour l’ensemble de la période infractionnelle.

58.      Ce moyen s’articule en quatre branches principales, tirées, premièrement, de la méconnaissance de la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour les questions économiques complexes ; deuxièmement, de l’absence de prise en compte de la reconnaissance implicite par Intel de la période de référence au cours de la procédure administrative ; troisièmement, de la violation des droits de la défense de la Commission ; et, quatrièmement, d’une erreur du Tribunal quant à la conclusion appropriée à tirer pour l’ensemble de la période de la pratique litigieuse (48).

59.      Après avoir rappelé les constatations du Tribunal en ce qui concerne les rabais accordés par Intel à HP, j’examinerai successivement chacun de ces arguments.

1.      Sur les constatations du Tribunal en ce qui concerne les rabais accordés par Intel à HP 

60.      Il ressort de l’arrêt attaqué que, selon la décision litigieuse, Intel avait conclu avec HP, pour la période entre novembre 2002 et mai 2005, deux accords ayant pour objet des ordinateurs de bureau destinés aux entreprises (49).

61.      Le premier de ces accords (ci-après l’« accord HPA1 ») couvrait une période allant de novembre 2002 à mai 2004 et le second (ci-après l’« accord HPA2 ») couvrait une période allant de juin 2004 à mai 2005. Dans les deux accords, l’octroi de rabais par Intel était soumis à la condition non écrite que HP se fournisse auprès de la première pour au moins 95 % de ses besoins en CPU x86 afin d’équiper ses ordinateurs. Selon la Commission, le test AEC démontrait que ces rabais étaient susceptibles d’avoir un effet d’éviction anticoncurrentiel (50).

62.      Cette conclusion repose sur une comparaison entre la part requise de HP et la part disputable (51) et sur deux facteurs de renforcement (52).

63.      S’agissant du calcul de la part requise de HP, qui est au cœur du moyen présentement examiné, l’arrêt attaqué renvoie, tout d’abord, au tableau no 34 de la décision litigieuse (ci-après le « tableau no 34 ») (53). Comme l’indique le Tribunal, ce tableau expose les paramètres et les chiffres précis utilisés par la Commission pour calculer la part requise de HP, qu’elle présente en huit lignes, correspondant à chacun des trimestres couverts à partir du quatrième trimestre de l’exercice fiscal 2003 jusqu’au troisième trimestre de l’exercice fiscal 2005 (54).

64.      Deuxièmement, l’arrêt attaqué renvoie au tableau no 35 de la décision litigieuse (ci-après le « tableau no 35 ») (55), qui présente le calcul global, par la Commission, de la part requise de HP en ce qui concerne l’accord HPA1 et l’accord HPA2. Comme le relève le Tribunal, ce calcul global résulte de la somme ou de la moyenne arithmétique des chiffres établis dans le tableau no 34 (56). L’arrêt attaqué relève également que la Commission a constaté que la part requise de HP était systématiquement supérieure à la part disputable tout au long de la période infractionnelle (57).

65.      En outre, il ressort de l’arrêt attaqué qu’Intel avait fait valoir devant le Tribunal que la décision litigieuse contenait plusieurs erreurs relatives, notamment, à la période infractionnelle examinée (58).

66.      À cet égard, le Tribunal a relevé que le tableau no 34 n’intégrait aucune donnée relative à la période initiale couverte par l’accord HPA1, c’est-à-dire concernant les mois de novembre et de décembre 2002 ainsi que les trois premiers trimestres de l’exercice fiscal 2003 (59). Toutefois, le calcul global de la part requise de HP en ce qui concerne l’accord HPA1, tel qu’il figurait dans le tableau no 35, avait été déterminé par la Commission à partir de la somme ou de la moyenne arithmétique des chiffres figurant dans le tableau no 34, notamment à partir des trois premières lignes de celui-ci – dénommées Q4 FY03, Q1 FY04 et Q2 FY04 (60).

67.      Par conséquent, le Tribunal a conclu que les mois de novembre et de décembre 2002 et les trois premiers trimestres de l’exercice fiscal 2003 n’avaient pas été pris en compte par la Commission dans les calculs permettant de déterminer la part requise de HP en ce qui concerne l’accord HPA1 (61). À cet égard, il a ajouté, en substance, que la Commission n’avait pas soutenu que l’absence de valeurs pour les trois trimestres manquant résulterait d’une coïncidence ou que les valeurs des trois trimestres manquants de la période couverte par cet accord seraient identiques (62).

68.      C’est dans ces conditions que le Tribunal a conclu que le calcul de la part requise ne couvrait pas l’ensemble de la période comprise entre novembre 2002 et mai 2005 pour laquelle la Commission avait estimé pouvoir démontrer l’existence d’un effet d’éviction produit par les rabais qu’Intel a accordés à HP (63).

69.      En outre, le Tribunal a rejeté les arguments de la Commission fondés sur le fait que le résultat d’un calcul sur une base trimestrielle ne différait pas fondamentalement du résultat du calcul global prétendument effectué (64). Il a, en outre, considéré que les calculs complémentaires présentés par la Commission dans sa duplique, à savoir dans son annexe D.17, n’étaient pas recevables et, en tout état de cause, ne pouvaient servir de fondement aux constatations de la décision litigieuse (65).

2.      Sur la méconnaissance de la marge d’appréciation dont dispose la Commission sur les questions économiques complexes

a)      Arguments des parties

70.      En premier lieu, la Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, fait valoir que l’arrêt attaqué ne tient pas compte de la nature d’appréciation économique complexe que revêt le test AEC et ne reconnaît pas la marge d’appréciation dont elle dispose dans de tels cas. Cette marge d’appréciation doit nécessairement couvrir le calcul de la part requise d’une entreprise aux fins de l’application du test AEC et, en particulier, le choix des paramètres économiques et la période de référence que la Commission utilise pour ce calcul, qui ne devrait faire l’objet que d’un contrôle juridictionnel restreint.

71.      Par ailleurs, la Commission critique l’appréciation du Tribunal selon laquelle elle s’était fondée sur des chiffres incomplets pour calculer la part requise de HP. La Commission estime qu’elle pouvait valablement se fonder sur les chiffres correspondant aux trois derniers trimestres couverts par l’accord HPA1 parce qu’ils étaient considérés comme suffisamment représentatifs pour l’ensemble de la période, étant donné que le montant des rabais au cours de cette période restait stable d’un trimestre à l’autre.

72.      Enfin, la Commission fait valoir que les chiffres utilisés pour calculer la part requise pour la période couverte par l’accord HPA1, tels qu’ils figurent dans le tableau no 35 de la décision litigieuse, étaient favorables à Intel. Si la décision litigieuse avait utilisé les données disponibles pour les trimestres précédents, la part requise pour cette période aurait été encore plus élevée, ce qui aurait indiqué une capacité encore plus forte du rabais accordé par Intel à HP à évincer la concurrence.

73.      Intel, soutenue par ACT, conteste ces arguments. Elle fait valoir que la Commission a elle-même choisi de procéder à une évaluation AEC trimestre par trimestre pour établir l’infraction commise par Intel à l’égard de HP et que la Commission a ensuite omis d’intégrer dans ses calculs toutes les données nécessaires pour démontrer les effets d’éviction de l’ensemble de la période couverte par l’accord HPA1. Ce manquement ne relèverait pas d’une question économique complexe, mais d’une appréciation de faits. En outre, Intel conteste que les chiffres moyens tirés des trimestres ultérieurs aient été suffisamment représentatifs pour constater une infraction pour l’ensemble de la période. À cet égard, elle relève que cette appréciation ne résulte tout simplement pas de la décision litigieuse et que les calculs complémentaires présentés par la Commission au cours de la procédure juridictionnelle ont été déclarés irrecevables.

b)      Appréciation

74.      À titre liminaire, je relève que l’argument avancé par la Commission, quant à la nature du test AEC en tant qu’appréciation économique complexe, s’applique de façon transversale à d’autres moyens qu’elle soulève dans le cadre du présent pourvoi. Certaines de mes réflexions pourraient donc également trouver à s’appliquer à l’analyse devant être effectuée par la Cour s’agissant de ces autres moyens qui ne sont pas spécifiquement examinés par les présentes conclusions.

75.      Selon une jurisprudence bien établie, le degré de contrôle du juge de l’Union sur les analyses effectuées par la Commission sur la base des règles de concurrence du traité dépend de l’existence, sous-jacente à chaque décision considérée, d’une marge d’appréciation justifiée par la complexité de l’application de ces règles. Les cas impliquant un contrôle juridictionnel restreint doivent être limités à ceux dans lesquels la décision attaquée est fondée sur une appréciation économique complexe (66).

76.      Cette jurisprudence, qui définit le niveau du contrôle juridictionnel restreint dans le cadre des appréciations économiques complexes, a été appliquée par le juge de l’Union à tous les domaines du droit de la concurrence (67) depuis sa formulation initiale dans l’arrêt Consten et Grundig/Commission (68). Elle exige que, face à des questions économiques complexes, le juge de l’Union limite son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, du caractère suffisant de la motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (69).

77.      Néanmoins, la Cour a constamment rappelé que la marge d’appréciation reconnue à la Commission lorsqu’elle est saisie d’appréciations économiques complexes, en particulier dans le domaine du droit de la concurrence, s’accompagne nécessairement de certaines garanties que le juge de l’Union est tenu de vérifier (70).

78.      Ainsi, dans son arrêt Commission/Tetra Laval (71), la Cour a établi que, si elle reconnaît à la Commission une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, il doit également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (72).

79.      Par la suite, dans les arrêts KME Germany e.a./Commission (73) et Chalkor/Commission (74), qui se fondent sur l’affirmation précédente de l’arrêt Tetra Laval, la Cour a souligné que le juge de l’Union ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (75).

80.      En l’espèce, la Commission critique de manière générale le niveau de contrôle appliqué par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. La Commission considère que le Tribunal, lors de l’examen du test AEC appliqué dans la décision litigieuse, y compris en ce qui concerne les rabais accordés par Intel à HP, a dépassé les limites applicables au contrôle juridictionnel énoncées dans sa jurisprudence.

81.      Il importe de relever que la question soulevée par la Commission n’est pas de savoir si cette institution doit bénéficier d’une marge d’appréciation en ce qui concerne le choix du critère spécifique permettant de déterminer si les pratiques tarifaires adoptées par une entreprise en position dominante ont la capacité d’évincer un concurrent aussi efficace que cette entreprise (76). Ni le Tribunal dans l’arrêt attaqué, ni la défenderesse dans le présent pourvoi ne remettent en cause l’utilisation du test AEC par la Commission pour déterminer si les rabais visés par la décision litigieuse étaient susceptibles de porter atteinte à la concurrence en vertu de l’article 102 TFUE.

82.      Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la Commission, il n’est pas contesté que cette institution devrait jouir d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application du test AEC à un comportement concret et, en particulier, s’agissant du choix des paramètres économiques et de la période de référence devant être utilisés pour appliquer ce test à un comportement concret.

83.      En effet, il ressort de l’arrêt attaqué (77), sans que le Tribunal l’ait mis en question, que le test AEC effectué par la Commission dans la décision litigieuse, en ce qui concerne les rabais accordés par Intel à HP, reposait sur un modèle économétrique que la Commission a décidé d’appliquer sur une base trimestrielle à une période qu’elle avait définie au préalable, allant de novembre 2002 à mai 2005. Ce modèle exigeait, d’une part, le calcul de la part requise et, d’autre part, le calcul de la part disputable. En particulier, pour calculer la part requise, en cause dans la présente branche du moyen examiné, il a été tenu compte de la part conditionnelle des rabais accordés par l’entreprise en position dominante, du prix de vente moyen et du coût moyen évitable de cette entreprise. En fin de compte, le résultat du test AEC, qu’il soit positif ou négatif, a été déterminé en comparant les chiffres obtenus à partir du calcul de la part requise de HP et de la part de marché disputable (78).

84.      J’observe, à l’instar de la Commission, que, dans la mesure où le calcul de la part requise implique de grands choix méthodologiques, il doit être considéré comme une appréciation économique complexe. Partant, la Commission doit pouvoir valablement définir les paramètres utilisés pour calculer cette part, sous la seule réserve du contrôle restreint du juge de l’Union. Cela implique que, dans l’exercice de ses fonctions, le juge de l’Union doit s’abstenir de substituer sa propre appréciation à celle de la Commission (79), à moins que l’entreprise concernée invoque une erreur manifeste d’appréciation et en apporte également la démonstration (80).

85.      Cela étant, le calcul de la part requise ne saurait échapper à un contrôle juridictionnel concernant les erreurs de calcul ou le caractère sélectif ou incomplet de la prise en compte des éléments de preuve. C’est précisément dans ces cas de figure que la jurisprudence issue de l’arrêt Tetra Laval, telle que reprise par la suite dans les arrêts KME Germany et Chalkor, a vocation à s’appliquer dans toute sa mesure. Les éléments de preuve invoqués par la Commission pour apprécier une situation complexe doivent effectivement être factuellement exacts, fiables et cohérents ; ils doivent contenir toutes les données nécessaires à cette appréciation et être de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.

86.      En l’espèce, je suis d’avis que l’appréciation du Tribunal s’agissant du calcul de la part requise de HP par la Commission est conforme aux exigences de la Cour.

87.      En effet, il ressort de l’arrêt attaqué que le Tribunal a d’abord expliqué, en ce qui concerne la période de référence fixée par la Commission elle-même, les paramètres utilisés dans le tableau no 34 aux fins du calcul de la part requise de HP et l’appréciation trimestre par trimestre, qui constitue également un choix de la Commission aux fins de ce calcul. Le Tribunal a ensuite indiqué le résultat du calcul global de la part requise de HP en ce qui concerne l’accord HP1, présenté dans le tableau no 35, qui, comme il l’a également relevé, résultait de la somme ou de la moyenne arithmétique des chiffres figurant dans le tableau no 34. Le Tribunal a alors relevé l’absence de donnée concernant la partie initiale de la période couverte par cet accord, à savoir les mois de novembre et de décembre 2002, ainsi que les trois premiers trimestres de l’exercice fiscal 2003. Le Tribunal en a conclu que le calcul de la part requise de HP ne pouvait pas être considéré comme démontré pour l’ensemble de la période infractionnelle (81).

88.      Il s’ensuit que, ainsi que le font valoir Intel et ACT, si la Commission a choisi de procéder à une évaluation AEC trimestre par trimestre afin de déterminer la part requise de HP au cours de la période de référence qui avait été fixée à l’avance, elle a par la suite omis d’intégrer dans ses calculs, comme l’exige la jurisprudence de la Cour, toutes les données pertinentes et nécessaires. Dans ces conditions, le Tribunal a pu conclure à juste titre, sans empiéter sur la marge d’appréciation de la Commission, que les éléments de preuve contenus dans la décision litigieuse n’étaient pas de nature à étayer ses conclusions quant aux effets d’éviction des rabais d’Intel pour l’ensemble de la période couverte par l’accord HPA1.

89.      Par conséquent, le grief de la Commission selon lequel le Tribunal aurait imposé un niveau de contrôle dépassant les limites de la jurisprudence de la Cour devrait selon moi être rejeté.

90.      En outre, dans la mesure où la Commission soutient qu’elle pouvait valablement se fonder sur les chiffres correspondant aux trois derniers trimestres couverts par l’accord HPA1 au motif que ces chiffres étaient suffisamment représentatifs pour l’ensemble de la période, cet argument invite la Cour à examiner si, en l’espèce, en l’absence d’éléments de preuve concrets, il peut être justifié de déduire la date de début de cette période par extrapolation.

91.      Nul n’ignore que l’extrapolation consiste à estimer une valeur inconnue au moyen de l’extension d’une suite de valeurs connue. À cet effet, elle implique un élément de présomption (82), mécanisme récurrent utilisé pour alléger la charge de la preuve qui pèse (normalement) sur la Commission lorsqu’il s’agit d’établir l’existence d’une infraction – ou d’un élément de celle-ci – aux règles de concurrence issues du traité (83). Par ailleurs, dans la mesure où l’extrapolation vise à déduire un élément inconnu à partir de ce qui est connu, elle doit être fondée sur une séquence concrète. Cette séquence est habituellement établie à partir d’une tendance résultant de la suite particulière de valeurs identifiée ou, à tout le moins, de l’expérience normale ou du bon sens. Il importe de noter que, sauf dans les cas où il relève de l’évidence, la séquence permettant de procéder à une extrapolation doit être définie et explicitée par la partie qui supporte la charge de la preuve.

92.      Je pourrais convenir que la définition de la séquence susceptible de servir de fondement à une extrapolation de données peut, dans certains cas, relever de la marge d’appréciation dont dispose la Commission lorsque cette définition implique une complexité économique. Cependant, cette question ne se pose même pas en l’espèce, puisque la décision litigieuse ne fait aucune référence à une séquence représentative ou habituelle qui démontrerait que les données relatives à la seconde partie de la période de l’accord HPA1 étaient également applicables à la partie initiale de cette période. Je ne suis donc pas convaincue par l’argument de la Commission selon lequel l’omission de données économiques constatée par le Tribunal pour cette période résultait, en réalité, d’une extrapolation effectuée délibérément par cette institution dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation.

93.      À cet égard, c’est à bon droit que le Tribunal a relevé que, dans la décision litigieuse, la Commission n’avait pas soutenu que la démonstration de la part requise de HP pour l’accord HPA1, telle qu’elle ressortait du tableau no 35, résultait d’une coïncidence. Il n’a pas non plus considéré que les différentes valeurs indiquées dans ce tableau étaient identiques pour les trois trimestres manquants et pour les trois trimestres suivants (84). Dans cette perspective, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, ainsi qu’il ressort également de l’arrêt attaqué (85), qu’il importait peu que les calculs de la Commission aient été effectués trimestre par trimestre ou globalement, dès lors que les mois de novembre et de décembre 2002 ainsi que les trois premiers trimestres de l’exercice fiscal 2003 n’auraient, quoi qu’il en soit, jamais été pris en compte.

94.      Il s’ensuit que l’argument de la Commission tiré d’une extrapolation des valeurs des trois derniers trimestres de la période couverte par l’accord HPA1 à la partie initiale de cette période devrait également être rejeté.

95.      Enfin, la Commission fait valoir que les chiffres utilisés pour calculer la part requise pendant la seconde partie de la période couverte par l’accord HPA1 étaient stables d’un trimestre à l’autre et que, en tout état de cause, ils étaient favorables à Intel. À cet égard, je relève brièvement, sans préjudice de mon analyse dans le cadre de la troisième branche du présent moyen (86), que cette appréciation ne résulte manifestement pas de la décision litigieuse et qu’elle ne relève pas non plus de l’évidence. Comme je l’expliquerai dans la suite des présentes conclusions, elle ne saurait donc être utilisée, dans le cadre de la présente procédure, pour justifier le fait que toutes les données nécessaires pour calculer la part requise de HP pour l’ensemble de la période couverte par l’accord HPA1 n’aient pas été appliquées.

96.      À la lumière des considérations qui précèdent, je considère qu’il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir violé la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour les questions économiques complexes – ni d’avoir commis les autres erreurs alléguées dans cette branche- en concluant que celle-ci n’avait pas démontré l’existence d’un effet d’éviction causé par les rabais accordés par Intel à HP sur l’ensemble de la période de référence.

97.      La première branche du quatrième moyen soulevé par la Commission devrait selon moi être rejetée.

3.      Sur la reconnaissance implicite d’Intel au cours de la procédure administrative

a)      Arguments des parties

98.      En deuxième lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal commet une erreur dans l’arrêt attaqué en niant toute valeur probante à la reconnaissance implicite, par Intel, au cours de la procédure administrative, de la période de référence utilisée dans le test AEC en ce qui concerne HP.

99.      Selon la Commission, premièrement, Intel n’a pas contesté, au cours de cette procédure, le choix de la période de référence retenue dans le tableau no 35 de la décision litigieuse pour calculer la part requise de HP. Intel et ses conseillers économiques se sont fondés sur les chiffres proposés par la Commission pour leurs propres calculs et n’ont pas opposé d’autres calculs pour les trimestres prétendument manquants. Deuxièmement, la Commission souligne que, dans la mesure où il existe une présomption juridique d’illégalité des rabais d’exclusivité, selon l’arrêt rendu par la Cour sur le premier pourvoi, il incombait à Intel de présenter, au cours de l’enquête, des éléments de preuve tendant à démontrer que ses rabais n’étaient pas de nature à évincer la concurrence.

100. Intel conteste ces arguments. Elle fait valoir que le tableau no 35 de la décision litigieuse, qui comporte des données pour les trois trimestres en cause, lesquels ont été utilisés comme période de référence pour calculer la part requise de HP pour toute la période de l’accord HPA1, n’a jamais été fourni par la Commission à Intel au cours de la procédure administrative. Il aurait été présenté pour la première fois dans la décision litigieuse, ce qui signifie qu’Intel n’aurait jamais reconnu le choix par la Commission de la période de référence au cours de cette procédure administrative. En tout état de cause, Intel soutient, conformément à l’arrêt attaqué, qu’il n’est pas exigé du destinataire d’une communication des griefs qu’il en conteste le contenu au cours de la procédure administrative.

b)      Appréciation

101. Selon la jurisprudence de la Cour, lorsqu’une entreprise visée par une enquête relative à l’application des règles de concurrence du traité ne reconnaît pas expressément les faits, il incombe à la Commission d’établir ces faits, l’entreprise restant libre de développer, le moment venu et notamment dans le cadre de la procédure contentieuse, tous les moyens de défense qui lui paraîtront utiles (87).

102. De plus, la Cour a déclaré, dans l’arrêt Knauf Gips/Commission (88), que, s’agissant de l’application des articles 101 et 102 TFUE, aucune disposition du droit de l’Union n’impose au destinataire de la communication des griefs de contester ses différents éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire ultérieurement au stade de la procédure juridictionnelle.

103. Enfin, il résulte expressément de l’arrêt de la Cour sur le premier pourvoi que, si, dans une décision constatant le caractère abusif d’un système de rabais, la Commission effectue une telle analyse, il appartient au Tribunal d’examiner l’ensemble des arguments de la partie requérante visant à mettre en cause le bien-fondé des constatations faites par la Commission quant à la capacité d’éviction du système de rabais concerné (89).

104. En l’espèce, j’observe que, dans l’arrêt attaqué (90), le Tribunal s’est correctement référé à l’arrêt Knauf Gips pour répondre à l’argument de la Commission selon lequel Intel n’avait pas contesté, au cours de la procédure administrative, la période de référence retenue par cette institution pour le calcul de la part requise de HP. Cette jurisprudence, qui est conforme aux enseignements de la Cour dans l’arrêt sur le premier pourvoi, est claire quant à la valeur limitée que le juge de l’Union attribue, dans le cadre d’un recours en annulation, à la position qu’une entreprise a pu adopter au cours de la procédure administrative (91).

105. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la reconnaissance explicite ou implicite d’éléments de fait ou de droit par une entreprise durant la procédure administrative devant la Commission ne saurait limiter l’exercice même du droit de recours devant le Tribunal dont dispose une personne physique ou morale en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (92). Le fondement de cette analyse repose en définitive sur les principes fondamentaux de l’État de droit et du respect des droits de la défense, ainsi que sur le droit à un recours effectif et à l’accès à un tribunal impartial, tel que garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (93).

106. Par conséquent, le contrôle juridictionnel relatif aux articles 101 et 102 TFUE ne saurait empêcher les entreprises de soulever des arguments et d’invoquer des faits qu’elles n’ont pas mentionnés ou contestés au cours de la procédure administrative, ni de produire des éléments de preuve dont la Commission ne disposait pas au moment de l’adoption de la décision attaquée (94).

107. La Commission rappelle toutefois que, dans l’arrêt Knauf Gips, la Cour a également considéré que la reconnaissance par une entreprise d’éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative devant la Commission peut constituer un élément de preuve complémentaire lors de l’appréciation du bien-fondé d’un recours (95).

108. À cet égard, il suffit de relever qu’il ne ressort ni de l’arrêt attaqué, ni des observations de la Commission dans la présente affaire, que, s’agissant des rabais accordés par Intel à HP, la Commission avait apporté, au cours de la procédure administrative, des éléments de preuve complémentaires, y compris des éléments relatifs à la prétendue reconnaissance implicite par Intel de la période de référence utilisée dans le test AEC en ce qui concerne HP, qui auraient été de nature à corroborer la part requise de HP pour toute la période couverte par l’accord HPA1.

109. Il s’ensuit que l’affirmation de la Cour dans l’arrêt Knauf Gips citée par la Commission n’est pas pertinente aux fins de la présente affaire.

110. Enfin, dans la mesure où la Commission fait valoir, dans le cadre de la présente branche du moyen examiné, qu’il appartenait, en tout état de cause, à Intel de présenter au cours de l’enquête des éléments de preuve tendant à démontrer que ses rabais n’étaient pas de nature à évincer la concurrence au cours des mois et trimestres manquants de la période de référence, cet argument n’a, à mon sens, guère de rapport avec son allégation relative à la reconnaissance implicite par Intel de cette période pour le calcul de la part requise de HP.

111. En tout état de cause, cet argument doit être rejeté à la lumière de la jurisprudence citée au point 103 des présentes conclusions, qui ressort, comme cela a déjà été indiqué, de l’arrêt de la Cour statuant sur le premier pourvoi (96). Cette jurisprudence suffit également à établir que le Tribunal n’a pas non plus commis d’erreur dans sa réponse à l’argument selon lequel Intel a utilisé la période de référence retenue par la Commission pour ses propres calculs lors de la procédure administrative. Ainsi qu’il ressort de l’arrêt attaqué (97), cette période faisait partie de la motivation de la décision litigieuse et pouvait donc être contestée par la requérante devant le Tribunal.

112. À la lumière des considérations qui précèdent, j’estime que le Tribunal n’a pas commis d’erreur dans son appréciation de la valeur probante de la position d’Intel au cours de la procédure administrative en ce qui concerne la période de référence utilisée dans le test AEC pour calculer la part requise de HP.

113. La deuxième branche du quatrième moyen devrait selon moi être rejetée.

4.      Sur la violation des droits de la défense de la Commission

a)      Arguments des parties

114. En troisième lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur en refusant de prendre en compte les calculs supplémentaires qu’elle a présentés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, notamment à l’annexe D.17 de la duplique, visant à réfuter les arguments d’Intel relatifs à la période infractionnelle couverte par l’accord HPA1.

115. La Commission souligne que cette annexe démontrait que les arguments d’Intel n’étaient pas de nature à altérer le résultat du test AEC tel qu’il a été effectué dans la décision litigieuse en ce qui concerne HP. En outre, la Commission considère que, si le Tribunal a permis à Intel de produire de nouvelles analyses pour contester la période de référence du test AEC appliquée à HP, il a privé la Commission du droit d’y répondre. À cet égard, la Commission s’appuie principalement sur l’arrêt Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (98).

116. Intel conteste ces arguments. En substance, elle soutient que l’allégation de la Commission selon laquelle elle devrait être autorisée à soumettre une nouvelle analyse AEC pour la première fois dans le cadre de la procédure juridictionnelle, en particulier au stade de la duplique, est manifestement incompatible avec la jurisprudence constante de la Cour.

b)      Appréciation

117. Il importe de rappeler que, par l’annexe D.17 de sa duplique, la Commission a présenté pour la première fois devant le Tribunal des calculs supplémentaires fondés sur un chiffre fourni par HP pour deux des trois trimestres manquants de la période couverte par l’accord HPA1, à savoir les deuxième et troisième trimestres de l’exercice fiscal 2003 (99). Comme nous l’avons déjà indiqué (100), cet argument visait à démontrer que, étant donné que le montant des rabais accordés par Intel à HP était stable pendant la période couverte par l’accord HPA1, les résultats de la part requise de HP auraient été les mêmes si les mois et les trimestres manquants avaient été pris en compte. L’annexe D.17 de la duplique démontrait également, selon la Commission, que les résultats du calcul intégrant les données relatives aux mois et aux trimestres manquants étaient moins favorables à Intel que les résultats moyens sur lesquels la décision litigieuse était fondée.

118. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté la demande tendant à ce que ces calculs supplémentaires soient pris en compte en déclarant, d’une part, que ces calculs ne ressortaient pas de la décision litigieuse et qu’ils avaient été présentés pour la première fois au cours de la procédure judiciaire. Selon le Tribunal, tenir compte de ces calculs aurait impliqué, en contradiction manifeste avec la jurisprudence de la Cour, de substituer sa propre motivation à celle de la Commission figurant dans la décision litigieuse (101). D’autre part, quoi qu’il en soit, le Tribunal a conclu, en substance, que le montant des rabais accordés par Intel à HP ne représentait que l’un des paramètres nécessaires au calcul de la part requise de HP et que les éléments relatifs aux autres paramètres – à savoir le volume des achats de HP et le prix moyen de vente – étaient toujours manquants. Dans ce contexte, le Tribunal a constaté que rien ne garantissait que les données relatives aux mois et aux trimestres non pris en compte pour le test AEC ne différaient pas de celles identifiées pour les trimestres analysés (102).

119. Je dois relever, d’emblée, que, dans la mesure où, dans le cadre du présent pourvoi, la Commission ne soutient pas que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son appréciation des calculs supplémentaires présentés à l’annexe D.17 de sa duplique, l’argument de la Commission tiré de la violation de ses droits de la défense devrait être rejeté comme inopérant (103). En tout état de cause, du point de vue de la recevabilité, j’estime que c’est à bon droit que le Tribunal a refusé de prendre en considération le contenu de cette annexe.

120. À cet égard, je rappelle que le refus d’accepter des motifs supplémentaires avancés par la Commission au cours de la procédure juridictionnelle dans le but de confirmer l’existence d’une infraction aux règles de concurrence du traité peut être appréhendé sous différents angles, qui concernent tant la forme (légalité externe) que le fond (légalité interne) de la décision adoptée par cette institution.

121. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, même si la Commission peut, dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, expliquer plus en détail dans sa défense la motivation d’une décision attaquée, elle ne saurait introduire dans cette procédure des motifs totalement nouveaux. Cette interdiction s’explique par le fait que l’absence initiale de motivation ne peut être régularisée au stade de la procédure devant le juge de l’Union en ne permettant à l’intéressé de prendre connaissance de ces motifs qu’au cours d’une telle procédure (104). Comme l’a relevé l’avocate générale Kokott, cette limite à l’introduction de nouveaux motifs revêt une importance essentielle dans les procédures pénales et quasi pénales telles que les procédures introduites sur le fondement de l’article 102 TFUE (105).

122. En outre, cette même interdiction peut s’expliquer par l’obligation pour la Commission de ne fonder ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations (106). En effet, la Commission doit permettre à l’entreprise concernée, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des éléments avancés par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité (107). Cette obligation concerne, entre autres éléments essentiels de l’infraction, sa durée effective.

123. Enfin, ainsi que le Tribunal l’a constaté à juste titre dans l’arrêt attaqué, la Cour a affirmé que le fait de corriger une omission dans la motivation d’une décision attaquée en tenant compte de motifs supplémentaires qui ne figurent pas dans cette décision conduit le Tribunal à substituer son appréciation à celle de la décision attaquée et, partant, à commettre une erreur de droit (108).

124. Je suis d’avis que l’une quelconque des approches précédemment évoquées, fondées sur la jurisprudence de la Cour, était suffisante pour permettre au Tribunal de déclarer l’annexe D.17 de la duplique irrecevable, y compris l’approche qu’il a spécifiquement retenue dans son arrêt, concernant l’interdiction de substituer son appréciation à celle de la décision litigieuse. En effet, si le Tribunal en avait jugé autrement, il aurait, me semble-t-il, commis une erreur de droit pour ne pas avoir constaté une violation de l’obligation de motivation par la Commission, pour ne pas avoir constaté une violation des droits de la défense d’Intel au cours de la procédure administrative, ou pour avoir substitué sa propre appréciation à celle de la décision litigieuse.

125. En réponse aux constatations qui précèdent, la Commission invoque l’arrêt Dole Food. Dans cet arrêt, la Cour a déclaré que, dès lors qu’une question est soulevée pour la première fois dans la requête introductive d’instance, la Commission peut, sans violer l’interdiction d’invoquer de nouveaux motifs, défendre son appréciation figurant dans la décision litigieuse par des éléments fournis en cours d’instance (109).

126. Il me semble néanmoins que le contexte factuel de l’affaire Dole Food et la présente situation diffèrent. Dans l’arrêt Dole Food, la Cour a entériné l’approche du Tribunal ayant estimé que les précisions apportées dans le cadre de la procédure dont il était saisi ne sont venues, en substance, qu’expliciter la motivation déjà contenue dans la décision litigieuse (110). En revanche, en l’espèce, le Tribunal a constaté que la décision litigieuse n’établissait pas que la part requise de HP aurait été identique pour la période initiale de l’accord HPA1 si les mois et les trimestres manquants avaient été pris en compte. Par conséquent, les calculs supplémentaires figurant à l’annexe D.17 de la duplique, qui ont été fournis ex novo par la Commission au stade juridictionnel, ne peuvent pas être considérés comme étant rattachés à la motivation déjà présente dans la décision litigieuse.

127. En outre, il ressort des conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Dole Food que les éléments de preuve évoqués dans cette affaire par la Commission devant le Tribunal figuraient dans le dossier d’instruction (111). Cela signifie que, contrairement au cas d’espèce, l’entreprise concernée avait pris connaissance de ces informations au cours de la procédure administrative.

128. Par conséquent, je suis d’avis que l’arrêt Dole Food, cité par la Commission, ne constitue pas un précédent valable pour étayer son argumentation.

129. Eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime que le Tribunal n’a pas violé les droits de la défense de la Commission en refusant de tenir compte des calculs supplémentaires fournis à l’annexe D.17 de la duplique.

130. La troisième branche du quatrième moyen soulevé par la Commission devrait donc selon moi être rejetée.

5.      Sur l’erreur du Tribunal quant à la conclusion appropriée à tirer pour l’ensemble de la période de la pratique litigieuse

a)      Arguments des parties

131. La Commission allègue que, même à supposer que le Tribunal ait conclu à juste titre, dans l’arrêt attaqué, qu’elle n’avait pas démontré d’effets d’éviction au cours de la période comprise entre novembre 2002 et septembre 2003, cela n’entacherait pas la conclusion selon laquelle les rabais accordés par Intel à HP étaient susceptibles d’avoir des effets d’éviction à tout le moins pour la période d’octobre 2003 à mai 2005.

132. Intel conteste cet argument. En particulier, elle fait valoir que le Tribunal a établi à juste titre, dans l’arrêt attaqué, que, dès lors que la Commission n’avait pas dûment examiné le critère relatif au taux de couverture du marché par la pratique contestée ni procédé à une analyse correcte de la durée des rabais, la Commission n’avait pas démontré l’effet d’éviction des rabais accordés à HP pour l’ensemble de la période de référence.

b)      Appréciation

133. Ainsi qu’il a déjà été relevé, le Tribunal a constaté dans l’arrêt attaqué, d’une part, que la Commission avait commis une erreur en considérant que son calcul de la part requise de HP lui permettait de tirer des conclusions relatives à l’effet d’éviction de ces rabais pour l’ensemble de la période comprise entre novembre 2002 et mai 2005. Selon le Tribunal, la Commission n’avait pas démontré l’existence de cet effet pour la période comprise entre novembre 2002 et septembre 2003 (112).

134. D’autre part, dans le cadre de l’examen, par le Tribunal, des critères mentionnés au point 139 de l’arrêt sur le premier pourvoi, celui‑ci a également constaté que la Commission n’avait pas dûment examiné, dans la décision litigieuse, le critère relatif au taux de couverture du marché par la pratique contesté et à sa durée (113).  

135. C’est sur la base de ces considérations que le Tribunal a ensuite conclu, en ce qui concerne les rabais accordés par Intel à HP, que, même s’il fallait en déduire que le test AEC pourrait être considéré comme probant pour une partie de la période infractionnelle, les erreurs ayant entaché l’examen des critères mentionnés au point 139 de l’arrêt sur le premier pourvoi impliquaient que l’effet d’éviction des rabais n’avait pas été établi à suffisance de droit (114).

136. La critique du raisonnement du Tribunal ne me semble pas justifiée. Ce raisonnement est en réalité conforme aux points 138, 139 et 141 de l’arrêt sur le premier pourvoi, que l’arrêt attaqué rappelle également à juste titre (115). Cette jurisprudence exige que, lorsqu’une entreprise en position dominante soutient, au cours de la procédure administrative, éléments de preuve à l’appui, que son comportement n’a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction qui lui sont reprochés, la Commission doit analyser la capacité d’éviction du système de rabais en appliquant les cinq critères mentionnés au point 139 de l’arrêt sur le premier pourvoi. En outre, lorsqu’un test AEC a été effectué par la Commission, il fait partie des éléments dont la Commission doit tenir compte pour apprécier la capacité du système de rabais à restreindre la concurrence.

137. En l’occurrence, il suffit de relever que, dans la mesure où le Tribunal avait considéré que le critère relatif, notamment, à la couverture du marché par la pratique litigieuse n’avait pas été correctement apprécié par la Commission, c’est à bon droit que le Tribunal a conclu que l’effet d’éviction des rabais accordés par Intel à HP ne pouvait être démontré même pour la période comprise entre octobre 2003 et mai 2005 (116).

138. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la Commission, le Tribunal n’a commis aucune erreur quant à la conclusion appropriée à tirer pour l’ensemble de la période infractionnelle en ce qui concerne les rabais accordés par Intel à HP.

139. La quatrième branche du quatrième moyen devrait selon moi être rejetée.

6.      Conclusion intermédiaire

140. Eu égard aux considérations qui précèdent, force est de conclure qu’aucune des branches du quatrième moyen ayant été analysées n’est susceptible, à mon sens, de remettre en cause la conclusion du Tribunal selon laquelle la décision litigieuse n’a pas démontré l’effet d’éviction des rabais accordés par Intel à HP pour l’ensemble de la période comprise entre novembre 2002 et mai 2005.

141. Le quatrième moyen du pourvoi devrait donc être rejeté (117).

B.      Sur le cinquième moyen, tiré de plusieurs erreurs de droit, de la dénaturation des éléments de preuve et de la violation des droits de la défense de la Commission dans le cadre de l’examen du test AEC à l’égard de Lenovo

142. Par son cinquième moyen, la Commission conteste l’appréciation, par le Tribunal, du test AEC appliqué dans la décision litigieuse en ce qui concerne Lenovo. En particulier, les griefs de la Commission à cet égard concernent la quantification de deux avantages en nature accordés par Intel en échange de l’obligation d’exclusivité de Lenovo, à savoir l’extension de la garantie standard d’Intel d’un an et une meilleure utilisation d’une plateforme située à Shenzhen (Chine).

143. Les constatations du Tribunal sur ce point peuvent être résumées comme suit.

1.      Sur les constatations du Tribunal en ce qui concerne les avantages en nature accordés par Intel à Lenovo

144. Il résulte de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré comme établi dans l’arrêt initial qu’Intel et Lenovo avaient conclu une déclaration d’intention, le Memorandum of Understanding de 2007 (ci‑après le « MoU 2007 »), qui était soumise à une condition non écrite d’exclusivité (118). Il ressort également de l’arrêt attaqué que, selon la Commission, le montant des rabais accordés par Intel à Lenovo était indiqué dans ce mémorandum, qui prévoyait un support financier de 180 millions d’USD pour l’année 2007, sous forme de paiements trimestriels (119).

145. En outre, dans l’arrêt attaqué (120), le Tribunal a relevé que, au cours de la procédure administrative devant la Commission, Intel avait avancé l’argument selon lequel seul le montant de 138 millions d’USD était pertinent pour la taille des rabais. Cela s’expliquerait par le fait que, sur un support financier de Lenovo de 180 millions d’USD prévu dans le MoU 2007, seulement 135 millions d’USD auraient été attribués en espèces. Le reste du support financier aurait été accordé sous forme d’avantages en nature, à savoir l’extension de la garantie standard d’Intel d’un an et la proposition d’une meilleure utilisation d’une plateforme d’Intel en Chine. La Commission a indiqué qu’Intel avait fait valoir que si la valeur de ces deux contributions non monétaires à Lenovo était respectivement de 20 et de 24 millions d’USD, leur coût pour Intel était nettement inférieur, à savoir respectivement de 1,7 et de 1,3 million d’USD. Selon Intel, aux fins de l’analyse du concurrent aussi efficace, il convenait d’évaluer ces éléments non pas en fonction de leur valeur pour Lenovo, mais de leur coût économique pour Intel. Intel est parvenue au montant de 138 millions d’USD en ajoutant au support financier en espèces de 135 millions d’USD ces coûts de 1,7 et de 1,3 million d’USD.

146. Le Tribunal a également relevé que, dans la décision litigieuse, la Commission a rejeté l’argument d’Intel en considérant qu’il reposait sur une mauvaise compréhension des principes de l’analyse du concurrent aussi efficace (121). Selon la Commission, cette analyse supposait que soit examiné le prix auquel un concurrent aussi efficace que l’entreprise dominante – mais qui n’est pas dominant – devrait proposer ses produits au client afin de compenser la perte des avantages conditionnels accordés par l’entreprise dominante et qui résulterait du transfert par ledit client de la part disputable de ses besoins d’approvisionnement de l’entreprise dominante vers cet hypothétique concurrent aussi efficace (122). Selon la Commission, il en ressortait clairement que la mesure en cause était la perte pour le client, dès lors qu’il s’agit de la perte que le concurrent aussi efficace devrait compenser, et non le coût économique pour l’entreprise dominante dans le cas où les deux chiffres divergeaient (123).

147. Contrairement à l’avis de la Commission et conformément à l’argument principal d’Intel, le Tribunal a constaté, dans l’arrêt attaqué, que cette institution était partie d’un postulat contraire aux fondements du test AEC exposés dans la décision litigieuse, qui reposaient sur le principe selon lequel le concurrent hypothétique est aussi efficace qu’Intel, notamment du point de vue des coûts d’extension d’une plateforme ou d’une garantie (124).

2.      Sur l’interprétation erronée du test AEC appliqué dans la décision litigieuse et de l’article 102 TFUE

a)      Arguments des parties 

148. La Commission fait valoir que l’arrêt attaqué commet une erreur de droit lorsqu’il définit la nature du test AEC appliqué dans la décision litigieuse, ce qui reviendrait, en fin de compte, à une application erronée de l’article 102 TFUE. Elle estime que le Tribunal a apprécié de manière erronée, sur le plan du critère prix-coût, la question de savoir si un concurrent est aussi efficace qu’une entreprise dominante dans le contexte de rabais accordés sous la forme d’avantages en nature.

149. La Commission commence par rappeler que le test AEC est un outil analytique qui suppose d’opérer un certain nombre de choix méthodologiques techniques. À ce titre, le Tribunal ne pouvait annuler les conclusions de la décision litigieuse concernant les rabais octroyés par Intel à Lenovo qu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation, erreur que le Tribunal n’a pas constatée.

150. En outre, selon la Commission, l’erreur commise par le Tribunal a consisté à conclure que la base d’appréciation de la valeur des avantages en nature accordés par Intel était les coûts supportés par cette entreprise pour les fournir, plutôt que leur valeur pour Lenovo. À cet égard, la Commission réitère, en substance, la réponse fournie dans la décision litigieuse à l’argument avancé par Intel au cours de la procédure administrative, tel que décrit au point 146 ci-dessus.

151. En effet, même à supposer que les avantages en nature accordés par Intel aient dû être examinés du point de vue des coûts supportés par cette entreprise pour les fournir, le Tribunal aurait erronément omis de considérer, selon la Commission, qu’un concurrent plus petit qu’Intel ne disposerait pas de plateformes telles que celles offertes par Intel à Lenovo et ne serait pas capable d’offrir une extension de garantie similaire sur ses produits. Ce concurrent aurait donc dû offrir une compensation en espèces pour la perte par Lenovo des avantages en nature d’Intel.

152. Enfin, la Commission fait valoir que, si la Cour devait rejeter ces arguments, le refus du Tribunal de prendre en considération l’annexe D.39 de la duplique visant à réfuter les allégations d’Intel a violé ses droits de la défense.

153. Intel conteste ces arguments. Selon elle, l’approche du Tribunal est conforme à la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle l’article 102 TFUE vise les concurrents aussi efficaces et non moins efficaces et, en particulier, selon laquelle les évaluations des pratiques tarifaires doivent être fondées sur les coûts et la stratégie de l’entreprise dominante elle-même. De fait, les propres orientations de la Commission sur l’article 102 TFUE affirment également que, le cas échéant, la Commission utilisera des informations sur les coûts de l’entreprise dominante elle-même. Une approche différente pénaliserait une entreprise dominante qui aurait opéré plus efficacement que ses rivaux et ainsi livré un produit à un client à un coût inférieur.

b)      Appréciation

154. À titre liminaire, je relève, d’une part, que la question de savoir si des avantages en nature tels que ceux en cause dans la présente affaire devaient être pris en compte aux fins de l’application du test AEC à l’égard de Lenovo n’est pas litigieuse entre les parties. Le point litigieux concerne au contraire la façon dont ces avantages doivent être calculés aux fins de l’application de ce critère. La Commission considère en fait que le Tribunal a mal compris les principes qui sous-tendent le test AEC, tels qu’exposés dans la décision litigieuse et qu’il a commis une erreur dans son interprétation des modalités d’application de ce test sur le plan du critère prix-coût. Il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, le test AEC peut s’avérer utile dès lors que les conséquences de la pratique en cause, même si elles ne sont pas exprimées en valeur numéraire, peuvent être quantifiées (125).

155. D’autre part, contrairement à ce que soutient la Commission, l’appréciation du Tribunal dans l’arrêt attaqué n’a pas, me semble-t-il, remis en cause la configuration du test AEC ni, pour reprendre les termes de la Commission, « les choix méthodologiques » qu’elle a opérés lors de la conception de ce test. Il ressort plutôt de l’arrêt attaqué que le Tribunal a vérifié si l’application du test AEC aux avantages en nature accordés par Intel à Lenovo était conforme aux fondements sur lequel reposait ce test défini spécialement par la Commission dans la décision litigieuse. Dans cette perspective, il ne peut selon moi être reproché au Tribunal d’avoir empiété sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission lors de l’élaboration du test AEC. L’analyse du Tribunal évoque en réalité la cohérence interne de l’application, par la Commission, du test AEC dans cette affaire.

156. S’agissant de la question de savoir si le Tribunal a commis une erreur en écartant l’approche retenue par la Commission en ce qui concerne les avantages en nature accordés par Intel à Lenovo, il ressort de l’arrêt attaqué (126), à juste titre, que la logique inhérente au test AEC, tel qu’appliqué dans la décision litigieuse, consistait à examiner si Intel elle-même, compte tenu de ses propres coûts et des effets des rabais, serait en mesure d’entrer sur le marché sur une base plus restreinte sans subir de pertes. Le Tribunal a en outre souligné, sans commettre en cela la moindre erreur, que l’analyse AEC était conçue, dans la décision litigieuse, comme un exercice purement hypothétique, en ce sens qu’il s’agissait de déterminer si l’accès au marché d’un concurrent aussi efficace qu’Intel, quant à la production et la fourniture de CPU x86 d’une valeur équivalente à celle que procure Intel à ses clients, mais qui n’aurait pas une base de vente aussi large qu’Intel, serait verrouillé (127).

157. Je rappelle que, dans sa jurisprudence, la Cour a affirmé que l’appréciation des pratiques tarifaires doit se fonder « sur les coûts et la stratégie de l’entreprise dominante elle-même » (128) et, en particulier, que le test AEC doit être effectué en prenant en compte un concurrent hypothétique ayant une structure de coûts analogue à celle de l’entreprise en position dominante (129). De plus, la Cour a constaté qu’une telle approche est d’autant plus légitime qu’elle se conforme au principe général de sécurité juridique dès lors que la prise en compte des coûts et des prix de l’entreprise dominante permet à celle-ci d’apprécier la légalité de ses propres comportements, conformément à sa responsabilité particulière en vertu de l’article 102 TFUE (130). L’interprétation retenue par le Tribunal quant aux fondements du test AEC dans la décision litigieuse semble donc conforme à la jurisprudence de la Cour.

158. En outre, cette interprétation est également conforme aux modalités de calcul des différents paramètres nécessaires à l’application du test AEC, qui ressortent de la décision litigieuse. Ainsi que l’affirme le Tribunal dans l’arrêt attaqué (131), le test AEC vise à déterminer, dans cette décision, si le concurrent aussi efficace que l’entreprise en position dominante, qui subit les mêmes coûts que celle-ci, peut toujours couvrir ses coûts sur une base plus restreinte. Par conséquent, dans chaque étape de calcul conduisant à l’application du test AEC, telle que décrite par exemple aux points 43 et 83 des présentes conclusions, les coûts de l’entreprise dominante sont au cœur de l’analyse.

159. Il est vrai que lorsqu’un rabais d’exclusivité est accordé en numéraire, sa valeur est objective et identique pour l’entreprise dominante et le bénéficiaire du rabais. À l’inverse, lorsque le rabais est accordé en nature, sa valeur peut ne pas être la même pour cette entreprise et pour le bénéficiaire, ce qui pose la question des modalités de son évaluation. Cela étant, la logique du calcul de cette valeur doit respecter les mêmes fondements dans les deux cas. À défaut, l’appréciation de l’effet potentiel d’éviction du rabais ne serait pas effectuée du point de vue de l’opérateur économique pertinent. Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute, ainsi que le Tribunal le relève à juste titre dans l’arrêt attaqué (132), que cet opérateur économique devrait être, en principe, un concurrent aussi efficace qu’Intel offrant à Lenovo des avantages en nature aux mêmes conditions que cette entreprise dominante.

160. Enfin, il ne peut être exclu que cette valeur puisse nécessiter un certain ajustement pour permettre la prise en compte du fait que le concurrent aussi efficace ne détient pas de position dominante et que ce concurrent pourrait opérer sur une base plus restreinte. Dans la décision litigieuse, la Commission a illustré cette situation en se référant, en substance, à la situation dans laquelle le concurrent aussi efficace que l’entreprise dominante ne serait pas en mesure de fournir un accès à une plateforme de distribution analogue ou d’octroyer une extension de garantie analogue (133).

161. Cependant, même en admettant cette possibilité, cela ne justifie pas d’attribuer à un rabais en nature, aux fins d’une analyse AEC, la même valeur que celle qu’il représente pour son bénéficiaire. Le coût de l’accès à une plateforme de distribution devant être supporté par un concurrent aussi efficace qu’Intel aurait dû être calculé. Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que l’appréciation chiffrée des avantages en nature proposés par Intel à Lenovo, effectuée par la Commission, était elle-même entachée d’une erreur (134).

162. Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu, selon moi, de rejeter les griefs que la Commission oppose à l’approche retenue par le Tribunal. En effet, le Tribunal n’a commis aucune erreur en concluant que la Commission, dans le cadre de l’évaluation des avantages en nature octroyés par Intel à Lenovo, était partie d’un postulat contraire aux fondements du test AEC exposés dans la décision litigieuse.

163. Pour le surplus, dans la mesure où la Commission soutient que le Tribunal a violé ses droits de la défense en raison de son refus de prendre en compte l’annexe D.39 de la duplique, il convient de rejeter cette allégation pour des motifs analogues à ceux exposés en détail dans le cadre de mon analyse de la troisième branche du quatrième moyen (135).

164. En particulier, l’annexe D.39 de la duplique démontrait, selon la Commission, que même en admettant qu’un concurrent aussi efficace qu’Intel disposait d’une plateforme de distribution en Chine, les coûts qu’il devrait supporter pour la mise à disposition de cette plateforme à Lenovo auraient été nettement supérieurs au coût que représentait pour Intel l’octroi de cet avantage.

165. À cet égard, je souhaite simplement signaler que cette analyse rejoint mes observations du point 160 des présentes conclusions, dans lesquelles j’observe qu’un certain ajustement du calcul du coût de production de la part requise pourrait être nécessaire afin de tenir compte du fait qu’un concurrent aussi efficace qu’Intel opère sur une base plus restreinte.

166. Cependant, la Commission n’ayant répondu à cette question qu’au stade de la duplique, ainsi que le Tribunal l’a également relevé à juste titre (136), il pouvait à bon droit refuser de tenir compte de l’analyse supplémentaire produite à l’annexe D.39 de la duplique sans porter atteinte aux droits de la défense de la Commission.

3.      Conclusion intermédiaire

167. Eu égard aux considérations qui précèdent, je conclus que les griefs formulés par la Commission à l’encontre de l’appréciation, par le Tribunal, du test AEC tel qu’appliqué à Lenovo dans la décision attaquée, notamment en ce qui concerne deux avantages en nature accordés par Intel en contrepartie de son obligation d’exclusivité, ne sont pas fondés et doivent être rejetés.

168. Le cinquième moyen devrait donc être rejeté.

V.      Conclusion

169. À la lumière de l’analyse exposée dans les présentes conclusions, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi en ce qui concerne le quatrième moyen et le cinquième moyen.

170. Je ne me prononce pas sur le rejet du pourvoi en ce qui concerne les autres moyens soulevés par la Commission, ni sur la question de savoir quelle partie devrait être condamnée aux dépens en application de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.


1      Langue originale : l’anglais.


2      EU:T:2022:19 (ci-après l’« arrêt attaqué »).


3      EU:C:2017:632 (ci-après l’« arrêt sur le premier pourvoi »).


4      EU:T:2014:547 (ci-après l’« arrêt initial »).


5      Affaire COMP/C‑3/37.990 – Intel (ci-après la « décision litigieuse »).


6      Arrêt attaqué, point 526.


7      Arrêt attaqué, point 524.


8      Voir, pour plus de détails, arrêt attaqué, points 1 à 61.


9      Règlement du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).


10      Décision attaquée, article 1er.


11      Décision attaquée, article 2.


12      Tel que rectifié par ordonnances des 19 septembre et 24 octobre 2017.


13      Arrêt sur le premier pourvoi, points 149 et 150.


14      Arrêt sur le premier pourvoi, points 65 et 107.


15      Arrêt sur le premier pourvoi, points 133 et 134, où la Cour se réfère à l’arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, point 22).


16      Arrêt sur le premier pourvoi, points 135 à 137.


17      85/76, EU:C:1979:36 (ci-après l’« arrêt Hoffmann-La Roche »).


18      Arrêt sur le premier pourvoi, point 138.


19      Voir arrêt sur le premier pourvoi, point 139 (ci-après « les critères mentionnés au point 139 de l’arrêt sur le premier pourvoi »).


20      Arrêt sur le premier pourvoi, point 141.


21      Arrêt sur le premier pourvoi, point 143.


22      Arrêt sur le premier pourvoi, point 144.


23      Arrêt sur le premier pourvoi, point 145.


24      Arrêt sur le premier pourvoi, point 147.


25      Arrêt attaqué, points 74 à 102.


26      Arrêt attaqué, point 85.


27      Arrêt attaqué, point 96.


28      Arrêt attaqué, points 97 et 98.


29      Arrêt attaqué, point 101.


30      Arrêt attaqué, points 116 à 122.


31      Arrêt attaqué, points 123 à 127.


32      Arrêt attaqué, point 145.


33      Arrêt attaqué, point 149.


34      Arrêt attaqué, points 150 et 151.


35      Arrêt attaqué, points 152 à 159.


36      Arrêt attaqué, points 175, 258, 260, 283, 285, 286, 297 à 299 et 334.


37      Arrêt attaqué, points 160 à 166.


38      Arrêt attaqué, points 167 à 481.


39      Arrêt attaqué, point 482.


40      Arrêt attaqué, points 483 à 520.


41      Arrêt attaqué, point 521.


42      Arrêt attaqué, point 524.


43      Arrêt attaqué, point 526.


44      Arrêt attaqué, point 527 et point 1 du dispositif.


45      Voir point 38 des présentes conclusions.


46      Arrêt attaqué, point 529.


47      Arrêt attaqué, points 527 à 531 et point 3 du dispositif.


48      Dans son pourvoi, la Commission allègue en outre, dans une cinquième branche, que le Tribunal a commis une erreur de droit en constatant que la décision litigieuse n’était pas motivée en ce qui concerne les facteurs de renforcement qui, selon cette décision, ont exacerbé les résultats du test AEC tel qu’il a été effectué pour HP. La Cour n’ayant pas sollicité l’examen de cette branche, je l’exclurai de mon analyse.


49      Arrêt attaqué, points 288 et 289, qui renvoient à la décision litigieuse, considérants 338, 341, 413 et 1296.


50      Arrêt attaqué, point 288, qui renvoie au considérant 1406 de la décision litigieuse.


51      Arrêt attaqué, points 297 à 299, 303 et 304, qui renvoient aux considérants 1334 à 1337 et 1385 à 1389 de la décision litigieuse.


52      Arrêt attaqué, point 321, qui renvoie aux considérants 1390 à 1395 de la décision litigieuse. Les facteurs de renforcement étaient, premièrement, que la Commission avait utilisé les chiffres les plus favorables à Intel et, deuxièmement, que, en cas de transfert par HP de ses achats de CPU x86 vers AMD, Intel pourrait à son tour transférer les rabais initialement destinés à HP vers un autre concurrent utilisant ses CPU x86, tel que Dell.


53      Arrêt attaqué, point 303, qui indique que le tableau no 34 figure au considérant 1334 de la décision litigieuse.


54      Ces trimestres sont indiqués par une suite d’abréviations allant de Q4 FY03 à Q3 FY05, « Q » pour « quarter » (« trimestre ») et « FY » pour « fiscal (tax) year » (« exercice fiscal »).


55      Arrêt attaqué, point 292, qui indique que le tableau no 35 figure au considérant 1337 de la décision litigieuse.


56      Arrêt attaqué, point 304.


57      Arrêt attaqué, points 298 et 299, qui renvoient aux considérants 1385 à 1389 et 1406 de la décision litigieuse.


58      Arrêt attaqué, point 291.


59      Arrêt attaqué, point 303.


60      Arrêt attaqué, points 304 et 305.


61      Arrêt attaqué, point 307.


62      Arrêt attaqué, point 306.


63      Arrêt attaqué, point 307.


64      Arrêt attaqué, points 308 à 310.


65      Arrêt attaqué, points 308 à 320.


66      Voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:T:2014:2062, point 54).


67      En ce qui concerne l’évolution du niveau de contrôle restreint pour les appréciations économiques complexes, voir Jaeger, M. « The standard of review in competition cases involving complex economic assessments : towards marginalisation of the marginal review ? » Oxford Journal of European Competition Law & Practice, volume 2, no 4, 2011, p. 295 et s. ; et Da Cruz Vilaça, J. L., « The intensity of judicial review in complex economic matters – recent competition law judgments of the Court of Justice of the EU », Journal of Antitrust Enforcement, volume 6, no 2, 2018, p. 173 et s.


68      Arrêt du 13 juillet 1966 (56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 347).


69      Arrêt du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission (42/84, EU:C:1985:327, point 34).


70      Voir arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München (C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).


71      Arrêt du 15 février 2005 (C‑12/03 P, ci-après l’« arrêt Tetra Laval », EU:C:2005:87, point 39).


72      Le critère, tel que formulé dans l’arrêt Tetra Laval, est mentionné à propos de l’article 102 TFUE, dans l’arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:T:2014:2062, point 54), ainsi que dans les arrêts du Tribunal du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission (T‑271/03, EU:T:2008:101, point 185), du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission (T‑340/03, EU:T:2007:22, points 163 et 165), du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission (T‑201/04, EU:T:2007:289, points 379 à 381), et du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, point 32).


73      Arrêt du 8 décembre 2011 (C‑272/09 P, ci-après l’« arrêt KME Germany », EU:C:2011:810).


74      Arrêt du 8 décembre 2011 (C‑386/10P, EU:C:2011:815, ci-après l’« arrêt Chalkor »


75      Voir arrêt KME Germany, point 102, et arrêt Chalkor, point 62.


76      Voir arrêt du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations (C‑680/20, EU:C:2023:33, points 56 et 57), dans lequel la Cour a jugé, s’agissant du test AEC, que « cette notion fait référence à différents tests ayant en commun de viser à apprécier la capacité d’une pratique à produire des effets d’éviction anticoncurrentiels », et que le test AEC n’est « qu’une méthode parmi d’autres » permettant d’apprécier ces effets.


77      Voir point 43 des présentes conclusions.


78      Voir point 44 des présentes conclusions.


79      Voir, à cet égard, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Alrosa (C‑441/07 P, EU:C:2009:555, point 90), qui cite l’arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 145).


80      L’arrêt du 10 avril 2008, Deutsche Telekom/Commission (T‑271/03, EU:T:2008:101, points 183 et suivants), confirmé par l’arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 143), en offre une illustration.


81            Voir point 68 des présentes conclusions.


82      Ritter, C., « Presumptions in EU competition law », Journal of Antitrust Enforcement, 2018, volume 6, p. 193.


83      Un exemple classique en droit de la concurrence est la présomption en matière de responsabilité de la société mère. Voir arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536). Une liste exhaustive de présomptions figure dans l’article de Ritter, C., précité, p. 189 à 212, et dans celui de Bailey, D., « Presumptions in EU competition law », European Competition Law Review, volume 9, numéro 20, 2010, p. 20.


84      Arrêt attaqué, point 306.


85      Arrêt attaqué, point 310.


86      Voir points 117 à 129 des présentes conclusions.


87      Arrêt du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission (C‑297/98 P, EU:C:2000:633, point 37).


88      Arrêt du 1er juillet 2010 (C‑407/08 P, ci-après l’« arrêt Knauf Gips », EU:C:2010:389, point 89).


89      Arrêt rendu sur le premier pourvoi, point 141.


90      Arrêt attaqué, points 300 à 302.


91      Voir, également, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 57 et 58).


92      Arrêt Knauf Gips, point 90.


93      Arrêt Knauf Gips, point 91.


94      Voir, à cet égard, van der Woude, M., « Judicial control in complex economic matters », Journal of European Competition Law & Practice, volume 10, no 7, 2019, p. 421.


95      Arrêt Knauf Gips, point 90.


96      Voir également arrêt sur le premier pourvoi, point 144.


97      Arrêt attaqué, point 302.


98      Arrêt du 19 mars 2015 (C‑286/13 P, EU:C:2015:184, ci-après l’« arrêt Dole Food »).


99      Arrêt attaqué, points 316 et 317.


100      Voir point 95 des présentes conclusions.


101      Arrêt attaqué, point 317, qui renvoie également au point 150 de cet arrêt.


102      Arrêt attaqué, point 318.


103      Cette observation n’est pas remise en cause par l’argument succinct avancé par la Commission dans une note en bas de page de son pourvoi, faisant valoir, en substance, que le montant du rabais est « de loin » le paramètre le plus important dans le calcul de la part requise et que les calculs supplémentaires fournis au Tribunal sur la base de ce paramètre étaient donc suffisants pour calculer la part requise de HP pour les trimestres manquants. Il y a lieu d’appliquer la jurisprudence bien établie selon laquelle les arguments soumis à la Cour doivent être développés de façon adéquate. Voir, en ce sens, ordonnance du 26 mars 2020, Magnan/Commission (C‑860/19 P, EU:C:2020:227, point 27 et jurisprudence citée).


104      Voir, entre autres, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 463).


105      Voir conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (C‑286/13 P, EU:C:2014:2437, point 26).


106      Voir article 27, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 1/2003.


107      Voir en ce sens arrêt du 14 mai 2020, NKT Verwaltung et NKT/Commission (C‑607/18 P, EU:C:2020:385, point 50 et jurisprudence citée).


108      Voir arrêts du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission (C‑73/11 P, EU:C:2013:32, points 89 et 90), et du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission (C‑603/13 P, EU:C:2016:38, points 73, 78 et 79).


109      Arrêt Dole Food, point 38.


110      Voir, en ce sens, arrêt Dole Food, points 34 à 38, lus en combinaison avec l’arrêt du 14 mars 2013, Dole Food et Dole Germany/Commission (T‑588/08, EU:T:2013:130, points 46 et 47).


111      Voir conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, précitées, point 22.


112      Arrêt attaqué, points 319 et 334.


113      Arrêt attaqué, points 500 et 520.


114      Arrêt attaqué, point 525.


115      Arrêt attaqué, point 522, sous l’intitulé « Conclusion sur la demande tendant à l’annulation de la décision attaquée ». Voir également points 32 et 33 des présentes conclusions.


116      Il ressort néanmoins du pourvoi dans la présente affaire que, par son premier moyen, la Commission cherche à remettre en cause le bien-fondé de la conclusion du Tribunal relative à l’appréciation selon les critères mentionnés au point 139 de l’arrêt sur le premier pourvoi. Dans l’hypothèse où la Cour ferait droit à ce premier moyen, la présente branche du quatrième moyen devrait être examinée à la lumière de cette considération.


117      Cette conclusion intermédiaire resterait valable même si la Cour devait considérer comme fondée la cinquième branche du quatrième moyen – laquelle, comme cela a déjà été relevée, n’est pas examinée dans les présentes conclusions. Cette branche concerne les facteurs de renforcement qui ont exacerbé les résultats du test AEC concernant HP, lesquels, par définition, ne sauraient suffire à compenser les erreurs quant à l’application de ce test dûment constatées par le Tribunal selon mon analyse.


118      Arrêt attaqué, point 98, qui renvoie aux points 1045 à 1208 de l’arrêt initial.


119      Arrêt attaqué, point 415, qui renvoie au considérant 1461 de la décision litigieuse.


120      Arrêt attaqué, point 417, qui renvoie au considérant 1463 de la décision litigieuse.


121      Arrêt attaqué, point 419.


122      Arrêt attaqué, point 420, qui renvoie au considérant 1466 de la décision litigieuse.


123      Arrêt attaqué, point 421, qui renvoie au considérant 1467 de la décision litigieuse.


124      Arrêt attaqué, points 433 à 439, qui renvoient aux considérants 1003 et 1004 de la décision litigieuse.


125      Voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations (C‑680/20, EU:C:2023:33, point 59).


126      Arrêt attaqué, point 434, qui renvoie au considérant 1003 de la décision litigieuse.


127      Arrêt attaqué, point 435, qui renvoie au considérant 1004 de la décision litigieuse.


128      Arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 198).


129      Arrêt du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations (C‑680/20, EU:C:2023:33, point 59).


130      Arrêt du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 202).


131      Arrêt attaqué, points 152, 154, 157 et 158. Voir également point 43 des présentes conclusions.


132      Arrêt attaqué, points 437 et 439.


133      Arrêt attaqué, point 438.


134      Voir arrêt attaqué, point 455.


135      Voir points 117 à 129 des présentes conclusions.


136      Arrêt attaqué, point 441.

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