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Document 62016CJ0530

    Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 13 juin 2018.
    Commission européenne contre République de Pologne.
    Manquement d’État – Sécurité des chemins de fer – Directive 2004/49/CE – Absence d’adoption des dispositions nécessaires afin d’assurer l’indépendance de l’organisme d’enquête.
    Affaire C-530/16.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:430

    ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

    13 juin 2018 ( *1 )

    « Manquement d’État – Sécurité des chemins de fer – Directive 2004/49/CE – Absence d’adoption des dispositions nécessaires afin d’assurer l’indépendance de l’organisme d’enquête »

    Dans l’affaire C‑530/16,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 18 octobre 2016,

    Commission européenne, représentée par M. W. Mölls et Mme J. Hottiaux, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    contre

    République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna et Mme K. Majcher, en qualité d’agents, assistés de M. T. Warchoł, ekspert,

    partie défenderesse,

    LA COUR (quatrième chambre),

    composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, M. A. Tizzano, vice‑président de la Cour, faisant fonction de juge de la quatrième chambre, M. C. Vajda, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos (rapporteur), juges,

    avocat général : M. M. Bobek,

    greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 octobre 2017,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 janvier 2018,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :

    en ne prenant pas les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance de l’autorité de sécurité à l’égard de toute entreprise ferroviaire, de tout gestionnaire de l’infrastructure, de tout demandeur de certification et de toute entité adjudicatrice et

    en ne prenant pas les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance de l’organisme d’enquête à l’égard de l’entreprise ferroviaire et du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire,

    la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 16, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, concernant la sécurité des chemins de fer communautaires et modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires, ainsi que la directive 2001/14/CE concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (directive sur la sécurité ferroviaire) (JO 2004, L 164, p. 44, et rectificatif JO 2004, L 220, p. 16).

    2

    Dans son mémoire en réplique, la Commission a toutefois décidé de se désister de son grief pris de la violation de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/49 et relatif au manque d’indépendance de l’autorité de sécurité, au motif que la République de Pologne lui avait communiqué, le 1er décembre 2016, le texte de l’ustawa o zmianie ustawy o transporcie kolejowym oraz niektórych innych ustaw (loi modifiant la loi sur le transport ferroviaire et certaines autres lois), du 16 novembre 2016 (Dz. U. de 2016, position 1923), qui, selon la Commission, transpose correctement ladite disposition.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    3

    Le considérant 24 de la directive 2004/49 énonce :

    « L’enquête de sécurité devrait être séparée de l’enquête judiciaire menée sur le même incident et les enquêteurs devraient avoir accès aux preuves et aux témoins. Elle devrait être effectuée par un organisme permanent indépendant des acteurs du secteur ferroviaire. Cet organisme devrait fonctionner de manière à éviter tout conflit d’intérêts et tout lien éventuel avec les causes de l’événement faisant l’objet de l’enquête ; en particulier, son indépendance fonctionnelle ne devrait pas être compromise au cas où il serait étroitement lié à l’autorité de sécurité nationale ou à l’organisme de réglementation des chemins de fer pour des raisons de structures organisationnelle et juridique. Ses enquêtes devraient être effectuées dans la plus grande transparence possible. Pour chaque incident, l’organisme d’enquête devrait établir un groupe d’enquête ayant les compétences nécessaires pour trouver les causes immédiates et sous-jacentes. »

    4

    L’article 3 de ladite directive prévoit :

    « Aux fins de la présente directive, on entend par :

    [...]

    b)

    “gestionnaire de l’infrastructure”, toute entité ou entreprise chargée en particulier de l’établissement et de l’entretien de l’infrastructure ferroviaire, ou d’une partie de celle-ci, telle qu’elle est définie à l’article 3 de la directive 91/440/CEE ; ceci peut comprendre également la gestion des systèmes de régulation et de sécurité de l’infrastructure. Les fonctions du gestionnaire de l’infrastructure sur un réseau ou une partie de réseau peuvent être attribuées à des entités ou des entreprises différentes ;

    c)

    “entreprise ferroviaire”, une entreprise ferroviaire au sens de la directive 2001/14/CE et toute autre entreprise à statut public ou privé, dont l’activité est la fourniture de services de transport de marchandises et/ou de passagers par chemin de fer, la traction devant obligatoirement être assurée par cette entreprise ; ceci englobe également les entreprises qui fournissent uniquement la traction ;

    [...] »

    5

    Aux termes de l’article 19 de la directive 2004/49 :

    « 1.   Les États membres veillent à ce qu’une enquête soit effectuée par l’organisme d’enquête visé à l’article 21 après les accidents graves survenus sur le système ferroviaire, l’objectif de ces enquêtes étant l’amélioration éventuelle de la sécurité ferroviaire et la prévention des accidents.

    2.   En plus des accidents graves, l’organisme d’enquête visé à l’article 21 peut effectuer des enquêtes sur les accidents et incidents qui, dans des circonstances légèrement différentes, auraient pu conduire à des accidents graves, y compris les défaillances techniques au niveau des sous-systèmes structurels ou des constituants d’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse ou conventionnel.

    [...] »

    6

    L’article 21 de ladite directive dispose :

    « 1.   Chaque État membre veille à ce que les enquêtes sur les accidents et les incidents visés à l’article 19 soient menées par un organisme permanent, qui comprend au moins un enquêteur capable de remplir la fonction d’enquêteur principal en cas d’accident ou d’incident. Dans son organisation, sa structure juridique et ses décisions, cet organisme est indépendant de tout gestionnaire de l’infrastructure, entreprise ferroviaire, organisme de tarification, organisme de répartition et organisme notifié, et de toute partie dont les intérêts pourraient être en conflit avec les tâches confiées à l’organisme d’enquête. Il est en outre indépendant fonctionnellement de l’autorité de sécurité et de tout organisme de réglementation des chemins de fer.

    2.   L’organisme d’enquête accomplit ses tâches de manière indépendante [à l’égard] des organismes visés au paragraphe 1 et peut obtenir des ressources suffisantes à cet effet. Les enquêteurs obtiennent un statut leur donnant les garanties d’indépendance nécessaires.

    [...] »

    7

    L’article 23 de la même directive énonce :

    « 1.   Chaque enquête sur un accident ou un incident au sens de l’article 19 fait l’objet d’un rapport établi sous une forme appropriée au type et à la gravité de l’accident ou de l’incident ainsi qu’à l’importance des résultats de l’enquête. Ce rapport indique l’objectif de l’enquête, comme mentionné à l’article 19, paragraphe 1, et contient, le cas échéant, des recommandations en matière de sécurité.

    2.   L’organisme d’enquête publie le rapport final dans les meilleurs délais et normalement au plus tard douze mois après la date de l’événement. La structure du rapport est aussi proche que possible de la structure définie à l’annexe V. Le rapport, y compris les recommandations en matière de sécurité, est communiqué aux parties concernées visées à l’article 22, paragraphe 3, ainsi qu’aux parties et organismes intéressés dans d’autres États membres.

    3.   Chaque année, l’organisme d’enquête publie, le 30 septembre au plus tard, un rapport annuel qui rend compte des enquêtes effectuées l’année précédente, les recommandations en matière de sécurité qui ont été formulées et les mesures qui ont été prises à la suite des recommandations formulées précédemment. »

    8

    Le point 4, intitulé « Analyse et conclusions », de l’annexe V de la directive 2004/49, intitulée « Contenu des rapports d’enquête sur les accidents et les incidents », prévoit :

    « 1.

    Compte rendu final de la chaîne des événements :

    établissement des conclusions concernant l’événement, sur la base des faits établis à la section 3.

    2.

    Discussion :

    analyse des faits établis à la section 3 afin de tirer les conclusions sur les causes de l’événement et l’efficacité des services de secours.

    3.

    Conclusions :

    causes directes et immédiates de l’événement, y compris les facteurs ayant contribué à l’événement et liés aux mesures prises par les personnes impliquées ou à l’état du matériel roulant ou des installations techniques,

    causes sous-jacentes liées aux compétences, aux procédures et à l’entretien,

    causes premières liées aux conditions du cadre réglementaire et à l’application du système de gestion de la sécurité.

    4.

    Observations complémentaires :

    déficiences et lacunes établies pendant l’enquête, mais sans incidences sur les conclusions concernant les causes. »

    Le droit national

    9

    L’article 28a de l’Ustawa o transporcie kolejowym (loi sur le transport ferroviaire), du 28 mars 2003 (Dz. U. de 2003, position 86), qui contient les dispositions relatives à l’instauration et au fonctionnement de la Państwowa Komisja Badania Wypadków Kolejowych (commission nationale d’enquête sur les accidents ferroviaires, ci-après la « PKBWK »), dispose :

    « 1.   Une Commission nationale permanente d’enquête sur les accidents ferroviaires [la PKBWK], qui remplira ses fonctions de manière indépendante, est établie sous la responsabilité du ministre chargé des transports en vue de réaliser des enquêtes sur les accidents graves, les accidents et les incidents [...]

    2.   La [PKBWK] exerce ses tâches au nom du ministre chargé des transports.

    3.   La [PKBWK] est composée de quatre membres permanents et notamment : d’un président, d’un suppléant et d’un secrétaire.

    4.   La [PKBWK] peut comprendre également des membres ad hoc choisis, sur une liste du ministre chargé des transports, par le président de la [PKBWK], pour participer aux enquêtes.

    [...]

    6.   Le ministre chargé des transports nomme et révoque le président de la [PKBWK].

    7.   Le ministre chargé des transports nomme et révoque le suppléant et le secrétaire, sur demande du président de la [PKBWK].

    8.   Le ministre chargé des transports nomme et révoque les membres de la [PKBWK], après consultation du président de la [PKBWK].

    9.   Le ministre chargé des transports peut, à la demande de la majorité absolue des membres de la [PKBWK], révoquer un membre de la [PKBWK].

    10.   Peut être membre de la [PKBWK] toute personne qui :

    1)

    a la nationalité polonaise et jouit de ses droits civiques ;

    2)

    dispose de la pleine capacité juridique ;

    3)

    n’a pas fait l’objet d’une condamnation pour une infraction intentionnelle ;

    4)

    remplit les exigences en matière de qualifications.

    11.   La qualité de membre de la [PKBWK] prend fin en cas de décès, de non-respect des exigences énoncées au paragraphe 10 ou d’acceptation de la démission présentée au ministre chargé des transports.

    12.   Peuvent faire partie de la [PKBWK] des experts spécialisés dans les domaines suivants :

    1)

    exploitation du trafic ferroviaire ;

    2)

    conception, construction et entretien des voies de chemin de fer et des gares et nœuds ferroviaires ;

    3)

    équipements de sécurité et de contrôle du trafic ferroviaire et de communications ;

    4)

    véhicules ferroviaires ;

    5)

    énergie électrique pour le transport ferroviaire ;

    6)

    transport ferroviaire de marchandises dangereuses.

    13.   Sont considérées comme étant des experts du domaine en question les personnes possédant un diplôme de l’enseignement supérieur, des compétences appropriées et une expérience pratique d’au moins cinq ans dans le domaine concerné.

    14.   Lorsqu’ils adoptent les résolutions visées à l’article 281, paragraphe 1, les membres de la [PKBWK] sont guidés par le principe de la libre appréciation des preuves et ne sont liés par aucune instruction portant sur le contenu desdites résolutions.

    15.   Ne peuvent pas faire partie de la [PKBWK] chargée d’enquêter sur un accident grave, un accident ou un incident des membres ad hoc employés par toute entité organisationnelle dont l’infrastructure ferroviaire, les salariés ou les véhicules ferroviaires ont joué un rôle dans l’événement.

    [...] »

    10

    L’article 28d de la loi sur le transport ferroviaire prévoit :

    « 1.   Le ministre chargé des transports assure, au moyen de la quote‑part disponible du budget de l’État, les moyens nécessaires aux activités de la [PKBWK] et à son fonctionnement, notamment en ce qui concerne la rémunération de ses membres, des experts et du personnel de service, les coûts de l’équipement technique, de la formation, ainsi que les coûts des expertises, et les coûts de publication.

    2.   Le fonctionnement de la [PKBWK] est assuré par les services spécialisés de l’administration du ministre chargé des transports.

    [...]

    4.   Le ministre chargé des transports définit, par voie d’arrêté, le règlement intérieur de la [PKBWK], ainsi que sa structure organisationnelle, en tenant compte de la nature des tâches dont elle est chargée. »

    11

    L’article 1er de l’ordonnance no 59 du ministre de l’infrastructure, du 11 décembre 2008, relative au règlement intérieur de la PKBWK (ci-après l’« ordonnance du 11 décembre 2008 portant statut de la PKBWK »), énonce :

    « Il est établi un statut de la [PKBWK], qui constitue l’annexe à la présente ordonnance. »

    12

    L’article 10 de l’annexe de ladite ordonnance (ci-après le « statut de la PKBWK ») dispose :

    « 1.   Le président de la [PKBWK], après avoir obtenu des informations sur un accident grave, un accident ou un incident sur une voie de chemin de fer [...], procède à la qualification de cet événement au fin de déterminer la nécessité pour la Commission de lancer une procédure.

    2.   Si le président de la [PKBWK] décide de lancer une procédure, il nomme une équipe d’enquête, en particulier il désigne le responsable de l’équipe parmi les membres de la [PKBWK] et, en accord avec ce dernier, établit la composition de l’équipe.

    3.   Le président de la [PKBWK], en accord avec le responsable de l’équipe d’enquête, peut intégrer dans la composition de l’équipe d’enquête des membres ad hoc choisis sur une liste du Ministre.

    4.   Si cela est justifié par des circonstances de fait particulières, peuvent participer aux travaux de l’équipe d’enquête des experts désignés par le président de la [PKBWK], sur demande du responsable de l’équipe d’enquête. »

    13

    L’article 12 du statut de la PKBWK dispose :

    « Ne peut pas être membre de l’équipe d’enquête une personne qui :

    1)

    est dans un rapport de subordination hiérarchique à l’égard de personnes ou d’institutions ayant un lien avec l’incident examiné ;

    2)

    a participé à l’accident grave, à l’accident ou à l’incident sur une voie de chemin de fer visé par la procédure ;

    3)

    est l’époux d’une personne affectée par l’accident grave, l’accident ou l’incident sur une voie de chemin de fer visé par la procédure ;

    4)

    est un parent ou un parent par alliance en ligne directe, et en ligne indirecte jusqu’aux enfants de la fratrie, des personnes mentionnées au point 3, ou qui a adopté, a la garde ou la tutelle des personnes visées par la procédure. »

    14

    L’article 22 du statut de la PKBWK prévoit :

    « 1.   La résolution est adoptée à la majorité des voix à main levée. En cas d’égalité de voix, la voix du président de la séance est déterminante.

    2.   Participent au vote uniquement les membres permanents de la [PKBWK] ainsi que les membres ad hoc qui ont participé aux travaux de l’équipe d’enquête, sous réserve de l’article 11. Le vote ne doit pas se dérouler en présence des personnes dont il est question à l’article 19, paragraphe 1, point 3, du statut.

    3.   La résolution revêt la forme écrite et comporte la signature de tous les membres de la [PKBWK] ayant participé à son adoption. »

    15

    Aux termes de l’article 26 dudit statut :

    « 1.   La gestion du personnel des membres permanents de la [PKBWK] est assurée par le bureau du directeur général du ministère.

    2.   La gestion financière de la [PKBWK] est effectuée par le bureau financier du ministère, dans le cadre du plan des dépenses inscrit dans le plan financier. Les procédures de contrôle financier en vigueur au ministère s’appliquent aux opérations financières réalisées.

    3.   L’utilisation des voitures de service par la [PKBWK] s’effectue conformément aux procédures en vigueur au ministère.

    4.   En matière de passation de marchés publics, ce sont les procédures de passation en vigueur au ministère qui s’appliquent. »

    La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

    16

    Le 21 février 2014, la Commission a envoyé à la République de Pologne une lettre de mise en demeure portant à son attention les éléments de sa législation qu’elle estimait non conformes à la directive 2004/49. Parmi ces griefs, figuraient notamment le manque d’indépendance de l’autorité de sécurité, contraire à l’article 16, paragraphe 1, de cette directive, et le manque d’indépendance de l’organisme d’enquête, contraire à l’article 21, paragraphe 1, de ladite directive.

    17

    Le 17 avril 2014, la République de Pologne a, d’une part, contesté les supposées irrégularités relevées par la Commission et, d’autre part, informé cette dernière de son intention d’apporter des modifications à sa législation.

    18

    Le 27 février 2015, la Commission a adressé un avis motivé par lequel elle soulignait que, en n’ayant pas adopté les mesures appropriées pour assurer une transposition et une mise en œuvre correctes de la directive 2004/49, la République de Pologne avait manqué aux obligations qui lui incombaient, notamment, en vertu de l’article 16, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, de cette directive.

    19

    Le 27 avril 2015, la République de Pologne a porté à la connaissance de la Commission l’entrée en vigueur de deux règlements du ministre de l’Infrastructure et du Développement du 17 février 2015. Les 18 et 30 octobre 2015, la République de Pologne a notifié à la Commission, respectivement, un règlement du ministre de l’Infrastructure et du Développement du 26 septembre 2015 et une loi du 25 septembre 2015 modifiant la loi sur le transport ferroviaire.

    20

    Selon la Commission, l’ensemble de ces dispositions, si elles permettent de mettre fin à un certain nombre des manquements visés dans l’avis motivé, n’ont pas permis de remédier aux griefs tirés du manque d’indépendance de l’autorité de sécurité et de l’organisme d’enquête. Dans ces conditions, la Commission a introduit le présent recours.

    21

    Dans son mémoire en réplique, la Commission s’est désistée du grief tiré de la violation de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/49 pour les raisons exposées au point 2 du présent arrêt.

    Sur le recours

    Sur la recevabilité

    Argumentation des parties

    22

    La République de Pologne considère que le grief tiré de la violation de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49 est irrecevable au motif qu’il revêt un caractère hypothétique et trop général et que la Commission ne l’a pas suffisamment motivé.

    23

    Selon cet État membre, la Commission n’a pas tenu compte des explications et des arguments présentés par les autorités polonaises durant la phase précontentieuse. Par conséquent, l’analyse de la Commission serait incomplète et aurait empêché la République de Pologne de préparer sa défense.

    24

    En outre, la Commission n’aurait indiqué aucune situation ou événement précis qui entraînerait une atteinte à l’indépendance de la PKBWK à l’égard du gestionnaire de l’infrastructure. Cet État membre soutient que, dans tous les cas d’incidents survenus jusqu’à présent, la PKBWK a agi de manière indépendante, de sorte que le grief de la Commission est hypothétique.

    25

    La Commission fait valoir, d’une part, qu’elle a indiqué, dans sa requête, les raisons pour lesquelles elle considère que les dispositions du droit polonais ne garantissent pas l’indépendance de la PKBWK et qu’elle a précisé les raisons pour lesquelles elle estime non convaincants les arguments en sens contraire invoqués par le gouvernement polonais au cours de la phase précontentieuse.

    26

    La Commission relève, d’autre part, qu’elle peut saisir la Cour d’un recours en constatation de manquement si elle considère que l’infraction à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49 est établie, sans attendre qu’une catastrophe ferroviaire ait lieu.

    Appréciation de la Cour

    27

    La République de Pologne conteste, en substance, la recevabilité du grief tiré de la violation de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49, au motif qu’il revêtirait un caractère trop général et hypothétique et qu’il ne serait pas suffisamment motivé.

    28

    Il convient de rappeler, en premier lieu, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir, notamment, arrêt du 25 avril 2013, Commission/Finlande, C‑74/11, non publié, EU:C:2013:266, point 47 et jurisprudence citée).

    29

    En l’espèce, la requête de la Commission répond à cette exigence. En effet, la Commission y expose clairement les raisons pour lesquelles elle estime que la réglementation polonaise ne garantit pas l’indépendance de la PKBWK à l’égard de l’entreprise ferroviaire PKP S.A. et du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire PKP PLK S.A.

    30

    Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’objet d’un recours intenté en application de l’article 258 TFUE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition et qui a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission. Dès lors, le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que ceux invoqués dans l’avis motivé. Toutefois, cette exigence ne saurait aller jusqu’à imposer, en toute hypothèse, une coïncidence parfaite entre l’énoncé des griefs dans le dispositif de l’avis motivé et les conclusions de la requête, dès lors que l’objet du litige, tel que défini dans l’avis motivé, n’a pas été étendu ou modifié (voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 2017, Commission/Luxembourg, C‑274/15, EU:C:2017:333, point 37, et du 14 septembre 2017, Commission/Grèce, C‑320/15, EU:C:2017:678, point 31).

    31

    Or, la République de Pologne n’établit pas que la Commission a étendu la portée du présent recours à des motifs ou à des moyens qui ne figuraient pas dans l’avis motivé. La circonstance que la Commission n’aurait pas tenu compte des arguments développés par la République de Pologne au cours de la procédure précontentieuse, même à la supposée établie, ne saurait suffire à déclarer le grief tiré de la violation de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49 irrecevable.

    32

    Il convient de relever, en second lieu, que la Commission est en droit de saisir la Cour d’un recours en manquement contestant le manque d’indépendance de l’organisme d’enquête visé à l’article 21 de la directive 2004/49, sans qu’elle doive se prévaloir d’une situation précise dans laquelle une atteinte à ladite indépendance serait effectivement survenue. En effet, les États membres sont tenus de garantir l’indépendance de l’organisme d’enquête par l’adoption d’un ensemble de règles qui assurent à cet organisme la faculté d’exercer ses missions sans risquer d’être soumis aux injonctions ou à l’influence notamment d’un gestionnaire de l’infrastructure ou d’une entreprise ferroviaire. L’absence ou l’insuffisance d’un tel cadre juridique est en soi de nature à établir un manquement à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49 (voir, par analogie, arrêt du 2 juin 2016, Commission/Portugal, C‑205/14, EU:C:2016:393, point 48).

    33

    Il résulte de ce qui précède que le présent recours en manquement est recevable.

    Sur le fond

    Argumentation des parties

    34

    La Commission fait valoir, premièrement, que la législation polonaise ne contient aucune disposition conférant aux enquêteurs un statut leur donnant les garanties d’indépendance nécessaires, contrairement à ce qu’impose l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2004/49.

    35

    Selon la Commission, en l’absence de dispositions concrètes et détaillées en la matière, la simple utilisation du terme « indépendante » à l’article 28a, paragraphe 1, de la loi sur le transport ferroviaire pour qualifier la PKBWK ne confère pas effectivement le statut prévu à l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2004/49 et ne garantit pas que, en réalité, dans son organisation, sa structure juridique et ses décisions, la PKBWK puisse accomplir ses tâches en toute indépendance à l’égard du ministère chargé des transports, conformément à l’article 21, paragraphe 1, de cette directive.

    36

    Deuxièmement, la Commission relève que la PKBWK fait partie intégrante du ministère chargé des transports. Si elle reconnaît que l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49 n’interdit pas le rattachement de l’organisme d’enquête aux structures organisationnelles de ce ministère, cela ne serait admissible qu’à condition que des mesures soient adoptées afin de garantir l’indépendance de cet organisme à l’égard dudit ministère. Or, tel ne serait pas le cas de la législation polonaise.

    37

    Troisièmement, la Commission relève que la législation polonaise ne garantit pas l’indépendance de la PKBWK à l’égard du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire.

    38

    La Commission souligne, à cet égard, que le Trésor public, représenté par le ministre chargé des transports, est propriétaire majoritaire, avec 85,09 % des actions, du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire PKP PLK S.A., les autres actions étant détenues par l’entreprise ferroviaire PKP S.A., dont le Trésor public, représenté par ce ministre, est le seul actionnaire et qui ne peut céder les actions de PKP PLK S.A. qu’au Trésor public. Le Trésor public posséderait 61,7 % des droits de vote à l’assemblée générale du gestionnaire de l’infrastructure, le solde étant détenu par PKP S.A. En outre, ledit ministre approuverait les statuts du gestionnaire de l’infrastructure et leurs modifications et l’assemblée générale désignerait les membres du conseil de surveillance du gestionnaire de l’infrastructure parmi les candidats présentés par le même ministre. La Commission en conclut que ce dernier contrôle le gestionnaire de l’infrastructure.

    39

    La Commission estime que, puisque l’organisme d’enquête fait partie de la structure du ministère chargé des transports et que ce ministère contrôle le gestionnaire de l’infrastructure, cet organisme n’est pas indépendant, dans son organisation, sa structure juridique et ses décisions, du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire.

    40

    Quatrièmement, la Commission relève que la PKBWK n’agit pas en son nom propre, mais accomplit ses tâches, conformément à l’article 28a, paragraphe 2, de la loi sur le transport ferroviaire, au nom du ministre chargé des transports. Toutes les mesures qu’elle adopte devraient obtenir l’approbation et la signature de ce dernier de sorte que la PKBWK ne ferait, en réalité, que préparer la décision, ce ministre disposant de la faculté de modifier ou de rejeter la décision ainsi proposée. En outre, il découlerait de l’article 1er de l’ordonnance du 11 décembre 2008 portant statut de la PKBWK que cet organisme agit au sein du ministère chargé des transports, ce qui démontrerait qu’il n’agit ni indépendamment ni séparément de ce ministère.

    41

    Cinquièmement, la Commission souligne que le ministre chargé des transports nomme et révoque le président de la PKBWK et son suppléant, ainsi que le secrétaire de la PKBWK. La Commission relève que la législation polonaise ne précise pas selon quels critères et sur la base de quels principes ce ministre choisit ces responsables. Aucune disposition de cette législation ne prévoirait, en particulier, que les personnes assumant ces trois fonctions bénéficient d’un statut garantissant leur indépendance, comme l’exige pourtant l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2004/49.

    42

    Sixièmement, la Commission fait valoir que, conformément à l’article 28a, paragraphe 8, de la loi sur le transport ferroviaire, le ministre chargé des transports nomme et révoque les membres permanents de la PKBWK, sur avis non contraignant du président de celle-ci. Elle en déduit que le président de la PKBWK n’a pas le pouvoir de fixer, en toute indépendance, la composition de sa propre équipe d’enquête, ce qui est susceptible d’avoir une incidence sur la qualité, l’impartialité et la transparence de l’enquête.

    43

    La Commission relève, à cet égard, que la liste de critères figurant à l’article 28a, paragraphe 10, de la loi sur le transport ferroviaire ne contient pas les exigences d’indépendance imposées à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49 et que la législation polonaise ne précise pas selon quels critères et sur le fondement de quels principes le ministre chargé des transports doit opérer son choix. La Commission souligne, en outre, que la législation polonaise n’interdit pas que les personnes susceptibles de remplir les critères fixés par cette liste soient des représentants d’entreprises ferroviaires ou de gestionnaires de l’infrastructure, ce qui va à l’encontre du principe d’indépendance organisationnelle de la PKBWK.

    44

    Septièmement, la Commission fait valoir que, conformément à l’article 28a, paragraphe 4, de la loi sur le transport ferroviaire et à l’article 10 du statut de la PKBWK, le ministre chargé des transports dresse une liste au sein de laquelle le président de la PKBWK peut choisir des membres ad hoc en vue de la participation aux enquêtes. Le président de la PKBWK ne pourrait donc pas déterminer lui-même la composition de sa propre équipe, mais serait contraint de nommer des personnes sélectionnées au préalable par ce ministre.

    45

    La Commission souligne, en outre, que la législation polonaise ne définit pas les modalités ou les critères selon lesquels le ministre chargé des transports établit la liste des membres ad hoc de la PKBWK ni de quelle manière ces membres se voient garantir un statut leur offrant l’indépendance nécessaire. Enfin, la Commission fait valoir que la législation polonaise n’interdit pas que les personnes présentes sur cette liste soient des représentants d’entreprises ferroviaires ou de gestionnaires de l’infrastructure ferroviaire.

    46

    Huitièmement, la Commission critique le fait que, selon l’article 28d, paragraphe 2, de la loi sur le transport ferroviaire, le fonctionnement de la PKBWK est assuré par les services spécialisés de l’administration du ministère chargé des transports. Plus particulièrement, l’obligation pour l’organisme d’enquête de demander systématiquement au ministre chargé des transports la mise à disposition des moyens nécessaires à son fonctionnement limiterait considérablement son indépendance organisationnelle.

    47

    Par ailleurs, la Commission souligne qu’aucune disposition de la directive 2004/49 n’autorise les États membres à invoquer des raisons budgétaires pour se soustraire aux obligations découlant de l’article 21, paragraphe 1, de celle-ci. En outre, le paragraphe 2 de cet article imposerait que l’organisme d’enquête obtienne des ressources suffisantes pour réaliser ses tâches et ses objectifs. Dès lors que, en vertu de l’article 28d, paragraphe 1, de la loi sur le transport ferroviaire, c’est au ministre chargé des transports d’assurer les moyens nécessaires aux activités de la PKBWK et à son fonctionnement, celle-ci ne disposerait pas d’une ligne budgétaire propre et ce ministre serait libre d’apprécier s’il y a lieu d’attribuer des ressources à la PKBWK, eu égard aux intérêts commerciaux de la société gestionnaire de l’infrastructure.

    48

    La République de Pologne fait valoir que l’indépendance de la PKBWK est assurée non seulement par les dispositions de la loi sur le transport ferroviaire, qui indiquent expressément le caractère indépendant de cet organisme, mais aussi par des garanties concrètes assurant l’indépendance organisationnelle, juridique et décisionnelle de celui-ci. Cet État membre souligne qu’aucune disposition de la directive 2004/49 ne contient d’indication quant à la sélection des membres de l’organisme d’enquête. Le droit de l’Union exigerait uniquement qu’il s’agisse d’un organisme indépendant.

    49

    L’indépendance organisationnelle de la PKBWK se refléterait dans la possibilité, pour celle-ci, de décider de sa structure interne et de disposer de ses propres organes et ressources. Le suppléant du président et le secrétaire de la PKBWK seraient nommés et révoqués sur la demande du président de cet organisme, conformément à l’article 28a, paragraphe 7, de la loi sur le transport ferroviaire. Ce président donnerait également son avis sur la nomination et la révocation des autres membres permanents. Par ailleurs, les membres ad hoc dudit organisme, choisis sur la liste élaborée par le ministre chargé des transports, ne pourraient pas, en vertu de l’article 28a, paragraphe 15, de cette loi, être des employés d’une entité dont l’infrastructure ferroviaire, les salariés ou les véhicules ferroviaires ont joué un rôle dans l’accident, l’accident grave ou l’incident faisant l’objet de l’enquête.

    50

    En outre, selon l’article 10 du statut de la PKBWK, les procédures liées aux accidents graves, aux accidents et aux incidents sur les voies de chemins de fer seraient menées par des équipes ad hoc nommées par le président de la PKBWK, les membres d’une telle équipe ne pouvant, en vertu de l’article 12 de ce statut, se trouver dans un rapport hiérarchique avec les personnes et les institutions ayant un lien avec l’événement sur lequel porte l’enquête. Le rapport relatif à la procédure menée dans le cadre d’une telle enquête serait, du reste, approuvé par un vote auquel participeraient uniquement les membres de cette équipe.

    51

    Dans ce contexte, la République de Pologne estime que la possibilité de nommer les membres ad hoc de la PKBWK à partir d’une liste arrêtée par le ministre chargé des transports ne porte pas atteinte à l’indépendance de cet organisme. En outre, dans la pratique, toute personne remplissant les exigences fixées à l’article 28a, paragraphe 10, de la loi sur le transport ferroviaire pourrait solliciter son inscription sur la liste des membres ad hoc. Le président de la PKBWK statuerait de manière autonome sur une telle demande.

    52

    La République de Pologne fait valoir que, actuellement, cent personnes figurent sur la liste des membres ad hoc de la PKBWK, qui toutes sont des experts spécialisés dans le domaine ferroviaire, ce qui confère au président de cet organisme une assez grande liberté quant au choix des membres ad hoc participant à une enquête déterminée puisque, en règle générale, seul un membre ad hoc intègre l’équipe d’enquête.

    53

    Par ailleurs, l’article 28a, paragraphe 10, de la loi sur le transport ferroviaire imposerait des conditions, notamment quant aux qualifications, devant être remplies par les membres de la PKBWK, lesquelles sont précisées à l’article 28a, paragraphes 12 et 13, de cette loi. L’article 28a, paragraphe 11, de ladite loi contiendrait aussi une liste des causes d’extinction de la qualité de membre de cet organisme. De telles garanties permettraient de réduire au minimum la marge discrétionnaire du ministre chargé des transports quant à la nomination et la révocation des membres dudit organisme.

    54

    La République de Pologne relève que, afin de rationaliser les dépenses budgétaires, le législateur national a confié le fonctionnement de la PKBWK aux services spécialisés du ministère chargé des transports, tout en garantissant les moyens financiers nécessaires à l’action de cet organisme.

    55

    Les moyens affectés aux besoins de la PKBWK auraient été isolés dans le cadre d’un volet particulier du budget de l’État, à la rubrique transports, et figureraient à un poste spécifique couvrant les coûts de fonctionnement des bureaux et des organes centraux de l’administration du gouvernement. Bien que le quota affecté au fonctionnement de la PKBWK soit décidé par le ministre chargé des transports, ce dernier serait tenu, en vertu de l’article 28d, paragraphe 1, de la loi sur le transport ferroviaire, d’assurer, au moyen de la quote-part disponible du budget de l’État, les moyens nécessaires aux activités de cet organisme et à son fonctionnement. Une liste des dépenses dudit organisme dont le ministère chargé des transports assure le financement serait contenue dans cette loi. La République de Pologne souligne par ailleurs que le budget de la PKBWK a augmenté au cours des dernières années.

    56

    La gestion de services administratifs par le ministère chargé des transports ne porterait pas atteinte à l’indépendance organisationnelle de la PKBWK. Des sections distinctes au sein de l’administration de ce ministère auraient en effet été créées, qui seraient exclusivement chargées du fonctionnement administratif et gérées par le directeur général du service. Les services administratifs dudit ministère, notamment le service du personnel et le service financier, seraient donc placés sous l’autorité du directeur général et fonctionneraient sans la participation du ministre chargé des transports qui dirigerait les unités opérationnelles. Conformément à l’article 28a, paragraphe 1, de la loi sur le transport ferroviaire, la PKBWK serait un organisme agissant auprès de ce ministre, ce qui témoignerait de son statut distinct et de son indépendance. La PKBWK ne serait pas dans un rapport de soumission audit ministre.

    57

    Concernant l’indépendance juridique de la PKBWK, la République de Pologne relève que le fait d’intégrer l’organisme d’enquête au sein de la structure d’un ministère est une pratique courante dans de nombreux États membres, même lorsque la société gérant l’infrastructure ferroviaire est une société publique.

    58

    Le fait qu’il n’est pas nécessaire de se pencher sur l’indépendance juridique de la PKBWK découle, selon la République de Pologne, de la circonstance que la séparation de cet organisme par rapport aux gestionnaires de l’infrastructure et aux entreprises ferroviaires est indiscutablement garantie.

    59

    En ce qui concerne l’indépendance décisionnelle de la PKBWK, la République de Pologne souligne que les membres de cet organisme ne reçoivent aucune instruction quant au contenu de leurs résolutions, conformément à l’article 28a, paragraphe 14, de la loi sur le transport ferroviaire. Les tentatives d’ingérence dans le fonctionnement dudit organisme constitueraient des mesures contraires à cette loi et porteraient atteinte au principe de légalité consacré à l’article 7 de la Constitution polonaise.

    60

    La circonstance que la PKBWK exerce ses tâches au nom du ministre chargé des transports ne compromettrait pas son indépendance, mais lui permettrait, au contraire, d’exécuter efficacement ses tâches en se fondant sur l’autorité de la puissance publique. La République de Pologne considère également que la Commission se trompe lorsqu’elle estime que la PKBWK ne pourrait prendre aucune décision de manière autonome. Cet organisme prendrait ses décisions sous forme de résolutions qui sont adoptées à la majorité des voix, la voix du président de séance étant prépondérante en cas d’égalité. Participeraient au vote uniquement les membres permanents dudit organisme et les membres ad hoc de celui-ci ayant pris part aux travaux de l’équipe post-accident. Le ministre chargé des transports ne participerait aucunement à l’adoption de ces résolutions et sa signature ne serait pas davantage exigée ni apposée sur les résolutions de la PKBWK.

    61

    La République de Pologne fait valoir, enfin, que la PKBWK est tenue d’informer les entités intéressées de la procédure menée et de l’état d’avancement de celle-ci, garantissant ainsi la transparence de ses travaux et le contrôle public des résultats des procédures qu’elle mène. Par ailleurs, cet organisme serait également tenu de publier un rapport annuel de ses travaux.

    Appréciation de la Cour

     Observations liminaires

    62

    Il convient de relever, premièrement, que, en vertu de l’article 28a, paragraphe 1, de la loi sur le transport ferroviaire, la PKBWK constitue, en Pologne, l’organisme d’enquête visé à l’article 21 de la directive 2004/49. La PKBWK est établie, en vertu de cette disposition, sous la responsabilité du ministre chargé des transports et exerce ses tâches au nom de celui-ci. Elle est dépourvue de la personnalité juridique, ainsi que l’a confirmé la République de Pologne lors de l’audience devant la Cour, tout autant que d’une ligne budgétaire propre, comme il ressort de l’article 28d, paragraphe 1, de la loi sur le transport ferroviaire. En vertu de l’article 28d, paragraphe 2, de cette loi, son fonctionnement est assuré par les services spécialisés de l’administration de ce ministre.

    63

    Selon l’article 19 de la directive 2004/49, l’organisme d’enquête visé à l’article 21 de celle-ci est chargé d’enquêter sur les accidents graves survenus sur le système ferroviaire afin d’améliorer, le cas échéant, la sécurité ferroviaire et de prévenir les accidents. Il peut également décider d’enquêter sur les autres accidents et incidents qui, dans des circonstances légèrement différentes, auraient pu conduire à des accidents graves.

    64

    L’article 23 de ladite directive prévoit que l’organisme d’enquête publie un rapport final sur chacune des enquêtes qu’il a menées sur un accident ou un incident qui contient, le cas échéant, des recommandations en matière de sécurité et dont la structure est aussi proche que possible de celle définie à l’annexe V de la même directive. Il ressort de cette annexe que les conclusions du rapport final doivent viser les causes directes et immédiates de l’événement, y compris les facteurs qui y ont contribué et qui sont liés aux mesures prises par les personnes impliquées et à l’état du matériel roulant ou des installations techniques, les causes sous-jacentes, liées aux compétences, aux procédures et à l’entretien, et les causes premières, liées notamment à l’application du système de gestion de la sécurité. Ce rapport est communiqué aux parties concernées, notamment au gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et aux entreprises ferroviaires.

    65

    L’organisme d’enquête est aussi tenu de publier un rapport annuel rendant compte des enquêtes effectuées l’année précédente, des recommandations en matière de sécurité formulées et des mesures prises à la suite des recommandations formulées précédemment.

    66

    Deuxièmement, l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49 impose que, dans sa structure juridique, son organisation et ses décisions, l’organisme d’enquête soit indépendant de certains acteurs du secteur ferroviaire expressément énumérés, dont le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et les entreprises ferroviaires. Selon le considérant 24 de cette directive, l’organisme d’enquête devrait fonctionner de manière à éviter tout conflit d’intérêts et tout lien éventuel avec les causes de l’événement faisant l’objet de l’enquête.

    67

    S’agissant de la notion d’« indépendance », il convient de relever qu’elle n’est pas définie par la directive 2004/49. Il y a donc lieu de tenir compte de son sens habituel. Ainsi, en ce qui concerne les organes publics, l’indépendance désigne normalement un statut qui assure à l’organe concerné la possibilité d’agir en toute liberté par rapport aux organismes à l’égard desquels son indépendance doit être assurée, à l’abri de toute instruction et de toute pression.

    68

    Troisièmement, comme il ressort du petitum de la requête de la Commission et comme celle-ci l’a expressément confirmé lors de l’audience, c’est uniquement à l’égard du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire PKP PLK S.A. et de l’entreprise ferroviaire PKP S.A., et non du ministre chargé des transports en tant que tel, que la Commission fait grief à la République de Pologne de ne pas avoir assuré l’indépendance de la PKBWK. C’est donc dans cette limite que la Cour est appelée à examiner le présent recours en manquement.

    69

    À cet égard, la République de Pologne n’a pas contesté l’affirmation de la Commission selon laquelle l’État, représenté par le ministre chargé des transports, contrôle à la fois ce gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et cette entreprise ferroviaire.

    70

    Il convient, dès lors, d’examiner si la PKBWK, qui est établie au sein du ministère chargé des transports, est indépendante, quant à sa structure juridique, son organisation et ses décisions, du gestionnaire de l’infrastructure PKP PLK S.A. et de l’entreprise ferroviaire PKP S.A., dans une situation où le ministre chargé des transports contrôle ce gestionnaire de l’infrastructure et cette entreprise ferroviaire.

    71

    À cet égard, s’il convient de prendre en compte, comme y invite la République de Pologne, l’article 28a, paragraphe 1, de la loi sur le transport ferroviaire, en vertu duquel la PKBWK est constituée de manière permanente et indépendante, l’affirmation de principe contenue dans cette disposition ne peut toutefois être dissociée des autres éléments du cadre juridique dans lequel évolue cet organisme. C’est donc à la lumière de l’ensemble des dispositions nationales pertinentes qu’il convient d’examiner si la République de Pologne a manqué à son obligation de garantir l’indépendance de l’organisme d’enquête à l’égard de tout gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et de toute entreprise ferroviaire.

    72

    Quatrièmement, il convient de relever que les arguments de la Commission qui critiquent, d’une part, l’absence, dans la réglementation polonaise, d’un statut pour les enquêteurs et, d’autre part, l’insuffisance des ressources mises à la disposition de la PKBWK relèvent de l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2004/49.

    73

    Or, l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2004/49 n’est pas visé dans le petitum de la requête de la Commission. Il n’y a donc pas lieu d’examiner ces deux arguments dans le cadre du présent recours.

    – En ce qui concerne l’indépendance de la PKBWK quant à sa structure juridique

    74

    La Commission reproche à la République de Pologne d’avoir intégré la PKBWK au sein des services du ministère chargé des transports, sans avoir prévu de garanties d’indépendance suffisantes.

    75

    À cet égard, il y a lieu de relever que, bien que la PKBWK fasse partie du ministère chargé des transports et qu’elle ne dispose pas d’une personnalité juridique propre, il n’en demeure pas moins qu’une telle situation ne démontre pas, en tant que telle, une absence d’indépendance de cet organisme, quant à sa structure juridique, par rapport au gestionnaire de l’infrastructure PKP PLK S.A. et à l’entreprise ferroviaire PKP S.A. qui sont, quant à eux, dotés d’une personnalité juridique propre et distincte de ce ministère. Or, ainsi qu’il ressort du point 68 du présent arrêt, la Commission fait uniquement grief à la République de Pologne de ne pas avoir assuré l’indépendance de la PKBWK à l’égard de ce gestionnaire et de cette entreprise, et non du ministère chargé des transports en tant que tel.

    76

    Pour le surplus, il convient de relever que la directive 2004/49 ne prohibe pas l’intégration, en tant que telle, de l’organisme d’enquête au sein du ministère chargé des transports.

    77

    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit une absence d’indépendance de la PKBWK, quant à sa structure juridique, à l’égard du gestionnaire de l’infrastructure ou de l’entreprise ferroviaire contrôlés par le ministre chargé des transports.

    – En ce qui concerne l’indépendance de la PKBWK quant à son organisation

    78

    La Commission reproche, en premier lieu, à la République de Pologne de confier au ministre chargé des transports le soin, d’une part, de nommer et de révoquer le président de la PKBWK, le suppléant de celui-ci ainsi que le secrétaire et les membres permanents de cet organisme et, d’autre part, de dresser la liste au sein de laquelle les membres ad hoc dudit organisme peuvent être désignés.

    79

    En vertu de l’article 28a, paragraphe 6, de la loi sur le transport ferroviaire, le président de la PKBWK est nommé par le ministre chargé des transports. Le suppléant de ce président et le secrétaire de cet organisme sont, conformément à l’article 28a, paragraphe 7, de cette loi, nommés par ce ministre, sur demande du président dudit organisme. Quant aux autres membres de la PKBWK, ils sont, en vertu de l’article 28a, paragraphe 8, de ladite loi, nommés par ledit ministre après consultation du président de cet organisme.

    80

    Il en résulte que, même si, comme le souligne la République de Pologne, le président de la PKBWK est consulté dans le cadre de la nomination de certains membres de cet organisme, le ministre chargé des transports dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour nommer l’ensemble des membres permanents dudit organisme.

    81

    Par ailleurs, il découle de l’article 28a, paragraphes 6 à 8, de la loi sur le transport ferroviaire que le ministre chargé des transports a le pouvoir de révoquer le président de la PKBWK ainsi que, sur demande de ce président, le suppléant de celui-ci et le secrétaire de cet organisme. En outre, ce ministre peut également, après consultation du président, révoquer les autres membres dudit organisme.

    82

    L’article 28a, paragraphe 9, de ladite loi dispose que ledit ministre peut, à la demande de la majorité absolue des membres de la PKBWK, révoquer un membre de cet organisme. L’article 28a, paragraphe 11, de la même loi prévoit que la qualité de membre dudit organisme prend fin en cas de décès, de non-respect des exigences énoncées au paragraphe 10 du même article ou d’acceptation de la démission présentée au ministre chargé des transports.

    83

    Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 81 de ses conclusions, il ne peut être établi avec certitude, compte tenu du libellé des paragraphes 6 à 9 de l’article 28a de la loi sur le transport ferroviaire, que les trois hypothèses visées au paragraphe 11 de cet article sont les seules dans lesquelles la révocation d’un membre de la PKBWK peut intervenir.

    84

    En outre, il ne peut davantage être affirmé que le ministre chargé des transports ne peut révoquer un membre de la PKBWK qu’à la demande de la majorité absolue des membres de cet organisme. En effet, si l’article 28a, paragraphe 9, de la loi sur le transport ferroviaire prévoit que ce ministre peut, à la demande de la majorité absolue des membres de la PKBWK, révoquer l’un des membres de cet organisme, il n’en demeure pas moins que les paragraphes 7 et 8 de cet article prévoient que ledit ministre révoque le suppléant du président et le secrétaire de la PKBWK, sur demande du président de cet organisme, et les membres dudit organisme, après consultation de son président. Il importe de relever à cet égard que, comme il a été souligné au point 81 du présent arrêt, le ministre chargé des transports a le pouvoir de révoquer le président de la PKBWK, sans que le paragraphe 6 dudit article soumette un tel pouvoir à une quelconque condition procédurale.

    85

    Il s’ensuit que la réglementation nationale pertinente confère au ministre chargé des transports un large pouvoir discrétionnaire quant à la révocation des membres de la PKBWK.

    86

    Or, si aucune disposition de la directive 2004/49 n’interdit que le ministre chargé des transports puisse nommer et révoquer l’intégralité des membres de la PKBWK, l’article 21, paragraphe 1, de cette directive, en tant qu’il exige que cet organisme dispose d’une indépendance organisationnelle à l’égard notamment de tout gestionnaire de l’infrastructure et de toute entreprise ferroviaire, s’oppose à ce que l’autorité qui contrôle un gestionnaire de l’infrastructure et une entreprise ferroviaire puisse nommer et révoquer l’intégralité des membres de l’organisme d’enquête, lorsque ce pouvoir n’est pas régi par la loi de manière stricte, de sorte que cette autorité soit tenue de prendre des décisions sur la base de critères objectifs, clairement et limitativement énumérés, et vérifiables.

    87

    Plus particulièrement, dans de telles circonstances, l’ample liberté de nomination et de révocation reconnue au ministre chargé des transports est, en elle-même, de nature à affecter l’indépendance des membres de la PKBWK, lorsque les intérêts du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et de l’entreprise ferroviaire contrôlés par ce ministre sont en cause.

    88

    La circonstance que l’article 28a, paragraphes 10, 12 et 13, de la loi sur le transport ferroviaire établit certains critères pour devenir membre de la PKBWK n’est pas de nature à modifier cette conclusion. En effet, comme le relève la Commission, aucun de ces critères n’est de nature à assurer l’indépendance des membres permanents de cet organisme à l’égard du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire ou de l’entreprise ferroviaire.

    89

    Par ailleurs, s’il est vrai que l’article 12 du statut de la PKBWK prévoit que ne peut être membre de l’équipe d’enquête la personne qui soit se trouve dans un rapport de subordination hiérarchique à l’égard de personnes ou d’institutions ayant un lien avec l’événement examiné, soit a participé à cet événement, soit est l’époux ou un parent d’une personne qui est affectée par ledit événement, cette garantie est insuffisante pour assurer l’indépendance organisationnelle de la PKBWK.

    90

    En effet, cette disposition concerne non pas, de manière générale et permanente, tous les membres dudit organisme, mais uniquement ceux d’entre eux qui font partie de l’équipe d’enquête chargée d’examiner un accident ou un incident particulier et seulement pour la durée de cette enquête. En outre, ladite disposition ne couvre pas toutes les hypothèses dans lesquelles un conflit pourrait surgir, dans la personne d’un membre d’une équipe d’enquête, entre les investigations menées par la PKBWK et les intérêts d’un gestionnaire de l’infrastructure ou d’une entreprise ferroviaire. Enfin, l’ordonnance du 11 décembre 2008 portant statut de la PKBWK a été adoptée par le ministre chargé des transports et est susceptible d’être modifiée à tout moment par ce dernier. À ce dernier égard, la simple circonstance que ce ministre est tenu, comme le fait valoir la République de Pologne, de respecter les dispositions de la loi sur le transport ferroviaire n’est pas déterminante. En effet, ces dispositions ne sont pas, comme il a été établi aux points 79 à 88 du présent arrêt, de nature à garantir par elles-mêmes que les membres de la PKBWK soient nommés et révoqués de façon indépendante par rapport aux intérêts de tout gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et de toute entreprise ferroviaire.

    91

    La Commission critique encore le fait que le président de la PKBWK ne peut choisir les membres ad hoc de cet organisme qu’au sein d’une liste arrêtée par le ministre chargé des transports.

    92

    En vertu de l’article 28a, paragraphe 4, de la loi sur le transport ferroviaire, la PKBWK peut faire appel à des membres ad hoc afin de participer aux enquêtes. Ceux-ci sont choisis par le président de cet organisme sur une liste arrêtée par le ministre chargé des transports.

    93

    Il s’ensuit que le ministre chargé des transports dispose d’un large pouvoir discrétionnaire pour désigner les personnes qui sont susceptibles de prendre part, en tant que membre ad hoc de la PKBWK, aux enquêtes sur les accidents et incidents ferroviaires ainsi que pour empêcher d’autres personnes d’y participer. Dans la mesure où ce ministre contrôle une entreprise ferroviaire et un gestionnaire de l’infrastructure, une telle contrainte sur la composition des équipes d’enquête n’est pas compatible avec l’exigence d’indépendance organisationnelle de l’organisme d’enquête.

    94

    Il en va d’autant plus ainsi qu’aucune justification raisonnable n’a été avancée par la République de Pologne au fait que le président de la PKBWK ne puisse pas librement désigner les membres ad hoc de cet organisme, mais soit contraint de les choisir parmi les personnes présélectionnées par le ministre chargé des transports.

    95

    La garantie prévue à l’article 28a, paragraphe 15, de la loi sur le transport ferroviaire et selon laquelle les membres ad hoc de la PKBWK ne peuvent pas participer à une enquête s’ils sont employés par une entité organisationnelle dont l’infrastructure ferroviaire, les salariés ou les véhicules ferroviaires ont joué un rôle dans l’événement sur lequel porte l’enquête, si elle constitue une mesure nécessaire pour garantir l’indépendance décisionnelle de ces membres, n’est pas de nature à exclure tout risque de conflit d’intérêts lors de l’élaboration, par le ministre chargé des transports, de la liste des personnes susceptibles d’être désignées comme membres ad hoc de la PKBWK.

    96

    Par ailleurs, concernant l’affirmation de la République de Pologne selon laquelle, en pratique, toute personne qui remplit les conditions prévues à l’article 28a, paragraphe 10, de la loi sur le transport ferroviaire peut solliciter du président de la PKBWK son inscription sur la liste des membres ad hoc de cet organisme, le président dudit organisme statuant de manière autonome sur cette demande, il convient de relever qu’une pratique administrative qui est, par nature, susceptible d’être modifiée à tout moment, ne saurait être considérée comme garantissant à suffisance l’indépendance qu’exige l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49.

    97

    La Commission critique, en second lieu, le fait que la PKBWK est dépendante, pour ses besoins humains et financiers, du ministre chargé des transports.

    98

    Selon l’article 28d, paragraphes 1 et 2, de la loi sur le transport ferroviaire, le ministre chargé des transports assure, au moyen de la quote-part disponible du budget de l’État, les moyens nécessaires aux activités de la PKBWK et à son fonctionnement, qui est assuré par les services spécialisés de son administration. L’article 26 du statut de la PKBWK prévoit par ailleurs, notamment, que la gestion du personnel des membres permanents de la PKBWK est assurée par le bureau du directeur général du ministère chargé des transports et que la gestion financière de la PKBWK est effectuée par le bureau financier de ce ministère.

    99

    Il y a lieu de relever, premièrement, que l’exigence d’indépendance organisationnelle imposée à l’organisme d’enquête ne va pas jusqu’à exclure que les services et le personnel du ministère chargé des transports soient mis à la disposition de la PKBWK. Il est néanmoins indispensable que l’accès à de telles ressources lui soit garanti en vertu de règles claires ne pouvant être modifiées par le seul ministre chargé des transports. Or, les dispositions de la loi sur le transport ferroviaire, rappelées au point précédent, ne sont pas de nature à assurer à la PKBWK un tel accès garanti auxdites ressources.

    100

    Il convient de relever, deuxièmement, que, en principe, l’indépendance organisationnelle qui est exigée en ce qui concerne l’organisme d’enquête n’impose pas que celui-ci dispose d’une ligne budgétaire autonome. Les États membres peuvent ainsi prévoir que, du point de vue du droit budgétaire, cet organisme relève d’un département ministériel déterminé pour autant que l’accès indépendant dudit organisme aux ressources financières qui doivent lui être reconnues pour l’exercice de ses missions lui est garanti.

    101

    Cependant, eu égard au fait que, en l’occurrence, la PKBWK ne dispose pas de la personnalité juridique et est structurellement intégrée au sein du ministère chargé des transports, dont le ministre responsable constitue en même temps l’autorité qui contrôle un gestionnaire de l’infrastructure et une entreprise ferroviaire, une telle indépendance quant à l’accès aux ressources financières qui doivent lui être reconnues pour mener à bien ses missions ne peut être garantie qu’en lui attribuant une ligne budgétaire propre.

    102

    En effet, s’il est vrai que l’article 28d de la loi sur le transport ferroviaire fait obligation au ministre chargé des transports d’assurer les moyens nécessaires au fonctionnement de la PKBWK, cette contrainte est toutefois formulée de manière trop générale pour que, dans des circonstances où ce ministre contrôle le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et l’entreprise ferroviaire, il n’existe pas un risque que la PKBWK soit entravée dans l’accomplissement indépendant de ses missions. À cet égard, il y a lieu de relever que la République de Pologne a souligné, dans son mémoire en duplique, que la part affectée au fonctionnement de cet organisme, au sein du poste budgétaire couvrant le fonctionnement des bureaux et des organes centraux de l’administration du gouvernement, était fixée par le ministre chargé des transports lui-même.

    103

    Il résulte des considérations qui précèdent que la République de Pologne n’a pas adopté toutes les mesures nécessaires afin de garantir l’indépendance organisationnelle de la PKBWK à l’égard du gestionnaire de l’infrastructure et de l’entreprise ferroviaire contrôlés par le ministre chargé des transports.

    – En ce qui concerne l’indépendance de la PKBWK quant à ses décisions

    104

    La Commission reproche, en substance, à la République de Pologne le fait que la PKBWK se limiterait à préparer les projets de décision qu’elle soumettrait pour approbation au ministre chargé des transports.

    105

    Selon l’article 28a, paragraphe 14, de la loi sur le transport ferroviaire, les membres de la PKBWK, lorsqu’ils adoptent des résolutions, ne sont liés par aucune instruction portant sur le contenu de celles-ci. Par ailleurs, en vertu de l’article 22 du statut de la PKBWK, seuls ces membres signent les résolutions comprenant les rapports d’accident, d’accident grave ou d’incident.

    106

    Toutefois, l’article 28a, paragraphe 14, de la loi sur le transport ferroviaire doit être lu en combinaison avec l’article 28a, paragraphe 2, de cette loi qui énonce que la PKBWK exerce ses activités au nom du ministre chargé des transports. En outre, comme il a été souligné au point 90 du présent arrêt, l’ordonnance du 11 décembre 2008 portant statut de la PKBWK a été adoptée par ce ministre et est susceptible d’être modifiée par ce dernier à tout moment.

    107

    Dans de telles circonstances, il ne peut être affirmé avec certitude que la loi sur le transport ferroviaire octroie à la PKBWK une véritable autonomie quant à la rédaction de ses rapports. Une telle incertitude pose d’autant plus problème que, comme il a été établi aux points 78 à 103 du présent arrêt, la PKBWK souffre également d’un défaut d’indépendance organisationnelle qui menace, déjà, par lui-même, l’indépendance décisionnelle de cet organisme par le risque qu’il implique une soumission aux intérêts du gestionnaire de l’infrastructure et de l’entreprise ferroviaire contrôlés par le ministre chargé des transports.

    108

    Par ailleurs, comme la République de Pologne l’a confirmé lors de l’audience, toute publication des décisions de la PKBWK au Journal officiel du ministère doit être approuvée par le ministre chargé des transports.

    109

    Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 89 de ses conclusions, une telle publicité est l’une des finalités essentielles de la procédure d’enquête menée sur les accidents et incidents ferroviaires. Il n’est, dès lors, pas compatible avec l’indépendance décisionnelle exigée de la part de l’organisme d’enquête à l’égard du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et de l’entreprise ferroviaire qu’une autorité qui contrôle ces deux organismes soit en mesure d’empêcher la publication officielle de rapports mettant, le cas échéant, en cause la responsabilité desdits organismes dans l’accident ou l’incident ferroviaire concerné.

    110

    Par conséquent, il y a lieu de considérer que la République de Pologne n’a pas garanti l’indépendance décisionnelle de la PKBWK à l’égard du gestionnaire de l’infrastructure et de l’entreprise ferroviaire contrôlés par le ministre chargé des transports.

    111

    Il résulte de ce qui précède que, en n’adoptant pas les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance organisationnelle et décisionnelle de l’organisme d’enquête à l’égard de l’entreprise ferroviaire et du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire contrôlés par le ministre chargé des transports, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49.

    Sur les dépens

    112

    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    113

    La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Pologne aux dépens et celle-ci ayant succombé en ce qui concerne le grief tiré de la violation de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49, il y a lieu de condamner, dans cette mesure, cet État membre aux dépens.

    114

    Aux termes de l’article 141, paragraphe 1, du même règlement, une partie qui se désiste est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens par l’autre partie dans ses observations sur le désistement. Il résulte des termes du paragraphe 2 de cet article que, toutefois, à la demande de la partie qui se désiste, les dépens sont supportés par l’autre partie, si cela apparaît justifié en vertu de l’attitude de cette dernière.

    115

    Dès lors que, comme il ressort du point 2 du présent arrêt, la République de Pologne n’a communiqué à la Commission les modifications apportées à sa législation qu’après l’introduction du présent recours, de sorte que cette institution n’a pu renoncer à son grief tiré de la violation de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/49 qu’au cours de la procédure devant la Cour, et étant donné que la Commission a conclu à ce que la République de Pologne soit condamnée aux dépens afférents à ce grief, il y a lieu de condamner cet État membre auxdits dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

     

    1)

    En n’adoptant pas les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance organisationnelle et décisionnelle de l’organisme d’enquête à l’égard de l’entreprise ferroviaire et du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire contrôlés par le ministre chargé des transports, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2004/49/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, concernant la sécurité des chemins de fer communautaires et modifiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires, ainsi que la directive 2001/14/CE concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (directive sur la sécurité ferroviaire).

     

    2)

    La République de Pologne est condamnée aux dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure: le polonais

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