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Document 62015CJ0497

Arrêt de la Cour (dixième chambre) du 22 mars 2017.
Euro-Team Kft. et Spirál-Gép Kft. contre Budapest Rendőrfőkapitánya.
Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Szegedi Közigazgatási és Kunkaügyi Bíróság.
Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Transport par route – Dispositions fiscales – Directive 1999/62/CE – Taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures – Péage – Obligation des États membres d’établir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives – Amende forfaitaire – Proportionnalité.
Affaires jointes C-497/15 et C-498/15.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:229

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

22 mars 2017 ( 1 )

«Renvoi préjudiciel — Rapprochement des législations — Transport par route — Dispositions fiscales — Directive 1999/62/CE — Taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures — Péage — Obligation des États membres d’établir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives — Amende forfaitaire — Proportionnalité»

Dans les affaires jointes C‑497/15 et C‑498/15,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Szegedi Közigazgatási és Kunkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szeged, Hongrie), par décisions du 14 septembre 2015, parvenues à la Cour le 22 septembre 2015, dans les procédures

Euro-Team Kft. (C‑497/15),

Spirál-Gép Kft. (C‑498/15)

contre

Budapest Rendőrfőkapitánya,

LA COUR (dixième chambre),

composée de Mme M. Berger (rapporteur), président de chambre, MM. A. Borg Barthet et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós ainsi que par Mme A. Pálfy, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme J. Hottiaux et M. L. Havas, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 9 bis de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures (JO 1999, L 187, p. 42), telle que modifiée par la directive 2011/76/UE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2011 (JO 2011, L 269, p. 1) (ci-après la « directive 1999/62 »).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, respectivement, Euro-Team Kft. (affaire C‑497/15) et Spirál-Gép Kft. (affaire C‑498/15) au Budapest Rendőrfőkapitánya (commissaire principal de police de Budapest, Hongrie) au sujet de l’infliction d’une amende pour avoir utilisé un tronçon autoroutier sans s’être acquitté du montant du péage requis.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 1, 12 et 15 de la directive 1999/62 sont libellés comme suit :

« (1)

considérant que l’élimination des distorsions de concurrence entre les entreprises de transport des États membres nécessite à la fois l’harmonisation des systèmes de prélèvement et l’institution de mécanismes équitables d’imputation des coûts d’infrastructure aux transporteurs ;

[...]

(12)

considérant que les distorsions de concurrence existantes ne peuvent être supprimées par la seule harmonisation des taxes ou des droits d’accises sur les carburants ; que cependant, en attendant que soient en place des formes de prélèvement techniquement et économiquement mieux appropriées, ces distorsions peuvent être atténuées par la possibilité de maintenir ou d’introduire des péages et/ou des droits d’usage pour l’utilisation des autoroutes ; qu’il y a lieu en outre d’autoriser les États membres à percevoir des droits pour l’utilisation de ponts, de tunnels et de cols de montagne ;

[...]

(15)

considérant que les taux des droits d’usage doivent être fixés en fonction de la durée d’utilisation de l’infrastructure concernée et être différenciés en fonction des coûts engendrés par les véhicules routiers ».

4

L’article 1er, premier alinéa, de cette directive dispose :

« La présente directive s’applique aux taxes sur les véhicules, aux péages et aux droits d’usage imposés aux véhicules tels que définis à l’article 2. »

5

L’article 2 de ladite directive prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b)

“péage” : une somme déterminée, payable pour un véhicule, fondée sur la distance parcourue sur une infrastructure donnée et sur le type du véhicule, qui comprend une redevance d’infrastructure et/ou une redevance pour coûts externes ;

[...] »

6

Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 1999/62 :

« Sans préjudice de l’article 9, paragraphe 1 bis, les États membres peuvent maintenir ou introduire des péages et/ou des droits d’usage sur le réseau routier transeuropéen ou sur certains tronçons dudit réseau, ainsi que sur tout autre tronçon de leur réseau d’autoroutes qui ne fait pas partie du réseau routier transeuropéen, selon les conditions énoncées aux paragraphes 2, 3, 4 et 5 du présent article et aux articles 7 bis à 7 duodecies. Cela ne porte pas atteinte au droit des États membres, conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’appliquer des péages et/ou des droits d’usage sur d’autres axes routiers, pour autant que la perception de péages et/ou de droits d’usage sur ces autres axes ne présente pas de caractère discriminatoire à l’égard du trafic international et n’entraîne pas de distorsion de concurrence entre les opérateurs. »

7

L’article 9 bis de cette directive dispose :

« Les États membres mettent en place les contrôles adéquats et déterminent le régime de sanctions applicable aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive. Ils prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer l’application de ces sanctions. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

Le droit hongrois

La loi relative à la circulation routière

8

L’article 20, paragraphe 1, du a közúti közlekedésről szóló 1988. évi I. törvény (loi no I de 1988 relative à la circulation routière, ci-après la « loi relative à la circulation routière »), dispose :

« Est passible d’une amende toute personne enfreignant les dispositions de la présente loi, d’actes législatifs ou réglementaires spécifiques et des actes de droit communautaire, concernant :

[...]

m)

la redevance, proportionnelle à la distance parcourue, due pour l’utilisation d’un tronçon routier à péage.

[...] »

9

L’article 21 de la loi relative à la circulation routière prévoit :

« (1)   L’exploitant du véhicule ou, dans le cas visé à l’article 21/A, paragraphe 2, la personne à qui le véhicule a été confié aux fins de son utilisation répond du respect, lors de l’exploitation ou de l’utilisation du véhicule, des règles, telles qu’établies par des dispositions particulières, relatives à

[...]

h)

la redevance, proportionnelle à la distance parcourue, due pour l’utilisation d’un tronçon routier à péage.

[...]

(2)   En cas de violation de l’une des règles visées au paragraphe 1, l’exploitant ou, dans le cas visé à l’article 21/A, la personne à qui le véhicule a été confié aux fins de son utilisation est passible d’une amende administrative d’un montant de 10000 à 300000 forints [hongrois (HUF) (environ 32 euros à 974 euros)]. Le gouvernement fixe par décret le montant des amendes susceptibles d’être infligées en cas d’infractions auxdites dispositions. Lorsqu’un même comportement constitue une infraction à plusieurs règles et est examiné dans le cadre d’une même procédure, il est sanctionné par une amende dont le montant correspond à la somme des montants des amendes prévues pour chacune de ces infractions.

[...]

(5)   Le gouvernement détermine par décret, en tenant compte des dispositions du paragraphe 1, les infractions pour lesquelles l’exploitant du véhicule concerné [...] doit se voir infliger une amende administrative. »

La loi relative aux péages routiers

10

L’article 3, paragraphes 1 et 6, du az autópályák, autóutak és főutak használatáért fizetendő, megtett úttal arányos díjról szóló 2013. évi LXVII. törvény (loi no LXVII de 2013, relative à la redevance, proportionnelle à la distance parcourue, due pour l’utilisation des autoroutes, routes rapides et routes nationales, ci-après la « loi relative aux péages routiers »), prévoit :

« (1)   L’utilisation d’un tronçon routier à péage par un véhicule soumis à péage est subordonnée à l’obtention de l’autorisation d’usage de la route instituée par la présente loi.

[...]

(6)   L’exploitant du véhicule concerné répond du respect, en ce qui concerne le véhicule qu’il exploite, de la règle figurant au paragraphe 1. »

11

L’article 14 de la loi relative aux péages routiers prévoit :

« Constitue un usage non autorisé d’une route – sous réserve des exceptions prévues à l’article 9 – le fait pour le redevable du péage :

a)

d’utiliser un tronçon routier à péage sans avoir acheté un ticket de route pour ce tronçon avant de commencer à l’utiliser, alors qu’il n’est pas lié par un contrat valide – régissant l’introduction des déclarations prévues par la présente loi auprès du collecteur des péages et le versement des péages – qui a été conclu avec le gestionnaire du système de péage,

b)

d’utiliser un tronçon routier à péage sur la base d’une déclaration indiquant une catégorie tarifaire ou environnementale inférieure à celle dont relève le véhicule concerné, ou

c)

d’utiliser un tronçon routier à péage sans avoir acheté un ticket de route pour ce tronçon avant de commencer à l’utiliser, alors qu’il est lié, en vue de l’usage par le véhicule concerné dudit tronçon, par un contrat valide – régissant l’introduction des déclarations prévues par la présente loi auprès du collecteur des péages et le versement des péages – qui a été conclu avec le gestionnaire du système de péage, mais qu’une quelconque des conditions de la légalité du fonctionnement du dispositif embarqué, telles qu’arrêtées par un décret pris en vertu de la présente loi, n’est pas remplie au cours de l’utilisation du tronçon routier à péage concerné. »

12

L’article 15 de cette loi dispose :

« (1)   Le montant de l’amende est fixé de manière à inciter les redevables à s’acquitter du péage requis.

(2)   Le produit des amendes prononcées est versé au budget central en tant que recette budgétaire inscrite sous la rubrique visée à l’article 14, paragraphe 4, point d), de la loi no CXCV de 2011, relative aux finances publiques. Le paiement de l’amende est effectué en forints [hongrois (HUF)], par virement sur le compte bancaire défini par un acte pris en vertu de la présente loi. »

13

L’article 16 de ladite loi prévoit :

« L’usage non autorisé d’une route au sens de la présente loi constitue une infraction dont la constatation peut donner lieu à l’infliction d’une amende au titre de la loi relative à la circulation routière. »

14

L’article 29/A, paragraphes 1, 4, 6 et 7, de la loi relative aux péages routiers, inséré dans cette loi par la loi no LIV de 2014, avec effet au 9 novembre 2014, dispose :

« (1)   Dans les cas visés aux paragraphes 2 à 4, les demandeurs qui ont soumis à l’organisme chargé de percevoir les péages (ci-après le “collecteur des péages”) une demande conforme aux paragraphes 6 et 7 (ci-après “la demande”) sont exemptés, dans les conditions prévues par la présente loi, du paiement de l’amende infligée en raison de tout usage non autorisé d’une route, au sens de l’article 14, sous a), de la présente loi, entre le 1er juillet 2013 et le 31 mars 2014.

[...]

(4)   Sur la base d’une demande justifiée, un demandeur est, dans les conditions prévues au paragraphe 7, exempté du paiement de l’amende infligée pour infraction à l’article 14, sous a), lorsque l’amende a – au cours de la période de validité du ticket de route, et tout au plus une fois par direction à un point de contrôle donné – été infligée sur un tronçon routier à péage, ou sur une voie menant à celui-ci, qui, dans le réseau, est fonctionnellement parallèle à la route pour laquelle le véhicule concerné disposait, au même moment, d’une autorisation d’usage, laquelle n’a pas été utilisée pendant sa période de validité.

[...]

(6)   Outre ce qui est prévu aux paragraphes 2 à 4, l’exemption de l’amende est subordonnée à la condition que le demandeur ait, avant de soumettre la demande, payé au collecteur des péages les frais de service d’un montant de 12000 HUF [environ 39 euros] par amende, y compris la taxe sur la valeur ajoutée, et en apporte la preuve au moment du dépôt de la demande. [...]

(7)   La demande peut être introduite dans un délai de 60 jours après l’entrée en vigueur de la loi no LIV de 2014, modifiant [la loi relative aux péages routiers]. Sur la base de la demande soumise – pour autant que le contenu de celle-ci soit conforme aux prescriptions de la présente loi et ne soit pas en contradiction avec le contenu de la base de données du collecteur des péages –, ce dernier dresse un certificat établissant que le demandeur peut, les conditions prévues aux paragraphes 2 à 4 étant réunies, être exempté du paiement de l’amende. Aucun certificat n’est émis en cas de divergence entre le contenu de la demande et celui de la base de données du collecteur des péages. Le collecteur des péages émet le certificat dans un délai de 120 jours à partir de la réception de la demande. [...] »

Le décret gouvernemental no 410/2007

15

L’article 1er, paragraphe 1, du a közigazgatási bírsággal sújtandó közlekedési szabályszegések köréről, az e tevékenységekre vonatkozó rendelkezések megsértése esetén kiszabható bírságok összegéről, felhasználásának rendjéről és az ellenőrzésben történő közreműködés feltételeiről szóló 410/2007. (XII. 29.) Korm. Rendelet (décret gouvernemental no 410, relatif aux infractions routières passibles d’amendes administratives, aux montants des amendes dues en cas d’infractions routières, à l’utilisation des amendes et aux conditions de la collaboration aux contrôles routiers), du 29 décembre 2007 (ci-après le « décret gouvernemental no 410/2007 »), dispose :

« Sur le fondement de l’article 21, paragraphe 1, de [la loi relative à la circulation routière], l’exploitant du véhicule concerné [...] est, en cas d’infraction aux dispositions des articles 2 à 8/A, passible d’une amende administrative dont le montant est arrêté par le présent décret. »

16

L’article 8/A du décret gouvernemental no 410/2007 énonce :

« (1)   En ce qui concerne l’article 21, paragraphe 1, sous h), de [la loi relative à la circulation routière], l’exploitant du véhicule concerné est tenu de payer, pour toute infraction visée à l’annexe 9, une amende dont le montant est fixé en fonction de la catégorie de véhicules.

(2)   L’amende infligée à l’exploitant du véhicule concerné en vertu du paragraphe 1 ne peut pas l’être de nouveau en cas d’usage non autorisé de la route avec le même véhicule à moins que huit heures ne se soient écoulées depuis la première constatation de l’usage non autorisé de la route avec ce véhicule.

[...] »

17

L’annexe 9 de ce décret dispose :

« A

B

 

 

B1

B2

B3

1. Infraction à la loi sur les péages routiers

Montant de l’amende par catégorie de véhicules

 

J2

J3

J4

2. Infraction à l’article 14, sous a)

140 000

150 000

165 000

3. Infraction à l’article 14, sous b)

80 000

90 000

110 000

4. Infraction à l’article 14, sous c)

140 000

150 000

165 000 »

Le décret gouvernemental no 209/2013

18

L’article 24, paragraphe 3, de l’az ED törvény végrehajtásáról szóló 209/2013 (VI. 18.) Korm. rendelet (décret gouvernemental no 209, relatif à l’exécution de la loi sur les péages routiers), du 18 juin 2013 (ci-après le « décret gouvernemental no 209/2013 »), énonce :

« Le ticket de route constitue une autorisation d’utiliser sans interruption une route déterminée pour un véhicule dont les paramètres ont été indiqués lors de l’achat. Le ticket de route n’est pas cessible, et ni l’itinéraire ni les paramètres du véhicule qui y figurent, tels que déclarés lors de l’achat, ne peuvent être modifiés. Le ticket de route est utilisé pour un voyage commençant à une date prédéterminée, et il est valide :

a)

du moment de l’achat jusqu’à la fin du jour suivant, si la période de validité débute à la date de l’achat,

b)

du début du jour civil indiqué jusqu’à la fin du jour suivant, si l’achat a eu lieu dans un délai de prévente de 30 jours maximum. »

19

L’article 26, paragraphe 1, sous a), du décret gouvernemental no 209/2013 dispose :

« Avant de commencer à utiliser un tronçon routier à péage, le redevable du péage doit faire en sorte de se trouver avec le gestionnaire du système de péage dans un rapport juridique qui lui permet d’utiliser effectivement le système [de péage électronique] exploité par le collecteur des péages, et d’effectuer par ce biais l’achat d’un ticket de route conforme à l’itinéraire réel. »

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

20

Euro-Team, requérante au principal dans l’affaire C‑497/15, est une entreprise établie en Hongrie. Afin qu’un véhicule de transport de marchandises qu’elle exploite puisse emprunter, le 6 septembre 2014, le tronçon à péage « Budapest-Gyula », elle avait acheté au préalable le titre requis, conformément à la législation relative aux péages routiers.

21

Le 6 septembre 2014, une erreur du système de navigation de ce véhicule a conduit son conducteur, employé par Euro-Team, à dépasser la sortie par laquelle il aurait dû quitter l’autoroute M5 pour poursuivre son trajet sur la route no 5, de catégorie inférieure, pour laquelle il disposait d’une autorisation d’usage. Il a donc continué son trajet sur l’autoroute M5, sans être muni du titre de péage valable et sans avoir versé la redevance proportionnelle à la distance parcourue sur ce tronçon de l’autoroute.

22

Ce segment autoroutier, d’une longueur d’environ 5 km, se situe, sur un plan pratique, parallèlement à la route no 5. Le montant du péage pour ledit segment s’élève à 324 HUF (environ 1 euro), soit un tarif inférieur à celui facturé pour le tronçon comparable de la route no 5, qui s’élevait à l’époque des faits à un montant de 520 HUF (environ 1,7 euro). Selon les constatations de la juridiction de renvoi, par rapport à l’itinéraire indiqué sur le titre acheté au préalable, Euro-Team n’a ni obtenu un avantage ni causé de préjudice.

23

Le Budapest Rendőrfőkapitánya (commissaire principal de police de Budapest, Hongrie) a, toutefois, par décision rendue le 8 décembre 2014, infligé à Euro-Team une amende administrative s’élevant à 165000 HUF (environ 535 euros), conformément au décret gouvernemental no 410/2007, au motif que, en omettant d’acheter au préalable un titre correspondant au péage dû pour l’utilisation du tronçon autoroutier situé entre les kilomètres 85 et 90, cette entreprise avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de la loi relative aux péages routiers.

24

Euro-Team a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi, en faisant valoir, notamment, que la sanction prévue par le décret gouvernemental no 410/2007 était contraire au droit de l’Union, le montant de l’amende infligée étant disproportionné.

25

Spirál-Gép, requérante au principal dans l’affaire C‑498/15, est une entreprise également établie en Hongrie. Afin qu’un véhicule de transport de marchandises qu’elle exploite puisse emprunter, le 25 avril 2014, le tronçon à péage « Kaba-Bököny », elle avait acheté au préalable le titre requis, conformément à la loi relative aux péages routiers.

26

Le même jour, le conducteur de ce véhicule, employé par Spirál-Gép, a cependant par inadvertance dépassé la sortie par laquelle il aurait dû quitter l’autoroute M35. Il a, de ce fait, continué son trajet sur l’autoroute M35, entre les kilomètres 24 et 35, alors que ce segment ne faisait pas partie de l’itinéraire prévu, pour lequel une redevance d’utilisation avait été payée. Après avoir remarqué son erreur, se trouvant dans l’impossibilité de faire demi-tour, le conducteur a arrêté le véhicule sur la bande d’arrêt d’urgence de cette autoroute et s’est acquitté, par téléphone et de sa propre initiative, du montant du péage pour ledit tronçon.

27

La juridiction de renvoi constate à cet égard, que, par rapport au montant du péage payé au préalable ainsi que par rapport au montant du péage acquitté, de manière spontanée, par le conducteur du véhicule pour la somme de 1597 HUF (environ 5,2 euros), Spirál-Gép n’a ni obtenu un avantage ni causé de préjudice.

28

Le Budapest Rendőrfőkapitánya (commissaire principal de police de Budapest) a, par décision rendue le 16 mars 2015, infligé à Spirál-Gép une amende administrative s’élevant à 140000 HUF (environ 454 euros), conformément au décret gouvernemental no 410/2007, au motif que, en omettant de s’acquitter au préalable du montant du péage dû pour le tronçon autoroutier situé entre les kilomètres 24 et 35, cette entreprise avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de la loi relative aux péages routiers.

29

Spirál-Gép a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi, en faisant valoir, notamment, que la sanction prévue par ledit décret gouvernemental était disproportionnée et, de ce fait, contraire au droit de l’Union.

30

Dans ces deux affaires, la juridiction de renvoi expose que, en vertu de l’article 21 de la loi relative à la circulation routière, l’exploitant du véhicule assume une responsabilité objective, le montant de l’amende administrative infligée étant dû indépendamment de toute faute. Dès lors, l’administration n’est pas en mesure de tenir compte, sauf dans les hypothèses explicitement visées par cette loi, de la situation individuelle et particulière de l’exploitant du véhicule, ni d’examiner si l’infraction lui est réellement imputable, c’est-à-dire si elle découle d’une intention expresse ou d’une simple négligence.

31

Dès lors, la circonstance que, dans l’affaire C‑497/15, Euro-Team disposait d’un titre d’usage de l’infrastructure routière valide pour un tronçon parallèle à celui sur lequel l’infraction a été commise et que le montant du péage dû pour ce dernier tronçon était inférieur au prix payé pour l’itinéraire prévu est sans incidence. Il en va de même dans l’affaire C‑498/15, dans laquelle le conducteur du véhicule employé par Spirál-Gép s’est acquitté de sa propre initiative, dans un délai de 20 minutes après la commission de l’infraction, du montant du péage requis pour l’utilisation de cette autoroute.

32

La juridiction de renvoi relève que l’article 9 bis de la directive 1999/62 laisse aux États membres un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le choix des sanctions destinées à garantir le paiement des péages. Elle doute toutefois que, compte tenu des particularités des infractions commises dans les affaires pendantes devant elle, l’amende qui a été infligée à l’une des requérantes, dont le montant est plus de 500 fois supérieur à celui dû au titre du péage, puisse être considérée comme étant proportionnée.

33

La juridiction de renvoi estime cependant que la disposition de l’article 29/A de la loi sur les péages routiers, inapplicable rationae temporis aux faits de ces affaires compte tenu des dates des infractions, permettrait d’infliger des amendes proportionnelles à la gravité de ces infractions.

34

Dans ces circonstances, le Szegedi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szeged, Hongrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, identiques dans les deux affaires :

« 1)

Faut-il interpréter l’exigence du caractère proportionné, figurant à l’article 9 bis de la directive 1999/62 [...], en ce sens qu’elle s’oppose à un régime de sanctions tel que celui qui a été introduit par l’annexe 9 du [décret gouvernemental no 410/2007], lequel impose le paiement d’une amende forfaitaire – c’est-à-dire indépendante de la gravité de l’infraction – en cas de violation des règles relatives à l’achat des tickets de route ?

2)

L’amende administrative prescrite par l’annexe 9 du [décret gouvernemental no 410/2007] est-elle conforme à l’exigence figurant à l’article 9 bis de la directive 1999/62, selon laquelle les sanctions prévues en droit national doivent être effectives, proportionnées et dissuasives ?

3)

Faut-il interpréter l’exigence de proportionnalité prévue à l’article 9 bis de la directive 1999/62 en ce sens qu’elle s’oppose, d’une part, à un régime de sanctions qui, à l’instar de celui qui est en cause au principal, prévoit une responsabilité objective des auteurs de l’infraction et, d’autre part, au montant de la sanction tel qu’il est prévu par ledit régime ? »

35

Par décision du président de la Cour du 19 octobre 2015, les affaires C‑497/15 et C‑498/15 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

36

Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9 bis de la directive 1999/62 doit être interprété en ce sens que les exigences d’effectivité, de proportionnalité et du caractère dissuasif des sanctions, visées à celui-ci, s’opposent à un système de sanctions, tel que celui en cause au principal, qui prévoit l’infliction d’une amende d’un montant forfaitaire pour toutes les infractions, quelles que soient leur nature et leur gravité, aux règles relatives à l’obligation de s’acquitter du paiement préalable du péage afférent à l’utilisation d’une infrastructure routière.

37

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 9 bis de la directive 1999/62, les États membres mettent en place les contrôles adéquats et déterminent le régime de sanctions applicable aux violations des dispositions nationales prises en application de cette directive. Ils prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer l’application de ces sanctions. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

38

Cependant, il convient de constater que ladite directive ne comporte pas de règles plus précises en ce qui concerne l’établissement desdites sanctions nationales et n’établit, notamment, aucun critère explicite pour l’appréciation du caractère proportionné de telles sanctions.

39

Or, selon une jurisprudence constante, en l’absence d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine des sanctions applicables en cas d’inobservation des conditions prévues par un régime institué par cette législation, les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Ils sont toutefois tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux et, par conséquent, dans le respect du principe de proportionnalité (voir, notamment, arrêts du 9 février 2012, Urbán, C‑210/10, EU:C:2012:64, point 23, et du 19 octobre 2016, EL‑EM-2001, C‑501/14, EU:C:2016:777, point 37).

40

Ainsi, en l’occurrence, les mesures répressives permises par la législation nationale en cause au principal ne doivent pas excéder les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux objectifs visés (arrêt du 19 octobre 2016, EL‑EM-2001, C‑501/14, EU:C:2016:777, point 39 et jurisprudence citée).

41

Dans le cadre de la directive 1999/62, les objectifs poursuivis sont, tel qu’il résulte du premier considérant de celle-ci, à la fois l’harmonisation des systèmes de prélèvement et l’institution de mécanismes équitables d’imputation des coûts d’infrastructure aux transporteurs, en vue de l’élimination des distorsions de concurrence entre les entreprises de transport des États membres.

42

La Cour a jugé, dans ce contexte, que la rigueur des sanctions doit être en adéquation avec la gravité des violations qu’elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en respectant le principe général de proportionnalité (arrêt du 19 octobre 2016, EL‑EM-2001, C‑501/14, EU:C:2016:777, point 40).

43

Par ailleurs, la Cour a jugé que le principe de proportionnalité s’impose aux États membres non seulement en ce qui concerne la détermination des éléments constitutifs d’une infraction et la détermination des règles relatives au niveau du montant des amendes, mais également en ce qui concerne l’appréciation des éléments dont il peut être tenu compte pour la fixation du montant de l’amende (voir arrêt du 19 octobre 2016, EL‑EM-2001, C‑501/14, EU:C:2016:777, point 41).

44

En l’espèce, il y a lieu de relever que l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative à la circulation routière sanctionne, par une amende d’un montant allant de 10000 à 300000 HUF (environ 32 à 974 euros), l’exploitant d’un véhicule qui enfreint les règles concernant l’obligation de payer la redevance d’utilisation d’un tronçon routier à péage, dont le montant est proportionnel à la distance parcourue. C’est dans ce cadre que l’annexe 9 du décret gouvernemental no 410/2007 institue les amendes pour les infractions en cause, lesquelles varient en fonction de la catégorie dont relèvent les véhicules, établie sur la base du nombre de leurs essieux, et dont le montant forfaitaire est compris entre 140000 et 165000 HUF (environ 454 et 535 euros).

45

Les sanctions des violations des dispositions nationales prises en application de la directive 1999/62 doivent non seulement être proportionnées aux violations commises, mais également effectives et dissuasives. En l’espèce, dans l’affaire C‑497/15, le montant de l’amende infligée à Euro-Team est plus de 500 fois supérieur au montant du péage non acquitté, lequel est inférieur au montant qui a été effectivement payé pour le tronçon comparable de la route no 5. Dans l’affaire C‑498/15, il est plus de 87 fois supérieur à celui qui a été payé tardivement.

46

Compte tenu du montant des amendes infligées par rapport au coût du péage effectivement dû et qui n’a pas été payé préalablement, il est indubitable que le régime des mesures répressives hongrois, du fait de la rigueur des sanctions fixées et de leur application régulière, présente un caractère effectif et dissuasif.

47

Quant au respect du principe de proportionnalité, il convient de constater que la seule modulation des amendes prévue par ce régime, qui ressort du décret gouvernemental no 410/2007, est celle afférente à la catégorie dont relève le véhicule concerné, laquelle est établie sur la base du nombre de ses essieux. Toutefois, une telle modulation, dépourvue de tout rapport avec le comportement de l’exploitant du véhicule ou de son chauffeur, ne tient pas compte de la nature et de la gravité de l’infraction commise. Ainsi que le constate la Commission européenne dans ses observations écrites, l’autorité compétente ne peut prendre en compte, à titre d’exemple, la distance parcourue sans s’être acquitté du montant du péage requis. Le montant de l’amende sanctionnant le non-respect de l’obligation de paiement en cause au principal est donc forfaitaire et ne varie en fonction ni des kilomètres parcourus sans autorisation, ni même du fait que le contrevenant s’est ou non acquitté au préalable du montant d’un péage pour un itinéraire donné.

48

En outre, conformément aux exigences de la directive 1999/62, figurant notamment aux articles 7 à 7 duodecies de celle-ci, le système de péage routier en cause au principal a été conçu de telle sorte que la participation des usagers à l’entretien de l’infrastructure soit proportionnelle à leur utilisation de celle-ci et tienne compte de la classe d’émission dont relève le véhicule utilisé. Cependant, l’absence de modulation des amendes selon la gravité de l’infraction commise est susceptible d’aller à l’encontre de ce principe de participation.

49

Or, la Cour a déjà jugé que l’application d’une amende d’un montant forfaitaire pour toute violation de certaines obligations prévues par la loi, sans modulation du montant de ladite amende en fonction de la gravité de l’infraction, apparaît comme étant disproportionnée au regard des objectifs visés par la réglementation de l’Union (voir arrêt du 9 février 2012, Urbán, C‑210/10, EU:C:2012:64, point 41).

50

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 9 bis de la directive 1999/62 doit être interprété en ce sens que l’exigence de proportionnalité visée à celui-ci s’oppose à un système de sanctions, tel que celui en cause au principal, qui prévoit l’infliction d’une amende d’un montant forfaitaire pour toutes les infractions, quelles que soient leur nature et leur gravité, aux règles relatives à l’obligation de s’acquitter du paiement préalable du péage afférent à l’utilisation d’une infrastructure routière.

Sur la troisième question

51

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 9 bis de la directive 1999/62 doit être interprété en ce sens que l’exigence de proportionnalité, visée à celui-ci, s’oppose, d’une part, à un système de sanctions, tel que celui en cause au principal, qui instaure une responsabilité objective des auteurs d’infraction et, d’autre part, au niveau des sanctions prévues par ce système.

52

Il convient de rappeler qu’il ressort du dossier soumis à la Cour que l’annexe 9 du décret gouvernemental no 410/2007 place les autorités nationales chargées de sa mise en œuvre dans une situation de compétence liée à l’égard du montant forfaitaire de l’amende prévu en cas d’infraction à la loi relative aux péages routiers. Ces autorités ne disposent dès lors pas de la faculté de tenir compte des circonstances concrètes et particulières de chaque cas d’espèce et, ainsi, d’adapter ce montant à ces circonstances.

53

S’agissant, en premier lieu, de la compatibilité, avec le principe de proportionnalité, de l’instauration d’une responsabilité objective, il convient de constater que la Cour a déjà jugé à maintes reprises qu’un tel système sanctionnant la violation du droit de l’Union n’est pas, en lui‑même, incompatible avec celui-ci (voir, notamment, arrêt du 9 février 2012, Urbán, C‑210/10, EU:C:2012:64, point 47 et jurisprudence citée).

54

En effet, selon la Cour, l’instauration d’un système de responsabilité objective n’est pas disproportionnée par rapport aux objectifs recherchés, lorsque ce système est de nature à inciter les personnes visées à respecter les dispositions d’un règlement et lorsque les objectifs poursuivis revêtent un intérêt général pouvant justifier l’instauration d’un tel système (arrêt du 9 février 2012, Urbán, C‑210/10, EU:C:2012:64, point 48 et jurisprudence citée).

55

Il convient de rappeler, ensuite, que la directive 1999/62 engage les législateurs nationaux à soumettre les poids lourds au paiement d’une redevance pour l’utilisation des infrastructures routières. Le régime national en cause au principal, qui transpose cette directive, prévoit ainsi que les exploitants de ces véhicules sont soumis au paiement d’une redevance pour l’utilisation de ces infrastructures et instaure un mécanisme de sanctions destiné à garantir le respect de l’obligation de paiement. En vertu de la législation nationale, l’infraction à cette obligation est constituée dès lors que l’utilisateur d’une infrastructure routière à péage ne s’est pas acquitté, préalablement à l’utilisation de celle-ci, du montant du péage requis. Un tel système de responsabilité objective incite ainsi les exploitants des poids lourds en circulation à s’acquitter au préalable du montant du péage dont ils sont redevables.

56

Étant donné que, d’une part, ledit système de responsabilité objective est de nature à inciter les exploitants de véhicules à respecter les obligations de paiement préalable des redevances dues au titre de l’utilisation de l’infrastructure routière et que, d’autre part, les objectifs poursuivis par la législation hongroise, à savoir la lutte contre les distorsions de concurrence entre les entreprises de transport et la mise en application du principe du pollueur-payeur, revêtent un intérêt général, l’instauration, par cette législation, d’un système de responsabilité objective peut être considérée comme étant justifiée.

57

Dès lors, prévoir un système de responsabilité objective, tel que celui en cause au principal, qui sanctionne la violation desdites obligations n’est pas, en soi, incompatible avec le droit de l’Union.

58

S’agissant, en second lieu, de la fixation du montant des amendes correspondant à chaque type d’infractions, prévue par le régime de sanctions en cause au principal, il convient de rappeler la jurisprudence, citée aux points 39 et 40 du présent arrêt, selon laquelle les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Toutefois, ces derniers sont tenus d’exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux ainsi que, par conséquent, dans le respect du principe de proportionnalité. Les mesures répressives ne doivent donc pas, notamment, aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la législation en cause ni, en outre, être démesurées par rapport à ces objectifs.

59

Or, il y a lieu de rappeler, à cet égard, que le principe de proportionnalité s’impose aux États membres non seulement en ce qui concerne la détermination des éléments constitutifs d’une infraction et la détermination des règles relatives à l’importance du montant des amendes, mais également en ce qui concerne l’appréciation des éléments dont il peut être tenu compte pour la fixation de l’amende (voir, notamment, arrêts du 9 février 2012, Urbán, C‑210/10, EU:C:2012:64, point 54, ainsi que du 19 octobre 2016, EL‑EM-2001, C‑501/14, EU:C:2016:777, point 41).

60

Cela étant précisé, il convient de constater que l’obligation incombant aux autorités nationales chargées de sanctionner les infractions aux obligations de paiement des redevances pour l’utilisation d’une infrastructure routière d’infliger une amende forfaitaire d’un montant compris entre 140000 et 165000 HUF (environ 454 à 535 euros), sans qu’elles puissent tenir compte des circonstances concrètes et particulières de chaque cas d’espèce ni, le cas échéant, minorer le montant de cette amende, ne remplit pas les conditions exigées par la jurisprudence mentionnée aux points 39 et 40 du présent arrêt.

61

Dès lors, le régime de sanctions hongrois apparaît disproportionné, notamment dans des affaires telles que celles au principal.

62

À cet égard, il convient de relever qu’il est constant que, d’une part, dans l’affaire C‑497/15, le conducteur du véhicule concerné, en raison d’une erreur du système de navigation, a dépassé la sortie par laquelle il aurait dû quitter l’autoroute pour poursuivre son trajet sur une route de catégorie inférieure, pour laquelle il disposait d’une autorisation d’usage. Ce conducteur a donc parcouru environ 5 km sur cette autoroute sans avoir préalablement payé le péage, le tronçon en cause étant parallèle à la route de catégorie inférieure. Le montant dû au titre du trajet de 5 km effectué sur l’autoroute était inférieur à celui facturé pour l’utilisation du tronçon comparable de la route de catégorie inférieure. Ainsi que l’a constaté la juridiction de renvoi, Euro-Team n’a, par cette infraction, ni obtenu un avantage ni causé de préjudice financier au budget de l’État.

63

D’autre part, dans l’affaire C‑498/15, le conducteur du véhicule en cause, muni d’un titre lui donnant l’usage d’une infrastructure routière pour un itinéraire différent, s’est acquitté, de sa propre initiative, après avoir constaté son erreur et arrêté son véhicule sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, faute de pouvoir faire demi-tour, du montant du péage requis. En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que ce chauffeur a utilisé par erreur une autoroute pendant 20 minutes, en raison du fait qu’il avait omis de prendre la sortie prévue. Dans ce cas également, conformément aux constatations de la juridiction de renvoi, Spirál-Gép n’a ni obtenu un avantage ni causé de préjudice.

64

Dans ces conditions, premièrement, s’agissant de la condition selon laquelle la mesure répressive ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la législation en cause au principal, il convient de constater qu’il serait également possible, pour les autorités nationales compétentes, d’atteindre les objectifs visés par des mesures moins restrictives, étant donné que les infractions commises ne portaient pas atteinte aux objectifs poursuivis par la directive 1999/62, à savoir l’harmonisation des systèmes de prélèvement et l’institution de mécanismes équitables d’imputation des coûts d’infrastructure aux transporteurs, en vue de l’élimination des distorsions de concurrence entre les entreprises de transport des États membres.

65

Deuxièmement, s’agissant de la condition selon laquelle la mesure répressive ne doit pas être démesurée par rapport auxdits objectifs, il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C‑497/15 que le montant de l’amende infligée à Euro‑Team est plus de 500 fois supérieur au montant du péage non acquitté, lequel est inférieur au montant qui a été effectivement payé pour le tronçon comparable de la route no 5. Dans l’affaire C‑498/15, la juridiction de renvoi indique que ce montant est plus de 87 fois supérieur au montant du péage payé tardivement. Par conséquent, le niveau de la sanction apparaît, dans les affaires au principal, comme étant disproportionné par rapport à l’infraction commise.

66

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 9 bis de la directive 1999/62 doit être interprété en ce sens que l’exigence de proportionnalité, visée à celui-ci, ne s’oppose pas à un système de sanctions, tel que celui en cause au principal, qui instaure une responsabilité objective. En revanche, il doit être interprété comme s’opposant au niveau de la sanction prévu par ce système.

Sur les dépens

67

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 9 bis de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, telle que modifiée par la directive 2011/76/UE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2011, doit être interprété en ce sens que l’exigence de proportionnalité, visée à celui-ci, s’oppose à un système de sanctions, tel que celui en cause au principal, qui prévoit l’infliction d’une amende d’un montant forfaitaire pour toutes les infractions, quelles que soient leur nature et leur gravité, aux règles relatives à l’obligation de s’acquitter du paiement préalable du péage afférent à l’utilisation d’une infrastructure routière.

 

2)

L’article 9 bis de la directive 1999/62, telle que modifiée par la directive 2011/76, doit être interprété en ce sens que l’exigence de proportionnalité, visée à celui-ci, ne s’oppose pas à un système de sanctions, tel que celui en cause au principal, qui instaure une responsabilité objective. En revanche, il doit être interprété comme s’opposant au niveau de la sanction prévu par ce système.

 

Signatures


( 1 ) Langue de procédure : le hongrois.

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