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Document 62015CJ0337

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 4 avril 2017.
Médiateur européen contre Claire Staelen.
Pourvoi – Responsabilité non contractuelle de l’Union européenne – Traitement par le Médiateur européen d’une plainte relative à la gestion d’une liste d’aptitude issue d’un concours général – Violations de l’obligation de diligence – Notion de “violation suffisamment caractérisée” d’une règle de droit de l’Union – Dommage moral – Perte de confiance dans l’office du Médiateur européen.
Affaire C-337/15 P.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:256

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

4 avril 2017 ( *1 )

«Pourvoi — Responsabilité non contractuelle de l’Union européenne — Traitement par le Médiateur européen d’une plainte relative à la gestion d’une liste d’aptitude issue d’un concours général — Violations de l’obligation de diligence — Notion de “violation suffisamment caractérisée” d’une règle de droit de l’Union — Dommage moral — Perte de confiance dans l’office du Médiateur européen»

Dans l’affaire C‑337/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 6 juillet 2015,

Médiateur européen, représenté initialement par M. G. Grill, puis par MM. L. Papadias et P. Dyrberg, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Claire Staelen, demeurant à Bridel (Luxembourg), représentée par Me V. Olona, avocate,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. T. von Danwitz, J. L. da Cruz Vilaça et Mme A. Prechal (rapporteur), présidents de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, Mme C. Toader, MM. M. Safjan, E. Jarašiūnas, C. G. Fernlund, C. Vajda, S. Rodin et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 septembre 2016,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 octobre 2016,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, le Médiateur européen demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 avril 2015, Staelen/Médiateur (T‑217/11, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:238), par lequel celui-ci a partiellement accueilli le recours de Mme Claire Staelen visant à obtenir la réparation du préjudice qu’elle prétendait avoir subi à la suite du traitement, par le Médiateur, de sa plainte relative à une mauvaise gestion, par le Parlement européen, de la liste d’aptitude issue du concours général EUR/A/151/98 sur laquelle elle figurait comme lauréate (ci-après la « liste d’aptitude »).

Le cadre juridique

2

Le troisième considérant de la décision 94/262/CECA, CE, Euratom du Parlement européen, du 9 mars 1994, concernant le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du médiateur (JO 1994, L 113, p. 15), est libellé comme suit :

« considérant que le [M]édiateur, qui peut également agir de sa propre initiative, doit pouvoir disposer de tous les éléments nécessaires à l’exercice de ses fonctions ; que, à cet effet, les institutions et organes [de l’Union] sont tenus de fournir au [M]édiateur, à sa demande, les renseignements qu’il leur demande, [...] »

3

L’article 3 de la décision 94/262 dispose :

« 1.   Le [M]édiateur procède, de sa propre initiative ou à la suite d’une plainte, à toutes les enquêtes qu’il estime justifiées pour clarifier tout cas éventuel de mauvaise administration dans l’action des institutions et organes [de l’Union]. [...]

2.   Les institutions et organes [de l’Union] sont tenus de fournir au [M]édiateur les renseignements qu’il leur demande et lui donnent accès aux dossiers concernés. [...]

[...] »

4

Le considérant 2 de la décision 2008/587/CE, Euratom du Parlement européen, du 18 juin 2008, modifiant la décision 94/262 (JO 2008, L 189, p. 25), énonce :

« La confiance des citoyens dans la capacité du Médiateur à mener des enquêtes approfondies et impartiales dans les cas allégués de mauvaise administration est fondamentale pour que son action soit couronnée de succès. »

Les antécédents du litige

5

Le 14 novembre 2006, Mme Staelen a introduit une plainte auprès du Médiateur concernant la mauvaise administration dont le Parlement aurait fait preuve dans la gestion de la liste d’aptitude.

6

Au terme de son enquête (ci-après l’« enquête initiale »), le Médiateur a adopté, le 22 octobre 2007, une décision dans laquelle il a conclu à une absence de mauvaise administration de la part du Parlement (ci-après la « décision du 22 octobre 2007 »).

7

Le 29 juin 2010, le Médiateur a décidé d’ouvrir une enquête d’initiative afin de vérifier, une nouvelle fois, s’il n’y avait pas eu un cas de mauvaise administration dans le chef du Parlement (ci-après l’« enquête d’initiative »).

8

Le 31 mars 2011, le Médiateur a rendu une décision mettant un terme à l’enquête d’initiative et concluant de nouveau à l’absence de cas de mauvaise administration dans l’action du Parlement (ci-après la « décision du 31 mars 2011 »).

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

9

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 avril 2011, Mme Staelen a introduit un recours tendant à obtenir la condamnation du Médiateur à l’indemniser en raison des préjudices matériel et moral qu’elle estimait avoir subis du fait de divers manquements prétendument commis par le Médiateur dans le cadre des enquêtes initiale et d’initiative.

10

Statuant, aux points 75 à 161 de l’arrêt attaqué, sur une première série de griefs formulés par Mme Staelen et tenant au fait que le Médiateur n’aurait pas procédé, tant lors de l’enquête initiale qu’au cours de l’enquête d’initiative, à toutes les vérifications nécessaires pour déceler et clarifier les cas de mauvaise administration dénoncés dans sa plainte, le Tribunal s’est, dans un premier temps, livré, aux points 75 à 88 de cet arrêt, à un certain nombre d’« observations liminaires ».

11

Dans ce cadre, le Tribunal a, en substance, jugé, aux points 75 à 85 dudit arrêt, que, bien que le Médiateur dispose d’une large marge d’appréciation quant à l’appréciation du bien-fondé des plaintes qui lui sont adressées et aux suites à donner à celles-ci ainsi que quant aux instruments d’investigation à utiliser lors du traitement d’une plainte ou dans le cadre d’une enquête qu’il ouvre d’initiative, et qu’il ne lui incombe, dans ce contexte, aucune obligation de résultat, une telle marge d’appréciation ne dispense toutefois pas le Médiateur du respect du principe de diligence, entendu comme l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

12

À cet égard, le Tribunal a, aux points 85 à 87 de ce même arrêt, formulé les considérations suivantes :

« 85

[...] Il s’ensuit que, si le Médiateur peut décider librement d’entamer une enquête et que, s’il décide de le faire, il peut prendre toutes les mesures d’enquête qu’il estime justifiées, il doit néanmoins s’assurer que, à la suite de ces mesures d’enquête, il soit à même d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents afin de décider du bien-fondé d’une allégation relative à un cas de mauvaise administration et des suites éventuelles à donner à cette allégation [...]. Le respect du principe de diligence par le Médiateur dans l’exercice de ses compétences est d’autant plus important qu’il s’est précisément vu conférer, en vertu de l’article 228, paragraphe 1, TFUE et de l’article 3, paragraphe 1, de la décision 94/262, la tâche de déceler et de chercher à éliminer des cas de mauvaise administration dans l’intérêt général et dans l’intérêt du citoyen concerné.

86

Le Médiateur ne dispose dès lors pas de marge d’appréciation quant au respect, dans un cas concret, du principe de diligence. Par conséquent, une simple violation du principe de diligence suffit pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée au sens de la jurisprudence [...]

87

Il convient cependant également de souligner que toute irrégularité commise par le Médiateur ne constitue pas une violation du principe de diligence [...]. Seule une irrégularité commise par le Médiateur dans l’exercice de ses pouvoirs d’enquête ayant pour conséquence qu’il n’a pu examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents afin de décider du bien-fondé d’une allégation relative à un cas de mauvaise administration de la part d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union et des suites éventuelles à donner à cette allégation peut engager la responsabilité non contractuelle de l’Union en raison d’une violation du principe de diligence [...] »

13

Se penchant, dans un second temps, aux points 89 à 146 de l’arrêt attaqué, sur les divers comportements du Médiateur en relation avec la conduite de l’enquête initiale critiqués par Mme Staelen, le Tribunal a conclu son examen à cet égard en jugeant, aux points 141 à 146 dudit arrêt, que le Médiateur avait violé son devoir de diligence à trois reprises et que ces violations étaient suffisamment caractérisées pour engager la responsabilité de l’Union. Lesdites violations tenaient dans les faits, premièrement, d’avoir déformé le contenu d’un avis du Parlement, deuxièmement, d’avoir manqué à son obligation de diligence dans le cadre de l’instruction visant à déterminer si l’information relative à l’inscription du nom de Mme Staelen sur la liste d’aptitude avait été transmise par le Parlement aux autres institutions, organes et organismes de l’Union ainsi que, troisièmement, d’avoir également manqué à une telle obligation dans le cadre de son enquête destinée à vérifier si le Parlement avait communiqué cette même information à ses propres directions générales.

14

Statuant, ensuite, aux points 162 à 223 de l’arrêt attaqué, sur une deuxième série de griefs formulés par Mme Staelen quant à de prétendues erreurs manifestes d’appréciation commises par le Médiateur, le Tribunal a, aux points 205 et 223 dudit arrêt, conclu à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée, par le Médiateur, de son devoir de diligence, dans l’instruction du point de savoir si Mme Staelen avait été discriminée par rapport aux autres lauréats en raison de la durée de l’inscription de son nom sur la liste d’aptitude. Ladite violation suffisamment caractérisée tenait au fait, pour le Médiateur, d’avoir conclu, sur ce plan, à une absence de cas de mauvaise administration de la part du Parlement, en se fondant, à cet égard, sur une simple affirmation de ce dernier quant à la durée de l’inscription des autres lauréats sur la liste d’aptitude, sans avoir reçu d’éléments attestant de la date de recrutement desdits lauréats, affirmation s’étant ultérieurement révélée erronée.

15

S’agissant d’une troisième série de griefs notamment tirés d’une violation prétendue du principe du délai raisonnable, le Tribunal a encore jugé, au point 269 de l’arrêt attaqué, que le délai déraisonnable dans lequel le Médiateur avait répondu à deux courriers de Mme Staelen était constitutif d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

16

Examinant, enfin, les points de savoir s’il pouvait être conclu à l’existence d’un préjudice réparable et d’un lien de causalité entre ce préjudice et les divers manquements précédemment constatés, le Tribunal a notamment jugé, aux points 288 à 294 de l’arrêt attaqué, que tel était le cas en l’occurrence, s’agissant du préjudice moral encouru par Mme Staelen en raison, d’une part, d’une perte de confiance dans l’institution du Médiateur et, d’autre part, du sentiment de perte de temps et d’énergie générés par ces manquements.

17

En conclusion, ayant considéré que le Médiateur avait, dans le cadre des enquêtes initiale et d’initiative, d’une part, manqué, à quatre occasions, à son devoir de diligence et, d’autre part, répondu à deux courriers de Mme Staelen dans un délai déraisonnable, le Tribunal a partiellement fait droit au recours de Mme Staelen en condamnant le Médiateur à verser à celle-ci une somme de 7000 euros, en réparation du dommage moral encouru.

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

18

Par son pourvoi, le Médiateur demande à la Cour :

d’annuler l’arrêt attaqué, d’une part, en ce qu’il décide, premièrement, que le Médiateur a commis plusieurs illégalités qui constituent des violations suffisamment caractérisées du droit de l’Union, deuxièmement, que la réalité d’un préjudice moral a été établie et, troisièmement, qu’il y a un lien de causalité entre les illégalités identifiées par le Tribunal et ce préjudice moral ainsi que, d’autre part, en ce qu’il condamne le Médiateur à payer une indemnité de 7000 euros ;

dans la mesure où la Cour annule l’arrêt attaqué, à titre principal, de statuer elle-même sur la demande de Mme Staelen et de la rejeter comme non fondée ;

à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal dans la mesure où l’arrêt attaqué est annulé, et

de décider sur les dépens d’une manière juste et équitable.

19

Dans son mémoire en réponse, Mme Staelen demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi comme partiellement irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

de condamner le Médiateur à lui verser une indemnité de 50000 euros en réparation du préjudice moral encouru, et

de condamner le Médiateur à supporter l’entièreté des dépens relatifs au pourvoi et à la procédure de première instance.

20

Le 8 octobre 2015, Mme Staelen a formé un pourvoi incident contre l’arrêt attaqué. Ledit pourvoi incident a été rejeté par l’ordonnance de la Cour du 29 juin 2016, Médiateur/Staelen (C‑337/15 P, non publiée, EU:C:2016:670), adoptée sur le fondement de l’article 181 du règlement de procédure de celle-ci. Dans ladite ordonnance, la Cour a réservé à statuer sur le pourvoi principal ainsi que sur les dépens afférents au pourvoi incident.

Sur la recevabilité de la demande de Mme Staelen tendant à obtenir la condamnation du Médiateur à lui verser une somme de 50000 euros

21

Ainsi qu’il ressort du point 19 du présent arrêt, les conclusions du mémoire en réponse déposé par Mme Staelen tendent, d’une part, au rejet total du pourvoi du Médiateur,et, d’autre part, à ce que ce dernier soit condamné à lui verser un montant de 50000 euros au titre de la réparation du préjudice moral qu’il lui aurait occasionné.

22

Or, il convient de rappeler, à cet égard, que, aux termes de l’article 174 du règlement de procédure de la Cour, les conclusions d’un mémoire en réponse doivent tendre à l’accueil ou au rejet, total ou partiel, du pourvoi.

23

En conséquence, la demande de Mme Staelen visant à obtenir la condamnation du Médiateur à lui verser un montant de 50000 euros est irrecevable.

Sur le pourvoi

24

Le Médiateur invoque cinq moyens à l’appui de son pourvoi.

Sur le premier moyen

25

Par son premier moyen qui comporte quatre branches, le Médiateur reproche au Tribunal des erreurs de droit en ce qui concerne l’une des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, à savoir l’exigence d’une violation « suffisamment caractérisée » d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

Sur la première branche du premier moyen

– Argumentation des parties

26

Le Médiateur soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 86 de l’arrêt attaqué, qu’une simple violation, par le Médiateur, du principe de diligence, entendu comme l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents d’un cas d’espèce, suffit pour établir l’existence d’une violation « suffisamment caractérisée » d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers et, partant, d’une illégalité susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

27

Mme Staelen considère que le moyen est irrecevable en cette première branche, au motif que c’est au Tribunal et non à la Cour statuant sur pourvoi qu’il appartient d’apprécier les faits.

28

Quant au fond, elle considère que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit, la Cour ayant notamment précisé, au point 50 de l’arrêt du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts (C‑234/02 P, EU:C:2004:174), que, lorsque le Médiateur mène une enquête, il est astreint à une obligation de moyens, ce qui correspondrait précisément au respect du devoir de diligence à propos duquel le Médiateur ne disposerait ainsi d’aucune marge d’appréciation.

– Appréciation de la Cour

29

À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 20, paragraphe 2, sous d), TFUE, le droit de recourir au Médiateur en cas de mauvaise administration dans l’action des institutions, des organes ou des organismes de l’Union constitue un droit, notamment reconnu aux citoyens de l’Union, par ailleurs consacré à l’article 43 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

30

En vertu de l’article 228, paragraphe 1, TFUE, le Médiateur est habilité à recevoir, à instruire et à faire rapport au sujet de plaintes relatives à des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions, des organes ou des organismes de l’Union. Cette même disposition précise que, conformément à sa mission, le Médiateur procède aux enquêtes qu’il estime justifiées, soit de sa propre initiative, soit sur la base des plaintes qui lui ont été présentées, et que, dans les cas où il constate un cas de mauvaise administration, il saisit l’institution, l’organe ou l’organisme concerné, qui dispose d’un délai de trois mois pour lui faire tenir son avis, avant de transmettre, ensuite, un rapport au Parlement et à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné et d’informer la personne dont émane la plainte du résultat de ces enquêtes.

31

S’agissant de la possibilité, pour une personne ayant saisi le Médiateur d’une plainte, de mettre en cause la responsabilité de l’Union en raison de la manière dont ladite plainte a été traitée, la Cour a déjà indiqué qu’il convenait de se référer à sa jurisprudence constante selon laquelle un droit à réparation est reconnu dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit violée a pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par la personne lésée. Quant à la deuxième condition, la Cour a, dans ce même contexte, également rappelé que le critère décisif pour considérer qu’une violation du droit de l’Union est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe de l’Union concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (arrêt du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, EU:C:2004:174, point 49 et jurisprudence citée).

32

La Cour a également précisé, à ce dernier égard, que pour rechercher s’il s’est produit une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union en raison du comportement du Médiateur, il doit être tenu compte des spécificités de la fonction de ce dernier. Dans ce contexte, il convient de retenir que le Médiateur n’est tenu qu’à une obligation de moyens et qu’il bénéficie d’une marge d’appréciation étendue (arrêt du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, EU:C:2004:174, point 50).

33

La Cour a encore jugé que, bien que le Médiateur dispose d’une large marge d’appréciation quant au bien-fondé des plaintes ainsi qu’aux suites à donner à celles-ci et qu’il ne lui incombe, dans ce contexte, aucune obligation de résultat, et même si le contrôle du juge de l’Union doit, par conséquent, être limité, il ne saurait toutefois être exclu que, dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, une personne puisse démontrer que le Médiateur a commis une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union dans l’exercice de ses fonctions de nature à causer un préjudice au citoyen concerné (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, EU:C:2004:174, point 52).

34

Par ailleurs, il importe de rappeler que l’obligation de diligence qui est inhérente au principe de bonne administration et s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union dans ses relations avec le public exige de celle-ci qu’elle agisse avec soin et prudence [voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, points 92 et 93].

35

C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient de relever, en premier lieu, s’agissant de la recevabilité de la première branche du premier moyen, que, par celle-ci, le Médiateur critique non pas une appréciation des faits par le Tribunal, ainsi que le soutient Mme Staelen, mais bien une erreur de droit qu’aurait commise ladite juridiction en retenant une conception erronée de la notion de « violation suffisamment caractérisée » du droit de l’Union propre à engendrer une éventuelle responsabilité non contractuelle de celle-ci. Il s’ensuit que le moyen est recevable en cette première branche.

36

En second lieu, et quant au fond, il y a lieu de constater que, en jugeant, au point 86 de l’arrêt attaqué, qu’une simple violation du principe de diligence suffit pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée propre à générer une responsabilité de l’Union, au motif que le Médiateur ne dispose pas de marge d’appréciation quant au respect, dans un cas concret, dudit principe, le Tribunal a méconnu à divers titres les principes rappelés aux points 31 à 33 du présent arrêt.

37

En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour rappelée au point 31 du présent arrêt, seule une violation suffisamment caractérisée, et non toute violation quelconque, d’une règle de droit de l’Union protégeant les particuliers est susceptible de faire naître une responsabilité non contractuelle de l’Union. Par ailleurs, lorsqu’une institution ou un organe de l’Union se trouve investi d’un pouvoir d’appréciation, seule une méconnaissance manifeste et grave, par l’instance concernée, des limites qui s’imposent à ce pouvoir est susceptible de constituer une telle violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union.

38

Or, il en va également de la sorte en cas de violation de l’obligation de diligence par le Médiateur, laquelle n’est pas automatiquement de nature à constituer un comportement illicite propre à engendrer une responsabilité de l’Union, mais doit être appréciée, ainsi qu’il a été rappelé aux points 32 et 33 du présent arrêt, en tenant compte du fait que, dans l’exercice de sa fonction, le Médiateur n’est tenu qu’à une obligation de moyens et qu’il bénéficie d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne, premièrement, le bien-fondé des plaintes reçues et les suites à leur réserver, deuxièmement, la manière de conduire les enquêtes ouvertes et de mener les investigations et, troisièmement, l’analyse des données recueillies ainsi que les conclusions à tirer de cette analyse.

39

En affirmant, au point 86 de l’arrêt attaqué, que le Médiateur ne disposait d’aucune marge d’appréciation quant au respect, dans un cas concret, du principe de diligence, avant d’en déduire qu’une simple violation dudit principe suffisait dès lors pour établir le caractère suffisamment caractérisé de cette violation, le Tribunal a manifestement entendu se référer à la jurisprudence de la Cour, visée au point 71 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, lorsqu’une institution de l’Union ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de ce droit (voir, notamment, arrêt du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 54 et jurisprudence citée).

40

Or, le Tribunal ne pouvait ainsi décider que les conditions susceptibles d’entraîner la responsabilité non contractuelle de l’Union sur la base d’une violation de l’obligation de diligence étaient réunies sans prendre en considération ni le domaine, ni les conditions, ni le contexte dans lesquels ladite obligation pèse sur l’institution ou l’organe de l’Union concerné par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission, C‑363/88 et C‑364/88, EU:C:1992:44, point 24).

41

Pour conclure à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de diligence s’imposant au Médiateur, il est donc nécessaire d’établir que, en n’agissant pas avec tout le soin et toute la prudence requis, ce dernier a méconnu de manière grave et manifeste les limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation dans le contexte de l’exercice des pouvoirs d’enquête dont il dispose. Il s’impose, à cette fin, de tenir compte, tout en ayant égard audit contexte, de tous les éléments qui caractérisent la situation en cause, parmi lesquels figurent, notamment, le caractère manifeste du manque de diligence dont aurait fait preuve le Médiateur dans la conduite de son enquête (voir en ce sens, notamment, arrêts du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission, C‑363/88 et C‑364/88, EU:C:1992:44, point 22, ainsi que du 10 juillet 2003, Commission/Fresh Marine, C‑472/00 P, EU:C:2003:399, point 31), son caractère excusable ou inexcusable (voir en ce sens, notamment, arrêts du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission, C‑363/88 et C‑364/88, EU:C:1992:44, point 22, ainsi que du 4 juillet 2000, Haim, C‑424/97, EU:C:2000:357, points 42 et 43), ou encore le caractère non approprié et déraisonnable des conclusions tirées de l’examen mené par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, EU:C:1991:402, point 13).

42

Il importe encore de préciser que, ainsi que l’a fait valoir le Médiateur, la seule circonstance, mise en exergue par le Tribunal au point 85 de l’arrêt attaqué, que la mission du Médiateur consiste à déceler des cas de mauvaise administration dans le chef des autres institutions et organes de l’Union ne saurait davantage justifier la considération figurant au point 86 de cet arrêt.

43

À cet égard, il peut, certes, être attendu du Médiateur, au regard notamment de la mission dont il se trouve investi par le traité qu’il se montre, lui-même, particulièrement attentif à respecter l’obligation de diligence, en menant avec soin et prudence son enquête, dans le cadre de laquelle il n’est toutefois astreint qu’à une obligation de moyens. Il ne saurait néanmoins être inféré de ce qui précède que la moindre violation, par le Médiateur, de son obligation de diligence dans le cadre de l’exercice de telles missions d’enquête constituerait, ipso facto, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 31 et 32 du présent arrêt, une « violation suffisamment caractérisée » de ladite obligation.

44

Enfin, et ainsi que l’a observé à juste titre le Médiateur, la précision figurant au point 87 de l’arrêt attaqué, selon laquelle seule une irrégularité commise par celui-ci ayant pour conséquence qu’il n’a pu examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents afin de décider du bien-fondé d’une allégation relative à un cas de mauvaise administration, peut engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, n’affecte en aucune manière les considérations figurant au point 41 du présent arrêt. En effet, ladite précision a trait aux conséquences s’attachant, le cas échéant, à l’irrégularité relevée et non à la nature de l’action ou de l’omission concernée ni au caractère suffisamment caractérisé de la violation du droit de l’Union que traduit ladite irrégularité.

45

Il découle de ce qui précède que, en jugeant d’une manière générale, au point 86 de l’arrêt attaqué, qu’une « simple » violation du principe de diligence par le Médiateur était constitutive d’une « violation suffisamment caractérisée » d’une règle de droit de l’Union protégeant les particuliers susceptible d’engendrer une responsabilité non contractuelle de l’Union, le Tribunal a commis une erreur de droit.

46

Une telle erreur de droit ne saurait, toutefois, dans la présente affaire, conduire, à elle seule, à une annulation de l’arrêt attaqué. Pour déterminer si tel doit être le cas, il convient, en effet, de vérifier si, ainsi que le soutient le Médiateur, dans le cadre des deuxième à quatrième branches du premier moyen et du deuxième moyen, le Tribunal a, par la suite, concrètement fait application du principe erroné qu’il avait posé au point 86 de l’arrêt attaqué et si ladite erreur de droit a ainsi vicié les appréciations par lesquelles le Tribunal a qualifié les divers comportements concernés du Médiateur de « violations suffisamment caractérisées » de l’obligation de diligence.

Sur les deuxième à quatrième branches du premier moyen

– Argumentation des parties

47

Par les deuxième à quatrième branches de son premier moyen, le Médiateur fait valoir que, compte tenu de l’erreur de droit commise par le Tribunal au point 86 de l’arrêt attaqué, en jugeant, aux points 142 à 144 de ce même arrêt, que les trois violations de l’obligation de diligence en l’occurrence imputées au Médiateur sont « suffisamment caractérisées » pour pouvoir engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, ladite juridiction a commis autant d’erreurs de droit.

48

S’agissant de la deuxième branche du moyen, le Médiateur soutient que, en jugeant, au point 142 de l’arrêt attaqué, que ledit organe avait commis une telle violation suffisamment caractérisée en déformant, dans sa décision du 22 octobre 2007, le contenu d’un avis du Parlement, au seul motif que le Médiateur ne disposerait d’aucune marge d’appréciation lorsqu’il s’agit de rendre compte du contenu d’un document, le Tribunal a failli à son obligation de prendre en compte tous les éléments pertinents aux fins de se prononcer sur l’existence d’une telle violation.

49

À l’appui, ensuite, des troisième et quatrième branches de son premier moyen, respectivement dirigées contre les points 143 et 144 de l’arrêt attaqué, le Médiateur fait valoir que, en se bornant à affirmer que ses prétendus manquements au devoir de diligence dans ses investigations, lesquelles visaient à déterminer si le Parlement avait informé les autres institutions et ses propres directions générales de l’inscription du nom de Mme Staelen sur la liste d’aptitude, constituaient, au regard du principe posé par le Tribunal au point 86 de l’arrêt attaqué, des « violations suffisamment caractérisées » du droit de l’Union, cette juridiction a non pas établi, mais postulé l’existence de telles violations.

50

Par ailleurs, en jugeant, au point 143 de l’arrêt attaqué, que le Médiateur n’avait pas établi si l’information visée au point précédent du présent arrêt avait été transmise aux autres institutions de l’Union, le Tribunal se contredirait, dès lors qu’il aurait par ailleurs jugé, au point 105 de l’arrêt attaqué, que ces institutions disposaient de cette information au moins depuis le 14 mai 2007.

51

S’agissant du point 144 de l’arrêt attaqué afférent à la transmission de cette même information aux directions générales du Parlement, le Tribunal aurait, en outre, omis de tenir compte des spécificités de la fonction du Médiateur, en considérant que ce dernier est, au cours des vérifications auxquelles il procède, tenu d’obtenir et d’intégrer dans ses dossiers des preuves écrites en ce qui concerne chaque aspect de son enquête.

52

Selon Mme Staelen, il appartient au Tribunal d’apprécier les éléments de fait et de droit pour établir si un défaut de diligence est constitutif d’une faute et si elle constitue, en outre, une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, de telle sorte que le premier moyen du Médiateur est irrecevable en ses deuxième à quatrième branches. En tout état de cause, l’analyse du Tribunal contenue aux points 142 à 144 de l’arrêt attaqué ne serait entachée d’aucune erreur de droit.

– Appréciation de la Cour

53

En ce qui concerne la recevabilité du premier moyen, en ses deuxième à quatrième branches, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans les cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. En revanche, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer un contrôle sur la qualification juridique de ceux-ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, arrêt du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 31 et jurisprudence citée). Ainsi la Cour a-t-elle itérativement rappelé que la question de savoir si le Tribunal a pu, à bon droit, conclure desdits faits que les institutions de l’Union ont manqué à leur devoir de diligence constitue une question de droit soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 34 et jurisprudence citée). Il en va de même lorsqu’il s’agit de déterminer si un tel manquement doit, en outre, être qualifié de « violation suffisamment caractérisée » du droit de l’Union, de nature à pouvoir engendrer une responsabilité non contractuelle de celle-ci.

54

Or, contrairement à ce que soutient Mme Staelen, les deuxième à quatrième branches du premier moyen ne tendent pas à obtenir un réexamen d’appréciations factuelles effectuées par le Tribunal, mais visent, en substance, à contester les opérations de qualification juridique sur la base desquelles ladite juridiction a décidé que le Médiateur avait, en l’occurrence, commis des violations suffisamment caractérisées du droit de l’Union.

55

Il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité soulevée par Mme Staelen doit être écartée.

56

Quant au fond, et s’agissant de la deuxième branche du premier moyen, il y a lieu de relever que le Tribunal a jugé, au point 102 de l’arrêt attaqué, que, en ayant affirmé, au point 2.5 de la décision du 22 octobre 2007, que l’inspection menée avait confirmé ce que le Parlement avait déjà indiqué dans son avis, à savoir que la liste d’aptitude avait été mise à la disposition des autres institutions de l’Union, alors que ledit avis ne comportait pas de telle indication, le Médiateur avait, par manque de diligence, dénaturé le contenu du document concerné.

57

À cet égard, il convient de souligner que, si, certes, ainsi qu’il a été relevé au point 38 du présent arrêt, le Médiateur jouit, dans l’exercice de sa fonction, d’une large marge d’appréciation, notamment, en ce qui concerne les suites qu’il entend réserver aux plaintes qui lui parviennent et la manière de les instruire, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’il s’agit de rendre compte du contenu d’un document qui lui a été transmis, aux fins d’appuyer, comme en l’occurrence, les conclusions auxquelles il parvient dans le cadre d’une décision clôturant une enquête, il ne dispose que d’une marge d’appréciation réduite, voire inexistante. Par conséquent, c’est à juste titre, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 39 du présent arrêt, que le Tribunal a jugé, au point 142 de l’arrêt attaqué, que la dénaturation, par le Médiateur, du contenu de l’avis du Parlement du 20 mars 2007, était constitutive d’une violation suffisamment caractérisée, de nature à pouvoir engager la responsabilité de l’Union.

58

Eu égard à ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté en sa deuxième branche.

59

S’agissant des troisième et quatrième branches de ce moyen, il ressort des points 143 et 144 de l’arrêt attaqué que, aux fins de qualifier de « suffisamment caractérisées » les violations de l’obligation de diligence constatées aux points 109 et 140 de l’arrêt attaqué et tenant au caractère déficient de l’instruction menée par le Médiateur quant à la transmission de la liste d’aptitude, respectivement, aux autres institutions et aux directions générales du Parlement, le Tribunal s’est contenté de renvoyer aux considérations figurant au point 86 de l’arrêt attaqué.

60

L’erreur de droit commise par le Tribunal au point 86 de l’arrêt attaqué telle qu’identifiée dans le cadre de l’examen de la première branche du premier moyen a ainsi vicié l’appréciation par laquelle ladite juridiction a, aux points 143 et 144 de ce même arrêt, qualifié de violations suffisamment caractérisées pouvant engager la responsabilité non contractuelle de l’Union les défauts de diligence en l’occurrence imputés au Médiateur.

61

Dans ces conditions, les troisième et quatrième branches du moyen doivent être accueillies sans même qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments invoqués par le Médiateur au soutien de celles-ci.

62

Il découle de tout ce qui précède que le premier moyen doit être accueilli en ses première, troisième et quatrième branches, mais rejeté en sa deuxième branche.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

63

Par la première branche du deuxième moyen, le Médiateur soutient que, en jugeant, aux points 205 et 223 de l’arrêt attaqué, que ledit organe a méconnu le principe de diligence en se fiant à une explication du Parlement, alors que, dans son recours, Mme Staelen avait, en réalité, dénoncé une erreur manifeste d’appréciation du Médiateur, le Tribunal a statué ultra petita.

64

Par la deuxième branche de ce moyen, le Médiateur fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 204 de l’arrêt attaqué, que la circonstance qu’une explication donnée par une institution de l’Union au cours d’une enquête puisse paraître convaincante n’exempte pas le Médiateur de sa responsabilité de s’assurer que les faits sur lesquels repose cette explication sont avérés lorsque ladite explication constitue le seul fondement du constat d’absence de cas de mauvaise administration auquel procède le Médiateur.

65

Par la troisième branche du deuxième moyen, le Médiateur soutient que, même s’il fallait considérer qu’il a commis l’erreur que lui impute ainsi le Tribunal, il demeure que ladite juridiction n’a pas examiné le point de savoir si une telle erreur est constitutive d’une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union. En effet, au point 205 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait contenté de juger, à cet égard, que le manque de diligence qu’il avait identifié peut engager la responsabilité de l’Union.

66

S’agissant de la première branche du deuxième moyen, Mme Staelen fait valoir que, en concluant à l’existence d’un manquement du Médiateur à son devoir de diligence, le Tribunal n’a pas soulevé un grief non contenu dans la requête et qu’il était habilité, en tant que juge du fond, à requalifier les éléments de fait et de droit exposés dans celle-ci.

67

S’agissant des deuxième et troisième branches de ce moyen, Mme Staelen considère que si le Médiateur peut, certes, se fonder sur les informations données par une institution de l’Union à condition qu’il n’existe pas d’éléments de nature à mettre la fiabilité de celles-ci en doute, tel ne serait toutefois pas le cas en l’occurrence, dès lors que la vérification des affirmations de l’administration constitue précisément l’essence même de la mission du Médiateur.

Appréciation de la Cour

68

À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, au point 205 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que le Médiateur n’avait pas agi avec toute la diligence requise lorsqu’il a constaté une absence de cas de mauvaise administration de la part du Parlement en relation avec la durée d’inscription sur la liste d’aptitude dont Mme Staelen avait bénéficié, en se fiant, à cet égard, à une simple affirmation du Parlement quant au recrutement des 22 lauréats initiaux du concours général EUR/A/151/98, sans avoir reçu d’éléments attestant du moment de recrutement de chacun de ceux-ci, alors que cette affirmation s’est, par la suite, avérée erronée. À ce même point, le Tribunal a alors conclu, en renvoyant à cet égard aux points 84 à 86 de l’arrêt attaqué, que ce défaut de diligence pouvait engager la responsabilité de l’Union.

69

Au point 223 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a réaffirmé que ce manque de diligence avait eu pour conséquence que le Médiateur avait erronément considéré certains faits comme étant avérés et, partant, erronément conclu à une absence de cas de mauvaise administration de la part du Parlement.

70

S’agissant de la première branche du deuxième moyen, il est exact que, comme le relève le Médiateur et ainsi qu’il ressort d’ailleurs des points 162 et 197 de l’arrêt attaqué, Mme Staelen s’est prévalue, à l’appui de son recours devant le Tribunal, de ce que le Médiateur avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, dans la décision du 31 mars 2011, faisant suite à l’enquête d’initiative, que le Parlement ne l’avait pas discriminée par rapport aux autres lauréats du concours général EUR/A/151/98 en ce qui concerne la durée de validité de la liste d’aptitude.

71

Statuant sur ce moyen, le Tribunal a jugé, aux points 202 à 205 de l’arrêt attaqué, que le Médiateur avait en l’occurrence manqué à son obligation de diligence en s’abstenant à tort de vérifier le bien-fondé d’une affirmation du Parlement afférente aux durées de présence respectives, sur la liste d’aptitude, de Mme Staelen et des autres lauréats du concours en question. Or, ce faisant, le Tribunal a jugé, en substance, que le Médiateur avait, par manque de soin et de prudence, commis une erreur d’appréciation l’ayant mené à considérer erronément qu’il n’y avait pas lieu de constater un cas de mauvaise administration dans le chef du Parlement.

72

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, en requalifiant ainsi le moyen dont il se trouvait saisi, le Tribunal n’a pas dénaturé celui-ci ni, dès lors, statué ultra petita, de telle sorte que le deuxième moyen du pourvoi doit être écarté en sa première branche.

73

Par ailleurs, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la deuxième branche de ce moyen, il convient de relever, s’agissant de la troisième branche dudit moyen, que, en jugeant, au point 205 de l’arrêt attaqué, que le défaut de diligence en l’occurrence imputé au Médiateur revêtait le caractère d’une violation suffisamment caractérisée pouvant engager la responsabilité de l’Union, en se contentant, à cet égard, d’un simple renvoi aux développements figurant aux points 84 à 86 dudit arrêt, le Tribunal a commis une erreur de droit analogue à celles déjà relevées dans le cadre de l’examen des troisième et quatrième branches du premier moyen.

74

L’erreur de droit portant sur la notion de « violation suffisamment caractérisée » du droit de l’Union commise par le Tribunal au point 86 de l’arrêt attaqué, telle qu’identifiée, dans le cadre de l’examen de la première branche du premier moyen, au point 45 du présent arrêt, a, en effet, vicié l’appréciation par laquelle ladite juridiction a retenu une telle qualification au point 205 de l’arrêt attaqué.

75

Il découle des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être accueilli en sa troisième branche.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

76

Par son troisième moyen, le Médiateur soutient que, en jugeant, au point 269 de l’arrêt attaqué, que le non-respect, par cet organe, du délai raisonnable dans lequel Mme Staelen avait le droit de recevoir une réponse à ses courriers constitue une « violation suffisamment caractérisée » d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, et en considérant, de la sorte, que tout dépassement de ce délai raisonnable engage la responsabilité du Médiateur, le Tribunal a méconnu la distinction qu’il y a lieu d’opérer entre les caractères simple et « suffisamment caractérisé » d’une violation du droit de l’Union. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu son obligation de prendre en compte tous les éléments pertinents de nature à lui permettre de se prononcer sur cette question.

77

Mme Staelen conteste toute erreur de droit à cet égard.

Appréciation de la Cour

78

Après avoir considéré, au point 256 de l’arrêt attaqué, que le Médiateur avait, à deux reprises, manqué à son obligation de répondre à des courriers de Mme Staelen dans un délai raisonnable, le Tribunal s’est contenté, au point 269 de ce même arrêt, d’affirmer lapidairement que, en ayant ainsi méconnu le droit de Mme Staelen à obtenir une réponse dans un tel délai, le Médiateur avait commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers susceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle de l’Union.

79

Le Tribunal a ainsi assimilé toute violation du devoir d’agir dans un délai raisonnable à une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union.

80

Ce faisant, le Tribunal a méconnu la jurisprudence de la Cour évoquée aux points 31 à 33 du présent arrêt.

81

En outre, le Tribunal n’a aucunement motivé le caractère « suffisamment caractérisé » de la violation du droit de l’Union qu’il avait préalablement constatée.

82

Or, il convient de rappeler, à cet égard, que l’obligation de motiver les décisions de la Cour résulte de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut et de l’article 117 du règlement de procédure du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2007, Naipes Heraclio Fournier/OHMI, C‑311/05 P, non publié, EU:C:2007:572, point 51).

83

Il ressort, par ailleurs, d’une jurisprudence constante de la Cour que la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (voir, notamment, arrêt du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, EU:C:2011:21, point 59 et jurisprudence citée).

84

En l’occurrence, l’absence de toute motivation à l’appui de la qualification de « violation suffisamment caractérisée » retenue par le Tribunal au point 269 de l’arrêt attaqué place la Cour dans l’impossibilité d’apprécier si, ainsi que le soutient en substance le Médiateur par son troisième moyen, le Tribunal a ou non commis une erreur de droit en retenant une telle qualification.

85

Une telle absence de motivation, qui relève de la violation des formes substantielles et entrave ainsi le contrôle juridictionnel de la Cour, constitue un moyen d’ordre public qui peut être soulevé d’office par celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, EU:C:1997:73, point 24, ainsi que du 28 janvier 2016, Quimitécnica.com et de Mello/Commission, C‑415/14 P, non publié, EU:C:2016:58, point 57 et jurisprudence citée).

86

Dans ces conditions, le troisième moyen du Médiateur doit être accueilli.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

87

Le Médiateur soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant, au point 290 de l’arrêt attaqué, qui plus est sans aucune explication, de « préjudice moral » l’atteinte à la confiance d’une plaignante dans l’office du Médiateur engendrée par les erreurs commises par ce dernier.

88

Mme Staelen conteste l’existence de toute erreur de droit à cet égard.

Appréciation de la Cour

89

Il ressort du point 290 de l’arrêt attaqué que le préjudice moral dont le Tribunal a reconnu l’existence dans le chef de Mme Staelen tient, en l’occurrence, d’une part, à une perte de confiance de l’intéressée dans l’institution du Médiateur et, d’autre part, dans le sentiment ou la perception de celle-ci d’avoir perdu son temps ainsi que son énergie en relation avec la plainte dont elle a saisi ledit organe de l’Union.

90

Le quatrième moyen de pourvoi, qui critique l’arrêt attaqué en ce qui concerne la première composante de ce dommage moral, à savoir la perte de confiance dans l’institution du Médiateur, comporte deux branches. Le Médiateur fait, tout à la fois, grief au Tribunal d’avoir qualifié, à tort, ladite composante de « dommage moral » et d’avoir retenu cette qualification sans aucune explication.

91

S’agissant de la première branche du moyen, il y a lieu de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante de la Cour, le préjudice dont il est demandé réparation doit être réel et certain (voir, notamment, arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, point 27 ; du 14 mai 1998, Conseil/de Nil et Impens, C‑259/96 P, EU:C:1998:224, point 23, ainsi que du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, point 54 et jurisprudence citée).

92

Il est, certes, indéniable que, compte tenu de la mission dont se trouve investi le Médiateur, la confiance des citoyens de l’Union dans sa capacité à mener des enquêtes approfondies et impartiales dans les cas allégués de mauvaise administration est essentielle. Ainsi que le souligne le considérant 2 de la décision 2008/587, une telle confiance est, du reste, également fondamentale pour que l’action du Médiateur soit couronnée de succès.

93

Toutefois, il importe de relever, d’une part, que de telles considérations valent, dans une très large mesure, également pour toute institution, tout organe ou organisme de l’Union appelé à se prononcer sur une demande individuelle, qu’il s’agisse d’une plainte, comme en l’occurrence, ou d’un recours, voire, plus généralement, de toute demande à l’égard de laquelle lesdits institutions, organes ou organismes se trouvent tenus de réserver une suite.

94

D’autre part, la perte de confiance éventuelle dans l’office du Médiateur pouvant résulter de comportements qu’il adopte dans le cadre de ses enquêtes est susceptible d’affecter, indifféremment, l’ensemble des personnes qui disposent du droit de le saisir, à tout moment, d’une plainte.

95

Il en résulte que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant la perte de confiance dans l’institution du Médiateur alléguée par Mme Staelen de préjudice moral réparable. Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être accueilli en sa première branche, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur sa seconde branche.

Sur le cinquième moyen

96

Par son cinquième moyen, le Médiateur soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 292 et 293 de l’arrêt attaqué, que l’illégalité commise par ledit organe dans le cadre de son enquête d’initiative a été la cause déterminante du préjudice moral encouru par Mme Staelen et tenant à une perte de confiance de celle-ci dans l’office du Médiateur.

97

Eu égard à la conclusion tirée au point 95 du présent arrêt, il n’est plus nécessaire de se prononcer sur ce cinquième moyen.

Sur l’annulation partielle de l’arrêt attaqué

98

Les première, troisième et quatrième branches du premier moyen, la troisième branche du deuxième moyen et le troisième moyen ayant été déclarés fondés, il en résulte que quatre des cinq comportements illégaux imputés au Médiateur par le Tribunal dans l’arrêt attaqué n’ont été qualifiés, par ladite juridiction, de violations suffisamment caractérisées du droit de l’Union pouvant engendrer une responsabilité non contractuelle de l’Union qu’au prix, pour trois de ces comportements, d’erreurs de droit et, pour le quatrième, d’une absence de toute motivation. Par ailleurs, le quatrième moyen a été accueilli au motif que le Tribunal avait commis une erreur de droit en qualifiant de dommage moral réparable l’éventuelle perte de confiance de Mme Staelen dans l’office du Médiateur ayant résulté de la manière dont ce dernier s’était en l’occurrence acquitté de ses missions d’enquête.

99

Dans ces conditions, la décision du Tribunal de condamner le Médiateur à payer une indemnité à Mme Staelen se trouve privée de fondement juridique.

100

Il s’ensuit qu’il y a lieu d’annuler le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué.

101

En revanche, il n’y a pas lieu d’annuler le point 2 dudit dispositif par lequel le Tribunal a rejeté le recours de Mme Staelen pour le surplus, cette décision n’étant pas affectée par le fait que les premier à quatrième moyens du présent pourvoi sont partiellement fondés.

102

Enfin, eu égard à l’annulation partielle de l’arrêt attaqué, la décision du Tribunal sur les dépens et, partant, les points 3 et 4 du dispositif de l’arrêt attaqué doivent également être annulés.

Sur le recours devant le Tribunal

103

Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

104

En ce qui concerne, en premier lieu, les violations du devoir de diligence imputées au Médiateur, il y a lieu de rappeler qu’elles tiennent, tout d’abord, au fait d’avoir omis, dans le cadre de l’enquête initiale, d’instruire la question de savoir quand et comment l’inscription de Mme Staelen sur la liste d’aptitude avait été communiquée aux autres institutions, organes et organismes de l’Union.

105

S’agissant de cette violation, il y a lieu de constater que celle-ci revêt un caractère suffisamment caractérisé pour pouvoir engendrer une responsabilité non contractuelle de l’Union.

106

En effet, la réponse à la question de savoir quand et comment les institutions, organes et organismes de l’Union ont été informés de l’inscription de Mme Staelen sur la liste d’aptitude constituait l’un des éléments pertinents faisant partie de l’objet de l’enquête du Médiateur visant à déterminer si le Parlement, lors de son traitement du dossier de l’intéressée postérieurement à une telle inscription, s’était rendu responsable d’un cas de mauvaise administration. En outre, la vérification que ladite inscription avait bien été communiquée aux autres institutions, organes et organismes de l’Union et selon quels moyens constituait l’un des objets expressément déclarés de la décision d’inspection du Médiateur.

107

Cependant, le Médiateur s’est satisfait, sur ce plan, de la seule communication, par le Parlement, d’un document dit « pooling », datant du 14 mai 2007 et laissant apparaître qu’à cette date, seul un candidat aurait encore été inscrit sur la liste d’aptitude. Le Médiateur a ainsi déduit de ce document que Mme Staelen était la seule candidate dont le nom figurait encore sur ladite liste et que les autres institutions, organes et organismes de l’Union avaient dès lors, et compte tenu du caractère consultable dudit document, été en mesure d’avoir connaissance de cette information, à tout le moins à dater du 14 mai 2007.

108

Or, à supposer même que le Médiateur ait raisonnablement pu inférer du document en cause que l’inscription de Mme Staelen sur la liste d’aptitude était connue des autres institutions, organes et organismes de l’Union, à tout le moins à partir de la date dudit document, à savoir le 14 mai 2007, il n’en demeure pas moins que, ainsi que l’a admis le Médiateur dans son mémoire en défense, cela ne permettait pas de déterminer quand et comment ladite inscription, censée être intervenue dès le 17 mai 2005, a été communiquée par le Parlement auxdits institutions, organes et organismes.

109

Il en résulte que, en concluant, au point 2.5 de sa décision du 22 octobre 2007, que l’inscription de Mme Staelen sur la liste d’aptitude avait bien été communiquée par le Parlement aux autres institutions de l’Union en se référant, à cet égard, notamment, au résultat d’une inspection qui était manifestement déficiente sous l’angle considéré, le Médiateur a, par manque de soin et de prudence, commis une erreur d’appréciation inexcusable et méconnu de la sorte, de manière grave et manifeste, les limites s’imposant à son pouvoir d’appréciation dans le cadre de la conduite d’une enquête.

110

En ce qui concerne, ensuite, la violation du devoir de diligence imputée au Médiateur et tenant au fait, en substance, que celui-ci n’est pas parvenu à étayer l’appréciation contenue au point 2.4 de sa décision du 22 octobre 2007 autrement que par une supposition fondée sur des documents dont il n’a pu préciser ni la nature ni le contenu, il y a également lieu de considérer qu’elle revêt un caractère suffisamment caractérisé.

111

D’une part, en effet, l’enquête initiale et l’inspection menées par le Médiateur ont notamment porté sur le point de savoir si l’inscription du nom de Mme Staelen sur la liste d’aptitude avait été mise à la disposition de toutes les directions générales du Parlement. D’autre part, au point 2.4 de sa décision du 22 octobre 2007, le Médiateur a affirmé, à cet égard, que, au vu de l’inspection du dossier du Parlement, la candidature de Mme Staelen avait bien été mise à la disposition desdites directions générales.

112

Or, en ayant ainsi, à propos d’un aspect pertinent aux fins de déceler un éventuel cas de mauvaise administration et sur lequel avait concrètement porté son enquête initiale, formulé une telle affirmation dans la décision du 22 octobre 2007, clôturant ladite enquête, tout en demeurant en défaut soit d’avoir, dans ladite décision, fait référence, de manière plus précise, aux documents permettant d’étayer ladite affirmation, soit d’être en mesure d’étayer cette affirmation autrement que par la pure supposition, exprimée dans ses écritures devant le Tribunal, selon laquelle « [t]out [laissait] donc croire que [ses] représentants [...] avaient [...] vu, lors de l’inspection qu’ils effectuaient, des documents confirmant que le Parlement avait informé ses services du fait que le nom de la [r]equérante avait été ajouté à la liste [d’aptitude] », le Médiateur a commis, par manque de soin et de prudence, des erreurs inexcusables et méconnu de manière grave et manifeste les limites s’imposant à son pouvoir d’appréciation dans le cadre de la conduite d’une enquête.

113

Il convient de se pencher, enfin, sur la violation de l’obligation de diligence tenant au fait, pour le Médiateur, d’avoir conclu, dans sa décision du 31 mars 2011, clôturant l’enquête d’initiative, à une absence de cas de mauvaise administration de la part du Parlement en relation avec les durées respectives d’inscription de Mme Staelen, d’une part, et des autres lauréats du concours général EUR/A/151/98, d’autre part, sur la liste d’aptitude, en se contentant, quant à cet aspect de l’enquête, d’une explication donnée par le Parlement sans s’être assuré que les faits sur lesquels reposaient cette explication étaient avérés.

114

À cet égard, la Cour a déjà jugé que, lorsqu’une administration est appelée à mener une enquête, il lui incombe de mener celle-ci avec tous les soins possibles en vue de dissiper les doutes qui existent et clarifier la situation (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1986, Irish Grain Board, 254/85, EU:C:1986:422, point 16).

115

En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que le Médiateur a considéré, dans sa décision du 31 mars 2011, que la différence, alléguée par Mme Staelen, entre la durée de validité de son inscription sur la liste d’aptitude et celle dont avaient bénéficié les autres lauréats ne constituait pas un cas de mauvaise administration imputable au Parlement, le Médiateur ayant jugé convaincante l’explication que lui avait fournie ladite institution à cet égard, à savoir que ces autres lauréats avaient été recrutés dans les deux années suivant la publication de ladite liste, alors que le nom de Mme Staelen avait été inscrit sur celle-ci pendant un peu plus de deux années.

116

Or, il est également constant au vu dudit dossier que l’enquête d’initiative et l’inspection menées en l’occurrence par le Médiateur, lesquelles ont visé à établir si le comportement du Parlement avait été constitutif d’un cas de mauvaise administration, ont notamment porté sur le point précis de savoir si Mme Staelen avait été inscrite moins longtemps que les autres lauréats sur la liste d’aptitude.

117

Dans ces conditions, le Médiateur ne pouvait, sans commettre une erreur inexcusable et méconnaître de la sorte, de manière grave et manifeste, les limites de son pouvoir d’appréciation dans la conduite de ladite enquête, conclure, dans sa décision du 31 mars 2011, clôturant cette enquête, que tel n’avait pas été le cas et qu’il n’y avait dès lors pas eu de discrimination à l’endroit de Mme Staelen, en s’appuyant, à cet égard, exclusivement sur une simple explication donnée par l’institution concernée, sans même chercher à obtenir, en ayant recours aux moyens d’investigation dont il dispose en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la décision 94/262, des informations plus détaillées permettant de vérifier que les faits ainsi invoqués à sa propre décharge par ladite institution et sur lesquelles reposait cette explication étaient avérés.

118

S’agissant, en second lieu, de l’allégation de Mme Staelen relative à une violation de son droit à ce que ses demandes soient traitées dans un délai raisonnable, il y a, certes, lieu de relever que les délais de, respectivement, huit et cinq mois, dans lesquels le Médiateur a répondu, le 1er juillet 2008, à deux courriers que lui avait adressés Mme Staelen, le premier, en date du 19 octobre 2007, et le second, en date du 24 janvier 2008, peuvent, à première vue, apparaître particulièrement longs.

119

Toutefois, et même s’il est constant entre les parties que le Médiateur aurait dû apporter une réponse plus prompte aux deux courriers susmentionnés, il ne saurait être considéré, en l’occurrence, que, en répondant ainsi tardivement à ceux-ci, le Médiateur a, en l’occurrence, commis une « violation suffisamment caractérisée » d’une règle de droit de l’Union protégeant les particuliers, au sens de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 31 et 32 du présent arrêt.

120

À cet égard, il y a lieu de relever que le courrier de Mme Staelen du 19 octobre 2007 visait à communiquer au Médiateur un courrier du Parlement datant du 15 octobre 2007, ayant trait à l’expiration de la liste d’aptitude à compter du 31 août 2007. Quant au courrier du 24 janvier 2008, il avait pour objet d’interroger le Médiateur sur le point de savoir si, eu égard aux éléments ainsi contenus dans le courrier du 19 octobre 2007, il envisageait d’examiner une éventuelle réouverture de l’enquête initiale qu’il avait entre-temps clôturée par la décision du 22 octobre 2007.

121

Or, s’agissant du courrier du 19 octobre 2007, le grief adressé au Médiateur porte sur le fait, pour ce dernier, non pas d’avoir communiqué à Mme Staelen sa décision du 22 octobre 2007, clôturant son enquête initiale, en ne tenant, le cas échéant, pas compte des éléments figurant dans ledit courrier, mais simplement d’avoir tardé à répondre à ce courrier. Le Médiateur a d’ailleurs souligné, à cet égard, dans son mémoire en défense devant le Tribunal que ledit courrier ne lui était parvenu que le 22 octobre 2007, alors que sa décision de clôturer l’enquête initiale avait déjà été arrêtée.

122

Il découle notamment de ce qui précède que ni ce grief ni celui afférent au caractère tardif de la réponse ensuite apportée par le Médiateur au courrier du 24 janvier 2008 n’ont, en l’occurrence, trait à la manière dont le Médiateur a mené ses enquêtes initiale et d’initiative et conclu celles-ci.

123

Or, compte tenu, en particulier, de ce que le Médiateur venait, par sa décision du 22 octobre 2007, de clôturer une enquête s’étant étalée sur près d’une année, il ne saurait être considéré, d’une part, que, du simple fait de n’avoir pas, dans un premier temps, apporté de réponse au courrier lui ayant ainsi été transmis in extremis par Mme Staelen le 19 octobre 2007, avant d’être saisi, le 24 janvier 2008, par cette dernière, d’une demande l’interrogeant sur une réouverture éventuelle de l’enquête fondée sur l’élément figurant dans ledit courrier du 19 octobre 2007, le Médiateur aurait excédé de manière grave et manifeste les limites de la large marge d’appréciation, rappelée au point 33 du présent arrêt, dont il dispose quant au bien-fondé des plaintes dont il est saisi et aux suites à donner à celles-ci ou qu’il aurait, dans un tel contexte, méconnu un droit de Mme Staelen à ce que ses demandes soient prises en considération dans un délai raisonnable.

124

Il ne saurait, d’autre part, davantage être considéré, dans ce même contexte, que, en ayant, dans un second temps et une fois saisi d’une telle invitation à envisager la possibilité d’une réouverture de l’enquête venant ainsi d’être clôturée, seulement pris position sur ladite invitation dans un délai de cinq mois à dater de celle-ci, le Médiateur aurait excédé de manière grave et manifeste ces mêmes limites ou méconnu un droit de l’intéressée à ce que ses demandes soient prises en considération dans un délai raisonnable.

125

Il s’ensuit que le seul fait, pour le Médiateur, d’avoir répondu quelque peu tardivement aux deux courriers susmentionnés de Mme Staelen n’est pas de nature à pouvoir engendrer une responsabilité non contractuelle de l’Union.

126

Il découle de tout ce qui précède que, dans le cadre de la conduite de ses enquêtes initiale et d’initiative, le Médiateur a commis trois « violations suffisamment caractérisées » de son obligation de diligence au sens de la jurisprudence rappelée aux points 31 et 32 du présent arrêt, auxquelles s’ajoute celle relevée par le Tribunal, à juste titre, ainsi qu’il ressort de l’examen de la deuxième branche du premier moyen du pourvoi, en ce qui concerne la dénaturation, par le Médiateur, du contenu de l’avis du Parlement du 20 mars 2007, ce qui constitue un ensemble de violations caractérisées qui sont de nature à pouvoir engager la responsabilité de l’Union.

127

Dans ces conditions, il convient d’examiner, dans un second temps, si lesdites violations ont occasionné, à Mme Staelen, un dommage moral réel et certain, au sens de la jurisprudence rappelée au point 91 du présent arrêt, tout en s’assurant, à cet égard, que ce dommage est la conséquence directe de ces violations (voir en ce sens, notamment, arrêt du 28 juin 2007, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑331/05 P, EU:C:2007:390, point 23 et jurisprudence citée).

128

La Cour ayant accueilli, au point 95 du présent arrêt, la première branche du quatrième moyen du pourvoi, il doit, d’abord, être constaté, pour les motifs exposés aux points 92 à 94 de ce même arrêt, que Mme Staelen n’est pas fondée à se prévaloir d’un dommage moral réparable lié à une perte de confiance de celle-ci dans l’office du Médiateur du fait de telles violations.

129

Cela étant, Mme Staelen a également fait valoir l’existence d’un dommage moral tenant, en substance, et ainsi qu’il ressort de ses écritures devant le Tribunal, dans le sentiment d’« atteinte psychologique » qu’elle aurait éprouvé en raison de la manière dont a été traitée la plainte dont elle avait saisi le Médiateur.

130

Or, ni les excuses présentées par le Médiateur, ni la correction tardive de son erreur liée à la dénaturation du contenu de l’avis du Parlement, ni, enfin, l’enquête d’initiative n’ont, en l’occurrence, compensé le dommage moral ainsi causé.

131

Dans ces conditions, il y a lieu de décider que le dommage moral encouru par Mme Staelen sera adéquatement réparé par le versement, à l’intéressée, d’une indemnité fixée à 7000 euros.

Sur les dépens

132

L’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 138, paragraphe 3, dudit règlement prévoit que si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens, mais que, si cela apparaît justifié, au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supportera une fraction des dépens de l’autre partie.

133

En l’occurrence, bien que le pourvoi du Médiateur ait été accueilli et que l’arrêt attaqué ait, en conséquence, fait l’objet d’une annulation partielle, la Cour, statuant définitivement sur le recours de Mme Staelen, a partiellement accueilli celui-ci. Par ailleurs, le Médiateur a demandé à ce qu’il soit décidé de manière juste et équitable sur les dépens.

134

En conséquence, il convient de décider, au vu des circonstances de l’espèce, que, outre ses propres dépens, le Médiateur supportera, tant en ce qui concerne la procédure de première instance que le présent pourvoi, les dépens de Mme Staelen.

135

Par ailleurs, les dépens afférents au pourvoi incident introduit par Mme Staelen dans le cadre de la présente instance ayant, ainsi que le prévoit l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, été réservés dans l’ordonnance du 29 juin 2016, Médiateur/Staelen (C‑337/15 P, non publiée, EU:C:2016:670), il convient, conformément à ces mêmes dispositions, de statuer sur lesdits dépens dans le cadre du présent arrêt mettant fin à l’instance.

136

À cet égard, Mme Staelen ayant succombé en ses moyens dans le cadre dudit pourvoi incident et le Médiateur ayant conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens, il y a lieu, conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, de la condamner à supporter les dépens du Médiateur afférents au pourvoi incident ainsi que ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

 

1)

La demande formulée par Mme Claire Staelen dans son mémoire en réponse et visant à obtenir la condamnation du Médiateur européen à lui verser une indemnité de 50000 euros est irrecevable.

 

2)

Les points 1, 3 et 4 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 avril 2015, Staelen/Médiateur (T‑217/11, EU:T:2015:238), sont annulés.

 

3)

Le Médiateur européen est condamné à payer une indemnité de 7000 euros à Mme Claire Staelen.

 

4)

Mme Claire Staelen est condamnée à supporter ses propres dépens et ceux du Médiateur européen afférents au pourvoi incident, rejeté par l’ordonnance du 29 juin 2016, Médiateur/Staelen (C‑337/15 P, non publiée, EU:C:2016:670).

 

5)

Le Médiateur européen est condamné à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux de Mme Claire Staelen, afférents tant à la procédure de première instance qu’au pourvoi principal.

 

Lenaerts

Tizzano

Silva de Lapuerta

von Danwitz

Da Cruz Vilaça

Prechal

Bonichot

Arabadjiev

Toader

Safjan

Jarašiūnas

Fernlund

Vajda

Rodin

Biltgen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 avril 2017.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président

K. Lenaerts


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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