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Document 62011CJ0256

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 15 novembre 2011.
Murat Dereci et autres contre Bundesministerium für Inneres.
Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgerichtshof - Autriche.
Citoyenneté de l’Union - Droit de séjour des ressortissants d’États tiers membres de la famille de citoyens de l’Union - Refus fondé sur l’absence d’exercice du droit de libre circulation du citoyen - Éventuelle différence de traitement par rapport aux citoyens de l’Union ayant exercé le droit de libre circulation - Accord d’association CEE-Turquie - Article 13 de la décision nº 1/80 du conseil d’association - Article 41 du protocole additionnel - Clauses de ‘standstill’.
Affaire C-256/11.

Recueil de jurisprudence 2011 -00000

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:734

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 novembre 2011 (1)

«Citoyenneté de l’Union – Droit de séjour des ressortissants d’États tiers membres de la famille de citoyens de l’Union – Refus fondé sur l’absence d’exercice du droit de libre circulation du citoyen – Éventuelle différence de traitement par rapport aux citoyens de l’Union ayant exercé le droit de libre circulation – Accord d’association CEE-Turquie – Article 13 de la décision n° 1/80 du conseil d’association – Article 41 du protocole additionnel – Clauses de ‘standstill’»

Dans l’affaire C‑256/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 5 mai 2011, parvenue à la Cour le 25 mai 2011, dans les procédures

Murat Dereci,

Vishaka Heiml,

Alban Kokollari,

Izunna Emmanuel Maduike,

Dragica Stevic

contre

Bundesministerium für Inneres,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, J. Malenovský, U. Lõhmus, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu l’ordonnance du président de la Cour du 9 septembre 2011 décidant de soumettre la demande de décision préjudicielle à la procédure accélérée conformément aux articles 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 104 bis, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 septembre 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour M. M. Dereci, par Me H. Blum, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. G. Hesse, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement danois, par M. C. Vang, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et N. Graf Vitzthum, en qualité d’agents,

–        ’pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de Me P. McCann, BL,

–        pour le gouvernement grec, par Mme T. Papadopoulou, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. J. Langer, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. S. Hathaway et S. Ossowski, en qualité d’agents, assistés de M. K. Beal, barrister,

–        pour la Commission européenne, par Mmes D. Maidani et C. Tufvesson ainsi que par M. B.-R. Killmann, en qualité d’agents,

l’avocat général entendu,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions du droit de l’Union concernant la citoyenneté de l’Union, ainsi que de la décision n° 1/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association, créée par l’accord établissant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685) (ci-après, respectivement, la «décision nº 1/80» et l’«accord d’association»), et du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JO L 293, p. 1, ci-après le «protocole additionnel»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de litiges opposant M. Dereci, Mme Heiml, MM. Kokollari et Maduike ainsi que Mme Stevic au Bundesministerium für Inneres (ministère de l’Intérieur) au sujet du refus opposé par ce dernier aux demandes d’autorisation de séjour formées par ces requérants au principal, assorti, dans le cadre de quatre des procédures au principal, d’un ordre d’expulsion et de mesures d’éloignement du territoire autrichien.

 Le cadre juridique

 Le droit international

3        Sous l’intitulé «Droit au respect de la vie privée et familiale», l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), prévoit:

«1.      Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.      Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.»

 Le droit de l’Union

 L’accord d’association

4        Conformément à son article 2, paragraphe 1, l’accord d’association a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes, en tenant pleinement compte de la nécessité d’assurer le développement accéléré de l’économie de la Turquie et le relèvement du niveau de l’emploi et des conditions de vie du peuple turc. Aux termes de l’article 12 de l’accord d’association, «les Parties contractantes conviennent de s’inspirer des articles [39 CE], [40 CE] et [41 CE] pour réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre elles» et, aux termes de l’article 13 de cet accord, ces parties «conviennent de s’inspirer des articles [43 CE] à [46 CE] inclus et [48 CE] pour éliminer entre elles les restrictions à la liberté d’établissement».

 La décision n° 1/80

5        L’article 13 de la décision n° 1/80 énonce:

«Les États membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d’accès à l’emploi des travailleurs et des membres de leur famille qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l’emploi.»

 Le protocole additionnel

6        Selon son article 62, le protocole additionnel et ses annexes font partie intégrante de l’accord d’association.

7        L’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel prévoit:

«Les parties contractantes s’abstiennent d’introduire entre elles de nouvelles restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services.»

 La directive 2003/86/CE

8        L’article 1er de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO L 251, p. 12), énonce:

«Le but de la présente directive est de fixer les conditions dans lesquelles est exercé le droit au regroupement familial dont disposent les ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire des États membres.»

9        Selon l’article 3, paragraphe 3, de cette directive:

«La présente directive ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union.»

 La directive 2004/38/CE

10      Sous l’intitulé «Dispositions générales», le chapitre I de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34), comprend les articles 1 à 3.

11      L’article 1er de cette directive, intitulé «Objet», dispose:

«La présente directive concerne:

a)      les conditions d’exercice du droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres;

b)      le droit de séjour permanent, dans les États membres, des citoyens de l’Union et des membres de leur famille;

c)      les limitations aux droits prévus aux points a) et b) pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.»

12      Sous la rubrique «Définitions», l’article 2 de ladite directive énonce:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)      ‘citoyen de l’Union’: toute personne ayant la nationalité d’un État membre;

2)      ‘membre de la famille’:

a)      le conjoint;

b)      le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d’un État membre, si, conformément à la législation de l’État membre d’accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l’État membre d’accueil;

c)      les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt et un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b);

d)      les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b);

3)      ‘État membre d’accueil’: l’État membre dans lequel se rend un citoyen de l’Union en vue d’exercer son droit de circuler et de séjourner librement.»

13      L’article 3 de la directive 2004/38, intitulé «Bénéficiaires», dispose à son paragraphe 1:

«La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent.»

 Le droit national

14      La loi fédérale sur l’établissement et le séjour en Autriche (Bundesgesetz über die Niederlassung und den Aufenthalt in Österreich, BGBl. I, 100/2005, ci-après le «NAG»), réglemente l’établissement et le séjour en Autriche en faisant une distinction entre les droits tirés du droit de l’Union, d’une part, et ceux tirés du droit autrichien, d’autre part.

15      Sous l’intitulé «Conditions générales d’obtention d’un titre de séjour», l’article 11 du NAG dispose:

«[...]

(2)      Les titres de séjour ne peuvent être délivrés à un étranger que si

1.      le séjour de l’étranger ne contrevient pas à des intérêts publics;

2.      l’étranger prouve avoir un droit sur un logement jugé normal pour une famille de taille comparable;

3.      l’étranger a une couverture d’assurance maladie tous risques jouant également en Autriche;

4.      le séjour de l’étranger n’est pas susceptible d’entraîner de charge financière pour les pouvoirs publics en Autriche;

[...]

(3)      Le titre de séjour peut néanmoins être délivré en dépit d’un motif de refus tiré du paragraphe 1, points 3, 5 ou 6, ou si une condition visée au paragraphe 2, points 1 à 6, n’est pas remplie, si le respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la [CEDH] l’exige. La vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la [CEDH] s’apprécie en considérant en particulier:

1.      la nature et la durée du séjour accompli jusque-là et la question de l’irrégularité ou non du séjour accompli jusque-là par le ressortissant du pays tiers;

2.      l’existence effective d’une vie familiale;

3.      si la vie privée mérite protection;

4.      le degré d’intégration;

5.      les attaches du ressortissant du pays tiers avec son propre pays;

6.      l’absence de condamnation pénale;

7.      les atteintes à l’ordre public, en particulier en matière de droit d’asile, de police des étrangers et de l’immigration;

8.      la question de savoir si la vie privée et familiale du ressortissant du pays tiers a débuté à un moment où les intéressés étaient conscients du statut incertain de leur séjour.

(4)      Le séjour d’un étranger contrevient à l’intérêt public (paragraphe 2, point 1) lorsque

1.      son séjour compromettrait l’ordre public ou la sécurité publique

[...]

(5)      Le séjour d’un étranger n’entraîne pas de charge financière pour les pouvoirs publics en Autriche (paragraphe 2, point 4) lorsque l’étranger a des revenus fixes et réguliers propres qui lui permettent de vivre sans solliciter de prestations d’aide sociale des pouvoirs publics correspondant dans leur montant aux barèmes fixés à l’article 293 de la loi portant régime général des assurances sociales [Allgemeines Sozialversicherungsgesetz] [...]»

16      L’article 21 du NAG, intitulé «Procédure applicable aux premières demandes», énonce:

«(1)      Les premières demandes doivent être introduites à l’étranger, avant l’entrée sur le territoire fédéral, auprès des services diplomatiques compétents locaux. Le demandeur est tenu de demeurer à l’étranger le temps qu’il soit statué sur sa demande.

(2)      Par dérogation au paragraphe 1, sont autorisés à introduire leur demande en Autriche:

1.      les membres de la famille d’autrichiens, de citoyens EEE et de citoyens suisses, résidant durablement en Autriche et qui n’ont pas exercé le droit de séjour de plus de trois mois que leur confère le droit communautaire ou l’accord [entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999 (JO 2002, L 114, p. 6)], après une entrée régulière et durant leur séjour régulier;

[...]

(3)      Par dérogation au paragraphe 1, les autorités peuvent admettre, sur demande motivée, que la demande soit introduite en Autriche en l’absence de motifs de refus visés à l’article 11, paragraphe 1, points 1, 2 ou 4, et qu’il est établi que l’étranger est dans l’impossibilité de quitter le territoire fédéral pour introduire sa demande ou que l’on ne peut raisonnablement pas l’exiger de lui:

[...]

2.      pour respecter la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la CEDH (article 11, paragraphe 3).

[...]

(6)      La demande introduite en Autriche au titre du paragraphe 2, points 1 et 4 à 6, du paragraphe 3 et du paragraphe 5 ne confère aucun droit de rester en Autriche au-delà du séjour autorisé sans visa ou avec visa. Elle ne fait pas davantage obstacle à l’adoption et à l’exécution de mesures de police des étrangers et ne peut dès lors avoir aucun effet suspensif dans les procédures de police des étrangers.»

17      L’article 47 du NAG dispose:

«(1)      Les personnes aspirant au regroupement familial au sens des paragraphes 2 à 4 sont les autrichiens ou les citoyens EEE ou suisses résidant durablement en Autriche et qui n’ont pas exercé le droit de séjour de plus de trois mois que leur confère le droit communautaire ou l’accord [mentionné à l’article 21, paragraphe 2].

(2)      Les ressortissants de pays tiers qui sont membres de la famille d’une personne aspirant au regroupement familial, au sens du paragraphe 1, se verront délivrer un titre de séjour ‘membres de la famille au sens strict’ s’ils remplissent les conditions de la partie 1. Si les conditions de la partie 1 sont remplies, ce titre de séjour sera renouvelé une première fois après douze mois et ensuite tous les 24 mois.

(3)      Les autres membres de la famille d’une personne aspirant au regroupement familial au sens du paragraphe 1 peuvent se voir délivrer sur demande une ‘autorisation d’établissement – autres membres de la famille’ hors contingent si les conditions de la partie 1 sont remplies et

1.      sont parents de la personne aspirant au regroupement familial, de son conjoint ou de son partenaire enregistré, en ligne ascendante directe pour autant que des aliments leur soient effectivement versés par ceux-ci;

2.      sont partenaires, prouvant l’existence d’une relation durable dans le pays d’origine et se voient verser effectivement des aliments; ou

3.      sont des autres membres de la famille,

a)      qui ont déjà reçu dans le pays d’origine des aliments de la personne aspirant au regroupement familial;

b)      qui ont déjà vécu dans le pays d’origine sous le même toit que la personne aspirant au regroupement familial ou

c)      qui souffrent de graves problèmes de santé qui imposent impérativement à la personne aspirant au regroupement familial de s’en occuper personnellement.

[...]»

18      Le NAG ne considère comme «membres de la famille au sens strict» que les conjoints, les partenaires enregistrés et les enfants célibataires mineurs, les conjoints et les partenaires enregistrés devant en outre avoir tous les deux 21 ans au jour de l’introduction de la demande. Les autres membres de la famille, en particulier les parents et les enfants majeurs, sont considérés comme d’«autres membres de la famille».

19      Selon l’article 57 du NAG, les ressortissants d’États tiers, membres de la famille d’un citoyen autrichien, reçoivent le statut accordé aux membres de la famille d’un citoyen d’un État membre autre que la République d’Autriche lorsque ce citoyen autrichien a exercé dans un tel État membre ou en Suisse un droit de séjour de plus de trois mois et qu’il est revenu en Autriche au terme dudit séjour. En dehors de ce cas de figure, lesdits ressortissants doivent remplir les mêmes conditions que celles imposées aux autres ressortissants d’États tiers immigrés en Autriche, à savoir les conditions prévues à l’article 47 du NAG.

20      Le NAG a abrogé, au 1er janvier 2006, la loi fédérale sur l’entrée, le séjour et l’établissement d’étrangers (Bundesgesetz über die Einreise, den Aufenthalt und die Niederlassung von Fremden, BGBl. I, 75/1997, ci-après la «loi de 1997»). Selon l’article 49 de la loi de 1997:

«(1)      Les membres de la famille de ressortissants autrichiens conformément à l’article 47, paragraphe 3, qui sont ressortissants d’un pays tiers, jouissent de la liberté d’établissement; ils relèvent, sauf mention contraire ci-dessous, des dispositions applicables aux ressortissants de pays tiers bénéficiant d’un régime de faveur conformément à la section 1. Ces étrangers peuvent introduire en Autriche une demande d’obtention d’une autorisation de premier établissement. La durée de validité des autorisations d’établissement qui leur sont délivrées les deux premières fois est d’une année chacune.

(2)      Il convient de délivrer à ces ressortissants de pays tiers, sur demande, une autorisation d’établissement pour une durée illimitée, si les conditions pour la délivrance d’un titre de séjour (article 8, paragraphe 1) sont remplies et si les étrangers

1.      sont mariés depuis deux ans au moins à un citoyen autrichien et partagent avec lui le même toit sur le territoire fédéral;

[...]»

21      La loi de 1997 avait également abrogé la loi sur le séjour (Aufenthaltsgesetz, BGBl. 466/1992) et la loi sur les étrangers (Fremdengesetz, BGBl. 838/1992), lesquelles étaient en vigueur au moment de l’adhésion de la République d’Autriche à l’Union européenne le 1er janvier 1995.

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

22      Il ressort de la décision de renvoi que les requérants au principal sont tous des ressortissants d’États tiers qui désirent vivre avec des membres de leur famille, citoyens de l’Union, résidant en Autriche, État membre dont ces derniers ont la nationalité. Il y a également lieu de préciser que les citoyens de l’Union concernés n’ont jamais fait usage de leur droit de libre circulation et qu’ils ne dépendent pas des requérants au principal pour leur subsistance.

23      En revanche, il y a lieu de relever que les faits au principal présentent des différences s’agissant notamment du caractère légal ou illégal de l’entrée sur le territoire autrichien des requérants au principal, du lieu de résidence actuel de ces derniers ainsi que de la nature du lien familial existant avec le citoyen de l’Union concerné et de l’existence d’une dépendance économique à l’égard de ce dernier.

24      Ainsi, M. Dereci, ressortissant turc, est entré illégalement en Autriche, s’est marié avec une ressortissante autrichienne dont il a eu trois enfants qui possèdent la nationalité autrichienne et qui sont actuellement mineurs. M. Dereci réside actuellement avec sa famille en Autriche. M. Maduike, ressortissant nigérian, est également entré illégalement en Autriche et s’est marié avec une ressortissante autrichienne avec laquelle il réside actuellement dans cet État membre.

25      Mme Heiml, ressortissante sri lankaise, s’est en revanche mariée avec un ressortissant autrichien avant d’entrer légalement en Autriche où elle réside actuellement avec son mari, même si son autorisation de séjour a désormais expiré.

26      Quant à M. Kokollari, entré légalement en Autriche à l’âge de 2 ans avec ses parents qui avaient la nationalité yougoslave, il est âgé de 29 ans et affirme être à la charge de sa mère, devenue ressortissante autrichienne. Il réside actuellement en Autriche. Mme Stevic, ressortissante serbe, est âgée de 52 ans et demande le regroupement familial avec son père, qui réside en Autriche depuis de longues années et qui a obtenu la nationalité autrichienne au cours de l’année 2007. Elle aurait reçu régulièrement une aide mensuelle de son père et soutient que ce dernier veillera à sa subsistance lors de son séjour en Autriche. Mme Stevic réside actuellement en Serbie, de même que son mari et ses trois enfants majeurs.

27      Tous les requérants au principal ont vu leur demande de séjour en Autriche rejetée. Mme Heiml ainsi que MM. Dereci, Kokollari et Maduike ont en outre fait l’objet d’ordres d’expulsion et de mesures d’éloignement du territoire autrichien.

28      Les décisions de refus du Bundesministerium für Inneres sont fondées, notamment, sur une ou plusieurs des raisons suivantes, à savoir l’existence de vices de forme entachant la demande, le manquement à l’obligation de demeurer en dehors du territoire autrichien le temps qu’il soit statué sur cette demande en raison soit d’une entrée irrégulière sur le territoire autrichien, soit d’une entrée régulière suivie d’un séjour prolongé au-delà du séjour initial autorisé, l’absence de ressources suffisantes ou encore l’atteinte à l’ordre public.

29      Dans toutes les affaires au principal, le Bundesministerium für Inneres a refusé d’appliquer aux requérants au principal un régime analogue à celui prévu par la directive 2004/38 pour les membres de la famille d’un citoyen de l’Union, en raison du fait que le citoyen concerné n’avait pas fait usage de son droit de libre circulation. De même, ladite autorité a refusé d’accorder à ces requérants un droit de séjour au titre de l’article 8 de la CEDH, au motif, notamment, que le statut du séjour de ces derniers en Autriche devait être considéré comme étant incertain dès le début de leur vie privée et familiale.

30      La juridiction de renvoi est saisie du rejet des appels formés par les requérants au principal à l’encontre des décisions du Bundesministerium für Inneres. Selon cette juridiction, il y a lieu de se demander si les indications données par la Cour dans l’arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, non encore publié au Recueil), sont applicables à une ou à plusieurs des affaires au principal.

31      À cet égard, la juridiction de renvoi relève que, à l’instar de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ruiz Zambrano, précité, les ressortissants d’États tiers et les membres de leur famille, citoyens de l’Union qui possèdent la nationalité autrichienne et n’ont pas fait usage de leur droit de libre circulation, veulent avant tout vivre ensemble.

32      Cependant, contrairement à l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, les citoyens de l’Union concernés ne sont pas soumis au risque de se voir privés des moyens de subsistance.

33      La juridiction de renvoi se demande donc si le refus du Bundesministerium für Inneres d’accorder un droit de séjour aux requérants au principal doit être interprété comme entraînant, pour les membres de leur famille, citoyens de l’Union, une privation de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union.

34      En cas de réponse négative à une telle question, la juridiction de renvoi relève que M. Dereci aspire à séjourner en Autriche non seulement pour vivre avec les membres de sa famille, mais aussi en vue d’exercer une activité salariée ou non salariée. Dans la mesure où les dispositions de la loi de 1997 étaient plus favorables que celles du NAG, la juridiction de renvoi se demande si l’article 13 de la décision n° 1/80 et l’article 41 du protocole additionnel doivent être interprétés en ce sens que, dans une situation telle que celle de M. Dereci, les dispositions plus favorables de cette loi lui sont applicables.

35      C’est dans ce contexte que le Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      a)      Faut-il interpréter l’article 20 TFUE en ce sens qu’il empêche un État membre de refuser à un ressortissant d’un pays tiers, dont le conjoint et les enfants mineurs sont citoyens de l’Union, le séjour dans l’État membre de résidence du conjoint et des enfants, dont ils possèdent la nationalité, même si ces citoyens de l’Union ne dépendent pas du ressortissant du pays tiers pour leur subsistance (affaire Dereci)?

b)      Faut-il interpréter l’article 20 TFUE en ce sens qu’il empêche un État membre de refuser à un ressortissant d’un pays tiers, dont le conjoint est citoyen de l’Union, le séjour dans l’État membre de résidence du conjoint, dont celui-ci possède la nationalité, même si ce citoyen de l’Union ne dépend pas du ressortissant du pays tiers pour sa subsistance (affaires Heiml et Maduike)?

c)      Faut-il interpréter l’article 20 TFUE en ce sens qu’il empêche un État membre de refuser à un ressortissant majeur d’un pays tiers, dont la mère est citoyenne de l’Union, le séjour dans l’État membre de résidence de la mère, dont elle possède la nationalité, même si ce n’est pas la citoyenne de l’Union qui dépend du ressortissant du pays tiers pour sa subsistance mais le ressortissant du pays tiers qui dépend de la citoyenne de l’Union pour sa subsistance (affaire Kokollari)?

d)      Faut-il interpréter l’article 20 TFUE en ce sens qu’il empêche un État membre de refuser à un ressortissant majeur d’un pays tiers, dont le père est citoyen de l’Union, le séjour dans l’État membre de résidence du père, dont il possède la nationalité, même si le citoyen de l’Union ne dépend pas du ressortissant du pays tiers pour sa subsistance mais que le ressortissant du pays tiers reçoit des aliments du citoyen de l’Union (affaire Stevic)?

2)      Si l’une des questions [contenues dans la première question] appelle une réponse affirmative:

L’obligation des États membres d’accorder le séjour au ressortissant d’un pays tiers au titre de l’article 20 TFUE donne-t-elle lieu à un droit de séjour découlant directement du droit de l’Union ou suffit-il que l’État membre reconnaisse au ressortissant du pays tiers le droit de séjour dans un acte constitutif?

3)      a)      Si, aux termes de la réponse à la deuxième question, le droit de séjour existe au titre du droit de l’Union:

Dans quelles conditions le droit de séjour au titre du droit de l’Union n’existe-t-il exceptionnellement pas ou dans quelles conditions le ressortissant d’un pays tiers peut-il être privé de son droit de séjour?

b)      Si, aux termes de la réponse à la deuxième question, il devait être suffisant que le ressortissant du pays tiers se voie reconnaître le droit de séjour dans un acte constitutif:

Dans quelles conditions le droit de séjour peut-il être refusé au ressortissant d’un pays tiers en dépit de l’obligation que l’État membre a en principe de permettre le séjour?

4)      Au cas où l’article 20 TFUE n’empêche pas de refuser le séjour dans l’État membre au ressortissant se trouvant dans la situation de M. Dereci:

L’article 13 de la décision n° 1/80 [...] ou l’article 41 du protocole additionnel [...], qui, conformément à son article 62, fait partie intégrante de l’accord [d’association], empêchent-ils, dans un cas comme celui de M. Dereci, de soumettre la première entrée de ressortissants turcs à des règles internes plus strictes que celles qui régissaient auparavant la première entrée de ressortissants turcs bien que ces dernières, qui avaient assoupli le régime de la première entrée, ne soient entrées en vigueur qu’après que les dispositions [susmentionnées] relatives à l’association avec la Turquie ont reçu effet dans l’État membre?»

36      Par ordonnance du président de la Cour du 9 septembre 2011, la présente demande de décision préjudicielle a été soumise à la procédure accélérée prévue aux articles 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 104 bis, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

37      La première question doit être comprise comme visant à savoir, en substance, si le droit de l’Union, et notamment ses dispositions concernant la citoyenneté de l’Union, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un État tiers le séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant vise à résider avec un membre de sa famille, qui est citoyen de l’Union, demeurant dans cet État membre dont il possède la nationalité, qui n’a jamais fait usage de son droit de libre circulation et qui ne dépend pas dudit ressortissant pour sa subsistance.

 Observations soumises à la Cour

38      Les gouvernements autrichien, danois, allemand, irlandais, néerlandais, polonais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission européenne considèrent que les dispositions du droit de l’Union concernant la citoyenneté de l’Union ne s’opposent pas à ce qu’un État membre refuse un droit de séjour à un ressortissant d’un État tiers dans des situations telles que celles au principal.

39      Selon ces gouvernements et cette institution, d’une part, la directive 2004/38 ne s’applique pas aux litiges au principal, étant donné que les citoyens de l’Union concernés n’ont pas fait usage de leur droit de libre circulation et, d’autre part, les dispositions du traité FUE concernant la citoyenneté de l’Union ne s’appliquent pas non plus dans la mesure où il s’agit de situations purement internes sans éléments de rattachement au droit de l’Union.

40      En substance, lesdits gouvernements et ladite institution considèrent que les principes dégagés dans l’arrêt Ruiz Zambrano, précité, visent des situations tout à fait exceptionnelles dans lesquelles l’application d’une mesure nationale aboutirait à la privation de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union. En l’occurrence, les faits à l’origine des litiges au principal différeraient substantiellement de ceux ayant donné lieu audit arrêt, dans la mesure où les citoyens de l’Union concernés ne risqueraient pas de devoir quitter le territoire de l’Union et donc de se voir priver de la jouissance effective des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union. De même, selon la Commission, il n’existe pas d’avantage d’entrave à l’exercice du droit conféré aux citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

41      En revanche, M. Dereci considère que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un État tiers le séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant vise à résider avec son épouse et ses trois enfants qui sont des citoyens de l’Union demeurant dans cet État membre dont ils possèdent la nationalité.

42      Selon M. Dereci, la question de savoir s’il existe ou non une situation transfrontalière est dénuée de pertinence. À cet égard, l’article 20 TFUE devrait être interprété en ce sens que l’élément à prendre en considération est celui de savoir si le citoyen de l’Union se voit refuser la jouissance de l’essentiel de droits découlant de son statut. Tel serait le cas des enfants de M. Dereci, dans la mesure où ils dépendraient de lui pour leur entretien, l’effectivité de cet entretien étant susceptible d’être compromise s’il devait être expulsé du territoire autrichien.

43      Enfin, le gouvernement grec considère que l’évolution de la jurisprudence de la Cour impose l’obligation de s’inspirer par analogie des dispositions du droit de l’Union, notamment celles de la directive 2004/38, et donc d’accorder le séjour des requérants au principal, si les conditions suivantes sont remplies, à savoir, premièrement, que la situation des citoyens de l’Union n’ayant pas fait usage de leur droit de libre circulation soit analogue à celle de ceux ayant fait usage d’un tel droit, ce qui signifierait en l’espèce que le ressortissant national et les membres de sa famille doivent remplir les conditions prévues par cette directive, deuxièmement, que les mesures nationales impliquent une atteinte substantielle au droit de circuler et de séjourner librement et, troisièmement, que le droit national ne fournisse pas une protection au moins équivalente à l’intéressé.

 Réponse de la Cour

–       Sur l’applicabilité des directives 2003/86 et 2004/38

44      À titre liminaire, il convient de relever que les requérants au principal sont des ressortissants d’États tiers qui demandent un droit de séjour dans un État membre afin de résider avec des membres de leur famille, citoyens de l’Union qui n’ont pas fait usage de leur droit de libre circulation sur le territoire des États membres.

45      Pour répondre à la première question, telle que reformulée par la Cour, il y a lieu d’analyser au préalable si les directives 2003/86 et 2004/38 sont applicables aux requérants au principal.

46      S’agissant, en premier lieu, de la directive 2003/86, il convient de constater que, aux termes de son article 1er, son but est de fixer les conditions dans lesquelles est exercé le droit au regroupement familial dont disposent les ressortissants d’États tiers résidant légalement sur le territoire des États membres.

47      Toutefois, selon l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/86, celle-ci ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union.

48      Dans la mesure où, dans le cadre des litiges au principal, ce sont les citoyens de l’Union qui résident dans un État membre et des membres de leur famille ressortissants d’États tiers qui envisagent l’entrée et le séjour dans cet État membre afin de maintenir l’unité familiale avec lesdits citoyens, il y a lieu de constater que la directive 2003/86 n’est pas applicable aux requérants au principal.

49      Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a relevé à bon droit, si la proposition de directive du Conseil relative au droit au regroupement familial [(2000/C 116 E/15), COM(1999) 638 final – 1999/0258(CNS)], présentée par la Commission le 11 janvier 2000 (JO C 116 E, p. 66), incluait dans son champ d’application les citoyens de l’Union qui n’ont pas exercé leur droit de libre circulation, une telle inclusion a toutefois été supprimée lors du processus législatif qui a abouti à la directive 2003/86.

50      En second lieu, en ce qui concerne la directive 2004/38, la Cour a déjà eu l’occasion de constater qu’elle vise à faciliter l’exercice du droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres qui est conféré directement aux citoyens de l’Union par le traité et qu’elle a notamment pour objet de renforcer ledit droit (voir arrêts du 25 juillet 2008, Metock e.a., C‑127/08, Rec. p. I‑6241, points 82 et 59, ainsi que du 5 mai 2011, McCarthy, C‑434/09, non encore publié au Recueil, point 28).

51      Ainsi qu’il ressort des points 24 à 26 du présent arrêt, Mme Heiml ainsi que MM. Dereci et Maduike, en tant que conjoints de citoyens de l’Union, relèvent de la notion de «membre de la famille», visée à l’article 2, point 2, de la directive 2004/38. De même, M. Kokollari et Mme Stevic, en tant que descendants directs âgés de plus de vingt et un ans de citoyens de l’Union, sont susceptibles de relever de ladite notion, pour autant que la condition d’être à charge de ces citoyens est remplie, conformément à l’article 2, point 2, sous c), de cette directive.

52      Toutefois, ainsi que la juridiction de renvoi l’a relevé, la directive 2004/38 ne trouve pas à s’appliquer dans des situations telles que celles au principal.

53      En effet, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, cette dernière s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2, de cette directive, qui l’accompagnent ou le rejoignent (voir arrêt Ruiz Zambrano, précité, point 39).

54      La Cour a déjà eu l’occasion de constater que, conformément à une interprétation littérale, téléologique et systématique de cette disposition, un citoyen de l’Union, qui n’a jamais fait usage de son droit de libre circulation et qui a toujours séjourné dans un État membre dont il possède la nationalité, ne relève pas de la notion de «bénéficiaire», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, de sorte que cette dernière ne lui est pas applicable (arrêt McCarthy, précité, points 31 et 39).

55      De même, il a été constaté que, dans la mesure où un citoyen de l’Union ne relève pas de la notion de «bénéficiaire», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, le membre de sa famille ne relève pas non plus de cette notion, étant donné que les droits conférés par cette directive aux membres de la famille d’un bénéficiaire de celle-ci sont non pas des droits propres auxdits membres, mais des droits dérivés, acquis en leur qualité de membre de la famille du bénéficiaire (voir, s’agissant d’un conjoint, arrêt McCarthy, précité, point 42 et jurisprudence citée).

56      En effet, tirent de la directive 2004/38 des droits d’entrée et de séjour dans un État membre non pas tous les ressortissants d’États tiers, mais uniquement ceux qui sont membres de la famille, au sens de l’article 2, point 2, de cette directive, d’un citoyen de l’Union ayant exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que l’État membre dont il a la nationalité (arrêt Metock e.a., précité, point 73).

57      En l’espèce, les citoyens de l’Union concernés n’ayant jamais fait usage de leur droit de libre circulation et ayant toujours séjourné dans l’État membre dont ils possèdent la nationalité, il y a lieu de constater qu’ils ne relèvent pas de la notion de «bénéficiaire», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, de sorte que cette dernière n’est applicable ni à eux-mêmes ni aux membres de leur famille.

58      Il s’ensuit que les directives 2003/86 et 2004/38 ne sont pas applicables à des ressortissants d’États tiers qui demandent un droit de séjour pour rejoindre des citoyens de l’Union membres de leur famille n’ayant jamais fait usage de leur droit de libre circulation et ayant toujours séjourné dans l’État membre dont ils possèdent la nationalité.

–       Sur l’applicabilité des dispositions du traité concernant la citoyenneté de l’Union

59      En dépit de l’inapplicabilité des directives 2003/86 et 2004/38 aux affaires au principal, il convient d’examiner si les citoyens de l’Union concernés dans le cadre de ces affaires peuvent néanmoins s’appuyer sur des dispositions du traité concernant la citoyenneté de l’Union.

60      À cet égard, il convient de rappeler que les règles du traité en matière de libre circulation des personnes et les actes pris en exécution de celles-ci ne peuvent être appliqués à des situations qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit de l’Union et dont l’ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêts du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C‑212/06, Rec. p. I‑1683, point 33; Metock e.a., précité, point 77, ainsi que McCarthy, précité, point 45).

61      Toutefois, la situation d’un citoyen de l’Union qui, tel chacun des citoyens membres de la famille des requérants au principal, n’a pas fait usage du droit de libre circulation ne saurait, de ce seul fait, être assimilée à une situation purement interne (voir arrêts du 12 juillet 2005, Schempp, C‑403/03, Rec. p. I‑6421, point 22, et McCarthy, précité, point 46).

62      En effet, la Cour a relevé à plusieurs reprises que le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres (voir arrêt Ruiz Zambrano, précité, point 41 et jurisprudence citée).

63      En tant que ressortissants d’un État membre, les membres de la famille des requérants au principal jouissent du statut de citoyen de l’Union en vertu de l’article 20, paragraphe 1, TFUE et peuvent donc se prévaloir, y compris à l’égard de l’État membre dont ils ont la nationalité, des droits afférents à un tel statut (voir arrêt McCarthy, précité, point 48).

64      Sur ce fondement, la Cour a jugé que l’article 20 TFUE s’oppose à des mesures nationales qui ont pour effet de priver les citoyens de l’Union de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par ce statut (voir arrêt Ruiz Zambrano, précité, point 42).

65      En effet, dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, se posait la question de savoir si le refus de séjour opposé à une personne, ressortissant d’un État tiers, dans l’État membre où résident ses enfants en bas âge, ressortissants dudit État membre, dont elle assume la charge ainsi que le refus d’octroyer à cette personne un permis de travail auront un tel effet. La Cour a notamment considéré qu’un tel refus de séjour aura pour conséquence que lesdits enfants, citoyens de l’Union, se verront obligés de quitter le territoire de l’Union pour accompagner leurs parents. Dans de telles conditions, lesdits citoyens de l’Union seraient, de fait, dans l’impossibilité d’exercer l’essentiel des droits conférés par leur statut de citoyen de l’Union (voir arrêt Ruiz Zambrano, précité, points 43 et 44).

66      Il en découle que le critère relatif à la privation de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union se réfère à des situations caractérisées par la circonstance que le citoyen de l’Union se voit obligé, en fait, de quitter le territoire non seulement de l’État membre dont il est ressortissant, mais également de l’Union pris dans son ensemble.

67      Ce critère revêt donc un caractère très particulier en ce qu’il vise des situations dans lesquelles, en dépit du fait que le droit secondaire relatif au droit de séjour des ressortissants d’États tiers n’est pas applicable, un droit de séjour ne saurait, exceptionnellement, être refusé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dont jouit ce dernier ressortissant.

68      En conséquence, le seul fait qu’il pourrait paraître souhaitable à un ressortissant d’un État membre, pour des raisons d’ordre économique ou afin de maintenir l’unité familiale sur le territoire de l’Union, que des membres de sa famille, qui ne disposent pas de la nationalité d’un État membre, puissent séjourner avec lui sur le territoire de l’Union, ne suffit pas en soi pour considérer que le citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union si un tel droit n’est pas accordé.

69      Cela ne préjuge certes pas la question de savoir si, sur d’autres bases, notamment en vertu du droit relatif à la protection de la vie familiale, un droit de séjour ne saurait être refusé. Cette question doit cependant être abordée dans le cadre des dispositions relatives à la protection des droits fondamentaux et en fonction de leur applicabilité respective.

–       Sur le droit au respect de la vie privée et familiale

70      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte»), relative au droit au respect de la vie privée et familiale, contient des droits correspondant à ceux garantis par l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH et qu’il convient donc de donner à l’article 7 de la charte le même sens et la même portée que ceux conférés à l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (arrêt du 5 octobre 2010, McB., C‑400/10 PPU, non encore publié au Recueil, point 53).

71      Toutefois, il y a lieu de rappeler que les dispositions de la charte s’adressent, en vertu de son article 51, paragraphe 1, aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En vertu du paragraphe 2 de ce même article, la charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et les tâches définies dans les traités. Ainsi, la Cour est appelée à interpréter, à la lumière de la charte, le droit de l’Union dans les limites des compétences attribuées à celle-ci (voir arrêts McB., précité, point 51, ainsi que du 15 septembre 2011, Gueye et Salmerón Sánchez, C‑483/09 et C‑1/10, non encore publié au Recueil, point 69).

72      Ainsi, en l’occurrence, si la juridiction de renvoi considère, à la lumière des circonstances des litiges au principal, que la situation des requérants au principal relève du droit de l’Union, elle devra examiner si le refus du droit de séjour de ces derniers porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l’article 7 de la charte. En revanche, si elle considère que ladite situation ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, elle devra faire un tel examen à la lumière de l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH.

73      En effet, il convient de rappeler que tous les États membres sont parties à la CEDH, laquelle consacre, à son article 8, le droit au respect de la vie privée et familiale.

74      Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la première question que le droit de l’Union, et notamment ses dispositions concernant la citoyenneté de l’Union, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un État tiers le séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant vise à résider avec un membre de sa famille qui est citoyen de l’Union demeurant dans cet État membre dont il possède la nationalité et qui n’a jamais fait usage de son droit de libre circulation, pour autant qu’un tel refus ne comporte pas, pour le citoyen de l’Union concerné, la privation de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les deuxième et troisième questions

75      Les deuxième et troisième questions n’ayant été posées qu’en cas de réponse affirmative à la première question, il n’y a pas lieu d’y répondre.

 Sur la quatrième question

76      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13 de la décision n° 1/80 ou l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre subordonne la première entrée de ressortissants turcs à des règles internes plus strictes que celles qui régissaient auparavant une telle entrée, même si ces dernières, qui avaient assoupli le régime de la première entrée, ne sont entrées en vigueur qu’après que lesdites dispositions ont reçu effet dans cet État membre, à la suite de son adhésion à l’Union.

 Observations soumises à la Cour

77      Les gouvernements autrichien, allemand et du Royaume-Uni considèrent que ni l’article 13 de la décision nº 1/80 ni l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel ne font obstacle à ce que des règles internes plus strictes que celles qui existaient à l’entrée en vigueur de ces dispositions soient appliquées à des ressortissants turcs désirant exercer une activité salariée ou non salariée dans un État membre, étant donné que lesdites dispositions ne s’appliquent qu’à des ressortissants turcs en situation régulière dans l’État membre d’accueil et ne visent pas des situations telles que celle de M. Dereci, qui est entré et a toujours demeuré de façon illégale en Autriche.

78      En revanche, le gouvernement néerlandais et la Commission considèrent que de telles dispositions s’opposent à l’introduction dans la réglementation nationale des États membres de toute nouvelle restriction à l’exercice de la libre circulation des travailleurs et de la liberté d’établissement, y compris celles portant sur les conditions de fond et/ou de procédure en matière de première admission sur le territoire des États membres.

79      M. Dereci relève qu’il est entré en Autriche sur la base de sa demande d’asile et que s’il a retiré une telle demande, c’est en raison de son mariage avec une ressortissante autrichienne. Or, un tel mariage permettrait, conformément au droit en vigueur à l’époque, de jouir du droit d’établissement. Par ailleurs, du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003, il aurait travaillé comme travailleur salarié et, par la suite, du 1er octobre 2003 jusqu’au 31 août 2008, il aurait travaillé comme travailleur non salarié en reprenant le salon de coiffure de son frère.

 Réponse de la Cour

80      À tire liminaire, il y a lieu de relever que la quatrième question se rapporte indistinctement à l’article 13 de la décision nº 1/80 et à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel.

81      Or, si ces deux dispositions revêtent une signification identique, un domaine bien déterminé n’en a pas moins été assigné à chacune d’entre elles, de sorte qu’elles ne sont pas susceptibles de trouver application conjointement (arrêt du 21 octobre 2003, Abatay e.a., C‑317/01 et C‑369/01, Rec. p. I‑12301, point 86).

82      À cet égard, il convient de relever que, selon la juridiction de renvoi, M. Dereci a épousé le 24 juillet 2003 une ressortissante autrichienne et a introduit par la suite, le 24 juin 2004, une première demande d’autorisation d’établissement au titre de la loi de 1997. Par ailleurs, M. Dereci affirme qu’il avait repris à cette époque le salon de coiffure de son frère.

83      Il s’ensuit que la situation de M. Dereci se rapporte à la liberté d’établissement et relève donc de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel.

84      En outre, il convient de rappeler que la loi sur le séjour et la loi sur les étrangers, mentionnées au point 21 du présent arrêt, constituaient les dispositions applicables aux conditions d’exercice de la liberté d’établissement des ressortissants turcs en Autriche, au moment de l’adhésion de cet État membre à l’Union européenne, le 1er janvier 1995, et, donc, de l’entrée en vigueur du protocole additionnel sur le territoire de cet État membre.

85      Si la loi de 1997 a abrogé lesdites lois, elle a toutefois été également abrogée par le NAG, à partir du 1er janvier 2006, cette dernière réglementation constituant, selon la juridiction de renvoi, un durcissement par rapport à la loi de 1997, en ce qui concerne les conditions d’exercice de la liberté d’établissement des ressortissants turcs.

86      Par conséquent, il convient de comprendre la quatrième question comme visant à savoir si l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel doit être interprété en ce sens qu’il y a lieu de considérer comme une «nouvelle restriction», au sens de cette disposition, l’édiction d’une nouvelle réglementation plus restrictive que la précédente, cette dernière constituant elle-même un assouplissement d’une réglementation antérieure concernant les conditions d’exercice de la liberté d’établissement des ressortissants turcs au moment de l’entrée en vigueur de ce protocole dans le territoire de l’État membre concerné.

87      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel a un effet direct dans les États membres, de sorte que les droits qu’il confère aux ressortissants turcs auxquels il s’applique peuvent être invoqués devant les juridictions nationales pour écarter l’application des règles de droit interne qui lui sont contraires. Cette disposition énonce en effet, dans des termes clairs, précis et inconditionnels, une clause non équivoque de «standstill», laquelle comporte une obligation souscrite par les parties contractantes qui se résout juridiquement en une simple abstention (voir arrêt du 20 septembre 2007, Tum et Dari, C‑16/05, Rec. p. I‑7415, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

88      Il est de jurisprudence constante que, même si la clause de «standstill» énoncée à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel n’est pas, par elle-même, de nature à conférer aux ressortissants turcs, sur le seul fondement de la réglementation de l’Union, un droit d’établissement et un droit corrélatif de séjour, ni un droit à la libre prestation des services, non plus qu’un droit d’entrée sur le territoire d’un État membre, il n’en demeure pas moins qu’une telle clause prohibe de manière générale l’introduction de toute nouvelle mesure qui aurait pour objet ou pour effet de soumettre l’exercice par un ressortissant turc desdites libertés économiques sur le territoire national à des conditions plus restrictives que celles qui lui étaient applicables à la date d’entrée en vigueur du protocole additionnel à l’égard de l’État membre concerné (voir arrêt du 19 février 2009, Soysal et Savatli, C‑228/06, Rec. p. I‑1031, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

89      En effet, une clause de «standstill», telle que celle inscrite à l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, opère non pas comme une règle de fond, en rendant inapplicable le droit matériel pertinent auquel elle se substituerait, mais comme une règle de nature quasi procédurale, qui prescrit, ratione temporis, quelles sont les dispositions de la réglementation d’un État membre au regard desquelles il y a lieu d’apprécier la situation d’un ressortissant turc souhaitant faire usage de la liberté d’établissement dans un État membre (voir arrêts Tum et Dari, précité, point 55, ainsi que du 21 juillet 2011, Oguz, C‑186/10, non encore publié au Recueil, point 28).

90      À cet égard, l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel vise à créer des conditions favorables à la mise en place progressive de la liberté d’établissement par l’interdiction absolue faite aux autorités nationales d’introduire tout nouvel obstacle à l’exercice de cette liberté en aggravant les conditions existant à une date donnée, aux fins de ne pas rendre plus difficile les conditions de réalisation graduelle de cette dernière entre les États membres et la République de Turquie. Ladite disposition se présente ainsi comme le corollaire nécessaire de l’article 13 de l’accord d’association, dont elle constitue le préalable indispensable pour abolir progressivement les restrictions nationales à la liberté d’établissement (voir arrêt Tum et Dari, précité, point 61 ainsi que jurisprudence citée).

91      Par conséquent, même si, lors d’une première étape dans la perspective de la mise en œuvre progressive de ladite liberté, les restrictions nationales préexistantes en matière d’établissement peuvent être maintenues, il importe en effet de veiller à ce qu’aucun nouvel obstacle ne soit introduit afin de ne pas entraver davantage la mise en œuvre graduelle d’une telle liberté (voir arrêt Tum et Dari, précité, point 61 ainsi que jurisprudence citée).

92      La Cour a déjà eu l’occasion de constater, s’agissant d’une disposition nationale relative à l’obtention d’un permis de séjour par des travailleurs turcs, qu’il importe ainsi de s’assurer que les États membres ne s’éloignent pas de l’objectif poursuivi en revenant sur des dispositions qu’ils ont adoptées en faveur de la libre circulation des travailleurs turcs postérieurement à l’entrée en vigueur de la décision n° 1/80 sur leur territoire (arrêt du 9 décembre 2010, Toprak et Oguz, C‑300/09 et C‑301/09, non encore publié au Recueil, point 55).

93      Par ailleurs, la Cour a considéré que l’article 13 de la décision n° 1/80 doit être interprété en ce sens que constitue une «nouvelle restriction», au sens de cet article, un durcissement d’une disposition qui prévoyait un assouplissement de la disposition applicable aux conditions d’exercice de la libre circulation des travailleurs turcs au moment de l’entrée en vigueur de la décision nº 1/80 dans le territoire de l’État membre concerné, même lorsque ce durcissement n’aggrave pas lesdites conditions par rapport à celles résultant de la disposition applicable au moment de l’entrée en vigueur de la décision nº 1/80 dans le territoire de cet État membre (voir, en ce sens, arrêt Toprak et Oguz, précité, point 62).

94      Eu égard à la convergence d’interprétation de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel et de l’article 13 de la décision n° 1/80, en ce qui concerne l’objectif poursuivi, il y a lieu de considérer que la portée de l’obligation de «standstill» contenue à ces dispositions s’étend de manière analogue à tout nouvel obstacle à l’exercice de la liberté d’établissement, de la libre prestation de services ou de la libre circulation des travailleurs, consistant en une aggravation des conditions existant à une date donnée (voir, en ce sens, arrêt Toprak et Oguz, précité, point 54), de sorte qu’il importe de s’assurer que les États membres ne s’éloignent pas de l’objectif poursuivi par les clauses de «standstill» en revenant sur des dispositions qu’ils ont adoptées en faveur desdites libertés des ressortissants turcs, postérieurement à l’entrée en vigueur de la décision n° 1/80 ou du protocole additionnel sur leur territoire.

95      En l’espèce, il est constant que l’entrée en vigueur du NAG, le 1er janvier 2006, a aggravé les conditions d’exercice de la liberté d’établissement des ressortissants turcs dans des situations telles que celle de M. Dereci.

96      En effet, selon l’article 21 du NAG, les ressortissants d’États tiers, y compris les ressortissants turcs dans une situation telle que celle de M. Dereci, doivent, en règle générale, introduire leur demande de séjour en dehors du territoire autrichien et sont tenus de demeurer en dehors de ce territoire le temps qu’il soit statué sur leur demande.

97      En revanche, conformément à l’article 49 de la loi de 1997, les ressortissants turcs dans une situation telle que celle de M. Dereci jouissaient, en tant que membres de la famille de ressortissants autrichiens, de la liberté d’établissement et pouvaient introduire en Autriche une demande d’obtention d’une autorisation de premier établissement.

98      Dans ces conditions, il convient de constater que le NAG, en aggravant les conditions d’exercice de la liberté d’établissement des ressortissants turcs, par rapport aux conditions qui leur étaient applicables précédemment, sous l’empire de dispositions adoptées depuis l’entrée en vigueur du protocole additionnel en Autriche, constitue une «nouvelle restriction», au sens de l’article 41, paragraphe 1, dudit protocole.

99      S’agissant, enfin, de l’argument invoqué par les gouvernements autrichien, allemand et du Royaume-Uni, selon lequel M. Dereci serait en «situation irrégulière» et ne saurait donc bénéficier de l’application de l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, il suffit de constater qu’il ressort de la décision de renvoi que, s’il est vrai que M. Dereci est entré illégalement sur le territoire autrichien au mois de novembre 2001, il n’en demeure pas moins que, au moment de déposer sa demande d’établissement, il avait, en vertu de la législation nationale en vigueur à l’époque, un droit d’établissement, en raison de son mariage avec une ressortissante autrichienne, et qu’il pouvait introduire en Autriche un demande en ce sens, comme il l’a, par ailleurs, fait. Selon la juridiction de renvoi, ce n’est que l’entrée en vigueur du NAG qui a eu pour conséquence que son séjour initialement légal était devenu, désormais, irrégulier, ce qui a entraîné le rejet de sa demande d’autorisation de séjour.

100    Il s’ensuit que sa situation ne saurait être qualifiée d’irrégulière, étant donné qu’une telle irrégularité est intervenue à la suite de l’application de la disposition qui constitue une nouvelle restriction.

101    Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel doit être interprété en ce sens qu’il y a lieu de considérer comme une «nouvelle restriction», au sens de cette disposition, l’édiction d’une nouvelle réglementation plus restrictive que la précédente, cette dernière constituant elle-même un assouplissement d’une réglementation antérieure concernant les conditions d’exercice de la liberté d’établissement des ressortissants turcs au moment de l’entrée en vigueur de ce protocole dans le territoire de l’État membre concerné.

 Sur les dépens

102    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      Le droit de l’Union, et notamment ses dispositions concernant la citoyenneté de l’Union, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un État tiers le séjour sur son territoire, alors que ce ressortissant vise à résider avec un membre de sa famille qui est citoyen de l’Union demeurant dans cet État membre dont il possède la nationalité et qui n’a jamais fait usage de son droit de libre circulation, pour autant qu’un tel refus ne comporte pas, pour le citoyen de l’Union concerné, la privation de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par le statut de citoyen de l’Union, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

2)      L’article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972, doit être interprété en ce sens qu’il y a lieu de considérer comme une «nouvelle restriction», au sens de cette disposition, l’édiction d’une nouvelle réglementation plus restrictive que la précédente, cette dernière constituant elle-même un assouplissement d’une réglementation antérieure concernant les conditions d’exercice de la liberté d’établissement des ressortissants turcs au moment de l’entrée en vigueur de ce protocole dans le territoire de l’État membre concerné.

Signatures


1 Langue de procédure: l’allemand.

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