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Document 62010CJ0104

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 21 juillet 2011.
Patrick Kelly contre National University of Ireland (University College, Dublin).
Demande de décision préjudicielle: High Court - Irlande.
Directives 76/207/CEE, 97/80/CE et 2002/73/CE - Accès à la formation professionnelle - Égalité de traitement entre hommes et femmes - Rejet d’une candidature - Accès d’un candidat à une formation professionnelle aux informations concernant les qualifications des autres candidats.
Affaire C-104/10.

Recueil de jurisprudence 2011 I-06813

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:506

Affaire C-104/10

Patrick Kelly

contre

National University of Ireland (University College, Dublin)

(demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court (Irlande))

«Directives 76/207/CEE, 97/80/CE et 2002/73/CE — Accès à la formation professionnelle — Égalité de traitement entre hommes et femmes — Rejet d’une candidature — Accès d’un candidat à une formation professionnelle aux informations concernant les qualifications des autres candidats»

Sommaire de l'arrêt

1.        Politique sociale — Travailleurs masculins et travailleurs féminins — Accès à l'emploi et conditions de travail — Égalité de traitement — Charge de la preuve dans les cas de discrimination

(Directive du Conseil 97/80, art. 4, § 1)

2.        Politique sociale — Travailleurs masculins et travailleurs féminins — Accès à l'emploi et conditions de travail — Égalité de traitement

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2002/73, art. 1er, point 3; directive du Conseil 76/207, art. 4)

3.        Politique sociale — Travailleurs masculins et travailleurs féminins — Accès à l'emploi et conditions de travail — Égalité de traitement — Charge de la preuve dans les cas de discrimination

(Directives du Parlement européen et du Conseil 95/46 et 2002/58; directive du Conseil 97/80)

4.        Questions préjudicielles — Saisine de la Cour — Obligation de renvoi

(Art. 267, § 3, TFUE)

1.        L’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe, doit être interprété en ce sens qu’il ne prévoit pas le droit pour un candidat à une formation professionnelle, qui estime que l’accès à celle-ci lui a été refusé en raison du non-respect du principe d’égalité de traitement, d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de cette formation concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation, afin qu’il soit en mesure d’établir des «faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte», conformément à ladite disposition.

Toutefois, il ne saurait être exclu qu’un refus d’information de la part d’une partie défenderesse, dans le cadre de l’établissement de tels faits, puisse risquer de compromettre la réalisation de l’objectif poursuivi par ladite directive, et ainsi priver notamment l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci de son effet utile, ce qu'il incombe à la juridiction nationale de vérifier.

(cf. points 38-39, disp. 1)

2.        L’article 4 de la directive 76/207, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, ou l’article 1er, point 3, de la directive 2002/73, modifiant la directive 76/207, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne prévoient pas le droit pour un candidat à une formation professionnelle d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de celle-ci concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation, soit lorsque ce candidat estime qu’il n’a pas eu accès à ladite formation selon les mêmes critères que les autres candidats et qu’il a été victime d’une discrimination fondée sur le sexe, visée à cet article 4, soit lorsque ledit candidat se plaint d’avoir été victime d’une discrimination fondée sur le sexe, visée audit article 1er, point 3, en ce qui concerne l’accès à cette formation professionnelle.

(cf. point 48, disp. 2)

3.        Dans le cas où un candidat à une formation professionnelle pourrait invoquer la directive 97/80, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe, afin d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de cette formation concernant les qualifications des autres candidats à celle-ci, ce droit d’accès peut être affecté par des règles du droit de l’Union en matière de confidentialité.

Ainsi, lorsqu'elles apprécient si un refus d’information de la part d’une partie défenderesse, dans le cadre de l’établissement de faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination, risque de compromettre la réalisation de l’objectif poursuivi par la directive 97/80, et ainsi priver notamment l'article 4, paragraphe 1, de cette directive de son effet utile, les instances judiciaires nationales ou les autres instances compétentes doivent prendre en compte les règles de confidentialité découlant des actes du droit de l’Union, tels que la directive 95/46, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et la directive 2002/58, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques). La protection des données à caractère personnel est également prévue à l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

(cf. points 54-56, disp. 3)

4.        L’obligation prévue à l’article 267, paragraphe 3, TFUE ne diffère pas selon qu’il existe, dans l’État membre considéré, un système juridique accusatoire ou un système juridique inquisitoire.

L’article 267 TFUE confère aux juridictions nationales la faculté et, le cas échéant, leur impose l’obligation de renvoi préjudiciel dès que le juge constate soit d’office, soit à la demande des parties, que le fond du litige comporte une question à résoudre relevant du premier alinéa de cet article. Il en résulte que les juridictions nationales ont la faculté la plus étendue de saisir la Cour si elles considèrent qu’une affaire pendante devant elles soulève des questions comportant une interprétation ou une appréciation en validité des dispositions du droit de l’Union nécessitant une décision de leur part.

En outre, le renvoi préjudiciel repose sur un dialogue de juge à juge, dont le déclenchement dépend entièrement de l’appréciation que fait la juridiction nationale de la pertinence et de la nécessité dudit renvoi. Ainsi, s’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier si l’interprétation d’une règle de droit de l’Union est nécessaire pour lui permettre de résoudre le litige qui lui est soumis, eu égard au mécanisme de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, il incombe à cette même juridiction de décider de quelle manière ces questions doivent être formulées. Si ladite juridiction est libre d’inviter les parties au litige dont elle est saisie à suggérer des formulations susceptibles d’être retenues pour l’énoncé des questions préjudicielles, il n’en demeure pas moins que c’est à elle seule qu’il incombe de décider en dernier lieu tant la forme que le contenu de celles-ci.

(cf. points 61, 63-66, disp. 4)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 juillet 2011 (*)

«Directives 76/207/CEE, 97/80/CE et 2002/73/CE – Accès à la formation professionnelle – Égalité de traitement entre hommes et femmes – Rejet d’une candidature – Accès d’un candidat à une formation professionnelle aux informations concernant les qualifications des autres candidats»

Dans l’affaire C‑104/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court (Irlande), par décision du 29 janvier 2010, parvenue à la Cour le 24 février 2010,

Patrick Kelly

contre

National University of Ireland (University College, Dublin),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas (rapporteur), U. Lõhmus et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 janvier 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Kelly, par lui-même,

–        pour la National University of Ireland (University College, Dublin), par Mme M. Bolger, SC, mandatée par M. E. O’Sullivan, solicitor,

–        pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. M. van Beek et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du droit de l’Union et, en particulier, de l’article 4 de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (JO 1998, L 14, p. 6), et de l’article 1er, point 3, de la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, modifiant la directive 76/207 (JO L 269, p. 15).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Kelly à la National University of Ireland (University College, Dublin) (ci-après l’«UCD»), à la suite du refus de cette dernière de divulguer des documents, dans une version non modifiée, relatifs au processus de sélection de candidats à une formation professionnelle.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

 La directive 76/207

3        La directive 76/207, applicable à la date des faits ayant donné lieu à la plainte pour discrimination fondée sur le sexe, à savoir au cours des mois de mars et d’avril 2002, prévoyait à son article 4:

«L’application du principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne l’accès à tous les types et à tous les niveaux d’orientation professionnelle, de formation, de perfectionnement et de recyclage professionnels, implique que les États membres prennent les mesures nécessaires afin que:

a)      soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l’égalité de traitement;

b)      soient nulles, puissent être déclarées nulles ou puissent être amendées les dispositions contraires au principe de l’égalité de traitement qui figurent dans les conventions collectives ou dans les contrats individuels de travail, dans les règlements intérieurs des entreprises, ainsi que dans les statuts des professions indépendantes;

c)      l’orientation, la formation, le perfectionnement et le recyclage professionnels, sous réserve de l’autonomie reconnue dans certains États membres à certains établissements privés de formation, soient accessibles selon les mêmes critères et aux mêmes niveaux sans discrimination fondée sur le sexe.»

4        L’article 6 de la même directive disposait:

«Les États membres introduisent dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à toute personne qui s’estime lésée par la non-application à son égard du principe de l’égalité de traitement au sens des articles 3, 4 et 5 de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle après, éventuellement, le recours à d’autres instances compétentes.»

 La directive 2002/73

5        La directive 76/207 a été modifiée par la directive 2002/73, dont l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, énonce que les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 5 octobre 2005.

6        La directive 2002/73 supprime, notamment, l’article 4 de la directive 76/207 et donne, conformément à son article 1er, point 3, le libellé suivant à l’article 3 de la directive 76/207:

«1.      L’application du principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[...]

b)      l’accès à tous les types et à tous les niveaux d’orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l’acquisition d’une expérience pratique du travail;

[...]

2.      À cette fin, les États membres prennent les mesures nécessaires pour que:

a)      soient supprimées toutes dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l’égalité de traitement;

b)      soient ou puissent être déclarées nulles et non avenues ou soient modifiées toutes dispositions contraires au principe de l’égalité de traitement qui figurent dans les contrats ou les conventions collectives, dans les règlements intérieurs des entreprises ainsi que dans les règles régissant les professions indépendantes et les organisations de travailleurs et d’employeurs.»

La directive 97/80

7        La directive 97/80, dont la date de transposition était fixée au 1er janvier 2001, instaure des règles relatives à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe.

8        Selon le treizième considérant de cette directive, l’appréciation des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte appartient à l’instance judiciaire nationale ou à une autre instance compétente, conformément au droit national et/ou aux pratiques nationales.

9        Conformément au dix-huitième considérant de la même directive, la Cour de justice des Communautés européennes a affirmé que l’aménagement des règles concernant la charge de la preuve s’impose dès qu’il existe une apparence de discrimination et que, dans les cas où cette situation se vérifie, la mise en œuvre effective du principe de l’égalité de traitement requiert que la charge de la preuve revienne à la partie défenderesse.

10      Selon l’article 1er de ladite directive, cette dernière vise à garantir que soient rendues plus efficaces les mesures prises par les États membres, en application du principe de l’égalité de traitement, qui permettent à toute personne qui s’estime lésée par la non-application à son égard du principe de l’égalité de traitement de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle après, éventuellement, le recours à d’autres instances compétentes.

11      En vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 97/80, celle-ci s’applique notamment aux situations couvertes par la directive 76/207.

12      L’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80 est libellé comme suit:

«Les États membres, conformément à leur système judiciaire, prennent les mesures nécessaires afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.»

 La réglementation nationale

13      Il ressort de la décision de renvoi que les principes relatifs à la divulgation de documents en vertu de l’Order 57A rule 6(6) des Circuit Court Rules correspondent aux principes relatifs à la communication des pièces («discovery») et à l’examen des documents («inspection») de l’Order 32 des Rules of the Circuit 2001-2006 et de l’Order 31 des Rules of the Superior Courts 1986, telles que modifiées.

14      En vertu de ces règles, la communication d’un document est accordée lorsqu’il peut être démontré que celui-ci est pertinent pour les questions soulevées par le litige et que, notamment, ce document est nécessaire pour statuer équitablement sur l’affaire.

15      Nonobstant le fait qu’un document soit considéré à la fois comme pertinent et nécessaire, sa production peut être refusée, notamment si ce document est «privilégié» ou soumis à la confidentialité.

16      En cas de conflit entre le droit d’obtenir la production d’un document, d’un côté, et le devoir de protéger la confidentialité ou de maintenir toute obligation ou droit en sens contraire, de l’autre côté, la juridiction nationale saisie du litige doit mettre en balance la nature de la demande formulée ainsi que le degré de confidentialité invoqué, d’une part, et l’intérêt du public à une divulgation intégrale dans le cadre de l’administration de la justice, d’autre part.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17      M. Kelly est un professeur qualifié résidant à Dublin.

18      L’UCD est un établissement d’enseignement supérieur. Pour la période académique couvrant les années 2002 à 2004, elle proposait une formation dénommée «Masters degree in Social Science (Social Worker) mode A» [maîtrise en sciences sociales (travailleur social) mode A].

19      Le 23 décembre 2001, M. Kelly a introduit une demande auprès de ladite université pour être admis à suivre une telle formation. À la fin du processus de sélection des candidats, il a été informé, par une lettre du 15 mars 2002, que sa demande n’avait pas été retenue.

20      N’étant pas satisfait de cette décision, M. Kelly a déposé, au mois d’avril 2002, une plainte formelle pour discrimination fondée sur le sexe auprès du Director of the Equality Tribunal, en soutenant qu’il était plus qualifié que la candidate de sexe féminin la moins qualifiée retenue pour suivre la formation susmentionnée.

21      Le 2 novembre 2006, l’Equality Officer, auquel l’instruction de la plainte déposée par M. Kelly avait été confiée par le Director of the Equality Tribunal, a rendu une décision en vertu de laquelle le plaignant n’avait pas pu établir de prime abord une discrimination fondée sur le sexe. M. Kelly a formé un recours contre cette décision devant le Circuit Court (tribunal d’arrondissement).

22      M. Kelly a également introduit, le 4 janvier 2007, une demande, en vertu de l’Order 57A rule 6(6) des Circuit Court Rules, qui a été transmise au Circuit Court, par laquelle il souhaitait que l’UCD dépose des copies des documents qui étaient précisés dans cette demande («disclosure», ci-après la «demande de divulgation»). Cette demande visait à obtenir la communication des copies des formulaires d’inscription conservés, des documents joints en annexes ou inclus dans lesdits formulaires ainsi que des «feuilles de scores» des candidats dont les formulaires d’inscription avaient été conservés.

23      Le président du Circuit Court a rejeté la demande de divulgation par ordonnance du 12 mars 2007. Le 14 mars suivant, M. Kelly a introduit un recours contre ladite ordonnance devant la High Court.

24      Le 23 avril 2007, M. Kelly a également introduit une demande devant la High Court, sollicitant que cette dernière procède à un renvoi préjudiciel à la Cour de justice des Communautés européennes. Le 14 mars 2008, ladite juridiction nationale a considéré qu’un tel renvoi était prématuré puisqu’elle n’avait pas encore statué sur la question de savoir si l’accès aux documents en question pouvait être accordé au titre du droit national. Après examen, la High Court est parvenue à la conclusion que, en vertu de ce droit, l’UCD ne devait pas divulguer, sous une forme non modifiée, les documents dont la communication était demandée par M. Kelly.

25      Ayant des doutes sur la question de savoir si le rejet de la demande de divulgation est conforme ou non au droit de l’Union, la High Court a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80 [...] donne-t-il le droit à un candidat à une formation professionnelle, qui estime qu’il ou elle s’est vu refuser l’accès à la formation professionnelle parce que le principe d’égalité de traitement ne lui a pas été appliqué, à accéder à des informations concernant les qualifications respectives des autres candidats à la formation en question, et en particulier des candidats qui ne se sont pas vu refuser l’accès à la formation professionnelle, de façon à ce que le candidat puisse établir ‘devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte’?

2)      L’article 4 de la directive 76/207 [...] donne-t-il le droit à un candidat à une formation professionnelle, qui estime qu’il ou elle s’est vu refuser l’accès ‘selon les mêmes critères’ à la formation professionnelle et qu’il ou elle a été victime d’une discrimination ‘fondée sur le sexe’ en termes d’accès à la formation professionnelle, à accéder à des informations détenues par l’organisateur de la formation sur les qualifications respectives des autres candidats à la formation en question, et en particulier des candidats qui ne se sont pas vu refuser l’accès à la formation professionnelle?

3)      L’article [1er, point 3,] de la directive 2002/73 [...], interdisant ‘toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe’ en ce qui concerne l’‘accès’ à une formation professionnelle, donne-t-il le droit à un candidat à une formation professionnelle, qui se plaint d’avoir été victime d’une discrimination ‘fondée sur le sexe’ en matière d’accès à la formation professionnelle, à accéder à des informations détenues par l’organisateur de la formation concernant les qualifications respectives des autres candidats à la formation en question, et en particulier des candidats qui ne se sont pas vu refuser l’accès à la formation professionnelle?

4)      La nature de l’obligation prévue à l’article 267, paragraphe 3, TFUE diffère-t-elle lorsque l’État membre a un système juridique accusatoire (par opposition à inquisitoire) et, si oui, dans quelle mesure?

5)      Le droit à obtenir des informations au titre des directives précitées peut-il être affecté par le fonctionnement des règles [de l’Union] ou nationales en matière de confidentialité?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

26      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80 doit être interprété en ce sens qu’il prévoit le droit pour un candidat à une formation professionnelle, qui estime que l’accès à celle-ci lui a été refusé en raison du non-respect du principe d’égalité de traitement, d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de ladite formation concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation, afin qu’il soit en mesure d’établir des «faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte» conformément à ladite disposition.

 Argumentation des parties

27      M. Kelly fait valoir que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80 confère le droit à une personne, qui s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe d’égalité de traitement, d’accéder aux informations qui, à supposer que ce principe ne lui a pas été appliqué à tort, établissent ou l’aident à établir, devant une juridiction ou une autre instance nationale compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Pour un candidat à une formation professionnelle qui s’estime lésé par le non-respect à son égard dudit principe, cela comprendrait des informations concernant les qualifications des autres candidats.

28      Le gouvernement allemand soutient que le libellé de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80 ne contient aucune indication concernant l’octroi d’un droit à l’information. Cette disposition réglerait, ainsi que le font également valoir l’UCD et la Commission européenne, les conditions dans lesquelles un transfert de la charge de la preuve de la partie demanderesse à la partie défenderesse a eu lieu. Selon eux, un tel transfert n’est réalisé que dans les cas où un candidat a préalablement établi des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

 Appréciation de la Cour

29      La directive 97/80 énonce, à son article 4, paragraphe 1, que les États membres prennent les mesures nécessaires afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation dudit principe (voir arrêt du 10 mars 2005, Nikoloudi, C-196/02, Rec. p. I-1789, point 68).

30      Ainsi, c’est à la personne qui s’estime lésée par le non-respect du principe d’égalité de traitement qu’il incombe, dans un premier temps, d’établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. C’est uniquement dans le cas où cette personne a établi de tels faits qu’il revient à la partie défenderesse, dans un deuxième temps, de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de non-discrimination.

31      À cet égard, il ressort du treizième considérant de la directive 97/80 qu’il appartient à l’instance judiciaire nationale ou à une autre instance compétente d’apprécier, conformément au droit national et/ou aux pratiques nationales, les faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

32      Il incombe par conséquent à la juridiction de renvoi, ou à une autre instance irlandaise compétente, d’apprécier, conformément au droit irlandais et/ou aux pratiques nationales, si M. Kelly a établi des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

33      Toutefois, il convient de préciser que la directive 97/80, conformément à son article 1er, vise à garantir que soient rendues plus efficaces les mesures prises par les États membres, en application du principe d’égalité de traitement, qui permettent à toute personne qui s’estime lésée par la non-application à son égard de ce principe, de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle après, éventuellement, le recours à d’autres instances compétentes.

34      Ainsi, si l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive ne prévoit pas un droit spécifique en faveur d’une personne qui s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe d’égalité de traitement d’accéder à des informations afin qu’elle soit en mesure d’établir des «faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte» conformément à cette disposition, il n’en demeure pas moins qu’il ne saurait être exclu qu’un refus d’information de la part de la partie défenderesse, dans le cadre de l’établissement de tels faits, puisse risquer de compromettre la réalisation de l’objectif poursuivi par cette directive, et ainsi priver notamment ladite disposition de son effet utile.

35      À cet égard, il convient de rappeler que les États membres ne sauraient appliquer une réglementation susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs poursuivis par une directive et, partant, de priver celle-ci de son effet utile (voir arrêt du 28 avril 2011, El Dridi, C‑61/11 PPU, non encore publié au Recueil, point 55).

36      En effet, aux termes respectivement des deuxième et troisième alinéas de l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres, notamment, «prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union» et «s’abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union», y compris ceux poursuivis par les directives (voir arrêt El Dridi, précité, point 56).

37      En l’espèce, il ressort toutefois de la décision de renvoi que, si le président du Circuit Court a rejeté la demande de divulgation, force est de constater que l’UCD a proposé de fournir à M. Kelly une partie des informations qu’il demandait, point qui n’est pas contesté par ce dernier.

38      Dès lors, il convient de répondre à la première question que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80 doit être interprété en ce sens qu’il ne prévoit pas le droit pour un candidat à une formation professionnelle, qui estime que l’accès à celle-ci lui a été refusé en raison du non-respect du principe d’égalité de traitement, d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de cette formation concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation, afin qu’il soit en mesure d’établir des «faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte», conformément à ladite disposition.

39      Toutefois, il ne saurait être exclu qu’un refus d’information de la part d’une partie défenderesse, dans le cadre de l’établissement de tels faits, puisse risquer de compromettre la réalisation de l’objectif poursuivi par ladite directive, et ainsi priver notamment l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci de son effet utile. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal.

 Sur les deuxième et troisième questions

40      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4 de la directive 76/207 ou l’article 1er, point 3, de la directive 2002/73 doivent être interprétés en ce sens qu’ils prévoient le droit pour un candidat à une formation professionnelle d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de celle-ci concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation, soit lorsque ce candidat estime qu’il n’a pas eu accès à ladite formation selon les mêmes critères que les autres candidats et qu’il a été victime d’une discrimination fondée sur le sexe, visée à ce même article 4, soit lorsque ce candidat se plaint d’avoir été victime d’une discrimination fondée sur le sexe, visée audit article 1er, point 3, en ce qui concerne l’accès à cette formation professionnelle.

 Argumentation des parties

41      M. Kelly considère que l’article 4 de la directive 76/207 ainsi que l’article 1er, point 3, de la directive 2002/73 confèrent le droit à celui qui estime qu’il s’est vu refuser l’accès à une formation professionnelle en raison d’une discrimination fondée sur le sexe à obtenir des informations concernant les qualifications des autres candidats à la formation professionnelle en question.

42      Le gouvernement allemand et la Commission font valoir que lesdites dispositions constituent des règles de fond concernant l’interdiction des discriminations fondées sur le sexe et qu’elles n’abordent pas la question des règles procédurales. Ils estiment que ces dispositions ne sont pas libellées de manière suffisamment concrète pour permettre de considérer qu’un droit à la mise en œuvre d’une mesure déterminée, tel qu’un droit à l’information, en découle.

 Appréciation de la Cour

43      Il ne ressort pas du libellé des articles 4 de la directive 76/207 ou 1er, point 3, de la directive 2002/73 qu’un candidat à une formation professionnelle dispose d’un droit d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de celle-ci concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation.

44      En effet, l’article 4, sous c), de la directive 76/207 prévoit que l’application du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne l’accès à tous les types et à tous les niveaux de formation professionnelle implique que les États membres prennent les mesures nécessaires afin que la formation professionnelle, sous réserve de l’autonomie reconnue dans certains États membres à certains établissements privés de formation, soit accessible selon les mêmes critères et aux mêmes niveaux sans discrimination fondée sur le sexe.

45      Quant à l’article 1er, point 3, de la directive 2002/73, il dispose que l’application du principe d’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne l’accès à tous les types et à tous les niveaux d’orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l’acquisition d’une expérience pratique du travail. À cette fin, les États membres prennent les mesures nécessaires pour que toutes dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l’égalité de traitement soient supprimées.

46      Lesdites dispositions visent en effet à mettre en œuvre l’application du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne l’accès à la formation, mais elles laissent, conformément à l’article 288, troisième alinéa, TFUE, la compétence aux instances nationales, quant à la forme et aux moyens, de prendre les mesures nécessaires pour que «toutes dispositions législatives, réglementaires et administratives» contraires audit principe soient supprimées.

47      Ainsi, il ne peut être déduit desdites dispositions une obligation particulière visant à permettre l’accès à un candidat à une formation professionnelle aux informations concernant les qualifications des autres candidats à celle-ci.

48      Dès lors, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 4 de la directive 76/207 ou l’article 1er, point 3, de la directive 2002/73 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne prévoient pas le droit pour un candidat à une formation professionnelle d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de celle-ci concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation, soit lorsque ce candidat estime qu’il n’a pas eu accès à ladite formation selon les mêmes critères que les autres candidats et qu’il a été victime d’une discrimination fondée sur le sexe, visée à cet article 4, soit lorsque ledit candidat se plaint d’avoir été victime d’une discrimination fondée sur le sexe, visée audit article 1er, point 3, en ce qui concerne l’accès à cette formation professionnelle.

 Sur la cinquième question

49      Par sa cinquième question, qu’il convient d’examiner avant la quatrième question, la juridiction de renvoi demande si le droit d’obtenir des informations au titre des directives 76/207, 97/80 et 2002/73 peut être affecté par des règles de l’Union ou nationales en matière de confidentialité.

50      Eu égard à la réponse apportée aux trois premières questions et étant donné que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, la Cour n’est pas compétente pour interpréter le droit national, cette mission incombant exclusivement à la juridiction de renvoi (voir arrêts du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino, C‑53/04, Rec. p. I‑7213, point 54, ainsi que du 18 novembre 2010, Georgiev, C-250/09 et C‑268/09, non encore publié au Recueil, point 75), il y a lieu de comprendre la cinquième question en ce sens que la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit éventuel d’invoquer l’une des directives citées dans les trois premières questions, afin d’accéder à des informations détenues par l’organisateur d’une formation professionnelle concernant les qualifications des candidats à celle-ci, peut être affecté par des règles du droit de l’Union en matière de confidentialité.

 Argumentation des parties

51      M. Kelly estime qu’un droit octroyé en vertu d’un acte juridiquement contraignant de l’Union, y compris une directive telle qu’elle est définie à l’article 288, troisième alinéa, TFUE, peut être affecté non pas par la législation nationale ou la mise en œuvre de celle-ci, mais uniquement par un autre acte juridiquement contraignant de l’Union.

52      L’UCD ainsi que le gouvernement allemand considèrent qu’il convient de répondre à cette question uniquement à titre subsidiaire, puisqu’un droit à l’information tel que décrit par le requérant au principal n’existe pas en vertu des articles 4 de la directive 76/207 et 1er, point 3, de la directive 2002/73. Toutefois, si la Cour devait parvenir à la conclusion que ces dispositions conféraient un tel droit à M. Kelly, la confidentialité, qui est une notion reconnue par le droit de l’Union et consacrée dans plusieurs actes de cette dernière, primerait sur ce droit à l’information.

 Appréciation de la Cour

53      Il convient de rappeler d’emblée que la Cour a jugé, au point 38 du présent arrêt, que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80 ne prévoit pas le droit pour un candidat à une formation professionnelle, qui estime que l’accès à celle-ci lui a été refusé en raison du non-respect du principe d’égalité de traitement, d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de cette formation concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation, afin qu’il soit en mesure d’établir des «faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte», conformément à ladite disposition.

54      Toutefois, il a été également jugé, au point 39 du présent arrêt, qu’il ne saurait être exclu qu’un refus d’information de la part d’une partie défenderesse, dans le cadre de l’établissement de tels faits, puisse risquer de compromettre la réalisation de l’objectif poursuivi par la directive 97/80, et ainsi priver notamment ledit article 4, paragraphe 1, de son effet utile.

55      En appréciant de telles circonstances, les instances judiciaires nationales ou les autres instances compétentes doivent prendre en compte les règles de confidentialité découlant des actes du droit de l’Union, tels que la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281, p. 31), et la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) (JO L 201, p. 37), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 11). La protection des données à caractère personnel est également prévue à l’article 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

56      Dès lors, il convient de répondre à la cinquième question que, dans le cas où un candidat à une formation professionnelle pourrait invoquer la directive 97/80 afin d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de cette formation concernant les qualifications des autres candidats à celle-ci, ce droit d’accès peut être affecté par des règles du droit de l’Union en matière de confidentialité.

 Sur la quatrième question

57      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si la nature de l’obligation prévue à l’article 267, troisième alinéa, TFUE diffère selon qu’il existe, dans l’État membre considéré, un système juridique accusatoire ou un système juridique inquisitoire et, si tel est le cas, dans quelle mesure.

 Argumentation des parties

58      M. Kelly fait valoir que l’obligation pour une juridiction nationale statuant dans le cadre d’un système juridique accusatoire de poser des questions préjudicielles à la Cour est plus étendue que celle d’une juridiction d’un État membre dans lequel existe un système juridique inquisitoire, puisque ce sont les parties, et non la juridiction elle-même, qui dictent la forme, le contenu et le rythme de la procédure dans un système juridique accusatoire. Ainsi, dans celui-ci, une juridiction nationale ne saurait modifier matériellement une question soulevée par une partie ou soumettre à la Cour sa propre opinion concernant la manière dont la question devrait être tranchée.

59      L’UCD, le gouvernement allemand et la Commission s’accordent pour considérer que la nature de l’obligation prévue à l’article 267, paragraphe 3, TFUE ne dépend pas des caractéristiques spécifiques des systèmes juridiques des États membres. En outre, il découlerait de l’arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a. (283/81, Rec. p. 3415), qu’il incombe à la juridiction nationale de décider si et, le cas échéant, de quelle manière il convient de poser les questions préjudicielles.

 Appréciation de la Cour

60      Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que l’article 267 TFUE instaure un mécanisme de renvoi préjudiciel qui vise à prévenir des divergences dans l’interprétation du droit de l’Union que les juridictions nationales ont à appliquer et tend à assurer cette application en ouvrant au juge national un moyen d’éliminer les difficultés que pourrait soulever l’exigence de donner au droit de l’Union son plein effet dans le cadre des systèmes juridictionnels des États membres (voir, en ce sens, avis 1/09, du 8 mars 2011, non encore publié au Recueil, point 83 et jurisprudence citée).

61      En effet, l’article 267 TFUE confère aux juridictions nationales la faculté et, le cas échéant, leur impose l’obligation de renvoi préjudiciel dès que le juge constate soit d’office, soit à la demande des parties, que le fond du litige comporte une question à résoudre relevant du premier alinéa de cet article. Il en résulte que les juridictions nationales ont la faculté la plus étendue de saisir la Cour si elles considèrent qu’une affaire pendante devant elles soulève des questions comportant une interprétation ou une appréciation en validité des dispositions du droit de l’Union nécessitant une décision de leur part (voir, notamment, arrêts du 16 décembre 2008, Cartesio, C-210/06, Rec. p. I‑9641, point 88, ainsi que du 22 juin 2010, Melki et Abdeli, C-188/10 et C-189/10, non encore publié au Recueil, point 41).

62      En outre, la Cour a déjà jugé que le système instauré par l’article 267 TFUE en vue d’assurer l’unité de l’interprétation du droit de l’Union dans les États membres institue une coopération directe entre la Cour et les juridictions nationales par une procédure étrangère à toute initiative des parties (voir, notamment, arrêt Cartesio, précité, point 90).

63      À cet égard, le renvoi préjudiciel repose sur un dialogue de juge à juge, dont le déclenchement dépend entièrement de l’appréciation que fait la juridiction nationale de la pertinence et de la nécessité dudit renvoi (arrêt Cartesio, précité, point 91).

64      Ainsi, s’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier si l’interprétation d’une règle de droit de l’Union est nécessaire pour lui permettre de résoudre le litige qui lui est soumis, eu égard au mécanisme de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, il incombe à cette même juridiction de décider de quelle manière ces questions doivent être formulées.

65      Si ladite juridiction est libre d’inviter les parties au litige dont elle est saisie à suggérer des formulations susceptibles d’être retenues pour l’énoncé des questions préjudicielles, il n’en demeure pas moins que c’est à elle seule qu’il incombe de décider en dernier lieu tant la forme que le contenu de celles-ci.

66      En conséquence, il convient de répondre à la quatrième question que l’obligation prévue à l’article 267, paragraphe 3, TFUE ne diffère pas selon qu’il existe, dans l’État membre considéré, un système juridique accusatoire ou un système juridique inquisitoire.

 Sur les dépens

67      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/80/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe, doit être interprété en ce sens qu’il ne prévoit pas le droit pour un candidat à une formation professionnelle, qui estime que l’accès à celle-ci lui a été refusé en raison du non-respect du principe d’égalité de traitement, d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de cette formation concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation, afin qu’il soit en mesure d’établir des «faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte», conformément à ladite disposition.

Toutefois, il ne saurait être exclu qu’un refus d’information de la part d’une partie défenderesse, dans le cadre de l’établissement de tels faits, puisse risquer de compromettre la réalisation de l’objectif poursuivi par ladite directive, et ainsi priver notamment l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci de son effet utile. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal.

2)      L’article 4 de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, ou l’article 1er, point 3, de la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, modifiant la directive 76/207, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne prévoient pas le droit pour un candidat à une formation professionnelle d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de celle-ci concernant les qualifications des autres candidats à cette même formation, soit lorsque ce candidat estime qu’il n’a pas eu accès à ladite formation selon les mêmes critères que les autres candidats et qu’il a été victime d’une discrimination fondée sur le sexe, visée à cet article 4, soit lorsque ledit candidat se plaint d’avoir été victime d’une discrimination fondée sur le sexe, visée audit article 1er, point 3, en ce qui concerne l’accès à cette formation professionnelle.

3)      Dans le cas où un candidat à une formation professionnelle pourrait invoquer la directive 97/80 afin d’accéder à des informations détenues par l’organisateur de cette formation concernant les qualifications des autres candidats à celle-ci, ce droit d’accès peut être affecté par des règles du droit de l’Union en matière de confidentialité.

4)      L’obligation prévue à l’article 267, paragraphe 3, TFUE ne diffère pas selon qu’il existe, dans l’État membre considéré, un système juridique accusatoire ou un système juridique inquisitoire.

Signature


* Langue de procédure: l’anglais.

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