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Document 62009CJ0233
Judgment of the Court (First Chamber) of 1 July 2010.#Gerhard Dijkman and Maria Dijkman-Lavaleije v Belgische Staat.#Reference for a preliminary ruling: Hof van Beroep te Antwerpen - Belgium.#Freedom to provide services - Free movement of capital - Direct taxation - Difference in treatment according to the place of investment.#Case C-233/09.
Arrêt de la Cour (première chambre) du 1er juillet 2010.
Gerhard Dijkman et Maria Dijkman-Lavaleije contre Belgische Staat.
Demande de décision préjudicielle: Hof van Beroep te Antwerpen - Belgique.
Libre prestation des services - Libre circulation des capitaux - Fiscalité directe - Différence de traitement selon le lieu d’investissement ou de placement.
Affaire C-233/09.
Arrêt de la Cour (première chambre) du 1er juillet 2010.
Gerhard Dijkman et Maria Dijkman-Lavaleije contre Belgische Staat.
Demande de décision préjudicielle: Hof van Beroep te Antwerpen - Belgique.
Libre prestation des services - Libre circulation des capitaux - Fiscalité directe - Différence de traitement selon le lieu d’investissement ou de placement.
Affaire C-233/09.
Recueil de jurisprudence 2010 I-06649
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:397
Affaire C-233/09
Gerhard Dijkman et Maria Dijkman-Lavaleije
contre
Belgische Staat
(demande de décision préjudicielle, introduite par le hof van beroep te Antwerpen)
«Libre prestation des services — Libre circulation des capitaux — Fiscalité directe — Différence de traitement selon le lieu d’investissement ou de placement»
Sommaire de l'arrêt
Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale
(Art. 56 CE)
L’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre selon laquelle des contribuables résidents de cet État membre qui perçoivent des intérêts ou des dividendes provenant de placements ou d’investissements effectués dans un autre État membre sont soumis à une taxe communale additionnelle lorsqu’ils n’ont pas choisi que ces revenus mobiliers leur soient versés par un intermédiaire établi dans leur État membre de résidence, tandis que les revenus de même nature provenant de placements ou d’investissements effectués dans leur État membre de résidence, du fait qu’ils sont soumis à une retenue prélevée à la source, peuvent ne pas être déclarés et, dans ce cas, ne sont pas soumis à une telle taxe.
En effet, l’instauration par un État membre d’une telle différence de traitement en fonction du lieu d’investissement des capitaux a pour effet de dissuader un résident de cet État membre d’investir ou de placer ses capitaux dans une société établie dans un autre État membre et produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux dans le premier État membre. À cet égard, la situation d’un contribuable ayant effectué des placements ou des investissements dans l'État membre ne diffère pas de celle d’un contribuable ayant effectué des placements ou des investissements dans un autre État membre. En effet, dans le cadre d’une telle législation, un contribuable résident ayant retiré des revenus d’investissements ou de placements effectués dans un autre État membre est tout autant soumis à un impôt sur lesdits revenus dans son État membre de résidence qu’un contribuable résident ayant retiré des revenus d’investissements ou de placements effectués dans ce dernier État membre. Dès lors, dans un tel contexte, la circonstance que lesdits revenus sont soumis à des techniques d’imposition différentes est précisément à l’origine de la différence de traitement conduisant à ce que seuls les revenus tirés d’investissements ou de placements effectués dans un autre État membre sont nécessairement soumis à la taxe communale additionnelle, mais ne reflète pas une différence de situation dans le chef des contribuables concernés à l’égard de ladite taxe. En effet, à l’égard d’une telle taxe, établie par les agglomérations et les communes pour tous les contribuables de la même agglomération ou de la même commune et dont l’assiette est constituée de l’impôt sur les revenus des personnes physiques, un contribuable résident percevant des revenus d’investissements ou de placements effectués dans un autre État membre ne se trouve pas dans une situation objectivement différente de celle d’un contribuable résident percevant des revenus d’investissements ou de placements effectués dans son État membre de résidence. Dans ces conditions, une telle législation constitue une restriction à la libre circulation des capitaux.
Une telle restriction n'est pas justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal national dès lors qu'il n'est fait état d'aucun prélèvement fiscal déterminé compensant l'avantage consistant dans l'exonération de la taxe communale additionnelle pour les revenus provenant d'un placement ou d'un investissement effectué dans l'État membre de résidence du contribuable. En outre, si la nécessité de préserver l’efficacité des contrôles fiscaux est susceptible de conforter l'affirmation selon laquelle le prélèvement de la retenue à la source ne peut être effectué que par des intermédiaires établis sur le territoire national, elle ne saurait justifier que les revenus soumis à ce prélèvement et les revenus qui ne le sont pas subissent un traitement différent en ce qui concerne la taxe communale additionnelle.
(cf. points 31, 45-48, 57, 59, 62 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
1er juillet 2010 (*)
«Libre prestation des services – Libre circulation des capitaux – Fiscalité directe – Différence de traitement selon le lieu d’investissement ou de placement»
Dans l’affaire C‑233/09,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le hof van beroep te Antwerpen (Belgique), par décision du 16 juin 2009, parvenue à la Cour le 26 juin 2009, dans la procédure
Gerhard Dijkman,
Maria Dijkman-Lavaleije
contre
Belgische Staat,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. E. Levits (rapporteur), M. Ilešič, M. Safjan et Mme M. Berger, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour M. Dijkman et Mme Dijkman-Lavaleije, par eux-mêmes,
– pour le gouvernement belge, par M. J.-C. Halleux, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et W. Roels, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 56, paragraphe 1, CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Dijkman et Mme Dijkman-Lavaleije au Belgische Staat (État belge), au sujet du refus de l’administration fiscale belge de leur rembourser, notamment, la taxe communale additionnelle à l’impôt des personnes physiques (ci-après la «taxe communale additionnelle») perçue au titre des exercices d’imposition 2004 et 2005 proportionnellement à l’impôt des personnes physiques (ci-après l’«IPP») frappant certains revenus mobiliers provenant d’investissements et de placements effectués aux Pays-Bas.
Le cadre juridique national
3 En vertu de l’article 261 du code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après le «CIR 1992»), sont redevables du précompte mobilier, notamment, les habitants du Royaume de Belgique, les sociétés résidentes, associations, institutions, établissements et organismes quelconques ainsi que les personnes morales assujetties à l’impôt des personnes morales débiteurs de revenus de capitaux et de biens mobiliers ainsi que les intermédiaires établis en Belgique qui interviennent à quelque titre que ce soit dans le paiement de revenus de capitaux et de biens mobiliers d’origine étrangère, à moins, notamment, qu’il leur soit justifié que la retenue du précompte a été effectuée par un précédent intermédiaire.
4 Conformément à l’article 313 du CIR 1992, les contribuables assujettis à l’IPP ne sont pas tenus de mentionner dans leur déclaration annuelle audit impôt les revenus des capitaux et des biens mobiliers pour lesquels un précompte mobilier a été acquitté ni ceux qui sont exonérés de précompte mobilier en vertu de dispositions légales et réglementaires, sous réserve de certains types de revenus non concernés dans l’affaire au principal. Le précompte mobilier dû sur de tels revenus non déclarés ne peut pas être imputé sur l’IPP dû ni être restitué.
5 L’article 465 du CIR 1992 prévoit que les agglomérations et les communes peuvent établir une taxe additionnelle à l’IPP.
6 L’article 466 du CIR 1992 dispose ce qui suit:
«La taxe communale additionnelle […] et la taxe d’agglomération additionnelle à l’[IPP] sont calculées sur l’[IPP] déterminé:
– avant imputation des versements anticipés visés aux articles 157 à 168 et 175 à 177, des précomptes, de la quotité forfaitaire d’impôt étranger et des crédits d’impôt, visés aux articles 134 et 277 à 296;
– avant application des majorations prévues aux articles 157 à 168, de la bonification prévue aux articles 175 à 177 ainsi que des accroissements d’impôt prévus à l’article 444.»
7 Conformément à l’article 467 du CIR 1992, la taxe additionnelle à l’IPP est établie soit par la commune, soit par l’agglomération, à charge des habitants du Royaume de Belgique qui sont imposables, respectivement, dans cette commune ou dans les communes faisant partie de cette agglomération.
8 L’article 468 du CIR 1992 prévoit:
«La taxe additionnelle est fixée pour tous les contribuables d’une même agglomération ou commune à un pourcentage uniforme de l’impôt dû à l’État.
[…]»
Le litige au principal et la question préjudicielle
9 Les requérants au principal, résidents belges, ont déclaré, dans leur déclaration fiscale à l’IPP pour l’exercice d’imposition 2004, des revenus mobiliers perçus à l’étranger, en l’occurrence aux Pays-Bas, à savoir des intérêts de dépôts pour un montant de 33 780 euros et des dividendes pour un montant de 90 030,52 euros, sans retenue de précompte mobilier.
10 Dans l’avis d’imposition relatif à cet exercice, ces intérêts et dividendes ont été imposés séparément aux taux respectifs de 15 % et de 25 %. De plus, l’impôt ainsi établi a été majoré de la taxe communale additionnelle, fixée par la commune du domicile des requérants à 8 % de l’impôt dû à l’État.
11 Les requérants au principal ont introduit une réclamation contre cet avis d’imposition, s’opposant, d’une part, à la perception de l’impôt de 25 % sur les dividendes, au motif que le Royaume des Pays-Bas avait déjà retenu un impôt sur les dividendes provenant de ce pays, et, d’autre part, à la perception de la taxe communale additionnelle.
12 Pour l’exercice d’imposition 2005, les requérants au principal ont introduit une déclaration fiscale à l’IPP dans laquelle ils ont notamment déclaré des revenus mobiliers perçus à l’étranger, à savoir des dividendes pour un montant de 14 551,23 euros dans le chef de M. Dijkman et de 15 359,53 euros dans le chef de Mme Dijkman-Lavaleije, lesquels n’ont pas fait l’objet d’une retenue de précompte mobilier.
13 Ces montants ayant été taxés séparément au taux de 25 % dans l’avis d’imposition relatif à cet exercice, outre la taxe communale additionnelle correspondante, les requérants au principal ont introduit une réclamation contre cet avis, articulant les mêmes griefs que ceux formulés contre l’avis d’imposition relatif à l’exercice 2004.
14 Leurs réclamations ayant été rejetées, les requérants au principal ont saisi le rechtbank van eerste aanleg van Antwerpen (tribunal de première instance d’Anvers), qui a rejeté leurs recours.
15 Devant le hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers), les requérants au principal demandent, d’une part, que le précompte néerlandais perçu sur les dividendes déclarés pour les exercices d’imposition 2004 et 2005 soit imputé sur l’IPP dû en Belgique et, par conséquent, que le Belgische Staat soit condamné à leur rembourser les montants de 11 906 euros et de 3 479 euros, étant les impôts étatiques perçus sur ces dividendes. D’autre part, ils demandent le remboursement des montants de 2 206 euros et de 800 euros correspondant à la taxe communale additionnelle.
16 Le hof van beroep te Antwerpen a jugé que les prétentions des requérants au principal quant à l’imputation du précompte néerlandais sur l’impôt dû en Belgique ne sont pas fondées.
17 En ce qui concerne la taxe communale additionnelle, ladite juridiction constate que, lorsque les contribuables perçoivent des revenus mobiliers étrangers qui n’ont pas encore été soumis au précompte mobilier, ils ne peuvent pas se prévaloir de la règle énoncée à l’article du 313 du CIR 1992 relative au précompte mobilier libératoire et sont tenus de déclarer ces revenus. Or, lorsque les revenus mobiliers sont déclarés, la taxe communale additionnelle est toujours due, conformément aux articles 465 et 466 du CIR 1992. En revanche, lorsque les contribuables perçoivent des revenus mobiliers belges, ces revenus sont soumis au précompte mobilier libératoire. Or, dans le régime du précompte mobilier libératoire, le montant des revenus mobiliers ayant ainsi fait l’objet d’une retenue à la source ne doit pas être déclaré et n’est par conséquent pas soumis à cette taxe. La seule manière pour ces contribuables de bénéficier de la règle énoncée à l’article 313 du CIR 1992 et d’échapper ainsi à la taxe communale additionnelle sur leurs revenus mobiliers étrangers serait de se faire payer ces revenus par un intermédiaire belge qui retiendrait le précompte mobilier.
18 Dans ces conditions, le hof van beroep te Antwerpen a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Le fait que des résidents belges qui réalisent des investissements ou des placements à l’étranger, par exemple aux Pays-Bas, afin de se soustraire à la taxe communale additionnelle prévue à l’article 465 du [CIR 1992] soient obligés de s’adresser à un intermédiaire belge pour obtenir le paiement des revenus mobiliers alors que les résidents [belges] qui effectuent des investissements ou des placements en Belgique peuvent toujours bénéficier du régime du précompte mobilier libératoire institué par l’article 313 du [CIR 1992] et peuvent ainsi échapper à la taxe communale additionnelle prévue à l’article 465 du [CIR 1992] parce que le précompte mobilier est déjà retenu à la source constitue-t-il une violation de l’article 56, paragraphe 1, CE?»
Sur la question préjudicielle
19 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 56 CE s’oppose à la législation d’un État membre selon laquelle des contribuables résidents de cet État membre qui perçoivent des intérêts ou des dividendes provenant de placements ou d’investissements effectués dans un autre État membre sont soumis à une taxe communale additionnelle lorsqu’ils n’ont pas choisi que ces revenus mobiliers leur soient versés par un intermédiaire établi dans leur État membre de résidence, tandis que les revenus de même nature provenant de placements ou d’investissements effectués dans leur État membre de résidence, du fait qu’ils sont soumis à une retenue prélevée à la source, peuvent ne pas être déclarés et, dans ce cas, ne sont pas soumis à une telle taxe.
Sur l’existence d’une restriction aux libertés fondamentales garanties par le traité CE
20 Il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit de l’Union (voir, notamment, arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C‑374/04, Rec. p. I‑11673, point 36; du 8 novembre 2007, Amurta, C‑379/05, Rec. p. I‑9569, point 16, ainsi que du 19 novembre 2009, Commission/Italie, C‑540/07, non encore publié au Recueil, point 28).
21 À cet égard, il y a lieu d’emblée de relever que le gouvernement belge estime que la présente affaire doit être examinée au regard de l’article 49 CE, et non au regard de l’article 56 CE. En effet, selon ce gouvernement, dans la mesure où seuls les intermédiaires belges peuvent opérer la retenue du précompte mobilier libératoire, l’accès ou non au régime de ce précompte pour un contribuable résidant en Belgique qui place ou investit des capitaux dans un autre État membre dépend du lieu où il encaisse ses revenus mobiliers, et non de l’endroit où il place ou investit ses capitaux.
22 Il convient dès lors de déterminer au préalable si, et dans quelle mesure, une législation nationale telle que celle en cause au principal est susceptible d’affecter l’exercice de la libre prestation des services et la libre circulation des capitaux.
23 Or, il importe de rappeler, d’une part, que l’article 49 CE exige la suppression de toute restriction à la libre prestation des services, même si cette restriction s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues (voir arrêt du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, non encore publié au Recueil, point 51 et jurisprudence citée).
24 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, l’article 49 CE confère des droits non seulement au prestataire de services lui-même, mais également au destinataire desdits services (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2006, FKP Scorpio Konzertproduktionen, C‑290/04, Rec. p. I‑9461, point 32 et jurisprudence citée).
25 D’autre part, constituent des restrictions aux mouvements de capitaux au sens de l’article 56, paragraphe 1, CE, notamment, des mesures imposées par un État membre qui sont de nature à dissuader ses résidents de contracter des prêts ou de faire des investissements dans d’autres États membres (voir, notamment, arrêts du 26 septembre 2000, Commission/Belgique, C-478/98, Rec. p. I-7587, point 18, ainsi que du 11 juin 2009, X et Passenheim-van Schoot, C‑155/08 et C‑157/08, non encore publié au Recueil, point 33).
26 Il résulte d’une jurisprudence bien établie que, pour déterminer si une législation nationale relève de l’une ou l’autre des libertés fondamentales garanties par le traité, il y a lieu de prendre en considération l’objet de la législation en cause (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2007, Holböck, C‑157/05, Rec. p. I‑4051, point 22 et jurisprudence citée).
27 Une législation telle que celle en cause au principal introduit une différence de traitement tant en fonction de l’origine des revenus mobiliers des contribuables résidents qu’en fonction du prestataire qui leur verse lesdits revenus.
28 En particulier, d’une part, ainsi que le constate la juridiction de renvoi, la législation en cause au principal instaure une différence de traitement des revenus mobiliers des résidents belges issus d’investissements ou de placements effectués dans un autre État membre par rapport aux revenus issus d’investissements ou de placements effectués en Belgique, les premiers devant être déclarés et, par conséquent, étant soumis à une imposition supplémentaire, à savoir la taxe communale additionnelle, tandis que les seconds en sont exonérés, grâce au régime du précompte mobilier libératoire.
29 D’autre part, ainsi que le fait valoir le gouvernement belge, un résident belge ayant effectué des investissements ou des placements dans un autre État membre peut choisir que les revenus mobiliers afférents à ces investissements ou à ces placements lui soient versés par un intermédiaire établi en Belgique, auquel cas ces revenus peuvent bénéficier du régime de précompte mobilier libératoire et, dès lors, échapper à la taxe communale additionnelle. Or, le paiement des revenus provenant des investissements ou des placements effectués dans un autre État membre constitue une prestation de service au sens de l’article 49 CE.
30 Une telle législation est, par conséquent, susceptible d’affecter tant l’exercice de la libre circulation des capitaux que celui de la libre prestation des services.
31 Ainsi, l’instauration par un État membre d’une différence de traitement en fonction du lieu d’investissement des capitaux a pour effet de dissuader un résident de cet État membre d’investir ou de placer ses capitaux dans une société établie dans un autre État membre et produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux dans le premier État membre (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑446/04, Rec. p. I‑11753, point 166, et du 18 décembre 2007, Grønfeldt, C‑436/06, Rec. p. I‑12357, point 14).
32 De même, dans la mesure où seuls les intermédiaires établis en Belgique peuvent percevoir le précompte mobilier libératoire, une législation nationale telle que celle en cause au principal place les intermédiaires établis dans l’État membre concerné dans une position plus avantageuse pour fournir les prestations liées au paiement aux résidents belges des revenus provenant des investissements ou des placements effectués dans d’autres États membres par rapport à des intermédiaires établis dans ceux-ci et, par conséquent, rend moins attrayants les services de ces derniers.
33 Toutefois, il résulte de la jurisprudence que la Cour examine la mesure en cause, en principe, au regard de l’une seulement de ces deux libertés s’il s’avère que, dans les circonstances de l’affaire au principal, l’une d’elles est tout à fait secondaire par rapport à l’autre et peut lui être rattachée (arrêt du 3 octobre 2006, Fidium Finanz, C‑452/04, Rec. p. I‑9521, point 34; voir également, par analogie, arrêt du 17 septembre 2009, Glaxo Wellcome, C‑182/08, non encore publié au Recueil, point 37).
34 En l’occurrence, le litige au principal concerne la soumission à la taxe communale additionnelle des revenus de placements ainsi que d’investissements effectués dans un autre État membre et se rapporte donc aux conséquences découlant pour un contribuable résident de l’exercice de la libre circulation des capitaux.
35 Ainsi, c’est précisément l’exercice de cette liberté qui entraîne, pour le contribuable résident, la nécessité de choisir un intermédiaire pour le versement des revenus provenant des investissements et des placements concernés. Le choix de cet intermédiaire et, par conséquent, les aspects relatifs à la libre prestation des services sont, dans un tel contexte, secondaires par rapport aux aspects relatifs à la libre circulation des capitaux.
36 Dès lors, compte tenu des considérations émises au point 31 du présent arrêt, il y a lieu de constater qu’une législation nationale telle que celle en cause au principal constitue une restriction à la libre circulation des capitaux, prohibée, en principe, par l’article 56 CE.
37 Ce constat n’est pas ébranlé par les arguments du gouvernement belge qui, d’une part, cherche à minimiser les effets de la différence de traitement découlant de la législation nationale en cause au principal et, d’autre part, fait valoir que, à l’égard du régime du précompte mobilier libératoire, un contribuable qui investit en Belgique se trouve dans une situation différente de celle d’un contribuable qui investit dans un autre État membre.
38 En ce qui concerne le premier point, il convient tout d’abord de relever que, à l’égard du traitement accordé aux intérêts et aux dividendes en cause au principal, il est sans pertinence que certains autres types de revenus mobiliers ne soient pas soumis au précompte mobilier libératoire même lorsqu’ils sont encaissés en Belgique et soient, de ce fait, toujours soumis à la taxe communale additionnelle, dès lors que les intérêts et les dividendes de même nature encaissés en Belgique sont soumis au régime du précompte mobilier.
39 Le gouvernement belge allègue en outre que les effets de la différence de traitement ne sont pas nécessairement défavorables pour les bénéficiaires de revenus mobiliers provenant d’un autre État membre, dans la mesure où le paiement de l’impôt via le précompte mobilier libératoire entraîne un désavantage de trésorerie pour le contribuable qui est immédiatement dessaisi du montant de cet impôt, alors que, en cas de paiement de l’impôt dans le cadre normal de la perception de l’IPP, il peut conserver ce montant en moyenne pendant deux ans et, partant, en retirer un revenu.
40 À cet égard, il convient de relever que la soumission, par un État membre, des revenus mobiliers provenant des placements et des investissements effectués dans un autre État membre à une imposition supplémentaire par rapport à ceux provenant des placements et des investissements effectués dans le premier État membre constitue en soi un traitement fiscal défavorable contraire à la libre circulation des capitaux.
41 Or, conformément à la jurisprudence, un traitement fiscal défavorable contraire à une liberté fondamentale ne saurait être considéré comme compatible avec le droit de l’Union par l’existence d’autres avantages, à supposer que de tels avantages existent (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C‑35/98, Rec. p. I‑4071, point 61, et Amurta, précité, point 75).
42 Par ailleurs, même une restriction de faible portée ou d’importance mineure à une liberté fondamentale est prohibée par le traité (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 2000, Commission/France, C-34/98, Rec. p. I-995, point 49; du 11 mars 2004, de Lasteyrie du Saillant, C‑9/02, Rec. p. I‑2409, point 43, ainsi que du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France, C‑170/05, Rec. p. I‑11949, point 50).
43 Le gouvernement belge ne saurait dès lors utilement soutenir que la soumission des revenus de placements réalisés dans un autre État membre à la taxe communale additionnelle peut être compensée par l’avantage de trésorerie dont disposerait le contribuable résident percevant ces revenus, à la différence des revenus de placements du contribuable résident réalisés dans l’État membre de résidence, qui sont soumis à un précompte mobilier.
44 En ce qui concerne le second point, le gouvernement belge allègue que la situation d’un contribuable ayant effectué des placements ou des investissements en Belgique diffère de celle d’un contribuable ayant effectué des placements ou des investissements dans un autre État membre. En effet, dans ce dernier cas, la gestion et la perception du précompte mobilier libératoire ne pourraient être confiées au débiteur, non-résident, des revenus mobiliers sans engendrer un risque de difficultés de recouvrement en cas de perception insuffisante de ce précompte. Or, dans l’arrêt du 22 décembre 2008, Truck Center (C-282/07, Rec. p. I-10767), la Cour aurait implicitement reconnu que de telles difficultés ne trouvent pas de solution satisfaisante dans les instruments internationaux d’assistance au recouvrement et que les contribuables établis à l’étranger sont dès lors dans une situation différente de celle des contribuables résidents en ce qui concerne le recouvrement de l’impôt.
45 À cet égard, il suffit de relever que, dans le cadre d’une législation telle que celle en cause au principal, un contribuable résident ayant retiré des revenus d’investissements ou de placements effectués dans un autre État membre est tout autant soumis à un impôt sur lesdits revenus dans son État membre de résidence qu’un contribuable résident ayant retiré des revenus d’investissements ou de placements effectués dans ce dernier État membre.
46 Dès lors, dans un tel contexte, la circonstance que lesdits revenus sont soumis à des techniques d’imposition différentes est précisément à l’origine de la différence de traitement conduisant à ce que seuls les revenus tirés d’investissements ou de placements effectués dans un autre État membre sont nécessairement soumis à la taxe communale additionnelle, mais ne reflète pas une différence de situation dans le chef des contribuables concernés à l’égard de ladite taxe.
47 En effet, à l’égard d’une taxe telle que celle en cause au principal, établie par les agglomérations et les communes pour tous les contribuables de la même agglomération ou de la même commune et dont l’assiette est constituée de l’impôt sur les revenus des personnes physiques, un contribuable résident percevant des revenus d’investissements ou de placements effectués dans un autre État membre ne se trouve pas dans une situation objectivement différente de celle d’un contribuable résident percevant des revenus d’investissements ou de placements effectués dans son État membre de résidence.
48 Dans ces conditions, force est de conclure qu’une législation d’un État membre telle que celle en cause au principal constitue une restriction à la libre circulation des capitaux.
Sur la justification de la restriction à la libre circulation des capitaux
49 Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie, des mesures nationales restreignant la libre circulation des capitaux peuvent être justifiées par les raisons mentionnées à l’article 58 CE ou par des raisons impérieuses d’intérêt général, à condition qu’elles soient propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2007, Commission/Allemagne, C‑112/05, Rec. p. I‑8995, points 72 et 73 ainsi que jurisprudence citée).
50 Selon le gouvernement belge, la législation en cause au principal est justifiée par des raisons tenant à la cohérence et à la spécificité du système fiscal belge ainsi qu’à la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux.
51 Ainsi, le monopole quant à l’établissement de la déclaration ad hoc de la retenue et au versement du précompte mobilier conféré aux intermédiaires établis en Belgique serait inhérent au système fiscal belge et constituerait une modalité de collecte de l’impôt simple pour les contribuables et peu coûteuse pour l’État, dans la mesure où les intermédiaires redevables de ce précompte supportent la charge administrative de la perception et du paiement de celui-ci.
52 En centralisant la collecte de l’impôt sur les revenus mobiliers encaissés à l’étranger dans le chef des intermédiaires belges, le système fiscal belge rationaliserait les mesures de contrôle en les limitant à quelques centaines d’intervenants, ce qui, en permettant un suivi des flux financiers d’une manière globale chez chaque intermédiaire redevable du précompte mobilier, garantirait l’efficacité du contrôle fiscal. Permettre au contribuable personne physique résident belge d’opérer la retenue du précompte mobilier dû sur ses propres revenus mobiliers encaissés à l’étranger rendrait un tel suivi de ces flux quasi impossible, car il faudrait analyser ceux-ci au travers des déclarations de précompte mobilier faites par des millions d’intervenants.
53 De même, autoriser les débiteurs de revenus mobiliers ou les intermédiaires financiers établis dans un autre État membre à percevoir le précompte mobilier libératoire pour le compte d’un résident belge ne permettrait pas non plus de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux réalisés par l’administration fiscale belge, les instruments internationaux d’assistance à l’établissement des impôts ne pouvant pas garantir entièrement l’efficacité des contrôles fiscaux à l’égard d’opérateurs établis dans d’autres États membres.
54 À l’égard des justifications ainsi énoncées, il y a lieu de rappeler, d’une part, que la Cour a déjà admis que la nécessité de préserver la cohérence d’un régime fiscal peut justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité (arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/90, Rec. p. I-249, point 28; du 7 septembre 2004, Manninen, C-319/02, Rec. p. I-7477, point 42, et du 27 novembre 2008, Papillon, C‑418/07, Rec. p. I‑8947, point 43).
55 Pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, la Cour exige toutefois un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé, le caractère direct de ce lien devant être apprécié au regard de l’objectif de la réglementation en cause (voir arrêt Papillon, précité, point 44 et jurisprudence citée).
56 Or, ainsi qu’il a déjà été jugé au point 46 du présent arrêt, une différence de traitement telle que celle en cause au principal ne se limite pas à l’application de techniques d’imposition différentes selon que les revenus concernés proviennent de placements ou d’investissements réalisés dans un autre État membre ou dans l’État membre de résidence. En effet, les différentes techniques d’imposition concernées conduisent à ce que des revenus mobiliers provenant d’un placement ou d’un investissement effectué dans un autre État membre et non soumis au précompte mobilier subissent une imposition supplémentaire sous la forme de la taxe communale additionnelle, alors que les revenus provenant d’un placement ou d’un investissement effectué en Belgique peuvent en être exonérés du fait qu’ils ne doivent pas être déclarés dès lors qu’ils ont été soumis au précompte mobilier.
57 Le gouvernement belge n’a toutefois fait état d’aucun prélèvement fiscal déterminé compensant l’avantage consistant dans cette exonération.
58 D’autre part, la Cour a reconnu que la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité (voir, en ce sens, arrêt X et Passenheim-van Schoot, précité, point 45 et jurisprudence citée).
59 Toutefois, si la nécessité de préserver l’efficacité des contrôles fiscaux est susceptible de conforter l’opinion du gouvernement belge selon laquelle le prélèvement du précompte mobilier libératoire ne peut être effectué que par des intermédiaires établis en Belgique, elle ne saurait justifier que les revenus soumis à ce précompte et les revenus qui ne le sont pas subissent un traitement différent en ce qui concerne la taxe communale additionnelle.
60 En outre, la Cour a déjà jugé que des difficultés pratiques ne peuvent pas justifier à elles seules l’atteinte portée à une liberté fondamentale garantie par le traité (voir arrêt Papillon, précité, point 54 et jurisprudence citée).
61 Dès lors, il y a lieu de constater que les motifs invoqués par le gouvernement belge ne sauraient justifier la restriction à la libre circulation des capitaux découlant d’une législation telle que celle en cause au principal.
62 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre selon laquelle des contribuables résidents de cet État membre qui perçoivent des intérêts ou des dividendes provenant de placements ou d’investissements effectués dans un autre État membre sont soumis à une taxe communale additionnelle lorsqu’ils n’ont pas choisi que ces revenus mobiliers leur soient versés par un intermédiaire établi dans leur État membre de résidence, tandis que les revenus de même nature provenant de placements ou d’investissements effectués dans leur État membre de résidence, du fait qu’ils sont soumis à une retenue prélevée à la source, peuvent ne pas être déclarés et, dans ce cas, ne sont pas soumis à une telle taxe.
Sur les dépens
63 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
L’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre selon laquelle des contribuables résidents de cet État membre qui perçoivent des intérêts ou des dividendes provenant de placements ou d’investissements effectués dans un autre État membre sont soumis à une taxe communale additionnelle lorsqu’ils n’ont pas choisi que ces revenus mobiliers leur soient versés par un intermédiaire établi dans leur État membre de résidence, tandis que les revenus de même nature provenant de placements ou d’investissements effectués dans leur État membre de résidence, du fait qu’ils sont soumis à une retenue prélevée à la source, peuvent ne pas être déclarés et, dans ce cas, ne sont pas soumis à une telle taxe.
Signatures
*Langue de procédure: le néerlandais.