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Document 62006CC0319
Opinion of Advocate General Trstenjak delivered on 13 September 2007. # Commission of the European Communities v Grand Duchy of Luxemburg. # Failure of a Member State to fulfil obligations - Posting of workers - Freedom to provide services - Directive 96/71/EC - Public policy provisions - Weekly rest days - Obligation to produce documents relating to a posting on demand by the national authorities - Obligation to designate an ad hoc agent residing in Luxembourg to retain all the documents necessary for monitoring purposes. # Case C-319/06.
Conclusions de l'avocat général Trstenjak présentées le 13 septembre 2007.
Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg.
Manquement d’État - Détachement de travailleurs - Libre prestation des services - Directive 96/71/CE - Dispositions d’ordre public - Repos hebdomadaire - Obligation de présentation des documents relatifs à un détachement sur simple demande des autorités nationales - Obligation de désigner un mandataire ad hoc résidant au Luxembourg et conservant tous les documents nécessaires aux fins des contrôles.
Affaire C-319/06.
Conclusions de l'avocat général Trstenjak présentées le 13 septembre 2007.
Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg.
Manquement d’État - Détachement de travailleurs - Libre prestation des services - Directive 96/71/CE - Dispositions d’ordre public - Repos hebdomadaire - Obligation de présentation des documents relatifs à un détachement sur simple demande des autorités nationales - Obligation de désigner un mandataire ad hoc résidant au Luxembourg et conservant tous les documents nécessaires aux fins des contrôles.
Affaire C-319/06.
Recueil de jurisprudence 2008 I-04323
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2007:516
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
MME VERICA TRSTENJAK
présentées le 13 septembre 2007 ( 1 )
Affaire C-319/06
Commission des Communautés européennes
contre
Grand-Duché de Luxembourg
Table des matières
I — Introduction |
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II — Cadre juridique |
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A — Droit communautaire |
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B — Droit national |
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III — Procédure précontentieuse |
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IV — Procédure devant la Cour et conclusion des parties |
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V — Principaux arguments des parties |
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A — Sur le premier grief: transposition incorrecte de l’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive 96/71 |
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— Prescriptions relatives au contrat écrit ou au document établi en vertu de la directive 91/533 (article 1er, paragraphe 1, point 1, de la loi du 20 décembre 2002) |
|
— Adaptation automatique de la rémunération à l’évolution du coût de la vie (article 1er, paragraphe 1, point 2, de la loi du 20 décembre 2002) |
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— Respect de la réglementation du travail à temps partiel et à durée déterminée (article 1er, paragraphe 1, point 8, de la loi du 20 décembre 2002) |
|
— Respect des conventions collectives de travail (article 1er, paragraphe 1, point 11, de la loi du 20 décembre 2002) |
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B — Sur le deuxième grief: transposition incomplète de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 96/71 |
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C — Sur le troisième grief: absence de clarté quant aux modalités de contrôle |
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D — Sur le quatrième grief: exigence d’un mandataire ad hoc |
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VI — Analyse |
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A — Remarques préliminaires |
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1. Ratio legis de la directive 96/71 |
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2. Cadre d’appréciation juridique |
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B — Examen des moyens |
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Sur le premier grief |
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1. La notion d’ordre public de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71 |
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2. Les dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, points 1, 2, 8 et 11, de la loi du 20 décembre 2002 |
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— Prescriptions relatives au contrat écrit ou au document établi en vertu de la directive 91/533 |
|
— Adaptation automatique de la rémunération à l’évolution du coût de la vie |
|
— Prescription relative à la réglementation du travail à temps partiel et à durée déterminée |
|
— Prescription relative aux conventions collectives de travail |
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Sur le deuxième grief |
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Sur le troisième grief |
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Sur le quatrième grief |
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VII — Sur les dépens |
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VIII — Conclusions |
«Manquement d’État — Détachement de travailleurs — Libre prestation des services — Directive 96/71/CE — Dispositions d’ordre public — Repos hebdomadaire — Obligation de présentation des documents relatifs à un détachement sur simple demande des autorités nationales — Obligation de désigner un mandataire ad hoc résidant au Luxembourg et conservant tous les documents nécessaires aux fins des contrôles»
I — Introduction
1. |
La présente affaire a pour objet un recours en manquement introduit par la Commission des Communautés européennes en vertu de l’article 226 CE, par lequel celle-ci demande à la Cour de constater que le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services ( 2 ), ainsi que des articles 49 CE et 50 CE en imposant des conditions aux entreprises qui ont leur siège dans un autre État membre et qui détachent au Luxembourg des travailleurs dans le cadre d’une prestation de services. |
II — Cadre juridique
A — Droit communautaire
2. |
Selon l’article 49, premier alinéa, CE, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. |
3. |
L’article 50, premier alinéa, CE définit ces services comme des prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes. Selon le dernier alinéa de l’article 50 CE, le prestataire peut, pour l’exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans l’État où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que cet État impose à ses propres ressortissants. |
4. |
L’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive 96/71 prévoit sous le titre «Conditions de travail et d’emploi»: «1. Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées à l’article 1er paragraphe 1 garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées:
Aux fins de la présente directive, la notion de taux de salaire minimal visée au second tiret point c) est définie par la législation et/ou la pratique nationale(s) de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché. […] 10. La présente directive ne fait pas obstacle à ce que les États membres, dans le respect du traité, imposent aux entreprises nationales et aux entreprises d’autres États, d’une façon égale:
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5. |
Lors de l’adoption de la directive, une déclaration a été adoptée (déclaration no 10) selon laquelle «les mots ‘dispositions d’ordre public’ devaient être considérés comme couvrant celles des dispositions obligatoires à l’égard desquelles on ne peut pas déroger et qui, par leur nature et leur objectif, répondent aux exigences impératives de l’intérêt public. Ces dispositions peuvent inclure, en particulier, l’interdiction du travail forcé ou l’implication d’autorités publiques dans la surveillance du respect de la législation concernant les conditions de travail» ( 3 ). |
B — Droit national
6. |
L’article 1er de la loi luxembourgeoise du 20 décembre 2002 portant sur la transposition de la directive 96/71 et sur le contrôle de l’application du droit du travail ( 4 ) (ci-après la «loi du 20 décembre 2002») énonce: «(1) Constituent des dispositions de police relevant de l’ordre public national, en ce qui concerne notamment les dispositions d’ordre conventionnel ou contractuel conformément aux termes de la loi du 27 mars 1986 portant approbation de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, et sont comme telles applicables à tous les travailleurs exerçant une activité sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, y compris ceux qui font l’objet d’un détachement temporaire, quelle que soit sa durée ou sa nature, toutes les dispositions légales, réglementaires, administratives, ainsi que celles résultant de conventions collectives déclarées d’obligation générale ou d’une décision d’arbitrage ayant un champ d’application similaire à celui des conventions collectives d’obligation générale, ayant trait:
(2) Les dispositions du paragraphe premier du présent article s’appliquent aux travailleurs, quelle que soit leur nationalité, au service de toute entreprise, sans préjudice quant à la nationalité et au lieu juridique ou effectif du siège social de celle-ci.» |
7. |
L’article 2 de cette même loi énonce: «(1) Les dispositions de l’article premier de la présente loi s’appliquent également aux entreprises, à l’exception du personnel navigant de la marine marchande maritime, qui, dans le cadre d’une prestation de services transnationale, détachent des travailleurs sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. (2) On entend notamment par ‘détachement’, au sens du paragraphe (1) qui précède, les opérations suivantes effectuées par les entreprises concernées, pour autant qu’il existe une relation de travail entre l’entreprise d’envoi et le travailleur pendant la période de détachement:
(3) On entend par travailleur détaché, tout travailleur travaillant habituellement à l’étranger et qui exécute son travail, pendant une période limitée, sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. (4) La notion de relation de travail est déterminée conformément au droit luxembourgeois.» |
8. |
L’article 7 de la loi du 20 décembre 2002 prévoit: «(1) Aux fins de l’application de la présente loi, l’entreprise, y compris celle dont le siège est établi hors du territoire du Grand-Duché de Luxembourg ou qui effectue son travail habituellement hors du territoire luxembourgeois, dont un ou plusieurs travailleurs exercent une activité au Luxembourg, y compris ceux qui font l’objet d’un détachement temporaire conformément aux dispositions des articles 1 et 2 de la présente loi, doit, avant le commencement des travaux, rendre accessible à l’Inspection du travail et des mines, sur simple demande et dans le plus bref délai possible, les indications essentielles indispensables à un contrôle, et notamment:
(2) Un règlement grand-ducal pourra préciser l’application du présent article.» |
9. |
L’article 8 de cette même loi énonce: «Toute entreprise généralement quelconque, établie et ayant son siège social à l’étranger, ou qui n’a pas d’établissement stable au Luxembourg au sens de la loi fiscale, dont un ou plusieurs travailleurs exercent, à quelque titre que ce soit, des activités au Luxembourg, est tenue de conserver au Luxembourg, entre les mains d’un mandataire ad hoc y résidant, les documents nécessaires au contrôle des obligations lui incombant en application de la présente loi, et notamment de l’article 7 qui précède. Lesdits documents doivent être présentés dans le plus bref délai possible à l’Inspection du travail et des mines, sur simple demande de celle-ci. L’Inspection du travail et des mines est obligatoirement informée au préalable du lieu précis du dépôt des pièces, moyennant lettre recommandée à la poste avec accusé de réception, par les soins de l’entreprise ou de son mandataire visé à l’alinéa qui précède, au plus tard avant l’exercice de l’activité salariée envisagée.» |
III — Procédure précontentieuse
10. |
Par lettre de mise en demeure du 1er avril 2004, la Commission a attiré l’attention du gouvernement luxembourgeois sur l’existence de certaines incohérences dans la loi du 20 décembre 2002. La Commission a soulevé les griefs suivants dans le cadre d’une éventuelle violation de la directive 96/71 ainsi que des articles 49 CE et 50 CE:
|
11. |
Dans sa réponse du 30 août 2004, le gouvernement luxembourgeois a déclaré que les dispositions légales critiquées par la Commission concernant l’application des conditions de travail et d’emploi constituaient des dispositions d’ordre public au sens de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71. |
12. |
S’agissant du deuxième grief, le gouvernement luxembourgeois a reconnu le caractère incomplet de la transposition de la directive 96/71. |
13. |
S’agissant des troisième et quatrième griefs soulevés par la Commission, le gouvernement luxembourgeois a qualifié les dispositions de l’article 7 de la loi du 20 décembre 2002 comme étant conformes au droit communautaire, car l’obligation de désigner un mandataire ad hoc résidant au Luxembourg, chargé de conserver les documents nécessaires au contrôle des obligations incombant auxdites entreprises, ne serait ni une exigence soumise à l’obligation de déclaration préalable ni une obligation discriminatoire. Bien au contraire, il s’agirait de mesures sans lesquelles les autorités nationales compétentes ne pourraient remplir leur fonction de contrôle. |
14. |
La Commission a considéré que cette réponse n’était pas satisfaisante et a dès lors décidé de transmettre, le 18 octobre 2005, au gouvernement luxembourgeois un avis motivé dans lequel elle lui reproche d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive 96/71 ainsi que des articles 49 CE et 50 CE:
|
15. |
Par ailleurs, la Commission a mis le Grand-Duché de Luxembourg en demeure d’adopter dans les deux mois les mesures nécessaires pour se conformer à l’avis motivé. |
16. |
Par courrier du 22 décembre 2005, le gouvernement luxembourgeois a demandé le report de ce délai afin de pouvoir exposer son point de vue. Toutefois, l’avis motivé de la Commission est resté sans réponse. Dès lors, la Commission a introduit son recours. |
IV — Procédure devant la Cour et conclusion des parties
17. |
Dans sa requête inscrite au greffe de la Cour le 20 juillet 2006, la Commission conclut qu’il plaise à la Cour:
|
18. |
Dans son mémoire en défense du 5 octobre 2006, le gouvernement luxembourgeois a conclu qu’il plaise à la Cour rejeter le recours comme non fondé et condamner la Commission aux dépens. |
19. |
Après réception du mémoire en réplique de la Commission du 10 novembre 2006 et de la duplique du gouvernement luxembourgeois du 12 janvier 2007, la procédure écrite a été clôturée. Il n’y a pas eu d’audience. |
V — Principaux arguments des parties
20. |
La Commission fonde son recours sur quatre griefs dirigés contre la réglementation luxembourgeoise de transposition. |
A — Sur le premier grief: transposition incorrecte de l’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive 96/71
21. |
La Commission reproche au Grand-Duché de Luxembourg d’avoir procédé à une transposition incorrecte de la directive 96/71 et ce premier grief vise plus particulièrement quatre dispositions de la loi du 20 décembre 2002. Selon la Commission, le Grand-Duché de Luxembourg, en déclarant à tort que l’ensemble des dispositions nationales constituent des dispositions relevant de l’ordre public, a imposé des obligations aux entreprises détachant des travailleurs au Grand-Duché allant au-delà de ce que prescrit la directive 96/71. Selon elle, la transposition se fonde sur une interprétation trop extensive de la notion de «dispositions d’ordre public» à l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71. De telles dispositions devraient s’apprécier à la lumière de la déclaration no 10 relative à la directive 96/71, qui précise cette notion. |
— Prescriptions relatives au contrat écrit ou au document établi en vertu de la directive 91/533 (article 1er, paragraphe 1, point 1, de la loi du 20 décembre 2002)
22. |
Cette critique concerne tout d’abord l’obligation légale selon laquelle on ne peut détacher que des travailleurs qui sont liés à l’entreprise par un contrat écrit ou un document établi en vertu de la directive 91/533. La Commission considère que, en cas de détachement, le contrôle du respect des dispositions de la directive 91/533 incombe uniquement aux autorités de l’État d’établissement qui ont transposé la directive et non à celles de l’État d’accueil. |
— Adaptation automatique de la rémunération à l’évolution du coût de la vie (article 1er, paragraphe 1, point 2, de la loi du 20 décembre 2002)
23. |
La Commission considère que la législation luxembourgeoise, en exigeant l’adaptation automatique de la rémunération à l’évolution du coût de la vie, est contraire à la directive 96/71 qui prévoit uniquement une régulation du salaire minimal par l’État de détachement. |
— Respect de la réglementation du travail à temps partiel et à durée déterminée (article 1er, paragraphe 1, point 8, de la loi du 20 décembre 2002)
24. |
Selon la Commission, l’État d’accueil n’a pas le droit, selon la directive 96/71, d’imposer sa législation en matière de travail à temps partiel et à durée déterminée aux entreprises qui détachent des travailleurs. |
— Respect des conventions collectives de travail (article 1er, paragraphe 1, point 11, de la loi du 20 décembre 2002)
25. |
La Commission soutient que les conventions collectives de travail ne peuvent constituer des règles administratives relevant de l’«ordre public national» indépendamment de leur contenu matériel. |
26. |
Le gouvernement luxembourgeois se réfère amplement à ce qu’il a exposé dans sa réponse du 30 août 2004 à l’avis motivé, selon laquelle les dispositions de l’article 1er de la loi du 20 décembre 2002 constituent des règles d’ordre public, car elles visent à protéger les travailleurs. Même si le gouvernement luxembourgeois considère qu’en principe la référence que fait la Commission à la déclaration no 10 de la directive 96/71 est correcte, il rappelle que ladite déclaration n’a pas été publiée au Journal officiel et que, par conséquent, elle ne peut servir d’élément d’interprétation. En tout état de cause, le gouvernement luxembourgeois considère que les dispositions prévues à l’article 1er de la loi du 20 décembre 2002 sont justifiées par des raisons impératives d’intérêt général. Enfin, pour soutenir sa thèse, il fait référence à la procédure législative ayant conduit à la proposition de la Commission relative à une directive sur les services dans le marché intérieur ( 5 ). |
B — Sur le deuxième grief: transposition incomplète de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 96/71
27. |
Le gouvernement luxembourgeois reconnaît la transposition incomplète de la directive 96/71 et se réfère à la modification de la loi du 19 mai 2006. |
28. |
La Commission soutient qu’elle n’a reçu aucune information à ce sujet. |
C — Sur le troisième grief: absence de clarté quant aux modalités de contrôle
29. |
Selon la Commission, l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 n’est pas formulé de manière suffisamment claire pour assurer aux entreprises qui veulent détacher des travailleurs au Luxembourg la sécurité juridique indispensable. Dans la mesure où cette disposition augmente le risque des entreprises de violer la loi, elle constituerait une limitation injustifiée de la libre prestation de services. En tout état de cause, l’obligation de mettre à la disposition de l’inspection du travail avant le commencement des travaux, sur simple demande et dans le plus bref délai possible, les indications essentielles indispensables à un contrôle constitue une obligation de déclaration préalable non compatible avec l’article 49 CE. |
30. |
En revanche, le gouvernement luxembourgeois considère que le texte législatif est suffisamment clair. En tout état de cause, le libellé de l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 ne constituerait pas une obligation de déclaration préalable. |
D — Sur le quatrième grief: exigence d’un mandataire ad hoc
31. |
La Commission considère que la désignation prévue à l’article 8 de la loi du 20 décembre 2002 d’un mandataire ad hoc résidant au Luxembourg, chargé de conserver les documents nécessaires au contrôle des obligations incombant à ces entreprises pour une période s’étendant même au-delà de la prestation de services, constitue une restriction à la libre prestation de services. Cette obligation ne serait pas uniquement superflue compte tenu du système organisé de coopération ou d’échange d’informations prévu à l’article 4 de la directive 96/71, mais également en raison des coûts exposés par les entreprises en cause. |
32. |
De son côté, le gouvernement luxembourgeois soutient que le système organisé de coopération ou d’échange d’informations auquel fait référence la Commission ne permet pas aux autorités compétentes d’effectuer les contrôles avec l’efficacité requise. Par ailleurs, la loi du 20 décembre 2002 n’imposerait aucune forme juridique particulière pour l’exercice de la fonction de mandataire ad hoc. Enfin, le dépôt des documents nécessaires auprès d’un mandataire ad hoc ne serait requis que le jour même du début des travaux sans tenir compte du moment du détachement. |
VI — Analyse
A — Remarques préliminaires
1. Ratio legis de la directive 96/71
33. |
La directive 96/71 impose aux travailleurs détachés l’application de certaines conditions de travail et d’emploi impératives de l’État d’accueil. L’adoption de ces conditions minimales de travail et d’emploi poursuit la réalisation de trois objectifs distincts: éviter les distorsions de concurrence, garantir les droits des travailleurs détachés et éliminer les obstacles et les ambiguïtés affectant la libre prestation de services. |
34. |
À ce sujet, le point de départ des réflexions de la Commission et du Conseil de l’Union européenne était la libre prestation de services prévue à l’article 49 CE, qui invite les entreprises à détacher des travailleurs en vue d’effectuer à titre temporaire un travail sur le territoire d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel ils accomplissent habituellement leur travail. Selon les réflexions du législateur, la promotion de la prestation de services nécessite une concurrence loyale et des mesures garantissant le respect des droits des travailleurs ( 6 ). Compte tenu des différences existant entre les États membres en ce qui concerne le contenu des conditions de travail à respecter ainsi que celles pouvant s’appliquer dans l’État d’accueil, il pourrait s’avérer que les travailleurs détachés perçoivent des rémunérations inférieures et soient soumis à d’autres conditions de travail que celles s’appliquant dans l’État d’accueil. Cela aurait des effets sur la concurrence loyale entre les entreprises et sur le principe de l’égalité de traitement entre les entreprises nationales et étrangères, ce qui serait considéré comme inacceptable d’un point de vue social. Le fait d’appliquer un «noyau dur» du droit du travail de l’État d’accueil aux entreprises étrangères permettrait d’éviter de telles distorsions de concurrence. |
35. |
Par ailleurs, les problèmes que soulève l’internationalisation de la relation de travail quant aux droits applicables à cette relation de travail devraient être résolus ( 7 ). Dans la mesure où la directive définit quelles sont les dispositions nationales qui doivent s’appliquer en matière de détachement des travailleurs en tant que dispositions impératives au sens de l’article 7 de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles (ci-après la «convention de Rome»), elle vise à permettre de prévoir les conditions de travail applicables et à augmenter dès lors la sécurité juridique ( 8 ). |
2. Cadre d’appréciation juridique
36. |
S’agissant des cadres juridique et factuel, à la lumière desquels la Cour est appelée à juger de la compatibilité des dispositions luxembourgeoises litigieuses avec le droit communautaire, nous faisons observer que la directive 96/71 ne réalise qu’une œuvre d’harmonisation partielle en matière de détachement des travailleurs ( 9 ). La directive 96/71 doit être considérée tout d’abord comme une réglementation relevant des règles de conflit en droit communautaire du travail qui concerne les détails et les conditions de la relation de travail des travailleurs détachés ( 10 ). En revanche, l’objectif normatif de la directive 96/71 ne vise pas la question de l’entrée et du séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil ( 11 ), de sorte qu’en principe les restrictions à la libre prestation de services en matière de détachement transfrontalier des travailleurs doivent être appréciées à la lumière des dispositions pertinentes du traité CE et en premier lieu de l’article 49 CE. |
37. |
S’agissant du contrôle juridictionnel de la légalité en droit communautaire d’une mesure nationale dans le cadre d’une procédure en manquement au titre de l’article 226 CE, il en résulte qu’il y a lieu d’examiner si le manquement allégué concerne uniquement la directive 96/71 ou bien directement l’article 49 CE. Si des réglementations étatiques sur les prestations de travail transnationales sont contraires à la directive, l’application du traité est écartée, bien que, celui-ci constituant son fondement juridique, toute violation de la directive implique, en fin de compte, celle du traité. Toutefois, si elles contreviennent directement au traité, échappant ainsi à la réglementation détaillée de la directive qui le met en œuvre, la seule référence possible est le traité lui-même ( 12 ). |
38. |
S’agissant de la répartition de la charge de la preuve, il convient de noter que, dans le cadre d’une procédure en manquement, il incombe à la Commission d’établir le manquement allégué. Par ailleurs, il lui appartient d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans que la Commission puisse se fonder sur des présomptions ( 13 ). À cet égard, il incombe à l’État membre mis en cause de contester de manière substantielle et détaillée les données présentées et les conséquences qui en découlent ( 14 ). |
B — Examen des moyens
Sur le premier grief
39. |
Dans la mesure où la Commission reproche une transposition incorrecte de l’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive 96/71, ce grief a pour objet principal une violation d’une règle de droit dérivé. |
1. La notion d’ordre public de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71
40. |
Le gouvernement luxembourgeois soutient que, en déclarant l’ensemble des dispositions régissant les matières visées à l’article 1er, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 comme étant des dispositions impératives du droit national, il a donné suite à la permission prévue à l’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive 96/71. Cette disposition permet aux États membres d’étendre les conditions de travail et d’emploi à d’autres matières si ces conditions supplémentaires constituent des règles d’ordre public ( 15 ). Elle permet également d’étendre les conditions de travail et d’emploi prévues dans les conventions collectives générales et dans les décisions arbitrales à d’autres activités que les travaux de construction mentionnés en annexe. |
41. |
Toutefois, les États membres ne peuvent pas utiliser de manière illimitée cette habilitation, ils doivent notamment tenir compte à cet égard des libertés fondamentales ainsi que de la finalité de la directive ( 16 ). Cela s’explique à la fois par la primauté de la libre prestation de services dont la réalisation fait partie des objectifs auxquels la directive 96/71 tend à contribuer, selon son centième considérant, et par le principe de l’interprétation restrictive des dispositions dérogatoires aux libertés fondamentales ( 17 ). Ce dernier point a été souligné à plusieurs reprises et de manière explicite par la Cour en lien avec l’exception de l’ordre public ( 18 ). |
42. |
La notion d’ordre public constitue une notion autonome du droit communautaire qui s’étend au champ d’application des libertés fondamentales et qui, par conséquent, doit être définie de manière autonome et non en s’inspirant d’un ordre juridique national ou de plusieurs d’entre eux ( 19 ). Comme telle, elle relève de l’interprétation de la Cour de sorte qu’il est défendu aux États membres de définir unilatéralement sa portée sans contrôle postérieur par les organes de la Communauté ( 20 ). Toutefois, cela n’exclut pas que les circonstances spécifiques permettent de justifier d’avoir recours à la notion d’ordre public de sorte que, dans certains cas, il faut reconnaître aux autorités nationales compétentes une marge d’appréciation dans les limites imposées par le traité ( 21 ). |
43. |
Nonobstant ces principes généraux, la notion d’ordre public peut toutefois revêtir différentes significations selon la portée de l’ordre juridique communautaire et la fonction de la norme en cause ( 22 ). Dans le présent cas d’espèce, la notion d’ordre public dans ses caractéristiques de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71 déploie ses effets en tant qu’exception, car elle ne prévoit une extension du noyau dur des règles de protection minimales prévues à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71 que sous certaines conditions. |
44. |
S’agissant des conditions précises de l’utilisation de cette permission, la notion d’ordre public a été précisée lors de l’adoption de la directive 96/71 par la déclaration no 10 du Conseil et de la Commission en ce sens que les termes «dispositions d’ordre public devaient être considérés comme couvrant celles des dispositions obligatoires à l’égard desquelles on ne peut pas déroger et qui, par leur nature et leur objectif, répondent aux exigences impératives de l’intérêt public». |
45. |
Nous considérons que rien ne s’oppose à une interprétation de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71 à la lumière de cette déclaration. S’agissant de la possibilité de se référer aux déclarations figurant dans un procès-verbal de réunion relatives à l’interprétation du droit dérivé, la Cour a jugé que la question peut se poser uniquement si le contenu de la déclaration ne trouve aucune expression dans les textes de la disposition en cause et n’a, dès lors, pas de portée juridique ( 23 ). À ce sujet, il convient de noter que la déclaration no 10 ne s’oppose pas à la notion d’ordre public et contribue en revanche à la détermination du contenu de l’exception. Dans la mesure où «elle fait référence aux exigences impératives de l’intérêt public», elle est également conforme à la jurisprudence portant sur les restrictions intrinsèques aux libertés fondamentales que la Cour a développée également au cas du détachement transfrontalier. Contrairement aux affirmations du gouvernement luxembourgeois, l’absence de publication de la déclaration no 10 au Journal officiel n’affecte pas sa pertinence juridique, d’autant que le gouvernement luxembourgeois doit reconnaître que, en tant que représentant constitutionnel d’un État membre représenté au Conseil, il a eu connaissance de la déclaration interprétative qui a été rendue par cette même institution dans le cadre de la procédure législative ( 24 ). Par conséquent, il est permis de se prévaloir de la déclaration no 10 en tant qu’aide à l’interprétation. |
46. |
Compte tenu des considérations qui précèdent, nous sommes d’avis que les États membres ne sont pas libres d’exiger des prestataires de services établis dans un autre État membre le respect de l’ensemble des dispositions contraignantes de leur droit du travail ( 25 ). Dans l’intérêt de la mise en œuvre la plus étendue possible de la libre circulation des services, il convient d’approuver la Commission en ce sens que seules peuvent être prises en compte les conditions de travail et d’emploi prescrites par la loi qui sont indispensables pour l’ordre juridique des États membres ( 26 ). Il y a lieu d’examiner plus en détail si les dispositions litigieuses respectent cette exigence. |
2. Les dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, points 1, 2, 8 et 11, de la loi du 20 décembre 2002
— Prescriptions relatives au contrat écrit ou au document établi en vertu de la directive 91/533
47. |
S’agissant de la prescription relative au contrat écrit ou au document établi en vertu de la directive 91/533 prévue à l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de la loi du 20 décembre 2002, il convient de répondre à la Commission qu’en principe l’État d’accueil n’est pas tenu d’assurer le contrôle du respect des dispositions de la directive 91/533. |
48. |
La directive 91/533 a pour objet l’harmonisation des dispositions relatives à la forme des contrats de travail que certains États membres ont adoptées compte tenu de la multiplication des types de relations de travail afin de protéger les travailleurs salariés contre une éventuelle méconnaissance de leurs droits et pour assurer une organisation transparente des relations de travail ( 27 ). Cela vise également la preuve évoquée par les parties du respect de l’obligation de l’employeur, en vertu des dispositions combinées des articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la directive 91/533, de porter par écrit à la connaissance du travailleur salarié les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail ainsi que des conditions de son détachement à l’étranger en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/533. L’employeur respecte son obligation de preuve lorsqu’il rédige les documents munis des informations nécessaires et qu’il les remet au travailleur avant son départ ( 28 ). |
49. |
Selon son dernier considérant, «les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive ou s’assurent que les partenaires sociaux mettent en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d’être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive». Ainsi qu’il ressort de la formulation de ce considérant, l’obligation de transposition des États vise une simple intervention législative pour mettre en œuvre ces dispositions, en ce compris le contrôle de leur respect. Cette obligation s’impose aux États membres en cas de détachement des travailleurs et à cet égard, selon l’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/533, il y a lieu de veiller à ce que le travailleur reçoive auparavant les informations supplémentaires relatives aux conditions de son détachement. Si l’État de détachement a déjà fait usage de ses pouvoirs de contrôle, alors il ne peut plus être question d’une éventuelle compétence de l’État d’accueil compte tenu de l’harmonisation prévue par la directive 91/533. |
50. |
Une telle compétence ne peut pas non plus se déduire de la directive 91/533. Elle ne peut pas non plus être justifiée par le fait que le Grand-Duché de Luxembourg a qualifié le respect des obligations d’information précitées comme étant des règles de protection de l’ordre public. Une telle exigence, ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de loi du 20 décembre 2002, ne relève pas du noyau dur des conditions de travail et d’emploi prévu à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71. La décision du législateur de ne pas reprendre dans cette dernière disposition les obligations d’information au titre de la directive 91/533 doit être respectée ( 29 ). |
51. |
Enfin, les arguments du gouvernement luxembourgeois concernant la procédure législative ayant conduit à l’adoption de la directive 2006/123 doivent être écartés comme étant dépourvus de pertinence dans le cadre de l’examen de ce grief. En effet, la loi luxembourgeoise litigieuse n’a aucun lien matériel ou chronologique avec la directive 2006/123. Bien au contraire, elle transpose exclusivement la directive 96/71. |
— Adaptation automatique de la rémunération à l’évolution du coût de la vie
52. |
S’agissant de l’adaptation automatique de la «rémunération» à l’évolution du coût de la vie prévue à l’article 1er, paragraphe 1, point 2, de la loi du 20 décembre 2002, le gouvernement luxembourgeois soutient qu’elle vise à protéger le travailleur et contribue au maintien de la paix sociale au Luxembourg. Il ajoute qu’une telle adaptation automatique est implicitement prévue à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71. |
53. |
Néanmoins, le grief de la Commission ne porte pas sur le caractère automatique de ce mécanisme, mais bien contre le fait incontestable qu’en droit luxembourgeois il est prévu une adaptation générale de la «rémunération» qui vise à la fois les salaires réels et les salaires minimaux. Dans un courrier du 30 août 2004, le gouvernement luxembourgeois a déjà exposé qu’en droit luxembourgeois le salaire minimal était également soumis au mécanisme général d’adaptation. Toutefois, selon la Commission, cela n’est pas conforme à ce qui est prévu à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/71, qui mentionne exclusivement les «taux de salaire minimal». |
54. |
La Commission considère, à juste titre, que le libellé de la disposition luxembourgeoise de transposition s’écarte de la directive 96/71. Lors de l’examen de la compatibilité d’une disposition de droit national avec le droit communautaire, il y a lieu de tenir compte de l’interprétation que donnent les juridictions nationales à cette disposition ( 30 ). Toutefois, le libellé de l’article 1er, paragraphe 1, point 2, de la loi du 20 décembre 2002 n’est pas ambigu et ne permet pas une interprétation contraire au droit communautaire. En effet, dans la mesure où la loi du 20 décembre 2002 doit être interprétée selon des critères objectifs, en ce sens qu’il existe une adaptation générale de la rémunération à l’évolution du coût de la vie qui s’étend également au bénéfice des salaires minimaux, l’article 1er, paragraphe 1, point 2, de la loi du 20 décembre 2002 satisfait aux obligations communautaires prévues à l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/71. Dans cette mesure, il convient de rejeter l’argument de la Commission comme étant non fondé. |
— Prescription relative à la réglementation du travail à temps partiel et à durée déterminée
55. |
La prescription relative à la réglementation du travail à temps partiel et à durée déterminée prévue à l’article 1er, paragraphe 1, point 8, de la loi du 20 décembre 2002 ne rentre dans aucune des catégories mentionnées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71, mais, en revanche, elle va au-delà du noyau dur des conditions communautaires de travail et d’emploi. Dans la mesure où elle se fonde sur l’habilitation prévue à l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71, elle doit être soumise à un examen à la lumière de la notion d’ordre public au sens de la déclaration no 10 dont le contenu reprend pour l’essentiel la jurisprudence de la Cour relative à l’article 49 CE ( 31 ). |
56. |
Il est de jurisprudence constante que l’article 49 CE exige non seulement l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de services établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues ( 32 ). Selon cette définition, pour être qualifiée de restriction à la libre prestation de services au sens de l’article 49 CE, il suffit que les réglementations luxembourgeoises du travail à temps partiel et à durée déterminée soient plus sévères que celles en vigueur dans l’État de détachement et qu’ainsi la prestation de services au Luxembourg soit rendue moins attrayante pour des entreprises étrangères. |
57. |
Par ailleurs, la Cour a déclaré que la libre prestation des services en tant que principe fondamental du traité ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général et s’appliquant à toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l’État membre d’accueil, dans la mesure où cet intérêt n’est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l’État membre où il est établi ( 33 ). |
58. |
Selon le gouvernement luxembourgeois, l’article 1er, paragraphe 1, point 8, de la loi du 20 décembre 2002 répond au souci de veiller à l’égalité de traitement et des rémunérations entre tous les travailleurs et à ce que, partant, cette disposition réponde à l’objectif légitime en droit communautaire de protection sociale des travailleurs. Ainsi que le déclare le gouvernement luxembourgeois, cette réglementation a pour objectif de protéger les droits des travailleurs qui sont déjà garantis dans l’ordre juridique communautaire par les directives 97/81/CE ( 34 ) et 1999/70/CE ( 35 ). Par ailleurs, cette disposition ne ferait que transposer des principes qui auraient leur origine dans l’ordre public communautaire. |
59. |
Nous ne partageons pas ces arguments. Le fait que le législateur communautaire n’ait pas repris à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/71 l’objet normatif des directives précitées, à savoir la réglementation du travail à temps partiel et du travail à durée déterminée, plaide pour la thèse selon laquelle cette partie du droit communautaire du travail ne relève pas précisément de l’ordre public communautaire. Par ailleurs, il s’agit à cet égard de réglementations qui, ainsi que l’admet le gouvernement luxembourgeois lui-même, font déjà l’objet, sur le plan communautaire, des directives 97/81 et 1999/70 et qui, par conséquent, doivent être transposées par l’ensemble des États membres ( 36 ). Par conséquent, des réglementations s’appliquant au prestataire de services dans l’État membre dans lequel il réside protègent déjà leurs intérêts. Il s’ensuit que le gouvernement luxembourgeois ne peut se prévaloir des raisons impérieuses d’intérêt général pour qualifier les réglementations nationales litigieuses de dispositions d’ordre public. |
— Prescription relative aux conventions collectives de travail
60. |
S’agissant de la référence faite à l’article 1er, paragraphe 1, point 11, de la loi du 20 décembre 2002 aux «dispositions impératives de droit national en matière de conventions collectives de travail», la question se pose de savoir si cette réglementation est compatible avec l’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive 96/71. La Commission a des doutes sur la légalité de la transposition et reproche en substance au Grand-Duché de Luxembourg d’élever une catégorie d’actes au rang de dispositions obligatoires de droit interne indépendamment de leur nature juridique et de leur contenu matériel, en violation de la permission prévue à l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71. |
61. |
La Commission conteste ainsi deux aspects de cette réglementation qui doivent être examinés séparément. Il convient tout d’abord d’approuver la Commission en ce que la notion de «conventions collectives de travail» a une signification différente, d’une part, à la première phrase de l’article 1er, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 et, d’autre part, au point 11 de cette disposition. Si, dans le premier cas, il est question de «conventions collectives déclarées d’application générale», le point 11 fait référence de manière générale aux «conventions collectives de travail». Dans ce dernier cas, il ne peut s’agir que des conventions collectives qui n’ont pas été déclarées d’application générale. Toutefois, en raison du libellé clair de l’article 3, paragraphe 1, deuxième tiret, de la directive 96/71, qui fait uniquement référence aux «conventions collectives déclarées d’application générale», elles ne peuvent en tant que telles relever du champ d’application de ladite directive, ce qui a pour conséquence que ces conventions collectives ne peuvent être considérées comme le noyau dur des conditions de travail et d’emploi ( 37 ). |
62. |
Un autre aspect de la question concerne le fait de faire relever une certaine catégorie d’actes au rang de dispositions d’ordre public indépendamment de leur nature juridique et de leur contenu matériel. Pour pouvoir apprécier si une réglementation collective donnée peut être considérée comme impérative au sens de la déclaration no 10, nous considérons qu’il est nécessaire que l’État membre concerné indique avec précision les réglementations collectives concernées ( 38 ). En revanche, la référence générale aux «conventions collectives de travail» en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, point 11, de la loi du 20 décembre 2002, présente les caractéristiques d’un acte incomplet dépourvu d’un minimum de clarté et de certitude. Cette clarté est absolument indispensable, car on ne peut exclure qu’il peut y avoir des circonstances dans lesquelles l’application des conventions collectives aux travailleurs détachés soit incompatible avec la libre prestation de services ( 39 ). Par conséquent, il convient d’examiner, dans chaque cas, si la réglementation en cause, considérée objectivement, assure la protection des travailleurs détachés et si elle comporte pour les travailleurs concernés un avantage réel qui contribue, de manière significative, à leur protection sociale. Toutefois, le fait de se référer de manière générale aux «conventions collectives de travail» empêche précisément la Cour de procéder à un examen approfondi. |
63. |
Sur le plan de la procédure, le gouvernement luxembourgeois n’a pas rempli son obligation de se défendre de manière substantielle et complète à l’encontre des griefs soulevés par le fait que, dans son mémoire en défense, il se réfère aux conventions collectives de travail qu’il a jointes dans sa lettre en réponse du 30 août 2004 ( 40 ). Ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre, il s’agit à cet égard de conventions collectives de travail déclarées d’application générale par le règlement grand-ducal au sens de la première phrase de l’article 1er, paragraphe 1, et non des autres «conventions collectives de travail» litigieuses auxquelles fait référence l’article 1er, paragraphe 1, point 11, de la loi du 20 décembre 2002. |
64. |
Par conséquent, l’article 1er, paragraphe 1, point 11, de la loi du 20 décembre 2002 n’est pas conforme à l’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive 96/71. |
Sur le deuxième grief
65. |
Dans sa lettre de mise en demeure, la Commission avait souligné que l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 96/71 obligeait les États membres à veiller à ce que les entreprises établies dans un autre État membre garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire le respect des périodes minimales de travail et des périodes minimales de repos. Elle avait relevé que l’article 1er, paragraphe 1, point 3, de la loi du 20 décembre 2002 limitait l’application des règles luxembourgeoises sur les périodes minimales de repos au repos hebdomadaire. Or, la notion de «périodes minimales de repos» comprendrait non seulement la période minimale de repos hebdomadaire, mais également, ainsi que le prévoient les articles 3 et 4 de la directive 2003/88/CE ( 41 ), d’autres périodes de repos, comme le repos journalier ou le temps de pause. |
66. |
Dans sa réponse, le gouvernement luxembourgeois reconnaissait déjà la transposition incomplète de la directive 96/71 ( 42 ). |
67. |
Ainsi, ce n’est qu’après l’écoulement du délai de deux mois fixé dans l’avis motivé du 12 octobre 2005 de la Commission que le gouvernement luxembourgeois a rempli ses obligations. Il est de jurisprudence constante que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour ( 43 ). Dans la mesure où le gouvernement luxembourgeois ne conteste pas la transposition tardive, le grief est dès lors fondé pour ce motif. |
Sur le troisième grief
68. |
Le grief de la Commission relatif à une restriction injustifiée à la libre prestation des services fondée sur l’interprétation de l’obligation imposée aux entreprises établies à l’étranger en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002«de rendre accessibles à l’autorité de contrôle avant le commencement des travaux, sur simple demande et dans le plus bref délai possible, les indications essentielles indispensables à un contrôle» ne concerne pas la transposition de la directive 96/71, mais bien directement l’article 49 CE. |
69. |
Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, l’article 49 CE ne prescrit pas uniquement l’élimination des discriminations frappant les prestataires de services établis dans un autre État membre en raison de leur nationalité, mais également la suppression de toutes les restrictions ( 44 ). Il est de jurisprudence constante que l’application des réglementations nationales de l’État d’accueil aux prestataires de services est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire et doit par conséquent être considérée comme une restriction à la libre prestation des services, dans la mesure où il en résulte des frais et des charges administratives et économiques supplémentaires ( 45 ). |
70. |
La réglementation prévue à l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 vise à permettre à l’inspection du travail luxembourgeoise de contrôler l’identité et la régularité du séjour du travailleur dans le cadre d’un détachement. Elle soumet les entreprises ayant leur siège en dehors du territoire grand-ducal à une procédure administrative préalable obligatoire qui les oblige à présenter des documents relatifs au statut en droit social, en droit du travail et en droit de séjour du travailleur détaché, avant le début des travaux, de sorte que, en tout état de cause, cette réglementation implique pour les entreprises concernées des formalités administratives susceptibles de rendre le détachement des travailleurs au Luxembourg moins attrayant que le travail sur le territoire national. Selon la définition étendue de la jurisprudence, cette circonstance suffit déjà pour reconnaître à cette réglementation un caractère restrictif ( 46 ). |
71. |
Par ailleurs, il convient également de rappeler que la Cour a reconnu aux États membres la faculté de vérifier le respect des dispositions nationales et communautaires en matière de prestations de services. De même, elle a admis le bien-fondé de mesures de contrôle nécessaires pour vérifier le respect d’exigences elles-mêmes justifiées par des raisons d’intérêt général ( 47 ). Le gouvernement luxembourgeois justifie la disposition prévue à l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 en se fondant à la fois sur la protection des travailleurs et sur la nécessité de procéder à des contrôles aux fins de lutter contre les abus et les activités transnationales illégales. Selon la jurisprudence, tant la protection sociale des travailleurs que la lutte contre les abus sont considérées comme des objectifs légitimes ( 48 ). |
72. |
La Cour a toutefois également jugé que les contrôles des autorités de contrôle doivent respecter les limites que pose le droit communautaire et ne doivent pas rendre illusoire la libre prestation de services ( 49 ). Ils doivent notamment être propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’ils poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint ( 50 ). |
73. |
Ce qui caractérise tout d’abord la réglementation luxembourgeoise est l’obligation légale des entrepreneurs de mettre à disposition de l’inspection du travail les documents nécessaires «avant le début des travaux», ce qui laisse présumer l’existence d’un contrôle des abus qui est préalable, ce qui est en principe contraire au droit communautaire. Le gouvernement luxembourgeois s’en défend en faisant état de la circonstance selon laquelle le fait que l’entrepreneur ne doit respecter son obligation de notification «qu’à première demande» adoucirait cette obligation légale. Dès lors, il n’y aurait aucune obligation de l’entrepreneur de devoir lui-même faire une déclaration aux autorités. |
74. |
Toutefois, il existe selon nous des éléments permettant de considérer que la réglementation luxembourgeoise est élaborée comme une mesure de contrôle préalable visant à déceler les abus. En effet, l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 doit se lire en lien avec les articles 13 à 17 de la loi du 4 avril 1974 portant réorganisation de l’inspection du travail et des mines ( 51 ) (ci-après la «loi du 4 avril 1974»); cette dernière permet, en cas de violation de l’obligation d’information de l’employeur, d’ordonner l’arrêt des activités du travailleur détaché sur le territoire du Grand-Duché avec effet immédiat. La reprise du travail ne peut être autorisée à nouveau par l’inspection du travail qu’après que l’ensemble des documents nécessaires ont été fournis ( 52 ) et, à cet égard, l’article 28 de la loi du 4 avril 1974 prévoit, pour les infractions à cette injonction, des peines d’emprisonnement et des amendes. Néanmoins, si, premièrement, une «autorisation» est nécessaire pour reprendre le travail et que, deuxièmement, le non-respect de l’obligation d’information est sanctionné par le droit pénal, alors la réglementation prévue à l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 peut uniquement être interprétée en ce sens qu’il existe une interdiction sous réserve d’autorisation préalable de la prestation de services au Luxembourg au moyen du détachement de travailleurs ( 53 ). |
75. |
Cela est d’autant plus grave que la formulation de cette disposition ne satisfait pas aux exigences de sécurité juridique et de clarté. Il est de jurisprudence constante que les États membres, pour garantir la pleine application du droit communautaire, doivent non seulement conformer leur droit national au droit communautaire, mais en outre mettre en place une situation certaine, claire et transparente, de sorte que les particuliers puissent connaître l’intégralité de leurs droits et les invoquer devant les juridictions nationales ( 54 ). Ce principe doit a fortiori s’appliquer dans l’hypothèse où le droit de l’État membre en cause impose des obligations à des particuliers et prévoit des sanctions en cas d’infraction. |
76. |
Il y a lieu de constater que le libellé ambigu de la réglementation prévoit que l’octroi d’une autorisation relève largement du pouvoir d’appréciation de l’administration et que, par ailleurs, le risque des entreprises de se voir infliger des sanctions administratives et/ou pénales est accru de manière injustifiée. Ainsi, selon les documents de preuve que la Commission a remis à la Cour, l’inspection du travail interprète manifestement l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 en ce qu’elle requiert que la transmission intégrale des documents se fasse préalablement à la prestation de services ( 55 ), de sorte que, contrairement aux affirmations du gouvernement luxembourgeois, il ne suffit pas que les documents soient déposés le même jour, juste avant le début des travaux. Des difficultés lors de la transposition effective de l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 pourraient par ailleurs apparaître en raison du fait que l’obligation de notification et ainsi la procédure administrative elle-même naissent en principe uniquement après le dépôt d’une «demande» de l’inspection du travail et, à cet égard, on ne voit pas clairement quel est le rôle attribué à l’entreprise en amont de cette procédure ni si l’entreprise doit éventuellement déclencher elle-même cette «demande». Dans la mesure où, à défaut d’une telle «demande», une entreprise ne peut en fin de compte pas faire usage de la libre circulation des services sans se voir exposée à des sanctions administratives ou pénales, cette restriction a l’effet d’une interdiction absolue, ce qui, compte tenu de la possibilité de recourir à des moyens moins contraignants, ne peut être considéré comme nécessaire pour garantir la protection du travailleur. |
77. |
Enfin, il est indispensable selon nous de rappeler dans ce contexte que la Cour a jugé récemment dans un arrêt Commission/Luxembourg ( 56 ) relatif au caractère disproportionné d’une autorisation en tant que condition du commencement d’un emploi et concernant l’application de moyens moins contraignants: «Or, l’obligation faite à une entreprise prestataire de services de signaler au préalable aux autorités locales la présence d’un ou de plusieurs travailleurs salariés détachés, la durée prévue de cette présence et la ou les prestations de services justifiant le détachement constituerait une mesure aussi efficace et moins restrictive que l’exigence en cause. Elle serait de nature à permettre à ces autorités de contrôler le respect de la réglementation sociale luxembourgeoise pendant la durée du détachement en tenant compte des obligations auxquelles l’entreprise est déjà soumise en vertu des règles de droit social applicables dans l’État membre d’origine». Dans ces circonstances, il est plutôt indiqué que l’État membre d’accueil limite son intervention à l’examen des informations nécessaires fournies par le prestataire de services au moment d’entamer ses activités dans l’État membre d’accueil et ne prenne des sanctions que lorsque cela apparaît nécessaire ( 57 ). Par conséquent, en prévoyant de facto à l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 une réserve d’autorisation, le gouvernement luxembourgeois va au-delà de ce que la Cour considère comme étant proportionné. |
78. |
Il résulte des considérations qui précèdent que cette réglementation constitue un contrôle préalable des abus qui n’est pas compatible avec l’article 49 CE. Par conséquent, ce grief est également fondé. |
Sur le quatrième grief
79. |
Parmi les exigences administratives supplémentaires ayant pour effet de rendre plus difficile le détachement de travailleurs par des entreprises ayant leur siège dans un autre État membre, il y a la nomination d’un mandataire ad hoc résidant au Luxembourg prévu à l’article 8 de la loi du 20 décembre 2002, qui constitue une restriction à la libre prestation des services au sens de l’article 49 CE ( 58 ). Par conséquent, il y a lieu d’examiner si les restrictions à la libre prestation de services résultant de ces dispositions nationales sont justifiées par un but d’intérêt général et, dans l’affirmative, si elles sont nécessaires pour atteindre ce but, et ce avec les moyens appropriés. |
80. |
Le gouvernement luxembourgeois se fonde sur la protection des travailleurs, la lutte contre les abus ainsi que sur la nécessité d’un contrôle efficace. Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, tant la protection sociale des travailleurs que la lutte contre les abus sont considérées comme étant des objectifs légitimes ( 59 ), alors que la réalisation de contrôles en vue de la mise en œuvre des dispositions protectrices de droit national est considérée comme étant compatible avec le droit communautaire, dans la mesure où ce contrôle s’effectue dans le cadre des limites fixées par le droit communautaire ( 60 ). |
81. |
Il convient tout d’abord d’observer qu’un État membre ne peut subordonner la réalisation de la prestation de services sur son territoire à l’observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions du traité destinées précisément à assurer la libre prestation des services ( 61 ). |
82. |
Dans ce contexte, la Cour a jugé, dans l’arrêt Commission/Italie ( 62 ), que l’exigence selon laquelle les entreprises de fourniture de travail temporaire qui souhaitent mettre de la main-d’œuvre à la disposition d’utilisateurs établis en Italie doivent avoir leur siège social ou une succursale sur le territoire national n’est pas jugée compatible avec la libre prestation des services, dans la mesure où elle rend impossible la prestation, dans ledit État membre, de services par des entreprises établies dans d’autres États membres. |
83. |
Le gouvernement luxembourgeois soutient en substance que rien dans l’article 8 de la loi du 20 décembre 2002 ne fait référence aux caractéristiques précises du mandataire ad hoc litigieux. Il ne serait ni exigé que celui-ci soit une personne morale ou physique ni qu’il doive s’agir d’un organe rémunéré. La seule chose importante serait que l’inspection du travail connaisse le nom du dépositaire des informations requises. Dans le secteur de la construction, le mandataire ad hoc au sens de cette disposition pourrait être soit l’entrepreneur général, soit le maître de l’ouvrage, soit une administration ordonnatrice des travaux. |
84. |
À ce sujet, il convient de répondre que cette interprétation ne trouve aucune expression à l’article 8 de la loi du 20 décembre 2002. Elle est même contraire aux dispositions légales. En revanche, il résulte clairement du libellé de celles-ci que ledit mandataire ad hoc doit être «résident» au Luxembourg, c’est-à-dire qu’il doit y avoir son centre d’activités, qu’il y soit établi d’une manière habituelle. Ainsi que la Commission le fait observer à juste titre, cette caractéristique implique un «domicile permanent» ou, à tout le moins, une résidence dépassant la durée des travaux. Il en résulte que les exigences de l’article 8 de la loi du 20 décembre 2002 ne sont pas satisfaites lorsque, par exemple, les documents requis sont conservés par un des travailleurs détachés. |
85. |
Nous considérons que cette conclusion n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour. Dans l’arrêt Arblade e.a. ( 63 ), la Cour a en effet jugé que l’obligation de tenir à disposition et de conserver certains documents au domicile d’une personne physique domiciliée dans l’État membre d’accueil, qui les conserve en tant que mandataire ou préposé de l’employeur qui l’a désignée, même après que l’employeur a cessé d’occuper des travailleurs dans cet État, ne peut être considérée comme légale que si les autorités de cet État ne peuvent exercer efficacement leur mission de contrôle en l’absence d’une telle obligation. |
86. |
Certes, nous partageons la thèse du gouvernement luxembourgeois en ce sens que la réalisation de contrôles sur place est indispensable pour assurer le respect des dispositions nationales de protection. Toutefois, nous lui reprochons de ne pas avoir établi ni prouvé de manière suffisante que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas pu remplir leurs obligations de contrôle sans la participation d’un mandataire ad hoc résidant au Luxembourg. En effet, pour justifier une restriction à la libre prestation de services aussi sérieuse que celle en cause, il ne suffit pas d’exprimer sans justifications sérieuses des doutes ou de simples réserves quant à l’efficacité du régime de coopération ou d’échange d’informations entre États membres prévu à l’article 4 de la directive 96/71 ( 64 ). Comme tous les autres États membres, le Grand-Duché de Luxembourg est tenu de participer audit système de coopération afin de contrôler le respect des conditions de travail et d’emploi en cause. Dans cette mesure, le gouvernement luxembourgeois n’a pas respecté l’obligation procédurale d’établissement des preuves. |
87. |
Nonobstant ce qui précède, le contrôle du respect des réglementations liées à la protection sociale des travailleurs peut très bien être assuré par des mesures moins restrictives. En effet, il y a lieu de considérer que, pour remplir cette obligation de contrôle, il suffit de désigner un des travailleurs détachés, par exemple un assistant qui assure le lien entre l’entreprise étrangère et l’inspection du travail et qui, le cas échéant, met à disposition les documents nécessaires soit sur le chantier, soit dans un lieu clairement défini et accessible sur le territoire de l’État membre d’accueil ( 65 ). Une telle mesure de protection sociale des travailleurs portant moins atteinte à la libre circulation des personnes serait compatible avec le principe de proportionnalité. |
88. |
C’est la raison pour laquelle nous concluons que les conditions posées par l’article 8 de la loi du 20 décembre 2002 sont disproportionnées et violent l’article 49 CE. Par conséquent, le quatrième grief est lui aussi fondé. |
VII — Sur les dépens
89. |
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Le Grand-Duché de Luxembourg ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. |
VIII — Conclusions
90. |
Eu égard à l’ensemble de ces considérations, nous proposons de:
|
( 1 ) Langue originale: l’allemand.
( 2 ) JO 1997, L 18, p. 1.
( 3 ) La déclaration no 10 n’a pas été publiée au Journal officiel. Toutefois, son contenu a été repris dans la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions du 25 juillet 2003 [COM(2003) 458 final, p. 13].
( 4 ) Mémorial A no 154, 2002, p. 3722.
( 5 ) Proposition modifiée de la directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur du 4 avril 2006 [COM(2006) 160 final].
( 6 ) Voir cinquième considérant.
( 7 ) Voir sixième considérant.
( 8 ) Les septième à onzième considérants de la directive 96/71 examinent le lien existant avec la convention de Rome, dont l’article 6 concerne les contrats de travail et les relations de travail individuelles. Selon ces dispositions, le critère déterminant pour le choix du droit applicable en tant que loi du contrat «est la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays» [article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome]. Cette disposition a été modifiée par la directive 96/71 en ce sens que le droit du lieu du travail s’applique aux conditions de travail et d’emploi mentionnées dans la directive lorsque la loi du contrat de travail désignée par l’article 6 de la convention de Rome ne prévoit pas de conditions plus favorables. Selon Jayme, E., et Kohler, C., «Europäisches Kollisionsrecht 1997 — Vergemeinschaftung durch ‘Säulenwechsel’», Praxis des internationalen Privat- und Verfahrensrechts, 17e année, no 6, 1997, p. 400, on peut considérer que la directive sur le détachement constitue une concrétisation des «règles impératives» au sens de l’article 7 de la convention de Rome, car le dixième considérant y fait expressément référence.
( 9 ) Voir conclusions de l’avocat général Léger du 23 février 2006 dans l’affaire Commission/Autriche (arrêt du 21 septembre 2006, C-168/04, Rec. p. I-9041), point 28. La matière du détachement des travailleurs ne fait pas encore l’objet d’une harmonisation. Selon le quatre-vingt-sixième considérant de la directive 2006/123/CEE, du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO L 376, p. 36), cette matière est expressément exclue. Une proposition de la Commission relative à l’élimination des obstacles bureaucratiques et à l’obligation des États membres de coopérer dans le cadre du détachement de travailleurs et/ou du détachement de ressortissants d’États tiers a été rejetée du projet de directive antérieur à l’initiative du Parlement européen et du Conseil. Voir, à ce sujet, proposition modifiée d’une directive du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2006 [COM(2006) 160 final, p. 15 et 16].
( 10 ) Schmidt, M., Das Arbeitsrecht der Europäischen Gemeinschaft, Baden-Baden, 2001, p. 254 et 259, considère que la directive sur le détachement n’harmonise pas les conditions de travail mais limite la liberté de choix concernant les règles de conflit. Däubler, W., «Die Entsende-Richtlinie und ihre Umsetzung in das deutsche Recht», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, 1997, p. 614, souligne que la directive 96/71 se fonde notamment sur l’article 57, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 47, paragraphe 2, CE) et sur l’article 66 du traité CE (devenu, après modification, article 55 CE). L’article 66 du traité ferait référence aux possibilités d’aménagement et aux restrictions en matière de liberté d’établissement et ordonnerait son application en matière de prestation de services. Selon l’article 57, paragraphe 2, CE, le Conseil arrête des directives visant la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres afin de simplifier l’exercice des libertés fondamentales (droit d’établissement et/ou prestation de services). Si l’on considère l’objet de cette disposition, cela aurait été effectué. La directive coordonnerait les conditions en droit du travail que le prestataire de services doit respecter. Forgó, K., «Aktuelles zur Entsenderichtlinie», ecolex, 1996, p. 818, explique que les différences résultant des règles de conflit divergentes ont été supprimées par la directive 96/71. En revanche, les différences résultant des différents droits nationaux du travail seraient maintenues même après l’entrée de la directive 96/71, car celle-ci ne prévoirait aucune harmonisation du contenu. Borgmann, B., «Kollisionsrechtliche Aspekte des Arbeitnehmer-Entsendegesetzes», Praxis des internationalen Privat- und Verfahrensrechts, 1996, p. 319, considère que la directive 96/71 constitue une coordination des règles impératives internationales en matière de droit du travail. Au point 58 de ses conclusions du 23 mai 2007 dans l’affaire pendante devant la Cour Laval un Partneri (C-341/05), l’avocat général Mengozzi précise que la directive 96/71 a pour objet de coordonner les règles de conflit des lois des États membres afin de déterminer le droit national applicable à une prestation de services transfrontalière dans une situation de détachement temporaire de travailleurs au sein de la Communauté, sans harmoniser ni les règles matérielles des États membres relatives au droit du travail et aux conditions de travail et d’emploi concernant notamment le taux de salaire, ni le droit de recourir à l’action collective.
( 11 ) Voir conclusions de l’avocat général Geelhoed du 15 septembre 2005 dans l’affaire Commission/Allemagne (arrêt du 19 janvier 2006, C-244/04, Rec. p. I-885), point 6.
( 12 ) Voir, également, en ce sens point 28 des conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer du 14 décembre 2006 dans l’affaire Commission/Allemagne (arrêt du 18 juillet 2007, C-490/04, Rec. p. I-6095), ainsi que points 144 à 163 des conclusions rendues dans l’affaire Laval un Partneri (précitée à la note 10).
( 13 ) Arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas (96/81, Rec. p. 1791, point 6); du 23 octobre 1997, Commission/France (C-159/94, Rec. p. I-5815, point 102); du 8 mars 2001, Commission/Allemagne (C-68/99, Rec. p. I-1865, point 38); du 29 mai 2001, Commission/Italie (C-263/99, Rec. p. I-4195, point 27); du 14 avril 2005, Commission/Allemagne (C-341/02, Rec. p. I-2733, point 35), et du 12 mai 2005, Commission/Belgique (C-287/03, Rec. p. I-3761, point 27).
( 14 ) Arrêt du 22 septembre 1988, Commission/Grèce (272/86, Rec. p. 4875, point 21).
( 15 ) Lors des négociations au Conseil, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, l’Irlande et la République portugaise se sont exprimés contre l’existence d’une liste ouverte, car une telle liste serait contraire à l’objectif de la directive visant à clarifier et à donner de la sécurité juridique (Agence Europe, 43e année, no 6449 des 27 et 28 mars 1995).
( 16 ) Voir également Fuchs, M. et Marhold, F., Europäisches Arbeitsrecht, deuxième édition, Vienne, 2006, p. 322. Borgman, B., «Kollisionsrechtliche Aspekte des Arbeitnehmer-Entsendegesetzes» (mentionné en note 10, p. 316), considère que, s’il est exact que les États membres peuvent affaiblir la concurrence non désirée des entreprises situées dans des États ayant de bas coûts salariaux au moyen du «durcissement» de leurs dispositions internationales impératives, il convient toutefois de respecter les règles de droit communautaire. Görres, S., Grenzüberschreitende Arbeitnehmerentsendung in der EU, Vienne/Graz, 2003, p. 122, considère que la référence à l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71 implique que les conditions de travail et d’emploi litigieuses des États membres consistent en des réglementations d’ordre public qui ne violent pas les règles du traité. Les auteurs reconnaissent ainsi que, en cas de référence à l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71, certaines conditions doivent être respectées et parmi celles-ci figurent nécessairement à la fois la réalisation de la libre circulation de services et les objectifs précis du législateur européen. L’avocat général Mengozzi considère, au point 212 de ses conclusions du 23 mai 2007 rendues dans l’affaire Laval un Partneri précitée, que, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71 et de la jurisprudence relative à l’article 49 CE, l’appartenance de règles nationales à la catégorie de dispositions d’ordre public ou à celles de lois de police ne les soustrait pas au respect des dispositions du traité.
( 17 ) S’agissant des restrictions à la libre prestation de services et au droit d’établissement, voir point 53 des conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer du 16 mai 2006 dans l’affaire Placanica e.a. (arrêt du 6 mars 2007, C-338/04, C-359/04 et C-360/04, Rec. p. I-1891). Georgiadis, N., Derogation clauses: the protection of national interests in EC law, Bruxelles, 2006, p. 72, souligne que l’ensemble des clauses dérogatoires et en particulier l’exception d’ordre public sont soumises au principe de l’interprétation restrictive. Selon Wichmann, J., Dienstleistungsfreiheit und grenzüberschreitende Entsendung von Arbeitnehmen, Francfort/Main, 1998, p. 104 et 105, les considérations systématiques plaident contre une interprétation extensive. En effet, déjà en tant que dispositions contractuelles d’exception, il résulte que la clause d’ordre public doit être interprétée strictement. Dès lors, la référence à l’ordre public implique que des intérêts souverains essentiels de l’État membre soient affectés.
( 18 ) La Cour a toujours souligné que l’exception d’ordre public constitue une dérogation au principe fondamental de la libre circulation des personnes, devant être entendue strictement et dont la portée ne saurait être déterminée unilatéralement par les États membres. Voir arrêts du 26 février 1975, Bonsignore (67/74, Rec. p. 297, point 6); du 28 octobre 1975, Rutili (36/75, Rec. p. 1219, point 27); du 27 octobre 1977, Bouchereau (30/77, Rec. p. 1999, point 33); du 19 janvier 1999, Calfa (C-348/96, Rec. p. I-11, point 23); du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C-482/01 et C-493/01, Rec. p. I-5257, points 64 et 65); du 31 janvier 2006, Commission/Espagne (C-503/03, Rec. p. I-1097, point 45); du 27 avril 2006, Commission/Allemagne (C-441/02, Rec. p. I-3449, point 34), et du 7 juin 2007, Commission/Pays-Bas (C-50/06, Rec. p. I-4383, point 42).
( 19 ) Arrêts du 23 mars 1982, Levin (53/81, Rec. p. 1035, points 10 à 12), et du 2 avril 1998, EMU Tabac e.a. (C-296/05, Rec. p. I-1605, point 30).
( 20 ) Selon une jurisprudence constante, le recours par une autorité nationale à la notion d’ordre public suppose, en tout état de cause, l’existence, en dehors du trouble social que constitue toute infraction à la loi, d’une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société (arrêts précités note 18, Rutili, point 28; Bouchereau, point 35; Orfanopoulos et Oliveri, point 66; Commission/Espagne, point 46; du 27 avril 2006, Commission/Allemagne, point 35, et du 7 juin 2007, Commission/Pays-Bas, point 43).
( 21 ) Voir arrêt du 4 décembre 1974, Van Duyn (41/74, Rec. p. 1337, points 18 et 19).
( 22 ) Il existe de nombreuses dispositions de droit communautaire — notamment, en droit primaire, les articles 30 CE, 39, paragraphe 3, CE, 46 CE, 55 CE et 58, paragraphe 1, sous b), CE devenus significatifs en tant que «limites aux libertés fondamentales» — qui, sous certaines conditions, permettent des restrictions aux libertés accordées par le droit primaire en matière de circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux. Par ailleurs, la notion d’ordre public s’applique en droit dérivé soit en tant qu’exception, soit en tant que droit dérivé d’interprétation et de précision (voir, à ce sujet, Schneider, H., Die öffentliche Ordnung als Schranke der Grundfreiheiten im EG-Vertrag, Baden-Baden, 1998, p. 53).
( 23 ) Arrêts du 23 février 1988, Commission/Italie (429/85, Rec. p. 843, point 9); du 26 février 1991, Antonissen (C-292/89, Rec. p. I-745, point 18); du 29 mai 1997, VAG Sverige (C-329/95, Rec. p. I-2675, point 23), et du 3 décembre 1998, Generics (UK) e.a. (C-368/96, Rec. p. I-7967, points 25 à 28).
( 24 ) Toute réserve à l’encontre du contenu de cette déclaration no 10, bien qu’elle provienne du Conseil en tant qu’institution et donc notamment du gouvernement luxembourgeois, contredirait le principe de droit «venire contra factum proprium nemini licet», selon lequel personne ne peut s’opposer à son propre comportement.
( 25 ) Voir notamment arrêts du 15 mars 2001, Mazzoleni et ISA (C-165/98, Rec. p. I-2189, point 23), et du 24 janvier 2002, Portugaia Construções (C-164/99, Rec. p. I-787, point 17), dans lesquels la Cour a jugé qu’en particulier un État membre ne peut subordonner la réalisation de la prestation de services sur son territoire à l’observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions du traité destinées précisément à assurer la libre prestation des services.
( 26 ) Wolfsgruber, C., Die grenzüberschreitende Entsendung von Arbeitnehmern, Vienne, 2001, p. 42, ne mentionne pas la déclaration no 10. Toutefois, cet auteur considère que la notion d’ordre public mentionnée à l’article 3, paragraphe 10, de la directive 96/71 doit être interprétée de manière étroite en lien avec la jurisprudence de la Cour relative à l’article 46, paragraphe 1, CE. Ainsi, une extension des conditions de travail et d’emploi de l’État d’accueil ne serait possible qu’à la condition qu’une «menace effective et suffisamment grave des intérêts fondamentaux de la société se présente». Däubler, W., «Die Entsende-Richtlinie und ihre Umsetzung in das deutsche Recht», précité à la note 10, p. 615, souligne qu’en aucun cas l’ensemble des conventions collectives applicables aux entreprises domestiques ne s’étendent aux prestataires de services provenant d’autres États membres. Il s’agirait au contraire du salaire minimal et des congés minimaux, de sorte que les salaires supérieurs d’un travailleur qualifié, les compléments usuels ainsi que les régimes de pension professionnels, etc., ne jouent aucun rôle. On peut en conclure que, s’il est vrai que la directive 96/71 vise à établir un noyau de dispositions de protection minimale, elle vise en même temps à éviter des restrictions à la libre prestation de services fondées sur des considérations tenant à l’ordre public.
( 27 ) En même temps, la directive 91/533 vise à transposer le point 9 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, selon lequel les conditions de travail de tout salarié de la Communauté européenne doivent être précisées soit dans la loi, soit dans une convention collective, soit dans un contrat de travail selon des modalités propres à chaque pays.
( 28 ) Selon les dispositions combinées des articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, de la directive 91/533, l’employeur est tenu de porter à la connaissance du travailleur salarié les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail deux mois au plus tard après le début de son travail. L’article 2, paragraphe 2, de cette même directive prévoit un contenu minimal à cette obligation d’information. Par ailleurs, selon l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, si le travailleur est amené à exercer son travail dans un ou plusieurs États autres que l’État membre à la législation et/ou à la pratique duquel le contrat ou la relation de travail est soumis, l’obligation d’information écrite doit comporter les informations relatives à i) la durée du travail exercé à l’étranger; ii) la devise servant au paiement de la rémunération; iii) le cas échéant, les avantages en espèces et en nature liés à l’expatriation, et, le cas échéant, les conditions de rapatriement du travailleur et, même dans ces cas, les informations relatives à la devise servant au paiement de la rémunération ainsi qu’aux avantages liés au séjour à l’étranger peuvent résulter d’une référence aux dispositions législatives, réglementaires et administratives ou statutaires, ou aux conventions collectives régissant les matières y visées. Ces documents doivent être en possession du travailleur avant son départ. Voir, à ce sujet, Fuchs, M., et Marhold, F., Europäisches Arbeitsrecht, précité à la note 16, p. 79 et suiv.
( 29 ) S’agissant du lien juridique existant entre la directive 96/71 et la directive 2006/123, voir considérations faites à la note 9.
( 30 ) Lenaerts, K., Arts, D., et Maselis, I., Procedural Law of the European Union, deuxième édition, Londres, 2006, point 5-056, p. 162 précisent que la portée des lois, des règlements ou des actes d’administration nationaux doit s’apprécier à la lumière de l’interprétation que leur en donnent les juridictions nationales. Si une disposition nationale permet différentes interprétations — l’une étant conforme au droit communautaire, l’autre non —, il appartient alors à la Commission d’établir que les juridictions nationales n’interprètent pas la disposition en cause conformément au droit communautaire. Toutefois, dans la présente affaire, le libellé de l’article 1er, paragraphe 1, point 2, de la loi du 20 décembre 2002 est dépourvu d’ambiguïté et ne permet aucune autre interprétation que celle allant dans le sens d’une violation de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 91/533.
( 31 ) Voir point 45.
( 32 ) Arrêts du 25 juillet 1991, Säger (C-76/90, Rec. p. I-4221, point 12); du 9 août 1994, Vander Elst (C-43/93, Rec. p. I-3803, point 14); du 28 mars 1996, Guiot (C-272/94, Rec. p. I-1905, point 10); du 12 décembre 1996, Reisebüro Broede (C-3/95, Rec. p. I-6511, point 25); du 9 juillet 1997, Parodi (C-222/95, Rec. p. I-3899); Portugaia Construções (précité à la note 25, point 16), et du 19 janvier 2006, Commission/Allemagne (précité à la note 11, point 30).
( 33 ) Arrêts du 25 octobre 2001, Finalarte (C-49/98, C-50/98, C-52/98 à C-54/98 et C-68/98 à C-71/98, Rec. p. I-7831, point 31), et du 23 novembre 1999, Arblade e.a. (C-369/96 et C-376/96, Rec. p. I-8453, point 34).
( 34 ) Directive du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9). Cette directive garantit, aux travailleurs concernés par des nouvelles formes de flexibilité du travail, le même traitement que les travailleurs à temps plein ou les travailleurs ayant un contrat à durée indéterminée. L’accès au travail à temps partiel est simplifié; des recommandations sont adressées aux employeurs sur la manière dont ils peuvent tenir compte des souhaits des travailleurs en ce qui concerne des modalités de travail plus flexibles.
( 35 ) Directive du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43). Cette directive contient des prescriptions minimales relatives au contrat à durée déterminée afin de garantir l’égalité de traitement des travailleurs et d’éviter les abus découlant de l’utilisation de relations de travail ou de contrats successifs. Elle invite les États membres à adopter des sanctions en cas de violation de ses prescriptions minimales. De plus, elle prévoit des clauses dérogatoires afin de limiter la charge administrative pouvant résulter pour les petites et moyennes entreprises en raison de l’application de ces nouvelles dispositions.
( 36 ) Les organisations interprofessionnelles à vocation générale, à savoir l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE), le Centre européen des entreprises à participation publique (CEEP) et la Confédération européenne des syndicats (CES), ont conclu, le 6 juin 1997, un accord-cadre sur le travail à temps partiel et, le 18 mars 1999, un accord-cadre sur le travail à durée déterminée qui devaient être mis en œuvre respectivement par la directive 97/81 et par la directive 1999/70. Ainsi qu’il apparaît, respectivement au quatorzième considérant de la directive 97/81 et au seizième considérant de la directive 1999/70, l’acte le plus approprié pour la mise en œuvre de cet accord-cadre est une directive au sens de l’article 249 CE, car celle-ci lie les États membres quant au résultat à atteindre, tout en leur laissant le choix de la forme et des moyens.
( 37 ) Sans procéder à une analyse juridique précise à la lumière de la directive 96/71, Däubler, W., dans son article «Die Entsende-Richtlinie und ihre Umsetzung in das deutsche Recht», précité à la note 10, p. 615, et Borgmann, B., dans l’article «Entsendung drittstaatsangehöriger Arbeitnehmer durch EU-Unternehmen nach Deutschland», Zeitschrift für Ausländerrecht und Ausländerpolitik, 1993, p. 122, considèrent que l’ensemble des conventions collectives de travail applicables aux entreprises domestiques ne peuvent s’étendre aux prestataires de services d’autres États membres. Borgmann, B., soutient même que l’application obligatoire des conventions collectives du travail non déclarées d’application générale aux contrats de travail étrangers constitue une discrimination ouverte à l’encontre des entreprises étrangères.
( 38 ) Cela résulte d’ailleurs de l’obligation générale des États membres de transposer les dispositions d’une directive de telle manière qu’ils lui donnent une exécution qui corresponde pleinement aux exigences de clarté et de certitude des situations juridiques voulues par la directive (voir arrêts du 1er mars 1983, Commission/Italie, 300/81, Rec. p. 449, point 10, et du 2 décembre 1986, Commission/Belgique, 239/85, Rec. p. 3645, point 7).
( 39 ) C’est ce que la Cour a jugé, dans l’arrêt Portugaia Construções (précité à la note 25, points 28 et 29), en ce qui concerne l’application de dispositions nationales relatives au salaire minimal des prestataires de services. Par conséquent, il appartient aux autorités nationales et/ou aux juges nationaux de vérifier si, considérée objectivement, la réglementation en cause assure la protection des travailleurs détachés et si elle comporte, pour les travailleurs concernés, un avantage réel qui contribue, de manière significative, à leur protection sociale. Ainsi, la Cour affirmait clairement que des réglementations nationales en matière de conditions de travail et d’emploi, telles que le salaire minimal, qui semblent manifestement avantageuses, peuvent ne pas toujours être avantageuses pour les travailleurs détachés. Nous pensons qu’il en va de même des réglementations collectives. En ce sens, voir également l’avocat général Mengozzi au point 237 de ses conclusions dans l’affaire Laval un Partneri (précitée à la note 10) qui fait référence à l’arrêt Portugaia Construções.
( 40 ) Il s’agit, à cet égard, de la convention collective de travail pour le métier de plafonneur-façadier (règlement grand-ducal du 31 janvier 1996 — Mémorial A — no 14), de la convention collective de travail pour les métiers d´installateur sanitaire et d’installateur de chauffage et de climatisation (règlement grand-ducal du 23 septembre 1996, Mémorial A — no 72), et du contrat collectif pour le bâtiment (règlement grand-ducal du 18 février 1997, Mémorial A — no 14).
( 41 ) Directive du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9).
( 42 ) Il a en outre annoncé la préparation d’un projet de loi par lequel l’article 1er, paragraphe 1, point 3, de la loi du 20 décembre 2002 fera une référence au repos journalier et au temps de pause. Selon le mémoire en défense, cela a été fait par l’article 4 de la loi du 19 mai 2006 1) sur la transposition des directives 2003/88 et 96/71; 2) modifiant la loi modifiée du 7 juin 1937 ayant pour objet la réforme de la loi du 31 octobre 1919 portant règlement légal du louage de services des employés privés; 3) modifiant la loi modifiée du 9 décembre 1970 portant réduction et réglementation de la durée de travail des ouvriers occupés dans les secteurs public et privé de l’économie; 4) modifiant la loi modifiée du 17 juin 1994 concernant les services de santé au travail, et 5) modifiant la loi du 20 décembre 2002 portant 1. transposition de la directive 96/71; 2. réglementation du contrôle de l’application du droit du travail [Mémorial A — no 97 du 31 mai 2006, p. 1806]).
( 43 ) Arrêts du 17 septembre 1996, Commission/Italie (C-289/94, Rec. p. I-4405, point 20), du 12 décembre 1996, Commission/Italie (C-302/95, Rec. p. I-6765, point 13); du 3 juillet 1997, Commission/France (C-60/96, Rec. p. I-3827, point 15); du 30 novembre 2000, Commission/Belgique (C-384/99, Rec. p. I-10633, point 16); du 15 mars 2001, Commission/France (C-147/00, Rec. p. I-2387, point 26); du 21 juin 2001, Commission/Luxembourg (C-119/00, Rec. p. I-4795, point 14); du 7 mars 2002, Commission/Espagne (C-29/01, Rec. p. I-2503, point 11), et du 18 juillet 2006, Commission/Italie (C-119/04, Rec. p. I-6885, points 27 et 28).
( 44 ) Arrêts Säger (précité à la note 32, point 12), Vander Elst (précité à la note 32, point 14), Guiot (précité à la note 32, point 10), Reisebüro Broede (précité à la note 32, point 25), Parodi (précité à la note 32, point 18), Portugaia Construções (précité à la note 39, point 16), et du 19 janvier 2006, Commission/Allemagne (précité à la note 11, point 30).
( 45 ) Dans l’arrêt Arblade e.a. (précité à la note 33, point 50), la Cour devait juger de la compatibilité de la réglementation nationale avec le droit communautaire qui obligeait l’employeur, agissant en qualité de prestataire de services au sens du traité, à verser des cotisations patronales au fonds de l’État membre d’accueil, en plus des cotisations qu’il a déjà versées au fonds de l’État membre où il avait son établissement. La Cour a considéré qu’il s’agissait d’une restriction à la libre prestation des services, car une telle obligation entraîne des frais et des charges administratives et économiques supplémentaires pour les entreprises établies dans un autre État membre, de sorte que ces dernières ne se trouvent pas sur un pied d’égalité, du point de vue de la concurrence, avec les employeurs établis dans l’État membre d’accueil et qu’elles peuvent ainsi être dissuadées de fournir des prestations dans l’État membre d’accueil. Voir, également, arrêt Finalarte (précité à la note 33, point 30), qui faisait quant à lui référence à l’arrêt Mazzoleni et ISA (précité à la note 25, point 24). Dans ce dernier arrêt, la Cour a jugé que l’application des règles nationales relatives aux salaires minimaux aux prestataires de services établis dans une région d’un autre État membre frontalière de l’État membre d’accueil peut entraîner des charges administratives supplémentaires disproportionnées lorsque la rémunération des travailleurs qui sont simplement détachés dans l’État d’accueil est calculée de manière séparée.
( 46 ) Voir arrêts Finalarte (précité à la note 33, point 36), et du 21 octobre 2004, Commission/Luxembourg (C-445/03, Rec. p. I-10191, point 41), dans lequel la Cour a reconnu que l’obligation de respecter les formalités administratives suffisait pour reconnaître l’existence d’une restriction à la libre circulation des personnes. Dans ses conclusions du 15 juillet 2004 dans l’affaire Commission/Luxembourg, précitée (point 17), l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer souligne que les prestataires de services qui exercent le droit de fournir leurs services sur le territoire d’un autre État membre, au moyen du détachement du personnel disponible, sont confrontés à divers inconvénients. L’un résulte de l’obligation d’obtenir une autorisation dont la délivrance est non seulement discrétionnaire, mais également peu aisée à obtenir et requiert l’accomplissement de formalités administratives plus ou moins longues, complexes ou coûteuses. Un autre tient à l’obligation de se soumettre à des contrôles qui viennent s’ajouter à ceux qu’effectue l’État d’établissement, lorsqu’ils ne font pas double emploi avec ces derniers. Toutes ces formalités impliquent fréquemment de renoncer à la prestation ou de souffrir de retards préjudiciables. Compte tenu de ces éléments, il convient de s’en tenir à cette jurisprudence.
( 47 ) Arrêts Commission/Autriche (précité à la note 9, point 43), du 19 janvier 2006, Commission/Allemagne (précité à la note 32, point 36), et Arblade e.a. (précité à la note 33, point 38).
( 48 ) S’agissant de la jurisprudence relative à la protection sociale des travailleurs, voir arrêts du 17 décembre 1981, Webb (279/80, Rec. p. 3305, point 19); du 3 février 1982, Seco et Desquenne et Giral (62/81 et 63/81, Rec. p. 223, point 10); du 27 mars 1990, Rush Portuguesa (C-113/89, Rec. p. I-1417, point 18); Vander Elst (précité à la note 32, point 25); Guiot (précité à la note 32, point 16); Arblade e.a. (précité à la note 33, point 36); Finalarte (précité à la note 33, points 40 et 45); du 12 octobre 2004, Wolff & Müller (C-60/03, Rec. p. I-9553, point 35), et Commission/Autriche (précité à la note 9, point 47), ainsi que point 249 des conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Laval un Partneri (précitée à la note 10). S’agissant de la jurisprudence relative à la lutte contre les abus, voir arrêt Commission/Autriche (précité à la note 9, point 56). Le refus du droit communautaire de protéger les abus et les fraudes résulte par ailleurs de l’arrêt du 2 mai 1996, Paletta II (C-206/94, Rec. p. I-2357, point 28), dans lequel la Cour a jugé qu’il n’est pas interdit à l’employeur d’apporter les éléments de preuve qui permettront, le cas échéant, à la juridiction nationale de constater l’existence d’un comportement abusif ou frauduleux résultant du fait que le travailleur, bien qu’il fasse état d’une incapacité de travail établie conformément à l’article 18 du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO L 74, p. 1), n’a pas été malade.
( 49 ) Arrêts Commission/Autriche (précité à la note 9, point 43), et Rush Portuguesa (précité à la note 48, point 17).
( 50 ) Arrêts Arblade e.a. (précité à la note 33, point 35), Mazzoleni et ISA (précité à la note 25, point 26) et Wolff & Müller (précité à la note 48, point 34). Teyssié, B., Droit européen du travail, deuxième édition, Paris, 2003, p. 158 et 159, soutient que l’obligation de maintien d’une formalité administrative ne peut être justifiée que si elle sert les intérêts des travailleurs en cause. La cause de justification légitime qu’est la protection sociale des travailleurs ne doit pas servir de prétexte pour l’adoption de dispositions légales qui font obstacle à la libre prestation des services.
( 51 ) Selon l’article 11 de la loi du 20 décembre 2002, «l’inspection du travail et des mines et l’administration des douanes et accises, chacune en ce qui la concerne, sont chargées d’assurer la surveillance de l’application des dispositions de la présente loi». La loi du 4 avril 1974 portant réorganisation de l’inspection du travail et des mines (Mémorial A — no 27, p. 485) est pertinente pour déterminer les compétences de l’inspection du travail.
( 52 ) Voir ordonnance exécutoire par provision de l’inspection du travail du 29 avril 2004 adressée à une entreprise et ordonnant la cessation de prestations de travail détachées non déclarées, jointe en copie à l’annexe A 5 de la requête.
( 53 ) Toutefois, le législateur n’interdit pas certains actes (ou certains projets) au motif qu’ils doivent être interdits de manière générale, mais bien parce qu’ils doivent faire l’objet d’un examen préalable par l’administration pour déterminer si, en l’espèce, ils violent certaines dispositions légales de fond. Si la vérification se déroule de manière positive et que l’acte est conforme au droit matériel, il y a lieu d’accorder l’autorisation. Dès lors, l’interdiction s’applique sous réserve d’accorder l’autorisation lorsque la procédure d’autorisation ne fait apparaître aucun motif de refus légal. Par conséquent, dans le cas de l’«autorisation», on peut parler également d’une «interdiction sous réserve d’autorisation» (voir, à cet égard, Maurer, H., Allgemeines Verwaltungsrecht, quinzième édition, Munich, 2004, point 51, p. 218). Le caractère restrictif de la réglementation luxembourgeoise prévue à l’article 7, paragraphe 1, de la loi du 20 décembre 2002 est clairement lié à l’existence d’une telle interdiction sous réserve d’autorisation. S’agissant du détachement de travailleurs d’un État tiers par une entreprise de services établie dans la Communauté, la Cour a en effet déjà jugé qu’une réglementation nationale qui subordonne l’exercice de certaines prestations de services sur le territoire national par une entreprise établie dans un autre État membre à la délivrance d’une autorisation administrative constitue une restriction à la libre prestation de services au sens de l’article 49 CE. Voir arrêts Commission/Autriche (précité à la note 9, point 40); du 21 octobre 2004, Commission/Luxembourg (précité à la note 46, point 24), et Vander Elst (précité à la note 32, point 15).
( 54 ) Voir, en ce sens, s’agissant de directives, arrêts du 28 février 1991, Commission/Italie (C-360/87, Rec. p. I-791, point 12), et du 15 juin 1995, Commission/Luxembourg (C-220/94, Rec. p. I-1589, point 10). Voir, par ailleurs, arrêts du 18 janvier 2001, Commission/Italie (C-162/99, Rec. p. I-541, points 22 à 25), et du 6 mars 2003, Commission/Luxembourg (C-478/01, Rec. p. I-2351, point 20).
( 55 ) Dans l’ordonnance exécutoire par provision de l’inspection du travail datée du 29 avril 2004, par laquelle elle interdit la prestation de services par des travailleurs non déclarés, jointe en copie à l’annexe A 5 de la requête, l’inspection du travail précise que les documents relatifs au statut en droit social et en droit du travail des travailleurs détachés doivent être déposés avant la fourniture des prestations transfrontalières et, à cet égard, le terme «antérieurement» est manifestement écrit en lettres capitales afin d’éclairer les entreprises agissant manifestement de manière illégale.
( 56 ) Arrêt du 21 octobre 2004, précité à la note 46, point 31.
( 57 ) En ce sens, voir également conclusions de l’avocat général Geelhoed du 15 septembre 2005 dans l’affaire Commission/Allemagne (arrêt du 19 janvier 2006, précité à la note 11, point 28), concernant une réglementation allemande qui soumet le détachement de ressortissants d’États tiers employés auprès d’un prestataire de services établi dans un autre État membre à un régime d’autorisation préalable. Selon l’avocat général, une mesure de contrôle préalable est disproportionnée, car les entreprises qui ne respectent pas ces dispositions nationales de protection du travailleur devraient porter la responsabilité d’un détachement réalisé sous des conditions illégales et pourraient toujours être poursuivies. Par conséquent, une mesure de contrôle préalable ne saurait être justifiée par la nécessité de s’assurer que ce détachement est effectué de manière légale.
( 58 ) Cela est reconnu implicitement par le gouvernement luxembourgeois à la page 5 de sa lettre en réponse à la mise en demeure de la Commission. Il y reconnaît les contraintes particulières causées par l’obligation imposée aux entreprises étrangères de désigner un mandataire ad hoc résidant au Luxembourg.
( 59 ) Voir point 71.
( 60 ) Voir point 72.
( 61 ) Voir arrêts Säger (précité à la note 32, point 13), et Mazzoleni et ISA (précité à la note 25, point 23).
( 62 ) Arrêt du 7 février 2002 (C-279/00, Rec. p. I-1425, points 17 et 18).
( 63 ) Arrêt précité à la note 33, point 76, et arrêt du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne (205/84, Rec. p. 3755, point 54).
( 64 ) Dans l’arrêt Arblade e.a. (précité à la note 33, point 79), la Cour a jugé qu’«[i]l convient de souligner que le système organisé de coopération ou d’échange d’informations entre États membres prévu à l’article 4 de la directive 96/71 rendra prochainement superflue la conservation des documents dans l’État membre d’accueil après que l’employeur aura cessé d’y employer des travailleurs». Selon cette disposition, les États membres sont tenus de mettre en place des organes permettant une coopération étroite des États membres en matière de conditions de travail et d’emploi. Ainsi, il est prévu notamment de donner aux tribunaux des États membres la possibilité de prendre connaissance des conditions d’emploi du lieu de travail dans d’autres États membres. Parmi ces organes, on songe en particulier aux bureaux de liaison ou à d’autres offices de coopération. La coopération des autorités compétentes pour le contrôle des conditions de travail et d’emploi en cause prévues dans la directive est d’une importance particulière. Cette coopération consiste dans le fait de fournir des réponses aux questions des autorités d’autres États membres qui concernent i) la mise à disposition transfrontalière de travailleurs, ii) les infractions manifestes et iii) les cas dans lesquels il existe un soupçon d’une activité transfrontalière illégale. La coopération mutuelle doit s’effectuer sans rémunération (voir, à cet effet, Forgó, K., «Aktuelles zur Entsenderichtlinie», précité à la note 10, p. 817).
( 65 ) Voir arrêt Arblade e.a. (précité à la note 33, points 65 et 74) concernant la protection sociale des travailleurs dans le secteur de la construction.