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Document 61999CC0087

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 27 janvier 2000.
Patrick Zurstrassen contre Administration des contributions directes.
Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif - Grand-Duché de Luxembourg.
Article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) - Egalité de traitement - Impôt sur le revenu - Résidence séparée des conjoints - Imposition collective pour les couplés mariés.
Affaire C-87/99.

Recueil de jurisprudence 2000 I-03337

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2000:58

61999C0087

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 27 janvier 2000. - Patrick Zurstrassen contre Administration des contributions directes. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif - Grand-Duché de Luxembourg. - Article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) - Egalité de traitement - Impôt sur le revenu - Résidence séparée des conjoints - Imposition collective pour les couplés mariés. - Affaire C-87/99.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-03337


Conclusions de l'avocat général


1 Conformément à l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg a posé une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et de certaines dispositions du règlement n_ 1612/68 (1).

Cette question porte en substance sur le point de savoir si un travailleur national d'un État membre peut être obligé par un autre État membre, dans lequel il réside et perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, de payer l'impôt sur le revenu en tant que célibataire, du fait que son conjoint, dont il n'est pas séparé, et ses enfants ne résident pas dans le même État.

I - Les faits

2 Il découle de l'ordonnance de renvoi que tant M. Zurstrassen, demandeur au principal, que son épouse sont de nationalité belge. M. Zurstrassen a effectué la majeure partie de ses études en Belgique, pays dans lequel il travaillait et résidait avant que ne lui soit offert l'emploi qu'il exerce au Luxembourg. Pour pouvoir accepter ce travail, il a dû s'installer dans ce pays, mais son épouse et ses enfants ont continué, pour des raisons de scolarisation, à vivre en Belgique.

Le ménage perçoit la quasi-totalité de ses revenus, consistant en la rémunération de M. Zurstrassen, au Luxembourg. L'épouse vit à Battice (Belgique), où M. Zurstrassen se rend le week-end; elle n'exerce aucune activité économique, n'a pas de revenus propres et n'est pas imposable dans ce pays (2).

3 En 1995 et 1996, M. Zurstrassen occupait un immeuble loué au Luxembourg dans lequel son épouse se rendait occasionnellement, sans que cela signifie, conformément à la loi nationale, qu'elle soit devenue résidente fiscale de ce pays (3). Dans ses déclarations d'impôt sur le revenu faites pour ces années, M. Zurstrassen a indiqué que son domicile se trouvait au Luxembourg et que son épouse résidait en Belgique. Dans les bulletins de l'impôt sur le revenu que l'administration des contributions directes lui a adressés, elle l'a rangé dans la classe d'impôt 1, qui est celle correspondant aux célibataires. L'intéressé a introduit des réclamations contre ces deux bulletins devant le directeur de l'administration des contributions directes.

II - La question préjudicielle

4 Constatant que cet organe de l'administration fiscale ne se prononçait pas sur les réclamations, M. Zurstrassen a introduit un recours devant le tribunal administratif, lequel, avant de se prononcer sur le fond, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice la question préjudicielle suivante:

«L'article 48 du Traité de l'Union Européenne et l'article 1er, paragraphe 1, du règlement CEE précité n_ 1612-68 [(4)], du 15 octobre 1968, s'opposent-ils à une réglementation nationale qui soumet le bénéfice de l'imposition collective de deux époux et de la classe d'impôt 2 correspondante, accordant sous certaines conditions aux conjoints une charge fiscale plus favorable que celle qui leur incomberait en cas d'imposition individuelle, à la condition que les deux époux non séparés ni de fait ni sur base d'une décision de justice doivent avoir leurs domiciles fiscaux respectifs dans un même Etat membre, et qui exclut ainsi du bénéfice de ce régime d'imposition l'époux qui s'établit dans un Etat membre, en laissant le reste de sa famille dans un autre Etat membre ?»

III - La législation nationale

5 L'impôt sur le revenu des personnes physiques est régi par la loi de 1967, telle que modifiée en 1990 (5). L'article 2, paragraphe 1, de cette loi prévoit que les personnes physiques sont considérées comme contribuables résidents ou comme contribuables non-résidents, suivant qu'elles ont ou qu'elles n'ont pas leur domicile fiscal ou leur séjour habituel au Grand-Duché. L'article 3, qui régit l'imposition collective des couples mariés, inclut les époux qui sont contribuables résidents au cours de l'exercice fiscal, qui correspond à l'année civile, à condition qu'ils ne vivent pas séparés en vertu d'une dispense de la loi ou de l'autorité judiciaire.

6 Aux fins d'application du barème d'imposition pour le calcul de l'impôt, les contribuables sont répartis en 3 classes d'imposition. La classe 1 comprend les célibataires sans enfants et, dans certains cas, les personnes séparées et divorcées sans enfants. La classe 2 est réservée aux couples mariés bénéficiant de l'imposition collective. La classe 1a inclut, entre autres, les veufs. L'impôt qui frappe les contribuables de la classe 1 se détermine en appliquant le barème d'imposition de base au revenu imposable. Conformément à l'article 121, qui réglemente la méthode du splitting, l'impôt à charge des contribuables de la classe 2 est égal au double de la cote, qui correspond, par application du barème d'imposition de base, à la moitié du revenu imposable. À revenu égal, et sans compter les déductions auxquelles chacun pourrait avoir droit, les contribuables de la classe 2 sont soumis à une cote d'impôt moins élevée que celle obtenue pour les contribuables de la classe 1.

La circulaire LIR n_ 3/1 (6) qualifie l'imposition collective des époux d'exception la plus importante au principe selon lequel tout contribuable est imposé en fonction de son revenu. L'imposition collective se caractérise par la simplification, d'une part, de l'assiette de l'impôt par le cumul des revenus et, d'autre part, du recouvrement de l'impôt par l'institution d'une solidarité entre les redevables.

7 Les avantages liés à l'imposition collective ne sont toutefois pas limités aux couples de résidents. En effet, l'article 157 bis de la loi concernant l'impôt sur le revenu prévoit que les contribuables non-résidents, mariés et ne vivant pas en fait séparés, sont, sur demande, imposés dans la classe d'impôt 2, à condition qu'ils soient imposables au Luxembourg du chef de plus de 50 % des revenus professionnels de leur ménage. Si les deux époux réalisent des revenus professionnels imposables dans cet État, la demande entraîne leur imposition collective (7).

IV - La réglementation communautaire

8 Conformément à l'article 48, paragraphe 2, du traité, la libre circulation des travailleurs

«implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail».

9 L'article 1er, paragraphe 1, du règlement 1612/68, dont la juridiction nationale demande l'interprétation, énonce:

«Tout ressortissant d'un État membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d'accéder à une activité salariée et de l'exercer sur le territoire d'un autre État membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux de cet État».

L'article 7 du même règlement, disposition qui, selon moi, sera utile pour répondre à la question préjudicielle, énonce quant à lui:

«1. Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé en chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

...»

V - La procédure devant la Cour de justice

10 Le demandeur au principal, le gouvernement luxembourgeois, le gouvernement espagnol et la Commission ont déposé des observations écrites dans la présente procédure, dans le délai fixé à cet effet par l'article 20 du statut CE de la Cour de justice.

Le représentant de M. Zurstrassen, celui du gouvernement luxembourgeois, celui du gouvernement espagnol et l'agent de la Commission ont comparu à l'audience, qui s'est tenue le 14 décembre 1999, afin de présenter oralement leurs observations.

11 Le demandeur au principal considère que la loi luxembourgeoise concernant l'impôt sur le revenu est lacunaire, puisqu'elle accorde le bénéfice de l'imposition collective aux couples mariés s'ils sont résidents et qu'elle permet, dans certaines conditions, aux couples mariés non-résidents de recourir à cette modalité d'imposition, mais ne prévoit pas la situation dans laquelle l'un des conjoints réside au Luxembourg et l'autre dans un autre État membre. Ainsi, le citoyen de l'Union qui compte s'installer dans un État membre sans son conjoint pour exercer une activité économique doit supporter une pression fiscale plus élevée, ce qui pourrait l'amener à ne pas accepter le travail qui lui est offert. Le demandeur au principal estime donc que la législation luxembourgeoise est contraire à l'article 48 du traité et à l'article 7, paragraphe 2, du règlement n_ 1612/68.

12 Le gouvernement luxembourgeois précise, dans ses observations écrites, que l'imposition collective est une obligation pour les contribuables résidents, qui a pour but de simplifier l'assiette et le recouvrement de l'impôt. En appliquant cette modalité d'imposition, l'administration fiscale adopte une décision conjointe, sans examiner le régime économique du ménage, et le receveur des contributions peut se retourner indistinctement contre l'un ou l'autre conjoint pour exiger le paiement de la totalité de la dette fiscale. Si l'un des conjoints n'est pas résident, cette dernière possibilité n'existe plus. Toutefois, lors de l'audience, le représentant du gouvernement luxembourgeois a reconnu, en réponse à la question que je lui ai posée, qu'en cas d'application de l'article 157 bis de la loi concernant l'impôt sur le revenu (qui permet l'imposition collective des couples non-résidents lorsqu'ils sont imposables du chef de plus de 50 % de leurs revenus professionnels au Luxembourg), la solidarité entre époux relativement à la dette fiscale posait, en pratique, un problème de gestion fiscale, mais que cet avantage technique était accordé aux non-résidents parce qu'il correspondait à une obligation imposée par le droit communautaire.

Il a ajouté que l'imposition collective ne frappe pas le foyer ou le chef de famille, mais consiste à imputer à chacun des époux, outre ses propres revenus et les déductions et avantages qui lui reviennent d'après sa situation propre, les revenus, déductions et avantages de son conjoint, pour appliquer ensuite au revenu cumulé le barème d'imposition de la classe 2. Il en résulte que, si l'un des conjoints n'a pas ou a peu de revenus propres, la cote d'impôt est moins élevée que si chacun était imposé séparément.

13 Le gouvernement espagnol affirme qu'on ne peut parler de discrimination lorsque la loi d'un État membre soumet à imposition collective les couples mariés qui résident sur son territoire et ne sont pas séparés, mais n'accorde par contre pas cet avantage fiscal aux couples qui résident dans des États membres différents, puisque les uns et les autres ne se trouvent pas dans la même situation. Selon lui, la loi luxembourgeoise concernant l'impôt sur le revenu, qui s'applique indépendamment de la nationalité du contribuable, ne réserve pas à M. Zurstrassen, qui a fait usage de son droit à la libre circulation en tant que travailleur, un traitement fiscal moins favorable que celui qu'elle accorde à un luxembourgeois dont le conjoint réside dans un autre État membre.

14 La Commission considère que M. Zurstrassen et son épouse sont victimes d'une discrimination déguisée fondée sur la nationalité, contraire à l'article 48 du traité et à l'article 7, paragraphe 2, du règlement n_ 1612/68. Cette discrimination naît de la différence de traitement que la législation luxembourgeoise réserve, à revenus égaux, aux couples dont les deux conjoints résident dans le pays et à ceux dont l'un seulement des conjoints est résident, alors que les uns et les autres se trouvent fiscalement dans la même situation objective et méritent donc de recevoir un traitement similaire.

L'article 157 bis de la loi luxembourgeoise est donc paradoxal, puisqu'il permet que les couples de non-résidents imposables au Luxembourg du chef de plus de 50 % de leurs revenus professionnels soient imposés collectivement, mais refuse cette possibilité à un couple se trouvant dans la situation des époux Zurstrassen, qui réalisent en fait 100 % de leurs revenus dans cet État, dans lequel, en outre, réside celui qui perçoit les revenus.

La Commission conclut ses observations en affirmant qu'elle ne voit aucune justification possible à une telle discrimination et qu'il serait cohérent avec la convention de 1970 entre le Luxembourg et la Belgique en vue d'éviter les doubles impositions d'assimiler le contribuable se trouvant dans la situation de M. Zurstrassen au contribuable résidant au Luxembourg dont le conjoint, dont il n'est pas légalement séparé, a une résidence distincte à l'intérieur du Grand-Duché.

VI - L'examen de la question préjudicielle

15 À partir de 1986 et surtout dans les années 90, la Cour de justice a dû examiner, la plupart du temps à la demande d'une quelconque juridiction nationale, la manière de concilier la compétence des États membres, qui reste exclusive en matière d'impôts directs, tels que ceux qui frappent le revenu des personnes et les bénéfices des sociétés, avec la libre circulation des travailleurs et le droit d'établissement.

16 Parmi les arrêts rendus en la matière, sept se réfèrent à l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Dans deux de ces arrêts, la Cour a dû se prononcer sur le point de savoir si la législation nationale respectait le principe d'égalité de traitement dans le domaine du droit d'établissement (8). Dans les cinq autres, elle s'est prononcée sur l'application de ce principe dans le cadre de la libre circulation des travailleurs (9).

Étant donné que M. Zurstrassen est un travailleur qui s'est rendu au Luxembourg afin d'exercer une activité économique salariée, je me contenterai d'examiner les cinq arrêts dans lesquels la Cour de justice a interprété l'article 48 du traité en relation avec des réglementations nationales régissant l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

17 Parmi les cinq arrêts, deux ont pour toile de fond la législation luxembourgeoise et ses effets sur les obligations fiscales des travailleurs qui s'installaient dans le pays ou le quittaient au cours de l'année d'imposition. Il s'agit des arrêts Biehl et Commission/Luxembourg (10).

18 Le premier arrêt était fondé sur la question posée par le Conseil d'État en vue de se prononcer sur le recours d'un citoyen allemand, résidant au Grand-Duché entre novembre 1973 et octobre 1983, et qui a estimé, lorsqu'il s'est installé en Allemagne pour travailler, faire l'objet d'un traitement fiscal discriminatoire par rapport aux travailleurs qui restaient résidents au Luxembourg. Lors de la liquidation de l'impôt sur le revenu pour l'année fiscale 1983, et bien que les retenues opérées sur son salaire aient excédées de plus de cent mille francs sa dette fiscale, l'administration fiscale luxembourgeoise lui en a refusé la restitution, au motif qu'une disposition légale excluait le remboursement des retenues opérées à charge des travailleurs qui avaient été contribuables résidents pendant une partie de l'année seulement.

La Cour a observé que, bien qu'il s'applique indépendamment de la nationalité du contribuable concerné, le critère de résidence permanente sur le territoire national pour obtenir un éventuel remboursement d'un trop-perçu d'impôt sur le revenu risque de jouer, en particulier, au détriment des contribuables ressortissants d'autres États membres. En effet, ce seront souvent ces derniers qui quitteront le pays ou qui s'y établiront en cours d'année (11). Elle a répondu à la juridiction nationale que l'article 48, paragraphe 2, du traité fait obstacle à ce que la législation fiscale d'un État membre prévoie que les retenues d'impôt sur les traitements et salaires opérées à charge d'un salarié ressortissant d'un État membre, qui est contribuable résident pendant une partie de l'année seulement, restent acquises au Trésor et ne puissent pas être sujettes à restitution (12).

19 Constatant qu'en juin 1994, le Grand-Duché n'avait pas modifié sa législation pour se conformer à l'arrêt Biehl, la Commission a considéré que cet État manquait aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du traité et de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n_ 1612/68. La législation fiscale luxembourgeoise continuait à prévoir que, pour obtenir le remboursement du trop-perçu d'impôt sur le revenu ou la régularisation sur la base d'un décompte annuel, le contribuable devait avoir été résident durant toute la période d'imposition ou, à défaut, avoir travaillé comme salarié pendant neuf mois au moins sur le territoire luxembourgeois. S'il ne remplissait pas ces conditions, il devait introduire un recours gracieux pour bénéficier d'une restitution «en équité» du trop-perçu d'impôt.

20 Le gouvernement luxembourgeois a affirmé que sa législation visait à garantir l'application du principe de la progressivité de l'impôt, en évitant que la procédure ordinairement suivie par les bureaux d'imposition ne procure aux résidents temporaires des restitutions arbitraires, en raison du manque d'informations des bureaux sur le revenu annuel du contribuable. Il a ajouté que le calcul des restitutions d'impôts en faveur d'un résident temporaire exigeait que l'administration fiscale soit informée des revenus étrangers réalisés par ce contribuable avant que celui-ci ne s'établisse au Grand-Duché ou après qu'il ait quitté le territoire national, afin de déterminer le taux d'imposition approprié qu'il y avait lieu d'appliquer aux revenus luxembourgeois.

21 La Cour a jugé que, bien qu'elle s'appliquait indépendamment de la nationalité du contribuable concerné, la législation litigieuse, qui imposait une obligation de résidence ou de travail continu sur le territoire national pendant une certaine période pour obtenir certains avantages fiscaux bénéficiant aux résidents, risquait de jouer, en particulier, au détriment des ressortissants d'autres États membres, dès lors que ce seront souvent ces derniers qui quitteront le pays ou qui s'y établiront en cours d'année. Ce seront également ces derniers qui, le plus souvent, cesseront de travailler au Luxembourg à l'échéance d'un contrat de travail à durée déterminée (13).

22 Je crois que le même raisonnement sera utile pour résoudre la présente affaire, bien que la discrimination dont souffrait M. Biehl était due au fait qu'il ait cessé d'être résident au Grand-Duché, tandis que M. Zurstrassen a été résident permanent sur le territoire de cet État durant les années d'imposition litigieuses.

23 Comme je l'ai indiqué au début, la législation luxembourgeoise relative à l'impôt sur le revenu réserve l'imposition collective, qui, à revenus égaux, conduit à une cote d'impôt moins élevée, aux couples mariés qui ne vivent pas séparés en vertu d'une dispense de la loi ou de l'autorité judiciaire. Il ressort du dossier que, s'il est satisfait à cette dernière condition, les époux peuvent avoir des résidences séparées (14) et continuer à bénéficier de l'imposition collective, à condition que ces résidences soient situées à l'intérieur du Grand-Duché.

24 Selon la Cour de justice, le principe d'égalité de traitement en matière de rémunération serait privé d'effet s'il pouvait y être porté atteinte par des dispositions nationales discriminatoires en matière d'impôt sur le revenu. C'est pourquoi le Conseil a prescrit à l'article 7 de son règlement n_ 1612/68 que les travailleurs ressortissants d'un État membre doivent bénéficier, sur le territoire d'un autre État membre, des mêmes avantages fiscaux que les travailleurs nationaux (15).

25 En l'espèce, la réglementation nationale litigieuse s'applique indépendamment de la nationalité des contribuables et ne constitue par conséquent pas une discrimination directe.

Cela dit, selon la jurisprudence de la Cour, les règles d'égalité de traitement prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (16).

26 Il est indéniable que l'obtention de l'avantage (17) que représente l'imposition collective pour les couples mariés est subordonnée à une condition de résidence des deux contribuables. Il s'agit d'une condition à laquelle pourront satisfaire plus facilement les ressortissants luxembourgeois que les ressortissants d'autres États membres qui se sont installés au Grand-Duché pour exercer une activité économique, et qui est susceptible de porter dans une plus grande mesure préjudice aux travailleurs migrants, puisqu'ils auront plus de difficultés à la remplir.

En effet, ceux qui maintiendront la résidence de leur famille dans leur pays d'origine seront, le plus souvent, les travailleurs migrants ressortissants d'autres États membres qui se sont installés au Luxembourg pour accepter un emploi très souvent basé sur un contrat à durée déterminée, tandis que ceux dont la famille réside sur le territoire du Grand-Duché seront, en majorité, des ressortissants luxembourgeois.

27 Je dois par conséquent conclure que, lorsque l'un des contribuables est résident, subordonner le bénéfice de l'imposition collective à la condition que le conjoint soit également résident au Grand-Duché constitue une discrimination déguisée fondée sur la nationalité.

28 Cette constatation me paraît plus que suffisante pour considérer qu'un État membre ne peut exiger d'un couple se trouvant dans la situation de M. Zurstrassen et de son épouse la condition que tous deux résident sur son territoire pour leur permettre d'être imposés collectivement. Il existe toutefois d'autres arguments à l'appui de cette affirmation, qui découlent de la jurisprudence récente de la Cour de justice relative à l'incidence de la fiscalité directe des États membres sur la libre circulation des travailleurs.

29 Je fais référence aux arrêts rendus dans les affaires Schumacker et Gschwind, qui portent sur les effets de la loi allemande relative à l'impôt sur le revenu lorsqu'elle s'appliquait à des travailleurs non-résidents, ainsi qu'à l'arrêt Gilly (18). J'examinerai ces arrêts dans cet ordre.

30 M. Schumacker, de nationalité belge, travaillait en Allemagne, où il percevait la quasi-totalité des revenus du foyer, et résidait en Belgique avec sa famille. C'est à l'Allemagne, lieu d'exercice de l'activité, qu'il appartenait d'imposer les revenus du travail. La réglementation allemande prévoyait que les contribuables non-résidents étaient inclus dans la classe I indépendamment de leur situation familiale, ce qui signifiait qu'ils ne pouvaient pas se voir appliquer la méthode et le barème du splitting, et qu'ils recevaient le même traitement fiscal que les célibataires.

31 La Cour a observé que l'article 48 du traité ne s'oppose pas, en principe, à l'application d'une réglementation d'un État membre qui impose le travailleur non-résident plus lourdement sur ses revenus que le résident occupant le même emploi. Toutefois, lorsque le non-résident ne perçoit pas de revenu significatif dans l'État de sa résidence et tire l'essentiel de ses ressources imposables d'une activité exercée dans l'État d'emploi, de sorte que l'État de résidence n'est pas en mesure de lui accorder les avantages résultant de la prise en compte de sa situation personnelle et familiale, il n'existe entre le résident et le non-résident aucune différence de situation objective de nature à fonder une différence de traitement en ce qui concerne la prise en considération, aux fins de l'imposition, de la situation personnelle et familiale du contribuable. Il était donc discriminatoire de les traiter de manière distincte, la discrimination consistant en ce que la situation personnelle et familiale du travailleur non-résident n'était prise en compte ni dans l'État de résidence ni dans l'État d'emploi (19).

32 La possibilité, en Allemagne, que les contribuables mariés non-résidents recourent à l'imposition collective a très vite fait l'objet d'une autre question préjudicielle. M. Gschwind, ressortissant néerlandais, travaillait en Allemagne et résidait avec sa famille aux Pays-Bas, où son épouse travaillait et percevait 42 % des revenus du foyer. Les revenus du travail de M. Gschwind, qui représentaient 58 % des revenus du foyer, étaient imposables en Allemagne, et ceux de son épouse aux Pays-Bas. L'administration allemande a refusé l'application de la méthode et du barème du splitting.

33 Cette situation se distinguait nettement de celle de M. Schumacker, dont le salaire en Allemagne constituait la quasi-totalité des revenus du foyer fiscal. De plus, ni lui ni son épouse n'avaient dans leur État de résidence des revenus significatifs permettant la prise en compte de leur situation personnelle et familiale. En revanche, la législation allemande qui s'appliquait à M. Gschwind, qui avait été modifiée entre-temps et qui fixait deux seuils de revenus, l'un en pourcentage, l'autre en montant absolu, pour accéder à la méthode et au barème du splitting (20), tenait précisément compte de la possibilité de prise en considération, sur une base imposable suffisante dans l'État de résidence, de la situation personnelle et familiale des contribuables dans cet État. Étant donné que Mme Gschwind gagnait près de 42 % du revenu mondial du couple dans l'État de résidence, ce dernier était en mesure de prendre en compte la situation personnelle et familiale de M. Gschwind selon les modalités prévues par la législation de cet État, puisque la base imposable y était suffisante pour permettre cette prise en compte.

Pour ces raisons, la Cour a considéré qu'il n'avait pas été établi qu'un couple marié non-résident, dont l'un des conjoints travaillait dans l'État d'imposition et dont la situation personnelle et familiale pouvait être prise en compte dans l'État de résidence en raison de l'existence d'une base imposable suffisante dans cet État, se trouvait dans une situation comparable à celle du couple marié résident, même si l'un des conjoints travaillait dans un autre État membre (21).

34 Le troisième arrêt concernait M. Gilly, citoyen français qui travaillait en France, et son épouse, de double nationalité allemande et française, qui était institutrice dans une école publique en Allemagne. Les revenus que Mme Gilly percevaient en Allemagne étaient imposables dans cet État, où elle était rangée dans la classe d'impôt I, ce qui signifiait que ses circonstances personnelles et familiales n'étaient pas prises en compte dans le calcul de son obligation fiscale. Toutefois, puisque ces circonstances étaient prises en compte en France pour le calcul de l'impôt dû à raison du revenu global du foyer et pour l'octroi de divers abattements et déductions fiscaux, la Cour a considéré que les autorités fiscales allemandes n'étaient pas tenues de prendre en compte la situation personnelle et familiale de Mme Gilly (22).

35 Ces affaires se référaient à des législations d'États membres qui accordaient un traitement distinct aux assujettis à l'impôt sur le revenu selon qu'ils soient ou non résidents.

À cet égard, la Cour a jugé, dans l'arrêt Schumacker, que, en matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en général, pas comparables, puisque le revenu perçu sur le territoire d'un État par un non-résident ne constitue le plus souvent qu'une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence. Par ailleurs, la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l'ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s'apprécier le plus aisément à l'endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux. Ce lieu correspond en général à l'endroit où il réside. En revanche, la situation du résident est différente, dans la mesure où il perçoit normalement l'essentiel de ses revenus dans l'État de résidence et que cet État dispose de toutes les informations nécessaires pour apprécier la capacité contributive globale du contribuable, compte tenu de sa situation personnelle et familiale (23).

36 La législation luxembourgeoise accorde également un traitement distinct à ceux qui perçoivent des revenus professionnels sur son territoire selon qu'ils soient ou non résidents (24). M. Zurstrassen, de même que MM. Biehl, Schumacker ou Gschwind, se considère victime d'une discrimination fondée sur la nationalité et demande que lui soit appliqué le principe d'égalité de traitement consacré par l'article 48, paragraphe 2, du traité et par l'article 7, paragraphe 2, du règlement n_ 1612/68.

37 À la différence de tous les autres, M. Zurstrassen est contribuable résident dans l'État dans lequel ses revenus professionnels sont imposables. Cela signifie qu'il est contribuable par obligation personnelle dans cet État, qui procède à l'imposition de la totalité de son revenu mondial, indépendamment du lieu dans lequel il a été réalisé. Il incombe à ce même État, conformément aux règles du droit fiscal international, de prendre en considération les éléments inhérents à sa situation personnelle et familiale.

38 Cependant, les autorités fiscales luxembourgeoises considèrent M. Zurstrassen comme contribuable célibataire sans charges de famille, bien qu'il soit marié et qu'il ait des enfants, parce que son épouse, qui n'a pas de revenus propres et de laquelle il n'est séparé ni de fait ni sur base d'une décision de justice, a conservé sa résidence dans un autre État membre et ne s'est pas installée au Luxembourg.

39 Comme la Cour l'a déjà indiqué dans son arrêt Schumacker, l'article 48 du traité peut limiter le droit pour un État membre de prévoir les conditions d'assujettissement et les modalités d'imposition des revenus perçus sur son territoire par un ressortissant d'un autre État membre, dans la mesure où cet article, en matière de perception des impôts directs, ne permet pas à un État membre de traiter un ressortissant d'un autre État membre qui, ayant fait usage de son droit de libre circulation, exerce une activité salariée sur le territoire du premier État, de façon moins favorable qu'un ressortissant national se trouvant dans la même situation (25).

40 J'observe qu'il n'existe aucune différence objective, du point de vue fiscal, entre la situation du couple Zurstrassen et celle d'un couple de résidents au Luxembourg qui, n'étant pas non plus séparés, ont deux résidences distinctes au Grand-Duché et dont l'un perçoit la totalité des revenus du foyer. En effet, dans les deux cas, seul un conjoint perçoit les revenus du couple, qui sont réalisés au Luxembourg, et cet État est le seul qui puisse prendre en considération ses circonstances personnelles et familiales.

41 Le gouvernement luxembourgeois n'a donné aucune justification dans ses observations. Il se contente d'indiquer que l'imposition collective des époux simplifie le recouvrement de l'impôt par l'institution d'une solidarité entre les redevables. Le receveur des contributions peut ainsi se retourner indistinctement contre l'un ou l'autre conjoint pour exiger le paiement de la totalité de la dette fiscale, possibilité qui cesse d'exister si l'un des conjoints n'est pas résident.

42 Je ne crois pas que cette raison soit suffisante pour justifier une discrimination telle que celle décrite, surtout dans un cas tel que le cas d'espèce, dans lequel le seul époux qui perçoit des revenus est celui qui est résident. De plus, à supposer que cette raison soit sérieusement avancée comme justification, elle ne pourrait pas être retenue, étant donné que la loi concernant l'impôt sur le revenu permet elle-même l'imposition collective des couples non-résidents, à l'unique condition que plus de 50 % des revenus professionnels du couple soit imposable au Luxembourg.

43 À cet égard, je partage l'avis de M. Zurstrassen, selon lequel la discrimination que produit la législation litigieuse ne peut être justifiée par la nécessité d'assurer la cohérence du système fiscal luxembourgeois.

Cette justification, qui n'a été acceptée en tant que telle que dans une seule circonstance par la Cour (26), ne peut être valable lorsqu'il s'agit de prendre en considération la situation personnelle et familiale d'un contribuable résident dont le conjoint, qui réside dans un autre État membre, n'a pas de revenus propres, pour lui appliquer le barème d'imposition de la même manière qu'aux autres résidents dont le conjoint réside au Luxembourg et ne perçoit pas de revenus.

44 Je dois donc conclure que la discrimination déguisée contenue dans la loi luxembourgeoise concernant l'impôt sur le revenu est interdite par l'article 48, paragraphe 2, du traité et par l'article 7, paragraphe 2, du règlement n_ 1612/668.

VII - Conclusion

45 Au vu du raisonnement qui précède, je propose à la Cour de justice de répondre à la question posée par le tribunal administratif de Luxembourg comme suit:

«L'article 48, paragraphe 2, du traité CE et l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, s'opposent à une réglementation d'un État membre qui, en matière d'impôt sur le revenu, soumet l'imposition collective des conjoints non séparés à la condition qu'ils soient tous deux résidents et refuse le bénéfice de cet avantage fiscal à un travailleur établit dans cet État, dans lequel il perçoit la totalité des revenus du foyer et dont le conjoint est resté dans l'État d'origine».

(1) - Règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).

(2) - Un certificat délivré le 4 septembre 1998 par le bureau central de taxation de l'administration des contributions directes de Verviers (Belgique) indique que l'épouse de M. Zurstrassen «n'a perçu aucun revenu pour les années 1995 et 1996 et est donc non imposable».

(3) - L'achat par le ménage, le 1er avril 1998, d'un appartement situé à Luxembourg-Ville est, à cet égard, dénué de pertinence, puisque cette acquisition est postérieure aux années d'imposition litigieuses entre les parties au principal.

(4) - Précité dans la note en bas de page n_ 1.

(5) - Loi concernant l'impôt sur le revenu (LIR), modifiée, du 4 décembre 1967 (Mémorial A n_ 79 du 6 décembre 1967), telle que modifiée par la loi du 6 décembre 1990.

(6) - Circulaire LIR n_ 3/1, du 19 août 1991, relative à l'imposition collective des époux.

(7) - En réponse à la question que je lui ai posée lors de l'audience, le représentant du gouvernement luxembourgeois m'a indiqué que, pour qu'un couple de non-résidents puisse être imposé collectivement sur le revenu réalisé au Luxembourg et imposable dans cet État, il suffit que l'un des deux y obtienne plus de 50 % des revenus professionnels du ménage.

(8) - Il s'agit des arrêts du 11 août 1995, Wielockx (C-80/94, Rec. p. I-2493), et du 27 juin 1996, Asscher (C-107/94, Rec. p. I-3089).

(9) - Arrêts du 8 mai 1990, Biehl (C-175/88, Rec. p. I-1779), du 14 février 1995, Schumacker (C-279/93, Rec. p. I-225), du 26 octobre 1995, Commission/Luxembourg (C-151/94, Rec. p. I-3685), du 12 mai 1998, Gilly (C-336/96, Rec. p. I-2793), et du 14 septembre 1999, Gschwind (C-391/97, non encore publié au Recueil).

(10) - Cités dans la note en bas de page n_ 9.

(11) - Arrêt Biehl, précité dans la note en bas de page n_ 9, point 14.

(12) - Ibidem, point 19.

(13) - Arrêt Commission/Luxembourg, précité dans la note en bas de page n_ 9, points 15 et 16.

(14) - Le demandeur au principal indique dans ses observations que la loi du 12 novembre 1986 a abandonné le critère économique du ménage commun et l'a remplacé par le devoir de cohabitation des époux.

(15) - Arrêt Biehl, précité dans la note en bas de page n_ 9, point 12.

(16) - Arrêt du 12 février 1974, Sotgiu (152/73, Rec. p. 153, point 11).

(17) - Le gouvernement luxembourgeois affirme que l'imposition collective n'est pas un avantage fiscal et qu'il existe des cas dans lesquels les couples font leur possible pour l'éviter. Je ne nie pas que de tels cas existent mais je considère que l'imposition collective, puisqu'elle atténue la progressivité de l'impôt lorsque l'un des conjoints n'a pas ou a peu de revenus propres, peut être qualifiée d'avantage fiscal.

(18) - Précités dans la note en bas de page n_ 9.

(19) - Arrêt Schumacker, précité dans la note en bas de page n_ 9, points 35 à 38.

(20) - Ces limites étaient les suivantes: au moins 90 % du revenu global des conjoints imposable en Allemagne et au plus 24 000 DM non soumis à l'impôt allemand.

(21) - Arrêt Gschwind, point 30. Pour une comparaison détaillée des différences existant entre la situation des époux Gschwind et celle d'un couple résidant en Allemagne lorsque l'un des conjoints travaille dans un autre État membre, voir les conclusions que j'ai présentées dans cette affaire le 11 mars 1999, non encore publiées au Recueil, notamment les points 45 à 49.

(22) - Précité dans la note en bas de page n_ 9, point 50.

(23) - Précité dans la note en bas de page n_ 9, points 31 à 33.

(24) - Le représentant du gouvernement luxembourgeois a affirmé lors de l'audience que l'affaire Zurstrassen ne posait aucun problème de preuve quant à la situation économique de Mme Zurstrassen, résidente dans un autre État membre, et que la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15) offrait aux autorités fiscales des possibilités d'information suffisantes.

(25) - Précité dans la note en bas de page n_ 9, point 24.

(26) - Voir les arrêts du 28 février 1992, Bachmann (C-204/90, Rec. p. I-249) et Commission/Belgique (C-300/90, Rec. p. I-305).

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