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Document 61988CC0208

Conclusions jointes de l'Avocat général Darmon présentées le 3 juillet 1990.
Commission des Communautés européennes contre Royaume de Danemark.
Affaire 208/88.
Commission des Communautés européennes contre Irlande.
Affaire 367/88.
Directive 69/169/CEE du Conseil - Législation nationale non conforme.

Recueil de jurisprudence 1990 I-04445

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1990:272

61988C0208

Conclusions jointes de l'Avocat général Darmon présentées le 3 juillet 1990. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Danemark. - Affaire 208/88. - Commission des Communautés européennes contre Irlande. - Affaire 367/88. - Directive 69/169/CEE du Conseil - Législation nationale non conforme.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-04445


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . La Commission vous a saisis, pour des motifs largement similaires, de deux recours en manquement visant respectivement le Danemark et l' Irlande à propos des mesures prises par chacun de ces deux États membres en ce qui concerne les importations sur leur territoire, par des voyageurs, de bière achetée dans un autre État membre . Plus précisément, dans le cadre de l' application de la directive 69/169/CEE du Conseil, du 28 mai 1969 ( 1 ), l' Irlande a, par une mesure administrative, restreint la franchise pour la bière importée à travers la frontière terrestre par les voyageurs à un maximum de 12 litres par personne, les importations dépassant cette quantité étant taxées, alors que le Danemark a, par un arrêté du 9 juin 1986 du ministère des Finances, décidé que les voyageurs ne pourraient importer en franchise que 10 litres de bière par personne, les quantités dépassant cette limite étant, en revanche, imposées . La Commission a formulé, à l' égard de ces mesures au contenu très proche, le grief général de méconnaître les dispositions de la directive 69/169, en ce sens que ce texte pose le principe d' une franchise applicable aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs en provenance d' États membres dans une limite fixée, à l' époque des initiatives irlandaise et danoise, à la valeur globale de 350 écus, et que la bière ne figure pas parmi les marchandises pour lesquelles, en dérogation à cette limite globale, des limites quantitatives spécifiques sont prévues . Aussi, elle vous demande de constater que l' Irlande et le Danemark ont, par une telle méconnaissance, manqué aux obligations leur incombant en vertu du traité .

2 . Selon l' article 2, paragraphe 1, de la directive 69/169, une franchise des taxes et accises perçues à l' importation est applicable aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs en provenance d' États membres de la Communauté, sous réserve qu' elles soient acquises aux conditions générales d' imposition du marché intérieur d' un des États membres, et pour autant qu' il s' agisse d' importations dépourvues de tout caractère commercial et que la valeur de ces marchandises ne dépasse pas, par personne, un montant déterminé . Ce montant, actuellement fixé à 390 écus ( 2 ), s' élevait, nous l' avons dit, à 350 écus ( 3 ) lorsque sont intervenues les mesures litigieuses . C' est donc à cette dernière valeur que nous nous référerons dans la suite des conclusions .

3 . Dans le système de la directive 69/169, deux types de dérogations au principe d' une franchise dans la limite globale de 350 écus présentent de l' intérêt pour les présentes affaires .

4 . Le premier type fait l' objet des dispositions de l' article 4 de la directive . Celles-ci posent, pour des produits spécifiques expressément désignés, des limites quantitatives concernant les produits de tabac, certaines boissons alcooliques, les parfums, le café et le thé . S' agissant plus particulièrement des boissons alcooliques, ces limites visent, depuis la directive 72/230/CEE du Conseil, du 12 juin 1972 ( 4 ), les boissons distillées et les boissons spiritueuses, les apéritifs à base de vin ou d' alcool, les vins mousseux et les vins de liqueur ainsi que les vins tranquilles . L' article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/348 ( 5 ) a complété cette liste en prévoyant des limites quantitatives pour le tafia, le saké ou les boissons similaires . Il résulte des limites spécifiques ainsi posées que, dans le trafic de voyageurs entre États membres, il ne peut y avoir importation en franchise des boissons susindiquées que dans une limite de 1,5 litre ou de 3 litres selon les cas, celle de 5 litres étant, toutefois, applicable aux vins tranquilles .

5 . Le deuxième type de dérogations résulte de ce que, même dans la limite globale de 350 écus, il faut que les importations soient, comme l' indique l' article 2, paragraphe 1, précité, de la directive 69/169, "dépourvues de tout caractère commercial", l' article 3, paragraphe 2, du même texte précisant que sont "considérées comme dépourvues de tout caractère commercial les importations qui :

a ) présentent un caractère occasionnel et

b ) portent exclusivement sur des marchandises réservées à l' usage personnel ou familial des voyageurs ou destinées à être offertes comme cadeau, ces marchandises ne devant traduire, par leur nature ou leur quantité, aucune préoccupation d' ordre commercial ".

6 . Sur le plan des dérogations visées par l' article 4 de la directive 69/169, c' est-à-dire les limites quantitatives spécifiques, on constate que la bière n' est pas mentionnée parmi les boissons alcooliques concernées . Elle ne fait donc pas l' objet, dans cette directive, d' une limite quantitative . Il est incontestable, à cet égard, que les mesures irlandaise et danoise litigieuses ont pour effet d' ajouter, en quelque sorte, à la directive en déterminant une limite quantitative pour la bière .

7 . Analysées sous cet angle, ces mesures apparaissent difficilement compatibles avec le droit communautaire . Selon la jurisprudence de la Cour, rappelée en dernier lieu par l' arrêt qu' elle vient de rendre le 12 juin 1990 ( 6 ) dans le recours en manquement de la Commission contre l' Irlande au sujet de la limitation du bénéfice des franchises aux voyageurs ayant séjourné au moins quarante-huit heures en dehors de l' Irlande, les États membres ne conservent, dans le domaine des franchises prévues par la directive 69/169, "que la compétence limitée qui leur est reconnue par les dispositions mêmes des directives" ( 7 ). Or, ni la directive 69/169 ni les directives modificatives n' ont prévu de limite quantitative concernant la bière, et l' on discerne mal d' où les États membres tireraient la prérogative de fixer une telle limite . La liste des limites quantitatives figurant à l' article 4 de la directive 69/169 ne saurait être considérée comme simplement indicative pour les États membres, qui auraient alors la faculté de la compléter . Une telle manière de voir exposerait, en réalité, cette directive à un démantèlement pur et simple . Le régime des directives en général et celui de la directive 69/169 en particulier sont exclusifs de tout pouvoir de modification unilatérale des États membres, fût-ce au moyen d' un raisonnement par analogie tel que celui auquel se sont référés le Danemark et l' Irlande à propos d' une prétendue équivalence en volume alcoométrique entre 10 ou 12 litres de bière et les boissons alcooliques visées par les limites quantitatives précitées de l' article 4 . Ce serait, en effet, vider de tout sens la notion même de limite quantitative spécifique que d' admettre le droit, pour les États membres, d' appliquer une limite à d' autres produits que ceux expressément visés par la directive sous le prétexte d' une analogie à tel ou tel titre .

8 . La détermination d' une limite quantitative pour un produit non visé par l' article 4 de la directive 69/169 ne peut procéder que d' une modification formelle de celle-ci . C' est ainsi que la directive 85/348, précitée, a prévu des limites concernant le tafia, le saké et d' autres boissons similaires, produits auparavant non concernés par une limite quantitative . Par ailleurs, il est possible d' apporter à la directive des dérogations temporaires au bénéfice d' un État membre sous la forme de limites quantitatives concernant un ou plusieurs produits . C' est ainsi que le Danemark avait été autorisé par l' article 1er de la directive 77/800/CEE, du 19 décembre 1977 ( 8 ), à n' appliquer les franchises jusqu' au 31 décembre 1980, lorsque le séjour hors du Danemark est inférieur à soixante-douze heures, et du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1982, lorsqu' il est inférieur à quarante-huit heures, que dans une limite de 2 litres pour la bière . L' article 1er de la directive 83/2/CEE du Conseil, du 30 décembre 1982 ( 9 ), a prolongé jusqu' au 31 décembre 1983 la limite de 2 litres de bière pour un voyage inférieur à quarante-huit heures, la faisant passer à 4 litres jusqu' au 31 décembre 1984 et à 6 litres jusqu' au 31 décembre 1985, aucune limite n' étant prévue pour la bière après cette dernière date ( 10 ).

9 . Certes, le Danemark a pu, pendant un certain temps, bénéficier d' une limite quantitative pour la bière sans qu' une directive l' ait prévue . Mais cette dérogation a résulté non pas d' une mesure unilatérale du Danemark, mais d' une disposition formelle de l' acte d' adhésion . En effet, l' article 133 et l' annexe VII de l' acte d' adhésion ont accordé à ce nouvel État membre la faculté d' exclure de la franchise jusqu' au 31 décembre 1975 la bière, pour autant que la quantité dépasse 2 litres .

10 . Il est donc indiscutable que, en principe, aucun État membre ne peut prendre de dispositions tendant à fixer des limites quantitatives autres que celles prévues par l' article 4 de la directive 69/169 ou par une directive y dérogeant .

11 . Cependant, le Danemark et l' Irlande ont avancé, pour justifier les mesures qu' ils ont prises, d' autres arguments que nous examinerons ci-après .

12 . Les deux États défendeurs ont soutenu, en substance, qu' ils avaient dû faire face à certaines pratiques qui voyaient des personnes importer, en franchise, des quantités de bière pour la valeur de 350 écus, soit, au Danemark, 500 litres représentant 1 500 bouteilles réparties en 50 caisses, l' Irlande indiquant, pour sa part, qu' en 1984 avaient eu lieu des importations atteignant 120 litres de bière par personne . Des mesures étaient donc apparues d' autant plus nécessaires que, dans certains cas, la revente de la bière importée avait pu être constatée . Aussi le Danemark et l' Irlande ont-ils estimé que la fixation d' une limite quantitative de 10 ou 12 litres de bière constituait un moyen licite d' assurer le respect de l' article 2, paragraphe 1, de la directive 69/169 en tant qu' il prévoit que les franchises s' appliquent pour autant que les importations sont dépourvues de tout caractère commercial, et de son article 3, paragraphe 2, qui précise ce qu' il faut considérer comme dépourvu de tout caractère commercial . En quelque sorte, les mesures nationales litigieuses auraient essentiellement constitué non pas un ajout, illicite en tant que tel, à la liste des dérogations spécifiques de l' article 4 de la directive 69/169, mais une mise en oeuvre de la dérogation générale de l' article 2, paragraphe 1, au moyen de la fixation d' une quantité limite au-delà de laquelle l' importation serait considérée comme n' étant pas dépourvue de caractère commercial .

13 . La quantité choisie par l' Irlande, c' est-à-dire 12 litres, représenterait le maximum de ce qu' un voyageur peut transporter dans de bonnes conditions, à savoir un carton de 24 boîtes de 500 ml de bière, pesant en tout 12,6 kilos . Pour le Danemark, la limite choisie de 10 litres, correspondant à une caisse de bière contenant 30 bouteilles à 33 centilitres, constituerait normalement la quantité la plus importante qu' un ménage danois achète en une fois . En outre, les deux États défendeurs se sont référés à une comparaison du degré alcoolique des boissons expressément soumises à des limites quantitatives par la directive et de celui de la bière pour déterminer la quantité de cette dernière boisson au-delà de laquelle l' importation cesserait d' être dépourvue de tout caractère commercial . Les calculs effectués par les gouvernements du Danemark et de l' Irlande sur ces "équivalences alcooliques" les conduiraient à des quantités de bière variant de 10 à 13 litres, ce qui justifierait les quantités limites retenues par eux dans les mesures litigieuses . Le Danemark a indiqué que l' arrêt rendu le 12 juillet 1983 par la Cour dans l' affaire Commission/Royaume-Uni ( 11 ), relative au régime fiscal britannique du vin pouvait, compte tenu de la méthode de comparaison qu' il avait mise en oeuvre entre le vin et la bière, fournir un fondement au raisonnement sur l' équivalence alcoolique dans le domaine des franchises .

14 . Enfin, l' Irlande et le Danemark ont souligné que les mesures limitant la quantité de bière pouvant être importée en franchise avaient constitué une riposte appropriée à des situations réalisant des abus du droit d' importer en franchise consacré par la directive . Le refus de la franchise opposé, par le moyen de limites quantitatives, à des pratiques qui, formellement conformes à la directive 69/169, abuseraient en réalité du droit qu' elle définit ne pourrait s' analyser en une méconnaissance de cette directive .

15 . Les différents arguments avancés par les deux États défendeurs nous conduisent à observer qu' ils ont donné une réponse juridiquement inadéquate à des préoccupations somme toute légitimes . Il est, en effet, concevable qu' un État membre s' interroge sur le point de savoir si des importations "individuelles" portant, par exemple, sur 50 caisses de bière, représentant 500 litres, répondent à l' exigence, posée par la directive 69/169, que l' importation soit dépourvue de tout caractère commercial, surtout lorsqu' il est constaté en pratique que de telles opérations peuvent être suivies de reventes . Mais il nous paraît exclu qu' il puisse, sans méconnaître le droit communautaire, répondre à cette interrogation en fixant unilatéralement et de façon normative une limite quantitative .

16 . Ainsi que l' a montré votre arrêt Rewe II, du 14 février 1984 ( 12 ), le respect de la directive 69/169 implique que les autorités des États membres n' accordent pas le bénéfice de la franchise à des opérations qui ne répondent pas aux conditions auxquelles celui-ci est subordonné . Dès lors, il nous semble que ces autorités non seulement peuvent, mais doivent veiller à ce que la franchise ne bénéficie pas à des importations de bière qui ne seraient pas dépourvues de tout caractère commercial . Mais il ne leur appartient pas de s' acquitter de cette tâche en déterminant, par une règle de droit interne, une quantité limite au-delà de laquelle toute importation est indistinctement considérée comme non dépourvue de tout caractère commercial . Une telle façon de procéder revient, en réalité, plutôt à se dispenser du contrôle qu' appelle l' article 2, paragraphe 1, de la directive qu' à l' exercer effectivement .

17 . Ce n' est pas, selon nous, respecter la directive que d' exclure a priori, par la formulation normative d' une limite quantitative, la franchise pour toute importation dépassant cette limite en s' affranchissant ainsi de l' obligation de vérifier si elle n' est pas dépourvue de tout caractère commercial . Nous estimons que, sous la réserve de certaines exceptions expressément prévues dans la directive 69/169 telles que, par exemple, les limites quantitatives spécifiques ou celles liées à la valeur unitaire de certaines marchandises, toutes les importations d' un voyageur comprises dans la limite globale de 350 écus ont vocation, pourvu qu' elles soient dépourvues de tout caractère commercial, à bénéficier de la franchise . L' application correcte de la directive suppose donc qu' il soit toujours possible de prendre en considération le caractère non commercial d' une importation portant sur des marchandises dont la valeur globale ne dépasse pas 350 écus et de ne pas refuser alors le bénéfice de la franchise . Or, tel n' est pas le cas lorsque la fixation par un État membre d' une limite quantitative de 10 ou 12 litres de bière exclut indistinctement de la franchise toute importation de quantités supérieures, quel qu' en soit le caractère réel . Cette fixation normative pose, en effet, une présomption irréfragable de ce que l' importation n' est pas dépourvue de tout caractère commercial .

18 . Le respect de la directive 69/169, interprétée, pour répondre à une observation du Danemark, aussi bien dans la version allemande que dans les versions française et anglaise, implique donc, de la part des autorités nationales, un contrôle sur le terrain, de caractère pratique, qui permette éventuellement de prendre en considération le caractère non commercial d' une importation portant sur un nombre apparemment élevé de litres de bière . Cela passe-t-il nécessairement par un contrôle au cas par cas, dont les États défendeurs ont justement souligné la lourdeur et la difficulté concrète? En réalité, il apparaît que les autorités douanières des États membres ont tout à fait la possibilité d' organiser, dans une certaine mesure, un contrôle approprié . Ainsi que la Commission l' a admis à l' audience, il paraîtrait concevable, et conforme à la directive, que les douaniers puissent considérer que, à partir d' une certaine quantité, il existe une présomption de ce que l' importation n' est pas dépourvue de tout caractère commercial, sans que cela exclue de façon absolue la possibilité pour le voyageur d' apporter la preuve contraire . Nous touchons ici à la différence qui existe entre la fixation d' une règle impérative, qui exclut la prise en considération de situations particulières, et l' indication, par exemple au moyen d' instructions de service internes à une administration, d' un critère quantitatif permettant de poser une présomption sans cependant interdire que soit apportée la preuve contraire . La mise en oeuvre de ce dernier procédé ne paraît nullement incompatible avec l' article 7 bis de la directive ( 13 ) dans la mesure où la possibilité, pour les voyageurs, d' "affirmer tacitement ou par une simple déclaration verbale qu' ils respectent les limites et conditions de franchises autorisées" ( 14 ) peut être conçue comme écartée dès lors qu' est atteinte la limite à laquelle s' attache pratiquement une présomption simple d' importation non dépourvue de tout caractère commercial . L' agent de la Commission vous a d' ailleurs indiqué que, dès lors que la limite quantitative ainsi entendue correspondrait à un niveau raisonnable, non excessivement bas, les administrations nationales pourraient se montrer exigeantes quant aux preuves à leur apporter pour établir l' absence de caractère commercial .

19 . Il paraît donc bien y avoir place pour une application ordonnée de la directive ne tombant ni dans l' excès, et en fait l' impossibilité, du contrôle au cas par cas ni dans l' atteinte portée à l' essence même du système communautaire, résidant dans la réduction, par une règle interne unilatérale, du champ d' application d' une directive . Dans ces conditions, les arguments du Danemark et de l' Irlande sur la nécessité de faire respecter l' exigence du caractère non commercial de l' importation, posée par l' article 2, paragraphe 1, de la directive 69/169, ou sur l' abus du droit de franchise ne peuvent justifier la fixation normative d' une limite quantitative de 10 ou 12 litres de bière restreignant le champ d' application des franchises prévues par la directive . Celle-ci ménage aux États membres la possibilité d' en assurer l' application dans le cadre d' une organisation raisonnable sans exposer les administrations concernées à des dysfonctionnements, et le Danemark comme l' Irlande n' étaient nullement contraints, pour y parvenir, d' ajouter par des règles internes des limites quantitatives à celles qu' elle prévoit .

20 . Précisons, enfin, pour répondre à un argument de l' Irlande et du Danemark, que la circonstance que la Commission n' aurait pas proposé au Conseil de dérogation concernant la bière, alors qu' elle l' a fait pour le tafia et le saké, n' autorisait en aucune manière un État membre à se substituer aux institutions communautaires .

21 . Dans ces deux affaires, comme dans celle qui a donné lieu à votre arrêt du 12 juin dernier, nous sommes en présence de manifestations parfois spectaculaires, et difficiles à gérer pour les États membres, des inconvénients de l' absence d' harmonisation des taxes et accises au regard du système des franchises pour les voyageurs dans le trafic intracommunautaire . Ces différences, pour des produits semblables, des niveaux d' imposition entre des États membres ayant une frontière commune exposent les plus exigeants d' entre eux en matière fiscale à des difficultés économiques . Tout en exprimant l' espoir qu' elles ne soient que temporaires, à l' approche de la réalisation du grand marché intérieur, il faut rappeler, comme l' indique d' ailleurs votre arrêt précité du 12 juin 1990, que, lorsque la situation économique d' un État membre rend nécessaires des dispositions restreignant le champ d' application de la directive 69/169, celles-ci ne peuvent procéder que de l' adoption d' une directive y dérogeant, comme cela a été fait pour les importations de bière au Danemark jusqu' au 31 décembre 1984, ou d' une mesure de sauvegarde lorsque les conditions établies par les articles 108 et 109 du traité sont remplies . Les institutions communautaires, justement soucieuses de l' objectif d' harmonisation, ne doivent cependant pas exclure le recours à de semblables dérogations en présence de très sérieux problèmes rencontrés par un État membre . Mais un État membre ne peut, dans le système de notre Communauté économique européenne, mettre unilatéralement en place des dérogations à la directive 69/169 .

22 . Au terme de ces observations, nous concluons donc, dans les affaires C-208/88 et C-367/88, à ce que :

- vous constatiez respectivement à la charge du Danemark et de l' Irlande les manquements que leur reproche la Commission;

- vous condamniez ces États membres aux dépens .

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) Directive concernant l' harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux franchises des taxes sur le chiffre d' affaires et des accises perçues à l' importation dans le trafic international de voyageurs ( JO L 133, p . 6 ).

( 2 ) Par l' article 1er de la directive 88/664/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, portant neuvième modification de la directive 69/169/CEE ( JO L 382, p . 41 ).

( 3 ) En vertu de l' article 1er de la directive 85/348/CEE du Conseil, du 8 juillet 1985, modifiant la directive 69/169/CEE ( JO L 183, p . 24 ).

( 4 ) Directive concernant l' harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives au régime des taxes sur le chiffre d' affaires et des accises applicables dans le trafic international de voyageurs ( JO L 139, p . 28 ), article 2 .

( 5 ) Voir note 3 .

( 6 ) Arrêt C-158/88, Rec . p . 0000 .

( 7 ) Arrêt C-158/88, précité, point 7 .

( 8 ) Directive concernant une dérogation accordée au royaume de Danemark en ce qui concerne le régime des taxes sur le chiffre d' affaires et des accises applicables dans le cadre du trafic international de voyageurs ( JO L 336, p . 21 ).

( 9 ) Directive concernant une dérogation accordée au Danemark, relative au régime des taxes sur le chiffre d' affaires et des accises applicables dans le cadre du trafic international de voyageurs ( JO 1983, L 12, p . 48 ).

( 10 ) On notera que la directive 83/2 a été abrogée au 31 décembre 1984 par l' article 3, paragraphe 2, de la directive 84/231/CEE du Conseil, du 3O avril 1984, modifiant les directives 69/169/CEE et 83/2/CEE ( JO L 117, p . 42 ).

( 11 ) Arrêt 170/78, Rec . p . 2265 .

( 12 ) Arrêt 278/82, Rec . p . 721 .

( 13 ) Introduit par l' article 5 de la directive 72/230, précitée, voir note 4 .

( 14 ) Article 7 bis de la directive 69/169 .

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