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Document 62021TJ0108

    Arrêt du Tribunal (septième chambre) du 27 avril 2022.
    Ferdinand Ilunga Luyoyo contre Conseil de l'Union européenne.
    Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en République démocratique du Congo – Gel des fonds – Restriction en matière d’admission sur les territoires des États membres – Maintien du nom du requérant sur les listes des personnes visées – Preuve du bien-fondé de l’inscription et du maintien sur les listes – Perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à l’adoption des mesures restrictives.
    Affaire T-108/21.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2022:253

    Affaire T‑108/21

    Ferdinand Ilunga Luyoyo

    contre

    Conseil de l’Union européenne

    Arrêt du Tribunal (septième chambre) du 27 avril 2022

    « Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en République démocratique du Congo – Gel des fonds – Restriction en matière d’admission sur les territoires des États membres – Maintien du nom du requérant sur les listes des personnes visées – Preuve du bien-fondé de l’inscription et du maintien sur les listes – Perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à l’adoption des mesures restrictives »

    1. Union européenne – Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République démocratique du Congo – Portée du contrôle – Preuve du bien-fondé de la mesure – Obligation de l’autorité compétente de l’Union d’établir, en cas de contestation, le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre des personnes ou des entités concernées

      [Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47 ; décision du Conseil 2010/788/PESC, telle que modifiée par la décision (PESC) 2020/2033, annexe ; règlements du Conseil no 1183/2005 et 2020/2021, annexe]

      (voir points 51-54)

    2. Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République démocratique du Congo – Champ d’application – Personnes ayant contribué, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits – Notion – Personnes ayant commis lesdits actes dans le passé, nonobstant l’absence d’éléments prouvant l’implication ou la participation actuelles dans de tels actes – Conditions – Erreur d’appréciation

      [Décision du Conseil 2010/788/PESC, telle que modifiée par la décision (PESC) 2020/2033, art. 3, § 2, b), et annexe ; règlements du Conseil no 1183/2005, art. 2 ter, § 1, b), et 2020/2021, annexe]

      (voir points 55, 56, 62-64, 75, 76, 79, 80)

    3. Union européenne – Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République démocratique du Congo – Portée du contrôle – Inscription du requérant sur la liste des personnes visées par ces mesures du fait de ses fonctions – Documents accessibles au public attestant de la commission de graves violations des droits de l’homme ou d’actions portant atteinte à l’État de droit – Valeur probante – Absence

      [Décision du Conseil 2010/788/PESC, telle que modifiée par la décision (PESC) 2020/2033, annexe ; règlements du Conseil no 1183/2005 et 2020/2021, annexe]

      (voir points 66-68, 71, 73, 74)

    4. Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République démocratique du Congo – Gel des fonds des personnes portant atteinte à l’État de droit ou contribuant à la commission d’actes constituant de graves violations des droits de l’homme – Critères – Fonctions conférant une responsabilité dans la répression contre la population civile ou le respect de l’État de droit – Obligation du Conseil d’effectuer une appréciation actualisée lors du réexamen des mesures restrictives – Preuve contraire – Modification intervenue dans la situation particulière de la personne visée par les mesures restrictives – Prise de position se dissociant du régime – Caractère non nécessaire – Erreur d’appréciation

      [Décision du Conseil 2010/788/PESC, telle que modifiée par la décision (PESC) 2020/2033, annexe ; règlements du Conseil no 1183/2005 et 2020/2021, annexe]

      (voir points 77, 78)

    Résumé

    Face à la détérioration de la situation sécuritaire en République démocratique du Congo (RDC) et à l’aggravation de la situation politique dans ce pays à la fin de l’année 2016 , le Conseil avait adopté, le 12 décembre 2016, la décision 2016/2231 et le règlement 2016/2230 ( 1 ), lesquels prévoient, notamment, le gel des fonds et des ressources économiques appartenant à des personnes impliquées dans des actes portant atteinte à l’État de droit en RDC ou constituant de graves violations des droits de l’homme.

    Le nom du requérant, M. Ilunga Luyoyo avait été initialement inscrit sur les listes des personnes visées par ces mesures restrictives en 2016. Par la décision 2020/2033 et le règlement 2020/2021 ( 2 ), le Conseil a maintenu cette inscription ( 3 )sur lesdites listes, aux motifs qu’il portait une responsabilité, en tant que commandant d’une unité antiémeute (LNI), jusqu’en 2017, et d’une unité de protection des institutions et des hautes personnalités (UPIHP), jusqu’en décembre 2019, dans les violations des droits de l’homme commises par la police nationale congolaise (PNC), qui avait fait un usage disproportionné de la force et recouru à la répression violente en septembre 2016 à Kinshasa. Le Conseil avait ajouté que M. Ilunga Luyoyo avait conservé son rang de général et était resté actif sur la scène publique en RDC.

    M. Ilunga Luyoyo reprochait au Conseil d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’il n’occupait plus aucune fonction au sein de la PNC depuis 2019 et qu’il n’exerçait plus aucune attribution publique particulière. Il soutenait notamment que ses anciennes fonctions ne pouvaient justifier le maintien de son nom sur les listes en cause.

    Le Tribunal accueille le recours en annulation introduit par M. Ilunga Luyoyo, le Conseil n’ayant pas été en mesure d’établir le bien fondé du maintien des mesures restrictives à l’égard de celui-ci, en particulier au regard de l’évolution de sa situation personnelle depuis l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause.

    Appréciation du Tribunal

    Le Tribunal rappelle tout d’abord que le juge de l’Union doit s’assurer qu’une décision instituant des mesures restrictives repose sur une base factuelle suffisamment solide. À cette fin, dans la mesure où il appartient à l’autorité compétente de l’Union, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs qui ont été retenus. À cet égard, le Tribunal observe qu’il était constant entre les parties que M. Ilunga Luyoyo n’occupait plus de fonctions au sein de la PNC depuis le mois de décembre 2019 et que le Conseil disposait de cette information au moment de procéder au réexamen des mesures restrictives en cause.

    Le Tribunal rappelle ensuite que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé ; ce qu’il appartient au Conseil d’apprécier, lors du réexamen périodique desdites mesures, en procédant à une appréciation actualisée de la situation et en établissant un bilan de leur impact.

    Le Tribunal constate, en l’espèce, que le Conseil ne s’est pas prévalu d’éléments susceptibles d’établir un lien entre des violations des droits de l’homme et M. Ilunga Luyoyo depuis le mois de décembre 2019, soit près d’un an avant l’adoption des actes attaqués, ou démontrant la réintégration éventuelle de celui-ci dans une quelconque fonction en lien avec la situation sécuritaire en RDC. Par ailleurs, la circonstance que M. Ilunga Luyoyo a conservé son grade de général ne permet pas en soi de considérer qu’il était susceptible d’exercer une quelconque influence sur les forces de sécurité en RDC. S’agissant des fonctions de président de la Fédération congolaise de boxe occupées par M. Ilunga Luyoyo, aucun élément d’information concret tiré des articles produits par le Conseil ne permet d’étayer l’influence que pourrait avoir le titulaire de ces fonctions sur le plan de la politique sécuritaire en RDC ou de considérer que M. Ilunga Luyoyo exerçait, à ce titre, des fonctions hautement politisées.

    Le Conseil n’ayant pas apporté les éléments suffisants permettant de considérer qu’il existait encore un lien suffisant entre M. Ilunga Luyoyo et la situation sécuritaire à l’origine des actes de violations des droits de l’homme en RDC, alors même que ce dernier n’occupait plus, depuis un laps de temps considérable avant l’adoption des actes attaqués, les différentes fonctions qui avaient justifié l’inscription de son nom sur les listes en cause, le Tribunal considère également que le Conseil ne pouvait pas, pour soutenir le maintien des mesures restrictives à l’encontre de M. Ilunga Luyoyo, s’appuyer valablement sur la circonstance que ce dernier n’avait pas pris de position se distanciant de l’ancien régime au pouvoir en RDC.


    ( 1 ) Décision (PESC) 2016/2231 du Conseil, du 12 décembre 2016, modifiant la décision 2010/788/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2016, L 336I, p. 7) et règlement (UE) 2016/2230 du Conseil, du 12 décembre 2016, modifiant le règlement (CE) no 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2016, L 336I, p. 1).

    ( 2 ) Décision (PESC) 2020/2033 du Conseil, du 10 décembre 2020, modifiant la décision 2010/788/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2020, L 419, p. 30) et règlement d’exécution (UE) 2020/2021 du Conseil, du 10 décembre 2020, mettant en œuvre l’article 9 du règlement (CE) no 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2020, L 419, p. 5), ci-après « les actes attaqués ».

    ( 3 ) Comme cela avait déjà été le cas à trois reprises. Voir à ce propos l’arrêt du 12 février 2020, Ilunga Luyoyo/Conseil (T 166/18, non publié, EU:T:2020:50), l’arrêt du 3 février 2021, Ilunga Luyoyo/Conseil (T 124/19, non publié, EU:T:2021:63) et l’arrêt du 15 septembre 2021, Ilunga Luyoyo/Conseil (T 101/20, non publié, EU:T:2021:575).

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