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Document 62005TJ0163

Sommaire de l'arrêt

Affaire T-163/05

Bundesverband deutscher Banken eV

contre

Commission européenne

«Aides d’État — Transfert d’actifs publics à la Landesbank Hessen-Thüringen Girozentrale — Décision déclarant l’aide pour partie incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération — Critère de l’investisseur privé — Obligation de motivation»

Arrêt du Tribunal (quatrième chambre) du 3 mars 2010   II ‐ 392

Sommaire de l’arrêt

  1. Aides accordées par les États – Notion – Critère de l’investisseur privé

    (Art. 87, § 1, CE)

  2. Aides accordées par les États – Notion – Appréciation selon le critère de l’investisseur privé

    (Art. 87, § 1, CE)

  3. Aides accordées par les États – Notion – Mise en œuvre du critère de l’investisseur privé – Pouvoir d’appréciation de la Commission

    (Art. 87, § 1, CE)

  4. Aides accordées par les États – Notion – Appréciation selon le critère de l’investisseur privé

    (Art. 87, § 1, CE)

  5. Aides accordées par les États – Notion – Appréciation selon le critère de l’investisseur privé

    (Art. 87, § 1, CE)

  1.  Afin d’apprécier si une mesure étatique constitue une aide, il convient de déterminer si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché. À cet égard, il ne saurait être considéré que l’exercice intellectuel qui consiste à vérifier si une opération s’est déroulée dans des conditions normales de l’économie de marché doit nécessairement être fait par référence au seul investisseur, ou à la seule entreprise bénéficiaire de l’investissement, alors que l’interaction entre les différents agents économiques est justement ce qui caractérise l’économie de marché. Par ailleurs, cet exercice n’exige pas non plus de faire complètement abstraction des contraintes liées à la nature du patrimoine transféré, étant donné qu’il convient de prendre en compte comme référence le comportement d’un investisseur privé se trouvant dans la mesure du possible dans la situation de l’investisseur public.

    Dans ces circonstances, la Commission est tenue, afin d’apprécier l’existence pour l’entreprise d’un avantage qu’elle n’aurait pas pu obtenir dans des conditions de marché, de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte, y compris de la situation de l’entreprise bénéficiaire et du marché concerné. À cet égard, la Commission peut en particulier examiner la question de savoir si l’entreprise aurait pu se procurer auprès d’autres investisseurs des fonds comportant pour elle les mêmes avantages et, le cas échéant, à quelles conditions, dès lors qu’une mesure ne saurait constituer une aide d’État si elle ne place pas l’entreprise dans une situation plus avantageuse que celle qui serait la sienne sans l’intervention de l’autorité publique.

    (cf. points 35-37, 175)

  2.   Une autorité publique faisant bénéficier une banque d’un apport en capital prévoyant une rémunération basée sur un modèle progressif, selon lequel, pendant les premières années ayant suivi l’intégration dudit apport, la rémunération fixée pour la fonction d’expansion des activités commerciales n’est pas versée sur la totalité de l’apport, mais sur des tranches convenues à l’avance, ne fait pas nécessairement bénéficier la banque d’un avantage qu’elle n’aurait pas pu obtenir autrement.

    Faute d’arguments permettant d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, celle-ci peut considérer que, dans une situation caractérisée, d’une part, par le fait qu’une autorité publique voulait investir un patrimoine non liquide qu’elle ne voulait pas diviser et, d’autre part, par le fait que ladite banque n’avait besoin ni à court ni à moyen terme d’un capital de l’importance du fonds spécial, un investisseur privé n’aurait pas réussi à obtenir de la banque la rémunération immédiate de la totalité de l’apport litigieux à la hauteur du taux retenu pour la rémunération de la fonction d’expansion des activités commerciales de la banque. En tout état de cause, il n’apparaît pas manifestement erroné de considérer qu’une banque n’acceptera pas de payer le taux correspondant à la rémunération de la fonction d’expansion de ses activités commerciales s’agissant de fonds dont elle sait à l’avance qu’elle ne sera pas capable de les utiliser à cette fin. En effet, si ces fonds peuvent lui permettre de renforcer sa solvabilité ou d’en éviter une dégradation et, dès lors, de réduire ou de maintenir ses coûts de financement, ils ne lui permettent pas d’obtenir des revenus supplémentaires découlant de nouvelles opérations.

    Dès lors, un investisseur privé dans la situation d’une telle autorité publique aurait dû tenir compte du fait que, en raison de l’impossibilité pour la banque d’utiliser de manière immédiate la totalité de l’apport disponible du point de vue prudentiel pour l’expansion de ses activités commerciales, la partie de l’apport qu’elle n’était pas en mesure d’utiliser ne remplissait pas la même fonction économique pour elle que celle de la partie qu’elle pouvait utiliser.

    (cf. points 51, 58, 66-68)

  3.  L’appréciation, par la Commission, de la question de savoir si un investissement procure un avantage que l’entreprise n’aurait pu se procurer sur le marché implique une appréciation économique complexe. Or, la Commission, lorsqu’elle adopte un acte impliquant une telle appréciation, jouit d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle juridictionnel dudit acte, même s’il est en principe entier pour ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l’auteur de la décision.

    Ainsi, la comparaison de l’apport en capital litigieux avec d’autres instruments hybrides constitue une question d’une complexité économique certaine, pour laquelle la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation. En outre, la qualification de l’apport litigieux d’apport tacite à durée déterminée ou d’investissement dans le capital social constitue uniquement un instrument analytique utilisé par la Commission dans le cadre de l’application de l’article 87, paragraphe 1, CE.

    L’appréciation de la Commission à cet égard ne permet donc pas de déterminer de manière automatique l’existence et la dimension d’une aide d’État, mais lui permet uniquement de disposer pour son appréciation d’un point de départ qui tient compte des conditions dans lesquelles des investisseurs privés ont réalisé des opérations les plus similaires possible. La conclusion de la Commission sur cette question ne la dispense dès lors pas de son obligation de réaliser une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte, y compris de la situation de l’entreprise bénéficiaire et du marché concerné, pour vérifier si l’entreprise bénéficiaire perçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché.

    (cf. points 38, 96-98)

  4.  Même si la souscription de la totalité d’un apport en capital représentant 40% des fonds propres de la banque émettrice implique un risque élevé pour l’investisseur, une majoration de la rémunération ne saurait se justifier que si cette circonstance comporte un avantage pour la banque émettrice pour lequel celle-ci est prête à payer, ou si cette banque a besoin des fonds proposés par l’investisseur et qu’elle n’est pas en mesure de les obtenir auprès d’autres personnes. En revanche, si l’augmentation du risque pour l’investisseur découle d’une décision qu’il a adoptée pour des raisons qui lui sont propres, sans être influencé par les souhaits ou les besoins de la banque, celle-ci refusera de payer une majoration de la rémunération et se procurera les fonds auprès d’autres investisseurs.

    (cf. points 229, 234)

  5.   En ce qui concerne la qualification d’aide d’État d’un investissement dans une entreprise, c’est l’existence d’un avantage pour l’entreprise qui est déterminant. Il en résulte que, dans un cas où une autorité publique cherche à investir un actif de nature particulière, une opération ne saurait être considérée comme donnant lieu à une aide d’État lorsque, à la suite de la négociation entre cette autorité publique désirant investir et l’entreprise, les conditions que cette dernière est prête à accepter en raison des désavantages que la nature du capital transféré comporte pour elle impliquent une rémunération moins élevée que celle convenue sur le marché pour des investissements liquides. En effet, pour autant que ces conditions ne soient pas plus avantageuses pour l’entreprise que celles qu’elle aurait pu obtenir si l’opération portait, comme c’est le cas normalement, sur des capitaux liquides, elle ne reçoit pas un avantage qu’elle n’aurait pas pu obtenir sur le marché. En revanche, il ne saurait être considéré que, pour qu’une opération de ce type ne soit pas considérée comme donnant lieu à une aide d’État, l’autorité publique doive toujours recevoir pour son investissement la même rémunération qu’un investisseur prêt à transférer un capital liquide.

    (cf. point 277)

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