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Document 62003TJ0053

Sommaire de l'arrêt

Affaire T-53/03

BPB plc

contre

Commission des Communautés européennes

«Concurrence — Ententes — Marché des plaques en plâtre — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Infraction unique et continue — Récidive — Amende — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes — Communication sur la coopération»

Arrêt du Tribunal (troisième chambre) du 8 juillet 2008   II - 1353

Sommaire de l'arrêt

  1. Concurrence – Procédure administrative – Respect des droits de la défense – Accès au dossier – Obligation de rendre accessible l'intégralité du dossier – Limites

    (Art. 81, § 1, CE)

  2. Concurrence – Procédure administrative – Respect des droits de la défense – Accès au dossier – Portée – Refus de communication d'un document à charge – Conséquences au niveau de la charge de la preuve incombant à l'entreprise concernée

    (Art. 81, § 1, CE)

  3. Concurrence – Ententes – Preuve – Preuve apportée par un certain nombre d'indices et de coïncidences

    (Art. 81, § 1, CE)

  4. Concurrence – Ententes – Atteinte à la concurrence – Critères d'appréciation – Objet anticoncurrentiel – Constatation suffisante

    (Art. 81, § 1, CE)

  5. Concurrence – Ententes – Atteinte à la concurrence – Accord créant un système d'échange d'informations – Inadmissibilité sur un marché oligopolistique – Présomption réfragable

    (Art. 81, § 1, CE)

  6. Concurrence – Ententes – Pratique concertée – Notion – Parallélisme de comportement – Présomption d'existence d'une concertation – Limites

    (Art. 81, § 1, CE)

  7. Concurrence – Ententes – Pratique concertée – Notion – Coordination et coopération incompatibles avec l'obligation pour chaque entreprise de déterminer de manière autonome son comportement sur le marché – Réception par un opérateur d'informations émanant d'un concurrent relatives au comportement futur de celui-ci sur le marché

    (Art. 81, § 1, CE)

  8. Concurrence – Ententes – Accords et pratiques concertées constitutifs d'une infraction unique – Entreprises pouvant se voir reprocher l'infraction consistant à participer à une entente globale – Critères

    (Art. 81, § 1, CE)

  9. Concurrence – Ententes – Accords et pratiques concertées constitutifs d'une infraction unique – Preuve – Preuve apportée par un certain nombre de manifestations différentes de l'infraction – Admissibilité

    (Art. 81, § 1, CE)

  10. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l'infraction – Entente horizontale en matière de prix – Infraction très grave

    (Règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

  11. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Impact concret sur le marché

    (Règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A, al. 1)

  12. Concurrence – Amendes – Décision infligeant des amendes – Obligation de motivation – Portée – Indication des éléments d'appréciation ayant permis à la Commission de mesurer la gravité et la durée de l'infraction – Indication suffisante

    (Art. 253 CE; règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2)

  13. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Nécessité de prendre en compte les chiffres d'affaires des entreprises impliquées dans une même infraction ou dans des infractions précédentes similaires et d'assurer la proportionnalité des amendes avec ces chiffres – Absence

    (Règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2)

  14. Concurrence – Règles communautaires – Infractions – Imputation – Personne juridique responsable de l'exploitation de l'entreprise lors de l'infraction

    (Art. 81 CE)

  15. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Durée de l'infraction – Prise en compte de fractions d'années – Admissibilité

    (Règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 B)

  16. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Durée de l'infraction – Infractions de longue durée – Majoration automatique de 10 % du montant de départ par année – Pouvoir d'appréciation de la Commission

    (Règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 B, al. 1)

  17. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Durée de l'infraction – Majoration du montant de départ de l'amende – Prise en compte des variations d'intensité de l'infraction – Exclusion

    (Règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 B)

  18. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l'infraction – Circonstances aggravantes – Récidive – Notion

    (Règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

  19. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l'infraction – Circonstances aggravantes – Récidive – Taux de majoration du montant de base de l'amende

    (Règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

  20. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l'infraction – Circonstances atténuantes – Mise en place d'un programme d'alignement pour se conformer aux règles communautaires de concurrence – Prise en compte non impérative

    (Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil no 17, art. 15)

  21. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Prise en compte de la coopération avec la Commission de l'entreprise incriminée en dehors du cadre fixé par la communication sur la coopération – Conditions

    (Règlement du Conseil no 17, art. 17; communications de la Commission 96/C 207/04 et 98/C 9/03, point 3)

  22. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l'infraction – Circonstances atténuantes – Cessation de l'infraction après intervention de la Commission – Conditions

    (Règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3)

  23. Concurrence – Amendes – Imposition – Nécessité d'un bénéfice retiré par l'entreprise de l'infraction – Absence

    (Règlement du Conseil no 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 2)

  24. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Non-imposition ou réduction de l'amende en contrepartie de la coopération de l'entreprise incriminée – Nécessité d'un comportement ayant facilité la constatation de l'infraction par la Commission – Réponse à une demande de renseignements – Exclusion

    (Règlement du Conseil no 17, art. 11, § 1, 2, 4 et 5, et 15, § 2; communication de la Commission 96/C 207/04)

  25. Recours en annulation – Arrêt d'annulation – Effets – Obligation d'adopter des mesures d'exécution

    (Art. 233 CE)

  1.  Même si la Commission a l'obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 81, paragraphe 1, CE l'ensemble des documents à charge ou à décharge qu'elle a recueillis au cours de l'enquête, cette obligation ne s'étend pas aux secrets d'affaires d'autres entreprises, aux documents internes de la Commission et aux autres informations confidentielles. Ainsi, dans le cas d'informations fournies à titre purement volontaire, mais assorties d'une demande de confidentialité en vue de protéger l'anonymat de l'informateur, l'institution qui accepte de recevoir ces informations est tenue de respecter une telle condition. En effet, l'aptitude de la Commission à garantir l'anonymat à certaines de ses sources d'information revêt une importance cruciale dans la perspective d'une prévention et d'une répression efficaces des pratiques anticoncurrentielles prohibées. Une procédure ouverte sur la base d'informations dont l'origine n'est pas révélée est régulière, dès lors que n'est pas affectée la possibilité, pour l'entreprise concernée, de faire connaître son point de vue sur la réalité ou la portée des faits, sur les documents communiqués ou encore sur les conclusions que la Commission en tire.

    (cf. points 36, 37)

  2.  Si la Commission entend se fonder sur un passage d'une réponse à une communication des griefs ou sur un document annexé à une telle réponse pour établir l'existence d'une infraction dans une procédure d'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, les autres entreprises impliquées dans cette procédure doivent être mises en mesure de se prononcer sur un tel élément de preuve. Dans de telles circonstances, le passage en question d'une réponse à la communication des griefs ou le document annexé à cette réponse constitue en effet un élément à charge à l'encontre des différentes entreprises qui auraient participé à l'infraction.

    Étant donné que des documents non communiqués aux entreprises concernées au cours de la procédure administrative ne constituent pas des moyens de preuve opposables, il y a lieu, s'il s'avère que la Commission s'est fondée, dans la décision, sur des documents ne figurant pas dans le dossier d'instruction et n'ayant pas été communiqués aux entreprises concernées, de ne pas retenir lesdits documents en tant que moyens de preuve.

    S'il existe d'autres preuves documentaires dont les entreprises concernées ont eu connaissance au cours de la procédure administrative qui appuient spécifiquement les conclusions de la Commission, l'élimination en tant que moyen de preuve du document à conviction non communiqué n'infirme pas le bien-fondé des griefs retenus dans la décision contestée.

    Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s’est fondée pour incriminer cette entreprise.

    (cf. points 41, 43-45)

  3.  En cas de litige sur l'existence d'une infraction aux règles de concurrence, il appartient à la Commission d'établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs de l'infraction. Il lui incombe notamment d'établir tous les éléments permettant de conclure à la participation d'une entreprise à une telle infraction et à sa responsabilité pour les différents éléments qu'elle comporte.

    Lorsqu'il s'agit d'accords et de pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel, la Commission se doit notamment de prouver que l'entreprise a entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants et qu'elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d'autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque. Or, il est usuel, dans le cadre de pratiques et d'accords anticoncurrentiels, que les activités se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation s'y rapportant soit réduite au minimum. Il s'ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu'il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel, mais aussi, le cas échéant, le caractère unique et continu de l'infraction, doivent être inférés d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de concurrence. En outre, si le contenu d'un document isolé trouvé par la Commission peut ne pas révéler de manière univoque l'existence d'un comportement anticoncurrentiel, de sorte que ledit contenu pourrait éventuellement s'expliquer autrement que par une volonté de restreindre la concurrence, cette circonstance ne saurait toutefois exclure que ce document puisse être interprété comme corroborant l'existence d'une telle volonté lorsqu'il s'inscrit dans un ensemble d'autres documents qui fournissent des indices probants de l'existence de comportements anticoncurrentiels contemporains et similaires.

    La Commission ne saurait donc être tenue d'apporter une preuve de l'existence de l'infraction « allant au-delà du doute raisonnable » (« beyond reasonable doubt »).

    (cf. points 61-64, 210, 227, 249)

  4.  Aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, il suffit qu'un accord ait pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets. En conséquence, dans le cas d'accords se manifestant lors de réunions d'entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est établie lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Il en va ainsi, par exemple, lorsque deux entreprises expriment leur volonté commune de mettre fin à une guerre des prix et de stabiliser les marchés en cause.

    Dans un tel cas, la responsabilité d'une entreprise déterminée dans l'infraction est valablement retenue lorsqu'elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n'a pas, ensuite, mis en œuvre l'une ou l'autre des mesures convenues lors de celles-ci. L'assiduité plus ou moins grande de l'entreprise aux réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité, mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction. Des entreprises qui concluent un accord ayant pour but de restreindre la concurrence ne sauraient, en principe, échapper à l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE en prétendant que leur accord ne devait pas avoir d'incidence appréciable sur la concurrence.

    (cf. points 83, 84, 87, 90)

  5.  Les accords sur les échanges d'informations sont contraires aux règles de concurrence lorsqu'ils atténuent ou suppriment le degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises.

    En effet, il est inhérent aux dispositions du traité relatives à la concurrence que tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. Ainsi, une telle exigence d'autonomie s'oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l'on envisage d'adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l'importance et du nombre des entreprises ainsi que du volume dudit marché.

    Sur un marché véritablement concurrentiel, la circonstance qu'un opérateur économique tienne compte des informations sur le fonctionnement du marché, dont il dispose grâce à un système d'échange d'informations, pour adapter son comportement sur le marché n'est pas de nature, compte tenu du caractère atomisé de l'offre, à atténuer ou à supprimer, pour les autres opérateurs économiques, toute incertitude quant au caractère prévisible des comportements de ses concurrents. Toutefois, sur un marché oligopolistique fortement concentré, l'échange d'informations sur le marché est de nature à permettre aux entreprises de connaître les positions sur le marché et la stratégie commerciale de leurs concurrents et ainsi à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques.

    Il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en est d'autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d'une longue période.

    (cf. points 106-109, 180-184, 313)

  6.  Un parallélisme de comportement ne peut être considéré comme apportant la preuve d'une concertation que si la concertation en constitue la seule explication plausible. En effet, si l'article 81 CE interdit toute forme de collusion de nature à fausser le jeu de la concurrence, il n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents.

    Dans une situation où la Commission constate que plusieurs entreprises se sont mises d'accord pour mettre fin à une guerre des prix sur plusieurs marchés européens, la quasi-simultanéité d'annonces de hausses des prix ainsi que le parallélisme des prix annoncés constituent des indices forts d'une concertation préalable visant à informer les entreprises concurrentes des hausses de prix, même si des intervalles entre les différentes annonces de hausses des prix ont éventuellement permis aux entreprises d’en avoir connaissance par des informations venant du marché et même si ces hausses n’ont pas toujours été exactement du même niveau.

    (cf. points 143, 144)

  7.  La réception par une entreprise d'informations émanant d'un concurrent relatives au comportement futur de celui-ci sur le marché constitue une pratique concertée prohibée par l'article 81, paragraphe 1, CE, même s'il s'agit d'un comportement purement unilatéral. En effet, s'il est vrai que la notion de pratique concertée suppose effectivement l'existence de contacts entre concurrents caractérisés par la réciprocité, cette condition est toutefois satisfaite lorsque la divulgation, par un concurrent à un autre, de ses intentions ou de son comportement futur sur le marché a été sollicitée ou, à tout le moins, acceptée par le second. Celui-ci, grâce à la réception d'une telle information, qu'il doit nécessairement prendre en compte, directement ou indirectement, élimine par avance l'incertitude relative au comportement futur du premier, alors que tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique commerciale qu'il entend suivre sur le marché.

    Tel est également le cas même lorsque les informations en cause sont déjà connues des clients avant leur communication au concurrent et, ainsi, peuvent être collectées sur le marché. En effet, l'envoi direct permet au concurrent d'avoir connaissance de ces informations de façon plus simple, rapide et directe que par le biais du marché et permet de créer un climat de certitude mutuelle quant à son comportement futur.

    (cf. points 153, 154, 231-236)

  8.  Une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d'un acte isolé, mais également d'une série d'actes ou bien encore d'un comportement continu. La notion d'infraction unique vise justement une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d'un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d'infractions individuelles liées entre elles par une identité d'objet (même finalité de l'ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l'objet commun). Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu'un ou plusieurs éléments de cette série d'actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s'inscrivent dans un plan d'ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, la Commission est en droit d'imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l'infraction considérée dans son ensemble. Il serait alors artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. Le caractère unique de l'infraction résulte, en effet, de l'unicité de l'objectif poursuivi par chaque participant à l'entente et non des modalités d'application de celle-ci.

    Ainsi, la simple circonstance que chaque entreprise participe à l'infraction dans des formes qui lui sont propres n'affecte pas la qualification de l'infraction d'infraction unique et continue. En effet, même si les accords et les pratiques concertées visés à l'article 81, paragraphe 1, CE résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l'infraction, leur participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d'exécution choisies ou envisagées.

    Pareillement, dans le cadre d'un accord global s'étendant sur plusieurs années, un décalage de quelques mois entre les manifestations de l'entente importe peu, le fait que les différentes actions s'inscrivent dans un plan d'ensemble en raison de leur objet identique étant en revanche déterminant.

    Enfin, le fait que le nombre et l'intensité des pratiques collusoires varient selon le marché concerné ne signifie pas que l'infraction ne concerne pas les marchés sur lesquels les pratiques sont moins intenses et moins nombreuses.

    Il n'y a lieu de prendre en considération tous ces éléments que lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l'amende.

    (cf. points 240, 252, 255-260)

  9.  Tout comme l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit, dans la plupart des cas, être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de concurrence, lorsqu'il s'agit d'une infraction complexe, unique et continue de ces règles, chacune des différentes manifestations de l'infraction corrobore la démonstration qu'une telle infraction a effectivement eu lieu. Ainsi, les différentes manifestations de l'infraction doivent être appréhendées dans un contexte global qui explique leur raison d'être. Il ne s'agit pas alors d'un raisonnement circulaire, mais d'une administration des preuves dans laquelle la valeur probante des différents éléments de fait est corroborée ou infirmée par les autres éléments de fait existants qui, conjointement, peuvent démontrer l'existence d'une infraction unique.

    (cf. points 249, 250)

  10.  Dans le cadre de la détermination du montant des amendes pour infraction aux règles communautaires de concurrence, l'appréciation de la gravité d'une infraction doit être effectuée en tenant compte, notamment, de la nature des restrictions apportées à la concurrence, qui constitue le critère essentiel à cet égard, même si doivent également être pris en compte la taille du marché géographique concerné et l'impact sur le marché lorsqu'il est mesurable. Une entente horizontale fixant des prix peut être qualifiée à bon droit par la Commission de très grave, eu égard à sa nature.

    Cette qualification ne saurait être remise en cause ni par le fait que l'impact de l'entente sur le marché aurait été limité, ni par le fait, à le supposer exact, que la Commission aurait modéré par cette raison le montant de l'amende dans d'autres décisions, car, d'une part, les éléments relevant de l'objet d'un comportement anticoncurrentiel peuvent avoir plus d'importance aux fins de la fixation du montant de l'amende que ceux relatifs à ses effets, et, d'autre part, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

    (cf. points 268, 271-275, 278)

  11.  Pour que la Commission puisse s'appuyer sur l'impact concret d'une entente sur le marché aux fins du calcul de l'amende en fonction de la gravité de l'infraction, tel que prévu au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, il suffit qu'elle soit en mesure de fournir des indices concrets et crédibles indiquant, avec une probabilité raisonnable, que l'entente a eu un tel impact, sans qu'il soit nécessaire de le quantifier ni de fournir une appréciation chiffrée à ce sujet.

    En effet, l'examen de l'impact d'une entente sur le marché implique nécessairement le recours à des hypothèses. Dans ce contexte, la Commission doit notamment examiner quel aurait été le prix du produit en cause en l'absence d'entente. Or, dans l'examen des causes de l'évolution réelle des prix, il est hasardeux de spéculer sur la part respective de chacune de ces dernières. Il convient de tenir compte de la circonstance objective que, en raison de l'entente sur les prix, les parties ont précisément renoncé à leur liberté de se concurrencer par les prix. Ainsi, l'évaluation de l'influence résultant de facteurs autres que cette abstention volontaire des parties à l'entente est nécessairement fondée sur des probabilités raisonnables et non quantifiables avec précision.

    Tant le fait que les participants à l'entente détenaient la majorité (voire la quasi-totalité) du marché concerné que la circonstance que les arrangements mis en évidence étaient spécifiquement destinés à porter les prix à un niveau supérieur à celui qu'ils auraient atteint sans eux sont des indications tendant à démontrer que l'infraction était susceptible d'engendrer des effets anticoncurrentiels significatifs.

    En revanche, il ne saurait être exigé de la Commission, lorsque la mise en oeuvre d'une entente est établie, qu'elle démontre systématiquement que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d'atteindre un niveau de prix de transaction supérieur à celui qui aurait prévalu en l'absence d'entente. Il serait disproportionné d'exiger une telle démonstration qui absorberait des ressources considérables étant donné qu'elle nécessiterait le recours à des calculs hypothétiques, fondés sur des modèles économiques dont l'exactitude n'est que difficilement vérifiable par le juge et dont le caractère infaillible n'est nullement prouvé.

    (cf. points 297, 300, 301, 303, 307)

  12.  S'agissant du calcul du montant des amendes infligées par la Commission pour infraction au droit communautaire de la concurrence, les exigences de la formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation dont elle a tenu compte en vertu de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA et, le cas échéant, de la communication sur la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant, et qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende. La portée de l'obligation de motivation doit être déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte. En outre, il importe d'éviter que les amendes ne soient facilement prévisibles par les opérateurs économiques afin de ne pas porter atteinte à l'effet dissuasif de celles-ci. Si le montant de l'amende était le résultat d'un calcul obéissant à une simple formule arithmétique, les entreprises auraient la possibilité de prévoir l'éventuelle sanction et de la comparer aux bénéfices qu'elles tireraient de l'infraction aux règles du droit de la concurrence. L'obligation de motivation n'impose donc pas à la Commission d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant des amendes.

    (cf. points 331, 333, 336, 343)

  13.  La Commission n'étant pas obligée d'effectuer le calcul du montant de l'amende à partir de montants basés sur le chiffre d'affaires des entreprises concernées, elle n'est pas non plus tenue d'assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global ou à leur chiffre d'affaires sur le marché du produit en cause.

    En effet, d'une part, le droit communautaire ne contient pas de principe d'application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée à l'importance de l'entreprise sur le marché des produits faisant l'objet de l'infraction. D'autre part, l'article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 n'exige pas non plus que, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l'amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d'affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. Il ressort de cette disposition que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour celles de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l'amende, la gravité et la durée de l'infraction. Dans la mesure où la Commission impose, aux entreprises impliquées dans une même infraction, des amendes justifiées, pour chacune d'elles, par rapport à la gravité et à la durée de l'infraction, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines d'entre elles, le montant de l'amende soit supérieur, au regard du chiffre d'affaires, à celui d'autres entreprises.

    La Commission n'est pas non plus obligée de fixer des amendes proportionnées aux chiffres d'affaires et en cohérence parfaite avec celles fixées dans des affaires précédentes comparables sur le plan de la gravité des infractions. En effet, sa pratique décisionnelle antérieure ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence. Le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement no 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence. De plus, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte. Or, les données pertinentes, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés diffèrent selon chaque affaire.

    À cet égard, le juge communautaire est compétent pour apprécier, dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par les articles 229 CE et 17 du règlement no 17, le caractère approprié du montant des amendes.

    (cf. points 338-344)

  14.  Une entreprise — c'est-à-dire une unité économique comprenant des éléments personnels, matériels et immatériels — est dirigée par les organes prévus par son statut juridique et toute décision lui infligeant une amende peut être adressée à la direction statutaire de l'entreprise (conseil d'administration, comité directeur, président, gérant, etc.). Les règles de concurrence seraient facilement contournées si l'on exigeait de la Commission, confrontée au comportement infractionnel d'une entreprise, de vérifier et de prouver qui est l'auteur des différents agissements, ce qui pourrait avoir pour effet de l'empêcher de sanctionner l'entreprise qui a bénéficié de l'entente.

    (cf. points 360, 430)

  15.  Aux fins du calcul de la durée d'une infraction aux règles de concurrence, la Commission peut tenir compte de fractions d'années. En effet, rien dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA n'interdit la prise en compte de la durée réelle de l'infraction. Une telle approche est tout à fait logique et raisonnable et s'inscrit, en tout état de cause, dans le cadre du pouvoir d'appréciation de la Commission.

    (cf. point 361)

  16.  S'agissant des infractions de longue durée aux règles de concurrence, la Commission peut appliquer automatiquement le taux maximal de majoration par année de 10 % du montant retenu pour la gravité de l'infraction. En effet, même si le point 1 B, premier alinéa, troisième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA ne prévoit pas de majoration automatique, il laisse à cet égard une marge d'appréciation à la Commission.

    (cf. point 362)

  17.  Aux fins de l'augmentation du montant de l'amende au titre de la durée de l'infraction, telle que prévue au point 1 B des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, il ne serait pas logique de prendre en compte une variation dans l'intensité de l'infraction pendant la période concernée. En effet cette augmentation se fait par l'application d'un certain pourcentage au montant de départ qui est déterminé en fonction de la gravité de l'ensemble de l'infraction, reflétant déjà ainsi les différentes intensités de l'infraction.

    (cf. point 364)

  18.  La notion de récidive n'implique pas nécessairement le constat d'une sanction pécuniaire préalable, mais seulement celui d'une infraction préalable au droit communautaire de la concurrence. En effet, la prise en compte de la récidive vise à inciter les entreprises, qui ont manifesté une propension à s'affranchir des règles de concurrence, à modifier leur comportement, dès lors qu'il s'avère qu'un précédent constat d'infraction à leur égard n'a pas suffi à prévenir la réitération d'un comportement infractionnel. Ainsi, l'élément déterminant de la récidive n'est pas l'imposition préalable d'une amende, et a fortiori le montant de celle-ci, mais le constat préalable d'une infraction similaire à la même disposition du traité.

    En présence de deux infractions concomitantes, la majoration du montant de l'amende sanctionnant l'une de ces infractions en considération du fait que l'autre a déjà fait l'objet d'une décision de sanction n'est pas justifiée lorsque la majeure partie de la période de participation à la seconde infraction est antérieure à la décision sanctionnant la première infraction. En revanche, la Commission ne viole pas son pouvoir d'appréciation lorsqu'elle majore au titre de la récidive le montant de l'amende infligée pour la seconde infraction du fait que celle-ci a continué pendant plusieurs années après la première constatation d'infraction.

    (cf. points 387, 388, 390, 391, 393, 394, 396)

  19.  Dans une optique de dissuasion, la récidive est une circonstance qui justifie une augmentation considérable du montant de base d'une amende infligée pour violation des règles de concurrence. Elle constitue en effet la preuve de ce que la sanction antérieurement imposée n'a pas été suffisamment dissuasive. À cet égard, la circonstance que, dans la première infraction, le rôle de l'entreprise sanctionnée était mineur et passif ne saurait remettre en cause les conséquences attachées à la récidive, car ce qui importe est le fait que, malgré le constat d'une infraction au droit communautaire de la concurrence, l'entreprise en question a continué à le violer.

    En fixant une majoration au titre de la récidive, la Commission peut se limiter à examiner quel serait le pourcentage proportionné sans prendre en compte le montant en valeur absolue de la majoration du montant de base de l'amende auquel l'application de ce pourcentage aboutit. Aussi longtemps que le pourcentage de majoration n'est pas excessif, le montant de la majoration en valeur absolue n'est que la conséquence mathématique de l'application de ce pourcentage au montant de base, dont la proportionnalité par rapport à la gravité et à la durée de l'infraction en cause a fait l'objet d'un examen séparé.

    Le seul fait que, dans une autre décision, la Commission ait majoré différemment le montant de base au titre de la récidive n'implique pas qu'elle soit obligée d'appliquer un même pourcentage de majoration dans la décision attaquée. En effet, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 17.

    Est également dénué de pertinence, en ce qui concerne le niveau de la majoration au titre de la récidive, le fait que cette majoration dépasse le montant de départ de l'amende imposée au titre de la gravité de l'infraction aux autres participants à l'infraction. En effet, dès lors que l'amende a été correctement fixée et que la majoration au titre de la récidive est proportionnée, le fait que le montant de la majoration en valeur absolue est plus élevé que le montant de départ des amendes infligées aux autres participants à l'infraction n'est qu'une conséquence mathématique de la majoration sans aucun rapport avec le montant des autres amendes.

    Il en va de même s'agissant du fait que la majoration au titre de la récidive dépasse la réduction du montant de l'amende accordée à l'entreprise sanctionnée en raison de sa coopération avec la Commission. Il s'agit, en effet, de deux stades différents de la fixation du montant de l'amende.

    Enfin, l'entreprise sanctionnée ne saurait, pour remettre en cause le montant de l'augmentation de l'amende au titre de la récidive, arguer du fait que la Commission lui a, à ce même titre, appliqué la même majoration qu'à un autre participant à la même infraction, alors que les caractéristiques de l'infraction antérieure commise par celui-ci ne sont pas analogues à celles de l'infraction antérieure imputée à ladite entreprise. En effet, dès lors que la majoration au titre de la récidive est liée à une circonstance aggravante propre à l'entreprise en cause, ce qui est pertinent est la circonstance que les deux entreprises ont été préalablement impliquées dans des infractions, mais qu'elles n'ont pas, malgré le constat de ces infractions, mis un terme à leur participation à une nouvelle infraction.

    (cf. points 398, 399, 401, 406-412)

  20.  S'il est certes important qu'une entreprise ait pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commises à l'avenir par des membres de son personnel, ce fait ne change rien à la réalité de l'infraction constatée. Il en résulte que le seul fait que, dans certains cas, la Commission ait pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la mise en place d'un programme d'alignement du comportement de l'entreprise sur les règles communautaires de concurrence en tant que circonstance atténuante n'implique pas pour elle une obligation de procéder de la même façon dans un cas déterminé.

    La Commission n'est donc pas tenue de retenir un tel élément comme circonstance atténuante pour autant qu'elle se conforme au principe d'égalité de traitement, qui implique qu'il ne soit pas procédé à une appréciation différente sur ce point entre les entreprises destinataires d'une même décision.

    (cf. points 423, 424)

  21.  La possibilité d'accorder à une entreprise ayant coopéré avec la Commission au cours d'une procédure pour violation des règles de concurrence une réduction d'amende en dehors du cadre fixé par la communication concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, telle que prévue par le point 3, sixième tiret, des lignes directrices arrêtées par la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, suppose nécessairement que la coopération en cause ne soit pas susceptible d'être récompensée dans le cadre de la communication sur la coopération et qu'elle ait été effective, c'est-à-dire qu'elle ait facilité la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles communautaires de concurrence.

    (cf. points 426, 428)

  22.  Aux termes du point 3, troisième tiret, des lignes directrices arrêtées par la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, la « cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission (notamment vérifications) » compte parmi les circonstances atténuantes. Toutefois, une réduction de l'amende en raison de la cessation d'une infraction dès les premières interventions de la Commission ne saurait être automatique, mais dépend d'une évaluation des circonstances du cas d'espèce par la Commission, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation. À cet égard, l'application de cette disposition des lignes directrices en faveur d'une entreprise sera particulièrement adéquate dans une situation où le caractère anticoncurrentiel du comportement en cause n'est pas manifeste. Inversement, son application sera moins adaptée, en principe, dans une situation où celui-ci est clairement anticoncurrentiel, à le supposer établi. En effet, même si la Commission a considéré, dans le passé, la cessation volontaire d'une infraction comme une circonstance atténuante, il lui est loisible de tenir compte, en application de ses lignes directrices, du fait que des infractions manifestes très graves sont encore, bien que leur illégalité ait été établie dès le début de la politique communautaire de concurrence, relativement fréquentes et, partant, d'estimer qu'il y a lieu d'abandonner cette pratique généreuse et de ne plus récompenser la cessation d'une telle infraction par une réduction d'amende. Dans ces conditions, le caractère approprié d'une réduction de l'amende en raison de la cessation de l'infraction dépend du point de savoir si l'entreprise incriminée pouvait raisonnablement douter du caractère infractionnel de son comportement.

    Tel n'est pas le cas s'agissant d'une entente secrète ayant pour objet un échange d'informations dans un marché oligopolistique et une stabilisation de marchés. Ce type d'entente constitue une infraction très grave et les entreprises concernées doivent, dès lors, avoir conscience du caractère illicite de leur comportement. Le caractère secret de l'entente confirme d'ailleurs le fait que les entreprises concernées ont conscience du caractère illicite de leurs agissements.

    (cf. points 436-439)

  23.  Si le montant de l'amende infligée pour infraction aux règles communautaires de concurrence doit être proportionné à la durée de l'infraction et aux autres éléments de nature à entrer dans l'appréciation de la gravité de l'infraction, parmi lesquels figure le profit que l'entreprise concernée a pu retirer de ses pratiques, le fait qu'une entreprise n'ait retiré aucun bénéfice de l'infraction ne saurait faire obstacle à ce qu'une amende soit infligée, sous peine de faire perdre à cette dernière son caractère dissuasif. Il s'ensuit que la Commission n'est pas tenue, en vue de fixer le montant des amendes, de prendre en considération l'absence de bénéfice tiré de l'infraction en cause.

    À cet égard, bien que la Commission puisse, aux termes du point 2, cinquième tiret, de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, et au titre des circonstances aggravantes, majorer la sanction afin de dépasser le montant des gains illicites réalisés grâce à l'infraction, cela ne signifie toutefois pas qu'elle se soit désormais imposé la charge d'établir, en toutes circonstances, aux fins de la détermination du montant de l'amende, l'avantage financier lié à l'infraction constatée. En d'autres termes, l'absence d'un tel avantage ne saurait être considérée comme une circonstance atténuante.

    (cf. points 441-443)

  24.  Dans l'accomplissement des tâches qui lui sont assignées en matière de concurrence, la Commission peut recueillir tous les renseignements nécessaires auprès des gouvernements et des autorités compétentes des États membres, ainsi que des entreprises et des associations d'entreprises. Elle est notamment en droit d'obliger une entreprise à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents s'y rapportant qui sont en sa possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir, à son égard ou à l'encontre d'une autre entreprise, l'existence d'un comportement anticoncurrentiel. Par conséquent, les réponses données conformément à l'article 11, paragraphe 1, du règlement no 17 constituent l'exécution d'une obligation et non une coopération volontaire au sens de la communication sur la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes.

    (cf. point 468)

  25.  À la suite d'un arrêt d'annulation, laquelle opère ex tunc et a donc pour effet d'éliminer rétroactivement l'acte annulé de l'ordre juridique, l'institution défenderesse est tenue, en vertu de l'article 233 CE, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d'un acte qui a déjà été exécuté, peut comporter une remise du requérant dans la situation dans laquelle il se trouvait antérieurement à cet acte.

    Au premier rang des mesures visées à l'article 233 CE figure ainsi, dans le cas d'un arrêt annulant ou réduisant le montant de l'amende imposée à une entreprise pour une infraction aux règles de concurrence du traité, l'obligation pour la Commission de restituer tout ou partie de l'amende payée par l'entreprise en cause, dans la mesure où ce paiement doit être qualifié d'indu à la suite de la décision d'annulation. Cette obligation vise non seulement le montant principal de l'amende indûment payée, mais aussi les intérêts moratoires produits par ce montant. Si la Commission n'octroyait aucun intérêt moratoire sur le montant principal de l'amende remboursé à la suite d'un tel arrêt, la Commission s'abstiendrait de prendre une mesure que comporte l'exécution de cet arrêt et méconnaîtrait, de ce fait, les obligations qui lui incombent au titre de l'article 233 CE.

    Il s'ensuit que, dans le cadre d'une procédure d'annulation d'une amende infligée pour violation des règles de concurrence, est irrecevable une demande visant à ce qu'il soit enjoint à la Commission de rembourser tout ou partie du montant de l'amende payée par l'entreprise en cause, majoré des intérêts, dans la mesure où ce paiement doit être qualifié d'indu à la suite de la décision d'annulation.

    (cf. points 486-489)

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