EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 61994TJ0356

Sommaire de l'arrêt

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

2 octobre 1996

Affaire T-356/94

Sergio Vecchi

contre

Commission des Communautés européennes

«Fonctionnaires — Avis de vacance — Erreur manifeste — Détournement de pouvoir — Motivation — Recevabilité»

Texte complet en langue française   II-1251

Objet:

Recours ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 8 août 1994 de ne pas retenir la candidature du requérant au poste de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan et, par voie de conséquence, d'annulation de la décision de nommer un autre candidat audit poste, ainsi qu'une demande en indemnité.

Résultat:

Annulation de la décision de la Commission du 8 août 1994. Rejet de la demande en indemnité.

Résumé de l'arrêt

Le requérant, aujourd'hui fonctionnaire de grade A 4 à la Commission, entre au service de cette institution en 1967, en qualité de fonctionnaire du cadre linguistique. En 1990, il est affecté en qualité d'administrateur à la direction générale Télécommunications, industries de l'information et innovation (DG XIII), où il exerce principalement des fonctions ayant trait aux relations avec les pays de l'Est, notamment dans le cadre du G24 (groupe des Vingt-quatre) et des programmes PHARE (programme d'aide communautaire aux pays d'Europe centrale et orientale) et TACIS (programme d'assistance technique aux nouveaux États indépendants de l'ancienne Union soviétique et à la Mongolie). En 1993, il est muté à la direction générale Industrie (DG III), où il s'occupe de questions relevant de la coopération industrielle avec les pays de l'Europe de l'Est.

A la suite de la publication de l'avis de vacance COM/026/94 du 17 mars 1994, le requérant et sept autres fonctionnaires déposent leur candidature au poste de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan.

Selon l'avis de vacance, les qualifications minimales requises sont les suivantes:

«—

Appartenir à la même catégorie/cadre/carrière(s) du COM (mutation);

appartenir à la carrière inférieure à celle du COM (promotion selon l'article 45 du statut);

connaissances et expérience/aptitudes en relation avec les tâches à exercer;

pour les emplois nécessitant des qualifications particulières: connaissances et expérience approfondies dans/en relation avec le secteur d'activité.»

L'avis de vacance décrit les conditions spécifiques relatives au poste en question de la manière suivante:

«Alma Ata. Chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan. Connaissance approfondie des traités et politiques communes des relations extérieures de la Communauté. Connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique dans le Kazakhstan et républiques de l'Asie centrale. Connaissance du russe et/ou allemand, langues locales serait un avantage.»

Par lettre du 17 juin 1994, le secrétaire du comité consultatif des nominations (CCN) informe le requérant que sa candidature ne devrait pas être prise en considération pour le poste à pourvoir.

Par décision du 8 août 1994, la Commission nomme un autre candidat, M. K., au poste en question. Le 12 août 1994, le requérant est informé du fait que sa candidature n'est pas retenue.

Le même jour, le requérant introduit une réclamation à l'encontre de cette décision. Cette réclamation est examinée au cours de deux réunions du groupe interservices, les 29 septembre et 13 octobre 1994.

C'est dans ces circonstances que le requérant, par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 octobre 1994, introduit le présent recours.

A la même date, par acte séparé, le requérant demande le sursis à l'exécution de la décision portant nomination de M. K. Par ordonnance du 23 novembre 1994 (T-356/94 R, RecFP p. II-805), le président du Tribunal rejette la demande en référé et réserve les dépens.

Par lettre du 5 décembre 1994, la Commission rejette la réclamation introduite par le requérant notamment pour les motifs suivants:

«Le CCN a examiné l'ensemble des candidatures et est parvenu à la conclusion que trois candidatures (dont celle du candidat nommé) pouvaient être prises en considération.

[...]

La Commission constate que 1'AIPN n'a nullement méconnu le cadre de légalité découlant de l'avis de vacance en nommant M. K. au poste en question. En effet, l'expérience acquise par M. K. au cours de l'exercice de ses différentes fonctions lui a permis d'approfondir une large connaissance des politiques communes et des relations extérieures de la Communauté.

La Commission observe que le candidat nommé répondait le mieux aux conditions requises pour ce poste de chef de délégation.

L'expérience de M. Vecchi, bien qu'en rapport avec les pays de l'Est est limitée à des domaines plus spécifiques.»

Sur l'objet du litige et la recevabilité

Les arguments relatifs à l'objet du litige et à la recevabilité se rattachent tous à la question de savoir si le requérant satisfait aux conditions de l'avis de vacance. La formulation de l'avis de vacance, notamment en ce qu'elle précise que les candidats doivent avoir une connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique au Kazakhstan et dans les républiques d'Asie centrale — connaissance qui à l'époque s'est avérée assez rare — a dû donner l'impression au requérant, qui exerçait certaines tâches dans ce domaine, d'avoir des chances d'obtenir le poste. De même, le requérant avait un intérêt à savoir si le candidat finalement retenu satisfaisait à cette condition de l'avis (points 27 et 28).

En outre, le requérant a montré qu'il possédait certaines connaissances, expériences et aptitudes par rapport à chacune des conditions mentionnées dans l'avis (point 29).

De plus, le CCN a rejeté la candidature du requérant au terme d'un examen comparatif des mérites des candidats et non parce qu'il considérait que le requérant ne remplissait pas les conditions de l'avis de vacance (point 30).

En effet, la note adressée par le secrétaire du CCN au requérant indique que le CCN a examiné, au cours de sa réunion du 9 juin 1994, le niveau de pourvoi de l'emploi et les qualifications requises du futur titulaire de la fonction. Après avoir indiqué que toutes les candidatures ont été examinées, cette note conclut que la candidature du requérant ne devrait pas être prise en considération à cette occasion (point 31).

Le fait que cette note indique explicitement que le CCN est parvenu à la conclusion que la candidature du requérant ne devait pas être retenue à la suite d'un examen de toutes les candidatures confirme effectivement que le requérant remplissait les conditions de l'avis de vacance et que le CCN a procédé à un examen comparatif des rapports de notation et des mérites du requérant, conformément à l'article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (statut). Il en résulte que sa conclusion selon laquelle «la candidature du requérant ne devrait pas être prise en considération» ne saurait être entendue en ce sens que le CCN a estimé que cette candidature n'était pas recevable au regard des qualifications requises, mais comme une appréciation formulée à l'issue de l'examen comparatif de l'ensemble des candidatures (point 32).

Référence à: Cour 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission, 44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, Rec. p. 3259, points 16 à 19; Tribunal 24 février 1994, Caló/Commission, T-108/92, Rec. p. II-213, point 16

De même, dans la décision rejetant la réclamation du requérant, aucune référence n'est faite à l'éventualité qu'il ne remplissait pas les conditions de l'avis de vacance, la Commission s'étant limitée à souligner la valeur de l'expérience du candidat retenu par rapport à celle du requérant. Dans ces circonstances, la Commission est malvenue de modifier sa position en soutenant que le requérant ne remplissait pas les conditions de l'avis de vacance (point 33).

Il s'ensuit que le requérant a un intérêt légitime, certain et actuel à demander l'annulation de la nomination de M. K. (point 34).

Référence à: Tribunal 18 février 1993, Mc Avoy/Parlement, T-45/91, Rec. p. II-83, point 28

Sur le fond

Sur les moyens tirés d'une violation de l'avis de vacance et d'une appréciation manifestement erronée des faits

L'avis de vacance a pour but d'informer les intéressés, d'une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s'agit, afin de les mettre en mesure d'apprécier s'il y a lieu, pour eux, de faire acte de candidature (point 50).

Référence à: Cour 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec. p. 1099, point 40

Le candidat retenu ne disposait pas d'une «connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique dans le Kazakhstan et républiques de l'Asie centrale», au moment où la décision attaquée a été prise, ce qui est exigé par l'avis de vacance (point 51).

Quelle que soit la valeur des mérites du candidat retenu par rapport à ceux du requérant, l'autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) est tenue d'exercer la comparaison des mérites et des notations des candidats dans le cadre qu'elle s'est imposé à elle-même par l'avis de vacance d'emploi (point 53).

Référence à: Cour 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C-35/92 P, Rec. p. I-991, point 13

En effet, l'exercice du pouvoir d'appréciation dont dispose l'AIPN en matière de nomination ou de promotion suppose un examen scrupuleux du dossier de candidature et une observation consciencieuse des exigences énoncées dans l'avis de vacance, de sorte que celle-ci est tenue d'écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences (point 54).

Référence à: Parlement/Frederiksen, précité, point 15

L'AIPN doit, au moment de la rédaction de l'avis de vacance, rendre compte des conditions requises. Il n'est pas satisfait aux dispositions du statut si elle ne s'avisait de ces conditions qu'après la publication de l'avis, au vu des candidats qui se sont présentés, et interprétait les termes de l'avis de vacance dans le sens qu'elle estime le mieux convenir aux besoins du service (point 55).

Référence à: Grassi/Conseil, précité, point 39

Si l'AIPN découvre, après coup, que les conditions requises par l'avis de vacance étaient plus sévères que ne l'exigeaient les besoins du service, il lui est loisible de recommencer la procédure de pourvoi du poste en retirant l'avis de vacance original et en le remplaçant par un avis corrigé (point 56).

Référence à: Grassi/Conseil, précité, point 43

La Commission ne saurait pas davantage se prévaloir du fait que l'avis de vacance, divisé en deux parties, donne moins d'importance aux conditions spécifiques qu'aux conditions générales. En effet, l'avis indique dans les conditions générales que des connaissances et expériences approfondies dans et en relation avec le secteur d'activité sont prévues pour les emplois nécessitant des qualifications particulières. Dès lors, la deuxième partie de l'avis ne constitue qu'une précision de ladite condition. En tout état de cause, comme le but de l'avis de vacance est d'informer les intéressés, d'une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions requises pour occuper le poste vacant, les deux parties de l'avis doivent être considérées ensemble. En effet, la connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique dans le Kazakhstan et républiques d'Asie centrale est une exigence tellement apparente dans l'avis qu'elle n'a pas pu échapper aux intéressés (point 57).

Il s'ensuit que l'AIPN n'a pas observé consciencieusement les conditions énoncées dans l'avis de vacance. En agissant ainsi, elle a également commis une erreur manifeste lors de l'examen des mérites des candidats (point 58).

Référence à: Me Avoy/Parlement, précité, points 51 et 52

Sur le moyen tiré d'une absence d'examen comparatif des mérites

Les arguments avancés par le requérant dans le cadre de ce moyen tendent à démontrer que la Commission a commis une faute d'appréciation lors de l'examen des mérites des candidats. Ceci a été constaté par le Tribunal au point 58 ci-dessus. Cependant, l'allégation selon laquelle il s'agirait d'une absence totale d'examen comparatif des mérites n'est pas fondée, puisqu'il ressort des appréciations du Tribunal qu'un tel examen a effectivement eu lieu (point 65).

Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir et d'une violation du principe de non-discrimination

Il ne ressort pas du dossier que la Commission se soit rendue coupable d'un détournement de pouvoir ou d'une violation du principe de non-discrimination (point 72).

En effet, aucun des indices avancés par le requérant ne démontre que la décision a été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées. A cet égard, le non-respect de l'avis de vacance lors de l'examen des mérites ne suffit pas en soi pour établir que la Commission a agi à l'encontre de l'intérêt du service en ce sens qu'elle s'est rendue coupable d'un détournement de pouvoir (point 73).

Quant à l'allégation du requérant selon laquelle la nationalité de M. K. a été un critère déterminant pour sa nomination, il suffit de constater que le requérant n'apporte aucun élément permettant d'étayer qu'il existerait un partage déterminé entre les États membres quant aux postes de chef de délégation (point 74).

Sur le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation

En cas de décision de rejet d'une candidature, 1'AIPN est tenue à une obligation de motivation, à tout le moins au stade du rejet de la réclamation contre une telle décision. Toutefois dans le cas où les promotions et les mutations se feraient aux choix, il suffit que la motivation de rejet de la réclamation concerne l'existence des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure. Partant, il n'est pas nécessaire que l'institution concernée expose en détails la façon dont elle a estimé que le candidat nommé remplissait les conditions de l'avis de vacance. La motivation doit cependant permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si elle est bien fondée ou si elle est entachée d'un vice permettant d'en contester la légalité (point 80).

Référenceà: Tribunal 30 janvier 1992, Schönherr/CBS.T-25/90, Rec. p. II-63, points 21 et 22; Tribunal 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201, point 22

La décision rejetant la réclamation indique, d'une part, que l'expérience acquise par M. K. au cours de l'exercice de ses différentes fonctions lui a permis d'acquérir une large connaissance des politiques communes et des relations extérieures de la Communauté de sorte qu'il répond le mieux aux conditions requises pour le poste de chef de délégation et, d'autre part, que l'expérience du requérant, bien qu'en rapport avec les pays de l'Est, est limitée à des domaines plus spécifiques (point 81).

Même si l'examen des mérites des candidats s'est avéré entaché d'une faute d'appréciation manifeste de fait, la motivation en tant que telle n'est pas insuffisante. Elle indique effectivement les motifs individuel et pertinent qui, selon la Commission, justifient le rejet de la candidature du requérant, de sorte que celui-ci a été en mesure de contester la légalité de la décision attaquée et que le Tribunal a pu exercer son contrôle à cet égard (point 82).

Sur le moyen tiré d'une procédure illégale

Il suffit de constater que ce moyen ne donne pas au requérant un intérêt personnel à l'annulation de l'acte attaqué. Étant fonctionnaire de grade A 4 et l'emploi en cause ayant été pourvu au grade A 4/A 5, il ne saurait prétendre avoir été victime d'une violation de la procédure en cause. En effet, le niveau du poste a été fixé à un niveau permettant au requérant d'être nommé à cet emploi dans l'hypothèse où l'examen comparatif des mérites lui serait favorable (point 87).

Référence à: Tribunal 17 mai 1995. Benecos/Commission, T-16/94, RecFPp. II-335, point 47

Sur l'indemnité

Un recours en indemnité qui tend à la réparation de préjudices causés non pas par un acte faisant grief dont l'annulation est demandée, mais par diverses fautes et omissions prétendument commises par l'administration, doit être précédé d'une procédure en deux étapes. Celle-ci doit impérativement débuter par la présentation d'une demande invitant l'AIPN à réparer les préjudices allégués et se poursuivre, le cas échéant, par l'introduction d'une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (point 93).

Référenceà: Tribunal 28 janvier 1993. Pietre de Stachelski/Commission, T-53/92, Rec. p. II-35

En l'espèce, la demande en indemnité tend à la réparation d'un préjudice prétendument causé par des comportements qui, en raison de l'absence d'effets juridiques, ne peuvent pas être qualifiés d'actes faisant grief. Or, elle n'a pas été précédée d'une procédure précontentieuse régulière (point 94).

Dispositif:

La décision de la Commission du 8 août 1994 de ne pas retenir la candidature du requérant au poste de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan et la décision du 8 août 1994 de nommer à ce poste M. K. sont annulées.

Le recours est rejeté pour le surplus.

Top