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Document 61992TJ0109

Sommaire de l'arrêt

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 février 1994

Affaire T-109/92

Isabel Lacruz Bassols

contre

Cour de justice des Communautés européennes

«Fonctionnaires — Avis de vacance d'emploi — Discrimination selon la langue — Promotion — Examen comparatif des mérites — Pouvoir d'appréciation — Pouvoir d'organisation des services»

Texte complet en langue française   II-105

Objet:

 

Recours ayant pour objet:

l'annulation des décisions de ne pas retenir les candidatures de la requérante aux emplois ayant fait l'objet des avis de vacance d'emploi nos CJ 116/91, CJ 117/91 et CJ 118/91;

l'annulation des décisions de nomination prises à la suite de la publication de ces avis de vacance, ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision de rejet de la réclamation introduite par la requérante.

Résultat:

Rejet.

Résumé de l'arrêt

Suite à trois avis de vacance concernant respectivement un emploi d'interprète principal de langue allemande requérant la parfaite maîtrise de l'allemand, un emploi d'inteiprète principal de langue italienne exigeant la parfaite maîtrise de l'italien et un emploi d'interprète principal participant notamment aux travaux relatifs au planning de la division d'interprétation, la requérante, fonctionnaire de grade LA 6 depuis le 16 avril 1989, présente sa candidature à chacun des trois emplois.

L'institution communique à la requérante qu'aucune de ses candidatures n'a été retenue. Après le rejet de sa réclamation, la requérante introduit le présent recours.

I — Sur les conclusions visant à l'annulation des décisions prises à la suite de la publication de l'avis de vacance no CJ 118/91

1. Sur les moyens tirés d'une violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut et d'une erreur manifeste d'appréciation

a) En ce qui concerne la violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires

Le Tribunal rejette le moyen après avoir constaté que l'AIPN s'est fondée, dans son choix du fonctionnaire promu à l'emploi litigieux, sur un examen comparatif minutieux des mérites essentiels et des rapports de notation des trois fonctionnaires candidats (point 38).

b) En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation

L'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour évaluer, dans le cadre d'une procédure de promotion, l'intérêt du service ainsi que les aptitudes et mérites respectifs des candidats à occuper l'emploi à pourvoir. Le juge communautaire doit donc limiter son contrôle à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu déterminer l'appréciation effectuée par l'AIPN, celle-ci n'a pas fait usage de son pouvoir de manière manifestement erronée (point 39).

Référenceà: Cour 3 décembre 1981, Bakke-d'Aloya/Conseil, 280/80, Rec. p. 2887, point 10; Cour 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/85, Rec. p. 739, point 5; Tribunal 30 novembre 1993, Perakis/Parlement, T-78/92, Rec, point 45

Le Tribunal constate que, aucune erreur manifeste d'appréciation n'ayant été démontrée, ce moyen doit aussi être écarté (points 40 à 46).

2. Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir

a) Sur la recevabilité du moyen

Une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des buts autres que celui poursuivi par la réglementation en cause (point 52).

Référenceà: Cour 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447, point 30; Cour 8 juin 1988, Vlachou/Courdes comptes, 135/87, Rec. p. 2901, point 27; Tribunal 14 février 1990, Hochbaum/Commission, T-38/89, Rec. p. II-43, point 22

Le fonctionnaire concerné doit avoir la possibilité d'observer le déroulement de la procédure de promotion et de faire valoir à son terme, à l'appui d'un recours dirigé contre les décisions finales qui ont été prises, qu'un détournement de pouvoir a entaché l'ensemble des actes de la procédure, y compris la rédaction de l'avis de vacance d'emploi, même si ce dernier n'a pas fait l'objet d'une réclamation introduite dans le délai statutaire (point 53).

Le Tribunal estime que le moyen doit être déclaré recevable, sans qu'il soit nécessaire de trancher la question générale de savoir si, en raison de sa nature juridique d'acte faisant grief, un avis de vacance d'emploi peut acquérir un caractère définitif excluant normalement que puisse être invoqué, à l'appui d'un recours dirigé contre des décisions finales de nomination et de rejet de candidatures, tout autre moyen dirigé contre cet avis de vacance, qui ne présenterait pas les caractéristiques et particularités du moyen tiré d'un détournement de pouvoir (point 54).

b) Sur le fond

Le Tribunal estime que la mention relative à la participation au planning de la division d'interprétation incluse dans l'avis de vacance relève de l'intérêt du service et ne saurait être considérée comme constitutive d'un détournement de pouvoir ou de procédure (point 55).

3. Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation et d'une violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut

En cas de décision rejetant une candidature, 1'AIPN est tenue à une obligation de motivation, à tout le moins au stade du rejet de la réclamation contre une telle décision. Les promotions se faisant au choix, il suffit que cette motivation concerne l'existence des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité d'une promotion (point 60).

Référence à: Perakis/Parlement, précité, point 50

Le Tribunal estime que la décision rejetant la réclamation de la requérante est motivée à suffisance de droit en ce qu'elle répond à tous les griefs soulevés (point 61).

4. Sur le moyen tiré d'une violation des droits de la défense et de l'article 26 du statut

a) Sur la recevabilité du moyen

Le Tribunal constate que ce moyen, soulevé pour la première fois dans la réplique, doit être déclaré rece vable tant au regard de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, en ce qu'il se fonde sur des éléments qui ne se sont révélés que pendant la procédure, qu'au regard de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du même règlement, qui s'applique, dans les circonstances de l'espèce, également à la réplique et qui exige un exposé sommaire des moyens invoqués. Certes, la requérante ne s'est expressément référée, dans sa réplique, ni au principe du respect des droits de la défense ni à l'article 26 du statut. Elle a cependant fait valoir qu'elle n'a jamais été informée des appréciations négatives portées pendant la procédure de promotion sur son comportement dans le service, ce qui suffit à permettre à l'institution de se défendre utilement et au Tribunal d'exercer son contrôle (point 67).

Référence à: Cour 14 mai 1975, CNTA/Commission, 74/74, Rec. p. 533, point 4; Tribunal 7 mai 1991, Jongen/Commission, T-18/90, Rec. p. II-187, point 13

b) Sur le fond

Le but des articles 26 et 43 du statut est d'assurer le droit de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions prises par 1'AIPN et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non mentionnés dans son dossier individuel. Il en résulte qu'une décision basée sur de tels éléments est contraire aux garanties du statut et doit être annulée comme étant intervenue à la suite d'une procédure entachée d'illégalité (point 68).

Référence à: Cour 3 février 1971, Rittweger/Commission, 21/70, Rec. p. 7, points 29 à 41; Cour 28 juin 1972, Brasseur/Parlement, 88/71, Rec. p. 499, points 9 à 11; Bonino/Commission, précité, point 11; Tribunal 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T-82/89, Rec. p. II-735, point 78; Perakis/Parlemcnt, précité, point 27

En principe, les avis émis par les supérieurs hiérarchiques consultés dans le cadre d'une procédure de promotion expriment le pouvoir d'appréciation de l'administration et ne relèvent pas des prescriptions de l'article 26 du statut, sauf lorsque ces avis contiennent également, outre les appréciations découlant de l'examen comparatif des candidatures, des éléments concernant la compétence, le rendement ou le comportement d'un candidat qui n'ont pas été préalablement versés à son dossier individuel.

Référence à: Bonino/Commission, précité, point 13

Néanmoins, l'absence de communication de ces mêmes éléments à l'intéressé, en vue de lui permettre de présenter ses observations, ne saurait vicier les décisions portant rejet de sa candidature et nomination d'un autre candidat que dans la mesure où ils ont exercé une influence déterminante sur le choix opéré par l'AIPN (point 70).

Référence à: Rittweger/Commission, précité, point 35; Brasseur/Parlement, précité, point 18

Le Tribunal constate que, en omettant de communiquer à la requérante et de verser à son dossier individuel certains éléments de fait se rapportant à ses compétences et à son comportement qui n'avaient été ni insérés dans son dossier individuel ni portés à sa connaissance avant l'adoption des décisions entreprises, la partie défenderesse a méconnu les dispositions de l'article 26 du statut et les droits de la défense. Cependant, étant donné que ces éléments de fait ne sauraient être considérés comme ayant exercé une influence déterminante sur le choix effectué par l'AIPN, la circonstance qu'ils n'aient pas été versés au dossier individuel de la requérante ni communiqués à cette dernière ne saurait, dès lors, entacher la validité des décisions attaquées (points 71 et 73).

II — Sur les conclusions visant à l'annulation des décisions prises à la suite de la publication des avis de vacance nos CI 116/91 et CJ 117/91

1. Sur les moyens tirés respectivement d'une violation du principe de non-discrimination et de l'article 27 du statut ainsi que d'une violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut

Dans la mesure où la requérante soutient que l'exigence par l'institution dans les deux avis de vacance d'une parfaite maîtrise de la langue allemande ou italienne porte atteinte au principe de non-discrimination, elle n'invoque pas une discrimination en raison de la nationalité. Le moyen ne peut donc être pris d'une violation de l'article 27, troisième alinéa, du statut, mais, d'une part, de l'article 5, paragraphe 3, du statut, qui assure des conditions identiques de déroulement de carrière aux fonctionnaires de même catégorie ou de même cadre et, d'autre part, du principe de non-discrimination (point 86).

En vertu de ce principe, des situations comparables ne doivent pas être traitées de manière différente, à moins qu'une différenciation ne soit objectivement justifiée. Dès lors que les interprètes de la division d'interprétation d'une institution se trouvent tous dans des situations comparables, leurs seules fonctions consistant en l'interprétation d'une ou de plusieurs langues de départ vers une autre langue cible, l'exclusion, en vue d'une promotion éventuelle, de plusieurs groupes d'interprètes promouvables, exclusivement déterminés en fonction de critères linguistiques, revient, en principe, à traiter ces groupes de manière différente par rapport à ceux qui sont admis à participer à la procédure de promotion (point 87).

Une telle différenciation est cependant objectivement justifiée dès lors qu'elle est la conséquence de la structuration par cabines linguistiques d'une division d'interprétation dans laquelle l'institution procède à des promotions par cabine particulière et non au niveau de l'ensemble de la division.

En effet, chaque institution communautaire dispose, dans l'organisation de ses services, d'un large pouvoir d'appréciation et d'une grande latitude pour structurer les diverses unités administratives, en tenant compte d'un ensemble de facteurs, tels que la nature et l'ampleur des tâches qui leur sont dévolues. L'institution n'a donc, à l'égard d'un fonctionnaire, aucune obligation de structurer le service auquel il est affecté de manière à lui garantir une promotion (point 88).

Référence à: Cour 17 décembre 1981, Bellardi-Riccie.a./Commission, 178/80, Rec. p. 3187, point 19; Cour 2 décembre 1982, Micheli e.a./Commission, 198/81 à 202/81, Rec. p. 4145, point 18; Tribunal25 septembre 1991, Sebastiani/Parlement, T-163/89, Rec. p. II-715, point 33

Le Tribunal estime qu'il ne saurait donc être refusé à une institution ni le droit de structurer sa division d'interprétation en cabines linguistiques, ni celui de répartir les emplois d'interprète principal sur les différentes cabines en fonction des besoins de chacune et, par conséquent, de procéder, en principe, à des réévaluations d'emploi par cabine en transformant un emploi d'interprète en emploi d'interprète principal. Ce faisant, l'institution peut également prendre en considération la structure du personnel dans les différentes cabines, les prestations et qualifications des interprètes et la contribution des interprètes les plus expérimentés à l'organisation du travail de la cabine (points 89 et 90).

La circonstance que la distinction essentielle entre les emplois d'interprète et d'interprète principal réside dans la qualification plus ou moins marquée des interprètes ne saurait être critiquée. En effet, compte tenu de l'organisation d'un service donné, des tâches de nature comparable peuvent être distribuées entre des agents de grades différents et un fonctionnaire peut donc remplir des tâches qui appartiennent également à un emploi d'une carrière supérieure (point 92).

Référenceà: Cour l6 juin 1971, Prelle/Commission, 77/70, Rec. p. 561, points 10 à 12

Toutefois, le pouvoir de l'institution de procéder à des promotions par cabine doit être concilié avec le principe d'égalité et de non-discrimination en ce sens que ce système de promotion ne saurait avoir pour effet d'exclure, pour une période excessivement longue, la promotion d'interprètes affectés à une cabine déterminée (point 95).

Le Tribunal constate que les avis de vacance nos CJ 116/91 et CJ 117/91 ne sauraient être considérés, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant été arrêtés en violation de l'article 5, paragraphe 3, du statut et du principe de non-discrimination. Étant donné que la requérante ne remplissait pas les conditions linguistiques posées par ces avis de vacance, sa candidature devait être écartée, dans une première étape, préalable à celle de l'examen comparatif des mérites. Par conséquent, il ne saurait être question, ici non plus, d'une violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut (point 97).

2. Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir

Le Tribunal constate que les deux procédures de promotion litigieuses ne sont pas, en définitive, entachées d'un détournement de pouvoir, étant donné qu'elles n'ont pas abouti à la nomination préméditée de fonctionnaires non qualifiés, mais qu'il résulte au contraire du dossier que les deux candidates finalement promues sont des fonctionnaires méritants (point 101).

3. Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation et d'une violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut

Le Tribunal estime qu'il y a lieu de rejeter ce moyen pour les raisons qui ont déjà été développées ci-dessus (points 60 et 61). Dans la mesure où la requérante reproche à l'institution d'avoir fourni, dans la décision rejetant la réclamation, une motivation partiellement incorrecte, le Tribunal constate qu'il ne s'agit pas là d'un grief tiré d'une insuffisance de motivation (point 104).

Dispositif:

Le recours est rejeté.

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