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Document 62023CJ0216

    Arrêt de la Cour (neuvième chambre) du 8 mai 2024.
    Hauser Weinimport GmbH contre Freistaat Bayern.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof.
    Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Agriculture – Définition, description, présentation, étiquetage et protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés – Règlement (UE) no 251/2014 – Article 3, paragraphe 4 – Cocktail aromatisé de produits vitivinicoles – Définition – Notions d’“alcool” et de “denrée alimentaire sapide”.
    Affaire C-216/23.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:393

     ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

    8 mai 2024 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Agriculture – Définition, description, présentation, étiquetage et protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés – Règlement (UE) no 251/2014 – Article 3, paragraphe 4 – Cocktail aromatisé de produits vitivinicoles – Définition – Notions d’“alcool” et de “denrée alimentaire sapide” »

    Dans l’affaire C‑216/23,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (tribunal administratif supérieur de Bavière, Allemagne), par décision du 23 mars 2023, parvenue à la Cour le 4 avril 2023, dans la procédure

    Hauser Weinimport GmbH

    contre

    Freistaat Bayern,

    LA COUR (neuvième chambre),

    composée de Mme O. Spineanu‑Matei, présidente de chambre, M. S. Rodin et Mme L. S. Rossi (rapporteure), juges,

    avocat général : M. N. Emiliou,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour Hauser Weinimport GmbH, par Me A. Reinhart, Rechtsanwalt,

    pour Freistaat Bayern, par MM. C. Diroll et J. Vogel, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par MM. B. Hofstötter et B. Rechena, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 4, sous c), et de l’annexe I, point 1, sous b), ii), du règlement (UE) no 251/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés et abrogeant le règlement (CEE) no 1601/91 du Conseil (JO 2014, L 84, p. 14, et rectificatif JO 2014, L 283, p. 77), tel que modifié par le règlement (UE) 2021/2117 du Parlement européen et du Conseil, du 2 décembre 2021 (JO 2021, L 435, p. 262) (ci-après le « règlement no 251/2014 »).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige qui oppose Hauser Weinimport GmbH au Freistaat Bayern (Land de Bavière, Allemagne) au sujet de la mise sur le marché d’une boisson, constituée essentiellement d’un mélange de vin et de bière, désignée comme étant un « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles », au sens du règlement no 251/2014.

    Le cadre juridique

    Le règlement no 251/2014

    3

    Les considérants 1, 4, 7, 9 et 11 du règlement no 251/2014 sont libellés comme suit :

    « (1)

    Le règlement (CEE) no 1601/91 du Conseil[, du 10 juin 1991, établissant les règles générales relatives à la définition, à la désignation et à la présentation des vins aromatisés, des boissons aromatisées à base de vin et des cocktails aromatisés de produits viti-vinicoles (JO 1991, L 149, p. 1),] et le règlement (CE) no 122/94 de la Commission[, du 25 janvier 1994, portant certaines modalités d’application du règlement (CEE) no 1601/91 du Conseil pour la définition, la désignation et la présentation des vins aromatisés, des boissons aromatisées à base de vin et des cocktails aromatisés de produits viti-vinicoles (JO 1994, L 21, p. 7),] ont montré leur efficacité à réglementer le secteur des vins aromatisés, des boissons aromatisées à base de vin et des cocktails aromatisés de produits vitivinicoles (ci-après dénommés “produits vinicoles aromatisés”). Toutefois, à la lumière de l’innovation technologique, de l’évolution du marché et de celle des attentes des consommateurs, il est nécessaire d’actualiser les règles concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques de certains produits vinicoles aromatisés, en tenant compte des méthodes de production traditionnelles.

    [...]

    (4)

    Les produits vinicoles aromatisés sont importants pour les consommateurs, les producteurs et le secteur agricole dans l’Union [européenne]. Les mesures applicables aux produits vinicoles aromatisés devraient contribuer à un niveau élevé de protection des consommateurs, à la prévention de pratiques de nature à induire en erreur ainsi qu’à la transparence des marchés et à une concurrence loyale. Elles protégeront ainsi la réputation que les produits vinicoles aromatisés de l’Union ont acquise sur le marché intérieur et sur le marché mondial en continuant de prendre en compte les méthodes traditionnelles utilisées dans la production de produits vinicoles aromatisés, de même que la demande accrue de protection et d’information des consommateurs. Il convient également de prendre en considération l’innovation technologique en ce qui concerne les produits dont elle permet d’améliorer la qualité, sans que cela ait d’incidence sur le caractère traditionnel des produits vinicoles aromatisés concernés.

    [...]

    (7)

    Afin de garantir la clarté et la transparence du droit de l’Union régissant les produits vinicoles aromatisés, il est nécessaire de définir clairement les produits couverts par ce droit, les critères liés à la production, à la description, à la présentation et à l’étiquetage des produits vinicoles aromatisés et, en particulier, la dénomination de vente. [...]

    [...]

    (9)

    Il convient que les produits vinicoles aromatisés soient produits conformément à certaines règles et restrictions, lesquelles garantissent que les attentes des consommateurs sont satisfaites en ce qui concerne la qualité et les méthodes de production. Afin de se conformer aux normes internationales en la matière, il y a lieu d’établir des méthodes de production, et il convient que la Commission [européenne] prenne en compte, en règle générale, les normes recommandées et publiées par l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV).

    [...]

    (11)

    En outre, il convient que l’alcool éthylique utilisé pour la production de produits vinicoles aromatisés soit exclusivement d’origine agricole pour répondre aux attentes des consommateurs et être conforme aux méthodes traditionnelles en terme de qualité. Cela assurera également l’écoulement de produits agricoles de base. »

    4

    L’article 1er du règlement no 251/2014 prévoit :

    « 1.   Le présent règlement fixe les règles concernant la définition, la description, la présentation et l’étiquetage des produits vinicoles aromatisés.

    [...]

    3.   Le présent règlement s’applique à tous les produits vinicoles aromatisés mis sur le marché dans l’Union, qu’ils soient produits dans les États membres ou dans des pays tiers, ainsi qu’à ceux produits dans l’Union à des fins d’exportation. »

    5

    L’article 3 de ce règlement, intitulé « Définition et classification des produits vinicoles aromatisés », dispose :

    « 1.   Les produits vinicoles aromatisés sont les produits issus de produits du secteur vitivinicole visés dans le règlement (UE) no 1308/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671),] qui ont été aromatisés. Ils sont regroupés dans les catégories suivantes :

    a)

    vins aromatisés ;

    b)

    boissons aromatisées à base de vin ;

    c)

    cocktails aromatisés de produits vitivinicoles.

    2.   Un vin aromatisé est une boisson :

    a)

    obtenue à partir d’un ou de plusieurs des produits de la vigne définis à l’annexe II, partie IV, point 5, et à l’annexe VII, partie II, point 1 et points 3 à 9, du règlement (UE) no 1308/2013, à l’exception du vin “Retsina” ;

    b)

    dans laquelle les produits vinicoles visés au point a) représentent au moins 75 % du volume total ;

    c)

    avec éventuelle addition d’alcool ;

    d)

    avec éventuelle addition de colorants ;

    e)

    à laquelle soit du moût de raisins, soit du moût de raisins en partie fermenté, soit les deux ont pu être ajoutés ;

    f)

    qui peut avoir été édulcorée ;

    g)

    ayant un titre alcoométrique volumique acquis supérieur ou égal à 14,5 % vol et inférieur à 22 % vol et un titre alcoométrique volumique total supérieur ou égal à 17,5 % vol.

    3.   Une boisson aromatisée à base de vin est une boisson :

    a)

    obtenue à partir d’un ou de plusieurs des produits de la vigne définis à l’annexe VII, partie II, points 1, 2 et 4 à 9, du règlement (UE) no 1308/2013, à l’exclusion de vins élaborés avec l’adjonction d’alcool et du vin “Retsina” ;

    b)

    dans laquelle les produits de la vigne visés au point a) représentent au moins 50 % du volume total ;

    c)

    n’ayant pas fait l’objet d’une addition d’alcool, sauf mention contraire à l’annexe II ;

    d)

    avec éventuelle addition de colorants ;

    e)

    à laquelle soit du moût de raisins, soit du moût de raisins en partie fermenté, soit les deux ont pu être ajoutés ;

    f)

    qui peut avoir été édulcorée ;

    g)

    ayant un titre alcoométrique volumique acquis supérieur ou égal à 4,5 % vol et inférieur à 14,5 % vol.

    4.   Un cocktail aromatisé de produits vitivinicoles est une boisson :

    a)

    obtenue à partir d’un ou de plusieurs des produits de la vigne définis à l’annexe VII, partie II, points 1, 2 et points 4 à 11, du règlement (UE) no 1308/2013, à l’exclusion de vins élaborés avec l’adjonction d’alcool et du vin “Retsina” ;

    b)

    dans laquelle les produits de la vigne visés au point a) représentent au moins 50 % du volume total ;

    c)

    n’ayant pas fait l’objet d’une addition d’alcool ;

    d)

    avec éventuelle addition de colorants ;

    e)

    qui peut avoir été édulcorée ;

    f)

    ayant un titre alcoométrique volumique acquis supérieur à 1,2 % vol et inférieur à 10 % vol. »

    6

    L’article 4, paragraphe 1, du règlement no 251/2014 énonce :

    « Les produits vinicoles aromatisés sont élaborés conformément aux exigences, aux restrictions et aux descriptions établies aux annexes I et II. »

    7

    L’annexe I de ce règlement, intitulée « Définitions, exigences et restrictions techniques », dispose :

    « 1. Aromatisation

    [...]

    b)

    Les produits suivants sont autorisés pour aromatiser les boissons aromatisées à base de vin et les cocktails aromatisés de produits vitivinicoles :

    [...]

    ii)

    les herbes aromatiques et/ou épices et/ou denrées alimentaires sapides.

    L’adjonction de telles substances confère au produit final des caractéristiques organoleptiques différentes de celles d’un vin.

    [...]

    3. Adjonction d’alcool

    Les produits suivants sont autorisés dans la préparation de certains vins aromatisés et de certaines boissons aromatisées à base de vin :

    a)

    alcool éthylique d’origine agricole, tel qu’il est défini à l’annexe I, point 1, du règlement (CE) no 110/2008 [du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2008, concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques de boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) no 1576/89 du Conseil (JO 2008, L 39, p. 16)], y compris d’origine viticole ;

    b)

    alcool de vin ou de raisins secs ;

    c)

    distillat de vin ou de raisins secs ;

    d)

    distillat d’origine agricole, tel qu’il est défini à l’annexe I, point 2, du règlement (CE) no 110/2008 ;

    e)

    eau-de-vie de vin, telle qu’elle est définie à l’annexe II, point 4, du règlement (CE) no 110/2008 ;

    f)

    eau-de-vie de marcs de raisin, telle qu’elle est définie à l’annexe II, point 6, du règlement (CE) no 110/2008 ;

    g)

    spiritueux obtenus par distillation de raisins secs fermentés.

    L’alcool éthylique utilisé pour diluer ou dissoudre les matières colorantes, les arômes ou tout autre additif autorisé, utilisés dans l’élaboration de produits vinicoles aromatisés, doit être d’origine agricole et doit être utilisé dans la dose strictement nécessaire et n’est pas considéré comme une adjonction d’alcool aux fins de la production d’un produit vinicole aromatisé.

    [...]

    5. Adjonction d’eau

    Pour la préparation des produits vinicoles aromatisés, l’adjonction d’eau est autorisée, pour autant qu’elle soit utilisée dans la dose nécessaire :

    pour préparer l’essence d’arôme,

    pour dissoudre les matières colorantes,

    pour adapter la composition finale du produit.

    [...] »

    Les antécédents du litige au principal et les questions préjudicielles

    8

    Hauser Weinimport produit et commercialise une boisson constituée d’un mélange à base d’alcool et composée de 55 % de vin et de 10 % de bière. Cette boisson présente un titre alcoométrique volumique de 5,5 % et est aromatisée à la fleur de sureau. Elle a été mise sur le marché en tant que « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles ».

    9

    Le Freistaat Bayern (Land de Bavière, Allemagne) a contesté cette désignation au motif que la bière présente dans ladite boisson constitue de l’« alcool », au sens de l’article 3, paragraphe 4, sous c), du règlement no 251/2014, qu’il est interdit d’ajouter à toute boisson désignée comme « un cocktail aromatisé de produits vitivinicoles ». En conséquence, le Land de Bavière a interdit à Hauser Weinimport de commercialiser la même boisson sous cette dénomination.

    10

    Selon cette dernière, seuls les produits énumérés à l’annexe I, point 3, du règlement no 251/2014 doivent être considérés comme des « alcools », au sens de l’article 3, paragraphe 4, sous c), de ce règlement, dès lors que l’adjonction d’alcool, au sens de l’article 3 dudit règlement, doit entraîner une augmentation et non une réduction du titre alcoométrique. Or, en l’occurrence, l’adjonction d’une petite quantité de bière, correspondant à 10 % de la boisson en cause et dont le titre alcoométrique est faible, n’augmenterait pas celui de cette boisson. En tout état de cause, la bière serait une denrée alimentaire sapide, au sens de l’annexe I, point 1, sous b), ii), du même règlement, dont l’adjonction serait autorisée.

    11

    Par jugement du 21 septembre 2020, le Bayerisches Verwaltungsgericht Augsburg (tribunal administratif bavarois d’Augsbourg, Allemagne) a rejeté le recours de Hauser Weinimport au motif qu’aucun alcool, autre qu’un produit issu de la vigne, ne peut être ajouté à une boisson portant la dénomination de « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles ».

    12

    Saisi de l’appel contre ce jugement, le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (tribunal administratif supérieur de Bavière, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi, s’interroge sur l’interprétation de plusieurs dispositions du règlement no 251/2014. Bien que cette juridiction soit encline à accueillir l’appel en faisant droit à l’argumentation de Hauser Weinimport, résumée au point 10 du présent arrêt, elle admet ne pas être en mesure de dégager l’interprétation du droit de l’Union dont dépend la solution du litige dont elle est saisie avec suffisamment de certitude.

    13

    C’est dans ces conditions que le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (tribunal administratif supérieur de Bavière) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    L’article 3, paragraphe 4, sous c), du [règlement no 251/2014] doit-il être interprété en ce sens que la notion d’“alcool” englobe également une boisson qui contient de l’alcool et qui n’est pas un produit de la vigne au sens de l’article 3, paragraphe 4, sous a), de ce règlement ?

    2)

    Au sens de l’article 3, paragraphe 4, sous c), du règlement [no 251/2014], le verbe “additionner” signifie-t-il que le titre alcoométrique du produit final doit avoir augmenté par rapport à celui du produit de la vigne, utilisé en application de l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement [no 251/2014] ?

    3)

    En cas de réponse positive à la [première] question [...], les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 1, première phrase, et de l’annexe I, point 1, sous b) ii), du règlement [no 251/2014] doivent-elles être interprétées en ce sens que la notion de “denrée alimentaire sapide” englobe une boisson alcoolisée au sens de la [première] question [...] ? »

    Sur les questions préjudicielles

    Sur les première et deuxième questions

    14

    Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 4, sous c), du règlement no 251/2014 doit être interprété en ce sens que la notion d’« alcool », au sens de cette disposition, qui ne peut être ajouté à une boisson portant la dénomination « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles », comprend une boisson alcoolisée qui, telle la bière, n’est pas un produit de la vigne, au sens de l’article 3, paragraphe 4, sous a), de ce règlement, mais dont l’adjonction doit cependant conduire à augmenter le titre alcoométrique d’un tel cocktail par rapport à celui du ou des produits de la vigne visés à cette dernière disposition.

    15

    Il y a lieu de constater que, conformément à son article 1er, paragraphes 1 et 3, le règlement no 251/2014 fixe les règles concernant la définition, la description, la présentation et l’étiquetage des « produits vinicoles aromatisés » et s’applique à tous ces produits mis sur le marché dans l’Union. Ces règles, ainsi que le soulignent les considérants 4 et 9 de ce règlement, doivent contribuer à un niveau élevé de protection des consommateurs, notamment quant à l’information de ces derniers, à la prévention de pratiques de nature à les induire en erreur et à garantir que les attentes des consommateurs soient satisfaites en ce qui concerne la qualité et les méthodes de production. En outre, ainsi que le met en exergue le considérant 7 dudit règlement, la clarté et la transparence rendent nécessaires une définition claire des produits vinicoles aromatisés, des critères liés à la production, à la description, à la présentation et à l’étiquetage de ces produits, en particulier, à leur dénomination de vente.

    16

    C’est au vu de ces objectifs que l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 251/2014, intitulé « Définition et classification des produits vinicoles aromatisés », regroupe ces produits, issus du secteur vitivinicole, en trois catégories, à savoir, sous a), les « vins aromatisés », sous b), les « boissons aromatisées à base de vin » et, sous c), « les cocktails aromatisés de produits vitivinicoles ».

    17

    L’article 3, paragraphes 2 à 4, du règlement no 251/2014 énumère les caractéristiques auxquelles doivent répondre les boissons qui relèvent de chacune de ces catégories.

    18

    Ainsi, conformément à l’article 3, paragraphe 2, sous a) à c), de ce règlement, un « vin aromatisé » doit être obtenu à partir d’un ou de plusieurs des produits de la vigne, tels qu’ils sont visés à cette disposition, qui représentent au moins 75 % du volume total de cette boisson et « avec éventuelle addition d’alcool ».

    19

    En vertu de l’article 3, paragraphe 3, sous a) à c), dudit règlement, une « boisson aromatisée à base de vin » doit être obtenue à partir d’un ou plusieurs des produits de la vigne, tels qu’ils sont visés à cette disposition, qui représentent au moins 50 % du volume total de cette boisson et « n’ayant pas fait l’objet d’une addition d’alcool, sauf mention contraire à l’annexe II ».

    20

    S’agissant de la dénomination de « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles », qui fait l’objet de l’affaire au principal, l’article 3, paragraphe 4, du règlement no 251/2014 prévoit qu’un tel cocktail doit être obtenu à partir d’un ou plusieurs des produits de la vigne, tels qu’ils sont visés au point a) de cette disposition, qui représentent au moins 50 % du volume total de cette boisson, laquelle, conformément au point c) de ladite disposition, ne doit « pas fai[re] l’objet d’une addition d’alcool ». Le point f) de cette même disposition précise que le titre alcoométrique volumique acquis est supérieur à 1,2 % vol et inférieur à 10 % vol.

    21

    Il s’ensuit qu’un « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles » peut être valablement composé de vin, mais ne saurait inclure, hormis s’agissant des produits de la vigne visés à l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement no 251/2014, une « addition d’alcool ».

    22

    Il importe de relever que le règlement no 251/2014 ne comporte pas une définition de l’expression « addition d’alcool ».

    23

    Il est vrai que, ainsi que l’indique Hauser Weinimport, l’annexe I du règlement no 251/2014 énumère, à son point 3, intitulé « Adjonction d’alcool », sept produits autorisés « dans la préparation de certains vins aromatisés et de certaines boissons aromatisées à base de vin » parmi lesquels ne figure pas la bière.

    24

    Toutefois, ce constat ne saurait signifier que la notion d’« alcool », au sens de ce règlement, comporte uniquement les sept produits énumérés à l’annexe I, point 3, dudit règlement, et que, par conséquent, la catégorie des boissons portant la dénomination de « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles » pourrait être partiellement composée de boissons alcoolisées qui n’y figurent pas, comme c’est le cas de la bière.

    25

    En effet, ainsi qu’il ressort de son libellé, l’annexe I, point 3, du règlement no 251/2014 se borne à autoriser une liste exhaustive de sept types d’alcool, à savoir l’alcool éthylique d’origine agricole, y compris d’origine viticole, l’alcool de vin ou de raisins secs, le distillat de vin ou de raisins secs, le distillat d’origine agricole, l’eau-de-vie de vin ou de marcs de raisin et les spiritueux obtenus par distillation de raisins secs fermentés, pour que ces produits soient incorporés dans la préparation de certains « vins aromatisés » ou de certaines « boissons aromatisées à base de vin », ce qui n’inclut pas la catégorie des « cocktails aromatisés de produits vitivinicoles », visée à l’article 3, paragraphe 4, de ce règlement.

    26

    Dès lors, non seulement les alcools énumérés à l’annexe I, point 3, du règlement no 251/2014 ne peuvent pas être ajoutés à une boisson relevant de la catégorie des « cocktails aromatisés de produits vitivinicoles », mais cette disposition ne saurait être interprétée comme autorisant implicitement, pour cette même catégorie, l’adjonction d’un alcool, autre qu’un produit issu de la vigne visé à l’article 3, paragraphe 4, sous a), de ce règlement, qui ne figure pas dans la liste exhaustive qu’elle établit.

    27

    Cette interprétation est confortée par la finalité poursuivie par le règlement no 251/2014, qui consiste à définir, de manière uniforme, tous les produits vinicoles aromatisés mis sur le marché dans l’Union, dans le but d’assurer que les attentes des consommateurs sont satisfaites, en prévenant les pratiques de nature à les induire en erreur.

    28

    En revanche, l’interprétation de l’annexe I, point 3, de ce règlement défendue par Hauser Weinimport conduirait à la situation paradoxale, contraire à la finalité précitée dudit règlement, que des boissons alcoolisées, telles que le whisky, la vodka ou la bière, dont l’addition est exclue pour les catégories des « vins aromatisés » et des « boissons aromatisées à base de vin », pourraient être implicitement autorisées pour les « cocktails aromatisés de produits vitivinicoles ». En particulier, une telle situation serait manifestement de nature à induire les consommateurs en erreur sur la définition et le champ d’application de la dénomination de « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles », alors même que l’article 3, paragraphe 4, sous c), du règlement no 251/2014, prohibe « l’addition d’alcool » dans les boissons relevant de cette dénomination.

    29

    De plus, l’argument de Hauser Weinimport selon lequel le critère du titre alcoométrique, obtenu par un tel cocktail après l’adjonction d’un alcool, devrait être pris en compte en tant que paramètre pour déterminer s’il existe ou non une « addition d’alcool », se heurte aux mêmes écueils.

    30

    En effet, admettre la pertinence d’un tel critère conduirait à faire varier l’application des dispositions du règlement no 251/2014 dans l’Union en fonction d’éléments circonstanciels, à savoir le titre alcoométrique de l’alcool qui serait incorporé dans la boisson relevant de la dénomination de « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles » ainsi que la part que représente cet alcool dans celle-ci. Il en résulterait une incertitude quant au champ d’application de cette dénomination ainsi qu’un risque que les consommateurs puissent se méprendre sur son usage.

    31

    De surcroît, ne saurait non plus être retenue l’interprétation soutenue par Hauser Weinimport selon laquelle l’utilisation du terme « adjonction » à l’annexe I, point 3, du règlement no 251/2014 devrait uniquement signifier une augmentation du titre alcoométrique du produit final, en l’occurrence un tel cocktail, ce qui exclurait l’addition d’une petite quantité de bière, dont le titre alcoométrique est faible. Il suffit à cet égard de constater que, à l’annexe I, point 5, du règlement no 251/2014, ce même terme est utilisé à propos de l’autorisation « d’adjonction d’eau » dans l’ensemble des produits vinicoles aromatisés, alors qu’il est constant qu’une telle adjonction diminue le titre alcoométrique du produit final.

    32

    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 3, paragraphe 4, sous c), du règlement no 251/2014 doit être interprété en ce sens que la notion d’« alcool », au sens de cette disposition, qui ne peut être ajouté à une boisson portant la dénomination « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles », comprend une boisson alcoolisée qui, telle la bière, n’est pas un produit de la vigne, au sens de l’article 3, paragraphe 4, sous a), de ce règlement, indépendamment de la circonstance que l’adjonction d’une telle boisson alcoolisée ne conduit pas à augmenter le titre alcoométrique d’un tel cocktail par rapport à celui du ou des produits de la vigne visés à cette dernière disposition.

    Sur la troisième question

    33

    Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 3, paragraphe 4, sous c), du règlement no 251/2014 doit être interprété en ce sens que l’interdiction d’adjoindre de l’alcool à un « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles », que cette disposition prévoit, s’oppose à ce qu’une boisson alcoolisée qui, telle la bière, n’est pas un des produits de la vigne visés à ladite disposition puisse être incorporée à un tel cocktail en tant que « denrée alimentaire sapide », au sens de l’annexe I, point 1, sous b), ii), de ce règlement.

    34

    Il importe de souligner que l’annexe I, point 1, du règlement no 251/2014 énumère les ingrédients qui sont autorisés pour l’« aromatisation » des trois catégories de produits vinicoles aromatisés visés à l’article 3 de ce règlement. Parmi ces ingrédients figurent, pour chacune de ces catégories, conformément à l’annexe I, point 1, sous a) et b), dudit règlement, « les herbes aromatiques et/ou épices et/ou denrées alimentaires sapides ».

    35

    Le règlement no 251/2014 ne fournissant aucune définition d’une « denrée alimentaire sapide », il ne saurait être exclu, ainsi que l’admet la Commission, qu’une boisson alcoolisée soit susceptible de constituer un aliment sapide.

    36

    Toutefois, il serait contraire à la lettre, à l’économie et aux objectifs poursuivis par le règlement no 251/2014 que l’adjonction d’une boisson alcoolisée, telle la bière, à un « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles », qui est interdite en vertu de l’article 3, paragraphe 4, sous c), de ce règlement, puisse, en définitive, être autorisée, en application de l’annexe I, point 1, sous b), ii), dudit règlement, au motif qu’une telle boisson alcoolisée est susceptible de constituer une denrée alimentaire sapide.

    37

    Interpréter différemment les dispositions du règlement no 251/2014 priverait l’interdiction énoncée à son article 3, paragraphe 4, sous c), de tout effet utile et nuirait à l’objectif poursuivi par ce règlement, tel que rappelé au point 15 du présent arrêt, qui consiste à assurer aux consommateurs un niveau élevé de protection, notamment, par une information appropriée et par la prévention de pratiques de nature à les induire en erreur.

    38

    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 3, paragraphe 4, sous c), du règlement no 251/2014 doit être interprété en ce sens que l’interdiction d’adjoindre de l’alcool à un « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles », prévue à cette disposition, s’oppose à ce qu’une boisson alcoolisée qui, telle la bière, n’est pas un des produits de la vigne visés à ladite disposition puisse être incorporée à un tel cocktail en tant que « denrée alimentaire sapide », au sens de l’annexe I, point 1, sous b), ii), de ce règlement.

    Sur les dépens

    39

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

     

    1)

    L’article 3, paragraphe 4, sous c), du règlement (UE) no 251/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés et abrogeant le règlement (CEE) no 1601/91 du Conseil, tel que modifié par le règlement (UE) 2021/2117 du Parlement européen et du Conseil, du 2 décembre 2021,

    doit être interprété en ce sens que :

    la notion d’« alcool », au sens de cette disposition, qui ne peut être ajouté à une boisson portant la dénomination « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles », comprend une boisson alcoolisée qui, telle la bière, n’est pas un produit de la vigne, au sens de l’article 3, paragraphe 4, sous a), de ce règlement, indépendamment de la circonstance que l’adjonction d’une telle boisson alcoolisée ne conduit pas à augmenter le titre alcoométrique d’un tel cocktail par rapport à celui du ou des produits de la vigne visés à cette dernière disposition.

     

    2)

    L’article 3, paragraphe 4, sous c), du règlement no 251/2014, tel que modifié par le règlement 2021/2117,

    doit être interprété en ce sens que :

    l’interdiction d’adjoindre de l’alcool à un « cocktail aromatisé de produits vitivinicoles », prévue à cette disposition, s’oppose à ce qu’une boisson alcoolisée qui, telle la bière, n’est pas un des produits de la vigne visés à ladite disposition puisse être incorporée à un tel cocktail en tant que « denrée alimentaire sapide », au sens de l’annexe I, point 1, sous b), ii), de ce règlement.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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