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Document 62022CJ0085

    Arrêt de la Cour (septième chambre) du 20 juin 2024.
    Commission européenne contre République de Bulgarie.
    Manquement d’État – Environnement – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Article 4, paragraphe 4, et article 6, paragraphe 1 – Défaut de désignation de zones spéciales de conservation, d’objectifs de conservation et de mesures de conservation.
    Affaire C-85/22.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2024:535

     ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

    20 juin 2024 ( *1 )

    Table des matières

     

    I. Le cadre juridique

     

    A. Le droit de l’Union

     

    B. Le droit bulgare

     

    II. La procédure précontentieuse

     

    III. La procédure devant la Cour

     

    IV. Sur le recours

     

    A. Sur le premier grief, tiré de l’absence de désignation des zones spéciales de conservation

     

    1. Argumentation des parties

     

    2. Appréciation de la Cour

     

    B. Sur le deuxième grief, tiré de l’absence de fixation des objectifs de conservation détaillés et spécifiques aux zones spéciales de conservation

     

    1. Argumentation des parties

     

    2. Appréciation de la Cour

     

    C. Sur le troisième grief, tiré de l’absence d’établissement des mesures de conservation nécessaires

     

    1. Argumentation des parties

     

    2. Appréciation de la Cour

     

    D. Sur le quatrième grief, tiré de la transposition incorrecte dans le droit national de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats »

     

    1. Argumentation des parties

     

    2. Appréciation de la Cour

     

    Sur les dépens

    « Manquement d’État – Environnement – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Article 4, paragraphe 4, et article 6, paragraphe 1 – Défaut de désignation de zones spéciales de conservation, d’objectifs de conservation et de mesures de conservation »

    Dans l’affaire C‑85/22,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 8 février 2022,

    Commission européenne, représentée par M. C. Hermes et Mme G. Koleva , en qualité d’agents,

    partie requérante,

    contre

    République de Bulgarie, représentée initialement par Mmes T. Mitova, E. Petranova et L. Zaharieva, puis par Mmes T. Mitova et L. Zaharieva, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,

    avocate générale : Mme T. Ćapeta,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), telle que modifiée par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013 (JO 2013, L 158, p. 193) (ci‑après la « directive “habitats” ») :

    en ne désignant pas comme zones spéciales de conservation le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans 194 des 229 sites d’importance communautaire inscrits sur les listes établies par la décision 2009/91/CE de la Commission, du 12 décembre 2008, adoptant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil, une deuxième liste actualisée des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique alpine (JO 2009, L 43, p. 21), par la décision 2009/92/CE de la Commission, du 12 décembre 2008, adoptant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil, la liste initiale des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique de la mer Noire (JO 2009, L 43, p. 59), par la décision 2009/93/CЕ de la Commission, du 12 décembre 2008, adoptant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil, une deuxième liste actualisée des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique continentale (JO 2009, L 43, p. 63), ainsi que par la décision d’exécution 2013/23/UE de la Commission, du 16 novembre 2012, arrêtant une sixième liste actualisée des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique continentale (JO 2013, L 24, p. 58) (ci-après, ensemble, les « sites d’importance communautaire en cause ») ;

    en omettant, de manière systématique et persistante, de fixer des objectifs de conservation détaillés et spécifiques aux zones spéciales de conservation en cause ;

    en omettant, de manière systématique et persistante, d’établir les mesures de conservation nécessaires répondant aux exigences écologiques des types d’habitats naturels visés à l’annexe I de la directive « habitats » et des espèces visées à l’annexe II de cette directive, et

    en ne transposant pas correctement dans le droit national l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

    I. Le cadre juridique

    A.   Le droit de l’Union

    2

    Les troisième et huitième considérants de la directive « habitats » énoncent :

    « considérant que le but principal de la présente directive étant de favoriser le maintien de la biodiversité, tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales, elle contribue à l’objectif général, d’un développement durable ; que le maintien de cette biodiversité peut, dans certains cas, requérir le maintien, voire l’encouragement, d’activités humaines ;

    [...]

    considérant qu’il convient, dans chaque zone désignée, de mettre en œuvre les mesures nécessaires eu égard aux objectifs de conservation visés ».

    3

    L’article 3, paragraphes 1 et 2, de cette directive prévoit :

    « 1.   Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé “Natura 2000”, est constitué. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I et des habitats des espèces figurant à l’annexe II, doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle.

    Le réseau Natura 2000 comprend également les zones de protection spéciale classées par les États membres en vertu des dispositions de la directive 79/409/CEE [du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 1979, L 103, p. 1)].

    2.   Chaque État membre contribue à la constitution de Natura 2000 en fonction de la représentation, sur son territoire, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces visés au paragraphe 1. Il désigne à cet effet, conformément à l’article 4, des sites en tant que zones spéciales de conservation, et tenant compte des objectifs visés au paragraphe 1. »

    4

    L’article 4 de ladite directive dispose :

    « 1.   Sur la base des critères établis à l’annexe III (étape 1) et des informations scientifiques pertinentes, chaque État membre propose une liste de sites indiquant les types d’habitats naturels de l’annexe I et les espèces indigènes de l’annexe II qu’ils abritent. Pour les espèces animales qui occupent de vastes territoires, ces sites correspondent aux lieux, au sein de l’aire de répartition naturelle de ces espèces, qui présentent les éléments physiques ou biologiques essentiels à leur vie et reproduction. Pour les espèces aquatiques qui occupent de vastes territoires, ces sites ne sont proposés que s’il est possible de déterminer clairement une zone qui présente les éléments physiques et biologiques essentiels à leur vie et reproduction. Les États membres suggèrent, le cas échéant, l’adaptation de cette liste à la lumière des résultats de la surveillance visée à l’article 11.

    La liste est transmise à la Commission, dans les trois ans suivant la notification de la présente directive, en même temps que les informations relatives à chaque site. Ces informations comprennent une carte du site, son appellation, sa localisation, son étendue ainsi que les données résultant de l’application des critères spécifiés à l’annexe III (étape 1) et sont fournies sur la base d’un formulaire établi par la Commission selon la procédure visée à l’article 21.

    2.   Sur la base des critères établis à l’annexe III (étape 2) et dans le cadre de chacune des neuf régions biogéographiques mentionnées à l’article 1er, point c), iii), et de l’ensemble du territoire visé à l’article 2, paragraphe 1, la Commission établit, en accord avec chacun des États membres, un projet de liste des sites d’importance communautaire, à partir des listes des États membres, faisant apparaître les sites qui abritent un ou plusieurs types d’habitats naturels prioritaires ou une ou plusieurs espèces prioritaires.

    Les États membres dont les sites abritant un ou plusieurs types d’habitats naturels prioritaires et une ou plusieurs espèces prioritaires représentent plus de 5 % du territoire national peuvent, en accord avec la Commission, demander que les critères énumérés à l’annexe III (étape 2) soient appliqués d’une manière plus souple en vue de la sélection de la totalité des sites d’importance communautaire sur leur territoire.

    La liste des sites sélectionnés comme sites d’importance communautaire, faisant apparaître les sites abritant un ou plusieurs types d’habitats naturels prioritaires ou une ou plusieurs espèces prioritaires, est arrêtée par la Commission selon la procédure visée à l’article 21.

    3.   La liste mentionnée au paragraphe 2 est établie dans un délai de six ans après la notification de la présente directive.

    4.   Une fois qu’un site d’importance communautaire a été retenu en vertu de la procédure prévue au paragraphe 2, l’État membre concerné désigne ce site comme zone spéciale de conservation le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans en établissant les priorités en fonction de l’importance des sites pour le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, d’un type d’habitat naturel de l’annexe I ou d’une espèce de l’annexe II et pour la cohérence de Natura 2000, ainsi qu’en fonction des menaces de dégradation ou de destruction qui pèsent sur eux.

    5.   Dès qu’un site est inscrit sur la liste visée au paragraphe 2, troisième alinéa, il est soumis aux dispositions de l’article 6, paragraphes 2, 3 et 4. »

    5

    Aux termes de l’article 6, paragraphes 1 à 3, de la même directive :

    « 1.   Pour les zones spéciales de conservation, les États membres établissent les mesures de conservation nécessaires impliquant, le cas échéant, des plans de gestion appropriés spécifiques aux sites ou intégrés dans d’autres plans d’aménagement et les mesures réglementaires, administratives ou contractuelles appropriées, qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels de l’annexe I et des espèces de l’annexe II présents sur les sites.

    2.   Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

    3.   Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public. »

    B.   Le droit bulgare

    6

    L’article 8 du Zakon za biologichnoto raznoobrazie (loi sur la diversité biologique) (DV no 77, du 9 août 2002), dans sa version applicable aux faits de l’espèce (ci-après la « ZBR »), prévoit :

    « (1)   Le ministère de l’Environnement et des Eaux assure l’étude, l’évaluation et l’élaboration des documents concernant les sites visés à l’article 7, lesquels contiennent :

    1.

    la dénomination ;

    2.

    l’objet et les objectifs de conservation du site protégé ;

    4.

    des formulaires standard remplis contenant des données et évaluations ;

    5.

    du matériel cartographique et un relevé des coordonnées des limites du site protégé.

    (2)   Des propositions de sites-objets d’étude en vertu du paragraphe 1 peuvent être formulées par des organes nationaux et des organisations publiques et scientifiques.

    (3)   Le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts, l’agence exécutive des forêts, l’agence de géodésie, de cartographie et du cadastre ainsi que les communes mettent à la disposition du ministère de l’Environnement et des Eaux les données visées au paragraphe 1, point 5, contre défraiement des seules dépenses effectuées pour des copies de la documentation correspondante.

    (4)   Le ministère de l’Environnement et des Eaux informe le public et les organisations chargées d’effectuer l’étude prévue au paragraphe 2 du début de celle-ci par une annonce publiée sur son site Internet et, au moins, dans un quotidien. »

    7

    L’article 12 de la ZBR dispose :

    « (1)   Le ministère de l’Environnement et des Eaux élabore un projet d’ordonnance pour la désignation de chaque site protégé figurant sur la liste visée à l’article 10, paragraphe 4.

    (2)   Le projet d’ordonnance visé au paragraphe 1 indique :

    1.

    le fondement de son adoption ;

    2.

    la dénomination et la localisation du site protégé ;

    3.

    l’objet et les objectifs du site protégé ;

    4.

    la superficie totale, ainsi qu’une description des biens compris dans le site protégé et/ou un relevé des coordonnées des limites du site protégé ;

    5.

    les interdictions ou restrictions d’activités contraires aux objectifs de conservation du site protégé.

    (3)   Le ministère de l’Environnement et des Eaux informe le public du projet d’ordonnance élaboré, par une annonce publiée, au moins, dans un quotidien et sur son site Internet. L’annonce indique où et dans quelles conditions le texte du projet d’ordonnance peut être consulté dans son intégralité.

    (4)   Le texte intégral du projet d’ordonnance est publié sur le site Internet du ministère de l’Environnement et des Eaux et est accessible dans les bâtiments administratifs des inspections régionales de l’environnement et des eaux territorialement compétentes pour le site protégé.

    (5)   Dans un délai d’un mois à compter de l’annonce visée au paragraphe 3, les personnes intéressées peuvent présenter par écrit au ministre de l’Environnement et des Eaux des avis, réserves et propositions sur le projet d’ordonnance, concernant uniquement les interdictions ou restrictions visées au paragraphe 2, point 5.

    (6)   Dans un délai d’un mois après l’expiration du délai prévu au paragraphe 5, le ministre de l’Environnement et des Eaux prend une décision définitive à l’égard des avis, réserves et propositions émis et délivre une ordonnance de désignation du site protégé concerné.

    (7)   L’ordonnance visée au paragraphe 6 est définitive et n’est pas susceptible de recours. »

    8

    Aux termes de l’article 19 de la ZBR :

    « (1)   Lorsqu’il existe un risque de dégradation des sites inscrits sur la liste visée à l’article 10, paragraphe 2, avant leur désignation comme zones de conservation, le ministre de l’Environnement et des Eaux interdit ou restreint, par ordonnance publiée au Journal officiel, des activités spécifiques sur ces sites pour une durée n’excédant pas deux ans, sauf sur les sites mis à la disposition de la défense nationale et des forces armées.

    (2)   Un recours contre l’ordonnance visée au paragraphe 1 ne suspend pas son exécution. »

    9

    L’article 27 de la ZBR est libellé comme suit :

    « Des plans de gestion peuvent être élaborés pour les zones de conservation visées à l’article 3, paragraphe 1, point 1. »

    10

    L’article 29 de la ZBR prévoit :

    « (1)   Les plans de gestion visés à l’article 27 prévoient des mesures visant à éviter la détérioration des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces, ainsi que la mise en danger et la perturbation des espèces pour la conservation desquelles les zones correspondantes ont été désignées.

    (2)   Les mesures visées au paragraphe 1 incluent :

    1.

    une interdiction ou restriction des activités contraires aux exigences de conservation des sites protégés concernés ;

    2.

    des activités de prévention visant à éviter des événements défavorables prévisibles ;

    3.

    des activités de soutien, d’orientation et de régulation ;

    4.

    le rétablissement d’habitats naturels et d’habitats d’espèces ou de populations d’espèces de faune et de flore ;

    5.

    la réalisation de recherches scientifiques, d’activités éducatives et de suivi.

    (3)   Lors de l’établissement des mesures visées au paragraphe 2, les éléments suivants sont pris en compte dans la mesure du possible :

    1.

    les particularités régionales et locales, à l’exception de celles relatives à la conservation de la biodiversité, ainsi que les exigences de la société ;

    2.

    l’utilisation durable des ressources renouvelables.

    (4)   Dans les zones protégées pour lesquelles un cofinancement est prévu en vertu de l’article 10, paragraphe 6, et pour lesquelles des mesures ont été définies en vertu du paragraphe 1, mais ont vu leur exécution différée en raison d’un retard dans le cofinancement, aucune nouvelle mesure susceptible d’entraîner la dégradation de la zone protégée concernée n’est appliquée. »

    11

    L’article 30 de la ZBR dispose :

    « (1)   Les plans d’aménagement, les plans régionaux de développement des zones forestières, les plans et programmes forestiers, les programmes nationaux et régionaux élaborés en vertu d’autres lois doivent être conformes aux ordonnances visées à l’article 12, paragraphe 6, à l’article 16, paragraphe 4, et aux mesures visées à l’article 29.

    (2)   Afin de veiller aux liens entre zones de conservation, les plans et projets visés au paragraphe 1 comprennent des mesures et des actions de protection des éléments paysagers qui, sur la base de leur structure linéaire et continue ou d’une fonction de liaison, sont importants pour la migration, la distribution géographique et l’échange génétique des populations et des espèces végétales et animales. »

    12

    Aux termes de l’article 35 de la ZBR :

    « Les espèces végétales, animales et fongiques de la flore, de la faune et du mycète sauvages de la République de Bulgarie sont protégées dans leur milieu naturel par :

    1.

    la conservation de leurs habitats dans le réseau écologique national ;

    2.

    le placement de l’espèce sous un régime de protection ou d’utilisation réglementée ;

    3.

    le maintien ou le rétablissement des conditions de l’habitat conformément aux exigences écologiques des espèces concernées ;

    4.

    l’élaboration et la mise en œuvre de plans d’action pour des espèces présentant des niveaux de menace différents ;

    5.

    la réintroduction d’espèces disparues et la reconstitution des populations d’espèces rares et menacées ;

    6.

    le contrôle et la réglementation des espèces non indigènes qui sont ou pourraient être introduites intentionnellement ou accidentellement dans la nature et qui menacent les espèces indigènes. »

    13

    L’article 115 de la ZBR est libellé comme suit :

    « (1)   Le ministre de l’Environnement et des Eaux :

    1.

    met en œuvre la politique de l’État en matière de protection et de maintien de la biodiversité ;

    [...]

    4.

    met en place et gère le réseau écologique national ;

    [...]

    6.

    coordonne les activités des autres ministères, départements, municipalités, organisations publiques, instituts scientifiques et universitaires en matière de conservation de la biodiversité ;

    7.

    organise le contrôle des activités des propriétaires ou des utilisateurs des terres, des zones forestières et des masses d’eau incluses dans le réseau écologique national ;

    [...]

    9.

    élabore et met en œuvre des mécanismes visant à encourager les activités des propriétaires ou des utilisateurs, des organisations non gouvernementales, des associations et autres visant à la conservation, au maintien et au rétablissement de la biodiversité ;

    [...] »

    14

    L’article 118, paragraphe 1, de la ZBR prévoit :

    « Le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts, le ministère du Développement régional et des Travaux publics et les autres organes nationaux et leurs subdivisions, ainsi que les communes, dans le cadre de leurs compétences respectives :

    1.

    réalisent des actions de conservation de la biodiversité ;

    2.

    intègrent la conservation de la biodiversité et la gestion durable des ressources biologiques dans l’ensemble des plans, projets, programmes, politiques et stratégies dans le secteur correspondant, en y incluant avant tout des activités de conservation de la biodiversité, en conformité avec les priorités établies par la présente loi, la stratégie nationale et le plan national de conservation de la biodiversité ;

    [...] »

    15

    L’article 119, paragraphe 1, de la ZBR dispose :

    « Le ministère de l’Environnement et des Eaux, le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Forêts, les municipalités ainsi que les personnes physiques et morales – propriétaires et utilisateurs des territoires forestiers, des terres et des masses d’eau du réseau écologique national, veillent à leur gestion et à leur protection conformément aux dispositions de la présente loi et des autres lois spéciales. »

    II. La procédure précontentieuse

    16

    Par les décisions 2009/91, 2009/92 et 2009/93 ainsi que par la décision d’exécution 2013/23, la Commission a établi des listes de sites d’importance communautaire pour les régions biogéographiques alpine, de la mer Noire et continentale. Ces listes ont été actualisées par la décision d’exécution (UE) 2015/2375 de la Commission, du 26 novembre 2015, arrêtant une troisième actualisation de la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique de la mer Noire (JO 2015, L 338, p. 938), ainsi que par la décision d’exécution (UE) 2018/43 de la Commission, du 12 décembre 2017, arrêtant la onzième actualisation de la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique continentale (JO 2018, L 15, p. 397).

    17

    Le délai de six ans pour la désignation de ces sites en tant que zones spéciales de conservation, conformément à l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats », a expiré le 12 décembre 2014 pour les sites visés par les décisions 2009/91, 2009/92 et 2009/93, ainsi que le 16 novembre 2018 pour ceux visés par la décision d’exécution 2013/23.

    18

    Par lettre du 5 octobre 2016, la Commission a invité la République de Bulgarie à lui communiquer les mesures prises aux fins de la désignation des sites d’importance communautaire en tant que zones spéciales de conservation, conformément à cet article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats », et de l’adoption des mesures de conservation nécessaires conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive.

    19

    Eu égard à la réponse de la République de Bulgarie du 14 décembre 2016, la Commission a estimé que cet État membre avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdites dispositions et lui a adressé, le 25 janvier 2019, une lettre de mise en demeure.

    20

    Dans leur réponse à cette lettre de mise en demeure, datée du 21 mai 2019, les autorités bulgares ont présenté en détail la nouvelle approche adoptée pour la gestion des zones protégées dans le cadre de Natura 2000. À cet égard, ces autorités ont indiqué qu’un document était en cours d’élaboration en vue de déterminer une méthode pour la fixation des objectifs de conservation de ces zones.

    21

    Le 18 mai 2020, ces autorités ont informé la Commission notamment de l’avancée de l’élaboration dudit document et de la désignation des zones spéciales de conservation.

    22

    Après avoir examiné ces informations fournies par la République de Bulgarie, la Commission a émis un avis motivé, en application de l’article 258, premier alinéa, TFUE, reçu par cet État membre le 2 juillet 2020, en l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à la directive « habitats ». Dans cet avis motivé, la Commission faisait grief audit État membre d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive :

    en ce qu’il n’a pas désigné, dans le délai prévu, 207 des 229 sites d’importance communautaire en cause en tant que zones spéciales de conservation ;

    en ce qu’il a omis, de manière systématique et persistante, de fixer des objectifs de conservation détaillés et spécifiques aux zones spéciales de conservation en cause ;

    en ce qu’il a omis, de manière systématique et persistante, d’établir les mesures de conservation nécessaires répondant aux exigences écologiques des types d’habitats naturels visés à l’annexe I de la directive « habitats » et des espèces naturelles visées à l’annexe II de cette directive, et

    en ce qu’il n’a pas correctement transposé dans le droit bulgare l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

    23

    Le délai pour se conformer à l’avis motivé était fixé au 2 octobre 2020.

    24

    Par lettre du 29 septembre 2020, la République de Bulgarie a répondu à cet avis motivé.

    25

    Estimant, après avoir analysé cette réponse des autorités bulgares ainsi que les autres informations disponibles, que la République de Bulgarie n’avait pas pris les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », la Commission a, le 8 février 2022, introduit le présent recours.

    III. La procédure devant la Cour

    26

    Par une décision du président de la Cour du 21 février 2023, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑116/22, EU:C:2023:687).

    27

    Par décision du président de la Cour du 27 septembre 2023, la procédure a repris dans la présente affaire.

    28

    Par lettre du 1er décembre 2023, la Cour a invité la République de Bulgarie et la Commission à se prononcer sur l’incidence, sur la présente affaire, des arrêts du 29 juin 2023, Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑444/21, EU:C:2023:524), et du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑116/22, EU:C:2023:687).

    29

    En réponse à cette lettre, la Commission a indiqué, par lettre du 15 décembre 2023, que, dans sa requête, elle avait rappelé les exigences de spécificité et de précision des objectifs de conservation en ce qu’ils doivent, premièrement, être spécifiques à la zone spéciale de conservation concernée, deuxièmement, couvrir toutes les espèces et tous les types d’habitats d’importance communautaire, troisièmement, identifier clairement les différents types d’habitats et d’espèces concernés, quatrièmement, désigner clairement l’état que doivent atteindre le type d’habitats et les espèces de la zone en cause et, cinquièmement, être quantifiables et mesurables.

    30

    De l’avis de la Commission, l’arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑116/22, EU:C:2023:687), serait sans pertinence pour la présente affaire en ce qu’il n’apporte pas de précisions en ce qui concerne ces exigences de spécificité et de précision desdits objectifs de conservation.

    31

    S’agissant de l’exigence tenant au caractère quantifiable et mesurable des objectifs de conservation, la Commission a rappelé que, dans sa requête, elle avait considéré que les objectifs de conservation établis par la République de Bulgarie dans 11 ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation adoptées au cours de la période allant de l’année 2015 à l’année 2019 ainsi que dans 25 ordonnances de désignation de telles zones adoptées au cours de l’année 2020 n’étaient pas spécifiques aux zones spéciales de conservation concernées ni suffisamment précis, en raison du fait qu’ils n’étaient ni quantifiables ni mesurables, mais également du fait qu’ils ne répondaient pas à d’autres exigences en matière de spécificité, requises par la Cour.

    32

    La Commission a ajouté que, à l’appui du grief tiré de l’absence de fixation, de manière systématique et persistante, par la République de Bulgarie, des objectifs de conservation ainsi que des mesures de conservation, en méconnaissance, respectivement, de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », elle avait fourni des exemples représentatifs, étant donné que la requête visait tous les objectifs de conservation ainsi que l’ensemble des mesures de conservation que la République de Bulgarie avait définis et adoptés à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.

    33

    La Commission a conclu que son interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », dont elle a fait état dans le cadre du quatrième grief, était conforme aux arrêts du 29 juin 2023, Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑444/21, EU:C:2023:524), et du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑116/22, EU:C:2023:687).

    34

    Par lettre du 18 décembre 2023, la République de Bulgarie a soutenu que, s’agissant de la désignation des zones spéciales de conservation, elle n’était pas en mesure de comparer la protection accordée, d’une part, par la réglementation bulgare aux sites d’importance communautaire en cause et, d’autre part, par les réglementations nationales visées par les arrêts du 29 juin 2023, Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑444/21, EU:C:2023:524), et du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑116/22, EU:C:2023:687).

    35

    Elle a cependant indiqué que les exigences prévues à l’article 4, paragraphe 4, et à l’article 6 de la directive « habitats » sont de facto mises en œuvre, conformément à la réglementation bulgare, pour tous les sites d’importance communautaire en cause.

    36

    S’agissant de la fixation des objectifs de conservation, la République de Bulgarie a considéré que, à la différence des parties défenderesses dans les affaires ayant donné lieu auxdits arrêts, elle avait soutenu au cours de la phase écrite de la procédure que, dans son cas, des objectifs de conservation avaient été fixés dans les délais à l’égard de toutes les zones spéciales de conservation en cause.

    37

    Elle a précisé que, au regard des arrêts du 29 juin 2023, Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑444/21, EU:C:2023:524), et du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation) (C‑116/22, EU:C:2023:687), l’approche de la Commission concernant la manière de fixer lesdits objectifs de conservation est, selon elle, trop formelle dans la mesure où elle ne tient pas compte de la diversité des espèces et des habitats ainsi que des circonstances propres à chaque État membre.

    38

    Quant à la désignation des mesures de conservation, la République de Bulgarie a souligné qu’elle avait adopté des mesures spécifiques, y compris des mesures actives, visant des groupes d’espèces et d’habitats spécifiques, tout en soumettant les documents pertinents à cet égard.

    39

    Or, la Commission n’aurait pas formulé d’observations concernant lesdits documents, tout en affirmant de manière générale que la pratique de la République de Bulgarie n’est pas conforme à la directive « habitats » sans toutefois étayer cette affirmation par des preuves concrètes.

    IV. Sur le recours

    A.   Sur le premier grief, tiré de l’absence de désignation des zones spéciales de conservation

    1. Argumentation des parties

    40

    Dans sa requête, la Commission reproche à la République de Bulgarie d’avoir violé les obligations lui incombant en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats », en omettant de désigner, en tant que zones spéciales de conservation, 194 des 229 sites d’importance communautaire en cause, avant le 12 décembre 2014 pour les sites visés par les décisions 2009/91, 2009/92 et 2009/93, ainsi qu’avant le 16 novembre 2018 pour ceux visés par la décision d’exécution 2013/23.

    41

    La Commission soutient que le délai de six ans dont disposent les États membres pour se conformer aux exigences de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » est suffisamment long pour qu’ils soient en mesure d’adopter les mesures nationales efficaces permettant de gérer le réseau Natura 2000 et de déterminer les compétences des autorités nationales et régionales à cet égard.

    42

    Avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 2 octobre 2020, la République de Bulgarie aurait désigné en tant que zones spéciales de conservation seulement 35 des 229 sites d’importance communautaire en cause. 150 sites supplémentaires auraient été désignés comme zones spéciales de conservation par ordonnances publiées postérieurement à ce délai, de sorte que le nombre de sites restant encore à désigner en tant que zones spéciales de conservation serait de 44.

    43

    Dans son mémoire en défense, la République de Bulgarie rétorque que le ministre de l’Environnement et des Eaux a adopté, avant le 31 mars 2021, les ordonnances de désignation de toutes les zones spéciales de conservation non désignées jusqu’alors, pour lesquelles aucune adaptation des limites spatiales n’était nécessaire. La République de Bulgarie admet cependant que, à ce jour, des ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation n’ont pas encore été adoptées pour 44 des sites faisant l’objet de la présente affaire, les limites spatiales de ces zones devant être modifiées après la découverte d’inexactitudes au regard de leurs objectifs de conservation.

    44

    La République de Bulgarie ajoute que la législation nationale prévoit des mécanismes appropriés de protection préventive pour la période précédant la publication officielle des ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation. Ainsi, cet État membre indique, à titre d’exemple, que, conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la ZBR, la documentation de chaque site proposé pour être désigné en tant que zone spéciale de conservation devrait contenir le nom, l’objet et les objectifs de conservation pour la zone en cause, le formulaire standard contenant des données et évaluations, le matériel cartographique et le registre des coordonnées des limites spatiales de la zone concernée. En outre, la République de Bulgarie produit des données démontrant l’état satisfaisant, selon elle, de la protection des sites d’importance communautaire en Bulgarie.

    45

    Dans son mémoire en réplique, la Commission souligne, en particulier, que la conservation des sites d’importance communautaire avant leur désignation en tant que zones spéciales de conservation ne dispense pas l’État membre concerné de son obligation, prévue à l’article 4, paragraphe 4, de cette directive, de procéder à une telle désignation.

    46

    Dans sa duplique, la République de Bulgarie reconnaît le retard pris dans la publication officielle des actes administratifs généraux aux fins de la désignation des zones spéciales de conservation, mais soutient que, conformément à la législation nationale, la mise en œuvre des exigences prévues à l’article 4, paragraphe 4, et à l’article 6 de la directive « habitats » a été assurée pour tous les sites d’importance communautaire en cause, l’objet et les objectifs de conservation de ces sites étant définis par la documentation prévue à l’article 8, paragraphe 1, de la ZBR.

    47

    La République de Bulgarie souligne que la charge administrative liée à la désignation des zones spéciales de conservation est plus importante pour les États membres qui, comme la République de Bulgarie, se caractérisent par l’étendue significative du réseau des sites d’importance communautaire au regard de leur territoire national, ainsi que par le nombre important d’espèces et de types d’habitats naturels protégés dans ces sites. En outre, la biodiversité serait mieux protégée au sein desdits États, ceux-ci s’étant davantage conformés à leurs obligations au titre de l’article 4, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

    2. Appréciation de la Cour

    48

    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 2, de la directive « habitats » impose aux États membres de contribuer à la constitution du réseau Natura 2000 en fonction de la représentation, sur leurs territoires respectifs, des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I de cette directive et des habitats des espèces figurant à l’annexe II de ladite directive, ainsi que de désigner, à cet effet, conformément à l’article 4 de la même directive et au terme de la procédure établie par celle-ci, des sites en tant que zones spéciales de conservation [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 26].

    49

    La procédure de désignation des sites d’importance communautaire en tant que zones spéciales de conservation, telle que prévue audit article 4 de la directive « habitats », se déroule en quatre étapes. Selon le paragraphe 1 de cet article, chaque État membre propose une liste de sites indiquant les types d’habitats naturels et les espèces indigènes qu’ils abritent, qu’il transmet à la Commission (première étape). Conformément au paragraphe 2 dudit article, la Commission établit, en accord avec chacun des États membres, un projet de liste des sites d’importance communautaire, à partir des listes établies par les États membres (deuxième étape). Sur la base de ce projet de liste, la Commission arrête la liste des sites sélectionnés (troisième étape). En application du paragraphe 4 du même article, une fois qu’un site d’importance communautaire a été retenu, l’État membre concerné désigne celui-ci en tant que zone spéciale de conservation le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans en établissant les priorités en fonction de l’importance des sites pour le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, d’un type d’habitat naturel ou d’une espèce ainsi que pour la cohérence de Natura 2000 (quatrième étape) [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 27 et jurisprudence citée].

    50

    La République de Bulgarie ne conteste pas ne pas avoir formellement désigné l’ensemble des sites d’importance communautaire en cause en tant que zones spéciales de conservation au terme du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le 2 octobre 2020. Elle invoque cependant le fait que, nonobstant l’absence de cette désignation formelle, la législation nationale applicable prévoit des mécanismes appropriés de protection préventive pour la période précédant la publication officielle des ordonnances de désignation des sites d’importance communautaire en tant que zones spéciales de conservation.

    51

    Il convient de souligner à cet égard qu’un argument similaire a été avancé par plusieurs États membres dans le cadre de recours en manquement qui ont abouti à la condamnation de ces États, à savoir par la République portugaise [arrêt du 5 septembre 2019, Commission/Portugal (Désignation et protection des zones spéciales de conservation), C‑290/18, EU:C:2019:669, points 31, 35 et 37], par l’Irlande [arrêt du 29 juin 2023, Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation), C‑444/21, EU:C:2023:524, points 46 à 56], ainsi que par la République fédérale d’Allemagne [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, points 30 à 37].

    52

    Or, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 32 et jurisprudence citée].

    53

    Le fait que la réglementation nationale d’un État membre accorde une protection aux sites d’importance communautaire n’est pas de nature à dispenser cet État de son obligation spécifique, prévue à l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats », de désigner formellement lesdits sites en tant que zones spéciales de conservation [voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 2023, Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation), C‑444/21, EU:C:2023:524, point 51, ainsi que du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 33].

    54

    En effet, une telle désignation constitue une étape indispensable dans le cadre du régime de la protection des habitats et des espèces prévu par cette directive [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 34 et jurisprudence citée].

    55

    Dans ces conditions, il convient de constater que, en ayant omis de désigner en tant que zones spéciales de conservation, le plus rapidement possible et dans le délai maximal de six ans visé à l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats », 194 des 229 sites d’importance communautaire en cause, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition.

    B.   Sur le deuxième grief, tiré de l’absence de fixation des objectifs de conservation détaillés et spécifiques aux zones spéciales de conservation

    1. Argumentation des parties

    56

    Dans sa requête, la Commission reproche à la République de Bulgarie d’avoir violé les obligations lui incombant en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats », en omettant, de manière systématique et persistante, de fixer des objectifs de conservation suffisamment détaillés et spécifiques à chaque zone spéciale de conservation.

    57

    Cette institution estime que l’obligation de fixer, dans le délai de six ans visé à cette disposition, des objectifs de conservation pour chaque zone spéciale de conservation, qui doivent être spécifiques à chacune de ces zones et aux différents types d’habitats et d’espèces, exhaustifs, quantifiés et mesurables, se fonde sur l’arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Grèce (C‑849/19, EU:C:2020:1047, points 46 à 52).

    58

    La Commission soutient, en particulier, que, au cours de la période allant de l’année 2015 à l’année 2019, la République de Bulgarie a adopté 11 ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation, lesquelles indiqueraient des objectifs de conservation identiques pour chaque zone, formulés de manière trop générale, en violation des exigences issues de l’arrêt mentionné au point précédent.

    59

    Quant aux 25 ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation adoptées au cours de l’année 2020, elles seraient formulées de manière trop générale, se limitant à prévoir la conservation et le maintien des habitats naturels et, le cas échéant, une amélioration de l’état des habitats et/ou des espèces en cause.

    60

    La Commission répond, en outre, à l’argument avancé par la République de Bulgarie au cours de la procédure précontentieuse, selon lequel les objectifs de conservation pour les sites d’importance communautaire qui n’ont pas été désignés en tant que zones spéciales de conservation seraient fixés dans des ordonnances de désignation des zones de protection spéciale, adoptées conformément à la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7), telle que modifiée par la directive 2013/17 (ci-après la « directive “oiseaux” »), les limites spatiales des zones de protection spéciale correspondant à celles des sites d’importance communautaire, ou dans la documentation relative à chaque site d’importance communautaire publiée sur le site Internet du ministère de l’Environnement et des Eaux.

    61

    À cet égard, la Commission constate que les objectifs de conservation des habitats des oiseaux ne sauraient être considérés comme étant spécifiques aux espèces autres que des oiseaux et aux types d’habitats relevant uniquement de la directive « habitats » et que, en tout état de cause, les objectifs de conservation fixés par la République de Bulgarie pour les zones de protection spéciale sont formulés de manière générale et, de ce fait, ne satisfont pas aux exigences tenant au caractère spécifique et détaillé de tels objectifs.

    62

    S’agissant du document portant sur la méthode de fixation des objectifs de conservation des zones protégées dans le cadre de Natura 2000, qui était en cours d’élaboration par les autorités bulgares au stade précontentieux de la procédure, ainsi qu’il est mentionné au point 20 du présent arrêt, la Commission considère que ce document, ayant un caractère « informatif » et « consultatif », ne fixe pas et ne réexamine pas les objectifs de conservation concrets et spécifiques aux sites d’importance communautaire en cause, mais se limite à donner des indications quant à la fixation de futurs objectifs de conservation.

    63

    Dans son mémoire en défense, la République de Bulgarie rétorque que la directive « habitats » ne fixe pas les exigences quant à la spécificité et au caractère mesurable des objectifs de conservation des sites d’importance communautaire.

    64

    À cet égard, le respect du principe général de sécurité juridique s’opposerait à ce que la Commission impose aux États membres des exigences allant au-delà de celles prévues expressément, de manière claire et précise par la directive « habitats ».

    65

    Selon la République de Bulgarie, la Cour, dans son arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Grèce (C‑849/19, EU:C:2020:1047), auquel la Commission fait référence dans sa requête, n’imposerait pas aux États membres de formuler les objectifs de conservation d’une manière quantifiable.

    66

    La République de Bulgarie estime que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, elle n’avait pas soutenu au cours de la procédure précontentieuse que les objectifs de conservation des oiseaux sauvages fixés pour les zones de protection spéciale étaient pertinents en ce qui concerne les sites d’importance communautaire visés par la directive « habitats ». En effet, il en irait ainsi en ce qui concerne non pas les objectifs de conservation mais en ce qui concerne les mesures de conservation.

    67

    En outre, en Bulgarie, les objectifs de conservation des sites d’importance communautaire seraient prévus dans la ZBR et, plus précisément, dans les documents visés à l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci, dans les actes administratifs et dans les documents pertinents à cet égard. De plus, cet État membre aurait transmis à la Commission les formulaires standards dûment remplis visés à cette disposition, contenant les évaluations quantitatives et qualitatives spécifiques aux habitats et aux espèces pour chaque site d’importance communautaire en cause.

    68

    Par ailleurs, le document portant sur la méthode de fixation des objectifs de conservation des zones protégées dans le cadre de Natura 2000, mentionné au point 20 du présent arrêt, serait actuellement publié sur le site Internet du système d’information bulgare relatif aux sites relevant du réseau Natura 2000.

    69

    La République de Bulgarie ajoute que, à partir de la réception de la lettre de mise en demeure de la Commission, elle a adopté plusieurs ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation répondant aux exigences fixées par la Commission. Ces ordonnances prévoiraient les objectifs de conservation spécifiques aux zones spéciales de conservation en cause et les rendraient ainsi contraignants.

    70

    Afin de satisfaire à l’exigence, invoquée par la Commission, de formuler lesdits objectifs de conservation de manière détaillée, il serait nécessaire de disposer des données provenant d’études systématiques couvrant une période de temps significative et démontrant l’évolution de l’état des espèces et les principaux facteurs les affectant. Or, les lacunes dans les connaissances scientifiques accumulées au cours de la période précédant l’année 2007 ne sauraient être comblées à court terme.

    71

    Dans son mémoire en réplique, la Commission fait valoir que les objectifs de conservation formulés de manière trop générale dans la pratique administrative des autorités bulgares ne satisfont pas aux exigences issues de la jurisprudence de la Cour.

    72

    Cette institution soutient que la République de Bulgarie n’a pas démontré, dans son mémoire en défense, que les objectifs de conservation fixés par cette dernière étaient suffisamment précis. En effet, cet État membre se serait limité à citer de nombreux actes reproduits dans les annexes de son mémoire en défense. Or, il n’incomberait ni à la Commission ni à la Cour d’examiner de telles annexes dès lors que leur contenu n’est pas exposé à suffisance dans le mémoire en défense.

    73

    S’agissant des formulaires standards présentés par la République de Bulgarie, tels que mentionnés au point 67 du présent arrêt, la Commission soutient qu’ils contiennent une description de l’état réel des zones spéciales de conservation en cause sans toutefois préciser l’état que doivent atteindre les espèces et les types d’habitats dans ces zones. Dès lors, lesdits formulaires ne sauraient pallier les objectifs de conservation pour ces zones qu’un État membre est tenu de fixer.

    74

    En ce qui concerne l’absence de connaissances scientifiques suffisantes qui ne pourraient être comblées à court terme, invoquée par la République de Bulgarie, la Commission rappelle, en citant l’arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien) (C‑261/18, EU:C:2019:955, point 89), que les États membres ne sauraient exciper de dispositions, de pratiques ou de situations de leur ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union.

    75

    La Commission reconnaît que les processus naturels dynamiques dans les zones spéciales de conservation en cause peuvent parfois exiger l’adaptation des objectifs de conservation ainsi que des mesures de conservation pour ces zones. Toutefois, les États membres ne pourraient pas éviter de procéder à de telles adaptations en se contentant de définir des objectifs de conservation très généraux.

    76

    Dans sa duplique, la République de Bulgarie souligne que les objectifs généraux des sites du réseau Natura 2000 sont déjà prévus à l’article 5 de la ZBR, lequel dispose que les zones spéciales de conservation sont destinées à la protection ou au rétablissement de l’état favorable des habitats naturels que ces zones abritent, ainsi que des espèces dans leur aire naturelle de répartition.

    77

    S’agissant des objectifs de conservation spécifiés dans les ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation, cet État membre présente, à titre d’exemple, les objectifs prévus dans l’ordonnance de désignation de la zone « BG0000119 “Trite bratiya” ».

    78

    La République de Bulgarie estime que les exigences de la Commission quant au caractère spécifique et détaillé des objectifs de conservation sont excessives, dans la mesure où le rétablissement du statut des types d’habitats naturels et des espèces est un processus complexe et dynamique, qui nécessite des ressources importantes et un suivi durable.

    2. Appréciation de la Cour

    79

    À titre liminaire, il importe de rappeler que, si le libellé de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » ne mentionne pas expressément l’obligation de fixer des objectifs de conservation, cette disposition exige, toutefois, que les autorités compétentes de l’État membre concerné, lors de la désignation de la zone spéciale de conservation, établissent les priorités en fonction de l’importance des sites pour le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, d’un type d’habitat. Or, établir ces priorités implique que ces objectifs de conservation aient été préalablement fixés [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 105 et jurisprudence citée].

    80

    Pour être considérés comme étant des « objectifs de conservation », au sens de la directive « habitats », les objectifs fixés ne doivent pas être énoncés de façon générale, mais doivent être spécifiques et précis [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, points 107 et 114 ainsi que jurisprudence citée].

    81

    Les objectifs de conservation doivent, par conséquent, être établis au regard d’informations fondées sur un examen scientifique de la situation des espèces et de leurs habitats sur un site en cause. En effet, dès lors que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive « habitats », lors de la procédure de désignation des sites en tant que zones spéciales de conservation, les sites proposés par les États membres doivent l’être sur la base des critères établis à l’annexe III de cette directive et des informations scientifiques pertinentes, de telles informations sont également à même de garantir la spécificité et la précision des objectifs de conservation [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 115].

    82

    En outre, si les objectifs de conservation fixés par un État membre doivent permettre de vérifier si les mesures de conservation fondées sur ceux-ci sont aptes à atteindre l’état de conservation souhaité du site en cause, il n’en demeure pas moins que la nécessité de formuler ces objectifs de manière quantitative et mesurable doit être examinée dans chaque cas concret et ne saurait être reconnue comme étant une obligation générale pour les États membres [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 116].

    83

    En effet, l’approche quantitative et mesurable de la détermination des objectifs de conservation peut s’avérer mal adaptée à certains habitats complexes et à certaines zones de conservation à caractère dynamique, dont les éléments varient de manière considérable en fonction des facteurs externes de l’environnement ou interagissent de manière importante avec les autres habitats et zones de conservation [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 117].

    84

    Partant, il incombe, en principe, à la Commission d’apporter la preuve que, dans chaque cas concret, l’État membre concerné est tenu de formuler les objectifs de conservation de manière quantitative et mesurable afin d’assurer l’état de conservation souhaité du site en cause [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 118].

    85

    Par ailleurs, eu égard à l’obligation qui lui incombe de prouver le manquement allégué, la Commission ne saurait, sous couvert de reprocher à l’État membre concerné un manquement général et persistant aux obligations auxquelles ce dernier est tenu en vertu du droit de l’Union, se dispenser de respecter cette obligation de rapporter la preuve du manquement reproché sur la base d’éléments concrets caractérisant la violation des dispositions spécifiques qu’elle invoque et se fonder sur de simples présomptions ou des causalités schématiques [arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 112 et jurisprudence citée].

    86

    En l’occurrence, la Commission a certes présenté des exemples concrets d’ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation dans lesquelles les objectifs de conservation des habitats et des espèces en cause n’apparaissent pas comme étant formulés de manière suffisamment détaillée et spécifique aux zones spéciales de conservation en cause.

    87

    Cela étant, d’une part, ces exemples n’ont été présentés par la Commission qu’afin d’illustrer la pratique générale et structurelle de la République de Bulgarie, laquelle serait, selon cette institution, contraire à l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats ».

    88

    Or, dans les conclusions de sa requête, la Commission n’a pas demandé à la Cour de constater que la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition en raison de l’absence de fixation des objectifs de conservation de manière détaillée et spécifique, quantitative et mesurable en ce qui concerne les habitats et les espèces présents sur les sites visés par les ordonnances mentionnées par cette institution à titre illustratif dans la requête.

    89

    D’autre part, le présent recours porte sur un grand nombre de sites d’importance communautaire situés dans les régions biogéographiques alpine, de la mer Noire et continentale, lesquelles se caractérisent par une diversité importante des espèces et des habitats.

    90

    Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence de la Cour, il incombait à la Commission de démontrer que les exemples qu’elle a présentés au soutien du grief tendant à faire constater un manquement général et structurel aux obligations découlant de la directive « habitats », sont représentatifs pour l’ensemble des sites d’importance communautaire en cause [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 124 et jurisprudence citée].

    91

    En l’occurrence, force est de constater que ni dans la requête ni dans son mémoire en réplique cette institution n’a démontré à suffisance de droit, par des arguments et des données suffisamment précis, clairs et détaillés, que les exemples d’ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation dans lesquelles les objectifs de conservation des habitats et des espèces en cause ne seraient pas formulés de manière quantitative et mesurable, qu’elle a mentionnés pour illustrer la pratique générale et structurelle de la République de Bulgarie, sont représentatifs de l’ensemble des zones spéciales de conservation en cause.

    92

    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième grief.

    C.   Sur le troisième grief, tiré de l’absence d’établissement des mesures de conservation nécessaires

    1. Argumentation des parties

    93

    Dans sa requête, la Commission soutient que la République de Bulgarie a manqué de manière systématique et persistante à l’obligation lui incombant en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats » d’établir des mesures de conservation nécessaires répondant aux exigences écologiques des types d’habitats naturels visés à l’annexe I de cette directive et des espèces visées à l’annexe II de celle-ci présents sur les sites d’importance communautaire en cause.

    94

    Plus concrètement, la Commission estime que cette situation est la conséquence de l’absence de fixation par la République de Bulgarie des objectifs de conservation détaillés et spécifiques aux sites d’importance communautaire en cause. À cet égard, ainsi qu’il ressortirait de l’arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Grèce (C‑849/19, EU:C:2020:1047, point 85), ces mesures de conservation devraient être fondées sur des objectifs de conservation spécifiques à la zone spéciale de conservation en cause.

    95

    La République de Bulgarie aurait reconnu, dans le cadre de la procédure précontentieuse, le retard des travaux législatifs destinés à rendre contraignants les plans de gestion territoriaux comportant lesdites mesures de conservation.

    96

    S’agissant des mesures de conservation prévues dans les 11 ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation adoptées entre l’année 2015 et l’année 2019, la Commission soutient que ces ordonnances portent seulement sur 11 des 229 sites d’importance communautaire que la République de Bulgarie a l’obligation de protéger. En outre, pour la plupart de ces sites, des mesures actives spécifiquement axées sur chacune des différentes espèces et sur chacun des différents types d’habitats se trouvant dans un état de conservation défavorable seraient nécessaires pour atteindre les objectifs prévus. Or, les mesures actives devraient être déterminées en fonction des objectifs de conservation détaillés spécifiques à chaque site d’importance communautaire en cause, qui feraient défaut dans lesdites ordonnances.

    97

    En ce qui concerne les mesures de protection adoptées par la République de Bulgarie à l’égard des zones de protection spéciale, conformément à la directive « oiseaux », la Commission admet que, certes, certaines mesures établies pour les espèces d’oiseaux, en particulier les mesures de conservation, peuvent indirectement être utiles également pour les espèces et les habitats protégés dans le cadre de sites d’importance communautaire, conformément à la directive « habitats ». Cependant, cette circonstance ne saurait dispenser les autorités bulgares de leur obligation d’adopter les mesures de conservation nécessaires pour toutes les espèces et pour tous les types d’habitats prévus dans la directive « habitats », qui sont protégés au sein des sites d’importance communautaire en cause.

    98

    S’agissant des différents actes administratifs et normatifs, ainsi que d’autres documents stratégiques, indiqués par la République de Bulgarie au cours de la procédure précontentieuse, dans lesquels figurent, selon cet État membre, des mesures ayant un lien avec la conservation, le maintien ou le rétablissement de l’état des habitats et des espèces dans les sites d’importance communautaire en cause, la Commission est d’avis que ces mesures, qui sont trop générales et lacunaires, ne constituent pas des mesures de conservation, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

    99

    La Commission considère que les nouvelles ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation, communiquées par la République de Bulgarie au cours du mois de mai 2020, ne répondent pas non plus aux exigences prévues par cette disposition. En effet, ces ordonnances, qui se limiteraient à prévoir des recommandations, porteraient uniquement sur la gestion des terres cultivées et des prairies et n’indiqueraient pas par qui, quand et sur quelle superficie elles doivent être mises en œuvre.

    100

    Dans son mémoire en défense, la République de Bulgarie rétorque que les mesures de conservation qu’elle a adoptées sont complètes, claires et précises, et qu’elles ont été efficacement mises en œuvre, conformément à la jurisprudence de la Cour. Ces mesures seraient définies en fonction des exigences écologiques des espèces et des types d’habitats naturels en cause.

    101

    Dans un certain nombre de cas de chevauchement des limites spatiales des zones de protection spéciale prévues par la directive « oiseaux » et de celles des sites d’importance communautaire, visés par la directive « habitats », les interdictions et les restrictions déjà imposées en ce qui concerne les zones de protection spéciale contribueraient au respect des objectifs de conservation des sites d’importance communautaire.

    102

    À cet égard, la République de Bulgarie présente quelques exemples de mesures de conservation spécifiques à certaines zones de protection spéciale, à savoir notamment celles prévues par la ZBR, par la réglementation bulgare relative à la chasse et à la protection du gibier, à l’aménagement du territoire de la côte de la mer Noire, aux pêches et à l’aquaculture, ainsi que par la réglementation nationale sur l’exploitation forestière. En outre, par une ordonnance du 23 février 2015 du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, des normes nationales relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales auraient été mises en place. Elles seraient applicables à la fois aux types d’habitats d’eau douce et côtiers et aux espèces qui y sont attachées, ainsi qu’à une série de formations de prairies et de semi-prairies et aux espèces y afférentes.

    103

    La République de Bulgarie soutient que la Commission a interprété de manière sélective certaines des mesures visées dans le cadre de la procédure précontentieuse, en dehors du contexte global de la législation bulgare et de l’ensemble des divers documents exposant les mesures de protection des zones spéciales de conservation. Or, les différents actes réglementaires et administratifs ainsi que les documents de planification, de programmation et de stratégie seraient également pertinents à cet égard. Lorsque ces actes et ces documents sont considérés dans leur ensemble pour une zone spécifique de conservation donnée, leur application s’étendrait à tous les types d’utilisation de la zone en cause, en ce qui concerne tant les interdictions et les restrictions d’activités que les mesures actives mises en place pour gérer les zones en cause.

    104

    Cet État membre ajoute que les ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation renvoient à des actes juridiques et administratifs, aux documents de planification, de programmation et de stratégie prévoyant des mesures visant à atteindre les objectifs de conservation des zones spéciales de conservation en cause. Les actions recommandées par ces ordonnances pourraient également être mises en œuvre en tant que mesures contractuelles volontaires, comme c’est le cas dans d’autres États membres en ce qui concerne la gestion du réseau Natura 2000.

    105

    Dans son mémoire en réplique, la Commission fait valoir que, en l’absence d’arguments clairs et de références précises dans le mémoire en défense de la République de Bulgarie, elle n’est pas en mesure de vérifier si les nombreuses annexes à ce dernier mémoire permettent d’étayer l’argument de cet État membre, selon lequel sa pratique est conforme aux exigences posées à l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

    106

    Selon cette institution, l’ensemble des mesures dispersées dans les actes juridiques et administratifs ainsi que les nombreux documents stratégiques, de planification et de programmation ne sont pas en lien avec les zones spéciales de conservation en cause et leurs objectifs spécifiques de conservation.

    107

    Elle rappelle, à cet égard, que les mesures de conservation, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », doivent être établies et mises en œuvre dans le cadre de zones spéciales de conservation spécifiques et doivent être fondées sur des objectifs de conservation propres à chaque site [voir, en ce sens, arrêts du 5 septembre 2019, Commission/Portugal (Désignation et protection des zones spéciales de conservation), C‑290/18, EU:C:2019:669, point 52, ainsi que du 17 décembre 2020, Commission/Grèce, C‑849/19, EU:C:2020:1047, point 85].

    108

    Dans son mémoire en duplique, la République de Bulgarie indique que les cas dans lesquels les mesures de conservation ne sont pas liées à la désignation d’un site spécifique sont généralement ceux dans lesquels ces mesures sont introduites pour tous les sites ou pour tous les sites dans lesquels un type donné d’habitat naturel ou une espèce donnée sont protégés.

    2. Appréciation de la Cour

    109

    Il convient de constater que, à l’instar de l’argumentation présentée par la Commission dans le cadre du deuxième grief, cette institution n’allègue pas dans sa requête, en ce qui concerne le troisième grief, que la République de Bulgarie a omis d’adopter les mesures de conservation pour les sites d’importance communautaire en cause, à savoir les sites spécifiques visés par son premier grief, mais se limite dans les conclusions de cette requête à reprocher à cet État membre une violation « systématique et persistante » des obligations lui incombant en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

    110

    En outre, comme dans le cadre du deuxième grief, la Commission se limite à faire référence, s’agissant du troisième grief, à certains exemples d’ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation adoptées par les autorités bulgares afin d’illustrer un manquement systématique et persistant de la République de Bulgarie à cette disposition.

    111

    Par conséquent, il y a lieu de considérer que, en méconnaissance de la jurisprudence mentionnée au point 90 du présent arrêt, la Commission n’a pas apporté la preuve du caractère représentatif de ces exemples et n’a pas visé des sites d’importance communautaire spécifiques ou des zones spéciales de conservation concrètes.

    112

    Il s’ensuit que le troisième grief doit être rejeté.

    D.   Sur le quatrième grief, tiré de la transposition incorrecte dans le droit national de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats »

    1. Argumentation des parties

    113

    Dans sa requête, la Commission reproche à la République de Bulgarie d’avoir manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats » en ce que la législation de cet État membre prévoit que l’établissement de mesures de conservation est facultatif.

    114

    Or, il ressortirait de l’arrêt du 10 mai 2007, Commission/Autriche (C‑508/04, EU:C:2007:274, points 76 et 87), que les États membres ont l’obligation d’établir de telles mesures.

    115

    La Commission fait valoir en particulier que, aux termes de l’article 27 de la ZBR, « des plans de gestion peuvent être élaborés ». Certes, les articles 12 et 19 de la ZBR prévoiraient la possibilité d’adopter, en présence d’un risque de dégradation de sites protégés, des interdictions ou des restrictions d’activités contraires aux objectifs de conservation de ces sites. Cependant, l’obligation d’adopter les mesures de conservation nécessaires, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », ne saurait se réduire auxdites interdictions et restrictions à adopter et devrait comprendre l’adoption, dans certains cas, de mesures actives de conservation.

    116

    S’agissant de l’article 118 de la ZBR, celui-ci prévoirait que les actions de conservation de la biodiversité doivent être conformes aux priorités énoncées dans cette loi, dans le cadre de la stratégie nationale et dans le plan national de conservation de la biodiversité. Toutefois, cet article ne contiendrait aucune référence aux mesures de conservation visées par l’article 29 de la ZBR.

    117

    Dans son mémoire en défense, la République de Bulgarie ne conteste pas que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », des mesures de conservation doivent être adoptées dans tous les cas, l’expression « le cas échéant », qui figure dans cette disposition, ne visant que les plans de gestion et ne pouvant être comprise comme une limitation générale de l’obligation d’adopter les mesures juridiques, administratives ou contractuelles appropriées.

    118

    Toutefois, en citant les arrêts du 14 février 2012, Flachglas Torgau (C‑204/09, EU:C:2012:71, points 60 et 61), ainsi que du 24 octobre 2013, Commission/Espagne (C‑151/12, EU:C:2013:690, points 27 et 28), cet État membre soutient que, conformément à l’article 288, troisième alinéa, TFUE, lors de la transposition d’une directive, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation quant au choix des moyens et des méthodes pour assurer sa mise en œuvre. Ainsi, la transposition d’une directive n’exigerait pas nécessairement une action législative dans chaque État membre.

    119

    À cet égard, la République de Bulgarie fait valoir que les articles 12, 19, 27, 29, 30 et 118 de la ZBR ont transposé l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

    120

    L’article 12 de cette loi énoncerait les exigences que doivent respecter les ordonnances de désignation des zones spéciale de conservation. Ainsi, dès la désignation de la zone spéciale de conservation en cause, des mesures de conservation seraient mises en place.

    121

    L’article 19 de ladite loi prévoirait des actions visant à protéger les sites d’importance communautaire avant leur désignation en tant que zones spéciales de conservation. Des interdictions ou des restrictions pourraient également être imposées avant la désignation d’une telle zone s’il existe un risque de dommage pour le site concerné. Or, lesdites interdictions et restrictions constitueraient des mesures de conservation, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

    122

    La République de Bulgarie ajoute que, conformément à l’article 27 de la ZBR, des plans de gestion peuvent être élaborés pour les zones spéciales de conservation et que l’article 29 de cette loi prévoit les mesures à inclure dans les plans de gestion.

    123

    Ainsi qu’il ressortirait de l’article 30 de la ZBR, les plans d’aménagement du territoire, les plans régionaux de développement forestier, les plans et programmes forestiers, les programmes nationaux et régionaux élaborés en vertu d’autres lois doivent respecter les ordonnances désignant les zones spéciales de conservation et les mesures prévues dans les plans de gestion.

    124

    Conformément à l’article 118, paragraphe 1, point 2, de la ZBR, les mesures de conservation visées par la directive « habitats » devraient être spécifiées dans tous les plans, projets, programmes, politiques et stratégies du secteur concerné.

    125

    Ainsi, la réglementation bulgare prévoirait non seulement des instruments juridiques assurant la conservation des sites protégés dans le cadre de Natura 2000, mais aussi des dispositions expresses obligeant les autorités compétentes à appliquer lesdits instruments dans les cas prévus et selon les critères définis par la directive « habitats ».

    126

    S’agissant des mesures actives de conservation, la République de Bulgarie fait référence à l’article 115, paragraphe 1, point 9, de la ZBR, aux termes duquel le ministre de l’Environnement et des Eaux doit élaborer et mettre en œuvre des mécanismes visant à encourager les activités des propriétaires ou des utilisateurs, des organisations non gouvernementales, des associations et autres visant à conserver, à maintenir et à restaurer la biodiversité. En outre, cet État membre présente des exemples de telles mesures, adoptées en application de la réglementation bulgare.

    127

    Dans son mémoire en réplique, la Commission soutient que les articles 12 et 19 de la ZBR ne concernent que certains types de mesures de conservation, à savoir des interdictions et des restrictions, et non pas des mesures proactives de conservation. Les articles 27 et 29 de la ZBR prévoiraient uniquement la possibilité d’élaborer des plans de gestion et non pas l’introduction obligatoire de mesures de conservation pour tous les sites d’importance communautaire. L’article 30 et l’article 118, paragraphe 1, de la ZBR introduiraient certaines exigences pour certains types de plans et de programmes ne mettant pas en œuvre les obligations imposées par Natura 2000 mais ces exigences n’incluraient pas un ensemble complet de mesures de conservation pour tous les sites protégés dans le cadre de Natura 2000.

    128

    S’agissant des articles 115 et 118 ainsi que de l’article 119, paragraphe 1, de la ZBR, auxquels se réfère la République de Bulgarie dans son mémoire en défense, ils détermineraient les pouvoirs des différentes entités en ce qui concerne la politique en matière de biodiversité, mais ne prévoiraient pas l’établissement ni l’application des mesures de conservation nécessaires dans toutes les zones spéciales de conservation.

    129

    Dans son mémoire en duplique, la République de Bulgarie rétorque que, dans l’ordre juridique bulgare, l’autonomie des autorités administratives consiste à choisir les moyens les plus appropriés pour mettre en œuvre les obligations légales.

    130

    Cet État membre invoque également la jurisprudence de la Cour, en particulier l’arrêt du 3 avril 2014, Cascina Tre Pini (C‑301/12, EU:C:2014:214, points 40 à 41), aux termes duquel la directive, en liant tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.

    131

    Conformément aux dispositions de la ZBR, l’adoption d’ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation visées à l’article 12 de cette loi serait non pas une faculté mais une obligation pour les autorités administratives compétentes, et ce concernant l’ensemble de ces zones. Ces autorités seraient également tenues d’indiquer dans leurs ordonnances l’objet et les objectifs de conservation pour la zone spéciale de conservation en cause ainsi que les interdictions ou les restrictions d’activités contraires à ces objectifs.

    132

    Outre les plans d’aménagement du territoire, les plans régionaux de développement des zones forestières et les plans et programmes du secteur forestier, l’article 30, paragraphe 1, de la ZBR prévoirait que tous les programmes nationaux et régionaux élaborés en vertu d’autres lois que la ZBR doivent être conformes aux ordonnances de désignation des zones spéciales de conservation ainsi qu’à leurs éventuelles modifications.

    133

    La République de Bulgarie ajoute que l’article 35 de la ZBR prévoit l’adoption de certaines mesures pour la conservation des espèces et dispose spécifiquement que les espèces végétales, animales et fongiques de la flore, de la faune et du mycète sauvages sont protégées dans leur milieu naturel par, notamment, la conservation de leurs habitats dans le réseau écologique national, par le placement des espèces sous un régime de protection ou d’utilisation réglementée, par le maintien ou le rétablissement des conditions de l’habitat conformément aux exigences écologiques des espèces en cause.

    134

    Enfin, la réglementation nationale sur l’eau prévoirait la mise en place obligatoire de mesures pour atteindre les objectifs de conservation des sites d’importance communautaire. Ainsi qu’il ressortirait de cette réglementation, les plans de gestion des bassins hydrographiques doivent prévoir des mesures permettant d’atteindre les objectifs de conservation de tels sites, sur la base des analyses requises par ladite réglementation. Ces mesures ne seraient pas limitées à des interdictions ou à des restrictions d’activités.

    2. Appréciation de la Cour

    135

    En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats », pour chaque zone spéciale de conservation, les États membres doivent établir les mesures de conservation nécessaires qui répondent aux exigences écologiques des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I de cette directive ainsi que des espèces figurant à l’annexe II de ladite directive, présents sur le site concerné [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 143 et jurisprudence citée].

    136

    Les mesures de conservation visées à l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats » ne sauraient, en principe, se limiter aux mesures destinées à obvier aux atteintes et aux perturbations externes causées par l’homme et devraient comprendre, si nécessaire, les mesures proactives positives pour le maintien ou le rétablissement de l’état de conservation du site [arrêt du 29 juin 2023, Commission/Irlande (Protection des zones spéciales de conservation), C‑444/21, EU:C:2023:524, point 150].

    137

    S’agissant du cadre normatif national nécessaire pour assurer la mise en œuvre de ces obligations, il convient de rappeler que les dispositions de la directive « habitats » doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2023, Commission/Allemagne (Protection des zones spéciales de conservation), C‑116/22, EU:C:2023:687, point 32 et jurisprudence citée].

    138

    En l’occurrence, la République de Bulgarie a présenté, dans son mémoire en défense, un certain nombre de dispositions concrètes de caractère contraignant prévoyant l’établissement, par les autorités bulgares, de mesures de conservation, en particulier des mesures actives de conservation.

    139

    Dans son mémoire en réplique, la Commission a soutenu que lesdites dispositions bulgares ne prévoient pas une obligation d’adopter les mesures de conservation nécessaires dans toutes les zones spéciales de conservation.

    140

    À cet égard, force est de constater que l’argumentation de la Commission repose sur une confusion entre, d’une part, l’absence d’un cadre normatif suffisant, dans un État membre, permettant, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 137 du présent arrêt, d’adopter les mesures de conservation appropriées et, d’autre part, l’absence d’établissement desdites mesures pour l’ensemble des zones spéciales de conservation.

    141

    En ce qui concerne le premier de ces aspects, il convient de relever que, compte tenu des éléments présentés par la République de Bulgarie, en particulier des exemples de dispositions nationales prévoyant l’obligation, pour les autorités bulgares, d’établir des mesures de conservation, y compris des mesures proactives, la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit que la réglementation bulgare ne permet pas d’assurer la réalisation effective des obligations de cet État membre, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive « habitats ».

    142

    S’agissant du second de ces aspects, il importe de constater qu’il a déjà fait l’objet du troisième grief dans le cadre duquel la Commission n’allègue pas que la République de Bulgarie a omis d’adopter les mesures de conservation pour les sites d’importance communautaire en cause, à savoir les sites spécifiques visés par son premier grief.

    143

    Partant, il convient de rejeter le quatrième grief.

    144

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive « habitats » en ayant omis de désigner en tant que zones spéciales de conservation, le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans, 194 des 229 sites d’importance communautaire en cause.

    145

    Le recours est rejeté pour le surplus.

    Sur les dépens

    146

    En vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

    147

    En l’espèce, la Commission et la République de Bulgarie ayant chacune succombé sur certains griefs, elles supporteront leurs propres dépens.

     

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

     

    1)

    La République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, telle que modifiée par la directive 2013/17/UE du Conseil, du 13 mai 2013, en ayant omis de désigner en tant que zones spéciales de conservation, le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans, 194 des 229 sites d’importance communautaire inscrits sur les listes établies par la décision 2009/91/CE de la Commission, du 12 décembre 2008, adoptant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil, une deuxième liste actualisée des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique alpine, par la décision 2009/92/CE de la Commission, du 12 décembre 2008, adoptant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil, la liste initiale des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique de la mer Noire, par la décision 2009/93/CЕ de la Commission, du 12 décembre 2008, adoptant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil, une deuxième liste actualisée des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique continentale, ainsi que par la décision d’exécution 2013/23/UE de la Commission, du 16 novembre 2012, arrêtant une sixième liste actualisée des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique continentale.

     

    2)

    Le recours est rejeté pour le surplus.

     

    3)

    La Commission européenne et la République de Bulgarie supportent leurs propres dépens.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.

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