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Document 62022CC0011

Conclusions de l'avocat général M. A. Rantos, présentées le 23 mars 2023.
Est Wind Power OÜ contre Elering AS.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tallinna Halduskohus.
Renvoi préjudiciel – Aides accordées par les États membres – Soutien aux énergies renouvelables – Construction d’un parc éolien – Communication de la Commission intitulée “Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020” – Point 19, sous 44), et note en bas de page 66 – Notions de “début des travaux”, de “travaux de construction liés à l’investissement”, de “tout autre engagement rendant l’investissement irréversible” et d’“autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet” – Type et intensité de l’examen devant être effectué par l’autorité nationale compétente.
Affaire C-11/22.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:241

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 23 mars 2023 ( 1 )

Affaire C‑11/22

Est Wind Power OÜ

contre

AS Elering

[demande de décision préjudicielle formée par le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn, Estonie)]

« Renvoi préjudiciel – Aides accordées par les États – Soutien aux énergies renouvelables – Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014‑2020 – Point 19, sous 44), et point 126, note 66 – Construction d’un parc éolien – Notion d’“autorisation étatique pour la réalisation du projet d’investissement” – Notion de “début des travaux” »

Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du point 19, sous 44), et du point 126, note 66, des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014‑2020 (ci-après les « lignes directrices de 2014 ») ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Est Wind Power OÜ (ci-après « EWP »), un producteur d’énergie à partir de sources renouvelables, à AS Elering, l’autorité estonienne chargée de l’octroi de l’aide aux énergies renouvelables, au sujet de la légalité d’un avis émis par cette dernière qui a constaté que l’état d’avancement d’un projet de construction d’un parc éolien entrepris par EWP ne satisfaisait pas aux exigences de la législation nationale permettant à cette société d’obtenir, pour la construction de ce parc éolien, une aide aux énergies renouvelables sur la base d’un régime d’aide mis en place par la République d’Estonie.

3.

Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions seront ciblées sur l’analyse de la première et de la huitième question préjudicielle, qui portent sur l’interprétation des notions de « début des travaux » et d’« autorisation étatique pour la réalisation du projet d’investissement » visées, respectivement, pour la première, au point 19, sous 44), et au point 126, note 66, des lignes directrices de 2014, et pour la seconde, au considérant 42 de de la décision du 6 décembre 2017 relative aux modifications du régime d’aides estonien en faveur des sources d’énergie renouvelables et de la cogénération (aide d’État SA.47354) ( 3 ) (ci-après la « décision de 2017 »), et qui, toutes deux, constituent des conditions requises pour bénéficier de l’octroi des aides en question.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Les lignes directrices de 2014

4.

Le point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014 comporte la définition suivante :

« “début des travaux” : soit le début des travaux de construction liés à l’investissement, soit le premier engagement ferme de commande d’équipement ou tout autre engagement rendant l’investissement irréversible, selon l’événement qui se produit en premier. L’achat de terrains et les préparatifs tels que l’obtention d’autorisations et la réalisation d’études de faisabilité préliminaires ne sont pas considérés comme le début des travaux [...] »

5.

Le point 50 de ces lignes directrices précise :

« La Commission considère que les aides sont dépourvues d’effet incitatif pour leur bénéficiaire dans tous les cas où ce dernier a adressé sa demande d’aide aux autorités nationales après le début des travaux liés au projet. Dans de tels cas, lorsque le bénéficiaire commence à mettre en œuvre un projet avant d’introduire sa demande d’aide, toute aide octroyée en faveur de ce projet ne sera pas considérée comme compatible avec le marché intérieur. »

6.

Le point 126 desdites lignes directrices prévoit notamment :

« [...]

À partir du 1er janvier 2017, les critères ci-après s’appliquent.

Les aides sont octroyées à l’issue d’une procédure de mise en concurrence fondée sur des critères clairs, transparents et non discriminatoires [...] »

7.

Conformément à la note de bas de page 66, afférente au point 126 des mêmes lignes directrices :

« Les installations qui ont débuté les travaux avant le 1er janvier 2017 et qui avaient reçu confirmation de l’aide par l’État membre avant cette date peuvent bénéficier de l’aide sur la base du régime en vigueur au moment de la confirmation. »

La décision de 2017

8.

Les considérants 42 à 44 de la décision de 2017 sont ainsi libellés :

« (42)

La note 66 des [lignes directrices de 2014] peut être considérée comme une transposition du principe juridique de confiance légitime et se rattache étroitement à l’exigence de l’effet incitatif des aides d’État. Concrètement, cela signifie que les producteurs dont le projet se trouvait, à la date du 1er janvier 2017, à un stade de développement tel qu’il apparaissait fort probable qu’il serait mené à bonne fin doivent être considérés par les organismes qui octroient les aides comme étant des producteurs existants, de sorte qu’ils devraient obtenir l’aide sur la base du régime d’aide existant (confiance légitime). Cela exige au minimum que les maîtres d’ouvrage aient obtenu l’autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet et qu’ils aient légalement le droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet sera réalisé.

(43)

La définition de la notion de “début des travaux” figurant au point 19, sous 44), des [lignes directrices de 2014] fournit plus de détails à cet égard. La note 66 des [lignes directrices de 2014] doit donc être lue et interprétée par les organismes qui octroient les aides de manière à tenir compte de cet élément. La Commission observe à ce propos que les États membres demeurent responsables de la bonne mise en œuvre des mesures d’aide par l’intermédiaire de leurs organismes compétents.

(44)

Dans l’hypothèse où l’organisme qui octroie les aides considère que les travaux relatifs à un projet particulier ont débuté, au sens du point 19, sous 44), des [lignes directrices de 2014], avant le 1er janvier 2017, la Commission estime que cette appréciation concerne ce projet en tant que tel. »

Le droit estonien

9.

L’article 59 de l’elektrituruseadus (loi sur le marché de l’électricité) (Riigi Teataja du 30 juin 2020, ci-après l’« ELTS »), intitulé « Aide », prévoyait, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 octobre 2021 :

« (1)   Le producteur a le droit d’obtenir du gestionnaire de réseau de transport l’aide visée au présent article : 1) pour la production d’électricité, dès lors qu’il a utilisé pour cela un équipement de production d’énergie renouvelable dont la puissance nette n’excède pas 125 MW ;

[...]

(2)   Le gestionnaire de réseau de transport verse une aide au producteur à la demande de celui-ci :

[...]

(21)   L’aide visée au paragraphe 2 du présent article constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE], qui est accordée conformément aux lignes directrices de [2014], ainsi que sur la base de la décision de [2017].

(22)   L’aide visée au paragraphe 2 du présent article pour l’énergie produite par un équipement de production d’une puissance électrique d’au moins 1 MW peut être demandée par un producteur qui, en ce qui concerne le projet d’investissement afférent à cet équipement de production, a débuté les travaux au plus tard le 31 décembre 2016 en ayant procédé au moins de l’une des manières suivantes :

1)

avoir commencé la production d’électricité ;

2)

avoir commencé les travaux de construction relatifs audit projet d’investissement ;

3)

avoir pris l’engagement ferme de commander des équipements pour la construction d’une installation de production ;

4)

avoir pris tout autre engagement rendant ce projet d’investissement irréversible, hormis l’acquisition du terrain sur lequel se situe l’installation de production, l’obtention des autorisations et les préparatifs, qui ne font pas partie des engagements rendant le projet d’investissement irréversible.

(23)   Lorsque le producteur demande au gestionnaire de réseau de transport un avis sur sa conformité aux conditions visées au paragraphe 22 du présent article, celui-ci doit être rendu dans les 90 jours à compter de la réception de ladite demande.

[…] »

Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

10.

En vue de l’installation d’un parc éolien composé de 28 éoliennes, d’une puissance totale de 64,4 MW, à Päite-Vaivina, sur le territoire de la commune de Toila (Estonie), EWP a entrepris les démarches suivantes : le 27 avril 2004, cette société a conclu un contrat d’abonnement avec le gestionnaire de réseau de transport Elering et a acquitté à ce titre des frais de raccordement d’un montant de 522813,93 euros ; au cours de l’année 2008, EWP y a installé des mâts de mesure du vent et a supporté à ce titre un coût de 212002,15 euros ; par un contrat du 11 mai 2010, EWP a acquis les droits de superficie sur les 28 terrains prévus pour la construction du parc éolien envisagé.

11.

Le 19 janvier 2016, l’administration communale de Toila a publié les conditions pour la conception du parc éolien et, le 4 février 2016, EWP a sollicité la délivrance d’un permis de construire. Le 20 avril 2016, le ministère de la Défense a refusé d’approuver le projet de construction du parc éolien et, par arrêté du 26 avril 2016, l’administration communale de Toila a refusé de délivrer le permis de construire requis. À la suite de ce refus, EWP a introduit des recours contre ces décisions de rejet.

12.

Le 29 septembre 2020, EWP a sollicité auprès d’Elering un avis au titre de l’article 59, paragraphe 23, de l’ELTS, concernant la conformité du projet d’investissement envisagé aux conditions énoncées à l’article 59, paragraphe 22, de cette loi. Dans son avis du 13 avril 2021, Elering a considéré que ce projet ne remplissait pas les conditions prévues par cette disposition et que, par conséquent, EWP ne pouvait pas être qualifiée de « producteur existant », au sens de la législation nationale.

13.

Le 13 mai 2021, EWP a saisi le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn, Estonie), la juridiction de renvoi, d’un recours en annulation concernant l’avis en question et lui a demandé d’enjoindre à Elering de réexaminer sa demande.

14.

La juridiction de renvoi indique qu’elle a demandé, dans le cadre de l’affaire au principal, un avis à la Commission européenne, au titre de l’article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 ( 4 ), sur l’interprétation du considérant 42 de la décision de 2017 et, notamment, sur la notion de « producteur existant » qui y figure.

15.

La Commission a répondu, par un avis du 17 janvier 2020, qu’il convenait d’interpréter le considérant 42 de la décision de 2017 en ce sens qu’il exige que, à la date du 1er janvier 2017, « les maîtres d’ouvrage aient obtenu l’autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet et qu’ils aient légalement le droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet sera réalisé ». Elle a ajouté que ces deux conditions, conjointement à l’un des trois cas de figure visé au point 19, sous 44), première phrase, des lignes directrices de 2014, devaient être remplies pour que l’entreprise puisse être considérée comme étant un « producteur existant », et ainsi bénéficier d’une aide d’État compatible avec le marché intérieur en vertu de la décision de 2017.

16.

Au regard de cet avis, la juridiction de renvoi estime nécessaire d’être davantage éclairée sur les notions de « début des travaux », de « travaux de construction liés à l’investissement », de « tout autre engagement rendant l’investissement irréversible » et d’« autorisation étatique pour la réalisation du projet d’investissement » visées au point 19, sous 44), et au point 126 des lignes directrices de 2014, ainsi que sur les exigences en résultant pour une administration nationale en ce qui concerne l’évaluation de la probabilité qu’un projet d’investissement soit mené à bien.

17.

Dans ces conditions, le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Faut-il interpréter les règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, en particulier le premier cas de figure relevant de la notion de “début des travaux” envisagé au point 19, sous 44), [des lignes directrices de 2014], à savoir “début des travaux de construction liés à l’investissement”, en ce sens que l’expression “travaux de construction” peut viser le début de tous travaux de construction liés à un projet d’investissement, quels qu’ils soient, ou qu’elle vise seulement le début des travaux de construction liés à l’installation du projet d’investissement qui permet la production d’énergie renouvelable ?

2)

Faut-il interpréter les règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, en particulier le premier cas de figure relevant de la notion de “début des travaux” envisagé au point 19, sous 44), [des lignes directrices de 2014], à savoir “début des travaux de construction liés à l’investissement”, en ce sens que l’autorité compétente nationale, lorsqu’elle a constaté le début des travaux de construction liés à l’investissement, est également tenue d’apprécier, eu égard au principe de confiance légitime, le stade de développement du projet d’investissement et la probabilité que celui-ci soit mené à bonne fin ?

3)

En cas de réponse affirmative à la première question, d’autres éléments objectifs, tels que des litiges en cours empêchant la poursuite du projet d’investissement, peuvent-ils être pris en considération lors de l’appréciation du stade de développement du projet d’investissement ?

4)

Les considérations formulées par la Cour aux points 61 et 68 de l’arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C‑349/17, EU:C:2019:172), selon lesquelles l’existence ou non d’un effet incitatif ne saurait être considérée comme étant un critère clair et simple à appliquer par les autorités nationales, dès lors que, notamment, sa vérification requerrait d’effectuer, au cas par cas, des appréciations économiques complexes, raison pour laquelle un tel critère ne serait pas conforme à l’exigence que les critères pour l’application d’une exemption soient clairs et simples à appliquer par les autorités nationales, sont-elles pertinentes dans la présente affaire ?

5)

En cas de réponse affirmative à la question précédente, faut-il interpréter les règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, en particulier le point 126, note 66, [des lignes directrices de 2014], lu en combinaison avec le point 19, sous 44), de [celles-ci] en ce sens que l’autorité nationale n’est pas tenue d’effectuer, au cas par cas, une appréciation économique du projet d’investissement lorsqu’elle vérifie le critère du début des travaux ?

6)

En cas de réponse affirmative à la question précédente, faut-il interpréter les règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, en particulier le dernier cas de figure relevant de la notion de “début des travaux” envisagé au point 19, sous 44), [des lignes directrices de 2014], à savoir “tout autre engagement rendant l’investissement irréversible”, en ce sens qu’un investissement est rendu irréversible par tout autre engagement, quelle que soit sa nature, hormis l’achat de terrains et les préparatifs (y compris l’obtention d’un permis de construire), et quel que soit son coût ?

7)

Faut-il interpréter les règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, en particulier la notion de “début des travaux” définie au point 19, sous 44), [des lignes directrices de 2014], en ce sens que celles-ci impliquent nécessairement que le producteur dispose d’un droit d’utiliser les terrains et d’une autorisation étatique pour la réalisation du projet d’investissement ?

8)

En cas de réponse affirmative à la question précédente, faut-il interpréter la notion d’“autorisation étatique pour la réalisation du projet d’investissement” au regard du droit national et en ce sens qu’il ne peut s’agir que d’une autorisation permettant d’effectuer les travaux de construction liés au projet d’investissement ? »

18.

Des observations écrites ont été déposées par EWP, Elering, le gouvernement estonien ainsi que par la Commission. Ces parties se sont, en outre, exprimées lors de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue le 12 janvier 2023.

Analyse

Sur la recevabilité des première à sixième questions préjudicielles

19.

Il convient d’examiner, à titre liminaire, l’exception d’irrecevabilité qui a été soulevée par la Commission à l’égard des six premières questions préjudicielles.

20.

La Commission considère que, eu égard aux réponses qu’il convient d’apporter aux septième et huitième questions préjudicielles, les première à sixième questions préjudicielles sont irrecevables ou, en tout état de cause, dépourvues de pertinence.

21.

À cet égard, la Commission fait valoir que, parmi les conditions d’octroi de l’aide, le considérant 42 de la décision de 2017 exige que, pour pouvoir être considéré comme un « producteur existant » à la date du 1er janvier 2017, le producteur doit avoir obtenu l’autorisation étatique nécessaire pour la réalisation du projet et avoir légalement le droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet sera réalisé. Or, elle estime que tel n’est pas le cas en l’espèce, dans la mesure où il ressort de la décision de renvoi qu’EWP ne disposait pas, à cette date, de l’autorisation des autorités estoniennes nécessaire pour procéder à la construction du parc éolien en question. Il s’ensuit, selon la Commission, qu’une des conditions prévues par la décision de 2017 n’est pas remplie, de sorte que les première à sixième questions préjudicielles sont dépourvues de pertinence.

22.

S’il convient de noter qu’il n’est pas contesté que l’« autorisation étatique [nécessaire à la réalisation du projet] » constitue l’une des conditions préalables nécessaires pour qu’un investisseur puisse être qualifié de « producteur existant » afin de percevoir une aide au titre du régime estonien des aides d’État, force est de constater que ni la décision de 2017 ni les lignes directrices de 2014 ne définissent ce terme ni ne fournissent de précision sur le type d’« autorisation étatique » requise (d’où, d’ailleurs, la demande d’éclaircissement formulée par la juridiction de renvoi sur le type d’autorisation requise, qui fait l’objet des septième et huitième questions préjudicielles).

23.

Partant, dans la mesure où la question de l’interprétation de la notion d’« autorisation étatique » fait l’objet d’interprétations divergentes entre les parties sans avoir été tranchée définitivement, j’estime que les première à sixième questions portant sur la définition du critère principal pour l’octroi de l’aide conservent leur pertinence et qu’il y a donc lieu d’écarter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

Sur le fond

Observations liminaires

24.

Par ses huit questions préjudicielles, la juridiction de renvoi invite la Cour à interpréter les lignes directrices de 2014 en vue de déterminer si c’est à bon droit que l’autorité nationale compétente, à savoir le gestionnaire de réseau de transport Elering, a refusé de reconnaître à EWP le statut de « producteur existant » à la date du 31 décembre 2016, statut qui lui aurait permis de bénéficier d’aides au titre d’un ancien régime d’aides qui a été remplacé au 1er janvier 2017.

25.

Il convient de rappeler, à cet égard, que la décision de 2017 prévoyait que, à partir du 1er janvier 2017, les aides au profit des producteurs d’énergie à partir de sources renouvelables en Estonie seraient octroyées à l’issue d’une procédure de mise en concurrence. Une dérogation a toutefois été prévue par le régime estonien, dans la mesure où l’obligation de recourir à une procédure de mise en concurrence pour l’octroi d’une telle aide ne s’applique pas en ce qui concerne « [l]es installations qui ont débuté les travaux avant le 1er janvier 2017 et qui avaient reçu confirmation de l’aide par l’État membre avant cette date ».

26.

Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi vise précisément à obtenir des clarifications sur le champ d’application de cette dérogation.

27.

Avant de procéder à l’analyse, j’estime nécessaire, au vu de sa pertinence pour les questions que la Cour sera appelée à trancher, de prendre position sur la question de la portée des lignes directrices de 2014 et de leur caractère contraignant dans le cadre de la présente affaire, qui a été débattue lors de l’audience.

28.

Il y a lieu de rappeler à cet égard que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, l’appréciation de la compatibilité des mesures d’aide avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union. À cet égard, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social. Dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, des mesures d’aide envisagées par les États membres ( 5 ).

29.

Selon une jurisprudence également constante, les lignes directrices adoptées par la Commission par voie de communications se bornent, en principe, uniquement à lier cette institution dans l’exercice de ses pouvoirs d’appréciation et ne sont pas susceptibles de créer des obligations juridiques autonomes à la charge des États membres ( 6 ). Ainsi, en matière d’aides d’État, seules les décisions adoptées par la Commission ont un effet contraignant pour les États membres, qui sont tenus d’en assurer le respect.

30.

Il convient toutefois de constater que la décision de 2017 s’appuie sur les lignes directrices de 2014 et se réfère expressément à celles-ci, ce qui est de nature à leur conférer un caractère contraignant. En effet, les conditions énumérées dans les lignes directrices de 2014 qui sont reproduites et retenues comme critères de compatibilité dans la décision de 2017 font dès lors partie intégrante de cette dernière, de sorte que la Commission en exige le respect de la part de la République d’Estonie ( 7 ).

31.

Il ressort, par ailleurs, de manière claire tant de la décision de 2017 que des observations du gouvernement estonien que la République d’Estonie a aligné son régime d’aide d’État sur le cadre prévu par les lignes directrices de 2014 de manière à ce que les conditions d’octroi des aides en question soient, si ce n’est identiques, à tout le moins conformes aux lignes directrices de 2014 ( 8 ). Ainsi, en notifiant un projet d’aide d’État conforme aux lignes directrices, un État membre vise à « s’assurer » que la Commission déclarera l’aide notifiée compatible avec l’article 107, paragraphe 3, TFUE, dans la mesure où les lignes directrices ont pour effet d’autolimiter la Commission dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation ( 9 ).

32.

Retenir, par ailleurs, dans la présente affaire que les dispositions des lignes directrices identifiées par la Commission dans la décision de 2017 comme critères d’autorisation de l’aide octroyée n’auraient pas d’effet contraignant à l’égard de la République d’Estonie reviendrait, en l’occurrence, à considérer que celle-ci n’est pas liée par la décision de 2017 et pourrait dès lors échapper aux obligations qui en découlent, solution qui n’est bien évidemment pas conciliable avec la jurisprudence constante de la Cour citée au point 29 des présentes conclusions.

33.

J’estime, par ailleurs, que le fait que, dans le libellé de ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi ne se soit pas référée (directement) aux considérants de la décision de 2017 qui renvoient aux dispositions des lignes directrices de 2014, mais plutôt à ces dernières, n’est pas de nature à remettre en cause les constatations qui précèdent ni à susciter un quelconque doute quant à la recevabilité des questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi.

Sur la première question préjudicielle

34.

Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge sur la manière dont il convient d’interpréter le premier cas de figure relevant de la notion de « début des travaux » envisagé au point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, à savoir le « début des travaux de construction liés à l’investissement ».

35.

Plus précisément, en tenant compte du fait qu’EWP a déjà procédé à l’installation de mâts de mesure et aux raccordements nécessaires, la première question vise à savoir si de tels travaux constituent le « début des travaux de construction liés à l’investissement » au sens de ladite disposition, comme le soutient EWP, ou si cette notion vise seulement le début des travaux de construction des installations productrices d’énergie à partir de sources renouvelables et donc, en l’occurrence, des éoliennes, comme le soutiennent Elering et le gouvernement estonien ( 10 ).

36.

Il convient de noter, d’emblée, que la définition fournie au point 19, sous 44), première phrase, des lignes directrices de 2014, et qui a été reprise au considérant 36 de la décision de 2017, ne permet pas d’identifier le type de travaux visés par l’expression « travaux de construction liés à l’investissement », ni d’établir un seuil, en termes de coûts, à partir duquel les travaux entamés devraient être considérés comme remplissant les conditions afin de pouvoir bénéficier de l’aide.

37.

Il convient néanmoins de rappeler que la notion de « début des travaux », ainsi qu’il ressort du considérant 42 de la décision de 2017, permet de déterminer si le maître d’ouvrage pouvait ou non être considéré comme étant un « producteur existant » d’énergie à partir de sources renouvelables à la date du 1er janvier 2017. Ainsi, selon ce considérant, pour que le maître d’ouvrage puisse être considéré comme un « producteur existant », il fallait que le projet se trouve à cette date « à un stade de développement tel qu’il apparaissait fort probable ( 11 ) qu’il serait mené à bonne fin ». Il est précisé au même considérant qu’un investisseur remplissant les conditions pour être qualifié de « producteur existant » devrait obtenir l’aide sur la base du régime d’aide existant notamment au regard du « principe de confiance légitime » ( 12 ).

38.

Il convient de souligner, par ailleurs, que le régime des aides d’État estonien vise à garantir que seule une catégorie spécifique de producteurs puisse être qualifiée de « producteurs existants » afin de bénéficier, à titre dérogatoire, d’une aide sur la base de l’ancien régime, sans être soumis au nouveau régime de mise en concurrence, une telle dérogation contribuant, par ailleurs, à faciliter la transition de l’ancien vers le nouveau régime d’aide ( 13 ).

39.

Il ressort, également, du considérant 42 de la décision de 2017 que l’objectif des modifications qui ont été apportées par la République d’Estonie à son régime d’aide d’État (et qui ont été approuvées par la Commission dans cette décision), y compris les changements relatifs à la notion de « producteur existant », visaient précisément à assimiler aux producteurs d’énergie à partir de sources renouvelables déjà actifs sur le marché une certaine catégorie de producteurs dont l’entrée sur le marché était fort probable compte tenu de l’état d’avancement des travaux (déjà réalisés) ainsi que des garanties déjà obtenues par les autorités nationales à cet égard.

40.

Au vu des observations qui précèdent, je suis d’avis qu’il convient de rejeter l’interprétation préconisée par EWP selon laquelle le simple fait de débuter les travaux liés à son projet d’investissement suffirait pour être qualifié de « producteur existant » afin de percevoir l’aide au titre de la décision de 2017.

41.

S’il n’est pas contesté que les travaux réalisés par EWP constituent, en effet, une des étapes nécessaires pour la construction et le fonctionnement du parc éolien envisagé, il n’en reste pas moins que l’interprétation mise en avant par cette société est difficilement conciliable avec les conditions d’octroi de l’aide, telles qu’elles ressortent de la décision de 2017.

42.

L’interprétation soutenue par EWP entraînerait, premièrement, un élargissement de la notion de « producteur existant » qui ne trouve pas d’appui dans cette décision, dès lors qu’elle conduirait à assimiler aux producteurs déjà actifs sur le marché (et à ceux dont l’entrée sur le marché est imminente) des producteurs dont les travaux se trouvent à un stade précoce et pour lesquels il n’existe aucune garantie (à la date du 31 décembre 2016) qu’ils seront menés à terme. Or, l’interprétation retenue par EWP permettrait à tout producteur, peu importe la nature des travaux effectués et des investissements déjà réalisés, de prétendre à l’octroi d’aides d’État.

43.

Deuxièmement, ainsi qu’il a été constaté aux points 37 à 39 des présentes conclusions, il ne suffit pas que les travaux liés à la construction d’un parc éolien aient simplement débuté, encore faut-il que leur état d’avancement soit tel que l’investissement soit rendu irréversible de sorte qu’il y ait une grande probabilité que les travaux soient réalisés.

44.

Or, cela signifie, à mon avis, que la notion de « début de travaux » présuppose non seulement que tous préparatifs aient été accomplis (y compris l’obtention d’un permis de construire), mais également qu’il y ait eu une évaluation du volume des coûts encourus, des investissements réalisés et des engagements pris, par rapport au coût total du projet. Or, si EWP conteste les appréciations effectuées par Elering quant à la part du coût des travaux que celle-ci a réalisés par rapport au coût total du projet en question, il n’est pas contesté par les parties que la construction des éoliennes (qui, en l’occurrence, n’a même pas encore débuté) représente la partie la plus significative du coût total de ce projet ( 14 ).

45.

Compte tenu des considérations qui précèdent (et notamment du considérant 42 de la décision de 2017), je suis d’avis que la notion de « début des travaux de construction liés à l’investissement » doit être interprétée comme visant, en l’occurrence, la construction des installations productrices d’électricité.

46.

Il convient de rappeler, troisièmement, que sont expressément exclus de la définition de début de travaux qui figure au point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014 « les préparatifs tels que [...] la réalisation d’études de faisabilité préliminaires ».

47.

Sous réserve des constatations factuelles qu’il revient à la juridiction de renvoi d’effectuer à cet égard, il semblerait que les caractéristiques et les objectifs d’une installation telle que celle de mâts de mesure de vent (ainsi que les démarches entreprises par EWP pour procéder aux raccordements nécessaires) se rapprochent plutôt d’une « étude de faisabilité préliminaire » permettant à l’investisseur concerné de déterminer si l’emplacement sélectionné est approprié pour la construction d’un parc éolien, avant de procéder aux travaux nécessaires pour la réalisation de cet investissement ( 15 ).

48.

Les éléments qui précèdent sembleraient donc indiquer que, à la date du 1er janvier 2017, le projet d’EWP ne se trouvait pas à un stade de développement tel qu’il apparaissait fort probable qu’il serait mené à bonne fin et qu’il aurait dû bénéficier de l’aide sur la base du régime d’aides existant au sens du considérant 42 de la décision de 2017.

49.

Au vu de ce qui précède, je propose de répondre à la première question préjudicielle qu’il convient d’interpréter les règles de l’Union en matière d’aides d’État, en particulier le premier cas de figure relevant de la notion de « début des travaux » envisagé au point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014, à savoir le « début des travaux de construction liés à l’investissement », en ce sens que l’expression « travaux de construction » peut viser non pas le début de tous travaux de construction liés à un projet d’investissement, quels qu’ils soient, mais seulement le début des travaux de construction des installations éoliennes productrices d’énergie à partir de sources renouvelables.

Sur la huitième question préjudicielle

50.

Par sa huitième question, la juridiction de renvoi s’interroge, tout d’abord, sur la question de savoir s’il convient d’interpréter la notion d’« autorisation étatique pour la réalisation du projet d’investissement » au regard du droit national. Cette juridiction souhaite, par ailleurs, obtenir des éclaircissements sur le type d’autorisation qui est requis pour la construction d’un parc éolien. Plus précisément, alors même que le point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014 ne spécifie pas le type d’autorisation requis, le considérant 42 de la décision de 2017 exige que « les maîtres d’ouvrage aient obtenu l’autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet » ( 16 ).

51.

Il importe de relever que les parties au principal sont en désaccord sur le contenu qu’il convient d’attribuer à la notion d’« autorisation étatique ». En effet, d’un côté, Elering, le gouvernement estonien et la Commission considèrent que l’autorisation étatique présuppose un permis de construire, c’est-à-dire une autorisation qui confère directement le droit de construire le parc éolien. De l’autre côté, EWP estime qu’il ne doit pas nécessairement s’agir de l’autorisation finale émise pour la construction de toutes les parties du projet et que, en l’occurrence, le critère relatif à l’autorisation étatique est déjà rempli du fait de l’existence du plan général d’aménagement urbain, qui intègre le parc éolien.

52.

En l’absence de précisions sur le type d’autorisation requise dans la décision de 2017 et d’une harmonisation au niveau du droit de l’Union, il convient de noter d’emblée que la notion d’« autorisation étatique » doit être interprétée au regard du droit national. À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation de la réglementation nationale ( 17 ). Il importe de souligner, d’autre part, que, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, la juridiction de renvoi est tenue de respecter la décision de 2017 ( 18 ).

53.

Il convient de rappeler, à cet égard, que l’obtention de l’autorisation étatique constitue l’une des conditions pour qu’un investisseur puisse être qualifié de « producteur existant » et bénéficier à ce titre de l’ancien régime d’aide, ladite obtention étant normalement antérieure à la survenance d’un événement lié aux trois cas de figure mentionnés au point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014.

54.

Plus précisément, le considérant 42 de la décision de 2017 exige que, à la date du 1er janvier 2017, le producteur ait obtenu l’autorisation étatique nécessaire à la réalisation du projet (et qu’il ait légalement le droit d’utiliser le terrain sur lequel le projet sera réalisé). Il découle, par ailleurs, du lien établi dans ce considérant avec le principe de confiance légitime que les autorisations étatiques doivent être obtenues de manière à créer une confiance légitime dans la réalisation du projet d’investissement. Autrement dit, le projet en question doit se trouver à un stade tel qu’il apparaît fort probable qu’il sera mené à bonne fin, compte tenu tant de l’état d’avancement des travaux que des garanties obtenues par les autorités publiques à cet égard.

55.

Il appartiendra donc in fine à la juridiction de renvoi d’apprécier si, conformément au droit national, les conditions requises pour la conception du parc éolien d’EWP étaient remplies à la date du 31 décembre 2016 et, notamment, si le plan d’urbanisme publié par l’administration communale de Toila, le 19 janvier 2016, peut être considéré comme suffisant afin d’établir si EWP avait obtenu l’« autorisation étatique » nécessaire au sens du considérant 42 de la décision de 2017.

56.

Il convient, toutefois, de préciser qu’il ressort des constatations effectuées par la juridiction de renvoi que, si le plan d’urbanisme a admis la réalisation du projet en fixant certains de ses paramètres, ce plan ne constitue qu’un document de portée générale qui ne permet pas, à lui seul, la construction d’un parc éolien. En effet, des autorisations supplémentaires, y compris le permis de construire, semblent en outre être nécessaires pour la construction des différents ouvrages composant le parc éolien dont, en particulier, la construction des éoliennes ( 19 ).

57.

Eu égard, par ailleurs, au lien qui est établi au considérant 42 de la décision de 2017 entre le principe de confiance légitime et l’autorisation étatique requise, je partage la position d’Elering et du gouvernement estonien, à savoir qu’aucune confiance légitime quant à la réalisation d’un projet d’investissement ne saurait naître dans le chef d’une entreprise tant que toutes les exigences découlant du droit interne ne sont pas remplies. En effet, seule une situation légalement acquise est susceptible de relever du principe de confiance légitime. Par conséquent, ce principe ne saurait être invoqué lorsqu’une situation juridique n’est pas définitivement acquise ou lorsque seulement certaines des conditions juridiques requises sont remplies, alors que d’autres ne le sont pas. Par ailleurs, ce principe ne protège pas la simple possibilité ou la perspective d’acquérir un droit dans le futur, notamment lorsque celui-ci reste soumis à des conditions supplémentaires, comme cela semble être le cas en l’espèce (étant donné que le plan d’aménagement du territoire permettrait par la suite, mais sous réserve d’obtention d’autres autorisations, la délivrance d’un permis de construire).

58.

Or, le fait que, selon les informations figurant dans la demande de décision préjudicielle, le ministère de la Défense ait refusé, le 20 avril 2016, d’approuver le projet de construction du parc éolien, et que l’administration communale de Toila ait refusé, par arrêté du 26 avril 2016, de délivrer le permis de construire, semble indiquer que toutes les autorisations étatiques nécessaires au sens du considérant 42 de la décision de 2017 n’étaient pas disponibles (et qu’elles ne pouvaient en toute hypothèse pas être disponibles, compte tenu des refus précités) avant le 31 décembre 2016.

59.

Au vu de ce qui précède, je propose de répondre à la huitième question en ce sens qu’il convient de définir la notion d’« autorisation étatique pour la réalisation du projet d’investissement » au regard du droit national. Par ailleurs, dans le cas où la réalisation d’un projet d’investissement nécessite l’exécution de travaux de construction qui requièrent un permis de construire, l’« autorisation étatique pour la réalisation du projet d’investissement » ne peut être qu’un permis de construire, c’est-à-dire une autorisation définitive en vertu de laquelle les travaux de construction sont réalisés.

Conclusion

60.

Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn, Estonie) de la manière suivante :

1)

Le point 19, sous 44), des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014‑2020,

doit être interprété en ce sens que :

le premier cas de figure relevant de la notion de « début des travaux », à savoir le « début des travaux de construction liés à l’investissement » vise non pas le début de tous travaux de construction liés à un projet d’investissement, quels qu’ils soient, mais seulement le début des travaux de construction des installations éoliennes productrices d’énergie à partir de sources renouvelables.

2)

Les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014‑2020,

doivent être interprétées en ce sens que :

la notion d’« autorisation étatique pour la réalisation du projet d’investissement » doit être définie au regard du droit national, tout en étant conforme aux décisions adoptées par la Commission européenne en matière d’aides d’État;

dans le cas où la réalisation d’un projet d’investissement nécessite l’exécution de travaux de construction qui requièrent un permis de construire, l’« autorisation étatique pour la réalisation du projet d’investissement » ne peut être qu’un permis de construire, c’est-à-dire une autorisation définitive en vertu de laquelle les travaux de construction sont réalisés.


( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) JO 2014, C 200, p. 1.

( 3 ) JO 2018, C 121, p. 7.

( 4 ) Règlement du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9).

( 5 ) Voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, points 37 à 39).

( 6 ) Voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, point 40) et du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo (C‑470/20, EU:C:2022:981, point 30).

( 7 ) Il convient de préciser, à cet égard, que tant la possibilité de prévoir une dérogation au nouveau système de mise en concurrence (décrite aux considérants 34 et 35 de la décision de 2017) que les conditions de l’octroi des aides d’État (définies aux considérants 36 à 44 de la décision de 2017) se fondent sur les lignes directrices de 2014.

( 8 ) Voir, à titre d’exemple, le considérant 37 de la décision de 2017 dans lequel la Commission constate que la définition du terme « producteur existant » prévue dans la loi estonienne est conforme avec la notion de « début des travaux » énoncée au point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014.

( 9 ) Sans que cela soit le cas dans la présente affaire, il convient, toutefois, de préciser que les États membres conservent la faculté de notifier à la Commission des projets d’aides d’État qui ne satisfont pas (ou pas entièrement) aux critères prévus par les lignes directrices, sans que cela signifie nécessairement que la Commission n’autorisera pas de tels projets. Voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, point 43), ainsi que du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo (C‑470/20, EU:C:2022:981, point 31).

( 10 ) La position de la Commission semble se rapprocher de celle défendue par ces deux parties sans que cela ressorte pour autant clairement de ses observations orales, cette institution s’étant principalement concentrée, lors de l’audience, de manière plus abstraite sur les critères de l’octroi de l’aide inscrits dans la décision de 2017 sans se prononcer concrètement sur le cas d’espèce. Pour les raisons invoquées au point 21 des présentes conclusions, la Commission n’a, par ailleurs, pas déposé d’observations écrites portant sur cette question.

( 11 ) Mise en italique par mes soins.

( 12 ) Voir considérant 42 de la décision de 2017.

( 13 ) Voir considérants 34, 35 et 40 de la décision de 2017.

( 14 ) À cet égard, Elering a estimé que la construction et l’installation des éoliennes représenteraient près de 80 % du coût total du projet.

( 15 ) Cela implique, en l’occurrence, que l’investisseur concerné identifie la localisation géographique privilégiée en tenant compte des caractéristiques morphologiques de l’emplacement sélectionné et des conditions météorologiques afférentes pour ériger un parc éolien. Or, cet exercice présuppose, en principe, qu’un investisseur explore plusieurs localisations, à travers l’installation de mâts de mesure pour pouvoir établir l’emplacement idéal pour la construction d’un parc éolien ainsi que le potentiel éolien d’une localisation sélectionnée sans que cela signifie nécessairement qu’un parc éolien sera érigé dans chacun des emplacements dans lesquels ces mâts ont été initialement installés. Ainsi, les coûts encourus par EWP devraient plutôt être assimilés à des frais généraux et courants, et non pas à des frais (irréversibles) liés à l’infrastructure du parc éolien.

( 16 ) Il convient de noter, à titre liminaire, que la Cour sera invitée à se prononcer sur cette question uniquement dans l’hypothèse où celle-ci estimerait qu’il convient d’apporter une réponse affirmative à la septième question préjudicielle. Or, une telle réponse semble découler directement du texte de la décision de 2017. À cet égard, il ressort du point 19, sous 44), des lignes directrices de 2014 que l’achat du terrain et l’obtention de l’« autorisation étatique » relèvent des préparatifs et le considérant 42 de la décision de 2017 exige sans équivoque que l’investisseur dispose du droit d’utiliser le terrain et détienne l’« autorisation étatique » pour pouvoir être qualifié de « producteur existant ».

( 17 ) Voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2022, Ametic (C‑263/21, EU:C:2022:644, point 64).

( 18 ) Voir en ce sens, arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo (C‑470/20, EU:C:2022:981, point 26), ainsi que mes conclusions dans l’affaire Veejaam et Espo (C‑470/20, EU:C:2022:430, point 24).

( 19 ) Cet élément semble d’ailleurs être confirmé par les faits ayant conduit au litige au principal, notamment par le refus du ministère de la Défense d’approuver les projets de construction du parc éolien, et par celui de l’administration communale de Toila de délivrer le permis de construire demandé par EWP.

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