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Document 62021TJ0216
Judgment of the General Court (Eighth Chamber, Extended Composition) of 20 December 2023.#Ryanair DAC and Malta Air ltd. v European Commission.#State aid – Aid granted by France to Air France in the context of the COVID-19 pandemic – State guarantee for a bank loan and a subordinated loan by the State – Decision declaring the aid compatible with the internal market – Action for annulment – Locus standi – Substantial adverse effect on the applicant’s position on the market – Admissibility – Determination of the beneficiary of the aid in the context of a group of companies.#Case T-216/21.
Arrêt du Tribunal (huitième chambre élargie) du 20 décembre 2023.
Ryanair DAC et Malta Air ltd. contre Commission européenne.
Aides d’État – Aide accordée par la France en faveur d’Air France dans le contexte de la pandémie de COVID-19 – Garantie d’État pour un prêt bancaire et un prêt subordonné de l’État – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Qualité pour agir – Atteinte substantielle à la position du requérant sur le marché – Recevabilité – Détermination du bénéficiaire de l’aide dans le contexte d’un groupe de sociétés.
Affaire T-216/21.
Arrêt du Tribunal (huitième chambre élargie) du 20 décembre 2023.
Ryanair DAC et Malta Air ltd. contre Commission européenne.
Aides d’État – Aide accordée par la France en faveur d’Air France dans le contexte de la pandémie de COVID-19 – Garantie d’État pour un prêt bancaire et un prêt subordonné de l’État – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Qualité pour agir – Atteinte substantielle à la position du requérant sur le marché – Recevabilité – Détermination du bénéficiaire de l’aide dans le contexte d’un groupe de sociétés.
Affaire T-216/21.
Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2023:822
ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
20 décembre 2023 ( *1 )
« Aides d’État – Aide accordée par la France en faveur d’Air France dans le contexte de la pandémie de COVID-19 – Garantie d’État pour un prêt bancaire et un prêt subordonné de l’État – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Qualité pour agir – Atteinte substantielle à la position du requérant sur le marché – Recevabilité – Détermination du bénéficiaire de l’aide dans le contexte d’un groupe de sociétés »
Dans l’affaire T‑216/21,
Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande),
Malta Air ltd., établie à Pietà (Malte),
représentées par Mes F.‑C. Laprévote, E. Vahida, V. Blanc, S. Rating, I.‑G. Metaxas‑Maranghidis et D. Pérez de Lamo, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, J. Carpi Badía et Mme C. Georgieva, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
République fédérale d’Allemagne, représentée par M. P.‑L. Krüger, en qualité d’agent,
par
République française, représentée par MM. T. Stéhelin, P. Dodeller, T. Lechevallier et B. Fodda, en qualité d’agents,
par
Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme M. Bulterman, M. J. Langer et Mme C. Schillemans, en qualité d’agents, assistés de Me S. Corrijn, avocat,
par
Air France-KLM, établie à Paris (France), représentée par Mes J. Derenne et D. Vallindas, avocats,
et par
Société Air France, établie à Tremblay-en-France (France), représentée par Mes Derenne et Vallindas,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),
composé de MM. M. van der Woude, président, A. Kornezov (rapporteur), G. De Baere, D. Petrlík et Mme S. Kingston, juges,
greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 22 mai 2023,
rend le présent
Arrêt
1 |
Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Ryanair DAC et Malta Air ltd., demandent l’annulation de la décision C(2020) 2983 final de la Commission, du 4 mai 2020, relative à l’aide d’État SA.57082 (2020/N) – France – COVID-19 – Encadrement temporaire 107(3)(b) – Garantie et prêt d’actionnaire au bénéfice d’Air France, telle que corrigée par les décisions C(2020) 9384 final, du 17 décembre 2020, et C(2021) 5701 final, du 26 juillet 2021 (ci-après la « décision attaquée »). |
Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours
2 |
La Société Air France (ci-après « Air France ») fait partie du groupe Air France-KLM. À la tête dudit groupe se trouve Air France‑KLM (ci-après la « holding Air France-KLM »). Selon la décision attaquée, ce groupe comprend, en outre, notamment, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV (ci-après « KLM »), « Air France-KLM International Mobility (Suisse) », « Blueteam V (France) », « BigBlank (France) », « Air France-KLM Finance (France) » et « Transavia Company (France) ». |
3 |
Selon la décision attaquée, la République française et le Royaume des Pays-Bas détiennent respectivement 14,3 % et 14 % du capital de la holding Air France‑KLM, la République française disposant par ailleurs de 21 % des droits de vote dans cette dernière. À son tour, la holding Air France‑KLM détient 100 % des parts d’Air France et, directement et indirectement, 93,84 % du capital social de KLM. Ladite holding détient en outre 99,7 % des droits économiques, c’est-à-dire des droits aux dividendes, et 49 % des droits de vote de KLM. La même holding détient 100 % des parts des autres filiales énumérées au point 2 ci-dessus. |
4 |
Le 24 avril 2020, la République française a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, un projet d’aide individuelle en faveur d’Air France sous forme, d’une part, d’une garantie d’État à hauteur de 90 % sur un prêt d’un montant de 4 milliards d’euros consenti par un consortium de banques (ci-après, respectivement, la « garantie d’État » et le « prêt garanti par l’État ») et, d’autre part, d’un prêt d’actionnaire d’un montant de 3 milliards d’euros au maximum (ci-après le « prêt d’actionnaire ») (ci-après, pris ensemble, la « mesure en cause »). |
5 |
Le 4 mai 2020, la Commission a adopté sa décision C(2020) 2983 final, par laquelle elle a conclu que la mesure en cause constituait une aide d’État compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de la communication de la Commission du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » (JO 2020, C 91 I, p. 1), telle que modifiée le 4 avril 2020 (JO 2020, C 112 I, p. 1) (ci-après l’« encadrement temporaire »). |
6 |
La Commission a considéré, au point 21 de sa décision C(2020) 2983 final du 4 mai 2020, que les bénéficiaires de la mesure en cause étaient Air France et les filiales qu’elle contrôlait. En revanche, ni la holding Air France-KLM ni ses autres filiales, y compris KLM et les sociétés que cette dernière contrôlait, n’ont été considérées comme étant des bénéficiaires de cette mesure. |
7 |
La mesure en cause s’inscrit dans le contexte d’une série d’autres mesures d’aide d’État visant à soutenir le secteur de l’aviation et, plus particulièrement, les sociétés faisant partie du groupe Air France-KLM. |
8 |
En particulier, par la décision C(2020) 4871 final, du 13 juillet 2020, relative à l’aide d’État SA.57116 (2020/N) – Pays-Bas – COVID-19 : Garantie d’État et prêt d’État en faveur de KLM, la Commission a déclaré qu’une aide individuelle accordée par le Royaume des Pays-Bas en faveur de KLM consistant, d’une part, en une garantie d’État portant sur 90 % d’un prêt accordé à KLM par un consortium de banques, d’un montant maximal de 2,4 milliards d’euros, et, d’autre part, en un prêt d’État s’élevant au maximum à 1 milliard d’euros, était compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire. |
9 |
Le 17 décembre 2020, la Commission a procédé à une première correction de sa décision C(2020) 2983 final du 4 mai 2020 par la décision C(2020) 9384 final. Selon elle, les corrections étaient nécessaires afin de corriger une erreur dans la description des faits, notamment en ce qui concerne les références à Air France plutôt qu’au « groupe Air France » (points 5 à 10 de cette dernière décision). En outre, un nouveau point 3.3.4 a été ajouté afin d’examiner, « par souci d’exhaustivité », la compatibilité de l’effet cumulé des deux éléments de la mesure en cause et la mise en balance de leurs effets positifs et négatifs sur la concurrence. |
10 |
Le 5 avril 2021, la Commission a adopté la décision C(2021) 2488 final relative à l’aide d’État SA.59913 – France – COVID-19 – Recapitalisation d[’Air France] et [de] la holding Air France-KLM (ci-après la « décision Air France-KLM et Air France »), dans laquelle elle a conclu à la compatibilité avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire, d’une aide individuelle octroyée par la République française sous la forme d’une recapitalisation d’Air France et de la holding Air France-KLM s’élevant à un montant total de 4 milliards d’euros. Cette aide comprend, d’une part, une participation de la République française à un projet d’augmentation de capital d’un montant maximal de 1 milliard d’euros et, d’autre part, la conversion du prêt d’actionnaire en un instrument hybride, assimilé à une participation en fonds propres, étant précisé que ce prêt d’actionnaire fait partie de la mesure en cause dans la présente affaire. |
11 |
Par arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; COVID-19) (T‑643/20, EU:T:2021:286), le Tribunal a annulé la décision visée au point 8 ci-dessus au motif qu’elle était entachée d’un défaut de motivation en ce qui concerne la détermination du bénéficiaire de la mesure d’aide litigieuse. |
12 |
Le 26 juillet 2021, c’est-à-dire après l’introduction du présent recours, la Commission a procédé à une seconde correction de sa décision C(2020) 2983 final du 4 mai 2020 par la décision C(2021) 5701 final. Aux points 3 et 4 de cette dernière décision, la Commission explique avoir pris acte de l’arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; COVID-19) (T‑643/20, EU:T:2021:286), et qu’il convenait, à la suite de cet arrêt, d’ajouter des éléments supplémentaires permettant de conclure qu’Air France était la seule bénéficiaire de la mesure en cause. |
Conclusions des parties
13 |
Dans la requête du 20 avril 2021, telle qu’adaptée le 8 octobre 2021, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
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14 |
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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15 |
La République fédérale d’Allemagne, le Royaume des Pays-Bas, Air France et la holding Air France-KLM concluent au rejet du recours comme non fondé et à ce que les requérantes soient condamnées aux dépens. |
16 |
La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme étant irrecevable, dans la mesure où les requérantes contestent le bien‑fondé de la décision attaquée, et de le rejeter au fond pour le surplus. |
En droit
Sur la recevabilité
17 |
Les requérantes font valoir, premièrement, qu’elles sont des parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), et que, dès lors, elles ont qualité pour agir afin de défendre leurs droits procéduraux. Deuxièmement, elles soutiennent que leur position concurrentielle sur le marché a été substantiellement affectée par la mesure en cause et qu’elles ont, par conséquent, qualité pour agir pour contester également le bien-fondé de la décision attaquée. |
18 |
La Commission, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume des Pays-Bas, Air France et la holding Air France-KLM ne contestent pas la recevabilité du recours. |
19 |
En revanche, la République française soutient que les requérantes n’ont pas qualité pour agir pour contester le bien-fondé de la décision attaquée. |
20 |
En l’espèce, il est constant que les requérantes sont des concurrentes d’Air France et il n’est pas contesté que, dès lors, elles doivent être considérées comme « parties intéressées » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 ayant qualité pour agir afin de sauvegarder les droits procéduraux qu’elles tirent de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. |
21 |
Quant à la qualité des requérantes pour contester le bien-fondé de la décision attaquée, il importe de rappeler que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 59 et 91, et du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑244/16 P, EU:C:2018:177, point 39). |
22 |
La décision attaquée, qui a été adressée à la République française, ne constituant pas un acte réglementaire aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’elle n’est pas un acte de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 56), il appartient au Tribunal de vérifier si les parties requérantes sont directement et individuellement concernées par cette décision, au sens de cette disposition. |
23 |
À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 22, et du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 53). |
24 |
Ainsi, lorsqu’une partie requérante met en cause le bien‑fondé d’une décision d’appréciation d’une aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme « intéressée », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Elle doit alors démontrer qu’elle a un statut particulier au sens de la jurisprudence rappelée au point 23 ci-dessus. Il en est notamment ainsi lorsque la position de la partie requérante sur le marché concerné est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 37 et jurisprudence citée). |
25 |
À cet égard, la démonstration, par la partie requérante, d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché n’implique pas de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre cette partie et les entreprises bénéficiaires, mais nécessite seulement de la part de ladite partie qu’elle indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 57 et jurisprudence citée). |
26 |
Il ressort ainsi de la jurisprudence de la Cour que l’atteinte substantielle à la position concurrentielle de la partie requérante sur le marché en cause résulte non pas d’une analyse approfondie des différents rapports de concurrence sur ce marché, permettant d’établir avec précision l’étendue de l’atteinte à sa position concurrentielle, mais, en principe, d’un constat prima facie que l’octroi de la mesure visée par la décision de la Commission conduit à porter substantiellement atteinte à cette position (arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 58). |
27 |
Il en découle que cette condition peut être satisfaite si la partie requérante apporte des éléments permettant de démontrer que la mesure concernée est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 59 et jurisprudence citée). |
28 |
S’agissant des éléments admis par la jurisprudence pour établir une telle atteinte substantielle, il convient de rappeler que la seule circonstance qu’un acte soit susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme étant individuellement concernée par ledit acte. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 60 et jurisprudence citée). |
29 |
La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante, tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide (arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 61). |
30 |
En outre, la jurisprudence n’exige pas que la partie requérante apporte des éléments quant à la taille ou à l’étendue géographique des marchés en cause, ou encore quant à ses parts de marché ou à celles du bénéficiaire de la mesure en cause ou d’éventuels concurrents sur ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2021:608, point 65). |
31 |
C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si les requérantes ont apporté des éléments permettant de démontrer que la mesure en cause est susceptible de porter substantiellement atteinte à leur position sur le marché concerné. |
32 |
À cet égard, en premier lieu, les requérantes font valoir que, avant la pandémie de COVID-19, elles exploitaient 211 lignes aériennes à partir ou à destination de la France. En particulier, elles expliquent que Ryanair était en concurrence directe avec Air France et ses filiales sur 45 de ces lignes, lesquelles revêtiraient une importance économique en ce qu’elles relieraient des grandes villes en Europe et au-delà et auraient été généralement desservies par très peu d’autres compagnies aériennes. En outre, Ryanair aurait transporté un total de 1576991 passagers sur ces 45 lignes en 2019. |
33 |
La République française rétorque, en substance, que Ryanair n’est pas la concurrente la plus proche et la plus directe d’Air France. En outre, elle conteste le fait que les requérantes seraient « en concurrence directe » avec Air France, au motif que les lignes aériennes opérées par cette dernière à partir et à destination des aéroports de Roissy‑Charles‑de‑Gaulle (ci-après l’« aéroport CDG ») et de Paris‑Orly (ci-après l’« aéroport ORY ») et celles opérées par Ryanair à partir et à destination de l’aéroport de Beauvais‑Tillé (ci-après l’« aéroport BVA ») ne seraient pas substituables et ne seraient, dès lors, pas pertinentes pour apprécier le rapport de concurrence entre les requérantes et Air France. En ce qui concerne les autres lignes aériennes invoquées par les requérantes, elle fait valoir que, sur celles-ci, Ryanair ne serait pas la seule concurrente d’Air France. |
34 |
À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il n’est pas nécessaire, au stade de l’examen de la recevabilité du recours, de se prononcer de façon définitive sur la définition du marché des produits ou des services en cause ou encore sur les rapports de concurrence entre les requérantes et le bénéficiaire. Il suffit, en principe, que les requérantes démontrent que, prima facie, l’octroi de la mesure concernée conduit à porter substantiellement atteinte à leur position concurrentielle sur le marché (voir jurisprudence citée aux points 25 et 26 ci-dessus). |
35 |
Quant à la question de savoir si les lignes aériennes opérées en provenance et à destination des aéroports CDG et ORY, d’une part, et de l’aéroport BVA, d’autre part, sont substituables, il ressort de la jurisprudence que, à cette fin, le Tribunal peut tenir compte de plusieurs facteurs, tels que la distance et le temps de trajet selon le critère de référence des 100 km ou une heure de route, le point de vue des concurrents, le point de vue des aéroports concernés et celui des autorités de l’aviation civile des États membres, l’estimation de la part de passagers de loisirs sur une liaison, la notion de « système aéroportuaire » au sens de l’annexe II du règlement (CEE) no 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (JO 1992, L 240, p. 8), les pratiques commerciales et l’existence ou non de services de transport entre les aéroports et certaines villes (arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, points 103 et suivants). |
36 |
Lors de l’audience, la Commission a indiqué que, au vu de ces critères, les lignes aériennes opérées par Ryanair à partir ou à destination de l’aéroport BVA pouvaient, aux fins de la recevabilité du présent recours, être considérées prima facie comme substituables à celles opérées par Air France à partir ou à destination des aéroports CDG et ORY. |
37 |
Cette position se reflète dans la pratique décisionnelle de la Commission, laquelle, sans lier le juge de l’Union européenne, pourrait néanmoins constituer un élément utile dans le cadre d’une appréciation prima facie de la question de savoir si l’octroi de la mesure en cause est susceptible de porter atteinte à la position concurrentielle des requérantes sur le marché. Ainsi, aux considérants 266 à 279 de sa décision C(2013) 1106 final, du 27 février 2013, déclarant une concentration incompatible avec le marché intérieur et l’accord EEE (affaire COMP/M.6663 – Ryanair/Aer Lingus III), la Commission a estimé que le critère de 100 km ou une heure de route était satisfait, la distance et le temps de trajet en voiture vers le centre de Paris depuis les aéroports CDG, ORY et BVA étant respectivement de 23 km (31 min), 20 km (30 min) et 80 km (60 min). Sur cette base, elle a conclu que l’aéroport ORY était substituable avec les aéroports CDG et BVA pour les vols au départ et à destination de Dublin (Irlande). |
38 |
Dans ces circonstances, et en l’absence d’éléments concrets dans le sens inverse dans le dossier dont dispose le Tribunal, il y a lieu de considérer que les lignes aériennes assurées par Ryanair au départ et à destination de l’aéroport BVA, auxquelles les requérantes font référence afin de démontrer leur qualité pour agir, peuvent être regardées comme étant prima facie substituables à celles opérées par Air France à partir et à destination des aéroports CDG et ORY. Dès lors, il convient de tenir compte, aux fins de l’examen de la qualité pour agir de Ryanair, de l’ensemble des lignes aériennes invoquées par les requérantes, étant précisé que la République française ne conteste pas la substituabilité des autres lignes aériennes opérées respectivement par Ryanair et par Air France au départ et à destination d’autres aéroports situés en France. |
39 |
Partant, il y a lieu de considérer que Ryanair était en concurrence avec Air France et ses filiales sur un nombre significatif de lignes aériennes au départ et à destination de la France, à savoir 45. En outre, il ressort du dossier dont dispose le Tribunal, et notamment de l’annexe A.3.4 de la requête, dont la valeur probante n’est contestée ni par la Commission ni par les parties intervenantes, que le nombre de sièges offerts par Ryanair sur ces lignes était souvent comparable, voire dépassait dans certains cas celui offert par Air France et ses filiales. La concurrence entre elles était donc, en termes de nombre de sièges offerts, également significative. |
40 |
En deuxième lieu, les requérantes font valoir qu’elles envisageaient une expansion commerciale sur le marché français, comme en attesterait le fait qu’elles avaient lancé 67 nouvelles lignes aériennes au départ ou à destination de la France en 2019. La Commission et les parties intervenantes ne contestent pas cette circonstance. Par ailleurs, les requérantes ajoutent qu’elles avaient commandé 210 aéronefs Boeing 737 Max qui auraient rejoint leur flotte en juin 2021 et qui leur permettraient de poursuivre leurs plans d’expansion. |
41 |
En troisième lieu, il ressort du point 4 de la décision attaquée que, en l’absence de la mesure en cause, la continuité de l’activité d’Air France aurait été mise en péril. En outre, selon un rapport de la Fondation pour l’innovation politique, produit par les requérantes, intitulé « Before COVID-19 air transportation in Europe : an already fragile sector » (le transport aérien en Europe avant la pandémie de COVID-19 : un secteur déjà fragile), daté du mois de mai 2020 et dont la teneur n’est pas contestée par les parties, « il [était] probable que Ryanair [...] sortir[ai]t de la crise de la COVID-19 sans trop de dommages et disposer[ai]t même de suffisamment de ressources financières, notamment grâce à l’endettement et au rachat de sociétés en faillite, pour participer à la probable restructuration du transport aérien en Europe ». Il en découle que Ryanair se trouvait dans une position relativement forte par rapport aux compagnies aériennes traditionnelles telles qu’Air France, laquelle était confrontée à un risque d’insolvabilité, voire de sortie du marché. |
42 |
En quatrième lieu, il ressort du dossier que, en 2019, le directeur général de la holding Air France-KLM a annoncé un plan d’action visant à intensifier la concurrence avec les compagnies aériennes « à bas coûts », telles que Ryanair, par le biais de la filiale à bas coût « Transavia France ». |
43 |
Les éléments relevés aux points 38 à 42 ci-dessus, pris ensemble, permettent de considérer que les requérantes ont démontré que l’octroi de la mesure en cause était susceptible de renforcer la position concurrentielle d’Air France au détriment de Ryanair et de conduire prima facie à porter substantiellement atteinte à la position concurrentielle de Ryanair sur le marché, en provoquant notamment un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle mesure (voir jurisprudence citée au point 29 ci-dessus). |
44 |
Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’objection de la République française selon laquelle Ryanair n’est pas la principale concurrente d’Air France sur le marché français. |
45 |
En effet, la jurisprudence n’exige pas que la partie requérante soit la principale concurrente du bénéficiaire d’une mesure d’aide pour que sa position concurrentielle puisse être considérée comme substantiellement affectée par celle-ci. |
46 |
Ne saurait non plus prospérer l’objection de la République française selon laquelle les requérantes n’ont pas démontré que la décision attaquée les atteint en raison d’une situation de fait qui les distingue de celle de tous les autres concurrents d’Air France. |
47 |
En effet, la condition de l’affectation substantielle de la position concurrentielle de la partie requérante est un élément propre à celle-ci, qui doit être évalué uniquement par rapport à sa position sur le marché antérieurement à l’octroi de la mesure en cause ou en l’absence de celle‑ci. Il ne s’agit donc pas de comparer la situation de tous les concurrents présents sur le marché concerné (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Deutsche Lufthansa/Commission, C‑453/19 P, EU:C:2020:862, point 58). Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 30 ci-dessus, la Cour a précisé qu’il n’était pas nécessaire que la partie requérante apportât des éléments concernant ses parts de marché ou celles du bénéficiaire ou d’éventuels concurrents sur ce marché. Il en découle que, pour démontrer une affectation substantielle sur sa position concurrentielle, il ne saurait être exigé de la partie requérante d’établir, preuves à l’appui, quelle est la situation concurrentielle de l’ensemble de ses concurrents et de se distinguer par rapport à celle-ci. |
48 |
De surcroît, il importe de relever que la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus prévoit deux critères distincts pour démontrer que les sujets autres que les destinataires d’une décision sont individuellement concernés par celle-ci, à savoir que la décision attaquée les atteigne en raison de « certaines qualités qui leur sont particulières » ou d’« une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne ». Cette jurisprudence n’exige donc pas d’une partie requérante de démontrer, dans tous les cas, que sa situation de fait se distingue par rapport à celle de toute autre personne. Il suffit, en effet, que la décision attaquée atteigne la partie requérante en raison de certaines qualités qui lui sont particulières. |
49 |
Tel est le cas en l’espèce. En effet, l’ensemble des éléments mentionnés aux points 38 à 42 ci-dessus tendent à établir, de façon suffisamment plausible, que la position de Ryanair sur les marchés concernés se caractérisait par certaines qualités qui lui sont particulières, à savoir le fait que Ryanair se trouve en concurrence directe avec Air France sur un grand nombre de lignes aériennes, sur lesquelles, en outre, elle exploite un nombre de sièges important, qu’elle avait entamé une expansion commerciale sur le marché français en lançant un grand nombre de nouvelles lignes aériennes avant l’apparition de la pandémie de COVID-19, qu’Air France envisageait d’intensifier la concurrence sur le segment du marché dit « à bas coûts », sur lequel Ryanair est active, par le biais de sa compagnie aérienne « Transavia France » et que, en l’absence de la mesure en cause, il existait un risque qu’Air France devienne insolvable ou à tout le moins significativement affaiblie, tandis que la situation financière de Ryanair semblait être relativement forte par rapport à celle de la bénéficiaire, la plaçant ainsi dans une position susceptible de lui permettre, en l’absence d’aide, de gagner des parts de marché au détriment d’Air France. |
50 |
Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que les requérantes ont démontré à suffisance de droit que la mesure en cause était susceptible d’affecter de façon substantielle la position concurrentielle de Ryanair sur le marché concerné. |
51 |
Il y a lieu de constater que Ryanair est également directement concernée par la décision attaquée, dès lors que la volonté de la République française de verser une aide à Air France ne fait aucun doute et qu’un tel versement est susceptible de placer Ryanair dans une situation concurrentielle désavantageuse et d’affecter ainsi son droit à ne pas subir une concurrence faussée par cette aide (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 43 et jurisprudence citée). |
52 |
Dès lors, Ryanair est recevable pour contester le bien-fondé de la décision attaquée. |
53 |
S’agissant de la qualité pour agir de Malta Air, il a été jugé que, lorsqu’une des requérantes est recevable et qu’il s’agit d’un seul et même recours, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres requérantes [voir arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 33 (non publié) et jurisprudence citée]. |
Sur le fond
54 |
Au soutien du recours, les requérantes invoquent cinq moyens, concernant, en substance, le premier, l’exclusion de la holding Air France-KLM et de KLM du périmètre des bénéficiaires de la mesure en cause, le deuxième, un détournement de pouvoir et une application erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire, le troisième, une violation des principes de non‑discrimination, de libre prestation de services et de liberté d’établissement, le quatrième, une violation des droits procéduraux des requérantes et, le cinquième, une violation de l’obligation de motivation. |
Sur le premier moyen, relatif à l’exclusion de la holding Air France‑KLM et de KLM du périmètre des bénéficiaires de la mesure en cause
55 |
Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la bénéficiaire de la mesure en cause était Air France, à l’exclusion de la holding Air France-KLM et de KLM. Elles font valoir plusieurs éléments afin de démontrer que ladite holding et KLM sont des bénéficiaires potentielles ou indirectes de cette mesure. Elles avancent des arguments concernant, en substance, les liens capitalistiques, organiques, fonctionnels et économiques entre la holding Air France‑KLM, Air France et KLM, le cadre contractuel sur la base duquel ladite mesure a été accordée ainsi que le contexte dans lequel celle-ci s’inscrit. |
56 |
La Commission conteste les arguments des requérantes en soulignant, sur la base des éléments mis en exergue dans la décision attaquée, qu’Air France et KLM bénéficient de facto d’une grande autonomie fonctionnelle, économique et organique, tant l’une à l’égard de l’autre qu’à l’égard de la holding Air France-KLM. En outre, la structure d’entreprise et de gouvernance du groupe Air France-KLM éviterait également tout risque de transfert indirect de l’aide entre Air France et KLM. Par ailleurs, la mesure en cause inclurait des mécanismes contractuels équivalents à une clause d’affectation, qui feraient parvenir l’avantage financier et économique réel de ladite mesure exclusivement à Air France. |
57 |
La République française, le Royaume des Pays-Bas, Air France et la holding Air France-KLM souscrivent aux observations de la Commission. |
58 |
Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la bénéficiaire de la mesure en cause était Air France, y compris les filiales qu’elle contrôle. En revanche, bien qu’Air France fasse partie du groupe Air France-KLM, ni sa société mère, à savoir la holding Air France‑KLM, ni ses sociétés sœurs, y compris KLM et les filiales que cette dernière contrôle, ne seraient bénéficiaires de ladite mesure. |
59 |
Le présent moyen soulève ainsi, en substance, la question de la détermination du bénéficiaire d’une mesure d’aide dans le contexte d’un groupe de sociétés. |
60 |
À cet égard, il ressort de la jurisprudence que plusieurs entités juridiques distinctes peuvent être considérées comme formant une seule unité économique aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État. En effet, dans ce domaine, la question de savoir s’il existe une unité économique entre plusieurs entités juridiquement distinctes se pose notamment lorsqu’il s’agit d’identifier le bénéficiaire d’une aide [voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, points 11 et 12, et du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; COVID-19), T‑643/20, EU:T:2021:286, point 46 et jurisprudence citée]. |
61 |
Parmi les éléments pris en compte par la jurisprudence pour déterminer la présence ou l’absence d’une unité économique dans le domaine des aides d’État figurent notamment : la participation de l’entreprise concernée à un groupe de sociétés dont le contrôle est exercé directement ou indirectement par l’une d’entre elles, la poursuite d’activités économiques identiques ou parallèles et l’absence d’autonomie économique des sociétés concernées (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2004, Pollmeier Malchow/Commission, T‑137/02, EU:T:2004:304, points 68 à 70) ; la formation d’un groupe unique contrôlé par une entité, malgré la constitution de nouvelles sociétés possédant chacune une personnalité juridique distincte (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 11) ; la possibilité, pour une entité détenant des participations de contrôle dans une autre société, d’exercer, au-delà d’un simple placement de capitaux par un investisseur, des fonctions de contrôle, d’impulsion et de soutien financier à l’égard de cette société ainsi que l’existence de liens organiques, fonctionnels et économiques entre elles [voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, EU:C:2010:787, point 51, etdu 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; COVID-19), T‑643/20, EU:T:2021:286, point 47] ; ainsi que l’existence de clauses contractuelles pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, EU:C:2010:787, point 57). |
62 |
En outre, le type de mesure d’aide octroyée et le contexte dans lequel s’inscrit cette mesure peuvent, selon le cas, également constituer des éléments pertinents pour déterminer la présence ou l’absence d’une unité économique dans le domaine des aides d’État. |
63 |
Par ailleurs, la Commission a précisé son interprétation de la notion d’« entreprise » dans sa communication relative à la notion d’« aide d’État », visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (JO 2016, C 262, p. 1, ci-après la « communication relative à la notion d’‟aide d’État” »). Cette communication, si elle n’est pas susceptible de lier le Tribunal, peut toutefois servir de source d’inspiration utile [voir arrêt du 6 avril 2022, Mead Johnson Nutrition (Asia Pacific) e.a./Commission, T‑508/19, EU:T:2022:217, point 93 et jurisprudence citée]. |
64 |
La Commission a reconnu, au paragraphe 11 de la communication relative à la notion d’« aide d’État », que plusieurs entités juridiques distinctes peuvent être considérées comme formant une seule unité économique aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État. À cette fin, selon ce paragraphe, il convient de prendre en considération l’existence de participations de contrôle de l’une des entités dans l’autre ainsi que l’existence d’autres liens fonctionnels, économiques et organiques entre elles. |
65 |
Dans ce contexte, il a été jugé que la Commission disposait d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer si des sociétés faisant partie d’un groupe devaient être considérées comme une unité économique ou bien comme des unités juridiquement et financièrement autonomes aux fins de l’application du régime des aides d’État. Ce pouvoir d’appréciation de la Commission implique la prise en considération et l’appréciation de faits et de circonstances économiques complexes. Le juge de l’Union ne pouvant substituer son appréciation des faits, notamment sur le plan économique, à celle de l’auteur de la décision, le contrôle du Tribunal doit, à cet égard, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 8 septembre 2009, AceaElectrabel/Commission, T‑303/05, non publié, EU:T:2009:312, points 101 et 102 et jurisprudence citée). |
66 |
Toutefois, le juge de l’Union doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 20 septembre 2018, Espagne/Commission, C‑114/17 P, EU:C:2018:753, point 104). |
67 |
En outre, il incombe à la Commission d’examiner avec une vigilance particulière les liens entre les sociétés appartenant au même groupe, lorsqu’il y a lieu de craindre les effets sur la concurrence d’un cumul d’aides d’État au sein du même groupe [voir arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; COVID-19), T‑643/20, EU:T:2021:286, point 48 et jurisprudence citée]. |
68 |
Compte tenu des critères dégagés dans la jurisprudence et des arguments des parties, il convient d’examiner consécutivement les liens capitalistiques, organiques, fonctionnels et économiques entre la holding Air France-KLM, Air France et KLM et leurs filiales respectives, les contrats sur la base desquels la mesure en cause a été octroyée, ainsi que le type de mesure d’aide octroyée et le contexte dans lequel celle-ci s’inscrit. |
– Sur les liens capitalistiques et organiques entre la holding Air France-KLM, Air France et KLM
69 |
En premier lieu, s’agissant des liens capitalistiques entre les différentes entités appartenant au groupe Air France-KLM, il convient de relever, ainsi qu’il a été rappelé au point 3 ci-dessus, qu’Air France est détenue à 100 % par la holding Air France‑KLM et que cette dernière détient 93,84 % du capital social, 99,7 % des droits économiques et 49 % des droits de vote dans KLM. |
70 |
Au point 29 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, si Air France et KLM étaient des entités juridiques distinctes, ayant chacune leur propre structure d’actionnariat, la holding Air France-KLM détenait des « droits de contrôle » tant sur Air France que sur KLM. |
71 |
Bien que ce fait constitue un premier élément pertinent pour l’examen de l’existence d’une unité économique entre ces entités, la jurisprudence en matière d’aides d’État exige de vérifier, en outre, si la société mère exerce effectivement un contrôle en s’immisçant directement ou indirectement dans la gestion de ses filiales et prend ainsi part à l’activité économique exercée par l’entreprise contrôlée (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, EU:C:2010:787, point 49 et jurisprudence citée). |
72 |
En effet, à défaut d’une telle analyse, un simple démembrement d’une entreprise en deux entités distinctes, dont la première poursuivrait directement l’activité économique en cause et la seconde contrôlerait la première tout en s’ingérant dans sa gestion suffirait à priver de leur effet utile les règles du droit de l’Union relatives aux aides d’État. Cela permettrait à la seconde entité de bénéficier de subventions ou d’autres avantages accordés par l’État ou au moyen de ressources d’État et de les utiliser en tout ou en partie au profit de la première, dans l’intérêt, également, de l’unité économique formée par les deux entités (voir arrêt du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C‑480/09 P, EU:C:2010:787, point 50 et jurisprudence citée). |
73 |
En l’espèce, il ressort des points 27 et 91 de la décision attaquée que la holding Air France-KLM détient un pouvoir de contrôle sur Air France et sur KLM grâce aux droits de véto dont elle dispose, d’une part, sur les plans des affaires et les budgets de ces dernières, et d’autre part, sur la rémunération, la nomination et la révocation des dirigeants de celles‑ci, y compris la nomination et la révocation de leurs membres du conseil d’administration. Ainsi, ladite holding doit approuver les décisions concernant notamment les options stratégiques, le budget et le plan d’investissement du « groupe Air France‑KLM, y compris KLM » avant que celles-ci ne soient adoptées ou mises en œuvre. |
74 |
Il ressort également de la décision attaquée que la holding Air France‑KLM dispose d’un droit d’approbation en ce qui concerne les opérations de financement de ses filiales dépassant 150 millions d’euros. Ce droit s’est avéré pertinent en l’espèce, eu égard au fait que, comme la Commission le reconnaît dans la décision attaquée, le financement accordé par la République française dépassait le seuil de 150 millions d’euros, de sorte que la holding Air France-KLM a dû l’approuver avant que celui-ci ne soit octroyé. |
75 |
En second lieu, en ce qui concerne les liens organiques entre la holding Air France-KLM, Air France et KLM, les requérantes font référence notamment au document d’enregistrement universel 2019 de ladite holding déposé auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) (France) en application du règlement (UE) 2017/1129 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, et abrogeant la directive 2003/71/CE (JO 2017, L 168, p. 12) (ci-après le « document d’enregistrement universel 2019 »), dont elles présentent un extrait devant le Tribunal et lequel a été débattu lors de l’audience. Conformément aux articles 9 et 21 du règlement 2017/1129, le document d’enregistrement universel est un document mis à la disposition du public qui décrit l’organisation, les activités, la situation financière, les résultats, les perspectives, le gouvernement et la structure de l’actionnariat de l’émetteur en cause. |
76 |
Il ressort du document d’enregistrement universel 2019 qu’il existe, au niveau du groupe Air France-KLM, plusieurs organes mixtes, composés de représentants de haut niveau de la holding Air France-KLM, d’Air France et de KLM, chargés de contrôler et de coordonner certaines décisions importantes à prendre au sein dudit groupe. |
77 |
Par exemple, au sein du groupe Air France-KLM, tous les investissements supérieurs à cinq millions d’euros, de même que les opérations portant sur la flotte ainsi que les opérations de prise de participation et de cession, sont soumis à l’approbation d’un « Comité exécutif Groupe », composé notamment des directeurs généraux de la holding Air France-KLM, d’Air France et de KLM, comme l’a d’ailleurs confirmé ladite holding lors de l’audience. |
78 |
En outre, selon ce document d’enregistrement universel 2019, si la gestion des investissements est assurée au niveau de chaque société du groupe Air France-KLM, le processus de prise de décision est coordonné par un « Group Investment Committee (GIC) », composé du directeur général adjoint « Économie et Finances » de la holding Air France-KLM, du directeur général adjoint « Économie et Finances » d’Air France et du « Chief Financial Officer » de KLM. |
79 |
De même, il ressort du document d’enregistrement universel 2019 que la gestion des risques de marché au sein du groupe Air France-KLM est pilotée par un « Risk Management Committee », composé également de hauts dirigeants de la holding Air France-KLM, d’Air France et de KLM, lequel décide et surveille les risques financiers dudit groupe et détermine les couvertures nécessaires à mettre en place. |
80 |
Il en ressort également que les décisions prises par ces organes mixtes au niveau du groupe Air France-KLM sont ensuite mises en œuvre par chaque entité du groupe. |
81 |
Il s’ensuit que les liens capitalistiques et organiques au sein du groupe Air France-KLM tendent à démontrer que la holding Air France-KLM exerce effectivement un contrôle en s’immisçant directement ou indirectement dans la gestion d’Air France et de KLM et prend ainsi part à l’activité économique exercée par elles. Il en résulte également qu’il existe, au niveau dudit groupe, une procédure de prise de décision centralisée et une certaine coordination, assurées par le biais d’organes mixtes regroupant des représentants de haut niveau de la holding Air France-KLM, d’Air France et de KLM, à tout le moins en ce qui concerne la prise de certaines décisions importantes. |
82 |
Les liens capitalistiques et organiques au sein du groupe Air France‑KLM sont ainsi, comme le font valoir les requérantes, un premier élément tendant à démontrer que les entités juridiques distinctes au sein dudit groupe forment une seule unité économique aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État. |
– Sur les liens fonctionnels entre la holding Air France-KLM, Air France et KLM
83 |
En premier lieu, la Commission a relevé au point 30 de la décision attaquée que la holding Air France-KLM employait ses propres salariés et « s’appu[yait] » sur des employés détachés auprès d’elle par Air France et KLM. En outre, elle a indiqué aux points 27 et 91 de cette décision, ainsi qu’il a été rappelé au point 73 ci-dessus, que la holding Air France-KLM disposait de droits de véto quant à la rémunération, la nomination et la révocation des dirigeants de KLM et d’Air France. Il s’ensuit qu’il existe une certaine intégration entre les employés de cette holding et de ses filiales et que la même holding est impliquée dans les décisions les plus importantes concernant les dirigeants de ses filiales. |
84 |
En deuxième lieu, au point 31 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que la holding Air France-KLM n’était pas « directement » active sur les marchés du transport aérien sur lesquels Air France et KLM étaient actives, en constatant que le rôle de ladite holding était de fournir un soutien à ses filiales « en matière d’informatique, de ressources humaines, de marketing, de numérique, de communication et d’innovation ». |
85 |
Toutefois, au point 38 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’Air France et KLM, sous l’égide de la holding Air France-KLM, se coordonnaient dans le « domaine des ventes et de gestion des prix et des recettes sur la base de la stratégie déterminée au niveau de la holding [Air France-KLM] », avec l’aide des employés d’Air France et de KLM détachés auprès de ladite holding à cette fin. Un tel constat ressort également du point 91 de ladite décision. |
86 |
Il en résulte que, si, certes, la holding Air France‑KLM ne fournit pas elle-même des services de transport aérien, il n’en demeure pas moins qu’elle joue un rôle stratégique dans la prestation de ces services, notamment dans le domaine des ventes et de la gestion des prix et des recettes, et qu’elle est, en outre, impliquée dans la prise de décisions relatives aux opérations portant sur la flotte (voir point 77 ci-dessus), ce qui confirme l’existence d’un degré d’intégration entre la holding Air France-KLM, Air France et KLM. |
87 |
L’existence d’une certaine coordination fonctionnelle au sein du groupe Air France-KLM est, en outre, illustrée par l’exemple de « Transavia », invoqué par les requérantes. Ainsi qu’il ressort des réponses de la Commission aux questions posées dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, au sein dudit groupe, il existe plusieurs sociétés comportant le nom « Transavia », dont certaines sont actives sur le marché des services de transport aérien de passagers. Il s’agit de Transavia France SAS et de Transavia Airlines CV, respectivement appelées « Transavia France » et « Transavia Netherlands » dans la décision attaquée. « Transavia France » et « Transavia Netherlands » sont des filiales respectivement d’Air France et de KLM. La Commission a indiqué à cet égard que, bien que ces deux sociétés disposent de leurs propres licences, certificats, droits de trafic, créneaux horaires, actifs, personnel et direction, elles se présentent sur le marché sous la même marque Transavia et partagent le même site Internet, ce que la holding Air France‑KLM a confirmé lors de l’audience. En outre, comme le font valoir les requérantes, « Transavia » est souvent mentionnée comme une entreprise unique dans le document d’enregistrement universel 2019 lorsque ce dernier se réfère au segment « low cost » de l’activité commerciale du groupe Air France-KLM. Cet exemple témoigne ainsi d’une certaine coopération fonctionnelle et commerciale entre deux filiales d’Air France et de KLM. |
88 |
En troisième lieu, il ressort des points 32 à 34 et 91 de la décision attaquée que la holding Air France-KLM assume également des fonctions financières pour les besoins d’Air France et de KLM. D’une part, elle fournit notamment des instructions budgétaires à ses filiales. D’autre part, elle peut, « occasionnellement » aux termes de la décision attaquée, lever des capitaux sur les marchés financiers (dette ou fonds propres) au profit de ses filiales en fonction de leurs besoins individuels. S’agissant de l’émission d’actions ou d’instruments donnant accès au capital, ces opérations sont également réalisées au niveau de ladite holding, tandis que les dettes au sein du groupe Air France-KLM seraient « principalement » contractées directement par Air France et KLM. |
89 |
Il convient d’ajouter, à l’instar des requérantes et ainsi qu’il ressort des points 75 à 80 ci-dessus, que la holding Air France-KLM est impliquée dans la coordination et l’approbation des investissements importants de ses filiales, les opérations de prise de participation et de cession, et de la gestion des risques financiers et des couvertures nécessaires à mettre en place lesquels font l’objet d’un suivi continu et permanent au niveau du groupe Air France-KLM. |
90 |
Le rôle financier assumé par la holding Air France-KLM est illustré, en l’espèce, par le fait, relevé au point 36 de la décision attaquée, que celle-ci dispose d’un droit d’approbation pour les opérations de financement de ses filiales dépassant 150 millions d’euros, et que, en conséquence, elle a dû approuver la mesure en cause. |
91 |
Dans la décision attaquée et lors de l’audience, la Commission, tout en reconnaissant le rôle financier joué par la holding Air France-KLM au profit de ses filiales, en a relativisé l’importance, en le qualifiant de « limité » (point 32 de la décision attaquée). |
92 |
Pourtant, il ressort des points 73 et 77 ci-dessus que les décisions importantes ou stratégiques en matière de financement, d’investissement et de flotte sont coordonnées, voire approuvées, par la holding Air France‑KLM. |
93 |
Cette conclusion est corroborée par les données figurant dans le document d’enregistrement universel 2019, dont il ressort que la holding Air France-KLM a réalisé une série d’émissions obligataires de montants importants, que « la stratégie financière est décidée par le groupe [Air France-KLM] en coordination avec [Air France] et [KLM] », que ladite holding était l’émetteur « principal » des titres obligataires, et que ledit groupe envisageait un « recours systématique aux financements sur les marchés [par le biais d’]Air France-KLM ». |
94 |
En dépit de cela, dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’Air France et KLM étaient « fonctionnellement autonomes », en s’appuyant sur les éléments suivants (point 37 de la décision attaquée). |
95 |
Premièrement, Air France et KLM disposeraient d’« équipes de gestion distinctes » (point 37, premier tiret, de la décision attaquée). Toutefois, cette affirmation doit être fortement nuancée par les éléments relevés aux points 73, 75 à 80 et 83 ci-dessus, dont il ressort que la holding Air France‑KLM a un droit de véto quant à la rémunération, à la nomination et à la révocation des dirigeants de ses filiales, que des organes mixtes au sein du groupe Air France-KLM sont chargés du contrôle et de la coordination de certaines décisions importantes concernant ses filiales et que ladite holding s’appuie sur des employés d’Air France et de KLM détachés auprès d’elle. |
96 |
Deuxièmement, Air France serait « indépendante et pleinement responsable » de la « plupart » des principaux éléments de ses activités commerciales, notamment les ressources humaines, la flotte, le développement du réseau, l’expérience client, la gestion des passagers et du fret, les activités de maintenance, les opérations aériennes, les services à bord et la commercialisation (point 37, premier tiret, de la décision attaquée). Toutefois, ces affirmations font abstraction du rôle joué par la holding Air France-KLM tant en ce qui concerne les opérations portant sur la flotte (voir points 73 et 77 ci-dessus), qu’en ce qui concerne la prestation de services de transport aérien, en particulier dans le domaine des ventes et de la gestion des prix et des recettes, dont la stratégie est déterminée au niveau de ladite holding (voir points 85 à 87 ci-dessus). |
97 |
Troisièmement, Air France et KLM disposeraient d’« une organisation financière indépendante », en ce qui concerne notamment le financement et le contrôle des rapports internes et externes, de la trésorerie, de l’audit et de la fiscalité (point 37, deuxième tiret de la décision attaquée). Au point 34 de la décision attaquée, la Commission a indiqué, en outre, que les activités financières « quotidiennes » seraient effectuées par Air France et KLM de manière indépendante. Ces affirmations se heurtent pourtant au fait que tout financement au‑delà du seuil de 150 millions d’euros ou tout investissement au-delà de cinq millions d’euros doit être approuvé par la holding Air France-KLM. Par ailleurs, le fait que les activités financières « quotidiennes » seraient gérées par Air France et KLM ne contredit pas ce qui précède. |
98 |
Quatrièmement, Air France gérerait ses besoins de liquidités « de manière indépendante sans intervention de KLM ». Par exemple, les décisions de financement de sa flotte seraient prises au niveau du conseil d’administration d’Air France et non au niveau de la holding Air France-KLM. Il n’existerait pas non plus de « mécanisme de partage des profits et des pertes ni d’accord de mise en commun de trésorerie entre Air France et KLM » (points 35, 36 et 37, troisième tiret, de la décision attaquée). |
99 |
Toutefois, d’une part, le fait qu’Air France et KLM géreraient de manière indépendante leurs liquidités doit également être nuancé, dans la mesure où la holding Air France-KLM lève des capitaux sur les marchés au profit de ses filiales (voir point 88 ci-dessus), où elle approuve les opérations de financement au-delà de 150 millions d’euros et où elle donne des instructions budgétaires à ses filiales. De même, l’affirmation selon laquelle « les décisions de financement de sa flotte seraient prises au niveau du conseil d’administration d’Air France et non au niveau de la holding Air France-KLM » est contredite par les circonstances relevées au point 77 ci-dessus. |
100 |
D’autre part, si la Commission a affirmé qu’il n’existait pas de mécanisme de partage des profits et des pertes, ni d’accord de mise en commun de trésorerie entre Air France et KLM, elle a tout de même relevé, au point 43 de la décision attaquée, qu’il existait des « accords de partage des coûts » entre Air France et KLM et leurs filiales. Il ressort du même point de la décision attaquée qu’il existe des « activités communes menées en commun par Air France et KLM ou leurs filiales ». Ces éléments confirment l’existence d’une certaine intégration et coopération fonctionnelles entre ces dernières au sein du groupe Air France-KLM. |
101 |
Ainsi, la conclusion à laquelle est parvenue la Commission, à savoir qu’Air France et KLM jouiraient d’une autonomie fonctionnelle, se trouve remise en cause par l’ensemble des considérations figurant aux points 83 à 100 ci-dessus. |
102 |
Partant, les liens fonctionnels entre la holding Air France-KLM, Air France et KLM constituent un deuxième élément tendant à démontrer que ces entités forment une seule unité économique aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État. |
– Sur les liens économiques entre la holding Air France-KLM, Air France et KLM
103 |
Aux points 39 à 41 et 92 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la holding Air France-KLM, KLM et Air France jouissaient de facto d’une autonomie économique, pour les motifs suivants. |
104 |
Tout d’abord, la holding Air France-KLM ne disposerait d’aucune activité génératrice de recettes externes, de sorte qu’elle ne pourrait pas soutenir de façon autonome Air France et KLM. Les recettes de ladite holding seraient générées exclusivement en interne auprès de ses filiales par une commission de gestion couvrant les frais de gestion de cette holding, de redevances de marques et de certains mécanismes de redistribution de coûts (points 39 et 40 de la décision attaquée). Ensuite, bien que la holding Air France-KLM puisse lever des fonds sur les marchés financiers pour les besoins de ses filiales, d’un point de vue économique, son rôle serait celui d’un « intermédiaire » entre ses filiales et les investisseurs, qui investiraient, en réalité, dans lesdites filiales (point 41 de ladite décision). Enfin, les relations commerciales entre Air France et KLM seraient menées à des conditions normales de marché et négociées par des équipes de direction autonomes. En ce qui concerne les accords de partage des coûts entre ces deux sociétés, ceux‑ci prévoiraient une clé de répartition fondée sur les « normes du marché » (points 42 et 43 de cette décision). |
105 |
À cet égard, premièrement, comme le font valoir les requérantes, le fait que la holding Air France-KLM génère ses recettes uniquement auprès de ses filiales démontre qu’il existe une certaine interdépendance économique entre ladite holding et ses filiales. Cela est corroboré notamment par le fait qu’Air France et KLM s’efforcent d’obtenir des synergies par la coordination de leurs activités respectives sous l’égide de la holding Air France-KLM, en particulier dans le domaine des ventes et de la gestion des prix et des recettes (voir point 85 ci-dessus), et que cette holding est impliquée dans le financement de ses filiales de manière coordonnée (voir points 88 à 92 ci-dessus). |
106 |
Deuxièmement, à supposer même que la holding Air France-KLM agit sur les marchés financiers uniquement en tant qu’« intermédiaire » entre ses filiales et les investisseurs, cela confirme le fait que la holding Air France-KLM agit dans l’intérêt de ces filiales en levant des fonds pour leurs besoins sur les marchés financiers. Ce fait révèle que ladite holding négocie les termes du financement sur les marchés financiers en se fondant sur la position financière du groupe Air France-KLM dans son ensemble. Dès lors, c’est grâce à la holding Air France-KLM que les synergies au sein dudit groupe sont réalisées. |
107 |
Troisièmement, comme il a été relevé au point 100 ci-dessus, le fait, admis par la Commission, qu’il existe des accords de partage des coûts entre Air France et KLM ainsi que des activités menées en commun par Air France et KLM et leurs filiales confirme l’existence d’une certaine intégration et coopération économiques entre elles. |
108 |
Quatrièmement, la Commission fait valoir, aux points 40 et 42 de la décision attaquée, que les relations financières et commerciales entre la holding Air France-KLM et ses filiales Air France et KLM, ainsi qu’entre ces dernières elles-mêmes, seraient menées à « des conditions normales de marché ». En particulier, quant aux relations entre Air France et KLM, elle fait référence, dans ce contexte, au fait que celles‑ci restent imposables respectivement en France et aux Pays‑Bas, que les législations fiscales française et néerlandaise prévoient que toutes les transactions intragroupes doivent être effectuées comme si elles avaient été conclues entre des parties indépendantes et que, dès lors, aucun avantage ne pourrait passer de l’une à l’autre par ce biais (point 42 de la décision attaquée). Si ces éléments semblent, certes, pertinents aux fins de l’imposition fiscale de ces sociétés au niveau des États membres, ils ne suffisent pourtant pas à démontrer l’existence d’une autonomie économique entre la holding Air France-KLM, Air France et KLM au sein du groupe Air France-KLM, compte tenu des éléments indiqués aux points 104 à 107 ci-dessus. |
109 |
De surcroît, il convient de rappeler que l’octroi de la mesure en cause était justifié notamment par l’impossibilité pour Air France d’obtenir un financement sur les marchés de la dette et des capitaux à des conditions financières acceptables et dans des volumes suffisants, et que l’objectif de ladite mesure était d’éviter un péril immédiat sur la continuité de l’activité d’Air France (points 4 et 10 de la décision attaquée). Dans ces circonstances, l’avantage de cette mesure se traduit précisément dans la mise à disposition de montants importants de liquidités qui n’auraient pas été disponibles dans les conditions du marché. Ainsi, d’une part, une telle mesure aurait pour effet de renforcer la position financière du groupe Air France-KLM dans son ensemble, en ce qu’elle évite le risque de défaillance de l’une de ses principales filiales, à savoir Air France, et rassure de la sorte les investisseurs et les créanciers des sociétés dudit groupe, étant précisé, en outre, que le prêt d’actionnaire était subordonné aux emprunts bancaires ou obligataires non assortis de sûreté et non subordonnés (point 69 de ladite décision). D’autre part, compte tenu du rôle financier de la holding Air France-KLM au sein de ce groupe, celle-ci pourrait, le cas échéant, obtenir, dans l’intérêt de ses filiales et pour leurs besoins, un financement sur les marchés, lequel lui aurait été inaccessible en l’absence de l’aide ou à des conditions moins favorables. |
110 |
Par ailleurs, en l’absence de la mesure en cause, Air France n’aurait pas pu poursuivre ses activités et, par-là, aurait également mis en péril la poursuite des activités menées en commun avec KLM (voir points 85, 87, 100 et 107 ci-dessus). En permettant donc la poursuite des activités d’Air France, ladite mesure permet également, implicitement mais nécessairement, la poursuite des activités menées en commun par Air France et KLM. |
111 |
Partant, les liens économiques entre la holding Air France‑KLM, Air France et KLM constituent un troisième élément tendant à démontrer que ces entités forment une seule unité économique aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État. |
– Sur les contrats sur la base desquels la mesure en cause a été accordée
112 |
Aux points 44 à 47, 93 et 94 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance, que les mécanismes contractuels, sur la base desquels la mesure en cause avait été octroyée, garantissaient qu’Air France et ses filiales en étaient les seules bénéficiaires. |
113 |
Les requérantes font valoir, en substance, en faisant référence à la teneur de certaines clauses des contrats en cause, que ces derniers ne sont pas à même de garantir qu’Air France est la seule bénéficiaire de la mesure en cause. |
114 |
La Commission rétorque que les mécanismes contractuels en cause sont équivalents à une clause d’affectation, qui fait parvenir l’avantage financier et économique réel de la mesure en cause exclusivement à Air France. |
115 |
À titre liminaire, il y a lieu de constater que la mesure en cause devait être octroyée sur la base de trois groupes de contrats : premièrement, un contrat de prêt garanti par l’État conclu entre un pool bancaire et la holding Air France-KLM (points 15, 16, 45 et 46 de la décision attaquée), deuxièmement, une convention conclue entre l’État et ladite holding concernant la garantie d’État et fixant les modalités de celle‑ci, comme cela a été précisé par la République française lors de l’audience, la base juridique de cette garantie étant, en outre, la loi no 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 et un arrêté du ministère de l’Économie et, troisièmement, un contrat de prêt d’actionnaire conclu entre la holding Air France-KLM et l’Agence des participations de l’État (APE). |
116 |
En premier lieu, il importe de constater, à l’instar des requérantes, que la mesure en cause est octroyée sur la base de contrats conclus entre, d’une part, un pool bancaire et l’État respectivement et, d’autre part, la holding Air France-KLM. Ainsi, seule ladite holding a assumé des droits et des obligations à l’égard de ses cocontractants et non Air France. |
117 |
En deuxième lieu, comme il a été précisé au point 90 ci-dessus, le financement provenant de la mesure en cause était soumis à l’approbation de la holding Air France-KLM. |
118 |
En troisième lieu, ainsi que le font valoir les requérantes, la holding Air France-KLM dispose d’importants droits contractuels en ce qui concerne certaines modalités de l’octroi de la mesure en cause. |
119 |
Il y a lieu d’écarter d’emblée l’objection de la Commission selon laquelle les arguments des requérantes concernant les droits contractuels assumés par la holding Air France-KLM seraient irrecevables au motif qu’ils auraient été soulevés pour la première fois au stade de la réplique. |
120 |
Selon la jurisprudence, pour pouvoir être regardé comme une ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (arrêt du 14 juin 2023, Instituto Cervantes/Commission, T‑376/21, EU:T:2023:331, point 114). Tel est le cas en l’espèce. En effet, dans la requête, les requérantes faisaient valoir notamment, en faisant référence au point 66 de la décision attaquée, que les dispositions du contrat du prêt d’actionnaire démontraient que la holding Air France‑KLM et KLM étaient des bénéficiaires potentielles de la mesure en cause, en ce que lesdites dispositions liaient la rémunération dudit prêt à une future augmentation de capital ou à la composition future du capital de la holding Air France-KLM. Cet argument n’a été qu’amplifié dans la réplique, dans laquelle les requérantes ont cité certaines dispositions de ce contrat, mentionnées audit point de la décision attaquée, en réponse à l’argument de la Commission présenté dans le mémoire en défense, selon lequel les requérantes n’avaient pas étayé leur argument concernant les dispositions dudit contrat. Cette ampliation résultait donc de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse, de sorte que la fin de non-recevoir soulevée par la Commission doit être rejetée. |
121 |
Quant au fond, il importe de constater, premièrement, à l’instar des requérantes, que, selon les termes des contrats en cause, le « groupe Air France-KLM » avait l’option de proroger l’échéance du prêt garanti par l’État, initialement fixée à un an, d’un ou deux an(s) supplémentaire(s) avec une durée maximum de trois ans (point 53 de la décision attaquée). De même, l’échéance de la garantie d’État peut être prorogée sur option dudit groupe (point 58 de la décision attaquée). |
122 |
Deuxièmement, comme l’observent à juste titre les requérantes, la holding Air France-KLM pouvait également décider de proroger l’échéance du prêt d’actionnaire, initialement fixée à quatre ans, d’une période d’un an, renouvelable une fois (point 64 de la décision attaquée). |
123 |
Troisièmement, les requérantes soutiennent, sans que la Commission ne le conteste, que la holding Air France‑KLM peut décider que les paiements au titre des taux d’intérêt annuels sur le prêt d’actionnaire pourraient être capitalisés, c’est-à-dire cumulés, au lieu d’être versés sur une base annuelle. |
124 |
Quatrièmement, la rémunération du prêt d’actionnaire dépend de la décision de l’assemblée générale de la holding Air France-KLM relative à un projet d’augmentation de capital de ladite holding. Ainsi, il est prévu que le taux d’intérêt applicable audit prêt serait augmenté de 550 points de base en cas de non‑approbation par l’assemblée générale de la holding Air France-KLM d’un projet d’augmentation de capital de cette holding devant permettre l’incorporation de tout ou partie du montant de ce prêt ou encore de mise en œuvre d’une augmentation de capital ne donnant pas le droit à l’État de participer à concurrence de sa quote-part de capital dans la même holding (point 66, troisième tiret, de la décision attaquée). |
125 |
Il s’ensuit que plusieurs modalités de l’octroi de la mesure en cause, concernant en particulier l’échéance et la rémunération de celle-ci, sont explicitement soumises à la décision de la holding Air France-KLM. |
126 |
En quatrième lieu, les considérations qui précèdent ne sont pas remises en cause par le fait que la holding Air France‑KLM et Air France aient conclu des « contrats miroirs » visant à acheminer le financement en cause vers Air France (ci-après les « contrats miroirs »). |
127 |
Selon la Commission, ces contrats miroirs garantiraient, en substance, que la jouissance effective du financement en cause reviendrait exclusivement à Air France et à ses filiales et « interdi[raient] [le] transfert ou [l’]utilisation [de ce financement] au bénéfice de KLM » (point 46 de la décision attaquée). À l’appui de cette affirmation, elle a cité, à la note de bas de page no 7 de la décision attaquée, l’article 2.2 du contrat du prêt d’actionnaire, lequel prévoirait que ledit prêt est destiné à financer la mise à disposition par la holding Air France‑KLM à Air France d’un compte courant d’actionnaire destiné à financer les besoins de liquidité d’Air France et, le cas échéant, de ses filiales. Elle a aussi fait référence à l’article 3.1 du contrat relatif au prêt garanti par l’État, qui prévoirait que ce prêt a pour objet le « financement des besoins du groupe suscités par la crise de la COVID-19 en vue de maintenir ses activités commerciales et ses salariés en France ». En outre, toujours selon elle, la définition du « Groupe » contenue dans ce contrat exclut expressément KLM. Enfin, les deux contrats contiendraient des clauses, respectivement l’article 7.1 (a) et l’article 18.3 (a), aux termes desquelles une utilisation non conforme à l’objet défini respectivement à l’article 2.2 et à l’article 3.1 constituerait un « cas de défaut ». |
128 |
À cet égard, il convient de constater, premièrement, à l’instar des requérantes, que la garantie d’État ne fait pas l’objet de ces contrats miroirs. Sur le plan contractuel, elle n’est donc pas « transférée » à Air France, mais reste toujours au niveau de la holding Air France-KLM, comme l’a d’ailleurs confirmé la République française lors de l’audience. Il s’ensuit que cette garantie, qui fait partie intégrante de la mesure en cause, ne profite sur le plan contractuel qu’à la holding Air France-KLM. |
129 |
Deuxièmement, aux termes de l’article 3.1 du contrat relatif au prêt garanti par l’État, tels qu’ils sont reproduits dans la décision attaquée, la mesure en cause vise à financer les besoins du « groupe » suscités par la crise de la COVID-19. La Commission explique, à la note de bas de page no 7 de la décision attaquée, que, conformément à cet article, ledit financement viserait à « maintenir [les] activités commerciales et [les] salariés en France », ce qui ne pourrait concerner, selon la Commission, que les besoins d’Air France et de ses filiales, étant donné que la holding Air France‑KLM n’a pas d’activité commerciale et « très peu de salariés en propre en France ». |
130 |
Cette explication n’est pourtant pas convaincante. En effet, il ressort de la note de bas de page no 7 de la décision attaquée que la définition de « groupe », au sens dudit contrat, exclut uniquement KLM, et non la holding Air France-KLM. Ce fait est corroboré, en outre, par l’affirmation figurant au point 46 de ladite décision, selon laquelle les contrats en cause interdiraient le transfert ou l’utilisation de fonds « au bénéfice de KLM », sans mentionner qu’une telle interdiction vaut aussi à l’égard de la holding Air France-KLM. |
131 |
De même, comme il a été relevé au point 83 ci-dessus, il est constant que la holding Air France-KLM dispose de ses propres salariés en France, de sorte que l’explication de la Commission figurant à la note de bas de page no 7 de la décision attaquée, selon laquelle le fait que l’article 3.1 du contrat relatif au prêt garanti par l’État fasse référence à l’objectif de maintenir les « salariés en France » signifie que cet article vise uniquement Air France, n’est pas non plus convaincante. |
132 |
Troisièmement, il est constant que la holding Air France-KLM retient une partie des fonds provenant de la mesure en cause. En effet, il ressort du point 46, troisième tiret, de la décision attaquée, en substance, que le contrat miroir relatif au prêt garanti par l’État prévoit que ladite holding retient une « marge supplémentaire » destinée à couvrir les coûts supportés par la même holding dans le cadre de la gestion de ladite mesure. |
133 |
À cet égard, la Commission explique, au même point de la décision attaquée, que le montant de cette marge est « faible » et que ladite marge est « conforme[…] au principe de droit français d’intérêt social ». Toutefois, force est de constater que la Commission n’a examiné dans ladite décision ni la nature et l’ampleur des supposés services fournis par la holding Air France-KLM lors du transfert des fonds à Air France, ni les supposés coûts encourus par cette holding dans ce contexte, ni le point de savoir si ladite « marge supplémentaire » correspond auxdits coûts. Il s’ensuit, comme le font valoir, en substance, les requérantes, que ladite holding retient une partie de la jouissance effective du financement en cause. De même, le fait, à le supposer établi, que cette marge soit conforme au droit national ne signifie pas en soi que la rémunération ainsi perçue ne puisse être considérée comme un avantage revenant à la même holding aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. |
134 |
Dans son mémoire en intervention, Air France invoque d’autres clauses contractuelles non mentionnées dans la décision attaquée. Or, il est de jurisprudence constante que la motivation de la décision attaquée ne peut être explicitée pour la première fois et a posteriori devant le juge, sauf circonstances exceptionnelles (voir arrêt du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, EU:T:2011:494, point 109 et jurisprudence citée). Partant, de tels éléments du cadre contractuel de la mesure en cause, dont la Commission disposait ou pouvait disposer lors de l’adoption de la décision attaquée, mais qui n’ont pas été relevés dans cette décision, ne sauraient être pris en compte par le Tribunal afin de compléter la motivation de la décision attaquée. |
135 |
En cinquième lieu et en tout état de cause, l’existence de contrats miroirs ne change pas le fait que seule la holding Air France‑KLM a assumé des droits et des obligations contractuels à l’égard du pool de banques et de l’État, que plusieurs modalités concernant l’octroi de la mesure en cause, telles que son échéance et sa rémunération, sont décidées par le groupe Air France-KLM et que la garantie d’État reste contractuellement dans le chef de ladite holding. |
136 |
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les clauses contractuelles citées dans la décision attaquée ne permettent pas de constater que les seules bénéficiaires de la mesure en cause sont Air France et ses filiales, à l’exclusion de la holding Air France-KLM et KLM, et les filiales qu’elles contrôlent. |
137 |
Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la Commission selon lequel la jurisprudence a admis que la bénéficiaire d’une aide d’État peut être seulement une des sociétés faisant partie d’un groupe, lorsqu’il existe notamment des clauses d’affectation qui feraient parvenir l’avantage de l’aide à une des sociétés dudit groupe, à l’exclusion des autres sociétés de ce groupe. |
138 |
À cet égard, comme il a été relevé aux points 61 et 62 ci-dessus plusieurs facteurs doivent, selon le cas, être examinés afin de déterminer si des entités juridiques distinctes peuvent être considérées comme formant une seule unité économique aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État, tels que les liens capitalistiques, organiques, fonctionnels et économiques entre ces entités, les contrats sur la base desquels la mesure d’aide a été octroyée, ainsi que le type de mesure d’aide octroyée et le contexte dans lequel elle s’inscrit. Il s’agit donc d’une appréciation globale de plusieurs facteurs propres à chaque cas d’espèce. S’agissant, en particulier, des contrats sur la base desquels la mesure d’aide a été octroyée, l’appréciation de ceux-ci dépend à l’évidence de leur teneur concrète. Ainsi, le fait que les juridictions de l’Union aient conclu, ou non, dans une affaire donnée, sur la base d’éléments concrets propres à cette affaire, que la bénéficiaire d’une mesure d’aide donnée était une seule entité appartenant à un groupe de sociétés, à l’exclusion des autres entités de ce groupe, ne saurait asseoir une conclusion générale dans un sens ou dans un autre. |
139 |
En tout état de cause, les circonstances particulières à l’origine des affaires ayant donné lieu aux arrêts cités par la Commission ne sont pas comparables à celles à l’origine de la présente affaire. |
140 |
Premièrement, dans l’arrêt du 3 juillet 2003, Belgique/Commission (C‑457/00, EU:C:2003:387), la Cour a précisé, aux points 56 et 57, que, afin de déterminer le bénéficiaire d’une mesure d’aide, il convenait de tenir compte notamment de l’existence et de la formulation de clauses d’affectation et qu’il était possible qu’une telle analyse conduise à la conclusion selon laquelle le bénéficiaire de l’aide est autre que l’emprunteur du prêt litigieux. Ainsi, conformément à cet arrêt, l’issue de ladite analyse dépend de l’existence et la teneur précise des clauses contractuelles pertinentes. Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 115 à 136 ci-dessus, c’est précisément en fonction de la teneur des différentes clauses contractuelles applicables dans la présente affaire que le Tribunal considère que celles-ci ne permettent pas de constater que les seules bénéficiaires de la mesure en cause sont Air France et ses filiales, à l’exclusion de la holding Air France-KLM et KLM et les filiales qu’elles contrôlent. En outre, la holding Air France-KLM détient en l’espèce d’importants droits et obligations contractuels dans l’administration de ladite mesure lui permettant de la moduler en fonction de ses propres intérêts et de ceux du groupe Air France-KLM dans son ensemble. |
141 |
Deuxièmement, il existe plusieurs différences factuelles importantes entre la présente affaire et celles ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission (T‑371/94 et T‑394/94, EU:T:1998:140). En effet, les liens organiques, fonctionnels et économiques entre les entités du groupe Air France-KLM relevés dans la présente affaire ne sont pas comparables à ceux existant entre les sociétés concernées dans l’arrêt susmentionné. Par exemple, la mesure en cause est octroyée par le biais de la holding Air France‑KLM, et non directement à Air France, comme c’était le cas dans les affaires en question. En outre, en l’espèce, la holding Air France‑KLM a maintenu l’ensemble de ses prérogatives stratégiques en matière de financement, d’investissement et d’opérations portant sur la flotte, ce qui n’était pas le cas de la holding dans les affaires précitées. Enfin, ladite holding ne détenait aucun droit ou prérogative comparable à ceux détenus par la holding Air France-KLM concernant plusieurs modalités de l’octroi de la mesure d’aide, relatives notamment à sa rémunération et à sa durée. |
142 |
Troisièmement, les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission (T‑111/01 et T‑133/01, EU:T:2005:166), concernaient un cas de figure très différent de celui en cause dans la présente affaire. En effet, elles concernaient l’obligation de récupération d’une aide auprès de certaines filiales d’un groupe de sociétés qui avaient été désignées comme les bénéficiaires initiales de cette aide. À cet égard, il a été jugé, aux points 125 et 126 de cet arrêt, que, compte tenu des circonstances de l’espèce, la Commission ne saurait à bon droit imputer de manière automatique l’obligation de restitution auxdites filiales d’une partie de l’aide litigieuse en l’absence de démonstration que celles-ci l’ont effectivement reçue, au seul motif qu’elles étaient désignées comme les bénéficiaires initiales de l’aide litigieuse. Or, ce cas de figure est étranger à la présente affaire, de sorte qu’aucune conclusion utile pour la solution du présent litige n’en saurait être tirée. |
143 |
Partant, le cadre contractuel sur la base duquel est octroyée la mesure en cause constitue un quatrième élément tendant à démontrer que la holding Air France-KLM, Air France et KLM forment une seule unité économique aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État. |
– Sur le type de mesure d’aide octroyée et le contexte dans lequel elle s’inscrit
144 |
S’agissant du type de mesure d’aide octroyée et du contexte dans lequel elle s’inscrit, il convient de relever, à l’instar des requérantes, que, au point 11 de la décision attaquée, la Commission a relevé que le prêt d’actionnaire pourrait, à terme, être incorporé au capital du « groupe Air France-KLM » lors d’une opération distincte, décidée par le « groupe Air France‑KLM » ultérieurement. |
145 |
Cette perspective, dont la Commission était donc informée au moment de l’adoption de sa décision C(2020) 2983 final du 4 mai 2020, s’est matérialisée quelques mois plus tard, dans la décision Air France-KLM et Air France (voir point 10 ci-dessus), dans laquelle la Commission a considéré que les bénéficiaires de la conversion du prêt d’actionnaire en un instrument hybride, assimilé à une participation en fonds propres, étaient tant Air France et les filiales qu’elle contrôle que la holding Air France-KLM et les filiales que ladite holding contrôle, à l’exception de KLM et de ses filiales. |
146 |
À cet égard, il convient de relever que la seconde décision corrective de la décision C(2020) 2983 final de la Commission du 4 mai 2020, mentionnée aux points 5 et 12 ci-dessus, est intervenue le 26 juillet 2021, à savoir après l’adoption de la décision Air France-KLM et Air France le 5 avril 2021, de sorte que cette dernière n’est pas un fait survenu postérieurement à la décision attaquée, dans sa version issue de ladite seconde décision corrective. |
147 |
Dans ces circonstances particulières, force est de constater qu’il existait un lien chronologique, structurel et économique entre la mesure en cause et celle faisant l’objet de la décision Air France-KLM et Air France, dont la Commission avait pleine connaissance, de sorte que cette dernière décision constituait un élément de contexte pertinent dont la Commission devait tenir compte aux fins de la détermination du bénéficiaire de ladite mesure. Or, en dépit de cela, elle n’en a pas tenu compte dans la décision attaquée. |
148 |
Il convient de constater que la Commission n’a pas non plus expliqué, dans la décision attaquée, la raison pour laquelle la détermination des bénéficiaires était différente entre la décision attaquée et la décision Air France-KLM et Air France, quand bien même le financement concerné, quoique sous une forme différente, provenait, dans les deux cas, du prêt d’actionnaire. |
149 |
Partant, dans les circonstances particulières de l’espèce, et compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 67 ci-dessus, il appartenait à la Commission de tenir compte, aux fins de la détermination du bénéficiaire de la mesure en cause, du type de mesure d’aide octroyée et du contexte dans lequel elle s’inscrivait. |
– Sur la différence entre un avantage direct ou indirect, d’une part, et des simples effets économiques secondaires, d’autre part
150 |
La Commission fait valoir que la mesure en cause n’a, tout au plus, que de « simples effets économiques secondaires » à l’égard de la holding Air France-KLM et de KLM, ainsi que des filiales de ces dernières, excepte Air France et ses filiales, lesquels seraient inhérents à toute aide d’État, mais qui ne sauraient être qualifiés d’avantage direct ou indirect au profit de ces dernières. |
151 |
Les requérantes rétorquent que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit que la mesure en cause ne pouvait bénéficier aux autres sociétés du groupe Air France-KLM, par exemple en renforçant la situation financière de la holding Air France-KLM et, indirectement, celle de KLM. Un tel effet irait au‑delà du simple effet secondaire inhérent à toute mesure d’aide. |
152 |
À cet égard, il y a lieu de distinguer la notion d’« avantage indirect » de celle d’« effets secondaires inhérents à toute mesure d’aide ». |
153 |
Selon la jurisprudence, une entreprise bénéficiant d’un avantage indirect doit être considérée comme bénéficiaire de l’aide. En effet, un avantage directement accordé à certaines personnes physiques ou morales peut constituer un avantage indirect et, partant, une aide d’État pour d’autres personnes morales qui sont des entreprises (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, point 26, et du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, EU:C:2002:363, points 60 à 66). |
154 |
Par ailleurs, aux termes du paragraphe 115 de la communication relative à la notion d’« aide d’État », une « mesure peut également constituer à la fois un avantage direct en faveur de l’entreprise bénéficiaire et un avantage indirect en faveur d’autres entreprises, par exemple, des entreprises opérant à des niveaux d’activité ultérieurs ». La note de bas de page no 179 de cette communication précise que, dans le cas où une entreprise intermédiaire est un simple instrument chargé de transférer l’avantage au bénéficiaire et qu’elle ne conserve aucun avantage, elle ne doit normalement pas être considérée comme la bénéficiaire d’une aide d’État. |
155 |
Le paragraphe 116 de la communication relative à la notion d’« aide d’État » indique en outre qu’il convient de distinguer les avantages indirects des simples effets économiques secondaires qui sont inhérents à presque toutes les mesures d’aide d’État. À cette fin, aux termes dudit paragraphe, il convient d’examiner les effets prévisibles de la mesure d’un point de vue ex ante. Ainsi, il existe un avantage indirect si la mesure est conçue de manière à orienter ses effets secondaires « vers des entreprises ou des groupes d’entreprises identifiables ». La note de bas de page no 181 de cette communication explique que, en revanche, l’existence d’un simple effet économique secondaire sous la forme d’un accroissement de production, qui n’équivaut pas à une aide indirecte, pourra être établie si l’aide est simplement acheminée par une entreprise, par exemple, un intermédiaire financier, qui la transfère intégralement à son bénéficiaire. |
156 |
En l’espèce, il ressort de l’analyse figurant aux points 112 à 143 ci‑dessus que le rôle de la holding Air France-KLM ne se limite pas à un « simple instrument chargé de transférer l’avantage au bénéficiaire » ou à un « intermédiaire financier » au sens des paragraphes 115 et 116 de la communication relative à la notion d’« aide d’État ». En effet, ladite holding conserve elle-même, sur le plan juridique, la garantie d’État et contrôle plusieurs modalités de la mesure en cause, lui permettant de la moduler en fonction de ses propres intérêts et de ceux du groupe Air France-KLM en général, de sorte que la thèse de la Commission selon laquelle cette holding et KLM ne bénéficieraient que des simples effets économiques secondaires inhérents à toute aide d’État doit être écartée. |
157 |
De même, les effets prévisibles de la mesure en cause d’un point de vue ex ante suggèrent, compte tenu du type de mesure d’aide octroyée et du contexte dans lequel elle s’inscrit, consistant en substance en une solution de financement, que cette solution de financement était susceptible de profiter au groupe Air France-KLM dans son ensemble, en améliorant sa position financière globale, ce qui indique l’existence à tout le moins d’un avantage indirect au profit d’« un groupe d’entreprises identifiables » au sens du paragraphe 116 de la communication relative à la notion d’« aide d’État ». |
158 |
En effet, il ressort notamment du point 4 de la décision attaquée que, compte tenu de l’impact financier significatif et immédiat de la pandémie de COVID-19, la République française a décidé d’accompagner Air France dans la mise en œuvre de solutions de financement transitoires de ses besoins urgents de trésorerie, afin d’éviter un péril immédiat sur la continuité de ses activités. Ainsi, dès lors que l’objectif de la mesure en cause est de trouver une solution de financement pour répondre aux besoins de liquidités d’Air France et qu’il ressort du dossier que la holding Air France-KLM joue un certain rôle dans le financement du groupe Air France-KLM, ladite mesure aurait comme effets prévisibles ex ante, d’une part, d’améliorer la situation financière de ladite holding, partie aux contrats en cause et détentrice d’importants droits et obligations contractuels à ce titre, et par-là, dudit groupe tout entier, et, d’autre part, de garantir la stabilité financière, y compris aux yeux des marchés financiers, de ce groupe dans son ensemble, y compris KLM. |
159 |
En outre, comme relevé aux points 109 et 110 ci-dessus, en l’absence de la mesure en cause, le péril immédiat sur la continuité des activités d’Air France, constaté dans la décision attaquée, aurait pu contaminer l’ensemble du groupe Air France-KLM, étant donné qu’Air France constitue l’une des principales filiales de ce groupe, générant une partie importante des revenus de celui-ci. |
160 |
Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’ordonnance du 21 janvier 2016, Alcoa Trasformazioni/Commission (C‑604/14 P, non publiée, EU:C:2016:54), citée par la Commission au soutien de son argument selon lequel, lorsqu’elle calcule le montant de l’aide, elle n’examine pas les effets secondaires de celle-ci pour les consommateurs, les fournisseurs, les investisseurs ou les employés du bénéficiaire. D’une part, comme le font valoir les requérantes, l’affaire ayant donné lieu à cette ordonnance ne concernait pas une situation intragroupe. D’autre part, ainsi qu’il a été relevé aux points 156 à 159 ci-dessus, il ne s’agit pas en l’espèce des effets économiques secondaires d’une mesure d’aide sur les consommateurs, les fournisseurs, les investisseurs ou les employés. |
161 |
La Commission et la République française font également référence à l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity (C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990), en faisant valoir en substance que, selon cet arrêt, les effets secondaires d’une mesure d’aide ne sont pas à prendre en considération dans l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur. Les affaires ayant donné lieu audit arrêt concernait un régime d’aides sous la forme d’un taux réduit d’une taxe nationale sur le transport aérien, déclaré incompatible avec le marché intérieur. La question qui se posait était notamment celle de savoir quel devait être le montant de l’avantage devant être récupéré auprès des bénéficiaires de l’aide, qui étaient des compagnies aériennes. Ces dernières soutenaient en substance que l’avantage en cause avait été répercuté sur les passagers, sous la forme d’une réduction des prix des billets d’avion. C’est dans ce contexte que la Cour a considéré que la récupération de l’aide litigieuse impliquait la restitution de l’avantage procuré aux compagnies aériennes, et non pas l’éventuel bénéfice économique réalisé par celles‑ci par l’exploitation de cet avantage (points 100 et 102). Or, à la différence de ces affaires, la présente affaire ne porte pas sur la détermination du montant de l’avantage devant faire l’objet de récupération dans le contexte d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, mais sur l’identification ex ante des bénéficiaires d’une mesure d’aide afin d’examiner sa compatibilité avec le marché intérieur. En outre, et en tout état de cause, il n’est pas question, en l’espèce, des répercussions économiques de la mesure en cause sur le prix des billets d’avion. |
162 |
Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel la mesure en cause n’a, tout au plus, que de simples effets économiques secondaires à l’égard de la holding Air France-KLM et de ses autres filiales, y compris KLM et les filiales de cette dernière. |
Conclusion
163 |
Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les bénéficiaires de la mesure en cause étaient Air France et ses filiales, à l’exclusion de la holding Air France-KLM et ses autres filiales, y compris KLM et les filiales de cette dernière, et d’accueillir, par voie de conséquence, le premier moyen. |
164 |
Or, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE exige non seulement que l’État membre concerné soit bel et bien face à une perturbation grave de son économie, mais également que les mesures d’aide adoptées pour remédier à cette perturbation soient, d’une part, nécessaires à cette fin et, d’autre part, appropriées et proportionnées pour atteindre cet objectif. Cette même exigence ressort également du paragraphe 19 de l’encadrement temporaire [arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; COVID-19), T‑643/20, EU:T:2021:286, point 74]. |
165 |
En outre, et plus particulièrement, l’application de plusieurs conditions découlant de l’encadrement temporaire est tributaire de la définition du bénéficiaire de la mesure en cause, comme celles prévues au paragraphe 25, sous d, i, de l’encadrement temporaire, selon lequel les aides d’État sous forme de nouvelles garanties publiques sur les prêts sont considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, pour autant que, pour les prêts arrivant à échéance après le 31 décembre 2020, leur montant global par bénéficiaire n’excède pas le double de la masse salariale annuelle du bénéficiaire pour 2019 ou pour la dernière année disponible. Le même seuil s’applique aux aides d’État sous forme de subventions aux prêts publics, conformément au paragraphe 27, sous d, i, dudit encadrement [arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; COVID-19), T‑643/20, EU:T:2021:286, point 75]. |
166 |
Ainsi, l’examen de la nécessité et de la proportionnalité de l’aide, en général, et du respect des conditions citées à titre d’exemple au point 165 ci-dessus, en particulier, présuppose que soit identifié au préalable le bénéficiaire de l’aide. En effet, l’identification erronée ou incomplète du bénéficiaire d’une mesure d’aide est susceptible d’avoir une incidence sur l’ensemble de l’analyse de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. |
167 |
Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée sans qu’il y ait besoin d’examiner les autres moyens du recours. |
168 |
Enfin, en ce qui concerne la possibilité pour les États membres d’octroyer des aides d’État à des sociétés appartenant à un groupe de sociétés actif dans plusieurs États membres, il convient de rappeler, à toutes fins utiles, que les États membres et les institutions de l’Union sont tenus à des devoirs réciproques de coopération loyale, conformément à l’article 4, paragraphe 3, TUE. La Commission et les États membres doivent ainsi collaborer de bonne foi en vue d’assurer le plein respect des dispositions du traité FUE, notamment celles relatives aux aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, Commission/Slovaquie, C‑507/08, EU:C:2010:802, point 44 et jurisprudence citée). Cette obligation de coopération loyale et de coordination s’impose d’autant plus lorsque différents États membres envisagent d’accorder concomitamment des aides à des entités appartenant au même groupe de sociétés qui opère de façon coordonnée dans le marché intérieur en vue d’en tirer pleinement les avantages. |
Sur les dépens
169 |
Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux des requérantes, conformément aux conclusions de ces dernières. |
170 |
Conformément à l’article 138, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens. |
Par ces motifs, LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie) déclare et arrête : |
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Van der Woude Kornezov De Baere Petrlík Kingston Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023. Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.