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Document 62021CJ0409

    Arrêt de la Cour (septième chambre) du 1er décembre 2022.
    DELID EOOD contre Izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie ».
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Varhoven administrativen sad.
    Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune (PAC) – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (UE) no 1305/2013 – Aide à l’investissement – Réglementation nationale soumettant l’octroi de l’aide à la condition que le demandeur présente un certificat d’enregistrement d’un site d’élevage établi à son nom et démontre que, à la date de l’introduction de sa demande, la production de son exploitation agricole est équivalente à au moins 8 000 euros.
    Affaire C-409/21.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:946

     ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

    1er décembre 2022 ( *1 )

    « Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune (PAC) – Financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (UE) no 1305/2013 – Aide à l’investissement – Réglementation nationale soumettant l’octroi de l’aide à la condition que le demandeur présente un certificat d’enregistrement d’un site d’élevage établi à son nom et démontre que, à la date de l’introduction de sa demande, la production de son exploitation agricole est équivalente à au moins 8000 euros »

    Dans l’affaire C‑409/21,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), par décision du 14 juin 2021, parvenue à la Cour le 2 juillet 2021, dans la procédure

    DELID EOOD

    contre

    Izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie »,

    LA COUR (septième chambre),

    composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. F. Biltgen et J. Passer, juges,

    avocat général : M. G. Pitruzzella,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    pour DELID EOOD, par Me T. Zlateva, advokat,

    pour l’Izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie », par Me G. Sabev, advokat,

    pour le gouvernement bulgare, par Mmes M. Georgieva et L. Zaharieva, en qualité d’agents,

    pour la Commission européenne, par Mme G. Koleva et M. A. Sauka, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1

    La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17 du règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 487, et rectificatif JO 2016, L 130, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2017 (JO 2017, L 350, p. 15) (ci-après le « règlement no 1305/2013 »).

    2

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DELID EOOD, société unipersonnelle à responsabilité limitée de droit bulgare (ci-après « Delid »), au Izpalnitelen direktor na Darzhaven fond « Zemedelie » (directeur exécutif du Fonds national agricole, Bulgarie) (ci–après le « directeur exécutif du FNA ») au sujet du refus de ce dernier de lui accorder le financement d’un investissement en vue de l’acquisition d’un équipement pour une ferme avicole.

    Le cadre juridique

    Le droit de l’Union

    Le règlement (UE) no 1303/2013

    3

    L’article 65 du règlement (UE) no 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et abrogeant le règlement (CE) no 1083/2006 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 320), intitulé « Éligibilité », prévoit, à son paragraphe 1 :

    « L’éligibilité d’une dépense est déterminée sur la base des règles nationales, sauf si des dispositions spécifiques sont arrêtées dans le présent règlement ou dans les règles spécifiques de chaque Fonds ou sur la base de ceux-ci. »

    Le règlement no 1305/2013

    4

    L’article 5 du règlement no 1305/2013, intitulé « Priorités de l’Union pour le développement rural », dispose :

    « La réalisation des objectifs du développement rural, lesquels contribuent à la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive, s’effectue dans le cadre des six priorités suivantes de l’Union pour le développement rural, qui reflètent les objectifs thématiques correspondants du [Cadre commun stratégique] :

    [...]

    Toutes ces priorités contribuent à la réalisation des objectifs transversaux en matière d’innovation, d’environnement, d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à ces changements. Les priorités visées par les programmes peuvent être d’un nombre inférieur à six si cela se justifie au vu de l’analyse de la situation en termes de forces, de faiblesses, d’opportunités et de menaces (ci-après dénommée “SWOT”) et d’une évaluation ex ante. Chaque programme traite au moins quatre priorités. Lorsqu’un État membre soumet un programme national et une série de programmes régionaux, le programme national peut traiter moins de quatre priorités.

    [...] »

    5

    L’article 17 de ce règlement, intitulé « Investissements physiques », prévoit :

    « 1.   L’aide au titre de la présente mesure couvre les investissements matériels et/ou immatériels qui :

    a)

    améliorent la performance globale et la durabilité de l’exploitation agricole ;

    b)

    concernent la transformation, la commercialisation et/ou le développement de produits agricoles relevant de l’annexe I du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou du coton, à l’exclusion des produits de la pêche ; le résultat du processus de production peut être un produit ne relevant pas de cette annexe ; lorsque l’aide est fournie sous la forme d’instruments financiers, l’intrant peut également être un produit ne relevant pas de cette annexe, à condition que l’investissement contribue à une ou plusieurs priorités de l’Union pour le développement rural ;

    c)

    concernent les infrastructures liées au développement, à la modernisation ou à l’adaptation de l’agriculture et de la foresterie, y compris l’accès aux surfaces agricoles et boisées, le remembrement et l’amélioration des terres et l’approvisionnement et les économies en énergie et en eau ; ou

    d)

    sont des investissements non productifs qui sont liés à la réalisation d’objectifs agroenvironnementaux et climatiques visés dans le présent règlement, y compris l’état de conservation de la biodiversité des espèces et des habitats, et le renforcement de la valeur d’aménité publique d’une zone Natura 2000 ou d’autres systèmes à haute valeur naturelle à définir dans le programme.

    2.   L’aide prévue au paragraphe 1, point a), est accordée aux agriculteurs ou groupements d’agriculteurs.

    Dans le cas d’investissements destinés à soutenir la restructuration des exploitations agricoles, les États membres orientent le soutien vers les exploitations agricoles sur la base de l’analyse SWOT réalisée en ce qui concerne la priorité de l’Union pour le développement rural intitulée “améliorer la viabilité des exploitations agricoles et la compétitivité de tous les types d’agriculture dans toutes les régions et promouvoir les technologies agricoles innovantes et la gestion durable des forêts”.

    3.   L’aide prévue au paragraphe 1, points a) et b), est limitée aux taux d’aide maximaux fixés à l’annexe II. Ces taux maximaux peuvent être augmentés pour les jeunes agriculteurs, pour les investissements collectifs, y compris ceux liés à une fusion d’organisations de producteurs, pour les projets intégrés impliquant un soutien au titre de plusieurs mesures, pour les investissements dans des zones soumises à des contraintes naturelles et à d’autres contraintes spécifiques, visées à l’article 32, pour les investissements liés aux opérations réalisées dans le cadre des articles 28 et 29 et pour les opérations financées dans le cadre du [Partenariat européen pour l’innovation (PEI)] pour la productivité et le développement durable de l’agriculture conformément aux taux fixés à l’annexe II. Toutefois, le taux d’aide cumulé maximal ne peut dépasser 90 %.

    4.   L’aide prévue au paragraphe 1, points c) et d), est subordonnée aux taux d’aide fixés à l’annexe II.

    5.   Les jeunes agriculteurs qui s’installent pour la première fois dans une exploitation agricole comme chefs d’exploitation peuvent se voir accorder une aide pour les investissements réalisés en vue de se conformer aux normes de l’Union applicables à la production agricole, y compris les normes de sécurité au travail. Cette aide peut être apportée pendant une période maximale de vingt-quatre mois à compter de la date de l’installation définie dans le programme de développement rural ou durant la période de réalisation des actions définies dans le plan d’entreprise visé à l’article 19, paragraphe 4.

    6.   Lorsque le droit de l’Union impose de nouvelles exigences aux agriculteurs, une aide peut être accordée pour les investissements qu’ils réalisent en vue de se conformer à ces exigences pendant une période maximale de douze mois à compter de la date à laquelle celles-ci deviennent obligatoires pour l’exploitation agricole. »

    6

    L’article 19 dudit règlement, intitulé « Développement des exploitations agricoles et des entreprises », est libellé comme suit :

    « [...]

    2.   L’aide prévue au paragraphe 1, point a) i), est accordée aux jeunes agriculteurs.

    L’aide prévue au paragraphe 1, point a) ii), est accordée aux agriculteurs ou aux membres d’un ménage agricole assurant une diversification vers des activités non agricoles ainsi qu’aux micro et petites entreprises et aux personnes physiques dans les zones rurales.

    L’aide prévue au paragraphe 1, point a) iii), est accordée aux petites exploitations, telles qu’elles sont définies par les États membres.

    L’aide prévue au paragraphe 1, point b), est accordée aux micro et petites entreprises et aux personnes physiques dans les zones rurales ainsi qu’aux agriculteurs ou aux membres d’un ménage agricole.

    Le soutien prévu au paragraphe 1, point c), est octroyé aux agriculteurs qui, au moment de l’introduction de la demande d’aide, remplissent les conditions requises pour participer au régime des petits exploitants agricoles depuis au moins un an, et qui s’engagent à transférer à titre permanent l’ensemble de leur exploitation et les droits au paiement correspondants à un autre agriculteur. L’aide est versée à compter de la date du transfert et jusqu’au 31 décembre 2020 ou calculée pour la période considérée et versée sous la forme d’un paiement unique.

    [...]

    6.   Le montant maximal de l’aide prévue au paragraphe 1, point a), est fixé à l’annexe II. Les États membres définissent le montant de l’aide prévue au paragraphe 1, points a) i) et a) ii), en tenant compte également de la situation socio-économique de la zone couverte par le programme.

    [...] »

    Le règlement (UE) no 1307/2013

    7

    L’article 4 du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608), intitulé « Définitions et dispositions connexes », énonce, à son paragraphe 1 :

    « Aux fins du présent règlement, on entend par :

    [...]

    b)

    “exploitation”, l’ensemble des unités utilisées aux fins d’activités agricoles et gérées par un agriculteur qui sont situées sur le territoire d’un même État membre ;

    [...] »

    Le règlement d’exécution (UE) no 809/2014

    8

    L’article 48 du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69), intitulé « Contrôles administratifs », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

    « 1.   Des contrôles administratifs sont effectués pour toutes les demandes de soutien, demandes de paiement et autres déclarations qui doivent être introduites par un bénéficiaire ou par un tiers et couvrent tous les éléments qu’il est possible et approprié de contrôler dans le cadre de contrôles administratifs. Les procédures imposent l’enregistrement des activités de contrôle, des résultats des vérifications et des mesures prises en cas d’anomalies.

    2.   Les contrôles administratifs des demandes de soutien assurent la conformité de l’opération aux obligations établies par la législation de l’Union ou la législation nationale ou par le programme de développement rural, y compris dans le cadre de marchés publics, des aides d’État et des autres normes et exigences obligatoires. [...] »

    Le règlement (UE, Euratom) 2018/1046

    9

    L’article 63 du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), intitulé « Gestion partagée avec les États membres », prévoit, à son paragraphe 2 :

    « Lorsqu’ils effectuent des tâches liées à l’exécution budgétaire, les États membres prennent toutes les mesures législatives, réglementaires et administratives qui sont nécessaires à la protection des intérêts financiers de l’Union, à savoir :

    a)

    veiller à ce que les actions financées sur le budget soient correctement et effectivement exécutées, conformément à la réglementation sectorielle applicable ;

    [...] »

    Le droit bulgare

    10

    Aux termes de l’article 8 du naredba no 9 za prilagane na podmiarka 4.1 « Investitsii v zemedelski stopanstva » ot miarka 4 « Investitsii v materialni aktivi » ot Programata za razvitie na selskite rayoni za perioda 2014-2020 (arrêté no 9, relatif à l’application de la sous‑mesure 4.1 « Investissements dans les exploitations agricoles » de la mesure 4 « Investissements matériels » du programme de développement rural pour la période 2014–2020), du 21 mars 2015 (DV no 22, du 24 mars 2015), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après l’« arrêté no 9/2015 ») :

    « (1)   À la date d’introduction de la demande d’aide, les agriculteurs au sens de l’article 7, paragraphe 1, point 1, de l’[arrêté no 9/2015] doivent répondre aux conditions suivantes :

    1.

    être enregistrés en tant qu’agriculteurs [...]

    2.

    les productions standard minimales de leur exploitation agricole ne sont pas inférieures à l’équivalent en [leva bulgares (BGN)] de 8000 euros ;

    [...]

    (2)   Les productions standard minimales d’une exploitation agricole au sens de l’article 1er, point 2, sont démontrées moyennant :

    1.

    l’enregistrement des terres exploitées par le candidat et des animaux élevés dans le système intégré d’administration et de contrôle, et une déclaration (formulaire) pour le calcul des productions standard minimales de l’exploitation dans l’exercice en cours au moment de présentation de la candidature ; ou

    2.

    un document de propriété ou d’utilisation des terres, ou des arrêtés [...] apportant des éléments de calcul, et une déclaration (formulaire) pour le calcul des productions standard minimales de l’exploitation dans l’exercice en cours au moment de présentation de la candidature [...]

    [...] »

    11

    Aux termes de l’article 26 de cet arrêté :

    « Les activités et les investissements relatifs au projet pour la réalisation desquels une licence, une autorisation et/ou un enregistrement est exigé en vertu de la législation bulgare, ne bénéficient d’une aide que sur présentation des licences, autorisations et/ou des documents certifiant l’enregistrement correspondants. »

    Le litige au principal et les questions préjudicielles

    12

    Après avoir été enregistrée, le 17 avril 2015, en tant qu’agriculteur auprès de l’Oblastna direktsia « Zemedelie » (direction régionale de l’agriculture, Bulgarie) à Plovdiv (Bulgarie), Delid a introduit, le 28 mai 2015, une demande d’aide portant sur des investissements en vue de l’« acquisition d’équipement pour ferme avicole », pour une valeur de 2933745 BGN (environ 1500000 euros), au titre de la sous‑mesure 4.1 « Investissements dans les exploitations agricoles » de la mesure 4 « Investissements matériels » du programme de développement rural pour la période 2014-2020.

    13

    À l’appui de sa demande, Delid a indiqué qu’elle élevait des canards sur un site d’élevage situé à Manole (Bulgarie), pris à bail le 15 mai 2014 auprès de Business park Manole OOD, et qu’elle visait une production standard d’un montant de 20451,68 euros.

    14

    À la suite d’un contrôle effectué par la direktsia « Protivodeystvie na izmamite » (direction « antifraude ») de la DFZ-Razplashtatelna agentsia (organisme payeur du Fonds national agricole, Bulgarie) sur le site d’élevage au cours des mois d’avril et de mai 2016, il a été constaté que, à la date de ce contrôle, ce site n’était ni exploité ni enregistré au nom de Delid, et qu’aucun oiseau ne s’y trouvait, les derniers ayant été vendus le 7 mars 2016. En particulier, le contrôle a mis en évidence que, outre Delid, deux autres sociétés ayant introduit des demandes d’aide avaient indiqué qu’elles élevaient des canards sur le même site d’élevage en vertu de contrats de bail.

    15

    Dans ces circonstances, le directeur exécutif du FNA a, par décision du 10 juillet 2018, rejeté la demande d’aide introduite par Delid, au motif que celle-ci ne satisfaisait pas aux critères d’éligibilité visés à l’article 8 de l’arrêté no 9/2015.

    16

    Delid a formé un recours contre cette décision devant l’Administrativen sad Plovdiv (tribunal administratif de Plovdiv, Bulgarie).

    17

    Par jugement du 10 mars 2020, cette juridiction a rejeté ce recours.

    18

    Delid a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement devant le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie), la juridiction de renvoi.

    19

    Estimant que la solution du litige dont il est saisi nécessite l’interprétation des dispositions du règlement no 1305/2013, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    L’article 17 du règlement no 1305/2013 admet-il une disposition nationale telle que l’article 26 de l’arrêté no 9/2015 établissant un critère d’éligibilité d’un candidat à une aide financière au titre de la sous-mesure 4.1 “Investissements dans les exploitations agricoles” de la mesure 4 “Investissements matériels” du Programa za razvitie na selskite rayoni (programme de développement rural) pour la période 2014–2020, qui exige la présentation d’un certificat d’enregistrement d’un site d’élevage établi au nom du candidat comme preuve de l’exercice, avant la candidature à un financement, d’une activité d’élevage dans une exploitation au sens de l’article 4 du règlement no 1307/2013 organisée par lui, ou bien suffit-il, aux fins du règlement en question, que l’agriculteur démontre que la procédure d’obtention de l’enregistrement exigé du site d’élevage à son nom est en cours ?

    2)

    Faut-il considérer comme compatible avec l’objectif de l’aide au titre de la mesure “Investissements [physiques]” (article 17 du règlement no 1305/2013), avec les priorités de l’Union pour le développement rural visées à l’article 5 du règlement no 1305/2013, et avec la notion de “productions standard des exploitations” au sens du règlement abrogé (CE) no 1242/2008 de la Commission, du 8 décembre 2008, portant établissement d’une typologie communautaire des exploitations agricoles [(JO 2008, L 335, p. 3)], l’exigence, prévue par une disposition nationale telle que l’article 8, paragraphe 1, point 2, de l’arrêté [no 9/2015], que les candidats à l’obtention d’une aide prouvent des productions standard minimales de l’exploitation agricole qui ne soient pas inférieures à l’équivalent en BGN de 8000 euros à la date d’introduction de la demande d’aides ?

    3)

    En cas de réponse affirmative à la deuxième question, faut-il considérer que les agriculteurs nouvellement enregistrés à la date d’introduction de la demande d’aides au titre de la mesure “Investissements matériels” doivent être exclus du bénéfice de l’aide financière en vertu du règlement no 1305/2013 ? »

    Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

    20

    Le directeur exécutif du FNA et le gouvernement bulgare contestent la recevabilité de la présente demande de décision préjudicielle en raison du fait, premièrement, que celle-ci ne contient pas l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité des dispositions du droit de l’Union, ni du lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale en cause au principal, deuxièmement, que la décision de renvoi est fondée sur des nouvelles constatations factuelles qui n’ont pu être examinées par l’autorité administrative compétente et, troisièmement, que la juridiction de renvoi devrait suivre l’approche qu’elle a déjà retenue dans d’autres affaires similaires et trancher le litige au fond au lieu de saisir la Cour à titre préjudiciel.

    21

    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, lesquelles bénéficient d’une présomption de pertinence. Partant, dès lors que la question posée porte sur l’interprétation ou la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, sauf s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à ladite question (arrêt du 5 mai 2022, Zagrebačka banka, C‑567/20, EU:C:2022:352, point 43 et jurisprudence citée).

    22

    En l’occurrence, force est de constater que, dans la mesure où les questions préjudicielles portent sur l’interprétation de dispositions du droit de l’Union, plus particulièrement du règlement no 1305/2013, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation sollicitée en ce qui concerne les questions, prises dans leur ensemble, n’ait aucun rapport avec le litige au principal ou que le problème soulevé présente un caractère hypothétique.

    23

    Par conséquent, la présente demande de décision préjudicielle est recevable.

    Sur les questions préjudicielles

    Sur la première question

    24

    Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 17 du règlement no 1305/2013 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet l’octroi de l’aide visée à cette disposition à la condition que le demandeur présente un certificat d’enregistrement d’un site d’élevage établi à son nom.

    25

    À cet égard, il convient de rappeler que les États membres mettent en œuvre le règlement no 1305/2013 par l’intermédiaire de leurs programmes de soutien au développement rural [arrêt du 6 octobre 2021, Lauku atbalsta dienests (Aides au démarrage d’entreprises agricoles), C‑119/20, EU:C:2021:817, point 54] et que ce règlement leur laisse la possibilité d’adopter un ensemble de mesures visant à répondre aux priorités de l’Union pour le développement rural (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, Piltenes meži, C‑251/21, EU:C:2022:311, point 63).

    26

    Chaque État membre devrait, ainsi, établir un programme national de développement rural couvrant tout son territoire, une série de programmes régionaux ou à la fois un programme national et un ensemble de programmes régionaux, ces programmes mettant en œuvre une stratégie visant à répondre aux priorités de l’Union pour le développement rural [arrêt du 6 octobre 2021, Lauku atbalsta dienests (Aides au démarrage d’entreprises agricoles), C‑119/20, EU:C:2021:817, point 55].

    27

    Il s’ensuit que le règlement no 1305/2013 laisse aux États membres une marge d’appréciation quant aux modalités de mise en œuvre des aides qu’il prévoit [arrêt du 6 octobre 2021, Lauku atbalsta dienests (Aides au démarrage d’entreprises agricoles), C‑119/20, EU:C:2021:817, point 56].

    28

    Cette marge d’appréciation peut concerner notamment les critères de sélection des projets, afin de veiller à ce que les ressources financières destinées au développement rural soient utilisées de la meilleure façon possible et pour cibler les mesures au titre des programmes de développement rural conformément aux priorités de l’Union pour le développement rural et en vue de garantir l’égalité de traitement des demandeurs [arrêt du 6 octobre 2021, Lauku atbalsta dienests (Aides au démarrage d’entreprises agricoles), C‑119/20, EU:C:2021:817, point 58].

    29

    Ladite marge d’appréciation peut également concerner l’aménagement des programmes de développement rural nationaux ainsi que la mise en œuvre des prescriptions du règlement no 1305/2013, notamment quant à la taille des exploitations éligibles, telle que visée à l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, de ce règlement, ou au montant des aides, ainsi qu’il ressort du paragraphe 6 de cet article [arrêt du 6 octobre 2021, Lauku atbalsta dienests (Aides au démarrage d’entreprises agricoles), C‑119/20, EU:C:2021:817, point 59].

    30

    En l’occurrence, il y a lieu de considérer que l’exigence, prévue par la réglementation nationale, selon laquelle l’octroi de l’aide visée à cette disposition est soumise à la condition que le demandeur présente un certificat d’enregistrement d’un site d’élevage établi à son nom, relève de la marge d’appréciation dont disposent les États membres en vertu de la jurisprudence citée aux points 27 à 29 du présent arrêt. En outre, ladite exigence favorise la mise en œuvre des contrôles administratifs, conformément à l’article 48 du règlement d’exécution no 809/2014, et permet de veiller, conformément à l’article 63, paragraphe 2, sous a), du règlement 2018/1046, à ce que les actions financées sur le budget de l’Union soient correctement et effectivement exécutées.

    31

    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 17 du règlement no 1305/2013 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet l’octroi de l’aide visée à cette disposition à la condition que le demandeur présente un certificat d’enregistrement d’un site d’élevage établi à son nom.

    Sur la deuxième question

    32

    Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 17 du règlement no 1305/2013 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet l’octroi de l’aide visée à cette disposition à la condition que le demandeur démontre que, à la date de l’introduction de sa demande, la production de son exploitation agricole est équivalente à au moins 8000 euros.

    33

    Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler d’emblée que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence visée aux points 27 et 28 du présent arrêt, le règlement no 1305/2013 laisse aux États membres une marge d’appréciation quant aux modalités de mise en œuvre des aides qu’il prévoit, cette marge pouvant concerner notamment les critères de sélection des projets, afin de veiller à ce que les ressources financières destinées au développement rural soient utilisées de la meilleure façon possible.

    34

    Or, une condition telle que celle en cause au principal, selon laquelle le demandeur doit démontrer que, à la date de l’introduction de sa demande, la production de son exploitation agricole est équivalente à au moins 8000 euros, relève, compte tenu des éléments du dossier dont dispose la Cour dans la présente affaire, de la marge d’appréciation dont disposent les États membres dans la mise en œuvre de l’article 17 du règlement no 1305/2013.

    35

    Partant, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 17 du règlement no 1305/2013 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet l’octroi de l’aide visée à cette disposition à la condition que le demandeur démontre que, à la date de l’introduction de sa demande, la production de son exploitation agricole est équivalente à au moins 8000 euros.

    Sur la troisième question

    36

    Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 17 du règlement no 1305/2013 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que les agriculteurs nouvellement enregistrés à la date d’introduction de la demande soient exclus de la possibilité de bénéficier des aides prévues à cette disposition.

    37

    À cet égard, il convient de rappeler que la justification d’une demande de décision préjudicielle est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige portant sur le droit de l’Union (arrêt du 7 avril 2022, Autonome Provinz Bozen, C‑102/21 et C‑103/21, EU:C:2022:272, point 57 et jurisprudence citée).

    38

    Or, en l’occurrence, il ne ressort pas de la décision de renvoi que l’aide en cause au principal aurait été refusée à Delid en raison du fait que, à la date de l’introduction de sa demande, cette société était constituée d’un agriculteur nouvellement enregistré.

    39

    Dans ces conditions, il convient de constater que la troisième question a un caractère hypothétique et est, dès lors, irrecevable.

    Sur les dépens

    40

    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

     

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

     

    1)

    L’article 17 du règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, tel que modifié par le règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2017,

    doit être interprété en ce sens que :

    il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet l’octroi de l’aide visée à cette disposition à la condition que le demandeur présente un certificat d’enregistrement d’un site d’élevage établi à son nom.

     

    2)

    L’article 17 du règlement no 1305/2013, tel que modifié par le règlement 2017/2393,

    doit être interprété en ce sens que :

    il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui soumet l’octroi de l’aide visée à cette disposition à la condition que le demandeur démontre que, à la date de l’introduction de sa demande, la production de son exploitation agricole est équivalente à au moins 8000 euros.

     

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le bulgare.

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