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Document 62021CJ0351

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 16 mars 2023.
ZG contre Beobank SA.
Demande de décision préjudicielle, introduite par la Justice de paix du canton de Forest.
Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Services de paiement dans le marché intérieur – Directive 2007/64/CE – Article 47, paragraphe 1, sous a) – Informations destinées à un payeur après réception de son ordre de paiement – Articles 58, 60 et 61 – Responsabilité du prestataire de services de paiement en cas d’opérations non autorisées – Obligation de ce prestataire de rembourser à ce payeur les opérations non autorisées – Contrats-cadres – Obligation dudit prestataire de fournir audit payeur des informations relatives au bénéficiaire concerné.
Affaire C-351/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:215

 ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 mars 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Services de paiement dans le marché intérieur – Directive 2007/64/CE – Article 47, paragraphe 1, sous a) – Informations destinées à un payeur après réception de son ordre de paiement – Articles 58, 60 et 61 – Responsabilité du prestataire de services de paiement en cas d’opérations non autorisées – Obligation de ce prestataire de rembourser à ce payeur les opérations non autorisées – Contrats-cadres – Obligation dudit prestataire de fournir audit payeur des informations relatives au bénéficiaire concerné »

Dans l’affaire C‑351/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la justice de paix du canton de Forest (Belgique), par décision du 13 avril 2021, parvenue à la Cour le 4 juin 2021, dans la procédure

ZG

contre

Beobank SA,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. D. Gratsias, M. Ilešič, I. Jarukaitis et Z. Csehi (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour ZG, par Me C. Sarli, avocate,

pour Beobank SA, par Me D. Bracke, advocaat,

pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs, C. Pochet et L. Van den Broeck, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par Mme J. Očková, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. T. Scharf et Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 38, sous a), de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE (JO 2007, L 319, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ZG à Beobank SA, un organisme bancaire belge, auprès duquel le requérant au principal est titulaire d’un compte bancaire, au sujet de deux opérations de paiement effectuées à l’aide de la carte de débit de ce requérant que ce dernier considère comme étant des opérations non autorisées.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 1, 21, 23, 27, 40, 43 et 46 de la directive 2007/64 énonçaient :

« (1)

Pour réaliser le marché intérieur, il est essentiel d’abolir toutes les frontières intérieures de la Communauté [européenne], de façon à permettre la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux. Le bon fonctionnement du marché unique des services de paiement revêt donc une importance cruciale. [...]

[...]

(21)

La présente directive devrait préciser les obligations incombant aux prestataires de services de paiement en ce qui concerne les informations à fournir aux utilisateurs de services de paiement, lesquels, pour pouvoir faire un choix éclairé et faire jouer la concurrence dans toute l’Union européenne, devraient recevoir des informations claires, d’un niveau partout égal et élevé. Dans un souci de transparence, la présente directive devrait fixer les exigences harmonisées qui s’imposent pour garantir la fourniture, aux utilisateurs de services de paiement, des informations nécessaires et suffisantes concernant tant le contrat de service de paiement que les opérations de paiement elles-mêmes. Afin de favoriser le bon fonctionnement du marché unique des services de paiement, il convient que les États membres ne puissent adopter des dispositions en matière d’information différentes de celles établies par la présente directive.

[...]

(23)

Les informations requises devraient être proportionnées aux besoins des utilisateurs et communiquées sous une forme standard. Les exigences d’information applicables à une opération de paiement isolée devraient toutefois être différentes de celles applicables à un contrat-cadre fixant les règles pour une série d’opérations de paiement.

[...]

(27)

Il convient que les modalités selon lesquelles le prestataire de services de paiement est tenu de fournir les informations requises à l’utilisateur de services de paiement tiennent compte des besoins de ce dernier, ainsi que des aspects techniques concrets et du rapport coût/efficacité, en fonction de la situation et eu égard à l’accord figurant dans le contrat de prestation de services de paiement conclu entre eux. [...]

[...]

(40)

Aux fins du traitement pleinement intégré et automatisé des paiements, comme aux fins de la sécurité juridique quant à l’exécution de toute obligation sous-jacente entre utilisateurs de services de paiement, il est essentiel que l’intégralité de la somme transférée par le payeur soit créditée sur le compte du bénéficiaire. [...]

[...]

(43)

Afin d’améliorer l’efficience des paiements dans toute la Communauté, il conviendrait de fixer un délai d’exécution d’un jour maximum pour tous les ordres de paiement initiés par le payeur et libellés en euros ou dans la devise d’un État membre ne relevant pas de la zone euro, y compris les virements et transmissions de fonds. [...] Étant donné que les infrastructures nationales de paiement sont souvent très efficientes et afin d’éviter toute détérioration des niveaux actuels des services, les États membres devraient être autorisés à conserver ou à fixer des règles prévoyant un délai d’exécution inférieur à un jour ouvrable, le cas échéant.

[...]

(46)

Le fonctionnement harmonieux et efficient du système de paiement dépend de la confiance que peut avoir l’utilisateur dans le fait que le prestataire de services de paiement va exécuter l’opération de paiement correctement et dans le délai convenu. En général, le prestataire est en mesure d’apprécier les risques liés à l’opération de paiement. C’est lui qui fournit le système de paiement, qui prend les dispositions nécessaires pour rappeler des fonds erronément alloués et qui choisit, dans la plupart des cas, les intermédiaires associés à l’exécution d’une opération de paiement. Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il est entièrement justifié que, sauf en cas de situations anormales et imprévisibles, le prestataire de services de paiement soit tenu responsable de l’exécution de toute opération de paiement qu’il a acceptée d’un utilisateur, sauf en cas d’actes et d’omissions du prestataire de services de paiement du bénéficiaire, dont le choix dépend du seul bénéficiaire. Toutefois, afin de ne pas laisser le payeur sans protection dans la situation, peu probable, où la question de savoir si le montant du paiement a bien été reçu par le prestataire de services de paiement du bénéficiaire resterait ouverte (“non liquet”), la charge de la preuve devrait incomber au prestataire de services de paiement du payeur. D’une manière générale, il peut être supposé que l’établissement intermédiaire, habituellement un organisme “neutre” tel qu’une banque centrale ou un organisme de compensation, chargé du transfert du montant du paiement entre le prestataire de services de paiement émetteur et le prestataire de services de paiement destinataire, conservera les données relatives au compte et sera en mesure de les fournir si cela se révèle nécessaire. Si le montant du paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement destinataire, le bénéficiaire devrait pouvoir immédiatement se retourner contre son prestataire de services de paiement afin que la somme soit créditée sur son compte. »

4

Aux termes de l’article 4 de cette directive, intitulé « Définitions » :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

4)

“établissements de paiement” : une personne morale qui, conformément à l’article 10, a obtenu un agrément l’autorisant à fournir et à exécuter des services de paiement dans toute la Communauté ;

5)

“opération de paiement” : une action, initiée par le payeur ou le bénéficiaire, consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire ;

[...]

7)

“payeur” : une personne physique ou morale qui est titulaire d’un compte de paiement et autorise un ordre de paiement à partir de ce compte de paiement, ou, en l’absence de compte de paiement, une personne physique ou morale qui donne un ordre de paiement ;

8)

“bénéficiaire” : une personne physique ou morale qui est le destinataire prévu de fonds ayant fait l’objet d’une opération de paiement ;

9)

“prestataire de services de paiement” : les entités visées à l’article 1er, paragraphe 1, et les personnes physiques et morales bénéficiant d’une dérogation conformément à l’article 26 ;

10)

“utilisateur de services de paiement” : une personne physique ou morale qui utilise un service de paiement en qualité de payeur ou de bénéficiaire, ou des deux ;

11)

“consommateur” : une personne physique qui, dans le cadre des contrats de services de paiement régis par la présente directive, agit dans un but autre que son activité commerciale ou professionnelle ;

12)

“contrat-cadre” : un contrat de services de paiement qui régit l’exécution future d’opérations de paiement particulières et successives et peut énoncer les obligations et les conditions liées à l’ouverture d’un compte de paiement ;

[...] »

5

Sous l’intitulé « Transparence des conditions et exigences en matière d’informations régissant les services de paiement », le titre III de ladite directive comprenait un chapitre 2, lui-même intitulé « Opérations de paiement isolées ».

6

L’article 38 de la même directive, intitulé « Informations destinées au payeur après la réception de l’ordre de paiement », disposait, à son point a) :

« Immédiatement après avoir reçu l’ordre de paiement, le prestataire de services de paiement du payeur fournit au payeur ou met à sa disposition, selon les modalités prévues à l’article 36, paragraphe 1, les informations suivantes :

a)

une référence permettant au payeur d’identifier l’opération de paiement et, le cas échéant, les informations relatives au bénéficiaire ».

7

Au chapitre 3 du titre III de la directive 2007/64, intitulé « Contrats-cadres », l’article 41 de celle-ci, intitulé « Information générale préalable », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« [...] Ces informations et conditions sont fournies dans des termes aisément compréhensibles et sous une forme claire et compréhensible, dans une langue officielle de l’État membre dans lequel le service de paiement est offert ou dans toute autre langue convenue par les parties. »

8

L’article 47 de cette directive, intitulé « Informations destinées au payeur concernant les opérations de paiement individuelles », disposait, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.   Après que le montant d’une opération de paiement individuelle a été débité du compte du payeur ou, lorsque le payeur n’utilise pas de compte de paiement, après réception de l’ordre de paiement, le prestataire de services de paiement du payeur fournit à celui-ci, sans tarder et selon les modalités prévues à l’article 41, paragraphe 1, les informations suivantes :

a)

une référence permettant au payeur d’identifier chaque opération de paiement et, le cas échéant, les informations relatives au bénéficiaire ;

b)

le montant de l’opération de paiement exprimé dans la devise dans laquelle le compte de paiement du payeur est débité ou dans la devise utilisée dans l’ordre de paiement ;

c)

le montant de tous les frais appliqués à l’opération de paiement et, le cas échéant, leur ventilation, ou l’intérêt dû par le payeur ;

d)

le cas échéant, le taux de change appliqué à l’opération de paiement par le prestataire de services de paiement du payeur et le montant de l’opération de paiement après cette conversion monétaire ; et

e)

la date de valeur du débit ou la date de réception de l’ordre de paiement.

2.   Un contrat-cadre peut prévoir une condition selon laquelle les informations visées au paragraphe 1 doivent être fournies ou mises à disposition périodiquement, au moins une fois par mois, et selon des modalités convenues qui permettent au payeur de stocker les informations et de les reproduire à l’identique. »

9

L’article 58 de ladite directive, intitulé « Notification des opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées », était libellé comme suit :

« L’utilisateur de services de paiement n’obtient du prestataire de services de paiement la correction d’une opération que s’il signale sans tarder à son prestataire de services de paiement qu’il a constaté une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée donnant lieu à une revendication, y compris au titre de l’article 75, et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit, à moins que, le cas échéant, le prestataire de services de paiement n’ait pas fourni ou mis à disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au titre III. »

10

Aux termes de l’article 59 de la même directive, intitulé « Preuve d’authentification et d’exécution des opérations de paiement » :

« 1.   Les États membres exigent que, lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

2.   Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, l’utilisation d’un instrument de paiement, telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement, ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération de paiement a été autorisée par le payeur ou que celui-ci a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait, intentionnellement ou à la suite d’une négligence grave, à une ou plusieurs des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56. »

11

L’article 60 de la directive 2007/64, intitulé « Responsabilité du prestataire de services de paiement en cas d’opérations de paiement non autorisées », prévoyait :

« 1.   Les États membres veillent, sans préjudice de l’article 58, à ce que, en cas d’opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de cette opération de paiement non autorisée et, le cas échéant, rétablisse le compte de paiement débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu.

2.   Une indemnisation financière complémentaire peut être déterminée conformément à la loi applicable au contrat conclu entre le payeur et son prestataire de services de paiement. »

12

L’article 61 de cette directive, intitulé « Responsabilité du payeur en cas d’opérations de paiement non autorisées », prévoyait, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Par dérogation à l’article 60, le payeur supporte, jusqu’à concurrence de 150 [euros], les pertes liées à toute opération de paiement non autorisée consécutive à l’utilisation d’un instrument de paiement perdu ou volé ou, si le payeur n’est pas parvenu à préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés, au détournement d’un instrument de paiement.

2.   Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou du fait que le payeur n’a pas satisfait, intentionnellement ou à la suite d’une négligence grave, à une ou plusieurs des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56. Dans ce cas, le montant maximal visé au paragraphe 1 du présent article ne s’applique pas.

3.   Lorsque le payeur n’a pas agi de manière frauduleuse ni n’a manqué intentionnellement aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56, les États membres peuvent limiter la responsabilité visée aux paragraphes 1 et 2 du présent article, en tenant compte notamment de la nature des dispositifs de sécurité personnalisés de l’instrument de paiement et des circonstances dans lesquelles celui-ci a été perdu, volé ou détourné. »

13

L’article 86 de ladite directive, intitulé « Harmonisation totale », prévoyait, à son paragraphe 1, que, « [s]ans préjudice de [...] l’article 61, paragraphe 3, [...] dans la mesure où la présente directive contient des dispositions harmonisées, les États membres ne peuvent maintenir en vigueur ni introduire des dispositions différentes de celles contenues dans la présente directive ».

Le droit belge

14

L’article VII.18, point 1, du code de droit économique, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « code de droit économique »), disposait :

« Après que le montant d’une opération de paiement individuelle [a] été débité du compte du payeur ou, lorsque le payeur n’utilise pas de compte de paiement, après réception de l’ordre de paiement, le prestataire de services de paiement du payeur fournit à celui-ci, sans tarder et selon les modalités visées à l’article VII.12, [paragraphe 1], les informations suivantes :

une référence permettant au payeur d’identifier chaque opération de paiement et, le cas échéant, les informations relatives au bénéficiaire ».

15

L’article VII.35 du code de droit économique prévoyait :

« Sans préjudice de l’application de l’article VII. 33, le prestataire de services de paiement du payeur doit, en cas d’opération de paiement non autorisée, après une vérification prima facie pour fraude dans le chef du payeur, rembourser immédiatement au payeur le montant de cette opération de paiement non autorisée et, le cas échéant, rétablir le compte de paiement débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu, le cas échéant augmenté d’intérêts sur ce montant.

En outre, le prestataire de services de paiement du payeur doit rembourser les autres conséquences financières éventuelles, notamment le montant des frais supportés par le titulaire pour la détermination du dommage indemnisable ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16

ZG, résident belge, est titulaire d’un compte bancaire chez Beobank, en Belgique, pour lequel il dispose d’une carte de débit.

17

Dans la nuit du 20 au 21 avril 2017, ZG se trouvait à Valence (Espagne). Un premier paiement de 100 euros, à 0 h 35, a été effectué au moyen de sa carte de débit dans un établissement dont la nature exacte est contestée entre les parties au principal. Par la suite, deux autres paiements ont été effectués avec cette carte et sur le même terminal de paiement mobile, pour des montants, respectivement, de 991 euros, à 1 h 35, et de 993 euros, à 2 h 06. Un quatrième paiement a été effectué, à 2 h 35, pour un montant de 994 euros, mais a été refusé.

18

ZG ne conteste pas le premier paiement de 100 euros, mais conteste les deuxième et troisième paiements (ci-après les « paiements en cause au principal »). Il explique, devant la juridiction de renvoi, ne plus se souvenir de ce qui s’est passé après avoir pris une consommation dans l’établissement concerné. Il ne se souvient pas non plus du nom et de l’adresse de cet établissement et prétend avoir été victime d’une escroquerie facilitée par l’administration d’une drogue.

19

Le 23 avril 2017, ZG a fait opposition sur sa carte bancaire et, le 29 avril suivant, a déposé plainte auprès de la police de Bruxelles (Belgique), pour vol et utilisation frauduleuse de cette carte bancaire.

20

Devant la justice de paix du canton de Forest (Belgique), qui est la juridiction de renvoi, le requérant au principal demande, outre le versement de dommages et intérêts à hauteur d’un montant de 500 euros, le remboursement des paiements en cause au principal, soit un montant de 1984 euros, qu’il estime « non autorisés », au sens de cet article VII.35 du code de droit économique.

21

Beobank conteste les faits tels que ces derniers sont décrits par ZG et refuse d’effectuer ce remboursement, estimant que ces paiements ont été autorisés ou que, à tout le moins, ZG a commis une « négligence grave ».

22

D’après la juridiction de renvoi, il est important de savoir à qui lesdits paiements ont bénéficié. En règle générale, la fraude opérée par un tiers au moyen de la carte de débit d’une victime permettrait au fraudeur d’effectuer des achats ou des retraits d’argent liquide. Or, en l’occurrence, selon les allégations de ZG, la fraude aurait bénéficié au compte bancaire d’un tiers.

23

La juridiction de renvoi indique que, à la suite de la demande formulée par le conseil de ZG, Beobank a fourni uniquement la référence numérique et la géolocalisation du terminal de paiement concerné, sans indiquer l’identité du bénéficiaire des paiements en cause au principal autrement que par la mention suivante : « COM SU VALENCIA ESP ». Cette juridiction précise que l’affaire au principal a été renvoyée après l’audience de plaidoiries de façon à permettre à Beobank d’apporter des précisions à cet égard, mais que cette dernière n’en a en définitive pas apporté, indiquant ne pas avoir reçu d’informations complémentaires de la part d’ATOS, gestionnaire de ce terminal de paiement. Selon Beobank, c’est l’établissement bancaire espagnol du bénéficiaire de ces paiements, Sabadell, qui refuse de communiquer les informations d’identification du commerçant concerné.

24

Faisant référence à l’article VII.18 du code de droit économique, la juridiction de renvoi estime qu’il est nécessaire de déterminer si, en vertu de cette disposition, s’agissant de la fourniture de ces informations, l’établissement bancaire concerné était soumis à une obligation de moyen ou à une obligation de résultat. Si l’interprétation de la Cour permettait de conclure que Beobank avait failli à son obligation, il en découlerait, selon cette juridiction, que cette dernière « peut en tirer des conclusions quant à [l’obligation de la banque] de rembourser les opérations litigieuses et/ou concernant la demande d’indemnisation quant à la perte de chance de récupérer les fonds auprès du tiers ».

25

Devant la juridiction de renvoi, Beobank soutient que l’article VII.18 du code de droit économique se limite à prévoir une obligation de moyen à la charge de l’établissement bancaire concerné, lui imposant uniquement de fournir les informations que son correspondant lui a transmises et laissant au consommateur le soin de s’adresser à ce correspondant si ces informations sont insuffisantes. En l’occurrence, Beobank invite cette juridiction, le cas échéant, à « délivrer une invitation judiciaire » à Sabadell afin que cette dernière produise les documents permettant d’identifier le bénéficiaire de la transaction concernée. En l’absence de réponse satisfaisante, il y aurait lieu, selon Beobank, d’ordonner une enquête, dans le cadre d’une commission rogatoire, pour entendre les membres de Sabadell. Pour étayer son point de vue, Beobank s’appuie sur les termes « le cas échéant », utilisés dans la disposition concernée. En revanche, ZG estime que Beobank doit être tenue pour responsable de l’absence de communication de données par Sabadell.

26

Dans ces conditions, la justice de paix du canton de Forest a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Aux termes de l’article 38, [...] sous a), de la directive 2007/64, le prestataire de services [de paiement du payeur] est-il tenu d’une obligation de moyen ou d’une obligation de résultat quant à la fourniture “des informations relatives au bénéficiaire” ?

2)

Les “informations relatives au bénéficiaire” mentionnées dans cette disposition recouvrent-elles les informations permettant d’identifier la personne physique ou morale qui a bénéficié du paiement ? »

Observations liminaires

27

En premier lieu, il convient de relever que la demande de décision préjudicielle vise l’interprétation de l’article 38, sous a), de la directive 2007/64 et donc une disposition qui fait partie du chapitre 2 de cette directive, lequel régissait, dans le cadre du titre III de cette dernière, lui-même intitulé « Transparence des conditions et exigences en matière d’informations régissant les services de paiement », les « [o]pérations de paiement isolées ».

28

Ce chapitre 2 s’appliquait, ainsi que l’article 35, paragraphe 1, de la directive 2007/64 l’énonçait, aux « opérations de paiement de caractère isolé, non couvertes par un contrat-cadre ».

29

Or, il ressort de la demande de décision préjudicielle que ZG est titulaire d’un compte de paiement auprès de Beobank pour lequel il dispose d’une carte de débit, au moyen de laquelle les paiements en cause au principal ont été effectués.

30

Dans ces conditions, ainsi que Beobank, le gouvernement tchèque et la Commission européenne le font valoir, les paiements en cause au principal n’apparaissent pas comme étant des « opérations isolées », au sens du chapitre 2 du titre III de la directive 2007/64, mais comme relevant du champ d’application du chapitre 3, intitulé « Contrats-cadres », du titre III de cette directive.

31

Ce chapitre 3 s’appliquait, conformément à l’article 40 de ladite directive, aux opérations de paiement couvertes par un contrat-cadre. Un « contrat-cadre » était défini, à l’article 4, point 12, de la même directive, comme étant un « contrat de services de paiement qui régit l’exécution future d’opérations de paiement particulières et successives et peut énoncer les obligations et les conditions liées à l’ouverture d’un compte de paiement ».

32

Partant, il convient de partir de la prémisse selon laquelle l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64 était applicable aux paiements en cause au principal.

33

Il s’ensuit que, afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient de comprendre ces questions comme portant sur l’interprétation de l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64 et non sur celle de l’article 38, sous a), de cette directive.

34

En second lieu, il y a lieu de faire observer que, devant la juridiction de renvoi, ZG demande, notamment, le remboursement des paiements en cause au principal, qu’il estime « non autorisés », à la suite du refus opposé par Beobank à la demande qui lui était faite de procéder à ce remboursement, au motif que, selon cette banque, ZG les avait effectivement autorisés ou que, à tout le moins, il avait commis une « négligence grave ».

35

Ainsi qu’il a été confirmé dans les réponses à des questions écrites posées par la Cour, le recours introduit par ZG a pour fondement l’article VII.35 du code de droit économique. Cet article transpose dans le droit belge l’article 60 de la directive 2007/64, selon lequel, en cas d’opération de paiement non autorisée, le prestataire de services de paiement du payeur concerné rembourse immédiatement à ce payeur le montant de cette opération de paiement et, le cas échéant, rétablit le compte de paiement débité dans l’état où il se serait trouvé si ladite opération de paiement n’avait pas eu lieu. Cependant, conformément à l’article 61, paragraphe 2, de cette directive, ledit payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou du fait que le même payeur n’a pas satisfait, intentionnellement ou à la suite d’une « négligence grave », à une ou à plusieurs des obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 56 de ladite directive.

36

La juridiction de renvoi semble considérer que, s’il devait apparaître que, à la lumière des réponses apportées par la Cour aux questions posées, Beobank a manqué à son obligation de fournir à ZG les informations prévues à l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64, elle peut en tirer des conclusions, notamment, quant à l’obligation de Beobank de rembourser les paiements en cause au principal.

37

À cet égard, il importe de rappeler que la Cour a jugé que le régime de responsabilité des prestataires de services de paiement prévu à l’article 60, paragraphe 1, de la directive 2007/64 ainsi qu’aux articles 58 et 59 de cette directive a fait l’objet d’une harmonisation totale. Cela a pour conséquence que sont incompatibles avec ladite directive tant un régime de responsabilité parallèle au titre d’un même fait générateur qu’un régime de responsabilité concurrent qui permettrait à l’utilisateur de services de paiement d’engager cette responsabilité sur le fondement d’autres faits générateurs (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, C‑337/20, CRCAM, EU:C:2021:671, points 42 et 46).

38

En effet, le régime harmonisé de responsabilité pour les opérations non autorisées ou mal exécutées établi dans la directive 2007/64 ne saurait être concurrencé par un régime alternatif de responsabilité prévu dans le droit national reposant sur les mêmes faits et le même fondement qu’à condition de ne pas porter préjudice au régime ainsi harmonisé et de ne pas porter atteinte aux objectifs et à l’effet utile de cette directive (arrêt du 2 septembre 2021, C‑337/20, CRCAM, EU:C:2021:671, point 45).

39

Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 53 et 60 de ses conclusions, une juridiction nationale ne saurait ignorer la distinction consacrée dans ladite directive en ce qui concerne les opérations de paiement, selon qu’elles sont ou non autorisées, et, partant, ne saurait se prononcer sur une demande de remboursement de paiements tels que les paiements en cause au principal sans qualifier, au préalable, ces paiements d’opérations autorisées ou non. En effet, l’article 60, paragraphe 1, de la même directive, lu en combinaison avec l’article 86, paragraphe 1, de celle-ci, s’oppose à ce qu’un utilisateur de services de paiement puisse engager la responsabilité du prestataire de ces services en raison du fait que ce prestataire de services a manqué à son obligation d’information prévue à l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64, dans la mesure où cette responsabilité concerne le remboursement d’opérations de paiement.

40

Il s’ensuit que, contrairement à ce que la juridiction de renvoi semble considérer, un éventuel manquement de Beobank à son obligation de fournir les informations prévues à l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64, visé par les questions préjudicielles, ne saurait, en tant que tel, donner lieu à une obligation de remboursement des paiements en cause au principal.

41

Néanmoins, il ressort des indications de la juridiction de renvoi que celle–ci considère que la nature de l’établissement que ZG a visité et des services fournis dans cet établissement sont susceptibles d’influer sur l’appréciation de la question de savoir si les paiements en cause au principal étaient ou non autorisés. Or, le différend qui oppose les parties à ce sujet pourrait être résolu si l’identité du bénéficiaire de ces paiements était connue, ce qui exige de déterminer à qui incombe, en définitive, l’obligation de fournir les informations nécessaires à cet égard. Il ressort également de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi est saisie d’une demande de Beobank l’invitant à prendre des mesures d’organisation de la procédure ayant pour objet de solliciter, auprès du prestataire de services de paiement du bénéficiaire de ces paiements, certaines informations relatives audit bénéficiaire.

42

À cet égard, il y a lieu de rappeler que les juridictions nationales ont la faculté la plus étendue de saisir la Cour si elles considèrent qu’une affaire pendante devant elles soulève des questions comportant une interprétation ou une appréciation de la validité des dispositions du droit de l’Union nécessaires au règlement du litige qui leur est soumis et que, notamment, elles sont libres d’exercer cette faculté à tout moment de la procédure qu’elles jugent approprié (arrêt du 14 novembre 2018, Memoria et Dall’Antonia, C‑342/17, EU:C:2018:906, point 33 ainsi que jurisprudence citée).

43

En outre, il découle d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire au principal, la pertinence de la question qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que la question posée porte sur l’interprétation ou sur la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit qu’une question préjudicielle portant sur le droit de l’Union bénéficie d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une telle question n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C‑391/20, EU:C:2022:638, points 41 et 42).

44

Conformément à cette jurisprudence, dans la mesure où la juridiction de renvoi estime nécessaire, dans le cadre de son appréciation du caractère autorisé ou non des paiements en cause au principal, y compris en ce qui concerne des mesures d’organisation de la procédure éventuellement à prendre dans ce contexte, de connaître la nature et l’étendue des informations que le prestataire de services de paiement du payeur concerné doit fournir à ce dernier en application de l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64, la pertinence des questions préjudicielles pour la solution du litige au principal ne saurait être remise en cause.

Sur les questions préjudicielles

45

Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64 doit être interprété en ce sens que le prestataire de services de paiement d’un payeur est tenu de fournir à ce dernier les informations permettant d’identifier la personne physique ou morale qui a bénéficié d’une opération de paiement débitée du compte de ce payeur et non pas les seules informations dont ce prestataire, après avoir déployé ses meilleurs efforts, dispose à l’égard de ce paiement.

46

Selon une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs de la réglementation dont elle fait partie (voir en ce sens, notamment, arrêt du 12 janvier 2023, Nemzeti Adatvédelmi és Információszabadság Hatóság, C‑132/21, EU:C:2023:2, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

47

En ce qui concerne le libellé de l’article 47, paragraphe 1, de la directive 2007/64, il y a lieu de relever que cette disposition prévoit que, après que le montant d’une opération de paiement individuelle a été débité du compte d’un payeur ou, lorsque ce payeur n’utilise pas de compte de paiement, après réception d’un ordre de paiement, le prestataire de services de paiement dudit payeur fournit à ce dernier, sans tarder et selon les modalités prévues à l’article 41, paragraphe 1, de cette directive, un certain nombre d’informations.

48

Afin de se conformer à cette exigence, le prestataire de services de paiement du payeur concerné est tenu de transmettre, conformément à l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64, une référence permettant à ce dernier d’identifier chaque opération de paiement et « le cas échéant, les informations relatives au bénéficiaire de celle-ci ».

49

Or, il y a lieu de constater que, si la notion de « bénéficiaire » figurant à cette disposition est définie à l’article 4, point 8, de la directive 2007/64 comme étant la personne physique ou morale qui est le destinataire prévu de fonds ayant fait l’objet d’une opération de paiement, les « informations » qui sont à fournir, en application de cet article 47, paragraphe 1, sous a), en ce qui concerne le bénéficiaire de l’opération de paiement concernée ne sont pas davantage précisées dans cette directive.

50

En particulier, le libellé de cette dernière disposition ne permet pas de déterminer, ainsi que la juridiction de renvoi le fait observer, si l’obligation de fournir ces informations constitue une obligation de moyen ou une obligation de résultat, et cela, notamment, en raison de l’incise « le cas échéant » figurant à celle-ci.

51

Dans ces conditions, il convient, conformément à la jurisprudence rappelée au point 46 du présent arrêt, d’examiner le contexte dans lequel s’inscrit l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64 ainsi que les objectifs poursuivis par cette directive.

52

Or, à cet égard, il y a lieu de rappeler, s’agissant du contexte pertinent, que, ainsi qu’il découle de l’article 86, paragraphe 1, de la directive 2007/64, celle-ci procède, comme il est relevé au point 37 du présent arrêt, à une harmonisation totale, laquelle empêche les États membres de maintenir en vigueur ou d’introduire des dispositions différentes de celles figurant dans cette directive, à moins que cette dernière n’en dispose autrement, ce qui n’est cependant pas le cas en ce qui concerne les obligations d’information prévues à l’article 47, paragraphe 1, de celle-ci. Ainsi, le considérant 21 de cette directive précise qu’il n’est pas loisible aux États membres d’adopter des dispositions en matière d’information différentes de celles établies dans ladite directive.

53

Compte tenu d’une telle harmonisation totale, il y a lieu de considérer que les obligations d’information prévues à l’article 47, paragraphe 1, de la directive 2007/64 constituent nécessairement des obligations que les États membres doivent mettre en œuvre sans pouvoir y déroger et sans même pouvoir les atténuer en les qualifiant d’obligations de moyen et non d’obligations de résultat. Rien dans l’économie de cet article 47 ne permet d’ailleurs de considérer que, en prévoyant des obligations qui indiquent de manière précise les actions à entreprendre, le législateur de l’Union visait uniquement à ce que des efforts soient entrepris à cet égard, et non pas à fixer des résultats concrets à atteindre.

54

Cette conclusion est confirmée par le fait que certaines autres dispositions de la directive 2007/64 sont libellées en des termes dont il ressort clairement que le déploiement d’efforts suffit à se conformer aux exigences que ces dispositions posent. Tel est le cas, notamment, de l’article 74, paragraphe 2, deuxième alinéa, de cette directive ou de l’article 75, paragraphe 1, quatrième alinéa, de celle-ci, dispositions en vertu desquelles le prestataire de services de paiement d’un payeur doit « s’efforcer » de récupérer des fonds ou de retrouver la trace d’une opération de paiement non exécutée ou mal exécutée. Il peut, dès lors, logiquement être présumé que le législateur aurait utilisé des termes analogues à l’article 47, paragraphe 1, sous a), de ladite directive, si le simple déploiement d’efforts tendant à fournir au payeur les informations relatives au bénéficiaire d’un paiement devait suffire pour se conformer à l’obligation prévue à cette disposition.

55

S’agissant de l’incise « le cas échéant » figurant à l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64, compte tenu des considérations qui viennent d’être exposées, cette incise ne saurait être comprise en ce sens que le prestataire de services de paiement ne doit fournir au payeur les informations permettant d’identifier le bénéficiaire d’une opération de paiement que si, après avoir déployé des efforts à cet égard, il dispose lui–même de ces informations.

56

En revanche, ladite incise doit être comprise, comme signifiant, dans ce contexte, que les informations relatives au bénéficiaire d’une opération de paiement que le prestataire de services de ce paiement doit fournir au payeur concerné, après que le montant d’une opération de paiement a été débité du compte de ce payeur ou au moment convenu en application de l’article 47, paragraphe 2, de cette directive, comprennent celles dont ce prestataire de services de paiement dispose ou dont il devrait disposer conformément au droit de l’Union.

57

Cette interprétation est confortée par l’objectif poursuivi par la directive 2007/64, tel qu’il ressort de ses considérants 1, 21, 23, 40 et 43, qui consiste, notamment, en vue d’assurer le bon fonctionnement du marché unique des services de paiement, à garantir que les utilisateurs de ces services puissent facilement identifier les opérations de paiement en disposant d’informations « claires, d’un niveau partout égal et élevé », à la fois nécessaires et suffisantes concernant tant le contrat de services de paiement que les opérations de paiement elles-mêmes et qui soient proportionnées aux besoins de ces utilisateurs ainsi que communiquées sous une forme standard, et cela afin, d’une part, d’assurer le traitement pleinement intégré et automatisé des opérations concernées et, d’autre part, d’améliorer l’efficience et la rapidité des paiements (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Tecnoservice Int., C‑245/18, EU:C:2019:242, point 28).

58

Il en ressort ainsi que la directive 2007/64 visait à établir un « standard » élevé en ce qui concerne les informations que les prestataires de services de paiement sont tenus de transmettre aux utilisateurs.

59

Afin de répondre aux exigences rappelées au point 57 du présent arrêt, les informations que le prestataire de services de paiement devait fournir au payeur concerné, en application de l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64, devaient être suffisamment précises et significatives. En effet, à défaut d’une telle qualité, ce payeur ne serait pas en mesure, à l’aide de ces informations, d’identifier de manière certaine l’opération de paiement concernée. De plus, la fourniture des autres informations exigées à l’article 47, paragraphe 1, de cette directive, tel le montant de l’opération concernée, la date de valeur ou de réception de celle-ci ainsi que, selon le cas de figure, les frais et le taux de change appliqués, serait sans intérêt pour ledit payeur, dès lors que ce dernier n’arriverait pas à rattacher ces informations à une opération de paiement déterminée.

60

Or, dans la mesure où la « référence permettant au payeur d’identifier chaque opération de paiement », visée au premier membre de phrase de l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64, consiste en une combinaison de lettres et/ou de chiffres dont le choix répond principalement à des besoins informatiques, de telle sorte que cette référence, si elle se prête à un traitement intégré et automatisé, ne met pas le payeur concerné en mesure de rattacher ladite référence à une opération de paiement déterminée, c’est nécessairement dans le cadre de l’élément supplémentaire visé par le second membre de phrase de cet article 47, paragraphe 1, sous a), à savoir les « informations relatives au bénéficiaire », que le prestataire de services de paiement du payeur concerné devait fournir, à ce dernier, les informations nécessaires pour répondre pleinement aux exigences découlant de cette disposition.

61

Il convient de rappeler à cet égard que, conformément au considérant 27 de la directive 2007/64, les modalités selon lesquelles le prestataire de services de paiement concerné était tenu de fournir les informations requises à l’utilisateur de ces services devaient tenir compte, notamment, des besoins de ce dernier.

62

Par ailleurs, ainsi qu’il est relevé au considérant 46 de la directive 2007/64, c’est le prestataire de services de paiement du payeur concerné qui fournit le système de paiement, prend les dispositions nécessaires pour rappeler des fonds erronément alloués et choisit, dans la plupart des cas de figure, les intermédiaires associés à l’exécution d’une opération de paiement. Ce contrôle qu’il exerce tout au long des différentes étapes de l’exécution d’une opération de paiement lui permet aussi de demander aux intermédiaires de lui fournir des informations appropriées sur le bénéficiaire concerné, notamment lorsque, comme en l’occurrence, cette opération de paiement est effectuée au moyen d’une infrastructure technique qui appartient à un tel intermédiaire.

63

En outre, ainsi qu’il est également relevé au considérant 46 de la directive 2007/64, il peut être supposé que l’établissement intermédiaire, habituellement un organisme « neutre » tel qu’une banque centrale ou un organisme de compensation, chargé du transfert du montant du paiement concerné entre le prestataire de services de paiement émetteur et le prestataire de services de paiement destinataire, conservera les données relatives au compte concerné et sera en mesure de fournir ces données si cela se révèle nécessaire.

64

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64 doit être interprété en ce sens que le prestataire de services de paiement d’un payeur est tenu de fournir à ce dernier les informations permettant d’identifier la personne physique ou morale qui a bénéficié d’une opération de paiement débitée du compte de ce payeur et non pas les seules informations dont ce prestataire, après avoir déployé ses meilleurs efforts, dispose à l’égard de cette opération de paiement.

Sur les dépens

65

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

 

L’article 47, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE,

 

doit être interprété en ce sens que :

 

le prestataire de services de paiement d’un payeur est tenu de fournir à ce dernier les informations permettant d’identifier la personne physique ou morale qui a bénéficié d’une opération de paiement débitée du compte de ce payeur et non pas les seules informations dont ce prestataire, après avoir déployé ses meilleurs efforts, dispose à l’égard de cette opération de paiement.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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