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Document 62021CC0209

    Conclusions de l'avocat général M. G. Pitruzzella, présentées le 16 mars 2023.
    Ryanair DAC contre Commission européenne.
    Pourvoi – Aide d’État – Article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE – Marché suédois du transport aérien – Régime d’aide notifié par le Royaume de Suède – Garanties de prêt visant à soutenir les compagnies aériennes dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État – Décision de la Commission européenne de ne pas soulever d’objections – Aide destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie – Principes de proportionnalité et de non-discrimination – Libre prestation de services.
    Affaire C-209/21 P.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:223

     CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. GIOVANNI PITRUZZELLA

    présentées le 16 mars 2023 ( 1 )

    Affaire C‑209/21 P

    Ryanair DAC

    contre

    Commission européenne

    « Pourvoi – Aides d’État – Suède – COVID-19 – Garanties de prêts visant à soutenir les compagnies aériennes – Décision de la Commission européenne de ne pas soulever d’objection »

    1.

    Le pourvoi qui fait l’objet de la présente affaire s’inscrit dans le cadre d’un contentieux nourri pendant devant la Cour, qui voit Ryanair attaquer les arrêts par lesquels le Tribunal a rejeté les recours qu’elle a introduits contre les décisions par lesquelles la Commission européenne a autorisé les mesures de soutien adoptées par plusieurs États membres, à la suite de la pandémie de COVID-19, en faveur des compagnies aériennes opérant sur leur territoire, sous la forme d’aides individuelles ou de régimes d’aides et fondées, selon les cas, sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ou sur l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ( 2 ). Dans la présente affaire, Ryanair DAC (ci-après « Ryanair » ou la « requérante ») prie la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 17 février 2021, Ryanair/Commission ( 3 ) (ci-après l’« arrêt attaqué »).

    I. Les faits, la procédure devant le Tribunal, l’arrêt attaqué, la procédure devant la Cour et les conclusions des parties

    2.

    Les faits à la base du recours devant le Tribunal sont exposés aux points 1 à 3 de l’arrêt attaqué et peuvent se résumer comme suit.

    3.

    Le 3 avril 2020, le Royaume de Suède a notifié à la Commission une mesure d’aide sous la forme d’une garantie sur des prêts accordés à différentes compagnies aériennes (ci-après le « régime d’aides en cause »), destinée à assurer que les compagnies aériennes titulaires d’une licence délivrée par cet État membre, importantes pour la connectivité de celui-ci, disposent de liquidités suffisantes pour éviter que les perturbations causées par la pandémie de COVID‑19 ne compromettent leur viabilité et pour préserver la continuité de l’activité économique pendant et après la crise actuelle. Le régime d’aides en cause bénéficierait à toutes les compagnies aériennes titulaires, au 1er janvier 2020, d’une licence suédoise pour exercer des activités commerciales dans le secteur de l’aviation en vertu de l’article 3 du règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté ( 4 ), à l’exception des compagnies aériennes dont l’activité principale consistait en l’exploitation de services non réguliers de transport aérien de passagers. Le montant maximal des prêts garantis au titre de ce régime serait de 5 milliards de couronnes suédoises (SEK) et la garantie porterait sur des crédits à l’investissement et des crédits de fonds de roulement, serait accordée jusqu’au 31 décembre 2020 au plus tard et aurait une durée maximale de six ans. Le 11 avril 2020, la Commission a adopté la décision C(2020) 2366 final relative à l’aide d’État SA.56812 (2020/N) – Suède – COVID-19 : régime de garanties de prêts en faveur des compagnies aériennes (ci-après la « décision litigieuse »), par laquelle elle a, après avoir conclu que la mesure en cause était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, évalué la compatibilité de celle-ci avec le marché intérieur à la lumière de sa communication du 19 mars 2020, intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » ( 5 ), modifiée le 3 avril 2020 ( 6 ) (ci-après le « cadre temporaire »). La Commission a conclu que le régime d’aides en cause remplissait toutes les conditions pertinentes énoncées au point 3.2 de ce cadre temporaire, intitulé « Aides sous la forme de garanties de prêts », et qu’il était compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Elle n’a, dès lors, pas soulevé d’objections à son égard.

    4.

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mai 2020, Ryanair a introduit un recours contre la décision litigieuse. La République française et le Royaume de Suède ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Ryanair a invoqué quatre moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen était tiré, en substance, de la violation des principes de non‑discrimination en raison de la nationalité et de libre prestation des services ; le deuxième moyen était tiré de la violation de l’obligation de mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée ; le troisième moyen était tiré, en substance, d’une violation des droits procéduraux découlant de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et le quatrième moyen était tiré de la violation de l’obligation de motivation. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté tous les moyens soulevés par Ryanair et le recours dans son ensemble, a condamné Ryanair à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et a jugé que la République française et le Royaume de Suède supporteraient leurs propres dépens.

    5.

    Par acte déposé au greffe de la Cour le 1er avril 2021, Ryanair a introduit le pourvoi qui fait l’objet des présentes conclusions. Le 19 octobre 2022 a eu lieu une audience commune avec l’affaire C‑210/21 P, Ryanair/Commission, relative à une mesure d’aide prenant la forme d’un moratoire sur le paiement des taxes mensuelles d’aviation civile et de solidarité sur les billets d’avion pour la période allant de mars à décembre 2020, accordée par la France aux compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation délivrée dans cet État membre, au cours de laquelle Ryanair, la Commission, le Royaume de Suède et la République française ont exposé leurs argumentations orales.

    6.

    Ryanair prie la Cour, à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué, d’annuler la décision litigieuse et de condamner la Commission aux dépens et, à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer le jugement de l’affaire au Tribunal et de réserver les dépens de la première instance et du pourvoi. La Commission prie la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens. Le Royaume de Suède et la République française prient la Cour de rejeter le pourvoi.

    II. Sur le pourvoi

    7.

    À l’appui de son pourvoi, Ryanair soulève cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation du principe de non‑discrimination, le deuxième, d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits commises par le Tribunal en rejetant l’argument de Ryanair relatif à une violation de la libre prestation des services, le troisième, d’une erreur de droit commise par le Tribunal en niant l’existence d’une obligation de la Commission de procéder à une mise en balance des effets positifs et négatifs de l’aide, le quatrième, d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits en ce qui concerne l’appréciation de l’existence d’un défaut de motivation de la décision litigieuse et, le cinquième, de l’absence de constatation par le Tribunal d’une obligation de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard du régime en cause.

    8.

    Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions porteront uniquement sur les trois premiers moyens du pourvoi.

    A.   Sur le premier moyen du pourvoi

    9.

    Par son premier moyen, dirigé contre les points 25 à 57 de l’arrêt attaqué, Ryanair fait valoir que le Tribunal a violé le droit de l’Union en ce qui concerne la détermination de l’existence, dans le régime d’aides en cause, d’une discrimination en raison de la nationalité dépourvue de justification admissible. Ce moyen se subdivise en cinq griefs.

    10.

    Dans les motifs de l’arrêt attaqué visés par ces griefs, le Tribunal a tout d’abord constaté que « l’un des critères d’éligibilité [au régime d’aides en cause], à savoir celui de la détention d’une licence suédoise, a pour conséquence un traitement différent des compagnies aériennes disposant de leur principal établissement en Suède, à même de bénéficier d’un prêt garanti par l’État, et de celles ayant un tel établissement dans un autre État membre et opérant en Suède, à destination de la Suède et depuis la Suède au titre de la libre prestation des services et de la liberté d’établissement, qui ne peuvent y prétendre » (point 30 de l’arrêt attaqué). Il a considéré ensuite que, à supposer même que cette différence de traitement puisse être assimilée à une discrimination au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE, il convenait de souligner que, selon cette disposition, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d’application des traités « sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient » et que, partant, il était nécessaire de vérifier si cette différence de traitement était permise au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui constitue la base juridique de la décision litigieuse. Cet examen impliquait, selon le Tribunal, d’une part, que l’objectif du régime d’aides en cause satisfasse aux exigences de cette dernière disposition et, d’autre part, que les modalités d’octroi de l’aide n’aillent pas au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre cet objectif (point 31 de l’arrêt attaqué). Il a ensuite, d’abord, défini l’objectif du régime d’aides en cause (points 32 et 33 de l’arrêt attaqué) et, ensuite, examiné si les modalités d’octroi de l’aide n’excédaient pas ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif du régime d’aides en cause et satisfaisaient aux conditions posées par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (points 34 à 56 de l’arrêt attaqué), répondant par la négative à la première question et par l’affirmative à la seconde (point 57 de l’arrêt attaqué).

    1. Sur le premier grief

    11.

    Par le premier grief du premier moyen de son pourvoi, Ryanair fait valoir que le Tribunal a violé le principe de non‑discrimination en raison de la nationalité en ce que, tout en ayant, d’une part, constaté l’existence d’une différence de traitement entre les compagnies aériennes dont le principal établissement est situé en Suède et celles dont le principal établissement est situé dans un autre État membre et, d’autre part, admis qu’une telle différence de traitement était susceptible de constituer une discrimination, il a conclu que celle‑ci devait être examinée au regard du seul article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Selon la requérante, cette conclusion est entachée de quatre erreurs de droit distinctes.

    12.

    En premier lieu, Ryanair fait valoir que limiter l’éligibilité au régime d’aides en cause aux compagnies aériennes détenant une licence d’exploitation délivrée en Suède constitue, conformément à l’arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management ( 7 ) (que le Tribunal aurait ignoré délibérément), une discrimination directe en raison de la nationalité. En deuxième lieu, Ryanair fait valoir que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 31 de l’arrêt attaqué, l’article 107 TFUE ne constitue pas une « disposition particulière » au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE, en ce qu’il n’établit pas de règles spécifiques de non‑discrimination. En troisième lieu, Ryanair fait valoir qu’une discrimination directe fondée sur la nationalité telle que celle introduite par la mesure litigieuse ne saurait être justifiée autrement que par les motifs de dérogation prévus expressément par le traité et, partant, s’agissant d’une mesure qui affecte la libre prestation des services, par les raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique énoncées limitativement à l’article 52 TFUE, auquel renvoie l’article 62 TFUE. Les justifications avancées par la Commission dans la décision litigieuse, tenant à la nécessité de préserver la connectivité de la Suède, ne relèveraient pas de ces dérogations. En quatrième lieu, Ryanair fait valoir que, quand bien même la libre prestation des services serait inapplicable en l’espèce, le Tribunal aurait néanmoins omis d’apprécier si, comme l’exige la jurisprudence de la Cour et, notamment, l’arrêt International Jet Management, la disparité de traitement introduite par la mesure litigieuse se justifie par des « considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées ».

    13.

    Je rappelle que le principe général de non‑discrimination interdit, d’une part, de traiter de manière différente des situations comparables et, d’autre part, de traiter de la même manière des situations différentes, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié ( 8 ).

    14.

    L’article 18, premier alinéa, TFUE dispose que, « [d]ans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ». Selon une jurisprudence constante, cette disposition n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles les traités ne prévoient pas de règles spécifiques de non‑discrimination ( 9 ). Constituent de telles règles, selon la Cour, notamment les dispositions du traité relatives à la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres conférée par l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE et l’article 21 TFUE ( 10 ), les dispositions en matière de libre circulation des marchandises (articles 30, 34 et 110 TFUE) ( 11 ), de libre circulation des travailleurs (article 45 TFUE) ( 12 ), de liberté d’établissement (article 49 TFUE) ( 13 ), de libre prestation des services (articles 56 à 62 TFUE) ( 14 ) et de libre circulation des capitaux (articles 63 et 65 TFUE) ( 15 ). L’application de l’article 18, premier alinéa, TFUE est donc subordonnée à la condition que la situation à l’origine de la discrimination invoquée ne relève d’aucune règle spécifique prévue par les traités et visant à interdire une discrimination en raison de la nationalité ( 16 ).

    15.

    Comme je l’ai déjà exposé dans mes conclusions dans l’affaire Ryanair/Commission ( 17 ), bien que l’interdiction des aides inscrite à l’article 107, paragraphe 1, TFUE vise à garantir que la concurrence dans le marché intérieur ne soit pas faussée par des interventions des États membres, qui tendent à favoriser des entreprises nationales, j’avoue que j’éprouve quelque difficulté à reconnaître à cette disposition le caractère de règle destinée à mettre en œuvre l’interdiction de la discrimination en raison de la nationalité au même titre que les dispositions du traité FUE sur les quatre libertés. En effet, comme je l’ai déjà écrit dans cette affaire, si le principe de non‑discrimination inscrit à l’article 18, paragraphe 1, TFUE et le régime des aides d’État présentent une certaine affinité d’objectifs, à savoir protéger la concurrence et les libertés européennes, ce régime constitue cependant un instrument de contrôle de la discrimination, mais sans contenir lui‑même de règle de non‑discrimination. Néanmoins, ainsi que le fait valoir la Commission, les paragraphes 2 et 3 de l’article 107 TFUE, en ce qu’ils prévoient, sous certaines conditions, la compatibilité de certaines aides avec le marché intérieur, admettent certaines disparités de traitement lorsqu’elles sont nécessaires et proportionnées à la réalisation des objectifs visés par ces dispositions et ces dispositions sont donc pertinentes aux fins de l’application du principe de non‑discrimination, en tant que « dispositions particulières » des traités au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE.

    16.

    Le deuxième argument soulevé par Ryanair dans le cadre du grief examiné doit donc, à mon sens, être rejeté.

    17.

    Par ses premier et quatrième arguments, Ryanair, se référant à l’arrêt International Jet Management, fait valoir que le critère de sélection des bénéficiaires retenu par le régime d’aides en cause revêt un caractère discriminatoire et n’est pas justifié par des « considérations objectives indépendantes de la nationalité » au sens de cet arrêt.

    18.

    À cet égard, je rappelle tout d’abord que la Cour a itérativement jugé que les décisions adoptées par la Commission dans le cadre de la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doivent jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité et que, partant, une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, viole d’autres dispositions du traité ou des principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement, ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur ( 18 ). Cette limite résulte, selon la Cour, de l’économie générale du traité, dans le cadre duquel les règles en matière d’aides ne constituent pas un « système fermé ».

    19.

    Contrairement à ce que soutient la Commission dans ses observations devant la Cour, cette jurisprudence n’exclut pas de l’obligation de respecter les dispositions du traité sur l’égalité de traitement et sur les libertés de circulation les règles par lesquelles un État membre définit le cercle des bénéficiaires d’un régime d’aides. Une telle exclusion ne découle, à mon sens, ni de la référence générale, dans la jurisprudence rappelée ci-dessus, aux « modalités » de l’aide, ni de l’arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi ( 19 ), sur lequel se fonde la Commission dans ses observations relatives au deuxième moyen du pourvoi, à l’analyse duquel je renvoie.

    20.

    Il n’en demeure pas moins que la jurisprudence rappelée au point 18 des présentes conclusions doit, en tout état de cause, être conciliée avec la considération que, dans le système du traité FUE, la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur doit être appréciée à travers le prisme des dispositions de l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE, qui, comme je l’ai dit plus haut, admettent des différences de traitement dans la mesure où elles sont nécessaires et proportionnées à la réalisation des objectifs visés par le traité et constituent, au sens précisé au point 15 des présentes conclusions, des « dispositions particulières » aux termes de l’article 18, premier alinéa, TFUE.

    21.

    C’est sur la base de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les arguments que la requérante tire de l’arrêt International Jet Management. Je rappelle que, dans cet arrêt, la Cour a considéré que l’article 18 TFUE s’opposait à la réglementation d’un État membre qui imposait à un transporteur aérien, titulaire d’une licence d’exploitation délivrée par un autre État membre, l’obligation d’obtenir une autorisation de pénétrer son espace aérien pour des vols en provenance de pays tiers, alors qu’une telle autorisation n’était pas exigée des transporteurs aériens titulaires d’une licence délivrée par le premier État membre. Après avoir précisé que les règles d’égalité de traitement entre nationaux et non‑nationaux prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, ou le siège en ce qui concerne les sociétés, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat, la Cour a précisé, dans cet arrêt, que la réglementation nationale en cause, fondée sur l’État de délivrance de la licence d’exploitation, introduisait un critère de distinction qui aboutissait, en fait, au même résultat qu’un critère fondé sur la nationalité, puisque, conformément à l’article 4, sous a), du règlement no 1008/2008, la licence d’exploitation est délivrée par l’autorité compétente de l’État membre dans lequel un transporteur aérien dispose de son principal établissement au sens de l’article 2, point 26, du même règlement ( 20 ). Au point 68 de cet arrêt, sur lequel se fonde l’argumentation de Ryanair, la Cour a jugé qu’« une telle différence de traitement ne peut être justifiée que si elle se fonde sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national ».

    22.

    Je relève d’emblée que, la détention d’une licence d’exploitation délivrée en Suède étant l’une des conditions d’accès au régime d’aides en cause, Ryanair n’a pas tort de considérer, en invoquant l’arrêt International Jet Management, que le cercle des bénéficiaires de ce régime est défini, entre autres, en fonction d’« un critère de distinction qui aboutit, en fait, au même résultat qu’un critère fondé sur la nationalité » ( 21 ). Toutefois, les analogies de la présente affaire avec celle qui a donné lieu à cet arrêt et, partant, la possibilité de transposer au cas d’espèce les principes qui y ont été dégagés s’épuisent, à mon avis, dans cette seule constatation.

    23.

    En effet, le régime des aides d’État présente des spécificités propres, qui ne sont pas seulement procédurales, dont il faut également tenir compte aux fins de l’application du principe de non‑discrimination en raison de la nationalité. En particulier, selon la nature de la mesure en cause et l’objectif poursuivi par celle‑ci, l’exigence d’un lien avec le territoire national aux fins de l’éligibilité à l’aide peut s’avérer à la fois nécessaire et proportionnée, de sorte que même un critère de distinction, tel que celui utilisé pour définir le cercle des bénéficiaires du régime d’aides en cause, fondé, en substance, sur le siège social de l’entreprise ( 22 ), peut, selon les cas, être justifié et non discriminatoire ( 23 ).

    24.

    C’est donc à bon droit que le Tribunal a considéré, au point 31 de l’arrêt attaqué, qu’il ne pouvait y avoir de discrimination que si et dans la mesure où l’exigence d’une licence délivrée en Suède ne s’avérait pas appropriée et proportionnée à l’objectif poursuivi par le régime d’aides en cause au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ( 24 ).

    25.

    En tout état de cause, même à supposer que l’arrêt International Jet Management soit jugé pertinent pour l’application du principe général de non‑discrimination dans le domaine des aides d’État, j’estime que des considérations tenant à la nécessité de préserver la connectivité de la Suède en général et celle intérieure au territoire suédois en particulier, y compris la poursuite de services de transport aérien essentiels, notamment liés à la crise sanitaire engendrée par la pandémie de COVID-19 – nécessité qui, comme on le verra mieux par la suite, constitue l’objectif fondamental que poursuivait le législateur suédois en instaurant le régime d’aides en cause – sont susceptibles de constituer des « considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées » ( 25 ), de nature non purement économique ( 26 ), au sens de cet arrêt. En tout état de cause, dans ce contexte également, l’appréciation de la proportionnalité reste la pierre angulaire de l’appréciation de l’existence d’une discrimination interdite par l’article 18, premier alinéa, TFUE. Le point 68 de l’arrêt International Jet Management précise en effet que les considérations invoquées par l’État membre concerné pour justifier une différence de traitement en raison de la nationalité – qui, en l’espèce, il convient de le souligner, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire International Jet Management, ne favorise pas toutes les compagnies aériennes titulaires d’une licence délivrée par la Suède, mais seulement celles qui répondent à des critères spécifiques supplémentaires – doivent être « proportionnées à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national ».

    26.

    Il résulte de ce qui précède que les premier et quatrième arguments soulevés par Ryanair dans le cadre du premier grief du premier moyen de son pourvoi sont également non fondés. Quant au troisième argument, dans la mesure où il coïncide en substance avec ceux avancés dans le cadre du quatrième moyen, je renvoie à l’examen de ce moyen.

    27.

    Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier grief du premier moyen du pourvoi, pour la partie examinée ci‑dessus, doit, à mon sens, être rejeté comme non fondé.

    2. Sur le deuxième grief

    28.

    Par le deuxième grief du premier moyen de son pourvoi, Ryanair soutient que le point 32 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a considéré que le régime d’aides en cause vise à « remédier à la perturbation grave de l’économie suédoise occasionnée par la pandémie de COVID-19, [...] en assurant la connectivité de la Suède », est entaché d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits. Selon la requérante, en effet, il ressort clairement de la décision litigieuse que le véritable objectif de ce régime était d’assurer une liquidité suffisante aux compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation délivrée en Suède, sélectionnées sur la base d’un critère discriminatoire fondé sur la nationalité.

    29.

    Ce grief doit, à mon sens, être rejeté. En effet, j’estime que le Tribunal a correctement identifié l’objectif principal du régime d’aides en cause comme étant la nécessité d’assurer la connectivité interne et externe de la Suède et a, sans commettre les erreurs qui lui sont reprochées par la requérante, conclu, au point 33 de l’arrêt attaqué, qu’un tel objectif était conforme à l’objectif poursuivi par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, de permettre aux États membres de remédier à une perturbation grave de leur économie. L’objectif d’assurer la liaison aérienne du territoire suédois est clairement exprimé tant au considérant 8 de la décision litigieuse, dans lequel est décrit le régime d’aides en cause, qu’au considérant 43 de cette décision, dans lequel la Commission évalue la pertinence de cet objectif et des modalités pour l’atteindre, aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Il ressort distinctement de ces considérants, mentionnés par le Tribunal au point 32 de l’arrêt attaqué, que la sélection des bénéficiaires du régime selon le critère de la détention d’une licence d’exploitation délivrée en Suède sert la poursuite dudit objectif et constitue un moyen d’atteindre celui-ci, tout comme la condition d’opérer des vols au départ et à destination ou à l’intérieur du territoire suédois et l’exclusion des vols charters, et ne constitue pas, contrairement à ce qu’affirme la requérante, un objectif en soi.

    30.

    Cette conclusion n’est remise en cause ni par le traitement particulier réservé par les autorités suédoises à SAS AB ( 27 ), qui est l’une des compagnies aériennes contribuant le plus à la connectivité de la Suède, ni par le fait que les compagnies aériennes éligibles au régime d’aides en cause devaient être titulaires d’une licence d’exploitation délivrée par la Suède avant le 1er janvier 2020, puisque cette date, tout en étant antérieure à celle à laquelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a officiellement qualifié l’épidémie de COVID-19 de pandémie (le 11 mars 2020), se situe dans une période, légèrement antérieure, pendant laquelle la crise sanitaire commençait déjà à apparaître ( 28 ) et ne peut donc, contrairement à ce que semble affirmer Ryanair, être considérée comme totalement dépourvue de lien avec l’événement aux conséquences duquel le régime d’aides en cause était destiné à remédier.

    3. Sur le troisième grief

    31.

    La requérante fait valoir que, en concluant, aux points 38 à 44 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait établi, dans la décision litigieuse, la nécessité de limiter l’accès au régime d’aides en cause aux seules compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation délivrée par les autorités suédoises, le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit et dénaturé manifestement les faits.

    32.

    Tout d’abord, le Tribunal aurait commis une erreur en considérant, aux points 40 et 41 de l’arrêt attaqué, « s’agissant du caractère approprié du régime d’aide en cause », que, compte tenu du fait que ce régime prenait la forme de garanties d’État pour des prêts d’une durée maximale de six ans, « le critère de la détention d’une licence suédoise [...] permet[tait] de s’assurer d’une certaine stabilité de la présence, à tout le moins administrative et financière, [des compagnies aériennes] », d’une part, en permettant aux autorités suédoises de contrôler la façon dont l’aide est utilisée, de sorte que la garantie d’État ait à jouer le moins possible (point 40) et, d’autre part, en leur permettant d’effectuer, conformément aux obligations découlant notamment de l’article 5 et de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1008/2008, un contrôle financier des bénéficiaires (point 41). En outre, ce serait à tort que le Tribunal a conclu, toujours aux points 40 et 41 de l’arrêt attaqué, que ce contrôle n’aurait pas été possible sur les « compagnies aériennes opérant sur le territoire suédois en tant que simples prestataires de services », puisque, d’une part, « une prestation de services [peut], par définition, cesser à très bref délai, pour ne pas dire immédiatement » (point 40) et, d’autre part, les autorités suédoises n’ont « aucune compétence, en vertu dudit règlement, pour surveiller la situation financière des compagnies aériennes ne disposant pas d’une licence suédoise » (point 41). Enfin, le Tribunal aurait conclu à tort, au point 42 de l’arrêt attaqué, que les dispositions du règlement no 1008/2008 « établissent des obligations réglementaires réciproques entre les compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise et les autorités suédoises et, ainsi, un lien spécifique et stable entre elles qui répond de façon appropriée aux conditions prescrites à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui exigent que l’aide remédie à une perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné ».

    33.

    La requérante soulève trois arguments distincts.

    34.

    En premier lieu, elle fait valoir que la motivation de la décision litigieuse ne contient aucune mention de la possibilité pour les autorités suédoises de contrôler la façon dont l’aide est utilisée par les compagnies bénéficiaires. Le Tribunal aurait donc complété la motivation de cette décision, qui aurait été entachée d’une carence à l’origine.

    35.

    À cet égard, je relève que, au considérant 43 de la décision litigieuse, la Commission indique expressément que les compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation délivrée en Suède ont leur principal établissement dans cet État membre et y sont soumises à un suivi régulier de leur situation financière. En conséquence, contrairement à ce que fait valoir en substance Ryanair, le Tribunal n’a pas substitué sa propre motivation à celle de la décision litigieuse, mais l’a tout au plus explicitée. Je rappelle à cet égard que si, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, le Tribunal ne peut, en toute hypothèse, substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué ( 29 ), il peut néanmoins être amené à interpréter la motivation de l’acte attaqué d’une manière différente de son auteur, voire, dans certaines circonstances, à rejeter la motivation formelle retenue par celui-ci, sauf dans le cas où aucun élément matériel ne le justifie ( 30 ). Or, au point 40 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné, pour répondre au grief soulevé par la requérante, à procéder à une interprétation de la décision litigieuse conforme aux indications qu’elle contenait et n’a, dès lors, procédé à aucune substitution de motifs de ladite décision.

    36.

    Deuxièmement, Ryanair fait valoir que, contrairement à ce que laisserait entendre le Tribunal, il n’y a aucun lien entre le fait que la compagnie aérienne bénéficiaire d’une aide est titulaire d’une licence d’exploitation délivrée dans l’État membre dispensateur de l’aide et la capacité de cet État membre à contrôler l’utilisation de l’aide. En effet, le contrôle effectué au titre de l’article 8 du règlement no 1008/2008 par l’autorité compétente pour la délivrance des licences aurait pour seul objectif de s’assurer que les transporteurs aériens disposent à tout moment des fonds suffisants pour garantir la sécurité de leurs activités. Cette autorité n’aurait aucun pouvoir de contrainte à l’égard des transporteurs quant à l’utilisation de leurs ressources financières. Ryanair fait valoir en outre que le Royaume de Suède aurait pu subordonner l’octroi de l’aide à des engagements objectifs de contrôle de son utilisation par les bénéficiaires plutôt que d’imposer une condition discriminatoire fondée sur la nationalité. Elle cite à titre d’exemple la décision 2010/13/CE ( 31 ), dans laquelle la Commission a déclaré incompatible avec le marché intérieur une mesure allemande qui limitait le bénéfice de l’aide en question aux entreprises ayant leur siège social et leur direction opérationnelle dans l’État membre concerné, en affirmant que la nécessité de contrôler la situation financière des bénéficiaires pouvait être satisfaite par des moyens moins discriminatoires.

    37.

    À cet égard, j’observe que, comme l’a souligné la Commission dans ses observations écrites, en vertu des articles 8 et 9 du règlement no 1008/2008, l’autorité compétente pour l’octroi des licences de chaque État membre peut, à tout moment, évaluer les résultats financiers d’un transporteur aérien communautaire auquel elle a délivré une licence d’exploitation en demandant les informations pertinentes (article 8, paragraphe 4, second alinéa, et article 9, paragraphe 1, du règlement no 1008/2008). En outre, aux fins de l’évaluation permanente de la capacité financière des titulaires de licence, cette autorité a le pouvoir d’exiger, outre les comptes certifiés pour chaque exercice budgétaire, un bilan prévisionnel, les dépenses et recettes passées et futures, la marge brute d’autofinancement et les plans de trésorerie (voir annexe I du règlement no 1008/2008, point 3), ainsi que, dans des circonstances particulières (notamment en cas d’exploitation de nouveaux services aériens ou de modifications substantielles du volume de l’activité), un « plan d’entreprise » comprenant, pour une période donnée, « une description détaillée des activités commerciales prévues par le transporteur aérien durant la période concernée, notamment pour ce qui est de l’évolution attendue du marché et des investissements qu’il compte effectuer, ainsi que des incidences financières et économiques de ces activités » (voir article 8, paragraphes 5 et 6, et la définition de la notion de plan d’entreprise, à l’article 2, point 12, de ce règlement).

    38.

    Indépendamment de la finalité spécifique du contrôle effectué par les autorités compétentes pour l’octroi des licences ou de l’absence de pouvoirs de contrainte effectifs sur l’utilisation des ressources financières des transporteurs aériens agréés, il résulte de ce qui précède que les autorités de l’État membre dispensateur d’une aide ont non seulement la possibilité effective, mais même l’obligation, d’assurer un suivi continu et étendu qui leur permet, ainsi que le Tribunal l’a jugé à bon droit au point 40 de l’arrêt attaqué, de contrôler l’utilisation de cette aide et, en particulier, s’agissant d’une aide sous la forme d’une garantie d’État, d’apprécier concrètement le risque que celle-ci soit activée. Par ailleurs, je ne vois pas en quoi le fait que les pouvoirs de contrôle conférés par le règlement no 1008/2008 à l’autorité compétente pour l’octroi des licences seraient également utilisés pour contrôler la façon dont les transporteurs aériens habilités utilisent des ressources d’État octroyées dans le cadre de l’activité de transport soumise au contrôle constituerait, comme l’affirme Ryanair, une violation de ce règlement, et ce même à supposer que la finalité des pouvoirs conférés à ces autorités soit uniquement de garantir la sécurité du transport aérien.

    39.

    Or, ainsi que l’a souligné le Tribunal, les compagnies aériennes titulaires d’une licence délivrée par un autre État membre ne sont pas soumises à un suivi tel que celui décrit ci-dessus. Par ailleurs, ainsi que l’ont relevé à juste titre tant le gouvernement suédois que le gouvernement français, il serait difficile d’imposer contractuellement à ces compagnies, en tant que condition d’octroi de l’aide, un contrôle analogue par son étendue et son intensité (qui reflète l’intensité du lien unissant chaque transporteur aérien à l’État de délivrance de la licence d’exploitation). L’exemple tiré par Ryanair de la compagnie estonienne Nordica, avec laquelle la Suède aurait conclu un contrat de service public, est dépourvu de pertinence dans le cas d’espèce, où la mesure en cause constitue une aide accordée sous la forme d’une garantie d’État et où il s’agit donc de vérifier dans quelle mesure la compagnie aérienne intéressée honore les prêts obtenus et non dans quelle mesure elle exécute ses obligations de service public ( 32 ). Est, de même, dénué de pertinence, même à supposer qu’il soit opérant ( 33 ), le renvoi effectué par Ryanair à la décision 2010/13 puisque, dans cette décision, comme on l’a dit, l’aide était limitée aux entreprises ayant à la fois leur siège social et leur direction opérationnelle dans l’État membre concerné, une double exigence qui excluait les établissements stables, succursales et filiales d’entreprises de l’Union, que la Commission a jugée non justifiée par la nécessité, invoquée par l’État membre, de contrôler la situation financière des investisseurs. Or, comme le souligne à juste titre la Commission, l’article 4 du règlement no 1008/2008, qui fait référence à la notion de « principal établissement » ( 34 ), lu en combinaison avec l’article 2, point 26, de ce règlement, ne requiert pas un tel cumul. Enfin, le fait que le régime d’aides en cause soit octroyé et géré par une autorité administrative autre que celle qui exerce le contrôle ne remet en cause ni l’effectivité des contrôles auxquels sont soumises en Suède les compagnies aériennes éligibles à l’aide, ni la stabilité de la présence de ces compagnies dans cet État membre, éléments qui permettent tous deux, ainsi que l’a jugé le Tribunal, un suivi plus aisé des conditions d’utilisation de l’aide.

    40.

    En troisième lieu, Ryanair fait valoir que le règlement no 1008/2008 n’impose aux compagnies aériennes aucune obligation de prester des services en provenance ou à destination de l’État membre qui leur a délivré une licence d’exploitation ou sur le territoire de celui‑ci ni ne rend la cessation de tels services plus difficile, pour ces compagnies, que pour les compagnies aériennes opérant en régime de prestation de services.

    41.

    À cet égard, force est de constater que, contrairement à ce que semble insinuer Ryanair, aux points 40 à 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a nullement affirmé ni même seulement sous-entendu l’existence d’une obligation pour les transporteurs aériens titulaires d’une licence d’exploitation délivrée dans un État membre donné d’opérer sur le territoire de ce dernier. Il s’est au contraire borné à observer que la détention d’une telle licence assure une « certaine stabilité de la présence, à tout le moins administrative et financière » de ces transporteurs, affirmation qui n’est pas susceptible de contestation.

    42.

    Quant à l’affirmation du Tribunal figurant au point 40 de l’arrêt attaqué, contestée par la requérante, selon laquelle une prestation de services peut, par définition, cesser dans des délais très brefs, voire immédiatement, je relève que Ryanair se borne à observer qu’aucune disposition expresse du règlement no 1008/2008 ou du droit de l’Union ne « rend moins difficile » la cessation d’activité dans un État membre pour une compagnie aérienne qui n’est pas titulaire d’une licence délivrée dans cet État membre que pour une compagnie détenant une telle licence. Or, un tel argument, outre qu’il ne permet pas d’infirmer l’affirmation susvisée du Tribunal, méconnaît le fait que, comme l’observe à juste titre la Commission, les liens stables et réciproques entre transporteur aérien et État membre de délivrance de la licence sont tels qu’il est improbable que le premier décide de cesser toute activité sur le territoire du second, de même qu’il est improbable qu’un transporteur aérien fixe son principal établissement, au sens de l’article 4 du règlement no 1008/2008, qui exerce notamment le contrôle de l’exploitation et la gestion du maintien de la navigabilité, dans un État membre où il n’a l’intention d’exercer aucune activité. Ryanair elle-même, malgré son statut de compagnie aérienne paneuropéenne et bien que, comme elle l’affirme, elle transporte plus de passagers en provenance et à destination de l’Allemagne, de l’Espagne ou de l’Italie qu’au départ et à destination de l’Irlande, pays qui lui a délivré sa licence d’exploitation, reste néanmoins la plus importante compagnie aérienne irlandaise qui, depuis plus de 35 ans, fournit une « contribution inégalable » à la connectivité et à l’économie de cet État membre ( 35 ). En tout état de cause, sans être contredit par Ryanair, le gouvernement suédois affirme dans son mémoire en réponse qu’il n’existe pas de compagnie aérienne titulaire d’une licence d’exploitation délivrée par la Suède qui ne presterait pas de services aériens à destination, en provenance ou sur le territoire de cet État membre.

    43.

    Le Tribunal n’a donc, à mon sens, pas commis les erreurs que lui reproche Ryanair en concluant, aux points 43 et 44 de l’arrêt attaqué, que, en limitant le bénéfice de l’aide aux seules compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise, le Royaume de Suède avait légitimement cherché à s’assurer de l’existence d’un lien pérenne entre lui et les compagnies aériennes bénéficiaires de sa garantie – bien que des compagnies aériennes titulaires de licences délivrées dans d’autres États membres puissent aussi contribuer dans une certaine mesure à la connectivité et à l’économie suédoises – et que cette limitation était appropriée pour atteindre l’objectif de remédier à la perturbation grave de l’économie de cet État membre. J’ajoute que l’existence d’un tel lien pérenne revêtait une importance particulière dans un contexte de crise et d’incertitude tel que celui engendré par la pandémie de COVID-19, susceptible d’affecter lourdement les choix commerciaux des compagnies aériennes opérant sur le territoire suédois.

    44.

    J’estime donc que le troisième grief du premier moyen du pourvoi doit être rejeté.

    4. Sur le quatrième grief

    45.

    Par le quatrième grief du premier moyen de son pourvoi, Ryanair fait valoir que, en rejetant, aux points 45 à 54 de l’arrêt attaqué, les arguments avancés par la requérante quant à l’absence de proportionnalité du régime d’aides en cause, le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit et manifestement dénaturé les faits.

    46.

    Elle avance cinq arguments en ce sens.

    47.

    En premier lieu, la requérante conteste l’affirmation du Tribunal, figurant au point 45 de l’arrêt attaqué, selon laquelle « la double exigence d’une licence suédoise et de la desserte du territoire suédois par des vols réguliers est la mieux à même de garantir le caractère pérenne de la présence d’une compagnie aérienne sur ledit territoire ». Selon la requérante, la justification fournie par le Tribunal, toujours au point 45 de l’arrêt attaqué, à savoir que « la présence du principal établissement d’une compagnie aérienne sur le territoire d’un État membre », en ce qu’elle « correspond au lieu de prise des décisions administratives et financières », « est particulièrement important[e] en l’espèce afin de s’assurer que la connectivité de la Suède ne soit pas interrompue du jour au lendemain », serait fondée sur des allégations hypothétiques et erronées, puisque le critère essentiel qui conduit une compagnie aérienne à interrompre ou à maintenir ses services serait sa stratégie commerciale, qui ne dépend pas du lieu où se trouve son établissement principal.

    48.

    Dans la mesure où cet argument coïncide en substance avec des arguments soulevés dans le cadre du deuxième grief, je me borne à renvoyer au point 42 des présentes conclusions. Le seul fait que, juridiquement et en théorie, une compagnie aérienne puisse cesser toute activité sur le territoire de l’État membre dont elle détient la licence d’exploitation avec la même facilité qu’une compagnie aérienne opérant dans cet État membre en régime de prestation de services ne permet pas de remettre en cause la considération, sur laquelle s’est fondé le Tribunal, que, en pratique, une telle cessation est fortement improbable en raison des liens réciproques existant entre le transporteur aérien et l’État membre de délivrance de la licence. Quant à l’affirmation selon laquelle les compagnies aériennes non titulaires d’une licence dans l’État membre où elles opèrent « ont tendance à offrir une connectivité plus rapide », la requérante n’en explique pas la pertinence au regard des constatations du Tribunal qu’elle critique. Par ailleurs, cette affirmation repose sur des données dont la Commission a mis en cause la recevabilité, sur laquelle le Tribunal a estimé qu’il n’y avait pas lieu de statuer, ainsi qu’il ressort du point 55 de l’arrêt attaqué, que la requérante ne conteste pas dans le cadre du présent pourvoi.

    49.

    En deuxième lieu, Ryanair conteste l’affirmation, figurant au point 45 de l’arrêt attaqué, selon laquelle « les compagnies aériennes éligibles contribuent, dans l’ensemble, majoritairement à la desserte régulière de la Suède tant s’agissant du fret que du transport de passagers ». Selon la requérante, d’une part, cette allégation reposerait sur une dénaturation manifeste des faits, puisque les données fournies par le Tribunal lui-même, au point 46 de l’arrêt attaqué, démontreraient que les compagnies aériennes titulaires d’une licence suédoise constituent une minorité dans deux des trois secteurs dans lesquels se répartissent les services aériens couverts par la décision litigieuse, à savoir les vols intérieurs à l’Union (49 %) et les vols extérieurs à l’Union (35 %). D’autre part, ladite affirmation serait contraire au principe de proportionnalité, car elle impliquerait que l’entreprise ou la catégorie d’entreprises qui répond « majoritairement » à l’objectif de la mesure a droit à la totalité des aides prévues par celle-ci. Ryanair fait également valoir que c’est à tort que le Tribunal, au point 46 de l’arrêt attaqué, a qualifié de « donnée primordiale » le fait que, en 2019, les compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise assuraient 98 % du trafic intérieur de passagers et 84 % du transport intérieur de fret. Une appréciation correcte de cette donnée au regard du principe de proportionnalité aurait dû conduire le Tribunal à constater que, dès lors que le trafic intérieur constituait une part minime du trafic total de la Suède, il ne pouvait justifier à lui seul le critère de la détention d’une licence nationale. Par ailleurs, la requérante fait observer que, si l’objectif effectivement poursuivi par les autorités suédoises avait été d’assurer la connectivité intérieure de la Suède, une mesure soutenant également les activités non nationales des compagnies aériennes titulaires d’une licence délivrée par cet État membre devait être considérée en soi comme disproportionnée.

    50.

    Les arguments de Ryanair ne me convainquent pas.

    51.

    En effet, il ressort d’une lecture combinée des points 45 et 46 de l’arrêt attaqué que, en affirmant que les compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise contribuent, dans l’ensemble, majoritairement à la desserte régulière de la Suède, le Tribunal a en réalité entendu mettre en évidence la contribution globalement plus importante de ces compagnies à la réalisation de l’objectif général d’assurer la connectivité de cet État membre dans ses différentes composantes, constituées par le transport intérieur et extérieur de passagers et de fret. Une telle lecture est confirmée par le point 49 in fine de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal affirme que, en se focalisant sur sa part du marché suédois du transport aérien de passagers au départ et à destination de la Suède, la requérante « passe sous silence le fait que la connectivité de la Suède n’est pas uniquement assurée par le transport aérien de passagers, d’une part, et par le transport autre qu’interne à la Suède, d’autre part, mais l’est également par le transport aérien de marchandises et par le transport aérien de passagers intérieur ». Si l’on se place dans cette perspective, le seul fait que, comme le souligne Ryanair, les compagnies aériennes titulaires d’une licence suédoise ne détiennent pas une part majoritaire dans le transport de passagers intérieur et extérieur à l’Union ne revêt pas l’importance décisive que lui attribue la requérante.

    52.

    Par ailleurs, je ne pense pas que le Tribunal ait commis les erreurs de droit que lui reproche la requérante, ni aucune dénaturation des faits – que Ryanair n’expose d’ailleurs pas en détail- en soulignant l’importance particulière, pour le Royaume de Suède, d’assurer la connectivité aérienne intérieure, eu égard aux caractéristiques géographiques de cet État membre.

    53.

    Dans son mémoire en réponse, le gouvernement suédois a particulièrement souligné l’importance que revêt le transport aérien pour assurer la mobilité en Suède, notamment là où il n’existe pas de liaisons routières fixes, ainsi que, plus spécifiquement, l’importance du transport intérieur de marchandises pour l’économie du pays. Il est donc compréhensible que, poursuivant l’objectif de remédier aux perturbations de l’économie provoquées par la pandémie en assurant la connectivité de la Suède, les autorités suédoises aient reconnu une importance particulière à la connectivité interne. Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur en considérant comme primordiales les données relatives à la couverture du trafic intérieur de marchandises et de passagers par les compagnies aériennes titulaires d’une licence suédoise. Or, ainsi que je l’ai déjà dit ci-dessus, le Royaume de Suède affirme, sans être contredit par Ryanair sur ce point, que toutes les entreprises qui détiennent une licence d’exploitation suédoise et sont éligibles au régime d’aides en cause contribuent, dans une plus ou moins large mesure, à la connectivité interne de la Suède. Le critère de la détention de cette licence reflète donc la réalité du marché suédois du transport aérien.

    54.

    Enfin, contrairement à ce qu’affirme Ryanair, le seul fait que, dans le cadre de la stratégie mise en œuvre par les autorités d’un État membre lors de l’établissement d’un régime d’aides en vue de la réalisation d’un objectif déterminé, certaines finalités précises au sein de cet objectif plus général prennent, pour ces autorités, une importance plus grande n’implique pas automatiquement que le régime serait disproportionné du seul fait que le cercle des bénéficiaires n’est pas défini de manière à rendre seules éligibles les entreprises ou activités concourant à la réalisation de ces finalités précises.

    55.

    En troisième lieu, Ryanair reproche au Tribunal de ne pas avoir apprécié, dans le cadre de son analyse de la proportionnalité du régime d’aides en cause, les effets de ce régime sur la concurrence. Cette appréciation serait essentielle pour déterminer si les modalités d’octroi de l’aide ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. L’argumentation développée par Ryanair sur ce point coïncidant avec celle développée à l’appui du troisième moyen de son pourvoi, je renvoie à l’analyse de ce moyen.

    56.

    En quatrième lieu, Ryanair conteste le raisonnement suivi par le Tribunal aux points 50 et 51 de l’arrêt attaqué pour justifier l’éligibilité à l’aide de compagnies aériennes qui contribuent dans une moindre mesure qu’elle à la connectivité de la Suède, en négligeant l’importance de sa part de marché de 5 %.

    57.

    Je rappelle à cet égard que, au point 50 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, après avoir relevé que l’octroi de fonds publics dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE suppose que « l’aide apportée par l’État membre concerné, pourtant en grave difficulté, puisse remédier aux perturbations de son économie, ce qui suppose une prise en compte globale de la situation des compagnies aériennes susceptibles de permettre le rétablissement de ladite économie », a précisé que, « [g]ardant à l’esprit que les ressources susceptibles d’être allouées par l’État membre concerné ne sont pas infinies et doivent donc répondre à des priorités, il ne saurait être négligé que ledit État membre devait prendre en considération des compagnies aériennes qui, bien qu’étant plus petites que la requérante, transportant [...] moins de passagers et réalisant un chiffre d’affaires moindre, se concentraient sur la desserte intérieure du territoire suédois, ce qui constituait un enjeu plus vital encore, compte tenu des spécificités du territoire suédois et de la période exceptionnelle caractérisée par la pandémie ». Au point 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que « rien ne garantissait au Royaume de Suède que l’apport à la connectivité de ce pays d’une compagnie aérienne centrée sur le transport aérien non intérieur de passagers, dont le principal établissement ne se trouvait pas sur son territoire, serait maintenu après la crise, à supposer que le bénéfice de la garantie d’État lui ait été octroyé ». Il a mentionné ensuite la situation de la requérante au moment de l’adoption de la décision litigieuse, en relevant que sa part de marché n’avait cessé de décroître, passant de 11,8 % à 5 %, et qu’elle entendait réduire sa présence physique sur le territoire suédois à une seule base, à Göteborg, dans laquelle elle ne disposait que d’un seul appareil. Selon la requérante, le raisonnement du Tribunal est critiquable à un double titre. D’une part, s’il est vrai que les États membres disposent de ressources limitées, ils pourraient parfaitement instituer un régime dans lequel l’aide, tout en étant plafonnée, serait distribuée dans le respect des principes de non‑discrimination et de proportionnalité et conformément à l’objectif poursuivi. D’autre part, ni un éventuel recul de la part de marché ni le nombre de bases ou d’appareils ne sont mentionnés comme critères d’éligibilité à l’aide dans la décision litigieuse.

    58.

    Les arguments de la requérante doivent, selon moi, être rejetés. Tout d’abord, je relève que, au point 50 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu à l’allégation de la requérante selon laquelle le fait que des compagnies aériennes ayant une part de marché inférieure à la sienne étaient éligibles à l’aide constituait un élément d’incohérence du système, en soulignant la nécessité de tenir compte de la contribution des compagnies bénéficiaires à la connectivité de la Suède d’un point de vue non seulement « quantitatif », mais également « qualitatif ». Une telle approche, qui suppose que les États membres puissent définir des priorités dans la poursuite de l’objectif d’une aide octroyée au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, n’est pas, ainsi que je l’ai déjà dit au point 54 des présentes conclusions, contraire en soi au principe de proportionnalité, compte tenu également des ressources limitées affectées à la poursuite de cet objectif, en particulier dans un contexte de crise généralisée tel que celle engendrée par la pandémie de COVID-19.

    59.

    Dans cette optique, le Tribunal a, à juste titre, rappelé l’importance que revêtaient, au regard de l’objectif du régime d’aides en cause, des compagnies plus petites ou actives dans des secteurs spécifiques, tels que non seulement le transport ayant une finalité médicale ou de secours, mentionné spécifiquement par le Tribunal, mais également, ainsi que le fait valoir le gouvernement suédois, la desserte de zones périphériques de la Suède ou encore le transport intérieur de marchandises, eu égard notamment aux caractéristiques de l’événement extraordinaire que constituait la pandémie de COVID-19, aux conséquences de laquelle sur l’économie suédoise le régime d’aides en cause visait à remédier. En affirmant que ce raisonnement supposait qu’il incombait au Tribunal de vérifier que toutes les compagnies détentrices d’une licence suédoise poursuivaient une « finalité spécifique », la requérante méconnaît le fait que, au point 50 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas mentionné seulement les compagnies aériennes poursuivant des « finalités spécifiques », mais plus généralement la situation des compagnies aériennes qui, indépendamment de leur taille et de leur part de marché, « se concentraient sur la desserte intérieure du territoire suédois ». Or, étant donné que, ainsi que je l’ai dit ci-dessus, il apparaît que, au moment de l’adoption de la décision litigieuse, toutes les compagnies aériennes bénéficiaires du régime d’aides en cause contribuaient plus ou moins à cette desserte, l’argument de Ryanair est inopérant.

    60.

    Enfin, il y a lieu de rejeter l’argument de Ryanair selon lequel, au point 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait ajouté des critères d’éligibilité à ceux mentionnés dans la décision litigieuse. En effet, en se référant, dans ce point, à la situation de la requérante au moment de l’adoption de la décision litigieuse, le Tribunal a uniquement entendu illustrer la garantie moindre qu’une compagnie aérienne dont le principal établissement ne se trouvait pas sur le territoire suédois et dont l’activité était centrée sur le transport extérieur de passagers était en mesure de fournir aux autorités suédoises quant au maintien de ses activités sur ce territoire après la crise.

    61.

    En cinquième lieu, la requérante fait valoir que ce serait à tort que le Tribunal a affirmé, au point 53 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue de « se prononcer abstraitement sur toutes les mesures alternatives susceptibles d’être envisagées ». Le renvoi à l’arrêt du 6 mai 2019, Scor/Commission ( 36 ), reposerait sur une interprétation incorrecte de cet arrêt, qui ne concernerait que l’obligation pour la Commission de prendre position sur d’éventuelles mesures de remplacement dans la motivation de la décision. Dispenser la Commission de l’obligation de vérifier s’il n’existerait pas de mesures moins restrictives reviendrait à nier l’essence même du principe de proportionnalité. En l’espèce, le raisonnement du Tribunal serait d’autant plus critiquable que la répartition de l’aide en cause sur la base des parts de marché constituait une option parfaitement envisageable.

    62.

    Je dirai d’emblée que, à mon sens, l’affirmation figurant au point 53 de l’arrêt attaqué, contestée par la requérante, n’est pas acceptable et doit, à tout le moins, être nuancée par la Cour.

    63.

    Certes, comme le rappelle le gouvernement français, la Cour a affirmé dans l’arrêt Denkavit italiana ( 37 ) que la notion d’aide envisagée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE vise les décisions des États membres par lesquelles ces derniers, en vue de la poursuite d’objectifs économiques et sociaux qui leur sont propres, mettent, par des décisions unilatérales et autonomes, à la disposition des entreprises ou d’autres sujets de droit, des ressources ou leur procurent des avantages destinés à favoriser la réalisation des objectifs économiques ou sociaux recherchés et que, partant, « la décision d’octroyer une aide et les modalités d’une telle mesure constituent un choix politique qui incombe aux organes législatifs et administratifs nationaux, sous le contrôle de la Commission et de la Cour » ( 38 ).

    64.

    Toutefois, cela ne signifie pas que, lorsqu’ils définissent les modalités d’attribution d’une aide, et en particulier le cercle des personnes qui en sont bénéficiaires, les États membres ne seraient pas tenus au respect du principe de proportionnalité dans toutes ses composantes. Or, ce principe impose de démontrer que la mesure en cause ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi et que celui-ci ne pourrait pas être atteint par des mesures moins contraignantes ( 39 ). C’est donc à juste titre que la requérante conteste le bien-fondé de l’affirmation du Tribunal figurant au point 53 de l’arrêt attaqué ( 40 ).

    65.

    Cela étant, s’agissant de vérifier, dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur, le caractère proportionné de ses modalités – notamment en ce qui concerne la définition du cercle de ses bénéficiaires – les éventuelles « mesures moins restrictives » qu’il incombe à la Commission de prendre en considération doivent pouvoir contribuer tout aussi efficacement à la réalisation de l’objectif poursuivi par l’institution de l’aide, en l’espèce remédier aux perturbations de l’économie résultant de la pandémie de COVID-19. En conséquence, il ne suffit pas d’imaginer, en théorie, l’existence de telles mesures de remplacement, mais il faut également que celles-ci présentent une efficacité comparable à celle des mesures envisagées par l’État membre concerné pour atteindre ledit objectif.

    66.

    Or, au-delà de l’affirmation contestée par la requérante, le Tribunal a suivi l’approche exposée ci-dessus, en concluant, au point 54 de l’arrêt attaqué, renvoyant à l’analyse figurant aux points 40 à 44 et 49 de celui-ci, que « l’extension du régime d’aide en cause à des compagnies non établies en Suède n’aurait pas permis d’atteindre l’objectif dudit régime dans la mesure où [...] l’exigence d’une prise en compte du transport aérien concernant la Suède dans sa globalité, dans sa diversité et dans sa durée n’aurait pas été aussi bien assurée en adoptant les critères proposés par la requérante, de sorte que c’est à bon droit que la Commission ne les a pas approuvés ». Il ressort par ailleurs de l’ensemble des motifs de l’arrêt attaqué relatifs à l’appréciation de la proportionnalité que le Tribunal a, notamment, considéré que la Commission n’avait pas commis d’erreur en ne prenant pas en considération un critère de répartition de l’aide strictement proportionnel aux parts de marché, puisque, d’une part, ce critère n’aurait pas permis de tenir compte des priorités poursuivies légitimement par le gouvernement suédois et, d’autre part, des compagnies aériennes non titulaires d’une licence délivrée par la Suède ne pouvaient pas satisfaire à ces priorités aussi efficacement et avec des garanties suffisantes de durée.

    67.

    Sur la base de l’ensemble des observations qui précèdent, j’estime que les arguments développés par Ryanair dans le cadre du troisième grief du premier moyen de son pourvoi ne permettent pas de conclure, compte tenu de la situation au moment de l’adoption de la décision litigieuse et des caractéristiques de l’événement que constitue la pandémie de COVID-19 à l’origine des perturbations économiques auxquelles le régime d’aides en cause vise à remédier, ainsi que de la nécessité de tenir compte des priorités poursuivies par le Royaume de Suède en instituant ce régime, que le Tribunal aurait commis une erreur de droit ou aurait manifestement dénaturé les faits en concluant que le double critère d’identification des compagnies aériennes bénéficiaires de l’aide – tenant à la détention d’une licence délivrée par la Suède et à l’exploitation de services réguliers au départ ou à destination de la Suède ou à l’intérieur de ce territoire – n’allait pas au-delà de ce qui était nécessaire pour réaliser l’objectif de ce régime.

    68.

    Il s’ensuit que le quatrième grief du premier moyen du pourvoi doit, à mon sens, également être rejeté.

    5. Conclusions sur le premier moyen du pourvoi

    69.

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le premier moyen du pourvoi.

    B.   Sur le deuxième moyen du pourvoi

    70.

    Le deuxième moyen du pourvoi est dirigé contre les points 61 à 64 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté la troisième branche du premier moyen du recours de Ryanair.

    71.

    Au point 61 de cet arrêt, le Tribunal a renvoyé, à titre liminaire, en ce que la requérante fondait son argumentation sur l’existence d’une discrimination résultant du régime d’aides en cause et d’une absence de proportionnalité de ce régime, à l’examen qu’il avait effectué des deux premières branches du premier moyen du recours. Il a ensuite constaté, au point 62 de l’arrêt attaqué, que l’article 56 TFUE ne s’applique pas tel quel au domaine de la navigation aérienne puisque, « en vertu de l’article 58, paragraphe 1, TFUE, la libre prestation des services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports, à savoir le titre VI du traité FUE » et que « [l]a libre prestation des services en matière de transports est ainsi soumise, au sein du droit primaire, à un régime juridique particulier ». Il a relevé ensuite que, sur le fondement de l’article 100, paragraphe 2, TFUE, le législateur de l’Union a adopté le règlement no 1008/2008 qui vise précisément à définir les conditions d’application, dans le domaine du transport aérien, du principe de la libre prestation des services, et il a constaté que la requérante n’avait invoqué aucune violation de ce règlement. Enfin, au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la requérante n’avait pas établi en quoi l’exclusion de l’accès à l’aide en cause serait de nature à la dissuader d’effectuer des prestations de services depuis la Suède et à destination de celle-ci.

    72.

    Ryanair soulève en substance deux griefs dans le cadre de ce moyen.

    73.

    Par son premier grief, elle fait valoir que la constatation, faite par le Tribunal au point 63 de l’arrêt attaqué, selon laquelle elle n’avait invoqué aucune violation du règlement no 1008/2008 en première instance est dépourvue de motivation et repose sur une dénaturation manifeste des faits. Ryanair fait observer que plusieurs points de sa requête devant le Tribunal renvoyaient à ce règlement ( 41 ) et qu’elle avait également joint un rapport fourni par un expert en droit aéronautique mettant en évidence les éléments d’incompatibilité de la décision contestée avec le cadre juridique tracé par ledit règlement. Se référant à l’arrêt du 6 février 2003, Stylianakis ( 42 ), la requérante fait valoir en tout état de cause que soutenir qu’il y a eu violation de la libre prestation des services dans le secteur du transport aérien revient à soutenir qu’il y a eu violation du règlement no 1008/2008. En outre, conformément à l’article 15 de ce règlement, il serait indispensable de se référer au droit primaire pour se prononcer sur l’existence d’une violation de ses dispositions relatives à la libre prestation des services.

    74.

    À cet égard, sans qu’il soit nécessaire de prendre position sur le fond du présent grief, il suffit de relever, à l’instar de la Commission, que, au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en tout état de cause, répondu au fond aux arguments soulevés par la requérante sur une prétendue violation de l’article 56 TFUE. Dès lors, même s’il était fondé, ce grief serait inopérant puisque le rejet par le Tribunal de la troisième branche du premier moyen se fonderait en tout état de cause sur les motifs exposés audit point 64.

    75.

    Par son second grief, à l’appui duquel elle développe deux arguments distincts, qu’il convient d’examiner ensemble, la requérante conteste les constatations figurant au point 64 de l’arrêt attaqué.

    76.

    Ryanair conteste en premier lieu l’affirmation, figurant audit point 64, selon laquelle elle n’a pas démontré en quoi le fait qu’elle se trouve privée de l’accès à des prêts bénéficiant de la garantie d’État octroyée par le Royaume de Suède, en raison de la définition de l’étendue du régime d’aides en cause, « est de nature à la dissuader d’effectuer des prestations de services depuis la Suède et à destination de la Suède, alors surtout qu’il ressort des pièces du dossier que, indépendamment du régime d’aide en cause et pour de simples raisons commerciales, la requérante a progressivement réduit son activité sur le marché suédois tant s’agissant des destinations desservies que du nombre d’appareils présents ». Cette affirmation serait erronée, puisque la seule exclusion des autres compagnies aériennes d’un avantage réservé aux « compagnies aériennes suédoises » suffirait à les décourager de la libre prestation des services, ainsi qu’il ressortirait d’ailleurs de l’arrêt International Jet management ( 43 ). Cette affirmation serait également fondée sur une dénaturation manifeste des faits. En second lieu, Ryanair conteste l’affirmation figurant au point 64 de l’arrêt attaqué selon laquelle elle n’aurait pas indiqué « les éléments de fait ou de droit qui feraient que le régime d’aide en cause produit des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui déclenchent l’interdiction de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais qui, ainsi qu’il a été jugé dans le cadre des deux premières branches du premier moyen, sont néanmoins nécessaires et proportionnés pour remédier à la perturbation grave de l’économie suédoise causée par la pandémie de COVID-19, conformément aux exigences de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ». La requérante fait valoir tout d’abord que le Tribunal a commis une erreur en se référant uniquement à l’article 107 TFUE pour examiner une restriction à la libre prestation des services. Renvoyant à ce qu’elle a exposé dans le cadre du premier grief de son premier moyen de pourvoi (voir point 12 des présentes conclusions), elle affirme qu’une discrimination directe fondée sur la nationalité telle que celle introduite par la mesure litigieuse, affectant la libre prestation des services, ne serait justifiable que par les motifs de dérogation limitativement énoncés à l’article 52 TFUE, auquel renvoie l’article 62 TFUE. Enfin, par des arguments semblables à ceux analysés dans le cadre de l’examen du quatrième grief du premier moyen du pourvoi, elle soutient, en substance, avoir démontré que la restriction à la libre prestation des services découlant du régime d’aides en cause n’est pas justifiée.

    77.

    En réponse à ces arguments et en invoquant l’arrêt Iannelli & Volpi, la Commission soutient, en substance, que la question de savoir si les effets d’une aide sur la libre prestation des services sont interdits par le droit de l’Union doit être tranchée par application des seules dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, à tout le moins s’agissant d’éléments essentiels de l’aide tels que la définition du cercle de ses bénéficiaires.

    78.

    Cette position ne me convainc pas. Certes, au point 10 de l’arrêt Iannelli & Volpi, la Cour, dans un contexte où était en cause l’articulation entre les dispositions en matière d’aides et celles en matière de libre circulation des marchandises, a précisé que « la circonstance qu’un système d’aides d’État ou au moyen de ressources d’État est susceptible, par le seul fait qu’il favorise certaines entreprises ou productions nationales, d’entraver, à tout le moins indirectement, l’importation de produits similaires ou concurrents en provenance des autres États membres, ne suffit pas, à elle seule, pour assimiler, en tant que telle, une aide à une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative au sens de l’article [34 TFUE] » et qu’une interprétation « à ce point extensive de [cette disposition] qu’elle assimilerait, en tant que telle, une aide, au sens de l’article [107 TFUE], à une restriction quantitative visée à l’article [34 TFUE], aurait pour effet d’altérer la portée des articles [107 et 108 TFUE] ».Toutefois, il ressort, selon moi, de la lecture de cet arrêt que la distinction tracée par la Cour entre les dispositions du traité en matière de libre circulation et celles en matière d’aides d’État est fondée essentiellement sur la répartition de compétences voulues par le traité, et non sur une application mutuellement exclusive de ces dispositions ( 44 ). De plus, la Cour a jugé en plusieurs occasions qu’un cas peut relever à la fois du champ d’application des dispositions en matière de libre circulation et de celles en matière d’aides d’État et que le fait qu’une mesure nationale puisse éventuellement être qualifiée d’aide au sens de l’article 107 TFUE n’est pas une raison suffisante pour faire échapper cette mesure aux règles du traité relatives à la libre circulation ( 45 ) et vice versa ( 46 ). En outre, comme je l’ai déjà rappelé au point 19 des présentes conclusions, selon une jurisprudence constante, la Commission ne peut pas déclarer compatible avec le marché intérieur une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, est contraire à d’autres dispositions du traité. La Cour a confirmé cette jurisprudence en dernier lieu dans son arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a., dans lequel elle a d’ailleurs précisé, se référant tant à l’arrêt Iannelli & Volpi qu’à l’arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast ( 47 ), et à l’arrêt Autriche/Commission ( 48 ), que les modalités qui déterminent les conditions d’éligibilité à un régime d’aides sont, elles aussi, indissociables de l’aide en tant que telle et relèvent donc des éléments que la Commission est appelée à examiner dans le cadre de la procédure au titre de l’article 108 TFUE, ainsi que, le cas échéant, à approuver, de telle sorte que, si de telles modalités aboutissent à une violation de principes généraux du droit de l’Union, une décision adoptée par la Commission qui autorise un tel régime est nécessairement entachée d’illégalité à son tour ( 49 ). Il en résulte que la Commission est tenue de respecter la cohérence entre l’article 107 TFUE et, en particulier, les dispositions relatives aux libertés de circulation.

    79.

    Cela étant, à mon avis, les arguments de la requérante ne sauraient prospérer, essentiellement sur la base de considérations analogues, mutatis mutandis, à celles que j’ai exposées aux points 23 et 25 des présentes conclusions, auxquels je renvoie, et de la constatation, effectuée au point 67 de celles-ci, selon laquelle le Tribunal n’a pas commis les erreurs que la requérante lui reproche – y compris celle que j’ai débattue aux points 65 et 66 desdites conclusions- en concluant que le double critère par lequel sont identifiées les compagnies aériennes bénéficiaires de l’aide n’allait pas au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif de ce régime.

    80.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de rejeter le deuxième moyen du pourvoi.

    C.   Sur le troisième moyen du pourvoi

    81.

    Par le troisième moyen de son pourvoi, Ryanair critique les points 67 à 69 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a conclu que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée. La requérante soulève à cet égard deux griefs, qu’il convient d’examiner conjointement.

    82.

    Le premier grief est dirigé contre le point 67 de l’arrêt attaqué. À ce point, le Tribunal a, d’une part, jugé qu’« [i]l résulte du libellé de cette disposition que ses auteurs ont considéré qu’il était de l’intérêt de l’Union tout entière que l’un ou l’autre de ses États membres fût en mesure de surmonter une crise majeure, voire même existentielle, qui ne pouvait qu’avoir des conséquences graves sur l’économie de tout ou partie des autres États membres, et donc sur l’Union en tant que telle », et, d’autre part, renvoyant par analogie à l’arrêt Autriche/Commission ( 50 ), a précisé que « [c]ette interprétation textuelle de la lettre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est confirmée par sa comparaison avec l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, qui concerne “les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun”, dans la mesure où le libellé de cette dernière disposition comporte une condition, relative à la démonstration d’une absence d’altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, qui ne figure pas dans l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ». Ryanair fait valoir, en premier lieu, que l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE mentionne seulement l’effet de l’aide sur les conditions des échanges et non sur une concurrence non faussée, en deuxième lieu, que c’est à tort que le Tribunal a transposé à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE le raisonnement suivi par la Cour dans l’affaire Autriche/Commission et, en troisième lieu, que l’obligation de mise en balance des effets négatifs de l’aide avec ses effets positifs s’applique de manière transversale à toutes les aides relevant du champ d’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE.

    83.

    Par son deuxième grief, Ryanair conteste la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal au point 68 de l’arrêt attaqué, en considérant que, « pour autant que les conditions posées par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE soient remplies, à savoir, au cas d’espèce, que l’État membre concerné soit bel et bien confronté à une perturbation grave de son économie et que les mesures d’aide adoptées pour remédier à cette perturbation soient, d’une part, nécessaires à cette fin et, d’autre part, appropriées et proportionnées, lesdites mesures sont présumées être adoptées dans l’intérêt de l’Union, de sorte qu’il n’est pas requis par cette disposition que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée, au contraire de ce qui est prescrit par l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ». Selon le Tribunal, « une telle mise en balance n’aurait pas de raison d’être dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, son résultat étant présumé positif. Qu’un État membre parvienne à remédier à une perturbation grave de son économie ne peut en effet que bénéficier à l’Union en général et au marché intérieur en particulier ». Ryanair fait valoir que le Tribunal a avalisé une forme de « négligence bénigne » de la Commission, qui a permis aux États membres de donner la priorité à leurs préoccupations nationales au détriment de l’intérêt de l’Union. Pour la requérante, dans un contexte de crise tel que celui engendré par la pandémie de COVID‑19, qui a touché l’Union dans son ensemble et dont les entreprises de tous les États membres sortent affaiblies, de telles politiques protectionnistes s’avèrent particulièrement dommageables et leurs effets sur les conditions des échanges et une concurrence non faussée peuvent être irréversibles. Cela plaiderait plutôt en faveur d’une surveillance accrue de la Commission et contre l’exonération de l’obligation de mettre en balance les effets positifs et négatifs des interventions étatiques au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

    84.

    Je rappelle que, dans l’arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission ( 51 ), la Cour a précisé, sans faire de distinction entre les différentes dérogations prévues par l’article 107, paragraphe 3, TFUE, que « [l]es appréciations économiques, dans le cadre de l’application de [cette disposition], doivent être effectuées dans un contexte communautaire ( 52 ), ce qui signifie que la Commission a l’obligation d’examiner l’impact d’une aide sur la concurrence et le commerce intracommunautaire » ( 53 ) et qu’il lui incombe, « lors de cet examen, de mettre en balance les effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée » ( 54 ). Comme le Tribunal l’a affirmé, à juste titre, selon moi, dans l’arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission ( 55 ), sur lequel Ryanair fonde une grande partie de son argumentation, la nécessité de cette mise en balance est l’expression du principe de proportionnalité et du principe d’interprétation stricte des exemptions à l’interdiction des aides d’État inscrite à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle s’applique donc de manière transversale à toutes les dérogations prévues au paragraphe 3 de cet article.

    85.

    La motivation en sens contraire retenue par le Tribunal dans l’arrêt attaqué ne me convainc pas. Cette motivation repose essentiellement, sinon exclusivement, sur une application du même critère d’interprétation que celui retenu par la Cour dans l’arrêt Autriche/Commission, fondé sur la comparaison entre le libellé des points b) et c) de l’article 107, paragraphe 3, TFUE. C’est en effet sur cet arrêt que le Tribunal s’appuie, au point 67 de l’arrêt attaqué, pour étayer son interprétation littérale de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Et c’est en invoquant l’absence de prise en considération de la différence textuelle entre cette disposition et l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, mise en exergue par la Cour dans l’arrêt Autriche/Commission, que le Tribunal a opéré en substance un revirement par rapport à l’arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission (T‑68/15, EU:T:2018:563).

    86.

    Au point 20 de l’arrêt Autriche/Commission, la Cour, s’appuyant sur le libellé de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, s’est en substance bornée à affirmer que cette disposition ne subordonne pas la compatibilité d’une aide à la condition qu’elle poursuive un objectif d’intérêt commun et que, si les auteurs du traité avaient voulu ajouter une telle condition, ils l’auraient fait expressément, comme ils l’ont fait pour l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Or, ce raisonnement ne saurait, à mon sens, être utilisé pour exclure du champ d’application de cet article 107, paragraphe 3, sous b), l’un des critères d’appréciation de la proportionnalité de l’aide. En effet, d’une part, même à supposer que, comme le soutient la Commission, la condition négative figurant à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, selon laquelle les aides ne doivent pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, constituerait un renvoi exprès à la nécessité de mise en balance des effets positifs et négatifs de l’aide, dans le sens précisé au point 84 des présentes conclusions, force est de constater, comme le fait la requérante, que cette condition ne mentionne pas la prise en considération des effets de l’aide sur une concurrence non faussée et que, dès lors, selon la logique du Tribunal, cette appréciation serait exclue également dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, contrairement à ce qui ressort de l’arrêt Autriche/Commission lui-même ( 56 ). D’autre part, l’absence d’une condition négative analogue dans le libellé de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ne saurait conduire à exclure d’emblée, quel que soit le contexte dans lequel l’aide est adoptée, l’examen des effets de celle-ci et leur mise en balance, en introduisant, comme le fait le Tribunal, une présomption de conformité à l’intérêt commun.

    87.

    J’observe d’ailleurs que, selon la logique sur laquelle se fonde le Tribunal, cette présomption apparaît clairement irréfragable. En effet, la conclusion à laquelle il est parvenu aux points 67 et 68 de l’arrêt attaqué repose sur un automatisme selon lequel, dès lors qu’il est satisfait aux conditions prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, une aide destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre est nécessairement adoptée dans l’intérêt de l’Union. Or, une telle position apparaît incompatible avec la clarification que la Cour devrait apporter dans la présente affaire à la demande de la Commission, à savoir que, bien que cette dernière ne soit pas tenue, dans l’application de la dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, de mettre en balance les effets de l’aide, elle est néanmoins libre de le faire.

    88.

    Je suis donc d’avis que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, au point 68 de l’arrêt attaqué, que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que la Commission procède à une mise en balance des effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée.

    89.

    Cela étant, je rappelle que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté ( 57 ). Pour les raisons que j’exposerai, j’estime que le troisième moyen du pourvoi doit en tout état de cause être rejeté comme non fondé et je suggère à la Cour de procéder, sur ce point, à une substitution de motifs.

    90.

    L’appréciation de la compatibilité des mesures d’aide avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union ( 58 ). À cet égard, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social ( 59 ). Dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, des mesures d’aide envisagées par les États membres. Selon une jurisprudence constante, en adoptant de telles règles de conduite, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime ( 60 ). Si la Commission ne saurait certes renoncer, au moyen de l’adoption de règles de conduite, à l’exercice du pouvoir d’appréciation que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE lui confère ( 61 ), la Cour a cependant précisé, s’agissant de la communication adoptée par la Commission en 2013 concernant l’application des règles en matière d’aides d’État au secteur bancaire dans le contexte de la crise financière ( 62 ), que « l’effet de l’adoption des règles de conduite contenues dans ladite communication est circonscrit à celui d’une autolimitation de la Commission dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, en ce sens que, si un État membre notifie à la Commission un projet d’aide d’État qui est conforme à ces règles, cette dernière doit, en principe, autoriser ce projet » ( 63 ). Or, il y a lieu de reconnaître un tel effet d’autolimitation au cadre temporaire.

    91.

    Adopté pour faire face à une crise sanitaire sans précédent, qui a frappé les économies de tous les États membres, nécessitant une intervention importante de ces derniers dans les secteurs les plus touchés par les restrictions imposées en raison de la pandémie, ce cadre a permis à la Commission d’examiner et d’approuver de nombreux projets notifiés par les États membres dans des délais très brefs, l’efficacité de ces interventions dépendant également de leur rapidité. La décision litigieuse s’inscrit dans ce contexte de crise.

    92.

    Il ne fait aucun doute que, comme l’a soutenu la Commission elle-même lors de l’audience, c’est précisément en temps de crise qu’il faut veiller à respecter les principes généraux de l’Union ainsi que les principes qui président à la politique en matière d’aides d’État. C’est pour cette raison que j’estime, comme je l’ai exposé ci-dessus, que la Cour doit réaffirmer, même dans des contextes de crise tels que ceux auxquels s’applique la dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ( 64 ), l’obligation de la Commission de procéder, au cas par cas, dans le cadre de la décision par laquelle elle apprécie la compatibilité de la mesure qui lui a été notifiée, à une mise en balance des effets positifs et négatifs des mesures d’aide adoptées à ce titre par les États membres, afin d’assurer la conformité de ces mesures à l’intérêt commun.

    93.

    Toutefois, il est tout aussi indubitable que le caractère exceptionnel de la situation créée par les restrictions induites par la pandémie de COVID-19, l’incidence de ces restrictions sur l’économie de l’Union dans son ensemble – qui va bien au-delà de la dimension territorialement limitée de la perturbation économique d’un État membre, visée à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE – ainsi que la nécessité d’intervenir en temps utile pour soutenir les secteurs les plus touchés sont des éléments qui doivent être pris en considération dans la définition de l’objectif d’intérêt commun en fonction duquel effectuer ladite mise en balance et assurer la nécessaire coordination des interventions nationales.

    94.

    Dans un tel contexte, j’estime que la Commission doit pouvoir, dans certaines limites, procéder à cette mise en balance de manière générale, dans des instruments qui examinent l’incidence de la crise sur l’économie de l’Union dans son ensemble et fixent des règles et des limites à appliquer à toutes les interventions étatiques adoptées au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE pour y faire face, en partant du principe que, si elles respectent ces règles et limites et sont en outre proportionnées à l’objectif poursuivi, ces interventions répondent à l’intérêt commun, les distorsions qu’elles introduisent étant en principe jugées nécessaires.

    95.

    Le cadre temporaire, à l’aune duquel a été évaluée la compatibilité du régime d’aides en cause avec le marché intérieur, satisfait, selon moi, aux critères indiqués ci-dessus. La Commission y indique à la fois les voies par lesquelles la crise sanitaire affecte l’économie de l’Union et la nécessité d’une réponse économique coordonnée des États membres et des institutions de l’Union pour atténuer ces répercussions négatives, et elle précise que, dans les circonstances exceptionnelles provoquées par l’épidémie de COVID-19, toutes les catégories d’entreprises peuvent être confrontées à une grave insuffisance de liquidités, de sorte qu’il convient que les États membres « incite[nt] les établissements de crédit et les autres intermédiaires financiers à continuer à jouer leur rôle de soutien permanent à l’activité économique dans l’Union européenne », notamment au moyen d’aides au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui, acheminées par les banques en qualité d’intermédiaires financiers, profitent directement à ces entreprises (points 4 et 5) ( 65 ). La Commission souligne également l’importance du contrôle des aides d’État dans l’Union pour garantir « la non‑fragmentation du marché intérieur de l’Union et la préservation de conditions de concurrence équitables » et prévenir « les courses aux subventions préjudiciables, au cours desquelles les États membres disposant de plus de moyens peuvent dépenser plus que leurs voisins, et ce au détriment de la cohésion au sein de l’Union » (point 10). Enfin, la Commission définit l’objectif du cadre temporaire comme étant d’« établir un encadrement permettant aux États membres de remédier aux difficultés actuelles des entreprises, tout en préservant l’intégrité du marché intérieur de l’Union et en garantissant des conditions de concurrence équitables » (point 16). C’est en tenant compte de ces objectifs que la Commission a reconnu, à la section 3.2 du cadre temporaire, consacrée aux aides sous forme de garanties sur les prêts, que de telles aides « couvrant une période limitée et un montant de prêt limité peuvent se révéler une solution appropriée, nécessaire et ciblée dans les circonstances actuelles », afin de garantir l’accès aux liquidités pour les entreprises confrontées à une pénurie soudaine.

    96.

    J’ai conscience que l’approche proposée ( 66 ) repose également, en substance, sur une présomption. Toutefois, à la différence de la présomption instaurée au point 68 de l’arrêt attaqué, elle permet à la Commission de disposer d’une plus grande flexibilité et au juge de l’Union de conserver un contrôle, fût-il limité, sur l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation.

    97.

    Enfin, il convient de souligner que, pour éviter qu’une telle approche puisse en pratique affaiblir le contrôle exercé par la Commission sur les interventions mises en œuvre par les États au soutien de leurs entreprises dans des périodes de crise- en particulier lorsque celles-ci concernent un ou plusieurs secteurs de l’économie dans plus d’un État membre, sont prolongées ou se succèdent – et, donc, altérer durablement les conditions de concurrence équitable dans lesquelles opèrent les entreprises de l’Union, en faveur notamment d’entreprises appartenant aux États membres disposant d’une plus grande capacité fiscale, la mise en balance effectuée dans des instruments tels que le cadre temporaire, en particulier lorsqu’ils sont destinés à s’appliquer pendant de longues périodes, doit également tenir compte de l’incidence, sur les conditions des échanges et sur une concurrence non faussée, des interventions déjà autorisées par des instruments antérieurs.

    98.

    Sur la base des considérations qui précèdent, j’estime que, après substitution des motifs figurant aux points 67 à 70 de l’arrêt attaqué, le troisième moyen du pourvoi doit être rejeté.

    III. Conclusion

    99.

    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter les premier, deuxième et troisième moyens soulevés par Ryanair à l’appui de son pourvoi.


    ( 1 ) Langue originale : l’italien.

    ( 2 ) Pour la description du contexte dans lequel s’inscrit le pourvoi faisant l’objet des présentes conclusions, je renvoie au point 1 de mes conclusions dans l’affaire Ryanair/Commission (C‑320/21 P, EU:C:2023:54).

    ( 3 ) T‑238/20, EU:T:2021:91.

    ( 4 ) JO 2008, L 293, p. 3.

    ( 5 ) JO 2020, C 91 I, p. 1.

    ( 6 ) JO 2020, C 112 I, p. 1.

    ( 7 ) C‑628/11, ci-après l’« arrêt International Jet Management », EU:C:2014:171, point 68.

    ( 8 ) Arrêt du 27 octobre 2022, ADPA et Gesamtverband Autoteile-Handel (C‑390/21, EU:C:2022:837, point 41).

    ( 9 ) Arrêt du 6 octobre 2022, Contship Italia (C‑433/21 et C‑434/21, EU:C:2022:760, point 29 et jurisprudence citée).

    ( 10 ) Voir arrêt du 15 juillet 2021, The Department for Communities in Northern Ireland (C‑709/20, EU:C:2021:602, point 65).

    ( 11 ) Voir arrêt du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne (C‑591/17, EU:C:2019:504, point 40).

    ( 12 ) Voir arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld (C‑181/19, EU:C:2020:794, point 78).

    ( 13 ) Voir arrêt du 3 mars 2020, Tesco-Global Áruházak (C‑323/18, EU:C:2020:140, point 55).

    ( 14 ) Voir arrêt du 18 juin 2019, Autriche/Allemagne (C‑591/17, EU:C:2019:504, point 40 et jurisprudence citée).

    ( 15 ) Voir arrêt du 18 mars 2021, Autoridade Tributária e Aduaneira (Impôt sur les plus‑values immobilières) (C‑388/19, EU:C:2021:212, point 21).

    ( 16 ) Voir arrêt du 11 juin 2020, TÜV Rheinland LGA Products et Allianz IARD (C‑581/18, EU:C:2020:453, points 31 et 33 et jurisprudence citée).

    ( 17 ) C‑320/21 P, EU:C:2023:54, points 63 à 66.

    ( 18 ) Voir arrêts du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58, point 96) ; et du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, ci-après l’« arrêt Autriche/Commission », EU:C:2020:742, point 44 et jurisprudence citée).

    ( 19 ) 74/76, ci-après l’arrêt « Iannelli & Volpi », EU:C:1977:51.

    ( 20 ) Voir arrêt International Jet Management, points 64 à 66.

    ( 21 ) Voir arrêt International Jet Management, point 65.

    ( 22 ) Voir arrêt International Jet Management, point 66.

    ( 23 ) C’est en substance ce qui ressort, notamment, de l’arrêt du 26 septembre 2002, Espagne/Commission (C‑351/98, EU:C:2002:530, point 57).

    ( 24 ) En réalité, le raisonnement suivi par le Tribunal au point 31 de l’arrêt attaqué diffère en partie de celui que je propose. Il a considéré en substance que, même à supposer que la disparité de traitement introduite par le régime d’aides en question constitue une discrimination en raison de la nationalité, il faudrait néanmoins vérifier si cette discrimination ne serait pas permise en application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

    ( 25 ) Voir arrêt International Jet Management, point 68.

    ( 26 ) Voir, en ce sens, arrêt International Jet Management, point 70.

    ( 27 ) Comme le souligne Ryanair, la Commission indique à la note 10 de la décision litigieuse qu’un montant maximal de 1,5 milliard de SEK était réservé à SAS.

    ( 28 ) Le 30 janvier 2020, l’OMS a publié une déclaration d’« Urgence de santé publique de portée internationale » (USPPI).

    ( 29 ) Voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission (C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793, point 70).

    ( 30 ) Voir arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission (C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793, point 71).

    ( 31 ) Décision de la Commission du 30 septembre 2009 relative au régime d’aide C 2/09 (ex N 221/08 et N 413/08) que l’Allemagne souhaite mettre en œuvre pour moderniser les conditions générales régissant les investissements en capitaux (JO 2010, L 6, p. 32), en particulier considérant 108.

    ( 32 ) Ryanair renvoie à la décision de la Commission du 11 août 2020 relative à l’aide d’État SA.57586 (2020/N) – Estonie COVID-19 : recapitalisation et prêt à taux bonifié accordé à Nordica (JO 2020, C 346, p. 3), dans laquelle, au considérant 18 et à la note 10, la Commission mentionne un contrat de service public conclu entre la Suède et Nordica, valable du 27 octobre 2019 au 27 octobre 2023.

    ( 33 ) Selon une jurisprudence constante, la légalité d’une pratique décisionnelle antérieure (et a fortiori d’une décision isolée), quand bien même elle serait démontrée, ne suffit pas à remettre en cause la légalité d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État (ordonnance du 10 octobre 2017, Greenpeace Energy/Commission, C‑640/16 P, non publiée, EU:C:2017:752, point 27 et jurisprudence citée).

    ( 34 ) Je rappelle que, en vertu de l’article 2, point 26, du règlement no 1008/2008, par « principal établissement », on entend « l’administration centrale ou le siège statutaire d’un transporteur aérien communautaire situés dans l’État membre au sein duquel ce transporteur aérien communautaire exerce les principales fonctions financières et le contrôle de l’exploitation, y compris la gestion du maintien de la navigabilité ».

    ( 35 ) Voir https://corporate.ryanair.com/news/pwc-report-confirms-ryanairs-unmatched-investment-in-irish-economy-over-past-35-years/

    ( 36 ) T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 94.

    ( 37 ) Arrêt du 27 mars 1980 (61/79, EU:C:1980:100, point 31).

    ( 38 ) Conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire A-Fonds (C‑598/17, EU:C:2018:1037, point 98).

    ( 39 ) Voir, concernant le critère à appliquer pour examiner la sélectivité d’une aide, arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission (C‑51/19 P et C‑64/19 P, EU:C:2021:793, point 140 et jurisprudence citée).

    ( 40 ) Je relève, par ailleurs, que le point 94 de l’arrêt du 6 mai 2019, Scor/Commission (T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287), que le Tribunal invoque (et qu’il a d’ailleurs interprété fidèlement, contrairement à ce que soutient la requérante) le point 170 de l’arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission (T‑57/11, EU:T:2014:1021), lequel renvoie, pour sa part, au point 101 de l’arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France (C‑159/94, EU:C:1997:501). Or, ces deux arrêts concernent l’interprétation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, et non celle de l’article 107, paragraphe 2, TFUE.

    ( 41 ) Elle renvoie en particulier aux points 82, 92 et 93 de cet acte.

    ( 42 ) C‑92/01, EU:C:2003:72.

    ( 43 ) La requérante renvoie aux points 65 et 66 de cet arrêt.

    ( 44 ) Voir point 14 de l’arrêt Iannelli & Volpi, dans lequel la Cour précise que « des modalités d’une aide qui contreviendraient à des dispositions particulières du traité, autres que les articles [107 et 108 TFUE], peuvent être à ce point indissolublement liées à l’objet de l’aide qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément, de sorte que leur effet sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide dans son ensemble doit alors nécessairement être apprécié à travers la procédure de l’article [108 TFUE] », se référant seulement à l’aspect procédural. Dans le même sens, voir arrêts du 23 avril 2002, Nygård (C‑234/99, EU:C:2002:244, point 55), du 2 mai 2019, A-Fonds (C‑598/17, EU:C:2019:352, points 47 et 48), ainsi que, récemment, du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58). Je précise, en tout cas, que, comme l’a affirmé à bon droit la Commission, une condition d’octroi de l’aide qui détermine les bénéficiaires de celle-ci, comme, en l’espèce, la détention d’une licence délivrée par la Suède, répond indubitablement aux critères énoncés audit point 14 de l’arrêt Iannelli & Volpi. En effet, ainsi que l’a affirmé à juste titre l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans ses conclusions dans l’affaire A-Fonds (C‑598/17, EU:C:2018:1037, point 81), une « modalité est nécessaire à la réalisation de l’objet ou au fonctionnement d’une aide lorsqu’elle est un élément constitutif ou essentiel de l’aide, de sorte que son inapplicabilité conduit à changer la portée ou les caractéristiques principales de l’aide ».

    ( 45 ) Voir, par exemple, arrêt du 20 mars 1990, Du Pont de Nemours Italiana (C‑21/88, EU:C:1990:121, point 20) ; voir également arrêt du 19 septembre 2002, Espagne/Commission (C‑114/00, EU:C:2002:508, points 101 à 104).

    ( 46 ) Voir arrêt du 28 février 2018, ZPT (C‑518/16, EU:C:2018:126, point 47).

    ( 47 ) C‑390/06, EU:C:2008:224, points 49 à 52.

    ( 48 ) Point 45.

    ( 49 ) Voir, en dernier lieu, arrêt du 31 janvier 2023, Commission/Braesch e.a. (C‑284/21 P, EU:C:2023:58, points 96 à 100).

    ( 50 ) Points 20 et 39.

    ( 51 ) C‑372/97, EU:C:2004:234.

    ( 52 ) La Cour s’était déjà prononcée en ce sens dans plusieurs arrêts ; voir, entre autres, arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission (730/79, EU:C:1980:209, points 24 et 26), du 14 septembre 1994, Espagne/Commission (C‑278/92 à C‑280/92, EU:C:1994:325, point 51), et du 14 janvier 1997, Espagne/Commission (C‑169/95, EU:C:1997:10, point 18).

    ( 53 ) Dans un sens analogue, voir, pour ce qui concerne l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, arrêts du 19 septembre 2002, Espagne/Commission (C‑113/00, EU:C:2002:507, point 67), et Espagne/Commission (C‑114/00, EU:C:2002:508, point 81).

    ( 54 ) Voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission (C‑372/97, EU:C:2004:234, point 82 et jurisprudence citée).

    ( 55 ) T‑68/15, EU:T:2018:563, point 211. Dans cet arrêt, le Tribunal a rejeté la thèse de la Commission, que celle-ci soutient également dans la présente procédure, selon laquelle cette nécessité ne serait pas applicable aux analyses effectuées sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

    ( 56 ) Voir arrêt Autriche/Commission, point 101, et arrêt du 12 juillet 2018, Autriche/Commission (T‑356/15, EU:T:2018:439, point 370).

    ( 57 ) Voir, entre autres, arrêt Autriche/Commission, point 47.

    ( 58 ) Voir arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo (C‑470/20, EU:C:2022:981, point 29 et jurisprudence citée).

    ( 59 ) Voir arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo (C‑470/20, EU:C:2022:981, point 29 et jurisprudence citée).

    ( 60 ) Voir arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo (C‑470/20, EU:C:2022:981, point 30 et jurisprudence citée).

    ( 61 ) Voir arrêt du 15 décembre 2022, Veejaam et Espo (C‑470/20, EU:C:2022:981, point 30 et jurisprudence citée).

    ( 62 ) Communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JO 2013, C 216, p. 1).

    ( 63 ) Voir arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a. (C‑526/14, EU:C:2016:570, point 43).

    ( 64 ) Même si l’on devait s’accorder avec la Commission sur le caractère « existentiel », pour l’État membre intéressé, de la perturbation de son économie qui permet de recourir à la dérogation prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

    ( 65 ) Le point 42 de la décision litigieuse fait écho à cet objectif.

    ( 66 ) Je souligne que la Commission a soutenu cette approche devant le Tribunal et que celui-ci l’a rejetée au point 71 de l’arrêt attaqué.

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