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Document 62020TJ0278

Arrêt du Tribunal (première chambre) du 6 juillet 2022 (Extraits).
Zhejiang Hangtong Machinery Manufacture Co. Ltd et Ningbo Hi-Tech Zone Tongcheng Auto Parts Co. Ltd contre Commission européenne.
Dumping – Importations de roues en acier originaires de Chine – Institution d’un droit antidumping définitif et perception définitive du droit provisoire – Article 17, paragraphe 4, articles 18 et 20 du règlement (UE) 2016/1036 – Défaut de coopération – Insuffisance des informations communiquées à la Commission.
Affaire T-278/20.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2022:417

 ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

6 juillet 2022 ( *1 )

« Dumping – Importations de roues en acier originaires de Chine – Institution d’un droit antidumping définitif et perception définitive du droit provisoire – Article 17, paragraphe 4, articles 18 et 20 du règlement (UE) 2016/1036 – Défaut de coopération – Insuffisance des informations communiquées à la Commission »

Dans l’affaire T‑278/20,

Zhejiang Hangtong Machinery Manufacture Co. Ltd, établie à Taizhou (Chine),

Ningbo Hi-Tech Zone Tongcheng Auto Parts Co. Ltd, établie à Ningbo (Chine),

représentées par Mes K. Adamantopoulos et P. Billiet, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Blanck et M. G. Luengo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes O. Porchia (rapporteure) et M. Stancu, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 14 décembre 2021,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

[omissis]

Antécédents du litige

[omissis]

3

Les requérantes sont deux sociétés de droit chinois établies en Chine. Avec la société de droit samoan Ningbo Wheelsky Company Limited (ci-après « WS »), HT et TC font partie du groupe Hangtong (ci-après « le groupe HT ») et sont toutes trois des sociétés liées.

4

Au sein de ce groupe, HT produit des roues en acier, vendues tant sur le marché intérieur chinois qu’à l’exportation, tandis que TC est un négociant et que WS perçoit le paiement des ventes réalisées auprès des clients‑importateurs. Pour certaines opérations d’exportation, le groupe HT recourt aux circuits de Ningbo Ningdian International Trade CO., Ltd (ci-après « ND »), qui est un agent en douane qui n’est pas lié aux requérantes.

[omissis]

Conclusions des parties

25

Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler le règlement attaqué en ce qui les concerne ;

condamner la Commission aux dépens.

26

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme non fondé ;

condamner les requérantes aux dépens.

En droit

[omissis]

Sur le deuxième moyen, tiré, d’une part, d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation de l’article 2, paragraphes 6 bis, 8, 10 et 11, de l’article 3, de l’article 6, de l’article 9, paragraphe 6, et de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base ainsi que de l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC et, d’autre part, de la violation des articles 2 et 3, de l’article 6, paragraphes 6 et 8, de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base ainsi que de l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC

31

Le deuxième moyen est divisé en trois branches.

32

Par la première branche, les requérantes font, en substance, valoir que c’est à tort que la Commission a considéré que les données concernant le prix à l’exportation qu’elles lui avaient communiquées n’étaient pas fiables. Par la deuxième branche, elles font grief à la Commission de n’avoir pas tenu compte des efforts qu’elles ont déployés pour la réussite de l’enquête et de ne pas avoir calculé le prix à l’exportation sur la base des données qu’elles lui avaient communiquées, même si ces données n’étaient pas les meilleures à tous égards. Par la troisième branche, les requérantes font grief à la Commission de s’être abstenue de calculer la valeur normale et d’avoir fait usage des données disponibles pour déterminer leur marge de dumping.

– Sur les première et deuxième branches du deuxième moyen, tirées d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 2, paragraphes 6 bis, 8, 9, 10 et 11, de l’article 3, de l’article 6, de l’article 9, paragraphe 6, et de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base et de l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC

33

Par les deux premières branches du deuxième moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérantes affirment en premier lieu que les données qu’elles ont communiquées à la Commission étaient suffisantes pour permettre à cette institution d’établir un prix fiable à l’exportation.

34

À cet égard, les requérantes indiquent que les prix de vente des roues en acier inscrits dans les comptes de HT et de TC concordaient avec ceux mentionnés sur les factures de TVA ainsi que sur les déclarations en douane de HT à TC, lesdits prix correspondant à 90 % des exportations de roues en acier réalisées par le groupe HT vers l’Union au cours de la période d’enquête.

35

En effet, l’écart entre les montants figurant dans les factures de TVA établies par HT à destination de TC et les déclarations en douane relatives à l’exportation hors de la Chine n’affectait que 10 % de leurs exportations totales vers l’Union, de sorte que la Commission avait, en conformité avec sa pratique générale, la possibilité de ne pas tenir compte de ce reliquat de 10 %.

36

À cet égard, les requérantes font valoir que les affirmations de la Commission figurant aux considérants 35 et 40 du règlement attaqué témoignent d’un raisonnement contradictoire. En effet, cette institution ne peut à la fois affirmer qu’il existe une incertitude fondamentale quant à la fiabilité des informations comptables des requérantes, tout en admettant que les informations sur la valeur normale étaient fiables et vérifiées et alors même que, ainsi qu’elle l’a admis, la valeur normale représente 50 % du calcul de la marge de dumping.

37

Les requérantes précisent que, indépendamment de l’absence de comptabilité de WS, le prix à l’exportation des produits vendus dans l’Union pouvait être établi sur la base de l’exploitation de la liste DMSAL, laquelle recensait et identifiait l’ensemble des ventes de HT à TC en vue de l’exportation des marchandises vers l’Union. Les données de cette liste pouvaient être aisément recoupées avec les formulaires de dédouanement des marchandises exportées vers l’Union, les factures de TVA à l’exportation vers l’Union ainsi qu’avec les justificatifs de paiement des clients de l’Union tels qu’ils résultaient des extraits de comptes bancaires de WS.

38

Les requérantes contestent les considérations de la Commission selon lesquelles il était impossible pour cette institution de déterminer avec certitude le prix à l’exportation, alors même que, de ses propres constatations, la valeur déclarée en douane correspondait à la facture commerciale initiale, indépendamment du fait que, pour une même opération, il pouvait y avoir deux factures, l’une concernant un lien entre HT et TC, l’autre un lien entre TC et ND. Cela implique que la Commission pouvait, sur la base des prix facturés par HT à TC ou à ND, établir un prix à l’exportation, en l’ajustant, conformément à sa pratique habituelle lorsqu’elle dispose de données fiables en ce qui concerne la valeur normale.

39

Ces données pouvaient en outre être confrontées avec les statistiques des douanes chinoises, qui, contrairement à ce que tente de démontrer la Commission par l’intermédiaire du document figurant dans l’annexe B2 du mémoire en défense, étaient exactes. En effet, la prétendue absence de fiabilité de ces données tient au fait que la Commission n’a pas tenu compte des corrections que les requérantes ont effectuées dans le document figurant en annexe C4 de la réplique. Ces données coïncident avec la liste RLSALUR qu’elles avaient modifiée et qui recensait l’ensemble des ventes de parties liées à des clients indépendants dans l’Union.

40

Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir pris la peine de vérifier le total des ventes à l’exportation des roues en acier en analysant les registres des clients indépendants et les factures de la TVA à l’exportation, comme cette institution s’y était pourtant engagée dans la communication qu’elle leur avait faite simultanément à la notification du règlement provisoire et alors même que sept de leurs huit clients au sein de l’Union avaient accepté de coopérer avec la Commission.

41

Les requérantes font valoir que, en tout état de cause, elles ont réussi à prouver, sur la base des bordereaux bancaires de WS, 98 % de leurs exportations vers l’Union et, sur la base des formulaires douaniers d’importation vers l’Union, 65 % des exportations vers l’Union.

42

À cet égard, et s’agissant des données se rapportant aux formulaires d’importation des marchandises vers l’Union, les requérantes soulignent que, ainsi qu’elles l’ont indiqué à la Commission dans leurs observations du 27 août 2019, elles ont transmis à cette institution la liste Eusales, qui recensait leurs huit clients dans l’Union, puis, une liste actualisée de ces clients, avec leurs coordonnées et, pour la majeure partie d’entre eux, la preuve de l’acquittement des droits de douane lors de l’importation dans l’Union. Ces éléments confirmaient, pour l’essentiel des transactions, le paiement des prix à l’exportation facturés. Le reliquat non renseigné était dû au fait que certains de leurs clients n’avaient pas voulu leur communiquer les documents relatifs aux importations qu’ils avaient faites.

43

Les requérantes ajoutent que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour et de celle de l’OMC, la Commission ne pouvait pas, pour justifier le rejet de l’établissement du prix à l’exportation, opposer aux requérantes le fait qu’elles ne rapportaient pas la preuve d’une claire répartition entre exportations effectuées dans l’Union et hors de l’Union, du fait de l’absence de communication de leur part d’un tableau de répartition entre ces exportations, alors même que cela ne leur avait jamais été demandé. Elles font valoir que, en tout état de cause, l’exploitation du tableau DMSAL, qui mettait en évidence une telle répartition, permettait de distinguer les ventes faites à des importateurs de l’Union et celles faites à des importateurs établis dans des États tiers.

44

À cet égard, les requérantes soulignent qu’elles utilisent un système triangulaire de facturation entre sociétés liées pour les exportations vers l’Union. En vertu de ce système, les prix de vente des marchandises portés sur les factures de clients de l’Union en provenance de Chine peuvent être et sont souvent différents de ceux déclarés aux autorités douanières de l’Union pour ces marchandises au moment de l’importation de ces dernières.

45

Ainsi, dans la mesure où la valeur transactionnelle reflète une vente à l’exportation et n’est pas inférieure à la valeur marchande et au coût intrinsèque des marchandises en cause, englobant le coût du fret et de l’assurance à la frontière de l’Union, cette valeur transactionnelle est légitimement utilisée aux fins de l’évaluation en douane dans l’Union.

46

Les requérantes affirment que les informations qu’elles avaient communiquées à la Commission constituaient, de loin, les meilleures informations disponibles sur les ventes à l’exportation de roues en acier, au sens de l’annexe II de l’accord antidumping de l’OMC. Cela aurait d’ailleurs été constaté par la conseillère-auditrice dans son premier rapport d’audition, aux termes duquel elle a indiqué que les requérantes avaient agi au mieux de leurs possibilités.

47

Les requérantes en concluent que, en rejetant les données qui lui avaient été communiquées, en s’abstenant d’accomplir les opérations que la Commission s’était engagée à exécuter dans la communication effectuée lors de la notification du règlement provisoire et en fondant ses conclusions sur des éléments dont elle ne leur avait pas demandé la communication, celle-ci s’est abstenue de procéder à une comparaison équitable des prix en utilisant les prix à l’exportation, comme le prévoit l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base.

48

Les requérantes affirment, en second lieu, que, s’agissant du prix à l’exportation, la Commission aurait dû faire usage de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base en utilisant les ventes « départ usine » de HT à TC et à ND pour calculer le prix et le volume des exportations vers l’Union pendant la période d’enquête, de sorte qu’elle puisse, en application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, établir avec précision les marges de dumping et de préjudice les concernant, sans tenir compte des opérations de WS, conformément à la jurisprudence applicable, notamment aux points 120 et 121 de l’arrêt du 19 mars 2015, City Cycle Industries/Conseil (T‑413/13, non publié, EU:T:2015:164).

49

À cet égard, les requérantes font valoir que la Commission n’a jamais contesté les prix facturés par HT à TC et à ND et les valeurs des roues en acier déclarées aux autorités douanières de l’Union lors de l’importation des roues en acier des requérantes. Elles ajoutent que la détermination du prix à l’exportation sur la base de telles données est conforme aux dispositions de l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base.

50

Elles soulignent que l’argumentation de la Commission relative au rejet de l’établissement du prix à l’exportation sur la base de la facturation intervenue entre HT et TC est injustifiée. En effet, il est avéré que ces prix sont inférieurs aux prix réellement facturés aux clients de l’Union. La détermination du prix à l’exportation sur la base de ces données est ainsi de nature à établir des droits antidumping plus sévères que celle qui aurait été établie sur la base des prix réellement facturés aux importateurs de l’Union.

51

Concernant l’objection de la Commission relative à l’impossibilité d’appliquer des valeurs incertaines en raison de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base, les requérantes font valoir que ces dispositions ont vocation à s’appliquer même lorsque la Commission fait usage de l’article 18 du règlement de base à l’égard de producteurs sélectionnés dans l’échantillon. Les marges des producteurs concernés ne sont alors pas prises en compte dans le calcul de la marge moyenne pondérée de dumping applicable aux producteurs qui n’étaient pas inclus dans l’échantillon.

52

En tout état de cause, la Commission ne démontre pas en quoi, indépendamment de l’application de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base, l’inclusion des requérantes dans l’échantillon était susceptible d’affecter de façon importante les résultats de l’enquête.

53

Elles affirment enfin que, en vertu des règles de l’OMC, la Commission ne pouvait légitimement pas refuser d’appliquer les dispositions de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base.

54

La Commission conclut au rejet de ces arguments.

55

À cet égard, pour répondre aux arguments des requérantes, il apparaît nécessaire, dans un premier temps, d’analyser si les documents communiqués, tels que la liste DMSAL ou les déclarations douanières, étaient suffisamment fiables pour permettre à la Commission d’établir un prix à l’exportation, puis, dans un second temps, de déterminer s’il était possible pour la Commission de faire usage de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base pour établir le prix à l’exportation, dans des circonstances où les requérantes avaient communiqué tous les documents qui étaient en leur possession.

56

S’agissant tout d’abord de la question relative à la fiabilité des données relatives à l’établissement du prix à l’exportation, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elle doit examiner. Quant au contrôle juridictionnel d’une telle appréciation, il doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir [voir arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 68 et jurisprudence citée].

57

En outre, la Cour a jugé que le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels la Commission fonde ses constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de cette institution. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation de cette institution dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par la Commission. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées [voir arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 69 et jurisprudence citée].

58

De plus, dans le cadre du règlement de base, les entreprises visées par l’enquête antidumping sont tenues de communiquer à la Commission les renseignements nécessaires pour établir leur marge de dumping. À défaut de communication de tels renseignements, ces entreprises encourent le risque de se voir appliquer, en application de l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement, des données autres que celles qu’elles ont communiquées (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, EU:T:2006:211, point 65 et jurisprudence citée).

59

À cet égard, il y a lieu de relever que l’analyse du document de la Commission figurant en annexe B1 du mémoire en défense, non contesté par les requérantes, met, en premier lieu, en évidence que, dans chacun des sept canaux de vente utilisés par le groupe HT pour exporter ses produits, les importateurs s’acquittaient du paiement des marchandises vendues entre les mains de WS, qui ne justifiait d’aucune comptabilité. En conséquence, et indépendamment du fait que la loi samoane sur les sociétés ne prévoit pas qu’elles doivent justifier d’une comptabilité certifiée, les relevés bancaires de WS n’avaient aucune valeur probante.

60

En deuxième lieu, dans l’ensemble des canaux de vente, les ventes étaient faites aux importateurs sans que les factures établies à leur nom soient enregistrées dans le groupe HT. En effet, soit TC enregistrait dans sa comptabilité des factures dont le montant était inférieur à celui qui figurait sur les factures adressées aux importateurs et, sur la base de ces premières factures, faisait des déclarations mensongères aux autorités douanières en ce qui concerne le prix à l’exportation (canal 1), soit TC émettait des factures au nom des importateurs, sans pour autant les enregistrer dans sa comptabilité (canaux 2 et 3), soit WS émettait des factures qui n’étaient pas comptabilisées, dans la mesure où la loi samoane n’oblige pas les sociétés à tenir une comptabilité certifiée (canaux 4 et 5), soit, enfin, les factures étaient émises par ND, qui est une société extérieure au groupe et à l’égard de laquelle la Commission n’a pu obtenir aucun élément d’information du fait de son absence de coopération à l’enquête (canaux 6 et 7).

61

En troisième lieu, dans tous les canaux de vente, à l’exception du premier canal de vente, les ventes de marchandises à l’exportation intervenaient après la vente de la marchandise par HT ou TC à ND, ce qui, pour les raisons mentionnées au point 60 ci-dessus, impliquait l’impossibilité pour la Commission de déterminer le prix de vente réellement payé par les importateurs européens.

62

La conjonction de l’ensemble des éléments mentionnés aux points 59 à 61 ci-dessus ne permet pas de considérer que la Commission a commis une erreur manifeste en retenant que les données concernant le prix à l’exportation étaient dénuées de toute fiabilité.

63

Cela implique que doivent être considérées comme de simples allégations les affirmations des requérantes selon lesquelles elles ont prouvé 98 % des paiements des importateurs européens sur la base des relevés bancaires de WS, 90 % des prix de vente sur la base des factures de TVA émises par HT et, enfin, 65 % des opérations d’exportations vers l’Union sur la base des déclarations en douane de ces importateurs, tout comme l’affirmation des requérantes selon laquelle la Commission n’aurait pas tenu compte du système de la traite commerciale triangulaire qu’elles avaient adopté.

64

Ces incohérences ont d’ailleurs été mises en évidence lors de l’audience, au cours de laquelle les requérantes ont reconnu l’impossibilité dans laquelle s’était trouvée la Commission d’utiliser la comptabilité de WS, l’absence de tout enregistrement comptable des factures de TC à destination des importateurs européens et en conséquence, les difficultés existant pour établir en l’espèce un prix à l’exportation fiable.

65

Il convient en conséquence d’analyser, en premier lieu, si ce prix à l’exportation pouvait être établi, comme le suggèrent les requérantes, sur la base de la liste DMSAL, des factures de TVA émises par HT à destination de TC et si c’est à tort que la Commission a considéré que l’établissement d’un prix à l’exportation était impossible, en l’absence d’un tableau distinguant les exportations réalisées avec l’Union et les autres, dont la communication n’aurait pas été demandée au cours de l’enquête.

66

S’agissant tout d’abord de la liste DMSAL et des factures de TVA émises par HT à destination de TC, il convient de relever que, ainsi que cela a été souligné à l’audience par la Commission, ces éléments de preuve concernaient des ventes, réalisées par HT à TC, donc des ventes intragroupes et domestiques dont le prix était, en conséquence, différent de celui réellement payé par les importateurs européens. De plus, ainsi que cela a été confirmé à l’audience, la Commission était dans l’impossibilité de vérifier la réalité des exportations vers l’Union déclarées par les requérantes en l’absence de toute comptabilité crédible concernant ces exportations.

67

À cet égard, concernant l’argument des requérantes tiré de l’absence de production d’un tableau distinguant les exportations réalisées avec l’Union et les autres exportations, il y a lieu de relever que, lors de l’audience, les requérantes ont d’abord indiqué qu’un tel tableau était inutile, dans la mesure où tous les renseignements qui y figureraient étaient déjà contenus dans la liste DMSAL, puis ont confirmé qu’elles auraient été en mesure de produire un tel tableau si la Commission leur avait fait une demande en ce sens, ainsi que cela ressort des commentaires envoyés le 25 octobre 2019, à la suite de la notification du règlement provisoire, pour finalement reconnaître qu’elles n’avaient pas communiqué un tel tableau parce qu’elles craignaient que la Commission leur oppose l’absence de crédibilité d’un tel tableau du fait de l’absence de factures étayant ces données.

68

Ces affirmations contradictoires mettent en évidence le caractère artificiel de l’argument des requérantes, selon lequel la Commission ne pouvait, pour rejeter leurs données concernant le prix à l’exportation, leur opposer l’absence de communication d’un tableau mettant en évidence les exportations vers l’Union.

69

En effet, si la Commission n’a pas retenu ces données à l’exportation, ce n’est pas uniquement en raison de l’absence d’un tel tableau, mais bien parce que, ainsi que cela ressort notamment des considérants 32, 35 et 40 du règlement attaqué, cette institution a dû faire face à « un manque fondamental de fiabilité des registres » et à l’impossibilité d’établir avec certitude le type et le nombre de produits exportés vers l’Union, de sorte qu’elle était dans l’impossibilité d’établir un prix à l’exportation sur la base des factures de TVA émises par HT et destinées à TC. Ces dernières constatations ne sont au demeurant nullement contradictoires avec le fait que la Commission a considéré que les données relatives à la valeur normale étaient fiables, dès lors que ces dernières données étaient régulièrement enregistrées dans la comptabilité de HT, contrairement aux données relatives aux exportations.

70

De plus, les règlements auxquels les requérantes renvoient pour établir que la Commission s’est départie de sa pratique habituelle en ce qui concerne l’ajustement des prix à l’exportation n’apparaissent pas pertinents, dans la mesure où la légalité d’un règlement instituant des droits antidumping doit s’apprécier au regard des règles de droit et, notamment, des dispositions du règlement de base, et non sur la base de la prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 107].

71

S’agissant, en deuxième lieu, des arguments développés par les requérantes à propos de la prétendue absence de diligence des enquêteurs auprès des importateurs européens et à propos des documents relatifs à ces importateurs, il y a tout d’abord lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission ne s’est jamais engagée à faire une enquête sur place auprès de ces importateurs pour déterminer le prix à l’exportation. En effet, il résulte de la communication spécifique faite aux requérantes en accompagnement du règlement provisoire, que cette institution a seulement pris acte de leur proposition faite en ce sens dans une lettre du 27 août 2019 et figurant en annexe A 21 de la requête.

72

Ensuite, outre le fait que les requérantes ne contestent pas la circonstance énoncée au considérant 33 du règlement attaqué, selon lequel seuls trois importateurs de l’Union ont accepté de coopérer avec la Commission, il y a lieu de relever que le nombre déclaré de ces importateurs a varié au cours de l’enquête, passant de huit, ainsi que cela ressort du document du 27 août 2019, joint en annexe A 21 de la requête, à douze au mois de janvier 2020, ainsi que cela résulte des documents figurant dans l’annexe A 28 de la requête.

73

Une telle variation du nombre d’importateurs de l’Union implique, ainsi qu’elle l’a confirmé à l’audience, que la Commission pouvait valablement considérer n’avoir aucune certitude sur la fiabilité des renseignements communiqués par les requérantes au sujet de ces importateurs, de sorte qu’il ne peut lui être fait grief de n’en avoir pas tenu compte, ni de ne pas avoir effectué de démarche auprès de ces importateurs. Il ne saurait ainsi être fait grief à la Commission d’avoir violé les dispositions de l’article 6, paragraphe 4, du règlement de base.

74

En ce qui concerne, en troisième lieu, les arguments relatifs aux statistiques douanières chinoises, d’une part, les tableaux de synthèse des documents douaniers révélaient des incohérences qui ont été mises en évidence par la Commission dans l’annexe B2 du mémoire en défense. Cela a conduit les requérantes à modifier ces tableaux, sans pour autant convaincre les services enquêteurs, dans la mesure où ils ont été dans l’impossibilité de recouper ces données avec les données comptables et fiscales des requérantes. D’autre part, la valeur de référence des marchandises était exprimée dans ces documents en kilogrammes et faisaient état de montants globaux de paiement exprimés en dollars des États-Unis, de sorte que la Commission était dans l’incapacité de connaître le type et les quantités de produits exportés vers l’Union, ainsi que les montants unitaires de vente, qui sont pourtant des éléments nécessaires pour établir un prix à l’exportation. Enfin, ces documents émanaient en partie de ND, qui est une société qui n’est pas liée aux requérantes, ce qui plaçait la Commission dans l’impossibilité de vérifier leur véracité et en conséquence, leur caractère probant.

75

S’agissant enfin du grief formulé par les requérantes relatif à la violation par la Commission de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, il y a lieu de relever que l’objectif de l’article 18 du règlement de base est de permettre à la Commission de poursuivre l’enquête quand bien même les parties refuseraient de coopérer ou coopéreraient de manière insuffisante. Le niveau de coopération des parties doit être évalué en fonction de la notion d’« informations nécessaires » utilisée par cet article, dès lors que ces dernières, pour être considérées comme étant coopérantes, doivent communiquer à la Commission les informations de nature à permettre à cette institution d’établir les conclusions qui s’imposent dans le cadre de l’enquête antidumping, l’appréciation du caractère « nécessaire » d’une information s’effectuant au cas par cas [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 53 et 55].

76

C’est ainsi qu’il a déjà été jugé que l’ampleur des efforts déployés par une partie intéressée pour communiquer certains renseignements n’a pas nécessairement de rapport avec la qualité intrinsèque des renseignements communiqués, et, de toute façon, n’en est pas le seul élément déterminant. Ainsi, si les renseignements demandés ne sont finalement pas obtenus, la Commission est en droit de recourir aux données disponibles s’agissant des renseignements demandés (voir, s’agissant du point 6.8 de l’accord antidumping de l’OMC, le rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC, intitulé « Égypte – Mesures antidumping définitives à l’importation de barres d’armature en acier en provenance de Turquie » et adopté le 1er octobre 2002, point 7.242) (arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 104).

77

Enfin, en application d’une jurisprudence constante, l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base prévoit que, lorsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités. Il ressort de son libellé que les quatre conditions sont d’application cumulative. Par conséquent, le fait de ne pas satisfaire à une seule d’entre elles empêche l’application de cette disposition, et donc la prise en compte des informations en question (voir arrêt du 19 mars 2015, City Cycle Industries/Conseil, T‑413/13, non publié, EU:T:2015:164, point 120 et jurisprudence citée).

78

À cet égard, il y a lieu de constater que, pour les raisons déjà indiquées aux points 59 à 62 ci‑dessus, la Commission a pu valablement faire usage de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base pour déterminer le prix à l’exportation, dans la mesure où les insuffisances des données communiquées par les requérantes rendaient excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes.

79

Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, ni violer l’article 18, paragraphes 1 et 3, et, par conséquent, l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base ou l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC que, aux considérants 29 à 41 du règlement attaqué, la Commission a, en substance, retenu que, indépendamment de la question de savoir si les requérantes avaient agi au mieux de leurs possibilités, la principale difficulté rencontrée au cours de l’enquête était due à l’absence d’un ensemble complet et vérifiable de données sur les opérations d’exportation, y compris et notamment en ce qui concerne les produits exportés, les volumes et les valeurs, de sorte que cette institution a considéré qu’elle ne pouvait exercer aucun contrôle correct et indépendant sur ces données et qu’elles les a rejetées dans leur ensemble en faisant application des données disponibles, conformément aux dispositions de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

80

Enfin, il y a lieu de constater que la simple évocation de la violation de l’article 2, paragraphes 6 bis, 8, 9, 10 et 11, de l’article 3 ainsi que de l’article 6 du règlement de base, outre qu’elle est sommaire, ne saurait suffire à démontrer la pertinence de l’allégation d’une violation de ces dispositions et, par conséquent, à établir une quelconque illégalité du règlement attaqué à cet égard.

81

Il convient en conséquence de rejeter la première et la deuxième branche du deuxième moyen.

– Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de la violation des articles 2 et 3, de l’article 6, paragraphes 6 et 8, de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base ainsi que de l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC

82

Par la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes font, en substance, valoir que, en s’abstenant d’utiliser leurs données pour déterminer la valeur normale, alors même qu’elles avaient été considérées comme étant fiables, la Commission a violé l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base et l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC, ainsi que les articles 2 et 3, l’article 6, paragraphes 6 et 8, et l’article 9, paragraphe 4, de ce règlement. Elles ajoutent que la Commission a insuffisamment expliqué les raisons pour lesquelles elle n’avait pas retenu ces données pour établir la valeur normale.

83

À cet égard, les requérantes indiquent que la Commission s’est départie de sa pratique habituelle, consistant à ne recourir aux données disponibles que dans des circonstances où les données ne sont pas entièrement vérifiables et fiables.

84

Elles soulignent que cette pratique est conforme à la jurisprudence de l’OMC.

85

Elles affirment que la Commission n’a pas suffisamment expliqué pourquoi elle n’avait pas calculé la valeur normale, alors même qu’elle disposait d’informations fiables à cet égard, ainsi qu’il résulte des considérants 42 et 44 du règlement attaqué.

86

Les requérantes font valoir qu’il était possible pour la Commission d’utiliser leur valeur normale afin de la comparer aux prix à l’exportation vers l’Union, à leurs prix à l’exportation construits vers l’Union ou à tout le moins aux prix à l’exportation pratiqués par l’unique producteur retenu dans l’échantillon et ayant coopéré ou à ceux fournis par les autres producteurs-exportateurs qui avaient demandé un examen individuel conformément à l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base ou par les autres parties intéressées.

87

Elles ajoutent qu’une telle manière de procéder aurait tenu compte du fait qu’elles avaient pleinement coopéré avec la Commission tout au long de l’enquête, ce qui a d’ailleurs été souligné par la conseillère-auditrice et n’a pas été contesté par la Commission.

88

La Commission conteste ces arguments.

89

À cet égard et à titre liminaire, s’agissant de l’argument des requérantes mentionné au point 87 ci-dessus, il y a lieu de relever que, dans le rapport initial d’audition du 17 septembre 2019, au vu des efforts que les requérantes avaient fournis, la conseillère‑auditrice a, certes, considéré que l’application de la qualification de « non coopérantes » aux requérantes, en ce qu’elles auraient fourni des informations fausses ou trompeuses, n’était pas la meilleure et qu’elle sollicitait de ce fait que les conditions du recours à l’article 18 du règlement de base soient clarifiées. Il demeure que, dans le second et dernier rapport d’audition du 7 février 2020, cette même conseillère-auditrice n’a plus fait aucune observation sur le recours à cet article par la Commission, de sorte qu’il ne peut être tiré aucune conséquence de ces deux documents en ce qui concerne le niveau de coopération des requérantes.

90

S’agissant des règlements sur lesquels se fondent les requérantes pour alléguer l’existence d’une prétendue pratique de la Commission, qui consisterait à ne recourir aux données disponibles que dans des circonstances où les données ne sont pas entièrement vérifiables et fiables, il suffit de rejeter cet argument sur la base de la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus.

91

S’agissant de l’accord antidumping de l’OMC et, plus particulièrement, de l’annexe II de cet accord, ainsi que de la jurisprudence qui y est relative, qui a fait l’objet d’une question écrite pour réponse à l’audience, il y a lieu de relever que c’est à la lumière de celles-ci que l’article 18 du règlement de base doit être interprété dans la mesure du possible, dès lors qu’il constitue la transposition en droit de l’Union du contenu de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 40).

92

À cet égard, il y a lieu de souligner que, aux points 7.354 et suivants du rapport du groupe spécial de l’OMC du 16 novembre 2007, CE, mesures antidumping visant le saumon d’élevage (WT/DS 337/R) dont se prévalent les requérantes, ce groupe spécial a, à l’occasion du rejet par les Communautés européennes d’un élément de preuve relatif à l’établissement de la valeur normale, souligné que l’autorité enquêtrice devait, en application de l’article 6.8 de l’accord antidumping de l’OMC et du paragraphe 3 de l’annexe II de cet accord, utiliser les renseignements « vérifiables » qui lui ont été communiqués par les parties.

93

De plus, dans l’affaire États‑Unis – Mesures antidumping et compensatoires appliquées aux tôles en acier en provenance de l’Inde (WT/DS 206/R), dont se prévalent également les requérantes, il est vrai que, aux points 7.60 et suivants de son rapport, le groupe spécial de l’OMC a, en substance, considéré que les autorités d’enquête devaient s’efforcer d’utiliser au maximum les données qui lui avaient été communiquées par les parties, étant donné que l’un des objectifs fondamentaux de l’accord antidumping de l’OMC dans son ensemble était de faire en sorte que des déterminations objectives soient établies, dans la mesure du possible, sur la base de faits.

94

Il demeure que, aux points 7.62 et 7.64 de ce même rapport, le groupe spécial de l’OMC a relevé qu’il n’était pas possible de conclure que l’autorité chargée de l’enquête devait utiliser des renseignements qui, par exemple, n’étaient pas vérifiables ou n’avaient pas été communiqués en temps utile, ou qu’elle devait les utiliser, quelles que soient les difficultés que cela entraînait.

95

De plus, ainsi que l’a souligné la Commission au cours de l’audience, sans que les requérantes parviennent à la contredire, il y a lieu de relever que les affaires ayant donné lieu à ces deux rapports de l’OMC diffèrent de l’espèce en ce que, dans ces affaires, la principale difficulté rencontrée par les services enquêteurs tenait non pas, comme en l’espèce, à la détermination du prix à l’exportation, du fait de l’absence de communication de toute donnée fiable en ce qui concerne les exportations, notamment en ce qui concerne les types de marchandises exportées et leur prix, mais à l’établissement de la valeur normale.

96

Il se déduit de ces deux rapports que si, par principe, l’autorité chargée de l’enquête doit s’efforcer d’utiliser les renseignements communiqués par les parties qui sont vérifiables, elle doit le faire dans la mesure du possible. Cela implique que cette autorité peut ne pas tenir compte de renseignements qui, finalement, sont de nature à donner des résultats ne permettant pas l’établissement de conclusions raisonnablement correctes.

97

Or, dans le contexte de la présente affaire, toute détermination de la valeur normale aurait été superflue, car aucune marge de dumping n’aurait pu être établie en l’absence de la possibilité de déterminer le prix à l’exportation se rapportant aux requérantes, ainsi que cela résulte des points 56 à 81 ci‑dessus.

98

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel il aurait été possible d’établir leur valeur normale afin de la comparer au prix à l’exportation reconstruit pour d’autres producteurs. En effet, ainsi que l’a souligné la Commission au cours de l’audience, l’application d’une telle méthode, en l’absence de toute certitude sur l’identité et la quantité du type de produits exportés, ainsi qu’il résulte du point 69 ci‑dessus, aurait inévitablement eu pour effet de mettre en relation des valeurs ne correspondant pas et, en conséquence, asymétriques, de sorte que, finalement, les conclusions portant sur la marge de dumping n’auraient pas été raisonnablement correctes.

99

S’agissant du grief tiré de la motivation insuffisante des raisons pour lesquelles la Commission s’est abstenue de calculer la valeur normale, il y a lieu de relever que le Tribunal a déjà jugé que la motivation exigée par l’article 296 TFUE devait faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge d’exercer son contrôle. Il ne saurait, toutefois, être exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si elle satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du10 octobre 2012, Shanghai Biaowu High-Tensile Fastener et Shanghai Prime Machinery/Conseil, T‑170/09, non publié, EU:T:2012:531, point 126 et jurisprudence citée). Par ailleurs, la motivation du règlement attaqué doit être appréciée en tenant compte, notamment, des informations qui ont été communiquées à la partie requérante et des observations que cette dernière a soumises durant la procédure administrative (arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 150). En particulier, il n’est pas exigé que la motivation des règlements antidumping spécifie les différents éléments de fait et de droit, parfois très nombreux et complexes, qui en font l’objet, dès lors que ces règlements entrent dans le cadre systématique de l’ensemble des mesures dont ils font partie. À cet égard, il suffit que le raisonnement des institutions dans les règlements apparaisse de façon claire et non équivoque (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, EU:T:1998:242, point 357).

100

À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, les motifs énoncés par la Commission dans le règlement attaqué permettent de comprendre les raisons pour lesquelles elle considère que les données relatives à la valeur normale ne constituent pas la moitié des informations nécessaires pour établir une marge de dumping.

101

En effet, ainsi que l’a indiqué, de façon claire et non équivoque, la Commission, au considérant 42 du règlement attaqué, la détermination de la valeur normale était sans effet dans la présente affaire, dès lors que les informations communiquées pour la détermination du prix à l’exportation, lequel est un élément fondamental pour le calcul de la marge de dumping, n’étaient pas fiables, puisqu’elles n’étaient pas vérifiables.

102

En outre, force est de constater que cette motivation a permis aux requérantes de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas établi leur valeur normale dans le cas d’espèce et de contester la légalité de ce choix, ainsi qu’il ressort des arguments soulevés notamment dans le cadre du présent moyen. Une telle motivation permet également au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité du règlement attaqué.

103

Enfin, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 80 ci‑dessus, il y a lieu de rejeter la prétendue violation des articles 2 et 3, de l’article 6, paragraphes 6 et 8, ainsi que l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

104

Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée et, en conséquence, le deuxième moyen dans son intégralité.

[omissis]

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Zhejiang Hangtong Machinery Manufacture Co. Ltd et Ningbo Hi-Tech Zone Tongcheng Auto Parts Co. Ltd sont condamnées aux dépens.

 

Kanninen

Porchia

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2022.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.

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