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Document 62020TJ0022

    Arrêt du Tribunal (première chambre) du 13 octobre 2021 (Extraits).
    IB contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.
    Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Suspension de la procédure d’invalidité pendant la procédure disciplinaire – Révocation – Procédure d’invalidité devenue sans objet à la suite de la révocation – Recours en annulation – Acte faisant grief – Recevabilité – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude – Erreur manifeste d’appréciation.
    Affaire T-22/20.

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2021:689

     ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

    13 octobre 2021 ( *1 )

    « Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Suspension de la procédure d’invalidité pendant la procédure disciplinaire – Révocation – Procédure d’invalidité devenue sans objet à la suite de la révocation – Recours en annulation – Acte faisant grief – Recevabilité – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude – Erreur manifeste d’appréciation »

    Dans l’affaire T‑22/20,

    IB, représenté par Me N. de Montigny, avocate,

    partie requérante,

    contre

    Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Lukošiūtė, en qualité d’agent, assistée de Me B. Wägenbaur, avocat,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’EUIPO du 14 mars 2019 en tant que, d’une part, elle inflige au requérant la sanction de la révocation sans réduction de ses droits à pension et, d’autre part, elle clôture définitivement la procédure d’invalidité de ce dernier,

    LE TRIBUNAL (première chambre),

    composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak et M. Stancu (rapporteure), juges,

    greffier : M. P. Cullen, administrateur,

    vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 mars 2021,

    rend le présent

    Arrêt ( 1 )

    [omissis]

    Procédure et conclusions des parties

    22

    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 janvier 2020, le requérant a introduit le présent recours.

    23

    Par acte séparé du 16 janvier 2020, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat ainsi que l’omission de certaines données envers le public, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal. L’anonymat lui a été accordé le 30 mars 2020.

    24

    L’EUIPO a déposé le mémoire en défense le 26 mars 2020.

    25

    Le requérant a déposé la réplique le 20 juillet 2020.

    26

    La phase écrite de la procédure a été clôturée à la suite du dépôt de la duplique, le 1er septembre 2020.

    27

    L’EUIPO et le requérant ont demandé, respectivement les 9 et 22 septembre 2020, la tenue d’une audience en vertu de l’article 106 du règlement de procédure.

    28

    Le 29 janvier 2021, le Tribunal (première chambre) a décidé, en vertu de l’article 89 du règlement de procédure, d’adresser au requérant des questions pour réponse écrite, auxquelles il a répondu dans le délai imparti.

    29

    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 mars 2021.

    30

    Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    annuler la décision attaquée « en ce qu’elle [le] révoque […] et clôture définitivement tout lien d’emploi avec lui, en ce compris sa conséquence quant à la clôture définitive de la procédure de mise en invalidité » ;

    condamner l’EUIPO aux dépens.

    31

    Dans la réplique, le requérant demande également que le Tribunal sollicite, le cas échéant, de la part de l’EUIPO un relevé statistique des décisions et sanctions adoptées par celui-ci dans le cadre des procédures disciplinaires menées à l’encontre de son personnel.

    32

    L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    rejeter le recours ;

    condamner le requérant aux dépens.

    En droit

    Sur l’objet du recours et sur la recevabilité de celui-ci en ce qu’il vise la clôture définitive de la procédure d’invalidité

    33

    Afin d’apprécier le bien-fondé du recours, il y a lieu de préciser d’abord l’objet de celui-ci, les parties ne s’accordant pas sur ce point.

    34

    Ainsi qu’il ressort du point 30 ci-dessus et de la requête, le requérant demande, en substance, l’annulation de la décision attaquée non seulement en ce qu’elle le révoque, mais aussi en ce qu’elle clôturerait définitivement la procédure d’invalidité.

    35

    L’EUIPO soutient que la décision attaquée a pour seul objet la révocation du requérant et non la clôture de la procédure d’invalidité, qui serait devenue sans objet à la suite de cette révocation. Ainsi, la procédure en invalidité étant une procédure distincte par rapport à la procédure disciplinaire, elle ne fait pas l’objet de la décision attaquée et, donc, du présent recours en annulation, de sorte que tout grief dirigé à l’encontre de la procédure d’invalidité doit être rejeté comme irrecevable. Tel serait le cas notamment du premier moyen, tiré de l’illégalité de la suspension de la procédure d’invalidité, ainsi que de la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation du délai raisonnable de la procédure disciplinaire.

    36

    Plus particulièrement, selon l’EUIPO, premièrement, il ressort d’une jurisprudence constante que le seul silence d’une institution ne saurait être assimilé à une décision, hormis l’existence de dispositions expresses fixant un délai à l’expiration duquel une telle décision est réputée intervenir de la part de l’institution invitée à prendre position et définissant le contenu de cette décision, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, aucun texte de loi ne prévoyant qu’une décision de révocation comporte implicitement une décision clôturant sans suite une procédure d’invalidité préalablement suspendue.

    37

    Deuxièmement, l’EUIPO a indiqué, lors de l’audience, que le requérant aurait dû éventuellement contester le courrier du 16 février 2018, par lequel l’AIPN annonçait qu’elle allait ouvrir une enquête administrative pour compléter les faits établis par l’OLAF. En effet, cette enquête se succédant à celle de l’OLAF et pouvant déboucher sur une procédure disciplinaire, il était implicite dans ledit courrier que la suspension de la procédure d’invalidité serait maintenue non seulement pendant ladite enquête, mais aussi pendant la procédure disciplinaire subséquente.

    38

    Troisièmement, selon l’EUIPO, même à supposer que le requérant ait présenté à l’administration, conjointement à la réclamation du 14 juin 2019, une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, afin de poursuivre la procédure d’invalidité et à laquelle celle-ci n’aurait pas répondu, cette demande serait irrecevable, au motif que, d’une part, au moment de son introduction, le requérant n’était plus fonctionnaire et, d’autre part, celle-ci a été présentée en dehors d’un délai raisonnable par rapport à la date à laquelle l’enquête de l’OLAF avait été clôturée, c’est-à-dire en novembre 2017. En outre, quand bien même ladite demande serait recevable, le refus de l’administration contenu dans la décision de rejet de la réclamation ne pourrait pas être attaqué dans le cadre du présent litige, puisque le requérant n’a pas introduit de réclamation à l’encontre de ce rejet implicite, de sorte que celui-ci serait devenu définitif.

    39

    Le requérant conteste ces arguments. Il soutient, d’abord, que, ainsi qu’il ressortirait de la note interne du 26 avril 2019, la procédure d’invalidité a été clôturée en même temps que l’adoption de la décision attaquée. Ensuite, la clôture définitive de la procédure d’invalidité étant matériellement dépourvue de caractère autonome par rapport à la décision attaquée qui en est à l’origine, ce serait cette décision qui fixerait directement et définitivement sa situation également en ce qui concerne la procédure d’invalidité. Cette décision lui ferait donc grief en ce qu’elle le révoque, l’exclut définitivement de la procédure d’invalidité et le prive de toute rémunération ou allocation. De l’avis du requérant, il s’agirait donc, en substance, d’un acte doté d’une portée décisionnelle multiple. Enfin, ce dernier précise que, d’une part, même un refus d’adopter une décision peut constituer un acte faisant grief et, d’autre part, une telle situation s’apparente à celles relevant du contentieux en matière de promotion. Par ailleurs, s’agissant de l’argument soulevé lors de l’audience, le requérant rétorque qu’il n’aurait pas pu attaquer le courrier du 16 février 2018, ce courrier n’étant qu’une mesure intermédiaire.

    40

    Dans ces circonstances, le Tribunal doit vérifier si, comme le soutient le requérant, par la décision attaquée, l’EUIPO a pris également position sur la procédure d’invalidité.

    41

    Il importe de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, un acte faisant grief est celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, un tel acte devant émaner de l’autorité compétente et renfermer une prise de position définitive de l’administration (voir ordonnance du 20 décembre 2019, ZU/SEAE, T-154/19, non publiée, EU:T:2019:901, point 27 et jurisprudence citée). Ces effets doivent être appréciés en fonction de critères objectifs, tels que le contenu de cet acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier, ainsi que des pouvoirs de l’institution auteur (voir ordonnance du 13 mai 2020, Lucaccioni/Commission, T‑308/19, non publiée, EU:T:2020:207, point 45 et jurisprudence citée).

    42

    En outre, la qualification d’une mesure d’acte faisant grief ne dépend pas de sa forme ou de son intitulé, mais est déterminée par sa substance et notamment par le point de savoir si elle produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la partie requérante, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celle-ci (voir ordonnance du 17 décembre 2019, AG/Europol, T‑756/18, non publiée, EU:T:2019:867, point 43 et jurisprudence citée).

    43

    En premier lieu, l’EUIPO a déclaré, tant au cours de la phase précontentieuse que contentieuse, que la procédure d’invalidité était devenue sans objet en raison de la décision de révocation, comme en témoigne d’ailleurs la note interne du 26 avril 2019. En particulier, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a considéré, en substance, que, dans la mesure où le requérant n’était plus au service de l’Union européenne, il n’était pas en droit de demander l’ouverture d’une procédure d’invalidité. En effet, ayant cessé ses fonctions, il n’y avait plus lieu d’ouvrir une telle procédure afin d’examiner s’il était apte ou non à exercer de telles fonctions.

    44

    Or, le fait d’affirmer qu’une décision de révocation prive la procédure d’invalidité de son objet constitue une prise de position définitive quant à son issue.

    45

    En second lieu, il convient de relever, comme le fait valoir à juste titre le requérant, que le courrier du 16 février 2018 n’était qu’une mesure intermédiaire qui ne renfermait pas définitivement la position de l’administration au sujet de la procédure d’invalidité. En effet, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, en principe, ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (voir ordonnance du 13 mai 2020, Lucaccioni/Commission, T‑308/19, non publiée, EU:T:2020:207, point 47 et jurisprudence citée).

    46

    Or, force est de constater que ledit courrier précisait clairement qu’il n’incombait pas à l’OLAF de se prononcer sur des faits d’origine médicale et que, dès lors, la partie de l’enquête concernant cet aspect ne pourrait être clôturée qu’après avoir procédé à un examen médical approprié. En outre, il ressort également du point 54 du procès-verbal de l’audition devant le conseil de discipline que l’AIPN elle-même aurait affirmé que toute décision médicale concernant le requérant devait être prise par des médecins, après un examen médical et une procédure appropriés, ce qui laisse sous-entendre que l’EUIPO n’avait pas exclu la possibilité de soumettre le requérant à un autre examen médical pour vérifier si la pathologie dont il prétendait souffrir était avérée ou non. Ainsi, au vu de ces éléments, il doit être considéré que le courrier du 16 février 2018 ne constituait qu’une mesure intermédiaire au sujet de la procédure d’invalidité.

    47

    Par ailleurs, il y a lieu d’écarter l’argument de l’EUIPO selon lequel la réclamation du requérant du 14 juin 2019 contenait une demande formulée sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à faire poursuivre la procédure d’invalidité, demande que l’EUIPO aurait implicitement rejetée et que le requérant n’aurait pas régulièrement contestée. En effet, comme le requérant l’a confirmé dans la réplique et lors de l’audience, son argumentation à cet égard visait uniquement à contester la clôture de la procédure d’invalidité déjà décidée dans la décision attaquée.

    48

    Il résulte de ce qui précède et notamment du contexte, tel qu’exposé ci-dessus, dans lequel la décision de révocation a été adoptée, que celle-ci renferme une prise de position définitive de l’administration sur la procédure disciplinaire et, implicitement, mais certainement, sur la procédure d’invalidité. Dans la mesure où la décision attaquée a bien fait l’objet d’une réclamation préalable quant à ces deux aspects, le recours doit être déclaré recevable également en ce qu’il vise la clôture définitive de la procédure d’invalidité.

    Sur le bien-fondé du recours

    49

    À l’appui du recours, le requérant invoque trois moyens, tirés, le premier, en substance, de l’illégalité de la clôture de la procédure d’invalidité, le deuxième, de l’irrégularité de la procédure disciplinaire, et, le troisième, de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut.

    Sur le premier moyen, tiré, en substance, de l’illégalité de la clôture de la procédure d’invalidité

    [omissis]

    63

    Le Tribunal relève que le premier moyen est divisé, en substance, en deux branches, tirées, la première, d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude et, la seconde, d’un détournement de pouvoir.

    – Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

    64

    Dans le cadre de la première branche, le requérant allègue que, depuis que la procédure d’invalidité a été suspendue, celle-ci n’a jamais été soit poursuivie soit réinitiée, et que sa clôture définitive, au moment de sa révocation, serait différente de la suspension simple à laquelle l’administration s’était engagée. À cet égard, selon le requérant, l’affirmation de l’EUIPO selon laquelle les procédures disciplinaires et d’invalidité sont distinctes l’une de l’autre et sans influences réciproques ne serait pas pertinente et ne permettrait pas de justifier l’interruption pure et simple de la procédure d’invalidité. Or, du fait de la clôture définitive de la procédure de mise en invalidité, le requérant se retrouverait aujourd’hui sans revenu minimal de subsistance et sans pension. Ainsi, en le privant de la procédure d’invalidité, l’administration n’aurait manifestement pas agi dans le respect du devoir de sollicitude, d’assistance et de bonne administration.

    65

    D’emblée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par l’EUIPO, il y a lieu de rejeter le grief soulevé par le requérant relatif à l’existence d’une faute de service, dans la mesure où cet argument est insuffisamment étayé, celui-ci se bornant à affirmer l’existence d’une telle faute, au point 67 de la requête, sans aucun argument à l’appui.

    66

    Quant au devoir de sollicitude, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, celui-ci reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné. Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 60 et jurisprudence citée).

    67

    En outre, il convient de souligner que les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation d’un fonctionnaire dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est ou peut être affectée. En pareille hypothèse, l’administration doit examiner les demandes de celui-ci dans un esprit d’ouverture particulier (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2021, GW/Cour des comptes, T‑709/19, non publié, EU:T:2021:389, point 92 et jurisprudence citée).

    68

    Toutefois, s’il est concevable que le devoir de sollicitude puisse éventuellement, dans certaines circonstances, conduire l’AIPN à réduire, voire à supprimer, la sanction envisagée, la prise en compte des intérêts du fonctionnaire, dont son état de santé, ne saurait en revanche aller jusqu’à priver celle-ci de la possibilité d’infliger une sanction, même la sanction majeure de révocation, dans un cas où les faits sont d’une gravité exceptionnelle et ne peuvent être attribués exclusivement, ni même principalement, à l’état de santé du fonctionnaire concerné (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 1998, Y/Parlement, T‑144/96, EU:T:1998:173, point 50).

    69

    Enfin, il y a lieu de relever qu’aucune disposition du statut ne prévoit qu’une décision de cessation définitive des fonctions, telle qu’une révocation, rend sans objet une procédure d’invalidité initiée alors que le fonctionnaire était encore en service. À cet égard, la Cour a précisé que la résiliation du contrat d’engagement d’un agent temporaire ne pouvait porter préjudice à l’accomplissement des travaux de la commission d’invalidité et à une éventuelle reconnaissance, pour celle-ci, de l’invalidité survenue avant la résiliation ni affecter les droits de l’agent concerné à l’issue de la procédure qui s’y rapporte (arrêt du 19 juin 1992, V./Parlement, C‑18/91 P, EU:C:1992:269, point 40).

    70

    En l’espèce, il est constant que la procédure d’invalidité a été suspendue pendant le déroulement de l’enquête de l’OLAF et n’a pas été reprise ultérieurement, et que l’EUIPO a considéré que la procédure d’invalidité était devenue sans objet en raison de la décision de révocation, de sorte qu’il n’était plus possible de la poursuivre, après la révocation du requérant.

    71

    Or, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 69 ci-dessus, aucune disposition statutaire ne dispose que, lorsqu’une procédure d’invalidité, initiée lorsque le requérant était encore en fonction, a été suspendue par l’institution, celle-ci ne puisse se poursuivre une fois que la personne intéressée a cessé ses fonctions à la suite d’une décision de révocation.

    72

    Ensuite, il y a lieu de constater que le Tribunal a précisé, au point 53 de l’arrêt [confidentiel], que, si l’EUIPO n’avait aucune obligation d’entériner automatiquement les conclusions formulées par la commission d’invalidité, le pouvoir d’appréciation dont il dispose quant à la suite à réserver à l’avis de la commission d’invalidité ne saurait lui permettre de refuser indéfiniment, et sans motivation, d’adopter une décision sur la base de l’avis de ladite commission.

    73

    Ainsi, l’administration n’est pas fondée à prétendre que la poursuite de la procédure d’invalidité, initiée lorsque le requérant était en fonction, ne pouvait être poursuivie au regard du fait que celui-ci serait désormais révoqué. Au contraire, en clôturant définitivement la procédure d’invalidité sans tenir compte de l’intérêt du requérant quant à la poursuite de ladite procédure, l’EUIPO a manqué à son devoir de sollicitude et violé le principe de bonne administration. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 66 ci-dessus, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité publique est tenue de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et, ce faisant, de tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné. Ainsi, au cours de la procédure d’invalidité, l’administration aurait dû prendre en compte l’existence d’une procédure disciplinaire dont l’issue pouvait potentiellement conduire à la révocation du requérant, et, en tenant compte de l’intérêt de ce dernier, soit clôturer la procédure d’invalidité avant l’adoption de la décision de révocation, soit en permettre la poursuite ultérieurement.

    74

    Enfin, il convient de relever que le législateur de l’Union a lui-même entendu, dans le cadre de l’article 9 de l’annexe IX du statut, conférer aux fonctionnaires ou anciens fonctionnaires ne pouvant plus travailler, en raison de leur âge ou de leur état de santé, l’assurance de recevoir, même en cas de sanction disciplinaire la plus grave, à savoir la révocation des fonctions, au moins le minimum vital.

    75

    Cette conclusion selon laquelle l’EUIPO a manqué à son devoir de sollicitude et violé le principe de bonne administration n’est pas remise en cause par son argument selon lequel il aurait incombé au requérant de présenter une demande à l’administration, dans un délai raisonnable, afin qu’elle reprenne la procédure d’invalidité. D’une part, ainsi qu’il ressort également du point 53 de l’arrêt [confidentiel], une telle initiative devait provenir de l’institution et non du requérant.

    76

    D’autre part, il résulte de l’économie générale de l’article 59, paragraphe 4, du statut que, lorsque c’est l’AIPN qui entame la procédure d’invalidité, en saisissant la commission d’invalidité du cas du fonctionnaire dont les congés cumulés de maladie excèdent douze mois pendant une période de trois ans, c’est à elle qu’il incombe, à plus forte raison, de reprendre une procédure suspendue et de la clôturer.

    77

    Sur le fondement des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la première branche du présent moyen et, par conséquent, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la seconde branche, tirée d’un détournement de pouvoir, d’annuler la décision attaquée en tant qu’elle clôture définitivement la procédure d’invalidité.

    [omissis]

     

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (première chambre)

    déclare et arrête :

     

    1)

    La décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 mars 2019 est annulée en tant qu’elle clôture définitivement la procédure d’invalidité d’IB.

     

    2)

    Le recours est rejeté pour le surplus.

     

    3)

    Chaque partie supportera ses propres dépens.

     

    Kanninen

    Półtorak

    Stancu

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 octobre 2021.

    Signatures


    ( *1 ) Langue de procédure : le français.

    ( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.

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