Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62020CJ0514

Arrêt de la Cour (septième chambre) du 13 janvier 2022.
DS contre Koch Personaldienstleistungen GmbH.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesarbeitsgericht.
Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 31, paragraphe 2 – Directive 2003/88/CE – Aménagement du temps de travail – Article 7 – Congé annuel – Temps de travail – Heures supplémentaires – Calcul du temps de travail sur une base mensuelle – Absence de majoration pour heures supplémentaires en cas de prise de congé.
Affaire C-514/20.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:19

 ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

13 janvier 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 31, paragraphe 2 – Directive 2003/88/CE – Aménagement du temps de travail – Article 7 – Congé annuel – Temps de travail – Heures supplémentaires – Calcul du temps de travail sur une base mensuelle – Absence de majoration pour heures supplémentaires en cas de prise de congé »

Dans l’affaire C‑514/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne), par décision du 17 juin 2020, parvenue à la Cour le 13 octobre 2020, dans la procédure

DS

contre

Koch Personaldienstleistungen GmbH,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme I. Ziemele (rapporteure), présidente de la sixième chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour DS, par M. R. Buschmann,

pour la Commission européenne, par M. B.-R. Killmann et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DS à Koch Personaldienstleistungen GmbH (ci-après « Koch ») au sujet de la prise en compte des jours de congé annuel payé dans le calcul du volume des heures travaillées ouvrant droit à une majoration pour heures supplémentaires.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes des considérants 4 et 5 de la directive 2003/88 :

« (4)

L’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique.

(5)

Tous les travailleurs doivent disposer de périodes de repos suffisantes. [...] »

4

L’article 7 de cette directive, intitulé « Congé annuel », prévoit :

« 1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2.   La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »

Le droit allemand

5

Le Manteltarifvertrag für Zeitarbeit (convention collective générale sur le travail intérimaire), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « MTV »), contient, à son point 3.1, relatif au « temps de travail », les passages suivants :

« 3.1.1. Le temps de travail mensuel normal d’un travailleur à temps plein est de 151,67 heures. [...]

3.1.2. Le temps de travail individuel mensuel normal est fonction du nombre de jours de travail.

Le temps de travail mensuel est :

[...]

de 161 heures dans un mois comportant 23 jours ouvrés.

[...] »

6

Le point 4.1.2 du MTV prévoit :

« Les majorations pour heures supplémentaires sont payées pour les heures accomplies au-delà de :

[…]

184 heures pour 23 jours ouvrés.

La majoration pour heures supplémentaires est de 25 %.

[...] »

Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

7

Au cours du mois d’août 2017, qui a compté 23 jours ouvrés, DS, employé par Koch en tant que travailleur intérimaire à plein temps, a travaillé 121,75 heures durant les 13 premiers jours, puis a pris, les 10 jours restant, un congé annuel payé, correspondant à 84,7 heures de travail.

8

Considérant qu’il devait être tenu compte des jours de congé annuel payé pour déterminer le nombre des heures travaillées, DS a saisi les juridictions allemandes d’un recours tendant à ce que Koch soit condamnée à lui payer un supplément de 25 % pour 22,45 heures, soit 72,32 euros, correspondant au volume horaire des heures travaillées dépassant le seuil de 184 heures.

9

Son recours ayant été rejeté en première instance et en appel, DS a introduit un recours en Revision devant la juridiction de renvoi.

10

Le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne) relève que, en vertu du libellé du point 4.1.2 du MTV, seules les heures travaillées peuvent être comptabilisées pour établir si le travailleur a dépassé le seuil du contingent horaire du temps de travail mensuel normal. En effet, les termes « heures accomplies » renvoient à la notion d’heures de travail réellement effectuées, à l’exclusion des périodes de congé.

11

En outre, l’objectif de la majoration pour heures supplémentaires réside, en vertu du MTV, dans la compensation d’une charge de travail particulière qui ne se produit pas pendant la prise d’un congé annuel payé, de sorte que la majoration vise à récompenser le salarié effectuant un travail au-delà de ses obligations contractuelles. Ainsi, ladite majoration serait un droit qui s’acquiert par le travail, sans que puissent être prises en considération les périodes de congé.

12

Ladite juridiction indique, en outre, que les majorations pour heures supplémentaires pourraient également inciter les employeurs à ne pas s’ingérer dans le temps de loisirs des travailleurs, une telle ingérence créant un surcoût de 25 % du salaire horaire contractuellement défini.

13

Toutefois, le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) constate que les dispositions du MTV pourraient encourager les travailleurs à ne pas prendre la période minimale de congé annuel payé. En l’occurrence, si DS avait travaillé durant les heures correspondant au congé annuel payé qu’il a pris, il aurait dépassé de 22,45 heures le contingent horaire de travail normal et aurait eu droit pour ces heures à la majoration de 25 %.

14

Ainsi, la juridiction de renvoi émet des doutes quant à la compatibilité du système mis en place par le MTV, en ce que celui-ci entraîne in fine une amputation du droit à majoration pour les heures supplémentaires, avec la jurisprudence de la Cour selon laquelle les travailleurs ne sauraient être dissuadés de faire valoir leur droit à la période minimale de congé annuel payé.

15

À cet égard, cette juridiction estime que l’affaire en cause au principal est relativement proche de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 22 mai 2014, Lock (C‑539/12, EU:C:2014:351), dans la mesure où, dans les deux cas, le désavantage financier ne concerne pas l’indemnité de congés payés proprement dite, mais survient au cours d’une période antérieure ou postérieure aux congés.

16

La juridiction de renvoi rappelle également que, dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018, point 47), la Cour a jugé que, lorsque les obligations découlant du contrat de travail exigent du travailleur qu’il accomplisse des heures supplémentaires ayant un caractère largement prévisible et habituel, et dont la rémunération constitue un élément important de la rémunération totale, la rémunération pour ces heures supplémentaires devrait être incluse dans la rémunération due pendant la période de congé.

17

Or, si la jurisprudence dégagée dans ledit arrêt devait être transposée à l’affaire au principal, compte tenu du fait que, dans celle-ci, les heures supplémentaires semblent présenter un caractère exceptionnel et imprévisible, il n’y aurait pas lieu d’inclure le montant des majorations dues au titre des heures supplémentaires travaillées dans la rémunération versée durant le congé annuel payé. Partant, il serait logique que les jours de congé ne soient pas pris en compte dans la détermination du volume horaire ouvrant droit à majoration pour heures supplémentaires.

18

Enfin, la juridiction de renvoi précise que les conventions collectives ne peuvent déroger à l’article 1er du Mindesturlaubsgesetz für Arbeitnehmer (Bundesurlaubsgesetz) [loi sur la période minimale de congé pour les travailleurs (loi fédérale sur les congés)], selon lequel tout travailleur a droit à des congés pour chaque année civile, et qui doit être interprété conformément au droit de l’Union, à l’aune de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88.

19

Dans ces conditions, le Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 31, paragraphe 2, de la [Charte] et l’article 7 de la directive [2003/88] s’opposent-ils à une disposition d’une convention collective qui, afin d’établir si un travailleur peut prétendre à des majorations pour heures supplémentaires et de calculer le nombre d’heures à retenir à cet effet, ne tient compte que des heures effectivement travaillées, en écartant les heures au cours desquelles le travailleur prend sa période minimale de congé annuel payé ? »

Sur la question préjudicielle

20

Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 31, paragraphe 2, de la Charte ainsi que l’article 7 de la directive 2003/88 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une disposition d’une convention collective en vertu de laquelle, afin de déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le travailleur ne sont pas prises en compte en tant qu’heures de travail accomplies.

21

Premièrement, il convient de rappeler que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines ».

22

S’il appartient, en vertu du libellé de cette disposition, aux États membres de définir les conditions d’exercice et de mise en œuvre du droit au congé annuel payé, ils sont tenus de s’abstenir de subordonner à quelque condition que ce soit la constitution même dudit droit qui résulte directement de cette directive (arrêt du 29 novembre 2017, King, C‑214/16, EU:C:2017:914, point 34 et jurisprudence citée).

23

Deuxièmement, la Cour a jugé, s’agissant de l’article 7 de la directive 2003/88, que le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par cette directive (arrêt du 6 novembre 2018, Kreuziger, C‑619/16, EU:C:2018:872, point 28 et jurisprudence citée).

24

Par ailleurs, le droit au congé annuel payé revêt, en sa qualité de principe du droit social de l’Union, non seulement une importance particulière, mais il est également expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (arrêt du 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria et Iccrea Banca SpA, C‑762/18 et C‑37/19, EU:C:2020:504, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

25

Ainsi, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 reflète et concrétise le droit fondamental à une période annuelle de congés payés, consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 115). En effet, tandis que cette dernière disposition garantit le droit de tout travailleur à une période annuelle de congés payés, la première disposition met en œuvre ce principe en fixant la durée de ladite période.

26

À cet égard, il y a lieu de rappeler que le respect de la Charte s’impose, ainsi qu’il ressort de l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, lorsque les États membres mettent en œuvre le droit de l’Union.

27

La réglementation en cause au principal constituant une telle mise en œuvre de la directive 2003/88, c’est donc à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte qu’il convient d’interpréter l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive en vue de déterminer si cette disposition s’oppose à une telle réglementation.

28

Troisièmement, s’agissant de la finalité de la directive 2003/88, il y a lieu de rappeler que, en vertu de son considérant 4, celle-ci a pour objectif l’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail. Quant au considérant 5 de cette directive, il précise que les travailleurs doivent disposer de périodes de repos suffisantes.

29

Dans ce contexte, l’article 1er de la directive 2003/88 prévoit que cette dernière fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail s’agissant, en particulier, des périodes minimales de congé annuel.

30

Eu égard à ces objectifs, la Cour a jugé que le droit au congé annuel, consacré à l’article 7 de la directive 2003/88, a une double finalité, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d’une part, et disposer d’une période de détente et de loisirs, d’autre part (arrêt du 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria et Iccrea Banca SpA, C‑762/18 et C‑37/19, EU:C:2020:504, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

31

En effet, c’est dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé que le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d’un repos effectif (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C‑350/06 et C‑520/06, EU:C:2009:18, point 23).

32

Il s’ensuit que les incitations à renoncer au congé de repos ou à faire en sorte que les travailleurs y renoncent sont incompatibles avec les objectifs du droit au congé annuel payé, tenant notamment à la nécessité de garantir au travailleur le bénéfice d’un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé. Ainsi, toute pratique ou omission d’un employeur ayant un effet potentiellement dissuasif sur la prise du congé annuel par un travailleur est également incompatible avec la finalité du droit au congé annuel payé (arrêt du 6 novembre 2018, Kreuziger, C‑619/16, EU:C:2018:872, point 49 et jurisprudence citée).

33

C’est la raison pour laquelle il a été jugé que l’obtention de la rémunération ordinaire durant la période de congé annuel payé vise à permettre au travailleur de prendre effectivement les jours de congé auxquels il a droit. Or, lorsque la rémunération versée au titre du droit au congé annuel payé prévu à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 est inférieure à la rémunération ordinaire que le travailleur reçoit pendant les périodes de travail effectif, celui-ci risque d’être incité à ne pas prendre son congé annuel payé, du moins pendant les périodes de tel travail, dans la mesure où cela conduirait, pendant ces périodes, à une diminution de sa rémunération (arrêt du 13 décembre 2018, Hein, C‑385/17, EU:C:2018:1018, point 44 et jurisprudence citée).

34

De même, la Cour a jugé qu’un travailleur pouvait être dissuadé d’exercer son droit au congé annuel compte tenu d’un désavantage financier, même si celui-ci intervient de façon différée, à savoir au cours de la période suivant celle du congé annuel (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, Lock, C‑539/12, EU:C:2014:351, point 21).

35

En l’occurrence, la juridiction de renvoi semble considérer que le point 4.1.2 du MTV pourrait être susceptible de dissuader un travailleur d’exercer son droit à congé annuel payé, en ce que ce point prévoit que seules les heures travaillées peuvent, aux fins du bénéfice éventuel d’une majoration pour heures supplémentaires, être comptabilisées pour établir si le travailleur a dépassé le seuil du contingent horaire du temps de travail mensuel normal.

36

À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que le requérant au principal a travaillé 121,75 heures durant les 13 premiers jours ouvrés du mois d’août 2017, puis a pris un congé annuel durant les 10 jours ouvrés restant de ce mois. Or, s’il avait travaillé durant ces 10 derniers jours, il aurait accompli 84,7 heures de travail en sus des 121,75 heures, de sorte que, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, le volume d’heures travaillées au cours dudit mois aurait été de 206,45 et aurait dépassé de 22,45 heures le seuil du nombre d’heures travaillées ouvrant droit à majoration pour heures supplémentaires.

37

Toutefois, dès lors que, conformément au point 4.1.2 du MTV, l’unité de référence pour fixer le seuil du volume horaire pris en compte pour une majoration pour heures supplémentaires est définie mensuellement, le fait que le requérant au principal a pris des jours de congé annuel lors du mois au cours duquel il a effectué des heures supplémentaires a eu pour effet, par application de ce point 4.1.2, que le seuil mensuel de 184 heures n’a pas été atteint.

38

Dans ces conditions, l’exercice par le requérant au principal de son droit à congé a eu pour effet que la rémunération perçue au titre du mois d’août 2017 a été inférieure à celle qu’il aurait perçue s’il n’avait pas pris de congé au cours de ce mois.

39

De même, dans l’hypothèse où un travailleur prendrait un congé en début de mois, l’application de la convention collective en cause au principal pourrait également avoir pour conséquence une réduction de la rémunération au titre de ce mois, puisque les heures supplémentaires accomplies, le cas échéant, par ce travailleur à la suite du congé seraient susceptibles d’être neutralisées par les jours de congé pris en début de mois. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 34 du présent arrêt, un désavantage financier intervenant de façon différée, à savoir au cours de la période suivant celle du congé annuel, peut dissuader le travailleur d’exercer son droit au congé annuel (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, Lock, C‑539/12, EU:C:2014:351, point 21).

40

Partant, un mécanisme de comptabilisation des heures travaillées, tel que celui en cause au principal, en vertu duquel la prise d’un congé est susceptible d’entraîner une réduction de la rémunération du travailleur, celle-ci étant amputée de la majoration prévue pour les heures supplémentaires effectivement accomplies, est de nature à dissuader le travailleur d’exercer son droit à congé annuel payé durant le mois au cours duquel il a accompli des heures supplémentaires, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier dans l’espèce au principal.

41

Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 32 du présent arrêt, toute pratique ou omission d’un employeur ayant un effet potentiellement dissuasif sur la prise du congé annuel par un travailleur est incompatible avec la finalité du droit au congé annuel payé.

42

Un tel constat ne saurait être remis en cause par la circonstance, relevée par la juridiction de renvoi, que l’acquisition du droit à majoration pour heures supplémentaires est liée, en vertu du point 4.1.2 du MTV, aux heures de travail effectivement « accomplies ». En effet, sous réserve des vérifications qu’il appartient à cette juridiction d’effectuer à cet égard, alors qu’il est constant que le requérant au principal a effectué des heures supplémentaires auxquelles devait être affectée une majoration de 25 %, le droit à majoration pour heures supplémentaires s’est trouvé neutralisé par le fait que l’unité de référence pour fixer le seuil du volume horaire pris en compte pour une telle majoration est définie mensuellement et que le requérant a exercé son droit à congé annuel payé durant le mois au cours duquel il a effectué les heures supplémentaires.

43

Par ailleurs, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 décembre 2018, Hein (C‑385/17, EU:C:2018:1018, point 47), ainsi que l’a relevé la juridiction de renvoi, la Cour a abordé la question de la nécessité de tenir compte des heures supplémentaires effectuées par un travailleur pour le calcul de la rémunération ordinaire due au titre du congé annuel payé prévu à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 et, ainsi, des conditions de la prise en compte de ces heures supplémentaires pour déterminer cette rémunération ordinaire, afin que le travailleur jouisse, lors de ce congé, de conditions économiques comparables à celles dont il bénéficie lors de l’exercice de son travail.

44

Or, cette question doit être distinguée de celle relative au seuil de déclenchement du paiement de la majoration pour des heures supplémentaires effectivement accomplies par le travailleur au titre d’une période mensuelle donnée, telle que celle en cause dans la présente affaire, de sorte que les conditions posées par la Cour au point 47 de cet arrêt s’agissant de la rémunération ordinaire au titre du congé annuel payé ne sont pas pertinentes en l’occurrence.

45

Par conséquent, un mécanisme de comptabilisation des heures travaillées tel que celui en cause au principal n’est pas compatible avec le droit au congé annuel payé, prévu à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88.

46

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, lu à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition d’une convention collective en vertu de laquelle, afin de déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le travailleur ne sont pas prises en compte en tant qu’heures de travail accomplies.

Sur les dépens

47

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

 

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lu à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition d’une convention collective en vertu de laquelle, afin de déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint, les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le travailleur ne sont pas prises en compte en tant qu’heures de travail accomplies.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

Top