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Document 62020CC0680

    Conclusions de l'avocat général M. A. Rantos, présentées le 14 juillet 2022.
    Unilever Italia Mkt. Operations Srl contre Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato.
    Renvoi préjudiciel – Concurrence – Article 102 TFUE – Position dominante – Imputation au producteur des agissements de ses distributeurs – Existence de liens contractuels entre le producteur et les distributeurs – Notion d’“unité économique” – Champ d’application – Exploitation abusive – Clause d’exclusivité – Nécessité de démontrer les effets sur le marché.
    Affaire C-680/20.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:586

     CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. ATHANASIOS RANTOS

    présentées le 14 juillet 2022 ( 1 )

    Affaire C‑680/20

    Unilever Italia Mkt. Operations Srl

    contre

    Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato

    en présence de :

    La Bomba S.n.c.

    [demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie)]

    « Renvoi préjudiciel – Concurrence – Position dominante – Article 102 TFUE – Notion d’“unité économique” – Imputation au producteur des agissements des distributeurs avec lesquels celui-ci a uniquement des liens contractuels – Exploitation abusive – Clause d’exclusivité – Nécessité de démontrer les effets sur le marché »

    I. Introduction

    1.

    La présente demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Unilever Italia Mkt Operations Srl (ci-après « Unilever ») à l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (ci-après l’« AGCM°») ( 2 ) au sujet d’une sanction infligée par cette autorité à cette société pour abus de position dominante sur le marché italien de la distribution de glaces confectionnées à certains types de commerces, tels que les établissements balnéaires et les bars qui revendent à leur tour ces glaces aux consommateurs finals.

    2.

    La présente affaire contient deux questions préjudicielles qui invitent la Cour à préciser des aspects relatifs à l’interprétation et à l’application de l’article 102 TFUE.

    3.

    La première question préjudicielle porte sur l’application de la notion d’« unité économique unique » (ci-après d’« unité économique ») à des sociétés unies uniquement par des liens contractuels. Plus précisément, la juridiction de renvoi invite la Cour à préciser les contours de cette notion aux fins de l’application de l’article 102 TFUE et, en particulier, de sa mise en œuvre dans le contexte d’un réseau de distribution organisé exclusivement sur une base contractuelle. Si la jurisprudence de la Cour en matière de groupe de sociétés offre de nombreux repères utiles, cette question permettra de clarifier les critères pertinents aux fins de l’établissement d’une unité économique en dehors des situations présentant des liens capitalistiques ( 3 ). Cette clarification revêt une importance pratique non négligeable, le recours à des services de franchisage (franchising), d’externalisation (outsourcing) ou de sous-traitance (subcontracting) de certaines phases de la distribution étant fréquent dans la pratique des grandes entreprises, qui pourraient être visées par l’article 102 TFUE.

    4.

    La seconde question préjudicielle porte sur la possibilité, pour une autorité de concurrence, de considérer qu’une pratique consistant à insérer des clauses d’exclusivité dans des contrats de distribution a, par nature, la capacité de restreindre la concurrence, au sens de l’article 102 TFUE, sans avoir à établir concrètement que tel est le cas pour les contrats en cause sur le fondement du critère du « concurrent aussi efficace » ( 4 ).

    II. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

    5.

    Unilever est une entreprise qui a pour activité la production et la commercialisation de produits de large consommation, parmi lesquels, dans le domaine des glaces confectionnées, « Algida » et « Carte d’Or ». En Italie, elle distribue ces glaces en doses individuelles destinées à être consommées « à l’extérieur », c’est-à-dire dans les bars, les cafés, les clubs de sport, les piscines ou autres lieux de loisirs (ci-après les « points de vente »), à travers un réseau de 150 distributeurs.

    6.

    Le 3 avril 2013, une société concurrente, à savoir La Bomba Snc, s’est plainte auprès de l’AGCM d’un abus de position dominante de la part d’Unilever ( 5 ).

    7.

    Par décision du 31 octobre 2017 (ci-après la « décision litigieuse »), l’AGCM a jugé qu’Unilever avait abusé de sa position dominante sur le marché de la distribution et de la commercialisation de glaces confectionnées aux exploitants des points de vente « hors domicile » (ci-après le « marché en cause »), en violation de l’article 102 TFUE. Ainsi, elle a infligé à Unilever une amende d’un montant de 60668850,00 euros et ordonné de surcroît qu’il soit mis fin aux agissements jugés illicites.

    8.

    Selon l’AGCM, Unilever aurait mené, sur le marché en cause, une stratégie d’exclusion susceptible d’entraver la croissance de ses concurrents. Cette stratégie reposait principalement sur l’application aux exploitants des points de vente de clauses d’exclusivité consistant en l’obligation de s’approvisionner exclusivement auprès d’Unilever pour la totalité de leurs besoins en glaces confectionnées. Outre les clauses d’exclusivité, la stratégie d’éviction aurait compris l’application simultanée à l’égard de ces exploitants d’un large éventail de remises et de commissions subordonnées à des conditions, telles que la réalisation d’objectifs spécifiques en termes de chiffre d’affaires ou le maintien, dans leurs assortiments, d’une gamme déterminée de produits d’Unilever. Ces remises et ces commissions, qui s’appliquaient, selon des combinaisons et des modalités variables, à la quasi-totalité des points de vente, auraient visé à fournir à ceux-ci une incitation au maintien de l’exclusivité, en les décourageant de résilier leur contrat afin de s’approvisionner auprès de concurrents d’Unilever.

    9.

    Ces comportements auraient été mis en œuvre par Unilever en grande partie par l’intermédiaire de son réseau de 150 distributeurs (ci-après les « distributeurs ») avec lesquels Unilever avait établi une relation d’exclusivité, en vertu de laquelle : i) Unilever vendait ses produits à un seul de ces distributeurs pour que celui-ci les revende dans un territoire donné et ii) ce distributeur, qui avait donc la qualité de concessionnaire au sens juridique de ce terme, était soumis à la fois à l’interdiction de vente active dans les territoires attribués à titre exclusif à d’autres concessionnaires et à l’interdiction de produire ou de commercialiser des produits d’opérateurs concurrents. Celui-ci devait, en outre, acquérir les équipements destinés à conserver et à présenter les glaces dans les points de vente, ainsi que le matériel de commercialisation qui devait ensuite être cédé gratuitement aux exploitants de ces points de vente.

    10.

    Deux aspects de la décision litigieuse sont pertinents aux fins du présent renvoi préjudiciel.

    11.

    D’une part, les agissements abusifs visés par l’AGCM, bien qu’ils aient été matériellement commis par les distributeurs, ont été imputés uniquement à Unilever au motif que cette dernière et les distributeurs formaient une seule et même entité économique, à savoir une « unité économique ». En effet, Unilever pratiquerait un « certain degré d’interférence dans la politique commerciale des distributeurs », de sorte que ces derniers n’agissaient pas de manière indépendante lorsqu’ils adoptaient la politique commerciale consistant à prévoir des conditions d’exclusivité et à accorder des incitations économiques afin de fidéliser les points de vente et/ou d’obtenir l’exclusivité pour les produits d’Unilever, ainsi qu’à exercer des pressions visant à protéger cette exclusivité.

    12.

    D’autre part, l’AGCM a estimé que, compte tenu des caractéristiques spécifiques du marché en cause, le comportement d’Unilever a exclu, ou du moins limité, la possibilité pour les opérateurs concurrents de se livrer à une concurrence par les mérites. En effet, en s’appuyant sur sa position dominante, Unilever aurait incité les points de vente à ne conserver dans leurs assortiments, le plus longtemps possible, que ses produits, en limitant les occasions où les différentes marques s’affrontent devant le consommateur, en empêchant la croissance des concurrents proportionnellement aux « mérites » de leurs offres respectives.

    13.

    Unilever a attaqué la décision litigieuse en première instance devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie, ci-après le « TAR »). Le TAR ayant rejeté le recours dans son intégralité, Unilever a interjeté appel devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État), la juridiction de renvoi. Au soutien de cet appel, Unilever a reproché, notamment, au TAR de ne pas avoir constaté l’existence de vices entachant la décision litigieuse portant, d’une part, sur l’imputabilité à Unilever des comportements mis en œuvre par ses distributeurs et, d’autre part, sur les effets des comportements en cause, qu’elle considérait comme n’étant pas susceptibles de fausser la concurrence.

    14.

    Dans ce contexte, éprouvant des doutes quant à l’interprétation à donner au droit de l’Union en ce qui concerne les deux moyens précités, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)

    En dehors des cas de contrôle des sociétés, quels sont les critères pertinents pour déterminer si la coordination contractuelle entre des opérateurs économiques formellement autonomes et indépendants donne lieu à une unité économique au sens des articles 101 et 102 TFUE ; en particulier, l’existence d’un certain degré d’ingérence dans les choix commerciaux d’une autre entreprise, qui caractérise habituellement les relations de collaboration commerciale entre producteur et intermédiaires de distribution, peut-elle être considérée comme suffisante pour que l’on considère ces entités comme appartenant à la même unité économique ; ou bien faut-il un lien “hiérarchique” entre les deux entreprises, pouvant être constaté en présence d’un contrat en vertu duquel plusieurs entreprises autonomes se “soumettent” à l’activité de direction et de coordination de l’une d’elles, de sorte que l’autorité de concurrence [compétente] doit apporter la preuve d’une pluralité systématique et constante d’actes d’orientation susceptibles d’influer sur les décisions de gestion de l’entreprise, c’est-à-dire sur les choix stratégiques et opérationnels à caractère financier, industriel et commercial ?

    2)

    Aux fins d’apprécier l’existence d’un abus de position dominante mis en œuvre au moyen de clauses d’exclusivité, faut-il interpréter l’article 102 TFUE en ce sens qu’il existe pour l’autorité de concurrence [compétente] une obligation de vérifier si l’effet de ces clauses est d’exclure du marché des concurrents aussi efficaces, et d’examiner de manière détaillée les analyses économiques produites par la partie quant à la capacité concrète des comportements en cause d’évincer du marché des concurrents aussi efficaces ? Ou bien, dans le cas de clauses d’exclusivité visant à évincer ou de comportements caractérisés par une multitude de pratiques abusives (rabais de fidélité et clauses d’exclusivité), l’obligation juridique pour [l’AGCM] d’appliquer le critère du concurrent aussi efficace pour constater l’infraction au droit de la concurrence est-elle inexistante ? »

    15.

    Des observations écrites ont été déposées devant la Cour par Unilever, l’AGCM, les gouvernements italien et grec, ainsi que par la Commission européenne. Toutes ces parties se sont, en outre, exprimées lors de l’audience qui s’est tenue le 3 mars 2022.

    III. Analyse

    A.   Sur la première question préjudicielle

    16.

    Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge sur le lien structurel qui doit exister entre le producteur et les intermédiaires indépendants pour qu’ils puissent être considérés comme constituant une « entité économique », au sens du droit de la concurrence de l’Union. Plus précisément, cette juridiction demande, en substance, si, en l’absence de liens capitalistiques, un producteur et ses distributeurs peuvent former une telle « unité économique » i) tout simplement en vertu d’« un certain degré d’ingérence » du premier « dans les choix commerciaux » de ses distributeurs, ou ii) s’il faut, à cette fin, un « lien hiérarchique », en vertu duquel le producteur soumet ses distributeurs à travers une « pluralité systématique et constante d’actes d’orientation » susceptibles d’influer sur leurs « choix stratégiques et opérationnels ».

    1. Sur la recevabilité

    17.

    L’AGCM et le gouvernement italien soutiennent que la première question est irrecevable, car la demande de décision préjudicielle serait dépourvue des précisions nécessaires. Ceux-ci relèvent également que cette question fait référence à l’article 101 TFUE, alors que cette disposition n’aurait pas été appliquée par l’AGCM.

    18.

    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. Ces exigences valent tout particulièrement dans le domaine de la concurrence, qui est caractérisé par des situations de fait et de droit complexes ( 6 ).

    19.

    En l’occurrence, j’estime, d’une part, que les informations contenues dans la décision de renvoi, bien que succinctes, sont suffisantes pour expliquer l’hypothèse factuelle sur laquelle repose la première question préjudicielle, à savoir celle de l’application de la notion d’« unité économique » à un réseau de distribution formé par des sociétés ne présentant aucun lien capitalistique avec l’entreprise dominante ( 7 ). D’autre part, quant à la circonstance que la juridiction de renvoi a fait référence, dans la formulation de la première question préjudicielle, outre qu’à l’article 102 TFUE, à l’article 101 TFUE, celle-ci ne me paraît pas de nature à remettre en cause ce qui précède, et cela d’autant que la notion d’« unité économique », faisant l’objet de cette question, est commune aux articles 101 et 102 TFUE.

    20.

    Partant, je propose de considérer la première question préjudicielle comme étant recevable.

    2. Sur le fond

    a) Observations liminaires

    21.

    Afin de mieux discerner la problématique posée par la juridiction de renvoi, je rappelle que l’AGCM a imputé les agissements en cause au principal uniquement à Unilever, bien qu’ils aient été matériellement commis par les distributeurs, estimant qu’Unilever et ces distributeurs formaient une « unité économique », du fait, notamment, qu’Unilever pratiquait un certain degré d’interférence dans la politique commerciale desdits distributeurs. Unilever, pour sa part, rétorque, en substance, que les distributeurs sont des entrepreneurs indépendants – Unilever n’ayant aucune participation dans leur capital et aucun représentant au sein de leurs conseils d’administration – qui déterminent librement leur politique commerciale, chacun pour son propre secteur, en assumant eux-mêmes les risques liés à leur activité, et que, dès lors, les agissements abusifs ne sauraient lui être imputés ( 8 ).

    22.

    C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir, en dehors des cas où existent des liens capitalistiques, quels sont les critères pertinents pour déterminer si la coordination contractuelle entre un producteur et ses intermédiaires de distribution donne lieu à une unité économique au sens des articles 101 et 102 TFUE. Notamment, la juridiction de renvoi perçoit des difficultés d’interprétation et d’application de la notion d’« unité économique » en ce qui concerne la nature et l’importance des indices révélant le lien structurel qui doit exister entre le producteur et ses distributeurs afin que se forme, entre eux, un centre de décision unique, avec pour corollaire que les agissements de l’un peuvent également être imputés à l’autre.

    23.

    Pour répondre à cette question, il convient, d’emblée, d’expliquer les notions d’« entreprise » et d’« unité économique » sur lesquelles repose la logique de l’imputabilité de la responsabilité d’une infraction aux règles de concurrence ( 9 ) (sous-section b). Ensuite, il importe d’expliquer comment la notion d’« unité économique » a été appliquée dans le cadre de l’imputabilité en présence de liens capitalistiques (sous-section c). Les principes issus de cette jurisprudence peuvent, à mon avis, être transposés aussi en dehors de cas de liens capitalistiques, comme dans l’affaire au principal, notamment dans la mesure où la jurisprudence de la Cour n’offre que peu d’exemples d’application de la notion d’« unité économique » en présence de liens contractuels (sous-section d).

    b) Sur les notions d’« entreprise » et d’« unité économique », et sur leur importance dans la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’Union

    24.

    Le terme « entreprise », qui figure aux articles 101 et 102 TFUE, reflète le choix des auteurs des traités d’utiliser un terme autonome pour désigner l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence qui soit différent des termes existants dans le traité FUE ( 10 ). Si le terme « entreprise » n’est pas défini dans le traité, le contenu de cette notion a été progressivement forgé par la jurisprudence de la Cour. Conformément à celle-ci, la notion d’« entreprise » comprend toute entité constituée d’éléments personnels, matériels et immatériels exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement ( 11 ).

    25.

    Inspirée d’une approche fonctionnelle, la Cour a également considéré que la notion d’« entreprise » désigne une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. En effet, en visant les activités des entreprises, le droit de la concurrence de l’Union consacre comme critère décisif l’existence d’une unité de comportement sur le marché, sans que la séparation formelle entre diverses sociétés résultant de leur personnalité juridique distincte puisse s’opposer à une telle unité aux fins de l’application des règles de concurrence ( 12 ).

    26.

    Cette notion d’« unité économique » a été élaborée et appliquée à la poursuite d’une double finalité : d’une part, pour exclure du champ d’application de l’article 101 TFUE les accords intervenant entre entités appartenant à une même entreprise (par exemple au sein du même groupe de sociétés), dans la mesure où l’article 101, paragraphe 1, TFUE vise des rapports entre deux ou plusieurs entités économiques capables d’entrer en concurrence l’une avec l’autre ( 13 ), et, d’autre part, en vue d’imputer au sein d’un groupe de sociétés le comportement anticoncurrentiel d’une filiale à la société mère.

    27.

    Or, si la notion d’« unité économique », aux fins de la première finalité, doit être, en principe, interprétée de manière stricte, car il s’agirait d’une exception qui restreint le champ d’application de l’article 101 TFUE ( 14 ), se pose la question de savoir si cette notion, aux fins de l’imputation d’un comportement, pourrait justifier une conception plus large, dans la mesure où la notion d’« unité économique » vise essentiellement à assurer une plus grande portée utile et à accroître l’effet dissuasif et préventif des règles de la concurrence ( 15 ).

    28.

    En effet, premièrement, l’application de la notion d’« unité économique » peut entraîner de plein droit une responsabilité solidaire entre les entités qui composaient l’unité économique concernée au moment de la commission de l’infraction ( 16 ). Historiquement, le recours à l’« unité économique » a été fait dans le cadre de l’application de l’article 101 TFUE, et notamment en matière d’ententes, cette notion ayant permis de rattacher les agissements des filiales opérant sur le territoire de l’Union à la société mère qui se trouvait en dehors de l’Union, de sorte à pouvoir la sanctionner au titre des dispositions du droit de la concurrence de l’Union ( 17 ). Cette méthode d’imputation de responsabilité au moyen de la notion d’« unité économique » vise à ne pas permettre aux entreprises de contourner tant l’article 101 TFUE que l’article 102 TFUE. À titre d’exemple, une entreprise dominante pourrait mettre en place une restructuration interne, en divisant ses activités entre différentes filiales (non dominantes) afin de réduire la part de marché détenue par chaque entité juridique distincte, sans aucune intervention au titre de l’article 102 TFUE. Si l’on ne pouvait pas imputer le comportement des filiales à l’entreprise dominante, une entreprise dominante pourrait facilement contourner l’interdiction visée à l’article 102 TFUE.

    29.

    Deuxièmement, la notion d’« unité économique » permet d’augmenter considérablement le montant de l’amende et, dès lors, son effet dissuasif. En effet, le recours à l’unité économique permet de calculer le montant maximal de l’amende prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 ( 18 ), à savoir 10 % du chiffre d’affaires, sur la base du chiffre d’affaires des entités composant l’unité économique, et non pas uniquement de celui de l’entité ayant effectivement commis l’infraction. En outre, cette notion permet d’élargir le montant de base de l’amende et facilite la majoration de ce montant au titre de circonstances aggravantes, à savoir la récidive et la majoration à des fins dissuasives ( 19 ).

    30.

    Troisièmement, au niveau de la sphère privée de la mise en œuvre du droit de la concurrence (private enforcement), une victime d’une pratique anticoncurrentielle peut introduire une action en dommages et intérêts indifféremment contre toute entreprise constituant une unité économique ( 20 ).

    31.

    Le fait que la notion d’« unité économique » pourrait recevoir une interprétation restrictive ou large en fonction de la finalité poursuivie signifie-t-il que cette notion devrait se voir attribuer une signification « variable » ?

    32.

    À mon avis, il convient de répondre par la négative.

    33.

    Tout d’abord, du point de vue de la prévisibilité et de la sécurité juridique, il me paraît difficile de pouvoir justifier l’existence d’une telle « variabilité » dans la notion d’« unité économique », qui, par ailleurs, ne trouve aucun soutien dans la jurisprudence actuelle. Ensuite, il ressort du point 25 des présentes conclusions que le critère décisif est l’existence d’une « unité de comportement sur le marché », une conception qui devrait être commune, concernant tant l’applicabilité de l’article 101 TFUE que l’imputation du comportement. Enfin, d’un point de vue prospectif, une conception trop large de l’« unité économique » risquerait d’avoir comme conséquence de faire échapper de l’application de l’article 101 TFUE des accords nocifs pour la concurrence, non seulement horizontaux, mais également verticaux ( 21 ).

    34.

    Partant, si la présente question suscite une analyse portant principalement sur l’imputation d’un comportement anticoncurrentiel, il ne faut pas perdre de vue que la qualification d’une unité économique dans le cadre de l’exercice d’imputation implique nécessairement l’inapplicabilité de l’article 101, paragraphe 1, TFUE au sein des entités formant cette unité économique.

    c) Sur l’application de la notion d’« unité économique » dans le cadre de sociétés présentant des liens capitalistiques

    35.

    La notion d’« unité économique » a été appliquée essentiellement à l’égard de sociétés ayant participé à des ententes et faisant partie d’un groupe de sociétés. Dans le cadre de tels groupes, la Cour a établi que la responsabilité du comportement d’une filiale peut être imputée à la société mère notamment lorsque cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques ( 22 ). Ainsi, pour qu’un groupe de sociétés puisse être considéré comme correspondant à une unité économique et que l’on puisse ainsi imputer à la société mère le comportement de la filiale, il faut que deux conditions cumulatives soient remplies : la société mère doit avoir la capacité d’exercer une influence déterminante sur la filiale et, surtout, elle doit avoir exercé ce pouvoir en pratique ( 23 ).

    36.

    Aux fins des règles d’imputabilité dans le cadre de liens capitalistiques, deux cas de figure sont envisageables : celui où la société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale et celui d’une plus faible participation de la société mère dans le capital de sa filiale, qui ne donne pas le même degré de contrôle.

    37.

    S’agissant du premier cas de figure, dans le cas où une société mère détient (directement ou indirectement) la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence, à moins que cette même société mère ne prouve le contraire ( 24 ). Cette présomption d’influence déterminante se fonde sur la prémisse selon laquelle la détention d’un contrôle total d’une filiale présuppose nécessairement la capacité (économique) d’exercer une telle influence. En effet, la Cour a établi que c’est non pas la simple détention du capital de la filiale en elle-même qui fonde cette présomption, mais le degré de contrôle que cette détention implique ( 25 ). Une telle présomption implique, à moins qu’elle ne soit renversée en apportant des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché ( 26 ), que l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère sur sa filiale est considéré comme étant établi de sorte à pouvoir tenir la première responsable du comportement de la seconde, sans avoir à produire une quelconque preuve supplémentaire ( 27 ).

    38.

    S’agissant du second cas de figure, en dehors de l’application de cette présomption, une autorité de concurrence devra fonder la responsabilité sur d’autres éléments concrets d’influence déterminante. Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, aux fins de l’examen du point de savoir si la société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale sur le marché, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à sa société mère et, ainsi, de tenir compte de la réalité économique. Or, si des instructions données par la société mère à sa filiale affectant son comportement sur le marché peuvent constituer des preuves suffisantes d’une telle influence déterminante, elles ne constituent pas les seules preuves admissibles. L’exercice effectif d’une influence déterminante de la société mère sur le comportement de sa filiale peut également être déduit d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle influence ( 28 ). C’est précisément cette même approche qui devrait, à mon sens, être appliquée mutatis mutandis aux sociétés présentant des liens contractuels.

    d) Sur l’application de la notion d’« unité économique » dans le cadre de sociétés présentant uniquement des liens contractuels

    39.

    Bien que développée au sujet des relations entre une société mère et ses filiales qui constituent le contexte « typique » de l’existence d’une unité économique, cette notion peut être appliquée en dehors de la sphère du groupe de sociétés ( 29 ). Ainsi que le Tribunal l’a affirmé, l’existence d’une unité économique ne se limite pas à des cas où les sociétés entretiennent des liens capitalistiques, mais vise également, dans certaines circonstances, les relations entre une société et son représentant de commerce ou entre un commettant et son commis ( 30 ).

    40.

    En premier lieu, la question de savoir si un commettant et son intermédiaire forment une unité économique, le second étant un organe auxiliaire intégré dans l’entreprise du premier, a été posée aux fins de déterminer si un comportement relève du champ d’application de l’article 101 TFUE ou de l’article 102 TFUE. Ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Suiker Unie e.a./Commission, si « un [...] intermédiaire exerce une activité au profit de son commettant, il peut en principe être considéré comme [étant un] organe auxiliaire intégré dans l’entreprise de celui-ci, tenu de suivre les instructions du commettant et formant ainsi avec cette entreprise, à l’instar de l’employé de commerce, une unité économique » ( 31 ). Il s’ensuit qu’un intermédiaire indépendant peut former une unité économique avec l’entreprise commettante lorsqu’il exerce une activité au profit de cette dernière ( 32 ).

    41.

    À cet égard, dans l’arrêt Minoan Lines, le Tribunal a retenu deux éléments comme paramètres de référence principaux pour déterminer l’existence ou non d’une unité économique : à savoir, d’une part, la prise en charge ou non par l’intermédiaire d’un risque économique et, d’autre part, la fourniture ou non de services exclusifs par l’intermédiaire ( 33 ).

    42.

    S’agissant de la prise en charge du risque économique, la Cour a jugé, dans l’arrêt Suiker Unie, qu’un intermédiaire ne peut pas être considéré comme étant un organe auxiliaire intégré dans l’entreprise du commettant lorsque la convention passée avec ce dernier lui confère ou lui laisse des fonctions se rapprochant économiquement de celles d’un négociant indépendant, du fait qu’elle prévoit la prise en charge, par cet intermédiaire, des risques financiers liés à la vente ou à l’exécution des contrats conclus avec les tiers ( 34 ). Ainsi, lorsqu’un distributeur prend en charge les risques financiers liés à la vente, par exemple, en acquérant les biens et en détenant le droit de propriété pour les revendre ensuite à ses propres risques, ce distributeur n’agit pas, en principe, comme un organe auxiliaire intégré dans l’entreprise du producteur, ni donc comme formant une unité économique ( 35 ).

    43.

    S’agissant du caractère exclusif des services fournis par l’intermédiaire, la Cour a estimé que ne plaide pas en faveur de l’idée d’unité économique le fait que, parallèlement aux activités exercées pour le compte du commettant, l’intermédiaire se livre, en tant que négociant indépendant, à des transactions d’une ampleur considérable sur le marché du produit ou du service en cause ( 36 ).

    44.

    La Cour a, en substance, confirmé l’analyse du Tribunal dans l’arrêt Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, par lequel la Cour a établi qu’un prestataire de services est susceptible de perdre sa qualité d’opérateur économique indépendant lorsqu’il ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais dépend entièrement de son commettant, du fait qu’il ne supporte aucun des risques financiers et commerciaux résultant de l’activité de ce dernier et opère comme auxiliaire intégré à l’entreprise de ce commettant ( 37 ). Toutefois, ces deux critères ne peuvent être exhaustifs ni à eux seuls décisifs pour établir si le comportement anticoncurrentiel d’un agent peut être imputé à son commettant ( 38 ).

    45.

    En second lieu, dans l’arrêt Remonts ( 39 ), la Cour a été amenée à analyser de manière plus générale la notion d’« unité économique » dans le cadre d’agissements d’un prestataire indépendant fournissant des services à une entreprise. Cet arrêt a été adopté dans un contexte factuel différent du litige au principal, à savoir des pratiques concertées dans le cadre d’un appel d’offres (bid rigging), mais permet d’identifier des paramètres de référence utiles, qui se chevauchent en partie avec ceux déjà identifiés. En l’espèce, la Cour a jugé qu’une entreprise ne peut, en principe, être tenue pour responsable d’une pratique concertée du fait des agissements d’un prestataire indépendant lui fournissant des services que si l’une des conditions suivantes est remplie : i) ce prestataire opérait en réalité sous la direction ou le contrôle de l’entreprise mise en cause ( 40 ), ou ii) cette entreprise avait connaissance des objectifs anticoncurrentiels poursuivis par ses concurrents et ledit prestataire et entendait y contribuer par son propre comportement ( 41 ), ou encore iii) ladite entreprise pouvait raisonnablement prévoir les agissements anticoncurrentiels de ses concurrents et du même prestataire et était prête à en accepter le risque ( 42 ).

    46.

    C’est à la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’apporter des éléments de réponse à la juridiction de renvoi, eu égard aux spécificités des comportements en cause au principal.

    e) Sur l’application de la notion d’« unité économique » dans le cadre de rapports contractuels verticaux en application de l’article 102 TFUE

    47.

    À cet égard, je note que la Cour n’a pas, à ma connaissance, encore dû apprécier des comportements de distributeurs indépendants pouvant être imputés à l’entreprise dominante aux fins de l’application de l’article 102 TFUE. Or, la notion d’« unité économique », en dehors du contexte de liens capitalistiques, est nécessairement conditionnée par le contexte factuel dans lequel s’inscrit le lien contractuel. Ainsi, il n’est pas possible d’établir au préalable et in abstracto des éléments qui permettraient de relever qu’une certaine configuration contractuelle relève de la notion d’« unité économique ». Sans préjudice de l’évaluation qui incombe à la juridiction de renvoi, seule compétente pour apprécier les faits au principal, je considère que les éléments suivants pourraient être utiles.

    48.

    En premier lieu, je constate qu’en pratique le recours à la notion d’« unité économique » est moins fréquent dans le contexte de l’application de l’article 102 TFUE, ce qui explique pourquoi les questions d’imputabilité n’ont que rarement fait l’objet d’analyse devant les juridictions de l’Union ( 43 ). Cela est dû en partie au fait qu’une telle classification n’est pas toujours indispensable. En effet, j’estime que, dans une configuration où le comportement abusif est matériellement mis en œuvre par l’intermédiaire d’un tiers distributeur, ce comportement pourrait bel et bien être imputé à l’entreprise dominante s’il s’avérait qu’il a été adopté par ce distributeur conformément aux instructions spécifiques données par cette entreprise et donc au titre de la mise en œuvre d’une politique commerciale unique. En effet, si tel n’était pas le cas, une entreprise dominante pourrait facilement contourner l’interdiction visée à l’article 102 TFUE en déléguant à ses distributeurs ou à d’autres intermédiaires indépendants, tenus de suivre ses instructions, certaines conduites abusives, telles que celles qui sont contestées en l’espèce par l’AGCM. En effet, il incombe à l’entreprise qui détient une position dominante (et non pas aux distributeurs) la responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur, que ce soit directement, par l’intermédiaire de conduites abusives qu’elle a elle-même mises en place, ou indirectement, par l’intermédiaire de conduites qu’elle a déléguées à des opérateurs indépendants tenus d’exécuter ses instructions ( 44 ). Par ailleurs, en appliquant par analogie le critère que la Cour a établi dans l’arrêt Remonts, il convient de vérifier si l’entreprise dominante pouvait raisonnablement prévoir les agissements anticoncurrentiels de la part de ses distributeurs et était prête à en accepter le risque ( 45 ).

    49.

    En second lieu, si l’autorité considère qu’il convient tout de même d’imputer la responsabilité également aux distributeurs, au regard de la jurisprudence citée au point 38 des présentes conclusions, l’appréciation de l’existence d’une unité économique doit s’effectuer à la lumière des liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent le producteur à ces distributeurs afin de constater, sur le fondement d’un faisceau d’indices, l’exercice effectif d’une influence déterminante de la part du producteur sur les distributeurs, de sorte à pouvoir établir que les distributeurs ont essentiellement agi comme une longa manus du producteur. Tel est notamment le cas lorsque les distributeurs sont ou s’estiment conduits à reproduire à l’égard des exploitants les pratiques d’exclusion conçues et mises en œuvre par le producteur.

    50.

    À cet égard, premièrement, s’agissant des liens économiques, et notamment dans le contexte d’un rapport entre une entreprise dominante et ses distributeurs, les éléments relatifs à l’équilibre du pouvoir économique peuvent également être pertinents. Dans ce contexte, les éléments suivants peuvent être relevés : i) l’importance de la position dominante du producteur, dans la mesure où elle peut conduire le distributeur à craindre à bon droit de ne trouver qu’avec difficulté en dehors de sa relation avec ce producteur un autre producteur pour assurer la distribution de ses produits ; ii) l’importance que le chiffre d’affaires généré par les ventes des produits du producteur dominant représente dans le chiffre d’affaires global du distributeur, qui est ainsi amené à craindre à juste titre la perte d’une partie importante de son chiffre d’affaires global au cas où il interromprait ses relations avec ce producteur ; iii) la valeur économique des mesures d’incitation, comme les remises ou les bonifications accordées par le producteur au distributeur, dont l’effet est de conditionner les décisions du distributeur par la crainte de se voir refuser ou réduire de telles prestations à titre de sanction de sa violation des clauses d’exclusivité imposées par ce producteur, ou de son omission de répercuter sur les exploitants ces clauses et/ou les autres pratiques d’exclusion (telles que les remises de fidélité) définies au préalable par ledit producteur. De même, doivent être prises en compte les contraintes concurrentielles de la part de l’entreprise dominante, et notamment, si les distributeurs sont en mesure de se tourner sans difficulté vers d’autres producteurs, ainsi que la puissance de marché compensatoire de ces distributeurs (surtout lorsqu’il s’agit de grandes surfaces).

    51.

    Deuxièmement, s’agissant des liens organisationnels, il me semble qu’il est pertinent, aux fins de l’appréciation de l’existence d’une unité, de vérifier l’existence d’éventuelles pratiques de contrôle (monitoring) exercées in situ ou autrement par le producteur sur le respect des clauses d’exclusivité et des autres clauses d’exclusion (telles que les remises de fidélité ou les conditions de résiliation) dans les relations entre les distributeurs et les exploitants.

    52.

    Troisièmement, quant aux liens juridiques, les éléments suivants peuvent être pertinents : i) l’établissement au préalable par le producteur de formules de contrat que le distributeur devra obligatoirement appliquer aux exploitants, et ii) la définition au préalable par le producteur de modalités spécifiques de vente auprès des exploitants. À cet égard, deux remarques s’imposent.

    53.

    D’une part, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’établir « l’existence d’une subordination hiérarchique » (pour reprendre les termes de la question préjudicielle) entre l’entreprise dominante et ses distributeurs en vertu de laquelle l’entreprise dominante soumettrait les distributeurs au moyen d’une « pluralité systématique et constante d’actes d’orientation » susceptible d’influer sur leurs « choix stratégiques et opérationnels ». Si l’existence d’un tel lien hiérarchique implique qu’il ne fait aucun doute que le distributeur subit l’emprise déterminante du producteur, il est important que, en dehors de liens hiérarchiques formalisés par des actes d’orientation, ce distributeur ne soit pas libre de se prononcer sur tout ce qui pourrait réduire l’efficacité des pratiques d’exclusion décidées au préalable par le producteur dominant, et cela parce qu’il craint à juste titre des conséquences économiques dommageables s’il ne soutient pas systématiquement de tels comportements.

    54.

    D’autre part, quant à la question du « degré d’ingérence », force est de constater que tous les rapports verticaux présupposent l’existence d’un accord qui confère au commettant un certain degré d’influence sur l’autre sujet. Ce degré d’influence peut être élevé et s’étendre à de multiples aspects des activités commerciales faisant l’objet du rapport contractuel, mais cela n’est pas en soi suffisant pour donner naissance à une unité économique. En effet, la simple coordination ou interférence dans les décisions prises par un autre sujet, même si elles sont importantes et peuvent représenter une conduite restrictive de la concurrence au sens de l’article 101 TFUE, ne sauraient en soi indiquer que le distributeur n’agit pas de manière autonome.

    55.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens que, en dehors des cas où existent des liens capitalistiques, une coordination contractuelle entre un producteur et ses intermédiaires de distribution donne lieu à une « unité économique », au sens de ces articles, lorsque, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques entre le producteur et ses distributeurs, ce producteur exerce une influence déterminante sur ces distributeurs, de sorte que ces derniers s’estiment conduits à reproduire le comportement conçu et mis en œuvre par ledit producteur, ne pouvant pas agir de façon indépendante sur le marché. Tel serait notamment le cas lorsque, en vertu de cette coordination contractuelle, lesdits distributeurs, d’une part, ne supportent aucun des risques financiers liés à la vente du produit du même producteur, ou, d’autre part, concluent des contrats exclusifs avec ce dernier.

    B.   Sur la seconde question préjudicielle

    56.

    Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans le cas de clauses d’exclusivité ou de comportements caractérisés par une multitude de pratiques (notamment rabais et clauses d’exclusivité), une autorité de concurrence est tenue de fonder la constatation d’une violation de l’article 102 TFUE sur le critère du concurrent aussi efficace et d’examiner de manière détaillée les analyses économiques produites, le cas échéant, par l’entreprise dominante quant à la capacité « concrète » des comportements en cause d’évincer du marché des concurrents aussi efficaces. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que cette question découle, notamment, des doutes d’interprétation de la juridiction de renvoi quant au champ d’application des principes issus de l’arrêt Intel.

    57.

    Pour contextualiser les préoccupations de cette juridiction, je rappelle que, au cours de son instruction, l’AGCM a estimé qu’elle n’avait pas à analyser les études économiques produites par Unilever afin de démontrer que les pratiques en cause n’étaient pas susceptibles d’exclure du marché les concurrents au moins aussi efficaces, dans la mesure où ces études étaient totalement dénuées de pertinence quant à la constatation de l’infraction en cause ( 46 ). Se ralliant à l’analyse de l’AGCM, le TAR a estimé que les principes issus de l’arrêt Intel s’appliquaient seulement en cas de rabais d’exclusivité et non pas en cas d’obligations d’exclusivité combinées à divers rabais. Partant, le TAR a considéré qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte desdites études produites par Unilever.

    58.

    La question posée par la juridiction de renvoi comporte deux branches :

    la première vise à déterminer si, même en cas de clauses imposant une obligation d’exclusivité, il convient d’analyser la capacité de celles-ci d’exclure du marché des concurrents au moins aussi efficaces que l’entreprise dominante, et

    la seconde vise à savoir si, dans le cadre d’une telle analyse, une autorité de concurrence a l’obligation de tenir compte des études économiques présentées par l’entreprise mise en cause.

    1. Observations liminaires

    59.

    Avant d’aborder ces deux branches, j’estime utile d’observer que la présente question préjudicielle constitue le prolongement direct de la troisième question préjudicielle que cette même juridiction a posée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SEN. Cette question consistait à savoir si, aux fins d’établir le caractère abusif d’un comportement d’une entreprise dominante, doivent être considérés comme étant pertinents les éléments produits par cette entreprise visant à démontrer que, nonobstant sa capacité abstraite à produire des effets restrictifs, ce comportement n’a concrètement pas produit de tels effets et, dans l’affirmative, si l’autorité de concurrence est tenue d’examiner ces éléments de manière approfondie ( 47 ).

    60.

    Si la question posée dans l’affaire SEN était d’ordre plus général, l’analyse effectuée dans mes conclusions, au regard des apports de l’arrêt SEN, permet de placer la présente question préjudicielle dans le paysage normatif de l’article 102 TFUE et de répondre en partie aux interrogations de la juridiction de renvoi.

    61.

    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il n’est pas nécessaire, pour établir le caractère abusif d’un comportement d’une entreprise en position dominante, de démontrer que le comportement en cause a effectivement produit des effets anticoncurrentiels. Une autorité de concurrence est tenue uniquement de démontrer le potentiel (la capacité) dommageable du comportement reproché, indépendamment de la réalisation concrète des effets anticoncurrentiels. En effet, il serait contraire à la logique inhérente de l’article 102 TFUE, qui est de nature préventive et prospective, de devoir attendre que les effets anticoncurrentiels se produisent pour pouvoir légalement constater un abus ( 48 ).

    62.

    Il s’ensuit que des preuves avancées par une entreprise aux fins d’indiquer l’absence d’effets anticoncurrentiels, telles que des analyses économiques, ne sauraient avoir une fonction exonératoire ni transférer la charge de la preuve à l’autorité de concurrence, de sorte à lui imposer la charge de démontrer la matérialisation concrète du dommage découlant du comportement reproché. Par ailleurs, la nature anticoncurrentielle d’un comportement doit être évaluée au moment où ce comportement a été commis, ce qui est conforme au principe général de sécurité juridique, dès lors que l’entreprise dominante doit pouvoir apprécier la légalité de son comportement sur le fondement d’éléments existants ( 49 ).

    63.

    Toutefois, la Cour a également jugé que l’appréciation de la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction reprochés doit être effectuée au regard de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes entourant le comportement en cause, ce qui, à mon sens, inclut également les éléments de preuve avancés par l’entreprise dominante visant à démontrer que, nonobstant sa capacité abstraite à produire des effets restrictifs, le comportement en cause n’a concrètement pas produit de tels effets. En outre, afin de respecter les droits de la défense, et notamment le droit d’être entendu, l’admissibilité de ce type de preuve, du point de vue procédural, est incontestable ( 50 ).

    64.

    S’agissant de la valeur probante de ce type de preuve, celle-ci varie en fonction du contexte factuel. Par exemple, une preuve économique démontrant, après la fin du comportement contesté, l’absence d’effets d’éviction pourrait corroborer la démonstration du caractère purement hypothétique de ce comportement. Or, un tel comportement purement hypothétique ne saurait être considéré comme étant abusif au sens de l’article 102 TFUE ( 51 ). C’est dans cette optique que la Cour a estimé dans l’arrêt SEN que des preuves de l’absence d’effets d’éviction concrets peuvent constituer « un indice de ce que le comportement en cause n’était pas susceptible de produire les effets d’éviction allégués » et que « [c]e début de preuve doit cependant être complété, par l’entreprise concernée, par des éléments tendant à démontrer que cette absence d’effets concrets était bien la conséquence de l’incapacité dudit comportement à produire de tels effets » ( 52 ).

    2. Sur la première branche

    65.

    Par la première branche, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, à la suite de l’arrêt Intel, une autorité de concurrence est amenée à analyser, même en cas de clause d’exclusivité, la capacité de cette clause d’exclure du marché les concurrents au moins aussi efficaces que l’entreprise dominante.

    66.

    Afin de mieux comprendre cette question, un rappel succinct des faits et des problématiques soulevés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Intel s’impose.

    67.

    Au cours de l’année 2009, la Commission a adopté une décision à l’encontre d’Intel, selon laquelle celle-ci a commis une violation unique et continue de l’article 102 TFUE entre les mois d’octobre 2002 et de décembre 2007, en mettant en œuvre une stratégie visant à exclure un concurrent, à savoir AMD, du marché des processeurs (CPU x86). Cette décision a décrit deux types de comportement adoptés par Intel à l’égard de ses partenaires commerciaux, à savoir les rabais conditionnels et les « restrictions non déguisées ». Le premier type de comportement, qui est pertinent aux fins de notre analyse, consistait en l’octroi de rabais à quatre équipementiers informatiques (OEM), à savoir Dell, Lenovo, HP et NEC, à la condition qu’ils achètent auprès d’elle la totalité ou la quasi-totalité de leurs CPU x86. De même, Intel aurait octroyé des paiements à MSH, le premier distributeur européen d’ordinateurs de bureau, à la condition que ce dernier vende exclusivement des ordinateurs équipés de CPU x86 produits par Intel. La Commission a estimé que ces rabais conditionnels accordés par Intel constituaient des rabais de fidélité et que les paiements conditionnels d’Intel à MSH présentaient un mécanisme économique équivalent à celui des rabais conditionnels aux OEM. Dans la décision attaquée, la Commission a fourni également une analyse économique portant sur la capacité des rabais d’évincer un concurrent qui serait aussi efficace qu’Intel sans occuper pour autant une position dominante ( 53 ).

    68.

    Intel a contesté l’analyse de la Commission, devant le Tribunal, qui a rejeté le recours ( 54 ) en jugeant, en substance, que les rabais accordés étaient des rabais d’exclusivité, en ce qu’ils étaient liés à la condition que le client s’approvisionnât auprès d’Intel soit pour la totalité, soit pour une partie importante de ses besoins en CPU x86. Le Tribunal a jugé que la qualification d’« abusif » d’un tel rabais ne dépendait pas d’une analyse des circonstances de l’espèce visant à établir la capacité de celui-ci de restreindre la concurrence ( 55 ). À titre surabondant, le Tribunal a considéré que la Commission avait démontré, à suffisance de droit et sur le fondement d’une analyse des circonstances de l’espèce, la capacité des rabais et des paiements d’exclusivité accordés de restreindre la concurrence ( 56 ).

    69.

    Intel a formé un pourvoi devant la Cour à l’appui duquel elle a fait valoir que le Tribunal avait commis des erreurs de droit, notamment, en n’examinant pas les rabais litigieux au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes (premier moyen). Par l’arrêt Intel, la Cour a accueilli ce moyen, annulé l’arrêt initial et renvoyé l’affaire devant le Tribunal, qui, par un nouvel arrêt, a partiellement annulé la décision de la Commission ( 57 ). Dans le cadre de son analyse du premier moyen, la Cour a précisé, en substance, que si l’entreprise mise en cause soutient, au cours de la procédure administrative, éléments de preuve à l’appui, que son comportement n’a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction reprochés, l’autorité de concurrence compétente est tenue d’analyser, notamment, si les pratiques objet de l’enquête sont effectivement capables d’exclure du marché les concurrents au moins aussi efficaces ( 58 ).

    70.

    C’est la portée de ce principe qui fait l’objet de la présente question préjudicielle. En effet, la juridiction de renvoi se pose essentiellement la question de savoir si ledit principe vaut uniquement dans le cas où une enquête concerne des rabais d’exclusivité ou s’il s’applique également dans le cas où les conduites reprochées sont plus larges, incluant aussi des obligations d’exclusivité et d’autres types de rabais et de compensation dits « de fidélisation ».

    71.

    Pour les raisons suivantes, et ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 63 des présentes conclusions, j’estime que ce même principe vaut de manière générale, et indépendamment du type de restriction, lorsqu’une entreprise dominante avance des preuves visant à démontrer que le comportement en cause n’était pas susceptible de produire de tels effets.

    72.

    En premier lieu, cela ressort du libellé des points 137 à 140 de l’arrêt Intel.

    73.

    Tout d’abord, au point 137 de cet arrêt, la Cour a souligné que : « [...] pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, le fait de lier, fût-ce à leur demande, des acheteurs par une obligation ou une promesse de s’approvisionner pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite entreprise constitue une exploitation abusive d’une position dominante au sens de l’article 102 TFUE, soit que l’obligation est stipulée sans plus, soit qu’elle trouve sa contrepartie dans l’octroi d’un rabais. Il en est de même lorsque ladite entreprise, sans lier les acheteurs par une obligation formelle, applique, soit en vertu d’accords passés avec ces acheteurs, soit unilatéralement, un système de rabais de fidélité, c’est-à-dire de remises liées à la condition que le client, quel que soit par ailleurs le montant de ces achats, s’approvisionne exclusivement pour la totalité ou pour une partie importante de ses besoins auprès de l’entreprise en position dominante » ( 59 ). Ainsi, la Cour a qualifié les deux catégories de « clauses potentiellement abusives », à savoir les obligations d’exclusivité pures et simples et les rabais subordonnés à une obligation d’exclusivité, en ne faisant aucune distinction quant à leur nocivité pour la concurrence.

    74.

    Ensuite, au point 138 de l’arrêt Intel, la Cour a énoncé que « [t]outefois, il convient de préciser cette jurisprudence dans le cas où l’entreprise concernée soutient, au cours de la procédure administrative, éléments de preuve à l’appui, que son comportement n’a pas eu la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire les effets d’éviction reprochés » ( 60 ). Partant, la Cour a indiqué que la précision qui figure aux points suivants de cet arrêt se rapporte à toute entreprise qui soutient, lors de la procédure administrative, l’absence de capacité de restriction de la concurrence, indépendamment du type de comportement en cause. Cette précision vaut évidemment à l’égard des deux catégories de pratiques identifiées au point précédent dudit arrêt.

    75.

    Ainsi, au point 139 de l’arrêt Intel, la Cour a jugé que « [d]ans un tel cas, la Commission est non seulement tenue d’analyser, d’une part, l’importance de la position dominante de l’entreprise sur le marché pertinent et, d’autre part, le taux de couverture du marché par la pratique contestée, ainsi que les conditions et les modalités d’octroi des rabais en cause, leur durée et leur montant, mais elle est également tenue d’apprécier l’existence éventuelle d’une stratégie visant à évincer les concurrents au moins aussi efficaces » ( 61 ). La Cour est donc revenue sur l’analyse que la Commission est tenue d’effectuer en réponse aux arguments avancés par l’entreprise concernée selon lesquels la conduite en question n’est pas de nature à restreindre la concurrence. Cela s’applique clairement autant aux obligations d’exclusivité qu’aux rabais subordonnés à une obligation d’exclusivité.

    76.

    Enfin, au point 140 de l’arrêt Intel, la Cour a ajouté que « [l]’analyse de la capacité d’éviction est également pertinente pour l’appréciation du point de savoir si un système de rabais relevant en principe de l’interdiction de l’article 102 TFUE peut être objectivement justifié. En outre, l’effet d’éviction qui résulte d’un système de rabais, désavantageux pour la concurrence, peut être contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en termes d’efficacité qui profitent aussi au consommateur [...]. Une telle mise en balance des effets, favorables et défavorables pour la concurrence, de la pratique contestée ne peut être opérée dans la décision de la Commission qu’à la suite d’une analyse de la capacité d’éviction de concurrents au moins aussi efficaces, inhérente à la pratique en cause » ( 62 ). En d’autres termes, la Cour a précisé que l’appréciation des arguments défensifs avancés par l’entreprise dominante, à savoir les justifications objectives ou les avantages en termes d’efficacité, ne peut être opérée qu’après une analyse concernant la capacité d’éviction de concurrents au moins aussi efficaces. Si la Cour s’est référée expressément aux rabais, le ratio de ce point de l’arrêt Intel est qu’il faut examiner de tels arguments lorsqu’il est établi que le comportement en cause est susceptible de produire des effets d’éviction à des concurrents au moins aussi efficaces, ce qui vaut indépendamment du type du comportement en cause.

    77.

    En second lieu, l’interprétation littérale de ces points de l’arrêt Intel est corroborée par l’interprétation téléologique de l’article 102 TFUE. En effet, la Cour, aux points 133 et 134 de cet arrêt, a confirmé que « l’article 102 TFUE n’a aucunement pour but d’empêcher une entreprise de conquérir, par ses propres mérites, la position dominante sur un marché. Cette disposition ne vise pas non plus à assurer que des concurrents moins efficaces que l’entreprise occupant une position dominante restent sur le marché [...]. Ainsi, tout effet d’éviction ne porte pas nécessairement atteinte au jeu de la concurrence. Par définition, la concurrence par les mérites peut conduire à la disparition du marché ou à la marginalisation des concurrents moins efficaces et donc moins intéressants pour les consommateurs du point de vue notamment des prix, du choix, de la qualité ou de l’innovation » ( 63 ).

    78.

    Ces deux points appellent deux remarques. D’une part, ainsi que cela a été analysé de manière plus détaillée dans les conclusions dans l’affaire SEN, la notion de « concurrence par les mérites », à laquelle se réfère la Cour, ne se rattache pas à une forme précise de pratiques, reste abstraite et ne saurait être définie de sorte à permettre de déterminer, en amont, si un comportement relève ou non d’une telle concurrence. En effet, la notion de « concurrence par les mérites » exprime un idéal économique, avec comme toile de fond la tendance du droit de la concurrence de l’Union à favoriser une analyse des effets anticoncurrentiels du comportement, plutôt qu’une analyse fondée sur sa forme ( 64 ), notamment lorsqu’il est désormais admis que les rabais de fidélité ne sont pas nécessairement nuisibles à la concurrence ( 65 ).

    79.

    D’autre part, plus concrètement, il ressort des points 138 à 140 de l’arrêt Intel que l’article 102 TFUE doit être compris comme une disposition empêchant l’entreprise dominante de mettre en place des conduites susceptibles d’exclure du marché des concurrents au moins aussi efficaces en termes de qualité, d’innovation et de choix de produits offerts, et que l’interdiction posée par cette disposition ne se réfère pas seulement aux conduites afférentes aux prix, telles que les rabais d’exclusivité, mais aussi à toutes les autres pratiques commerciales qui ne se réfèrent pas aux prix, telles que les obligations d’exclusivité, dans la mesure où c’est la nocivité de ces conduites qui déterminera leur caractère abusif, et non pas leur forme.

    3. Sur la seconde branche

    80.

    Par la seconde branche, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, dans le cadre de l’analyse des effets des clauses d’exclusivité, une autorité de concurrence est tenue d’examiner de manière détaillée les analyses économiques produites par la partie dominante quant à la capacité concrète des comportements en cause d’évincer du marché des concurrents aussi efficaces.

    81.

    Ainsi que cela ressort du point 63 des présentes conclusions, afin de respecter les droits de la défense, et notamment le droit d’être entendu, l’admissibilité de ce type de preuve, du point de vue procédural, est incontestable. Partant, dans la mesure où la charge de la preuve des effets d’éviction anticoncurrentiels incombe aux autorités de concurrence, celles-ci sont tenues de prendre soigneusement en compte les éléments de preuve présentés par l’entreprise dominante, lorsque celle-ci vise à démontrer que, nonobstant sa (prétendue) capacité abstraite à produire des effets restrictifs, le comportement en cause n’a concrètement pas produit de tels effets ( 66 ).

    82.

    Afin de clarifier certains aspects pratiques de la portée de cette obligation des autorités de concurrence, il me semble utile d’apporter les précisions suivantes.

    83.

    En premier lieu, lorsqu’une entreprise en position dominante soutient, sur le fondement d’éléments de preuve concrets, que son comportement n’est pas susceptible de restreindre la concurrence sur le fondement d’un test AEC, l’article 102 TFUE impose à l’autorité de concurrence compétente l’obligation d’effectuer une analyse pour déterminer si tel est le cas ( 67 ). Cette analyse doit être fondée sur des éléments de preuve tangibles ( 68 ), constatant un effet restrictif allant au-delà de la simple hypothèse ( 69 ). Si, à l’issue d’une telle analyse, il est constaté que la conduite en cause n’est pas de nature à exclure du marché les concurrents au moins aussi efficaces que l’entreprise dominante, l’autorité de concurrence doit conclure que l’article 102 TFUE n’a pas été violé, tandis que, si cette conduite est jugée apte à avoir des effets d’éviction à l’encontre des concurrents tout aussi efficaces que l’entreprise dominante, cette autorité doit prendre en considération les éventuels éléments de défense avancés par l’entreprise concernée afin de démontrer que les conduites contestées sont objectivement justifiées ou que les effets restrictifs en découlant sont contrebalancés, voire dépassés, par des gains d’efficacité au bénéfice des consommateurs ( 70 ).

    84.

    En second lieu, a fortiori, lorsque l’entreprise dominante produit des preuves économiques pour démontrer que ses conduites n’ont pas la capacité d’exclure des concurrents aussi efficaces, une autorité de concurrence ne saurait les ignorer. En effet, ainsi que cela a été indiqué aux points 74 et 75 des présentes conclusions, c’est précisément la présentation de preuves démontrant l’absence d’effets restrictifs qui fait naître l’obligation pour l’autorité de concurrence de les examiner en relation avec les obligations d’exclusivité et les pratiques de rabais. Dans ces circonstances, une autorité de concurrence doit apprécier les preuves économiques produites par l’entreprise au cours de l’enquête et en tenir compte, dans le cadre de son analyse de la possibilité que les conduites mises en cause puissent exclure du marché des concurrents aussi efficaces que l’entreprise dominante.

    85.

    Or, même si l’autorité de concurrence considère, comme en l’occurrence, que la méthodologie utilisée aux fins de l’étude économique n’est pas pertinente, elle ne peut pas exclure d’emblée la pertinence d’une telle étude, sauf à indiquer, dans la décision par laquelle cette autorité qualifie un comportement d’« abusif », les raisons pour lesquelles elle estime que la méthodologie sur laquelle repose cette étude ne permet pas de contribuer à la démonstration du fait que les conduites mises en cause ne sont pas aptes à exclure des concurrents aussi efficaces.

    86.

    Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la seconde question préjudicielle que l’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens que, pour établir l’existence d’un abus de position dominante, une autorité de concurrence est tenue de démontrer, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et compte tenu, notamment, des éléments invoqués par l’entreprise dominante, que le comportement de cette entreprise avait la capacité de restreindre la concurrence, en analysant, le cas échéant et à cet égard, également les éléments de preuve invoqués par ladite entreprise selon lesquels le comportement en cause n’aurait pas produit d’effets anticoncurrentiels sur le marché pertinent. Cette obligation vaut tant pour des clauses d’exclusivité que pour des comportements caractérisés par une multitude de pratiques et implique un devoir de motivation de la part de l’autorité de concurrence, si celle-ci considère que de telles preuves n’étaient pas à même de démontrer l’exclusion de ce marché des concurrents aussi efficaces que l’entreprise dominante.

    IV. Conclusion

    87.

    Au vu de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) :

    1)

    Les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens que, en dehors des cas où existent des liens capitalistiques, une coordination contractuelle entre un producteur et ses intermédiaires de distribution donne lieu à une « unité économique », au sens de ces articles, lorsque, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques entre le producteur et ses distributeurs, ce producteur exerce une influence déterminante sur ces distributeurs, de sorte que ces derniers s’estiment conduits à reproduire le comportement conçu et mis en œuvre par ledit producteur, ne pouvant pas agir de façon indépendante sur le marché. Tel serait notamment le cas lorsque, en vertu de cette coordination contractuelle, lesdits distributeurs, d’une part, ne supportent aucun des risques financiers liés à la vente du produit du même producteur, ou, d’autre part, concluent des contrats exclusifs avec ce dernier.

    2)

    L’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens que, pour établir l’existence d’un abus de position dominante, une autorité de concurrence est tenue de démontrer, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et compte tenu, notamment, des éléments invoqués par l’entreprise dominante, que le comportement de cette entreprise avait la capacité de restreindre la concurrence, en analysant, le cas échéant et à cet égard, également les éléments de preuve invoqués par ladite entreprise selon lesquels le comportement en cause n’aurait pas produit d’effets anticoncurrentiels sur le marché pertinent. Cette obligation vaut tant pour des clauses d’exclusivité que pour des comportements caractérisés par une multitude de pratiques et implique un devoir de motivation de la part de l’autorité de concurrence, si celle-ci considère que de telles preuves n’étaient pas à même de démontrer l’exclusion de ce marché des concurrents aussi efficaces que l’entreprise dominante.


    ( 1 ) Langue originale : le français.

    ( 2 ) Autorité nationale garante de la concurrence et du marché (Italie).

    ( 3 ) Sur la notion d’« unité économique », voir conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Sumal (C‑882/19, ci-après les « conclusions dans l’affaire Sumal », EU:C:2021:293, points 23 à 31), ainsi que, pour la doctrine, Wils, W., « The Undertaking as Subject of E.C. Competition Law and the Imputation of Infringements to Natural or Legal Persons », European Law Review, vol. 25, 2000, p. 99 à 116 ; et Odudu, O., et Bailey, D., « The single economic entity doctrine in EU competition law », Common Market Law Review, vol. 51, no 6, 2014, p. 1721 à 1758.

    ( 4 ) Connu sous le terme anglais de « as efficient competitor test », ci-après le « test AEC ».

    ( 5 ) Selon La Bomba, Unilever aurait, au cours des dernières années, enjoint aux exploitants de points de vente de ne pas commercialiser, à côté de ses propres produits, les bâtonnets glacés de La Bomba, menaçant sinon de ne pas appliquer les remises prévues dans l’accord déjà conclu et imposant, en outre, le paiement de pénalités ou la résolution du contrat.

    ( 6 ) Arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C‑349/17, EU:C:2019:172, point 49 et jurisprudence citée, désormais reflétée à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour).

    ( 7 ) Cela dit, je constate que la première question préjudicielle, telle que formulée, contient des références à deux critères d’appréciation de l’unité économique, à savoir le « degré d’interférence » et le « lien hiérarchique » entre les entreprises. Or, ces critères impliquent nécessairement une estimation quantitative sur le fondement d’un contenu concret de relations entre les sociétés concernées. Dès lors, la pertinence desdits critères ne saurait être appréciée in abstracto et au préalable, comme le souhaite la juridiction de renvoi. En outre, si la Cour est amenée à donner des réponses utiles en apportant des orientations permettant à la juridiction de renvoi de statuer, elle ne saurait donner des réponses qui consisteraient essentiellement à vérifier, sur le fondement des éléments factuels contenus dans la décision de renvoi, si Unilever et les distributeurs formaient une « unité économique » au sens du droit de l’Union.

    ( 8 ) Par ailleurs, les agissements autonomes d’Unilever n’auraient pas été à même de constituer un abus par exclusion, les accords d’exclusivité conclus directement entre Unilever et les points de vente ne couvrant que 0,8 % du total des points de vente opérationnels en Italie.

    ( 9 ) Pour une analyse des règles d’imputabilité applicables dans le cadre d’un groupe de sociétés, voir mes conclusions dans l’affaire Servizio Elettrico Nazionale e.a. (C‑377/20, ci-après les « conclusions dans l’affaire SEN », EU:C:2021:998, points 146 à 152 et jurisprudence citée).

    ( 10 ) Tels que « société » ou « personne morale ». Voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission (C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 102).

    ( 11 ) Arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 47 et jurisprudence citée).

    ( 12 ) Arrêt du 6 octobre 2021, Sumal (C‑882/19, ci-après l’« arrêt Sumal », EU:C:2021:800, point 41).

    ( 13 ) Voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission (T‑68/89, T‑77/89 et T‑78/89, EU:T:1992:38, point 357) ; du 24 octobre 1996, Viho/Commission (C‑73/95 P, EU:C:1996:405, point 54), et conclusions de l’avocat général Dutheillet de Lamothe dans l’affaire Béguelin Import (22/71, non publiées, EU:C:1971:103, p. 967).

    ( 14 ) Voir, en ce sens, point 30 des lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales, du 28 juin 2022 (JO 2022, C 248, p. 1).

    ( 15 ) Voir, à cet égard, Whish, R., et Bailey, D., Competition Law, 10e éd., Oxford, 2021, p. 100 et 101.

    ( 16 ) Voir arrêts du 25 mars 2021, Deutsche Telekom/Commission (C‑152/19 P, ci-après l’« arrêt Deutsche Telekom II », EU:C:2021:238, point 73), et du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a. (C‑377/20, ci-après l’« arrêt SEN », EU:C:2022:379, point 107 et jurisprudence citée). Sur le fondement théorique de la responsabilité conjointe de la société mère et de la filiale qui consiste dans l’unité économique, voir conclusions dans l’affaire Sumal (points 35 à 38).

    ( 17 ) Voir arrêts du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission (48/69, ci-après l’« arrêt ICI », EU:C:1972:70, points 129 à 141), et du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission (6/73 et 7/73, EU:C:1974:18, point 41), ainsi que la jurisprudence citée à la note 17 des conclusions dans l’affaire Sumal.

    ( 18 ) Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1).

    ( 19 ) Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, (JO 2006, C 210, p. 2, points 28 et 30).

    ( 20 ) Voir, en ce sens, arrêt Sumal (dispositif et point 48).

    ( 21 ) Serait donc exclue l’application de l’article 101 TFUE à des accords verticaux qui constituent des « restrictions caractérisées » (hardcore restrictions) au sens de l’article 4 du règlement (UE) no 330/2010 de la Commission, du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, [TFUE] à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (JO 2010, L 102, p. 1), qui a expiré le 31 mai 2022, et de l’article 4, du règlement (UE) 2022/720 de la Commission, du 10 mai 2022, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, [TFUE] à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (JO 2022, L 134, p. 4), qui a remplacé le règlement no 330/2010.

    ( 22 ) Arrêt Deutsche Telekom II (point 74 et jurisprudence citée).

    ( 23 ) Arrêt du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission (C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 55).

    ( 24 ) Voir arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 61), et du 15 avril 2021, Italmobiliare e.a./Commission (C‑694/19 P, non publié, ci-après l’« arrêt Italmobiliare », EU:C:2021:286, points 47 et 55 ainsi que jurisprudence citée).

    ( 25 ) Voir conclusions dans l’affaire SEN (point 155 et jurisprudence citée).

    ( 26 ) Le juge de l’Union a considéré que ces preuves peuvent relever des aspects de la politique commerciale d’une filiale, par exemple, si la société mère pouvait influencer la politique des prix, les activités de production et de distribution, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le « cash-flow », les stocks et le marketing (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, EU:T:2007:381, point 64 et jurisprudence citée).

    ( 27 ) Arrêt Italmobiliare (point 55). Pour rappel, même dans le cas où la société mère détient la totalité du capital de sa filiale, rien n’empêche les autorités de concurrence d’établir l’exercice effectif d’une influence déterminante par d’autres éléments de preuve ou par une combinaison de tels éléments avec la présomption d’influence déterminante (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2021, The Goldman Sachs Group/Commission, C‑595/18 P, EU:C:2021:73, point 40 et jurisprudence citée).

    ( 28 ) Arrêt Deutsche Telekom II (points 75 à 77 et jurisprudence citée).

    ( 29 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2016, VM Remonts e.a. (C‑542/14, ci-après l’« arrêt Remonts », EU:C:2016:578, points 20, 27 et 33), ainsi que conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire VM Remonts e.a. (C‑542/14, EU:C:2015:797, point 48).

    ( 30 ) Arrêt du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission (T‑66/99, ci-après l’« arrêt Minoan Lines », EU:T:2003:337, points 125 à 128).

    ( 31 ) Arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, ci-après l’« arrêt Suiker Unie », EU:C:1975:174, point 480). Mise en italique par mes soins.

    ( 32 ) Voir, en ce même sens, arrêt du 15 juillet 2015, voestalpine et voestalpine Wire Rod Austria/Commission (T‑418/10, EU:T:2015:516, point 153).

    ( 33 ) Arrêt Minoan Lines (points 125 à 128).

    ( 34 ) Arrêt Suiker Unie (point 482).

    ( 35 ) Voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission (T‑325/01, EU:T:2005:322, point 118).

    ( 36 ) Voir arrêts Suiker Unie (point 544) et Minoan Lines (point 128).

    ( 37 ) Arrêt du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio (C‑217/05, EU:C:2006:784, points 43 et 44). Voir également arrêt du 24 octobre 1995, Volkswagen et VAG Leasing (C‑266/93, EU:C:1995:345, point 16).

    ( 38 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire VM Remonts e.a. (C‑542/14, EU:C:2015:797, point 53).

    ( 39 ) Voir arrêt Remonts (point 31).

    ( 40 ) Arrêt Remonts (point 25).

    ( 41 ) Arrêt Remonts (points 29 et 30).

    ( 42 ) Arrêt Remonts (point 31).

    ( 43 ) Voir, toutefois, arrêts du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, points 818 à 822) ; Deutsche Telekom II (points 68 à 87), et SEN (points 104 à 123).

    ( 44 ) Voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, ci-après l’« arrêt Intel », EU:C:2017:632, point 135), et du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770), qui confirme qu’un tel abus peut être constaté même si les effets anticoncurrentiels ne peuvent se produire que par l’intervention de tiers.

    ( 45 ) Voir point 45 des présentes conclusions.

    ( 46 ) Selon Unilever, pour la même raison, l’AGCM a refusé de rencontrer ses économistes, qui avaient demandé l’organisation d’une réunion pour déterminer les modalités de réalisation de ces études économiques.

    ( 47 ) Voir arrêt SEN (points 49 à 58) et conclusions dans l’affaire SEN (points 109 à 121).

    ( 48 ) Voir, à cet égard, conclusions dans l’affaire SEN (points 110 et 112 ainsi que jurisprudence citée).

    ( 49 ) Voir, à cet égard, conclusions dans l’affaire SEN (point 114 et jurisprudence citée).

    ( 50 ) Voir arrêt SEN (point 52) et conclusions dans l’affaire SEN (point 116 et jurisprudence citée).

    ( 51 ) Voir conclusions dans l’affaire SEN (points 41 et 116 ainsi que jurisprudence citée).

    ( 52 ) Voir arrêt SEN (point 56).

    ( 53 ) Concrètement, cette analyse a consisté à établir le prix auquel un concurrent aussi efficace qu’Intel aurait dû proposer ses CPU afin d’indemniser un OEM pour la perte d’un rabais que lui aurait accordé Intel. Une analyse similaire a été réalisée pour les paiements octroyés à MSH.

    ( 54 ) Arrêt du 12 juin 2014, Intel/Commission (T‑286/09, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2014:547, point 79).

    ( 55 ) Arrêt initial (points 80 à 89).

    ( 56 ) Arrêt initial (points 172 à 197).

    ( 57 ) Arrêt du 26 janvier 2022, Intel Corporation/Commission (T‑286/09 RENV, EU:T:2022:19).

    ( 58 ) Arrêt Intel (points 138 et 139).

    ( 59 ) Mise en italique par mes soins.

    ( 60 ) Mise en italique par mes soins.

    ( 61 ) Mise en italique par mes soins.

    ( 62 ) Mise en italique par mes soins.

    ( 63 ) Mise en italique par mes soins.

    ( 64 ) Voir conclusions dans l’affaire SEN (point 55 et jurisprudence citée)

    ( 65 ) Voir, en ce sens, point 37 de la communication de la Commission – Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82 [CE] aux pratiques d’éviction abusives des entreprises dominantes (JO 2009, C 45, p. 7), qui dispose que « [l]es entreprises peuvent offrir [des rabais conditionnels] pour attirer la clientèle, et ils peuvent, en tant que tels, stimuler la demande et être profitables aux consommateurs ».

    ( 66 ) Conclusions dans l’affaire SEN (point 116 et jurisprudence citée).

    ( 67 ) Arrêt Intel (points 139 et 140).

    ( 68 ) Arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 202).

    ( 69 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Post Danmark (C‑23/14, EU:C:2015:651, point 65).

    ( 70 ) Arrêt Intel (point 140).

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