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Document 62019CO0376

    Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 13 février 2020.
    « МАК ТURS » AD contre Direktor na Direktsia « Inspektsia po truda » - Blagoevgrad.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Rayonen sad Blagoevgrad.
    Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Réglementation nationale prévoyant l’infliction à un employeur d’une sanction pécuniaire d’un montant minimum prédéfini, non susceptible de contrôle judiciaire – Absence de rattachement au droit de l’Union – Incompétence manifeste de la Cour.
    Affaire C-376/19.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:99

    ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

    13 février 2020 (*)

    « Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Réglementation nationale prévoyant l’infliction à un employeur d’une sanction pécuniaire d’un montant minimum prédéfini, non susceptible de contrôle judiciaire – Absence de rattachement au droit de l’Union – Incompétence manifeste de la Cour »

    Dans l’affaire C‑376/19,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rayonen sad Blagoevgrad (tribunal d’arrondissement de Blagoevgrad, Bulgarie), par décision du 11 avril 2019, parvenue à la Cour le 13 mai 2019, dans la procédure

    « МАK ТURS » AD

    contre

    Direktor na Direktsia « Inspektsia po truda » - Blagoevgrad,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. M. Safjan (rapporteur), président de chambre, M. L. Bay Larsen et Mme C. Toader, juges,

    avocat général : M. M. Bobek,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 4, TUE, de l’article 153, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 2, sous b), TFUE, ainsi que de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 49, paragraphes 1 et 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « MAK TURS » AD au Direktor na Direktsia « Inspektsia po truda » – Blagoevgrad (directeur de la direction « Inspection du travail » de Blagoevgrad, Bulgarie) au sujet de la sanction pécuniaire infligée par ce dernier à MAK TURS en raison du défaut de présentation de documents demandés dans le cadre d’un contrôle portant sur l’application de la réglementation du travail.

     Le droit bulgare

    3        L’article 402, paragraphe 2, du kodeks na truda (code du travail) énonce que les employeurs, les autorités investies du pouvoir de nomination, les gestionnaires, les travailleurs et les employés sont tenus de prêter leur concours aux autorités de contrôle dans l’exercice de leurs fonctions.

    4        L’article 415, paragraphe 2, du code du travail dispose que l’employeur qui, en violation de la loi, empêche une autorité chargée de contrôler le respect de la législation du travail de remplir les obligations relevant de sa fonction est puni d’une sanction pécuniaire ou d’une amende d’un montant de 20 000 leva bulgares (BGN) (environ 10 230 euros), s’il n’encourt pas une peine plus lourde, et le gestionnaire coupable est puni d’une amende de 10 000 BGN (environ 5 115 euros), s’il n’encourt pas une peine plus lourde.

    5        L’article 31 des dispositions générales pénales administratives du zakon za administrativnite narushenia i nakazania (loi relative aux infractions et aux sanctions administratives) prévoit que celui qui ne remplit pas ou viole une injonction légale, un ordre ou un décret d’une autorité publique est puni d’une amende de 2 à 50 BGN (environ 1,02 à 25,57 euros).

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    6        Par décision du 26 octobre 2018, le directeur de la direction « Inspection du travail » de Blagoevgrad a infligé à МАK ТURS une sanction pécuniaire d’un montant de 20 000 BGN (environ 10 230 euros), sur le fondement de l’article 415, paragraphe 2, du code du travail, au motif que cette société avait commis une infraction administrative, au sens de l’article 402, paragraphe 2, du même code.

    7        Cette infraction consistait à ne pas avoir présenté aux agents de l’inspection du travail de Blagoevgrad, lors d’un contrôle relatif au respect de la réglementation du travail, des documents concernant le paiement, pendant une période donnée, de la rémunération de l’un des employés de cette société.

    8        МАK ТURS a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi, le Rayonen sad Blagoevgrad (tribunal d’arrondissement de Blagoevgrad, Bulgarie).

    9        La juridiction de renvoi relève que l’article 415, paragraphe 2, du code du travail constitue une norme impérative, par laquelle le législateur national a fixé une sanction, d’un montant minimum prédéfini, pour un employeur, qui peut être une personne physique ou morale, sans possibilité de modification de ce montant par la juridiction saisie, même dans le cas où une telle modification serait justifiée par les circonstances concrètes de l’affaire.

    10      Par ailleurs, l’article 31 de la loi relative aux infractions et aux sanctions administratives, concernant la commission d’infractions administratives du même type que celles visées à l’article 415, paragraphe 2, du code du travail, prévoirait une sanction pécuniaire d’un montant beaucoup moins important, qui pourrait être modifié et varier entre un minimum de 2 BGN (environ 1,02 euros) et un maximum de 50 BGN (environ 25,57 euros).

    11      Dans ces conditions, le Rayonen sad Blagoevgrad (tribunal d’arrondissement de Blagoevgrad) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)      Convient-il d’interpréter les dispositions de l’article 5, paragraphe 4, [TUE] et de l’article 153, paragraphe 2, sous b), [TFUE], lu en combinaison avec l’article 153, paragraphe 1, sous a) et b), [TFUE], en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause dans le présent litige (article 415, paragraphe 2, du code du travail), qui prévoit l’application d’une sanction qui est la même pour les personnes morales et pour les personnes physiques et dont le minimum a été fixé de manière contraignante et précise par le législateur à une amende de 20 000 BGN [(environ 10 230 euros)], sans possibilité, pour le tribunal, de modifier cette sanction en fonction du cas d’espèce et des circonstances liées à l’acte et à l’auteur, alors qu’une telle possibilité est prévue par d’autres normes nationales de la législation bulgare dans des cas similaires de non-exécution d’injonctions d’une autorité publique par les destinataires de ces injonctions, ainsi que par la disposition générale du droit pénal administratif figurant à l’article 31 de la loi relative aux infractions et aux sanctions administratives ?

    2)      Convient-il d’interpréter l’article 17, paragraphe 1, [de la Charte] ainsi que l’article 49, paragraphe 3, [de la Charte], lu en combinaison avec l’article 49, paragraphe 1, [de celle-ci], en ce sens que la norme nationale figurant à l’article 415, paragraphe 2, du code du travail, applicable tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales, assure un équilibre exact entre l’intérêt général et l’exigence de la protection du droit de propriété consacré à l’article 17 de la Charte, d’une part, et qu’elle est, d’autre part, conforme aux principes de proportionnalité et de bon équilibre des sanctions, consacré à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte ? »

     Sur la compétence de la Cour

    12      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque celle-ci est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

    13      Il convient de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

    14      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 4, TUE, l’article 153, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 2, sous b), TFUE, ainsi que l’article 17, paragraphe 1, et l’article 49, paragraphes 1 et 3, de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit l’application d’une sanction pécuniaire d’un montant minimum fixé à 20 000 BGN (environ 10 230 euros) à un employeur en cas de non-présentation de documents demandés dans le cadre d’un contrôle portant sur l’application de la réglementation du travail, sans possibilité pour une juridiction de pouvoir modifier cette sanction, le cas échéant, alors qu’une telle possibilité est prévue par le droit national dans des cas similaires de non-exécution d’injonctions prises par une autorité publique.

    15      Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, la Cour peut uniquement interpréter le droit de l’Union dans les limites des compétences attribuées à l’Union européenne (arrêt du 5 octobre 2010, McB., C‑400/10 PPU, EU:C:2010:582, point 51, et ordonnance du 8 mai 2019, IGPR – Brigada Autostrăzi şi misiuni speciale, C‑723/18, non publiée, EU:C:2019:398, point 11).

    16      À cet égard, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci respecte scrupuleusement les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle et figurant de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure (ordonnance du 19 décembre 2019, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld, C‑140/19, C‑141/19 et C‑492/19 à C‑494/19, non publiée, EU:C:2019:1103, point 48 et jurisprudence citée).

    17      Ainsi, il est notamment indispensable, comme l’énonce l’article 94, sous c), du règlement de procédure, que la décision de renvoi contienne l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal (ordonnance du 19 décembre 2019, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld, C‑140/19, C‑141/19 et C‑492/19 à C‑494/19, non publiée, EU:C:2019:1103, point 49 et jurisprudence citée).

    18      S’agissant de l’article 5, paragraphe 4, TUE, il convient de relever que cette disposition se rapporte à l’action des institutions de l’Union. Conformément au premier alinéa de ladite disposition, en vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. Quant au second alinéa de cette même disposition, il concerne les institutions de l’Union et leur impose de se conformer au principe de proportionnalité lorsqu’elles agissent dans l’exercice d’une compétence (arrêt du 25 juillet 2018, TTL, C‑553/16, EU:C:2018:604, point 33).

    19      Or, en l’occurrence, la disposition nationale en cause au principal est contenue dans le code du travail adopté par le législateur bulgare et concerne l’infliction de sanctions pécuniaires en Bulgarie. Dans ces conditions, l’article 5, paragraphe 4, TUE ne saurait s’appliquer à une situation telle que celle en cause au principal.

    20      En ce qui concerne l’article 153, paragraphes 1 et 2, TFUE, il y a lieu de constater que cette disposition, qui constitue une base juridique pour l’adoption de mesures par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne dans certains domaines de la politique sociale, n’est manifestement pas pertinente en vue de la solution du litige au principal.

    21      Quant à l’article 17, paragraphe 1, et à l’article 49, paragraphes 1 et 3, de la Charte, il importe de rappeler que l’article 51, paragraphe 1, de la Charte prévoit que les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. L’article 6, paragraphe 1, TUE, à l’instar de l’article 51, paragraphe 2, de la Charte, précise que les dispositions de cette dernière n’étendent en aucune manière le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union telles que définies dans les traités (voir, en ce sens, ordonnance du 8 mai 2019, IGPR – Brigada Autostrăzi şi misiuni speciale, C‑723/18, non publiée, EU:C:2019:398, point 13 et jurisprudence citée).

    22      Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 22, et ordonnance du 8 mai 2019, IGPR – Brigada Autostrăzi şi misiuni speciale, C‑723/18, non publiée, EU:C:2019:398, point 14).

    23      En l’occurrence, la juridiction de renvoi, dans sa décision, a certes mentionné différentes directives, telles que la directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO 1991, L 288, p. 32), et la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

    24      Cependant, il y a lieu de relever que la décision de renvoi ne contient aucun élément permettant de considérer que la procédure au principal concerne l’interprétation ou l’application d’une règle du droit de l’Union autre que celles figurant dans la Charte. En effet, cette décision n’établit nullement que la procédure au principal porte sur une réglementation nationale mettant en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (voir, par analogie, ordonnance du 8 mai 2019, IGPR – Brigada Autostrăzi şi misiuni speciale, C‑723/18, non publiée, EU:C:2019:398, point 15).

    25      Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que la Cour est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le Rayonen sad Blagoevgrad (tribunal d’arrondissement de Blagoevgrad).

     Sur les dépens

    26      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :

    La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le Rayonen sad Blagoevgrad (tribunal d’arrondissement de Blagoevgrad, Bulgarie), par décision du 11 avril 2019.

    Signatures


    *      Langue de procédure : le bulgare.

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