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Document 62019CC0320

    Conclusions de l'avocat général M. H. Saugmandsgaard Øe, présentées le 18 juin 2020.
    Ingredion Germany GmbH contre Bundesrepublik Deutschland.
    Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgericht Berlin.
    Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Article 3, sous h) – Nouveaux entrants – Article 10 bis – Régime transitoire d’allocation de quotas à titre gratuit – Décision 2011/278/UE – Article 18, paragraphe 1, sous c) – Niveau d’activité relatif aux combustibles – Article 18, paragraphe 2, deuxième alinéa – Valeur du coefficient d’utilisation de la capacité applicable.
    Affaire C-320/19.

    Court reports – general

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:486

     CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

    M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

    présentées le 18 juin 2020 ( 1 )

    Affaire C‑320/19

    Ingredion Germany GmbH

    contre

    Bundesrepublik Deutschland

    [demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne)]

    « Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre –Article 3, sous h) – Notion de “nouvel entrant” – Article 10 bis – Régime transitoire d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit – Décision 2011/278/UE – Allocation de quotas d’émission à titre gratuit aux nouveaux entrants – Sous-installation avec référentiel de combustibles – Article 18, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, deuxième alinéa – Détermination du niveau d’activité relatif aux combustibles – Coefficient d’utilisation de la capacité applicable – Limitation de ce coefficient à une valeur inférieure à 100 % »

    I. Introduction

    1.

    La présente demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne) porte sur l’interprétation de l’article 3, sous h), et de l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE ( 2 ), laquelle établit un système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, ainsi que de l’article 18, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, deuxième alinéa, de la décision 2011/278/UE ( 3 ), définissant des règles transitoires concernant l’allocation harmonisée de quotas à titre gratuit.

    2.

    Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ingredion Germany GmbH (ci-après « Ingredion » ou « la requérante au principal ») à la République fédérale d’Allemagne, représentée par l’Umweltbundesamt (Office fédéral de l’environnement, Allemagne), au sujet d’une demande d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit pour une installation devant être qualifiée de « nouvel entrant » au sens de l’article 3, sous h), de la directive 2003/87 ( 4 ).

    3.

    Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si, aux fins de déterminer le nombre annuel provisoire de quotas gratuits pour l’une des sous-installations qui composent cette installation et à laquelle il convient d’appliquer un référentiel de combustibles, le coefficient d’utilisation de la capacité applicable, inscrit à l’article 18, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, deuxième alinéa, de la décision 2011/278, est limité à une valeur inférieure à 100 %.

    4.

    L’examen de cette question s’inscrit dans une longue lignée de jurisprudence, relative au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre et aux règles transitoires pour l’allocation de quotas à titre gratuit ( 5 ), tout en donnant l’opportunité à la Cour de se pencher pour la première fois sur le régime consacré aux « nouveaux entrants ».

    5.

    À l’issue de mon analyse, je proposerai à la Cour de juger que, dans le cadre de ce régime, le coefficient d’utilisation de la capacité applicable doit, pour une sous-installation avec référentiel de combustibles telle que celle exploitée, dans les circonstances de l’affaire au principal, par Ingredion, être limité à une valeur inférieure à 100 %.

    II. Le cadre juridique

    A.   Le droit de l’Union

    1. La directive 2003/87

    6.

    L’article 3 de la directive 2003/87, intitulé « Définitions », dispose :

    « Aux fins de la présente directive, on entend par :

    [...]

    h)

    “nouvel entrant” :

    toute installation poursuivant une ou plusieurs des activités énumérées à l’annexe I, qui a obtenu une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre pour la première fois après le 30 juin 2011;

    toute installation poursuivant une activité incluse dans le système communautaire conformément à l’article 24, paragraphe 1 ou 2, pour la première fois, ou

    toute installation poursuivant une ou plusieurs des activités indiquées à l’annexe I ou une activité incluse dans le système communautaire conformément à l’article 24, paragraphe 1 ou 2, qui a connu une extension importante après le 30 juin 2011, dans la mesure seulement où ladite extension est concernée ;

    [...] »

    7.

    Aux termes de l’article 10 bis de cette directive, intitulé « Règles communautaires transitoires concernant la délivrance de quotas à titre gratuit » :

    « 1.   Le 31 décembre 2010 au plus tard, la Commission arrête des mesures d’exécution pleinement harmonisées à l’échelle communautaire [...]

    Les mesures visées au premier alinéa déterminent, dans la mesure du possible, des référentiels ex ante pour la Communauté, de façon à garantir que les modalités d’allocation des quotas encouragent l’utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer le rendement énergétique, en recourant aux techniques les plus efficaces [...], et n’encouragent pas l’accroissement des émissions.

    [...]

    7.   5 % de la quantité de quotas délivrée pour la Communauté conformément aux articles 9 et 9 bis pour la période 2013-2020 sont réservés aux nouveaux entrants ; il s’agit du pourcentage maximal qui peut être alloué aux nouveaux entrants conformément aux règles adoptées en application du paragraphe 1 du présent article. [...]

    [...]

    Le 31 décembre 2010 au plus tard, la Commission adopte des règles harmonisées relatives à l’application de la définition de “nouvel entrant”, en particulier en relation avec la définition des “extensions importantes”.

    [...] »

    2. La décision 2011/278

    8.

    L’article 17 de la décision 2011/278, intitulé « Demande d’allocation à titre gratuit », comporte un paragraphe 4, qui est libellé comme suit :

    « Pour les installations visées à l’article 3, point h), de la directive [2003/87], à l’exception des installations qui ont fait l’objet d’une extension significative après le 30 juin 2011, les États membres exigent de l’exploitant qu’il détermine la capacité installée initiale de chaque sous‑installation suivant la méthode indiquée à l’article 7, paragraphe 3, en utilisant comme référence la période continue de [90] jours servant de base pour déterminer le début de l’exploitation normale. Les États membres approuvent la capacité installée initiale de chaque sous‑installation avant de calculer l’allocation à octroyer à l’installation. »

    9.

    L’article 18 de cette décision, intitulé « Niveaux d’activité », énonce :

    « 1.   Dans le cas des installations visées à l’article 3, point h), de la directive [2003/87], à l’exception des installations ayant fait l’objet d’une extension significative après le 30 juin 2011, les États membres déterminent les niveaux d’activité de chaque installation de la manière suivante :

    [...]

    c)

    le niveau d’activité relatif aux combustibles correspond à la capacité installée initiale de l’installation concernée pour la consommation de combustibles utilisés pour la production de chaleur non mesurable consommée pour la fabrication de produits, pour la production d’énergie mécanique autre que celle utilisée aux fins de la production d’électricité, pour le chauffage ou le refroidissement, à l’exclusion de la consommation aux fins de la production d’électricité, y compris la mise en torchère pour des raisons de sécurité, multipliée par le coefficient d’utilisation de la capacité applicable ;

    [...]

    2.   [...]

    Le coefficient d’utilisation de la capacité applicable visé au paragraphe 1, points b) à d), est déterminé par les États membres sur la base d’informations dûment étayées et vérifiées de manière indépendante concernant l’exploitation normale prévue de l’installation, sa maintenance, son cycle de production habituel, les techniques à haut rendement énergétique et l’utilisation de la capacité typique du secteur concerné, par rapport aux données sectorielles spécifiques.

    [...]

    3.   Pour les installations qui ont fait l’objet d’une extension significative de capacité après le 30 juin 2011, les États membres ne déterminent les niveaux d’activité conformément au paragraphe 1 que pour la capacité ajoutée des sous‑installations concernées par l’extension significative de capacité.

    Pour les installations qui ont fait l’objet d’une réduction significative de capacité après le 30 juin 2011, les États membres ne déterminent les niveaux d’activité conformément au paragraphe 1 que pour la capacité retirée des sous‑installations concernées par la réduction significative de capacité. »

    10.

    L’article 19 de ladite décision, intitulé « Allocation aux nouveaux entrants », dispose :

    « 1.   Aux fins de l’allocation de quotas d’émission aux nouveaux entrants, à l’exception de l’allocation aux installations visées à l’article 3, point h), troisième alinéa, de la directive [2003/87], les États membres calculent séparément pour chaque sous‑installation le nombre annuel provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit à compter du début de l’exploitation normale de l’installation, de la manière suivante :

    [...]

    c)

    pour chaque sous‑installation avec référentiel de combustibles, le nombre annuel provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit correspond à la valeur du référentiel de combustibles figurant à l’annexe I, multipliée par le niveau d’activité relatif aux combustibles ;

    [...]

    4.   Les États membres notifient sans délai à la Commission la quantité annuelle totale provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit. Les quotas d’émission de la réserve pour les nouveaux entrants créée en application de l’article 10 bis, paragraphe 7, de la directive [2003/87] sont alloués sur la base du principe “premier arrivé, premier servi”, en tenant compte de la date de réception de cette notification.

    La Commission peut rejeter la quantité annuelle totale provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit à l’installation concernée. Si la Commission ne rejette pas cette quantité annuelle totale provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit, l’État membre concerné détermine la quantité annuelle finale de quotas d’émission alloués à titre gratuit. »

    B.   Le droit allemand

    11.

    L’article 9, paragraphe 1, du Treibhausgas-Emissionshandelsgesetz (loi sur les échanges de droits d’émission de gaz à effet de serre), du 21 juillet 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1475), est libellé comme suit :

    « (1)   Les exploitants d’installations reçoivent une allocation à titre gratuit de droits d’émission conformément aux principes énoncés à l’article 10 bis [...] de la directive [2003/87] [...] et à ceux énoncés dans la décision [2011/278] [...] »

    12.

    L’article 2 de la Verordnung über die Zuteilung von Treibhausgas-Emissionsberechtigungen in der Handelsperiode 2013 bis 2020 (règlement relatif à l’allocation des quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période d’échange 2013 à 2020), du 26 septembre 2011 (BGBl. 2011 I, p. 1921, ci-après la « ZuV 2020 »), intitulé « Définition », dispose :

    « [...]

    10.   Installations nouvelles

    Tous les nouveaux entrants conformément à l’article 3, sous h), premier tiret, de la directive [2003/87] ;

    [...] »

    13.

    L’article 16 de la ZuV 2020, intitulé « Demande d’allocation à titre gratuit de droits d’émission », énonce :

    « (1)   Les demandes d’allocation à titre gratuit pour les nouveaux entrants doivent être introduites dans un délai d’un an à compter du démarrage de l’exploitation normale de l’installation et, en cas d’augmentation significative de la capacité, dans un délai d’un an à compter du démarrage de l’exploitation modifiée.

    [...]

    (4)   Par dérogation à l’article 4, la capacité installée initiale pour les installations nouvelles correspond, pour chaque élément d’allocation, à la moyenne, extrapolée à une année civile, des deux plus grandes quantités mensuelles produites au cours de la période continue de 90 jours sur la base de laquelle le début de l’exploitation normale est déterminé.

    [...] »

    14.

    L’article 17 de la ZuV 2020, intitulé « Niveaux d’activité des nouveaux entrants », prévoit :

    « (1)   Pour les éléments d’allocation des installations nouvelles à déterminer conformément à l’article 3, les niveaux d’activité pertinents pour l’allocation des quotas sont déterminés comme suit :

    [...]

    3.

    le niveau d’activité relatif aux combustibles d’un élément d’allocation avec valeur d’émission de combustible est égal à la capacité installée initiale de l’élément d’allocation concerné multipliée par le coefficient d’utilisation de la capacité applicable ;

    [...]

    (2)   Le coefficient d’utilisation de la capacité applicable visé au paragraphe 1, points 2 à 4, est déterminé sur la base des informations fournies par le demandeur sur :

    1.

    l’exploitation effective de l’élément d’allocation jusqu’à l’introduction de la demande et sur l’exploitation prévue de l’installation ou de l’élément d’allocation, leurs périodes de maintenance et cycles de production prévus,

    2.

    l’utilisation de techniques à haut rendement énergétique et efficaces du point de vue des gaz à effet de serre susceptibles d’affecter le coefficient d’utilisation de la capacité applicable de l’installation,

    3.

    l’utilisation de la capacité typique dans les secteurs concernés.

    [...] » ( 6 )

    15.

    Aux termes de l’article 18 de la ZuV 2020, intitulé « Allocation aux nouveaux entrants » :

    « (1)   Pour l’allocation de quotas aux installations nouvelles, l’autorité compétente calcule le nombre annuel provisoire de quotas à allouer gratuitement au début de l’exploitation normale de l’installation pour les années restantes de la période d’échanges 2013 à 2020 comme suit et séparément pour chaque élément d’allocation :

    [...]

    3.

    pour chaque élément d’allocation avec valeur d’émission de combustible, le nombre annuel provisoire de quotas à allouer gratuitement est égal au produit de la valeur d’émission de combustible et du niveau d’activité relatif aux combustibles ;

    [...] »

    III. Le litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

    16.

    La requérante au principal, Ingredion, exploite à Hambourg (Allemagne) une installation destinée à la production de produits amylacés ( 7 ). Cette installation comporte, en tant que sous-installations, un appareil de réchauffement de l’air et un générateur de vapeur, lesquels utilisent de la vapeur et du gaz naturel pour générer de la chaleur aux fins de produire de l’amidon.

    17.

    Le 8 août 2014, Ingredion a demandé auprès de la Deutsche Emissionshandelsstelle (Service allemand d’échange de quotas d’émission, ci‑après la « DEHSt ») l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit pour ces deux sous-installations. Elle a fondé sa demande, pour l’une desdites sous-installations, sur un référentiel de chaleur et, pour l’autre, sur un référentiel de combustibles ( 8 ).

    18.

    Aux fins de déterminer le nombre provisoire de quotas d’émission dont pouvait bénéficier à titre gratuit la sous‑installation avec référentiel de combustibles, la DEHSt a, dans un premier temps, tenu compte d’un coefficient d’utilisation de la capacité applicable de 109 %. En effet, conformément aux données fournies par Ingredion, l’utilisation effective de la capacité de cette sous-installation, au cours de la période écoulée entre la date d’entrée en service régulier de l’installation, le 15 août 2013, et la date d’introduction de la demande d’allocation, le 20 juin 2014, était supérieure à 100 % de sa capacité installée initiale ( 9 ).

    19.

    Dans un second temps, la DEHSt a estimé que, dès lors que, dans sa décision du 24 mars 2015 ( 10 ), la Commission avait rejeté un coefficient d’utilisation de la capacité applicable de 100 % ou plus pour trois autres installations allemandes, il convenait désormais de se fonder sur un coefficient d’utilisation de la capacité applicable de 99,9 %, et non de 109 %. Sur ce fondement, elle a, par décision du 1er septembre 2015, déterminé le nombre de quotas d’émission à titre gratuit alloués à Ingredion pour la période d’allocation allant de l’année 2013 à l’année 2020.

    20.

    La requérante au principal a formé opposition contre cette décision. Son opposition a été rejetée par décision du 7 juillet 2017, notifiée le 10 juillet 2017. La DEHSt a motivé ce rejet en invoquant, outre la décision de la Commission du 24 mars 2015, des documents d’orientation publiés par cette dernière ( 11 ).

    21.

    Par recours judiciaire formé le 9 août 2017 devant le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin), la requérante au principal a maintenu sa demande.

    22.

    Par décision du 28 janvier 2019, la DEHSt a retiré sa décision du 1er septembre 2015 dans la mesure où la demande d’allocation comportait une erreur de calcul en ce qui concernait la sous-installation avec référentiel de combustibles. Le 20 janvier 2019, Ingredion avait, en conséquence de cette erreur de calcul, adapté sa requête en justice.

    23.

    La juridiction de renvoi indique que la solution du litige porté devant elle dépend de la question de savoir si, en vertu de l’article 18, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la décision 2011/278, le coefficient d’utilisation de la capacité applicable peut atteindre une valeur supérieure ou égale à 100 %, pour les sous-installations avec référentiel de combustibles qui, comme celle d’Ingredion, appartiennent au régime des « nouveaux entrants ».

    24.

    En particulier, cette juridiction relève que le libellé de cette disposition ne fait pas mention d’une éventuelle limitation du coefficient d’utilisation de la capacité applicable à une valeur inférieure à 100 %. Elle constate que, dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, l’application d’un coefficient plus élevé découlerait d’informations étayées et vérifiées de manière indépendante, portant non seulement sur l’exploitation normale prévue de la sous-installation d’Ingredion, mais également sur son exploitation effective jusqu’à l’introduction de la demande. Elle ajoute que, à la différence des installations en place ( 12 ), la période de référence pour les nouveaux entrants correspond, conformément à l’article 17, paragraphe 4, de la décision 2011/278, aux 90 jours suivant le début de l’exploitation normale, et non à une période de quatre ans ( 13 ).

    25.

    Toutefois, ladite juridiction observe également qu’une comparaison avec les nouveaux entrants disposant de sous‑installations avec référentiel de produit révélerait que, pour ces dernières, le coefficient d’utilisation de la capacité standard qui leur est applicable, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, sous a), de cette décision, n’atteindrait, en aucun cas, une valeur de 100 % ( 14 ). Par ailleurs, l’allocation de quotas à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87 s’écarterait temporairement du principe de la mise aux enchères des quotas ( 15 ) consacré par cette directive, ce qui plaiderait en faveur d’une interprétation restrictive des dispositions pertinentes.

    26.

    Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

    « L’article 18, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, deuxième alinéa, de la décision [2011/278], lu en combinaison avec l’article 3, sous h), et l’article 10 bis de la directive [2003/87], doit-il être interprété en ce sens que le coefficient d’utilisation de la capacité applicable au niveau d’activité relatif aux combustibles est limité à une valeur inférieure à 100 % pour les nouveaux entrants ? »

    27.

    Ingredion, la République fédérale d’Allemagne et la Commission européenne ont déposé des observations écrites devant la Cour.

    28.

    Ingredion, la République fédérale d’Allemagne, le gouvernement allemand et la Commission ont été représentés lors de l’audience de plaidoiries, laquelle s’est tenue le 12 mars 2020.

    IV. Analyse

    A.   Considérations liminaires

    29.

    La présente demande de décision préjudicielle invite essentiellement la Cour à déterminer si, dans le cadre du régime d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit aux « nouveaux entrants », le coefficient d’utilisation de la capacité applicable peut, en ce qui concerne une sous-installation avec référentiel de combustibles, être supérieur ou égal à une valeur de 100 %. Le cas échéant, ce coefficient permettrait, lorsque l’utilisation effective de la capacité de cette sous-installation dépasse sa capacité installée initiale, de bénéficier d’un nombre plus important de quotas gratuits.

    30.

    Je rappelle que ledit coefficient permet, lorsqu’il est multiplié par la capacité installée initiale d’une sous-installation avec référentiel de combustibles, de calculer le niveau d’activité relatif aux combustibles. Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, sous c), de la décision 2011/278, le nombre annuel provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit est ensuite déterminé en multipliant ce niveau d’activité par la valeur du référentiel correspondant.

    31.

    À cet égard, je constate que, si le coefficient d’utilisation de la capacité applicable est, conformément à l’article 18, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la décision 2011/278, « déterminé par les États membres sur la base d’informations dûment étayées et vérifiées de manière indépendante [...] par rapport aux données sectorielles spécifiques », cette disposition ne prévoit en revanche pas de limitation explicite de la valeur de ce coefficient.

    32.

    Dans leurs observations écrites et lors de l’audience devant la Cour, les parties ont également fait part de ce constat. Elles ont, en substance, soutenu trois thèses différentes, lesquelles peuvent être résumées dans les termes suivants.

    33.

    Premièrement, Ingredion a considéré que le coefficient d’utilisation de la capacité applicable peut être ajusté à une valeur supérieure à 100 % lorsque, sur une période allant au-delà de celle de 90 jours à compter du début de l’exploitation normale de l’installation, l’utilisation effective de la capacité de sa sous-installation avec référentiel de combustibles dépasse sa capacité installée initiale ( 16 ).

    34.

    Deuxièmement, la République fédérale d’Allemagne et le gouvernement allemand ont estimé, en substance, que la question de savoir si ce coefficient est limité ou non à une valeur inférieure à 100 % dépend essentiellement de la marge d’appréciation dont disposent les États membres, au titre de l’article 18, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la décision 2011/278, pour déterminer ledit coefficient ( 17 ).

    35.

    Troisièmement, la Commission a fait valoir que, conformément à l’article 3, sous i), et à l’article 20 de cette décision, seules les extensions significatives de capacité, c’est-à-dire les extensions d’au moins 10 % par rapport à la capacité installée initiale, pouvaient aboutir à une modification du nombre de quotas gratuits provisoirement alloués à un nouvel entrant. Le fait que le coefficient d’utilisation de la capacité applicable puisse être utilisé aux fins de tenir compte d’extensions, qui, comme dans le cas d’Ingredion, ne dépassent pas ce seuil de 10 % et ne relèvent donc pas du mécanisme prévu par ces dispositions, serait contraire à l’économie et aux objectifs de ladite décision. En outre, pour les sous-installations avec référentiel de produit relevant du régime applicable aux « nouveaux entrants », la valeur du coefficient d’utilisation de la capacité standard serait toujours inférieure à 100 %. Compte tenu du principe de l’égalité de traitement entre les « nouveaux entrants », il devrait en aller de même s’agissant du coefficient d’utilisation de la capacité applicable, pour les sous-installations avec référentiel de combustibles.

    36.

    D’emblée, je signale que les préoccupations exprimées par Ingredion me paraissent être essentiellement tirées de la durée, selon elle trop courte, de la période de référence utilisée pour calculer la capacité installée initiale. Je rappelle que, en vertu de l’article 17, paragraphe 4, de la décision 2011/278, cette période correspond aux 90 jours suivant le début de l’exploitation normale de l’installation ( 18 ).

    37.

    En ce qui concerne la détermination du coefficient d’utilisation de la capacité applicable, le droit allemand permet que soit prise en compte l’exploitation effective de l’installation jusqu’à l’introduction de la demande d’allocation ( 19 ). Ingredion estime, en substance, que la valeur de ce coefficient doit dès lors refléter l’utilisation effective de la capacité de la sous-installation, telle qu’elle apparaîtrait au terme de cette période (dans le cas d’Ingredion, entre le 15 août 2013 et le 20 juin 2014), le cas échéant, au moyen d’une valeur supérieure à 100 %, lorsque cette utilisation dépasse la capacité installée initiale.

    38.

    J’exposerai, dans les sections qui suivent, les raisons pour lesquelles j’estime, contrairement à Ingredion, que la limitation du coefficient d’utilisation de la capacité applicable à une valeur inférieure à 100 % est nécessaire au regard, premièrement, du libellé et du contexte de l’article 18, paragraphe 2, premier alinéa, de la décision 2011/278, qui concerne le coefficient de la capacité standard applicable aux sous-installations avec référentiel de produit (section B), deuxièmement, de l’économie générale de cette décision (section C) et, troisièmement, de la finalité globale et des objectifs du régime d’allocation provisoire de quotas gratuits (section D).

    39.

    À titre subsidiaire, je formulerai quelques remarques concernant la marge d’appréciation dont disposent les États membres en vertu de l’article 18, paragraphe 2, deuxième alinéa, de ladite décision, afin de répondre aux arguments de la République fédérale d’Allemagne et du gouvernement allemand (section E).

    B.   Interprétation au regard du libellé et du contexte de l’article 18, paragraphe 2, premier alinéa, de la décision 2011/278

    40.

    Je constate que, aux termes de l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, premier alinéa, de la décision 2011/278, la formule de calcul applicable aux fins de déterminer le niveau d’activité des sous-installations avec référentiel de produit diffère de celle applicable pour les sous-installations avec référentiel de chaleur, de combustibles ou émissions de procédé ( 20 ). En effet, dans le cas des sous-installations avec référentiel de produit, le coefficient d’utilisation de la capacité applicable n’est pas pertinent et il y a lieu de se fonder sur le coefficient d’utilisation de la capacité standard, dont la valeur est déterminée par la Commission, de manière concrète et précise ( 21 ).

    41.

    À cet égard, j’observe, ainsi que l’a d’ailleurs relevé la juridiction de renvoi, que, aux termes de la décision 2013/447, dans laquelle ce coefficient a été fixé pour les années 2013 à 2020, les valeurs sont, pour chacun des cas envisagés, inférieures à 1 (et donc à 100 %) ( 22 ).

    42.

    J’avoue éprouver des difficultés à concevoir que le coefficient utilisé pour déterminer le niveau d’activité applicable aux nouveaux entrants et, à terme, le nombre de quotas provisoires à allouer à ces derniers, puisse, dans le cas des sous-installations avec référentiel de combustibles, être supérieur à une valeur de 100 %, alors qu’une telle possibilité est exclue pour les sous-installations avec référentiel de produit.

    43.

    En effet, d’une part, je considère que le principe de l’égalité de traitement entre les nouveaux entrants, consacré en substance au considérant 36 de la décision 2011/278 ( 23 ), requiert, comme le soutient la République fédérale d’Allemagne, que les limites imposées à la valeur du coefficient utilisé pour déterminer le niveau d’activité soient les mêmes pour tous les « nouveaux entrants ».

    44.

    D’autre part, il ressort de la lecture combinée des définitions données à l’article 3, sous b) à d) et h), de la décision 2011/278 que la méthode de calcul définie à l’article 18, paragraphe 2, premier alinéa, de cette décision, pour les installations avec référentiel de produit, doit être considérée comme étant la plus précise. Comme l’a expliqué la Commission, le coefficient d’utilisation de la capacité applicable n’est utilisé que lorsqu’il n’a pas été possible de calculer un référentiel de produit ( 24 ).

    45.

    Cette interprétation est corroborée par la hiérarchie entre les différents référentiels susceptibles de s’appliquer à une sous-installation donnée, laquelle est expressément envisagée au considérant 12 de la décision 2011/278. Ce considérant dispose que les méthodes d’allocation de quotas gratuits applicables aux sous-installations avec référentiel de chaleur ou de combustibles ou émissions de procédé constituent « trois options de repli » pour les cas où il n’a pas été possible de calculer un référentiel de produit.

    46.

    Ainsi, il me paraît que, si le coefficient d’utilisation de la capacité standard est, aux termes de la décision 2013/447, inférieur à 1 (ou 100 %), tel doit également être le cas s’agissant du coefficient d’utilisation de la capacité applicable, pour les sous-installations avec référentiel de combustibles. Cette limitation est, selon moi, nécessaire afin de garantir l’égalité de traitement s’agissant de l’ensemble des nouveaux entrants et de respecter la hiérarchie entre ces référentiels ( 25 ).

    C.   Interprétation à la lumière de l’économie générale de la décision 2011/278

    47.

    La limitation du coefficient d’utilisation de la capacité applicable à une valeur inférieure à 100 % me semble par ailleurs nécessaire au regard de l’économie générale de la décision 2011/278 et des différentes méthodes de calcul prévues par cette décision, en matière d’allocation provisoire de quotas gratuits, pour les « installations en place » ( 26 ) et pour les « installations ayant fait l’objet d’une extension significative de capacité » ( 27 ).

    1. Sur le régime applicable aux « installations en place »

    48.

    En ce qui concerne les « installations en place », je relève que celles-ci font l’objet d’un régime distinct de celui applicable aux « nouveaux entrants ». Dans les cas où il convient de leur appliquer un référentiel de combustibles, le nombre annuel provisoire de quotas gratuits correspond, ainsi qu’il ressort de l’article 10, paragraphe 2, sous b), ii), de la décision 2011/278, à la valeur du référentiel de combustibles multipliée par le niveau d’activité historique relatif aux combustibles pour les combustibles consommés. Ce niveau d’activité correspond, en substance, à la valeur médiane de la consommation annuelle historique de combustibles utilisés pour un certain nombre de productions ( 28 ), au cours d’une période de référence allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008 ou du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ( 29 ).

    49.

    J’observe que cette période de référence (de deux à quatre ans) est bien plus longue que celle de 90 jours, fixée par cette décision, aux fins de déterminer la capacité installée initiale des nouveaux entrants. En outre, comme le relève à juste titre la Commission, le calcul du niveau d’activité des installations en place est effectué sans qu’intervienne un coefficient comparable à ceux applicables aux nouveaux entrants.

    50.

    Dans ce contexte, on peut s’interroger sur le rôle joué par le coefficient d’utilisation de la capacité applicable, en ce qui concerne les sous-installations avec référentiel de combustibles qui relèvent du régime des « nouveaux entrants ». Vise-t-il, comme le soutient Ingredion, à compenser la durée relativement plus courte de la période de référence utilisée pour calculer la capacité installée initiale de ces sous-installations ? ( 30 )

    51.

    J’estime qu’il convient de répondre à cette question par la négative.

    52.

    Certes, la durée variable des périodes de référence prises en compte pour les installations en place et les nouveaux entrants entraîne une probabilité plus importante pour ces derniers que pour les installations en place que la capacité installée initiale de ses sous-installation ne soit pas représentative de l’utilisation effective de leur capacité. Selon l’approche préconisée par Ingredion, ce risque pourrait être partiellement compensé par la prise en compte, au stade de la détermination du coefficient d’utilisation de la capacité applicable, de données issues d’une période plus longue, allant jusqu’à la date d’introduction de la demande d’allocation, lesquelles permettraient, le cas échéant, d’augmenter le niveau d’activité des sous-installations et, par conséquent, le nombre de quotas alloués à titre gratuit.

    53.

    Toutefois, il me semble que, même en reflétant, dans la valeur du coefficient d’utilisation de la capacité applicable, l’utilisation effective de chaque sous-installation entre la fin de la période de référence de 90 jours et l’introduction de la demande d’allocation de quotas, les données recueillies en ce qui concerne les nouveaux entrants ne pourraient s’étendre sur une période égale à celle relative aux données historiques ( 31 ) des installations en place. En effet, dès lors que l’article 3, sous h), de la directive 2003/87 prévoit que la notion de « nouvel entrant » englobe notamment toutes les installations ayant obtenu l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serre pour la première fois après le 30 juin 2011, il est tout simplement impossible, au moment de l’introduction de la demande d’allocation, de leur appliquer une période de référence aussi longue que pour les installations en place.

    54.

    Par ailleurs et surtout, l’article 17, paragraphe 4, de la décision 2011/278, aux termes duquel est prévue la courte période de référence de 90 jours, ne laisse aucune place à l’ambiguïté. La Commission a précisé qu’elle était consciente, au moment de l’adoption de cette décision, que l’exploitation normale prévue des installations ou sous-installations nouvellement mises en service ne serait pas encore atteinte à la date à laquelle cette période débuterait. Elle a ajouté, à juste titre, que la possibilité que l’utilisation effective de la capacité de l’installation ou sous-installation excède la capacité installée initiale utilisée pour déterminer le nombre provisoire de quotas gratuits alloués aux « nouveaux entrants » avait été « sciemment acceptée » ( 32 ) lors de l’adoption de la décision 2011/278, puisque celle-ci prévoyait, à son article 3, sous n), que cette période de référence commençait à courir dès le moment où l’installation atteignait 40 % de la capacité pour laquelle elle était conçue.

    55.

    Compte tenu de ces éléments, j’estime, à l’instar de la République fédérale d’Allemagne, qu’une majoration du coefficient d’utilisation de la capacité applicable à une valeur supérieure ou égale à 100 %, dans les cas où l’utilisation effective de la capacité d’une sous-installation telle que celle exploitée par Ingredion atteindrait ou dépasserait sa capacité installée initiale, irait à l’encontre du choix délibéré du législateur de limiter la période de référence, utilisée aux fins de déterminer cette capacité installée initiale, aux 90 jours suivant le début de l’exploitation normale de l’installation. Une telle majoration reviendrait, in fine, à contredire le libellé de l’article 17, paragraphe 4, de cette décision, lu en combinaison avec son article 3, sous n), puisqu’elle conduirait au même résultat qu’une augmentation de ladite capacité.

    56.

    J’ajoute que, ainsi que l’ont fait valoir la République fédérale d’Allemagne et la Commission, toute différence de traitement entre les installations en place et les nouveaux entrants me paraît, en tout état de cause, objectivement justifiée ( 33 ), dès lors que le nombre annuel provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit est fonction non pas des émissions réelles du bénéficiaire, mais bien des « référentiels » théoriques calculés par la Commission à partir des émissions des 10 % d’installations les plus efficaces, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 2003/87.

    57.

    Ainsi, quel que soit le régime dont relève une sous-installation (à savoir, le régime applicable aux installations en place ou le régime applicable aux nouveaux entrants), le nombre provisoire de quotas gratuits est tributaire de ces référentiels théoriques, qui sont les mêmes pour les installations en place que pour les nouveaux entrants. Les différences liées aux autres éléments intervenant dans ce calcul proviennent du manque de données historiques fiables et pérennes pour les installations nouvellement mises en service, et de la nécessité de se fonder, par conséquent, sur une estimation de leur niveau d’activité, aux fins de déterminer le nombre provisoire de quotas dont elles peuvent bénéficier à titre gratuit.

    58.

    À cet égard, il me faut également souligner que les articles 20 et 21 de la décision 2011/278 prévoient déjà d’appliquer la même formule de calcul aux installations en place et aux installations mises en service après le 30 juin 2011 ( 34 ), pour autant que celles-ci aient fait l’objet d’une modification significative de leur capacité, c’est-à-dire qu’elles aient connu « une extension significative de capacité ou une réduction significative de capacité » ( 35 ).

    59.

    Ainsi, même s’il existe un risque plus important, assumé par le législateur, que le niveau d’activité ne soit pas représentatif de l’utilisation effective de la capacité pour les nouveaux entrants que pour les installations en place, tout écart de plus de 10 % peut, à terme, être pris en compte, eu égard à l’article 20 de la décision 2011/278 ( 36 ). Dans ce cas, une période de six mois, et non uniquement de 90 jours, a d’ailleurs été expressément retenue par le législateur pour déterminer la capacité ajoutée ( 37 ).

    60.

    En conséquence, j’estime qu’il ne saurait être déduit d’un examen comparatif des régimes applicables aux installations en place et aux nouveaux entrants que le coefficient d’utilisation de la capacité applicable devrait être, lorsque l’utilisation effective de la capacité d’une sous-installation avec référentiel de combustibles atteint ou dépasse sa capacité installée initiale, d’une valeur égale ou supérieure à 100 %. Au contraire, la volonté expresse du législateur de restreindre la période de référence, pour les nouveaux entrants, aux 90 jours suivant le début de l’exploitation normale de l’installation plaide, à mes yeux, et ainsi que je l’ai indiqué au point 55 des présentes conclusions, en faveur d’une limitation de la valeur de ce coefficient en-deçà de ce pourcentage.

    2. Sur le régime applicable aux « installations ayant fait l’objet d’une extension significative de capacité »

    61.

    Je considère en outre que serait contraire au mécanisme prévu à l’article 20 de la décision 2011/278 le fait que le coefficient d’utilisation de la capacité applicable puisse, s’agissant de sous-installations avec référentiel de combustibles qui relèvent du régime applicable aux « nouveaux entrants », atteindre ou dépasser une valeur de 100 %, lorsque l’extension de la capacité demeure inférieure au seuil de 10 % fixé à cette disposition.

    62.

    Je rappelle à cet égard que, selon l’article 20 de la décision 2011/278, le nombre de quotas d’émission à allouer à titre gratuit pour tenir compte de l’extension significative de capacité d’une installation dépend, ainsi que l’a souligné la République fédérale d’Allemagne, des deux conditions prévues à l’article 3, sous i), de cette décision.

    63.

    Ainsi, d’une part, il doit se produire une ou plusieurs modifications physiques identifiables, ayant trait à la configuration technique et à l’exploitation de la sous-installation, autres que le simple remplacement d’une chaîne de production existante. D’autre part, la sous-installation doit pouvoir être exploitée à une capacité supérieure d’au moins 10 % à sa capacité installée initiale avant la modification ou avoir un niveau d’activité nettement supérieur entraînant une allocation supplémentaire de quotas d’émission de plus de 50000 quotas par an.

    64.

    De surcroît, au titre de l’article 20, paragraphe 2, de la décision 2011/278, « les États membres exigent de l’exploitant qu’il transmette, avec sa demande, des données démontrant que les critères retenus pour définir une extension significative de capacité sont remplis ».

    65.

    Dans ces conditions, je considère que, si, comme le prétend Ingredion, le coefficient d’utilisation de la capacité applicable pouvait atteindre une valeur supérieure à 100 %, afin de refléter, comme dans le cas de sa sous-installation, une utilisation effective accrue de 9 % par rapport à la capacité installée initiale ( 38 ), une telle possibilité irait à contre-courant de la volonté expresse du législateur de ne permettre un ajustement du nombre de quotas alloués que dans les cas où l’extension est significative, c’est-à-dire d’au moins 10 % par rapport à la capacité installée initiale.

    66.

    Cette intention du législateur me semble être clairement inscrite au considérant 35 de la décision 2011/278, lequel prévoit que « [l]es investissements concernant des extensions significatives de capacité permettant d’accéder à la réserve pour les nouveaux entrants [...] doivent être non équivoques et d’une certaine envergure afin d’éviter l’épuisement rapide de la réserve de quotas d’émission créée pour les nouveaux entrants, les distorsions de concurrence, ainsi que toute charge administrative indue, et afin de garantir des conditions équitables pour les installations dans les différents États membres » ( 39 ).

    67.

    J’ajoute que, lors de l’audience devant la Cour, la Commission a confirmé que le coefficient d’utilisation de la capacité applicable ne devait pas servir à tenir compte d’éventuelles extensions de la capacité de l’installation, celles-ci étant déjà couvertes par le mécanisme spécifique, et les limites, prévues à l’article 20 de la décision 2011/278.

    68.

    Compte tenu des éléments qui précèdent, je me rallie à cette position.

    3. Conclusion intermédiaire

    69.

    J’estime, eu égard aux régimes applicables aux « installations en place » et aux « installations ayant fait l’objet d’une extension significative de leur capacité », que le coefficient d’utilisation de la capacité applicable doit, conformément à l’économie générale de la décision 2011/278, être limité à une valeur inférieure à 100 % ( 40 ).

    70.

    Dans la section qui suit, j’analyserai pourquoi les objectifs du régime d’allocation provisoire de quotas d’émission à titre gratuit, prévu par la décision 2011/278 et par la directive 2003/87, me semblent également intervenir au soutien de la limitation du coefficient d’utilisation de la capacité applicable à une valeur inférieure à 100 %.

    D.   Interprétation au regard de la finalité globale et des objectifs du régime d’allocation provisoire de quotas gratuits

    71.

    Je rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ( 41 ).

    72.

    En ce qui concerne la finalité globale et les objectifs du régime d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit mis en place à l’article 10 bis de la directive 2003/87 et par la décision 2011/278, j’observe que ce régime déroge au principe de la mise aux enchères des quotas, que le législateur a considéré comme étant généralement « le système le plus simple et le plus efficace du point de vue économique » ( 42 ), au regard de l’objectif de « réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes », énoncé à l’article 1er de la directive 2003/87 ( 43 ).

    73.

    Dans ce contexte, la quantité de quotas d’émission alloués à titre gratuit est, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 11, de cette directive, réduite graduellement au cours de la période allant de l’année 2013 à l’année 2020, en vue de parvenir à la suppression totale de ces quotas gratuits d’ici à l’année 2027 ( 44 ). L’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, aux fins de tendre vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre, est donc progressivement appelée à reposer exclusivement sur le principe de la mise aux enchères.

    74.

    Aux fins de la mise en œuvre de cet objectif, le considérant 36 de la décision 2011/278 souligne le nombre limité de quotas disponibles dans la réserve pour les nouveaux entrants ( 45 ). Par ailleurs, l’article 10 bis, paragraphe 7, premier alinéa, seconde phrase, de la directive 2003/87, prévoit que les quotas d’émission réservés aux nouveaux entrants qui ne sont pas délivrés sont mis aux enchères par les États membres.

    75.

    À cet égard, la Commission a également précisé que si, en adoptant la décision 2011/278, elle n’avait pas fait le choix de compenser l’utilisation accrue de la capacité d’une sous-installation par rapport à sa capacité installée initiale en adaptant la valeur du coefficient d’utilisation de la capacité applicable à une valeur supérieure à 100 %, c’était précisément afin d’inciter, dans une telle situation, l’utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou, le cas échéant, l’acquisition d’un nombre équivalent de quotas d’émission, conformément au système d’échange.

    76.

    Compte tenu de ces éléments, il ne fait guère de doutes, à mes yeux, que la finalité globale et les objectifs du régime d’allocation de quotas d’émission à titre gratuit requièrent, de même que les indications fournies à l’article 18, paragraphe 2, premier alinéa, et l’économie générale de la décision 2011/278, que le coefficient d’utilisation de la capacité applicable soit strictement limité à une valeur inférieure à 100 % ( 46 ).

    E.   À titre subsidiaire, sur la marge d’appréciation des États membres

    77.

    Pour les raisons que j’ai précédemment exposées, je considère que la question de savoir si, pour les sous-installations avec référentiel de combustibles qui relèvent du régime applicable aux « nouveaux entrants », le coefficient d’utilisation de la capacité applicable est limité à une valeur inférieure à 100 % doit être résolue au moyen d’une interprétation contextuelle et téléologique, reposant sur l’économie générale de la décision 2011/278 et la finalité globale et des objectifs du régime d’allocation provisoire de quotas gratuit. Cette question ne relève donc pas, comme le soutiennent la République fédérale d’Allemagne et le gouvernement allemand, de la marge d’appréciation dont les États membres disposent, en vertu de l’article 18, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la décision 2011/278.

    78.

    À cet égard, je rappelle, dans un souci d’exhaustivité, que, en ce qui concerne l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, le législateur a insisté, à l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87, sur l’impératif d’harmonisation complète, en prévoyant que « la Commission arrête des mesures d’exécution pleinement harmonisées à l’échelle communautaire relatives à l’allocation harmonisée des quotas ».

    79.

    Ainsi que je l’ai précédemment indiqué dans mes conclusions dans l’affaire INEOS Köln ( 47 ), c’est sur cette base que la Commission a adopté la décision 2011/278 et il ne fait guère de doute, à mes yeux, que cette décision, lue conjointement avec l’article 10 bis de la directive 2003/87, procède à une harmonisation exhaustive des aspects matériels de l’allocation de quotas gratuit ( 48 ).

    80.

    En particulier, aux termes de l’article 19, paragraphe 4, second alinéa, de cette décision, il est prévu que la Commission peut rejeter la quantité annuelle totale provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit à un nouvel entrant.

    81.

    Dès lors, il me semble que, quand bien même la Cour déciderait de considérer, à l’instar de la République fédérale d’Allemagne et du gouvernement allemand, et contrairement à l’approche que je préconise, que les États membres demeurent libres, dans les limites posées à l’article 18, paragraphe 2, deuxième alinéa, de ladite décision, d’établir le coefficient d’utilisation de la capacité applicable à une valeur supérieure à 100 %, il ne saurait être reproché à ces derniers de se rallier à la position de la Commission, y compris lorsqu’elle résulte de l’application de la même décision dans le contexte d’installations spécifiques (comme c’est le cas dans les circonstances de l’affaire au principal ( 49 )), pour autant qu’ils puissent anticiper que cette position vaudra également à l’égard d’autres installations.

    V. Conclusion

    82.

    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne) :

    L’article 18, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, deuxième alinéa, de la décision 2011/278/UE de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, lu en combinaison avec l’article 3, sous h), et l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, doit être interprété en ce sens que le coefficient d’utilisation de la capacité applicable au niveau d’activité relatif aux combustibles est limité à une valeur inférieure à 100 % pour les nouveaux entrants.


    ( 1 ) Langue originale : le français.

    ( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (JO 2009, L 140, p. 63) (ci-après la directive 2003/87).

    ( 3 ) Décision de la Commission du 27 avril 2011 définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 130, p. 1).

    ( 4 ) Je rappelle que la notion de « nouvel entrant » est définie, à l’article 3, sous h), de la directive 2003/87, comme incluant notamment toute « installation [...] qui a obtenu une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre pour la première fois après le 30 juin 2011 ». Les dispositions relatives aux « nouveaux entrants » font l’objet du chapitre IV de la décision 2011/278.

    ( 5 ) En matière de quotas d’émission de gaz à effet de serre, j’ai notamment déjà eu l’occasion de rendre mes conclusions dans les affaires INEOS Köln (C‑572/16, EU:C:2017:896), et ExxonMobil Production Deutschland (C‑682/17, EU:C:2019:167).

    ( 6 ) Je constate que, dans la décision 2011/278, le terme « sous-installation », et non « élément d’allocation », est utilisé. De même, c’est le terme « référentiel de combustibles », et non « valeur d’émission de combustible » qui est employé dans cette décision. Dans la suite des présentes conclusions, je me référerai uniquement aux termes de ladite décision, dès lors que leur interprétation vaut également en ce qui concerne ceux utilisés dans la ZuV 2020.

    ( 7 ) Les produits amylacés regroupent l’ensemble des produits agroalimentaires qui contiennent de l’amidon.

    ( 8 ) Ainsi que je l’ai relevé dans mes conclusions dans l’affaire INEOS Köln (C‑572/16, EU:C:2017:896, point 58 et note en bas de page 35), en substance, « [l]es référentiels représentent une certaine quantité d’émissions [...] que la Commission reconnaît comme nécessaire pour la fabrication d’une certaine quantité du produit concerné » (voir conclusions de l’avocat général Kokott dans les affaires Borealis Polyolefine e.a., C‑191/14, C‑192/14, C‑295/14, C‑389/14 et C‑391/14 à C‑393/14, EU:C:2015:754, point 40). Aux fins de calculer le nombre annuel provisoire de quotas à allouer à titre gratuit, les États membres sont tenus de distinguer, conformément à l’article 6 de la décision 2011/278, les sous-installations en fonction de leur activité, afin de pouvoir déterminer s’il convient d’appliquer un « référentiel de produit », un « référentiel de chaleur » ou un « référentiel de combustibles » ou encore un facteur spécifique pour les « sous-installations avec émission de procédé » (voir arrêts du 8 septembre 2016, Borealis e.a., C‑180/15, EU:C:2016:647, point 61, ainsi que du 18 janvier 2018, INEOS, C‑58/17, EU:C:2018:19, point 28). À cet égard, la Cour a déjà relevé que les définitions, figurant à l’article 3 de la décision 2011/278, des sous-installations avec référentiel de produit, de chaleur, de combustibles et avec émissions de procédé étaient mutuellement exclusives (voir arrêt du 8 septembre 2016, Borealis e.a., C‑180/15, EU:C:2016:647, point 62).

    ( 9 ) En ce qui concerne la capacité installée initiale, je rappelle que l’article 17, paragraphe 4, de la décision 2011/278 dispose, en substance, que pour les installations visées à l’article 3, sous h), de la directive 2003/87, c’est-à-dire les nouveaux entrants, à l’exception des installations qui ont fait l’objet d’une extension significative après le 30 juin 2011, la capacité installée initiale de chaque sous-installation est déterminée en utilisant comme référence « la période continue de [90] jours servant de base pour déterminer le début de l’exploitation normale » (voir, également, point 8 des présentes conclusions).

    ( 10 ) Décision C(2015) 1733 final, du 24 mars 2015, concernant la quantité totale provisoire de quotas d’émission, tirés de la réserve pour les nouveaux entrants, à allouer à titre gratuit aux installations allemandes immatriculées DE000000000001744, DE000000000201341 et DE000000000203762.

    ( 11 ) Ces documents, intitulés « Guidance Document no 2 on the harmonized free allocation methodology for the EU-ETS post 2012 (Guidance on allocation methodologies) » [document d’orientation no 2 sur la méthode harmonisée d’allocation à titre gratuit dans l’Union européenne après 2012 (guide des méthodologies d’allocation)] et « Frequently Asked Questions on New Entrants & Closures Applications » [Questions fréquemment posées sur les demandes relatives aux nouveaux entrants et aux fermetures], sont accessibles sur le site Internet de la Commission, à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/clima/policies/ets/allowances_en#tab-0-1

    ( 12 ) Aux termes de l’article 3, sous a), de la décision 2011/278, les « installations en place » sont définies comme « toute installation [...] qui i) a obtenu une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre avant le 30 juin 2011 ; ou ii) est effectivement en activité, a obtenu toutes les autorisations environnementales pertinentes, [...] le cas échant, au plus tard le 30 juin 2011, et remplissait à cette date tous les autres critères définis dans l’ordre juridique interne de l’État membre concerné [...] ».

    ( 13 ) Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la décision 2011/278, « dans le cas des installations en place, les États membres déterminent les niveaux d’activité historiques de chaque installation pour la période de référence du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008 ou, si ces niveaux sont plus élevés, pour la période de référence du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ».

    ( 14 ) Les valeurs du coefficient d’utilisation de la capacité standard sont fixées conformément à l’annexe de la décision 2013/447/UE de la Commission, du 5 septembre 2013, relative au coefficient d’utilisation de la capacité standard visé à l’article 18, paragraphe 2, de la décision 2011/278/UE (JO 2013, L 240, p. 23).

    ( 15 ) Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2003/87, intitulé « Mise aux enchères des quotas », il est notamment prévu que, pour les activités visées à l’annexe I de cette directive, autres que les activités aériennes, les États membres mettent aux enchères, à compter de l’année 2013, « l’intégralité des quotas qui ne sont pas délivrés à titre gratuit conformément aux articles 10 bis et 10 quater ».

    ( 16 ) Lors de l’audience devant la Cour, Ingredion a précisé que sa position était non pas que la capacité maximale d’une sous-installation devait être prise comme référence, mais que le coefficient de la capacité applicable devait refléter l’utilisation effective de la capacité de cette sous-installation.

    ( 17 ) Pour être complet, j’ajoute que, dans ses observations écrites, la République fédérale d’Allemagne a fait valoir que tant la position d’Ingredion que celle de la Commission étaient compatibles avec la directive 2003/87 et avec la décision 2011/278. Elle a cependant souligné que les États membres étaient en droit de se fonder sur des décisions définitives de la Commission, concernant l’allocation provisoire de quotas gratuits à d’autres installations situées sur leur territoire, et que la DEHSt pouvait, eu égard à la décision C(2015) 1733 final de la Commission, du 24 mars 2015, refuser d’appliquer un coefficient d’utilisation de la capacité applicable d’une valeur supérieure ou égale à 100 %.

    ( 18 ) Je précise que, dans ses observations écrites, la République fédérale d’Allemagne a également souligné que l’argument principal à l’encontre d’une limitation du coefficient d’utilisation de la capacité applicable était que « la capacité installée initiale, déterminée conformément à l’article 17, paragraphe 4, de la décision 2011/278, n’[était] pas toujours représentative de la capacité de l’installation, en raison de la courte période de 90 jours ».

    ( 19 ) L’article 17, paragraphe 2.1, de la ZuV 2020 prévoit que, pour les sous-installations implantées sur le territoire allemand, le coefficient de la capacité applicable est déterminé sur la base d’informations concernant, notamment, l’exploitation effective de la sous-installation jusqu’à l’introduction de la demande d’allocation, ainsi que l’exploitation prévue de l’installation ou de la sous-installation, leurs périodes de maintenance et de cycles de production prévus. Lors de l’audience devant la Cour, la République fédérale d’Allemagne a souligné que, dans la mesure où les demandes d’allocation de quotas gratuits n’étaient souvent introduites par les nouveaux entrants qu’au bout d’un an d’utilisation de la sous-installation, il était possible, aux termes de la ZuV 2020, d’utiliser le coefficient d’utilisation de la capacité applicable aux fins de rectifier d’éventuelles inexactitudes dans les données recueillies au cours de la période de référence, en s’appuyant sur d’autres données s’échelonnant jusqu’à la date d’introduction de la demande. Toutefois, la Commission a indiqué que ces données complémentaires n’étaient pas indispensables pour l’allocation de quotas à titre gratuit aux nouveaux entrants, de sorte qu’il n’y avait pas lieu, pour les autorités nationales de tous les États membres, d’en tenir compte.

    ( 20 ) Concernant la pertinence et l’articulation de ces différents référentiels, je renvoie à la note en bas de page 8 des présentes conclusions.

    ( 21 ) Je rappelle en outre que, selon l’article 18, paragraphe 2, premier alinéa, de la décision 2011/278, le coefficient d’utilisation de la capacité standard, qui s’applique aux sous-installations avec référentiel de produit, correspond au « quatre-vingtième percentile des coefficients annuels moyens d’utilisation de la capacité de toutes les installations fabriquant le produit concerné ».

    ( 22 ) Plus précisément, ces valeurs sont comprises entre 0,731 et 0,964.

    ( 23 ) Je précise que, selon le considérant 36 de la décision 2011/278, « [é]tant donné le nombre limité de quotas disponibles dans la réserve pour les nouveaux entrants, il convient, lorsqu’une quantité significative de ces quotas est délivrée à de nouveaux entrants, d’évaluer si un accès juste et équitable aux quotas restant dans la réserve est garanti » (souligné par mes soins).

    ( 24 ) Voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a. (C‑191/14, C‑192/14, C‑295/14, C‑389/14 et C‑391/14 à C‑393/14, EU:C:2016:311, point 68). L’interprétation retenue par la Commission me semble également être confirmée par le considérant 4 de la décision 2011/278, dont il ressort que « [d]ans la mesure du possible, la Commission a élaboré des référentiels de produit » (souligné par mes soins).

    ( 25 ) En particulier, dans la mesure où, conformément à la décision 2013/447, le coefficient d’utilisation de la capacité standard n’atteint, en aucun cas, une valeur de 1, il me semble que le coefficient d’utilisation de la capacité applicable doit également demeurer strictement inférieur à une valeur de 100 %.

    ( 26 ) Concernant la définition de la notion d’« installations en place », voir note en bas de page 12 des présentes conclusions.

    ( 27 ) Pour ce qui est des installations ayant fait l’objet d’une extension significative de capacité, je précise que celles-ci sont incluses dans la définition de « nouvel entrant », à l’article 3, sous h), de la directive 2003/87. En effet, est définie comme « nouvel entrant » non seulement « toute installation [...] qui a obtenu une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre pour la première fois après le 30 juin 2011 » (comme c’est du reste le cas de la sous-installation d’Ingredion faisant l’objet de l’affaire au principal), mais également « toute installation [...] qui a connu une extension importante après le 30 juin 2011, dans la mesure seulement où ladite extension est concernée ».

    ( 28 ) Les différentes productions pertinentes sont listées à l’article 9, paragraphe 4, de la décision 2011/278.

    ( 29 ) Ainsi que je l’ai déjà indiqué à la note en bas de page 9 des présentes conclusions, cette période (de deux à quatre ans) est définie à l’article 9, paragraphe 1, de la décision 2011/278.

    ( 30 ) À cet égard, je relève que, au titre de l’article 17 du règlement délégué (UE) 2019/331 de la Commission, du 19 décembre 2018, définissant des règles transitoires pour l'ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d'émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2019, L 59, p. 8), l’allocation de quotas gratuits aux « nouveaux entrants », pour la période comprise entre les années 2021 et 2030 (c’est-à-dire pour la quatrième période d’échanges), est effectuée sur la base du niveau d’activité historique, évalué au cours de la première année civile suivant le début de l'exploitation normale. Ainsi, pour les allocations à compter de l’année 2021, le coefficient d’utilisation de la capacité applicable et la période de référence de 90 jours ne sont plus pertinents.

    ( 31 ) Je rappelle que, selon l’article 7, paragraphe 1, de la décision 2011/278, pour chaque installation en place, les États membres « collectent auprès de l’exploitant, pour toutes les années de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008 ou, le cas échéant, du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, durant lesquelles l’installation a été en activité, l’ensemble des informations et des données utiles ».

    ( 32 ) Je précise que, en adoptant la décision 2011/278, la Commission a agi au titre de ses compétences d’exécution, conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87. À cet égard, je rappelle que, conformément à l’article 291, paragraphe 3, TFUE, lorsque la Commission adopte des actes d’exécution, le Parlement et le Conseil établissent au préalable les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par cette dernière. En outre, le Parlement peut s’opposer à de tels actes et la Commission est alors tenue de prendre en considération cette position, même si elle n’est pas tenue de l’accepter.

    ( 33 ) À cet égard, je rappelle que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 23).

    ( 34 ) Le paragraphe 1 des articles 20 et 21 de la décision 2011/278 prévoit, en substance, que, lorsqu’une installation a fait l’objet d’une extension ou d’une réduction signification de capacité après le 30 juin 2011, les États membres déterminent, à la demande de l’exploitant, le nombre de quotas d’émission à allouer à titre gratuit pour tenir compte de l’extension ou de la réduction. Dans ce cas, c’est la méthode définie à l’article 19 de cette décision, c’est-à-dire la méthode de calcul prévue pour les nouveaux entrants, qui s’applique.

    ( 35 ) Cette définition de la notion de « modification significative de capacité » ressort de l’article 3, sous k), de la décision 2011/278.

    ( 36 ) Certes, le mécanisme prévu à l’article 20 de la décision 2011/278 ne permet pas de rectifier a posteriori le nombre provisoire de quotas alloués à titre gratuit à une sous-installation, sur la base de la première demande introduite. Il est donc vrai, dans le cas des nouveaux entrants, qu’une éventuelle sous-estimation de la capacité applicable, lors de la première allocation, ne pourra pas être ultérieurement compensée. Toutefois, la Commission a précisé, lors de l’audience, que les nouveaux entrants pouvaient relever de cet article 20 dès l’année suivant cette première allocation, à condition qu’ils aient connu une extension significative de leur capacité.

    ( 37 ) Voir article 3, sous l), de la décision 2011/278. Je relève que, dans les circonstances de l’affaire au principal, Ingredion se fonde sur l’utilisation effective de sa sous-installation pour la période allant du 15 août 2013 au 20 juin 2014, soit une période de plus de dix mois. Elle prétend ainsi que, dans un cas où une sous-installation aurait une utilisation accrue de 9 % par rapport à sa capacité installée initiale, à l’issue de la période de référence de 90 jours et avant le dépôt de sa demande, le coefficient de la capacité applicable pourrait être adapté sur la base de données relatives à une période significativement plus longue (de quatre mois au moins) que celle applicable en cas d’extension significative de capacité (c’est-à-dire en cas d’extension de plus de 10 %).

    ( 38 ) Selon Ingredion, le coefficient d’utilisation de la capacité applicable devrait, dans ce cas, être corrélativement fixé à une valeur de 109 %.

    ( 39 ) Je rappelle, à cet égard, que conformément à l’article 19, paragraphe 4, de la décision 2011/278, les quotas d’émission de la réserve pour les nouveaux entrants sont alloués sur la base du « premier arrivé, premier servi ».

    ( 40 ) Voir, dans le même sens, « Guidance Document no 2 on the harmonized free allocation methodology for the EU-ETS post 2012 (Guidance on allocation methodologies) » [document d’orientation no 2 sur la méthode harmonisée d’allocation à titre gratuit dans l’Union européenne après 2012 (guide des méthodologies d’allocation), p. 32] et « Frequently Asked Questions on New Entrants & Closures Applications » (Questions fréquemment posées sur les demandes relatives aux nouveaux entrants et aux fermetures, p. 8), documents invoqués par la juridiction de renvoi, qui prévoient qu’aucune valeur du coefficient d’utilisation de la capacité applicable supérieure ou égale à 100 % ne doit être acceptée. À cet égard, je rappelle que, si ces documents ne sont pas juridiquement contraignants, ils constituent toutefois des indices supplémentaires de nature à éclairer l’économie générale de la directive 2003/87 et de la décision 2011/278 (voir, notamment, arrêts du 18 janvier 2018, INEOS, C‑58/17, EU:C:2018:19, point 41 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 mai 2020, Spenner, C‑189/19, EU:C:2020:381, point 49).

    ( 41 ) Voir arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland (C‑682/17, EU:C:2019:518, point 71 et jurisprudence citée).

    ( 42 ) Voir considérant 15 de la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la directive [2003/87] afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Je renvoie également à mes conclusions dans l’affaire ExxonMobil Production Deutschland (C‑682/17, EU:C:2019:167, point 69).

    ( 43 ) Voir arrêts du 12 avril 2018, PPC Power (C‑302/17, EU:C:2018:245, point 18), ainsi que du 17 mai 2018, Evonik Degussa (C‑229/17, EU:C:2018:323, point 41).

    ( 44 ) Voir arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland (C‑682/17, EU:C:2019:518, point 65 et jurisprudence citée).

    ( 45 ) À cet égard, je relève que, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 7, premier alinéa, première phrase, de la directive 2003/87, seuls 5 % de la quantité de quotas délivrée pour la période allant de l’année 2013 à l’année 2020 sont réservés aux nouveaux entrants et il s’agit d’un pourcentage maximal.

    ( 46 ) À cet égard, je rappelle que, dans mes conclusions dans l’affaire ExxonMobil Production Deutschland (C‑682/17, EU:C:2019:167, point 69), j’ai indiqué que toute restriction à l’allocation de quotas gratuits participe à la réalisation progressive du système de mise aux enchères intégrale des quotas voulue par le législateur.

    ( 47 ) C‑572/16, EU:C:2017:896, point 70.

    ( 48 ) Voir arrêt du 22 juin 2016, DK Recycling und Roheisen/Commission (C‑540/14 P, EU:C:2016:469, points 52 à 55).

    ( 49 ) Ainsi que je l’ai indiqué au point 19 des présentes conclusions, dans les circonstances de l’affaire au principal, la DEHSt a décidé de se fonder sur un coefficient d’utilisation de la capacité applicable de 99,9 %, dès lors que, dans sa décision du 24 mars 2015, la Commission avait rejeté un coefficient d’utilisation de la capacité applicable de 100 % ou plus pour trois autres installations allemandes.

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