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Document 62018CJ0786
Judgment of the Court (Third Chamber) of 11 June 2020.#ratiopharm GmbH v Novartis Consumer Health GmbH.#Request for a preliminary ruling from the Bundesgerichtshof.#Reference for a preliminary ruling – Protection of public health – Internal market – Medicinal products for human use – Directive 2001/83/EC – Advertising – Article 96 – Distribution of free samples of medicinal products to persons qualified to prescribe them – Pharmacists excluded from the distribution of free samples of medicinal products – Inapplicability to distribution of free samples of non-prescription medicinal products – Consequences for the Member States.#Case C-786/18.
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 11 juin 2020.
ratiopharm GmbH contre Novartis Consumer Health GmbH.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Protection de la santé publique – Marché intérieur – Médicaments à usage humain – Directive 2001/83/CE – Publicité – Article 96 – Distribution d’échantillons gratuits de médicaments soumis à prescription aux seules personnes habilitées à prescrire – Exclusion des pharmaciens du bénéfice de la distribution – Inapplicabilité à la distribution d’échantillons gratuits de médicaments non soumis à prescription – Conséquences pour les États membres.
Affaire C-786/18.
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 11 juin 2020.
ratiopharm GmbH contre Novartis Consumer Health GmbH.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.
Renvoi préjudiciel – Protection de la santé publique – Marché intérieur – Médicaments à usage humain – Directive 2001/83/CE – Publicité – Article 96 – Distribution d’échantillons gratuits de médicaments soumis à prescription aux seules personnes habilitées à prescrire – Exclusion des pharmaciens du bénéfice de la distribution – Inapplicabilité à la distribution d’échantillons gratuits de médicaments non soumis à prescription – Conséquences pour les États membres.
Affaire C-786/18.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:459
*A9* Bundesgerichtshof, I. Zivilsenat, Beschluss 31/10/2018 (I ZR 235/16)
*P1* Bundesgerichtshof, I. Zivilsenat, Beschluss 17/12/2020 (ECLI:DE:BGH:2020:171220UIZR235.16.0)
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
11 juin 2020 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Protection de la santé publique – Marché intérieur – Médicaments à usage humain – Directive 2001/83/CE – Publicité – Article 96 – Distribution d’échantillons gratuits de médicaments soumis à prescription aux seules personnes habilitées à prescrire – Exclusion des pharmaciens du bénéfice de la distribution – Inapplicabilité à la distribution d’échantillons gratuits de médicaments non soumis à prescription – Conséquences pour les États membres »
Dans l’affaire C‑786/18,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 31 octobre 2018, parvenue à la Cour le 14 décembre 2018, dans la procédure
ratiopharm GmbH
contre
Novartis Consumer Health GmbH,
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme L. S. Rossi, MM. J. Malenovský (rapporteur), F. Biltgen et N. Wahl, juges,
avocat général : M. G. Pitruzzella,
greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 novembre 2019,
considérant les observations présentées :
– |
pour ratiopharm GmbH, par Mes I.-M. Schulte-Franzheim et M. Viefhues, Rechtsänwalte, |
– |
pour Novartis Consumer Health GmbH, par Me D. Bruhn, Rechtsanwalt, |
– |
pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement hellénique, par Mmes V. Karra, Z. Chatzipavlou et E. Tsaousi, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme M. Russo, avvocato dello Stato, |
– |
pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent, |
– |
pour la Commission européenne, par MM. M. Noll-Ehlers et A. Sipos, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 janvier 2020,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 96, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (JO 2004, L 136, p. 34) (ci-après la « directive 2001/83 »). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ratiopharm GmbH à Novartis Consumer Health GmbH (ci-après « Novartis ») au sujet d’une demande de Novartis tendant à ce qu’il soit fait interdiction à ratiopharm de distribuer aux pharmaciens des échantillons gratuits de médicaments. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 |
Les considérants 2 à 4, 14, 45 à 47, 50 et 51 de la directive 2001/83 sont libellés comme suit :
[...]
[...]
[...]
|
4 |
L’article 1er de ladite directive énonce : « Aux fins de la présente directive, on entend par : [...]
[...]
[...] » |
5 |
En vertu de l’article 70, paragraphe 1, de la même directive : « Lorsqu’elles autorisent la mise sur le marché d’un médicament, les autorités compétentes précisent la classification du médicament en :
Elles appliquent à cette fin les critères énumérés à l’article 71, paragraphe 1. » |
6 |
Selon l’article 71 de la directive 2001/83 : « 1. Les médicaments sont soumis à prescription médicale lorsqu’ils :
ou
ou
ou
2. Lorsque les États membres prévoient la sous-catégorie des médicaments soumis à prescription médicale spéciale, ils tiennent compte des éléments suivants :
[...] » |
7 |
En vertu de l’article 72 de cette directive : « Les médicaments non soumis à prescription sont ceux qui ne répondent pas aux critères énumérés à l’article 71. » |
8 |
Le titre VIII de la directive 2001/83, intitulé « Publicité », comprend les articles 86 à 88 de celle-ci. |
9 |
L’article 86, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit : « Aux fins du présent titre, on entend par “publicité pour des médicaments” toute forme de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments ; elle comprend en particulier :
[...] » |
10 |
Aux termes de l’article 88 de la même directive : « 1. Les États membres interdisent la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments :
2. Les médicaments qui, par leur composition et leur objectif, sont destinés à être utilisés sans intervention d’un médecin pour le diagnostic, la prescription ou la surveillance du traitement, au besoin avec le conseil du pharmacien, et conçus dans cette optique, peuvent faire l’objet d’une publicité auprès du grand public. 3. Les États membres peuvent interdire sur leur territoire la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments qui sont remboursables. [...] 6. Les États membres interdisent la distribution directe des médicaments au public à des fins promotionnelles par l’industrie. » |
11 |
Le titre VIII bis de la directive 2001/83, intitulé « Information et publicité », comprend les articles 88 bis à 100 de celle-ci. |
12 |
L’article 89, paragraphe 1, de ladite directive prévoit : « Sans préjudice de l’article 88, toute publicité auprès du public faite à l’égard d’un médicament doit :
[...] » |
13 |
L’article 90 de la même directive dispose : « La publicité auprès du public faite à l’égard d’un médicament ne peut comporter aucun élément qui : [...] » |
14 |
L’article 94, paragraphes 1 à 3, de la directive 2001/83 énonce : « 1. Dans le cadre de la promotion des médicaments auprès des personnes habilitées à les prescrire ou à les délivrer, il est interdit d’octroyer, d’offrir ou de promettre à ces personnes une prime, un avantage pécuniaire ou un avantage en nature à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable et n’aient trait à l’exercice de la médecine ou de la pharmacie. 2. L’hospitalité offerte, lors de manifestations de promotion de médicaments, doit toujours être strictement limitée à leur objectif principal ; elle ne doit pas être étendue à des personnes autres que les professionnels de santé. 3. Les personnes habilitées à prescrire ou à délivrer des médicaments ne peuvent solliciter ou accepter aucune des incitations interdites en vertu du paragraphe 1 ou contraires aux dispositions du paragraphe 2. » |
15 |
L’article 96 de cette directive prévoit : « 1. Des échantillons gratuits ne peuvent être remis à titre exceptionnel qu’aux personnes habilitées à prescrire et dans les conditions suivantes :
2. Les États membres peuvent restreindre davantage la distribution des échantillons de certains médicaments. » |
Le droit allemand
16 |
L’article 47 du Arzneimittelgesetz (loi sur les médicaments), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« AMG »), intitulé « Circuit de distribution », dispose, à ses paragraphes 3 et 4 : « (3) Les entreprises pharmaceutiques sont autorisées à distribuer ou à faire distribuer des échantillons de médicaments (produits finis) :
Les entreprises pharmaceutiques ne peuvent distribuer ou faire distribuer des échantillons d’un médicament (produit fini) aux établissements de formation aux professions de la santé qu’à des fins de formation. Les échantillons ne doivent contenir aucune substance ni préparation
(4) Les entreprises pharmaceutiques sont autorisées à distribuer ou faire distribuer aux personnes visées au paragraphe 3, première phrase, uniquement sur demande écrite ou électronique, des échantillons d’un médicament (produit fini) de la taille du plus petit conditionnement, à raison de deux échantillons par an au maximum pour un médicament (produit fini). Les échantillons doivent être accompagnés du résumé des caractéristiques du produit, dans la mesure où celui‑ci est prévu par l’article 11a. L’échantillon vise en particulier à informer le médecin de l’objet du médicament. En ce qui concerne les destinataires des échantillons, ainsi que la nature, la portée et la date de la distribution des échantillons, des preuves doivent être fournies séparément pour chaque destinataire et présentées sur demande de l’autorité compétente. » |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
17 |
Novartis fabrique et commercialise le médicament Voltaren Schmerzgel, qui contient la substance active Diclofenac. |
18 |
Pour sa part, ratiopharm commercialise le médicament Diclo-ratiopharm-Schmerzgel, qui contient également la substance active Diclofenac, délivré uniquement en pharmacie. Au cours de l’année 2013, des collaborateurs de ratiopharm ont remis gratuitement à des pharmaciens allemands des boîtes de ce médicament destinées à la vente, dans un format réduit, et portant la mention « à des fins de démonstration ». |
19 |
Novartis a considéré qu’une telle distribution était contraire à l’article 47, paragraphe 3, de l’AMG et s’apparentait à un octroi de cadeaux publicitaires interdit par la législation allemande. |
20 |
Novartis a par conséquent saisi la juridiction de première instance afin que soit ordonné à ratiopharm de cesser la distribution gratuite des échantillons de médicaments aux pharmaciens. Cette juridiction a accueilli la demande de Novartis. |
21 |
La juridiction devant laquelle ratiopharm a fait appel a confirmé la décision de première instance, en se fondant sur le fait que l’article 47, paragraphe 3, de l’AMG ne mentionne pas les pharmaciens parmi les personnes auxquelles les échantillons gratuits de médicaments peuvent être distribués. |
22 |
Ratiopharm a formé un pourvoi en Revision devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne). |
23 |
Cette juridiction estime que le litige au principal soulève des questions d’interprétation du droit de l’Union qui sont décisives pour la solution dudit litige. En effet, l’article 47, paragraphe 3, de l’AMG devant être interprété conformément à l’article 96 de la directive 2001/83, il conviendrait, en premier lieu, de déterminer si cette dernière disposition régit de manière exhaustive la distribution d’échantillons gratuits de médicaments en excluant ainsi les pharmaciens de ladite distribution. |
24 |
À cet égard, si le considérant 51 de la directive 2001/83 vise à la fois les pharmaciens et les médecins, le libellé de l’article 96 de cette directive ne serait pas univoque selon la version linguistique considérée et pourrait être interprété en ce sens qu’il se borne à réglementer la question de la distribution des échantillons gratuits de médicaments aux médecins sans prendre position sur celle de la distribution de ces échantillons gratuits aux pharmaciens. Par ailleurs, et dès lors que les médecins et les pharmaciens ont pareillement besoin d’être informés gratuitement sur les nouveaux médicaments et de faire la démonstration de leur utilisation à leurs patients ou clients, le fait de traiter différemment ces deux catégories professionnelles ne serait pas objectivement justifié et serait contraire à la liberté professionnelle et à la liberté d’entreprendre. |
25 |
En second lieu, et à supposer que l’article 96, paragraphe 1, de la directive 2001/83 n’interdise pas, en tant que tel, la distribution d’échantillons gratuits de médicaments aux pharmaciens, la juridiction de renvoi se demande si l’article 96, paragraphe 2, de cette directive, qui autorise les États membres à restreindre davantage la distribution des échantillons de certains médicaments, habilite lesdits États membres à adopter, le cas échéant, une réglementation prévoyant une telle interdiction. À cet égard, ladite juridiction relève, toutefois, que le libellé de cette dernière disposition, en ce qu’elle vise « certains médicaments » et non certains destinataires de la distribution concernée, de même que le considérant 51 de ladite directive pourraient plaider en faveur d’une interprétation contraire. |
26 |
Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
|
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
27 |
Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 96, paragraphe 1, de la directive 2001/83 doit être interprété en ce sens qu’il autorise, sous certaines conditions, les entreprises pharmaceutiques à distribuer gratuitement des échantillons de médicaments également aux pharmaciens. |
28 |
Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en vue de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 18 janvier 2017, NEW WAVE CZ, C‑427/15, EU:C:2017:18, point 19 et jurisprudence citée). |
29 |
S’agissant du libellé de l’article 96, paragraphe 1, de la directive 2001/83, il convient de faire observer d’emblée que cette disposition, dans la quasi-totalité de ses versions linguistiques, réserve le droit de recevoir des échantillons gratuits de médicaments aux « personnes habilitées à prescrire ». En revanche, les termes de ladite disposition ne permettent pas, par eux-mêmes, de déterminer si cette restriction concerne l’ensemble des médicaments définis à l’article 1er, point 2, de ladite directive, ou uniquement ceux soumis à prescription médicale, au sens de l’article 1er, point 19, de la même directive. |
30 |
Dans ces conditions, et dans la mesure, notamment, où, selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques (arrêt du 12 septembre 2019, A e.a., C‑347/17, EU:C:2019:720, point 38 ainsi que jurisprudence citée), il convient d’interpréter l’article 96, paragraphe 1, de la directive 2001/83 de manière uniforme, en ayant recours également aux autres critères rappelés au point 28 du présent arrêt. |
31 |
S’agissant des objectifs poursuivis par la directive 2001/83, laquelle a trait, ainsi qu’il résulte de son intitulé, aux « médicaments à usage humain », il ressort de son considérant 2 que la sauvegarde de la santé publique constitue l’objectif essentiel de cette directive (arrêt du 5 mai 2011, Novo Nordisk, C‑249/09, EU:C:2011:272, point 37 et jurisprudence citée). |
32 |
Cela étant, il convient de rappeler, d’une part, que la directive 2001/83 vise également, comme l’énoncent notamment ses considérants 4 et 14, la libre circulation des médicaments dans le marché intérieur par l’élimination des entraves aux échanges de ceux-ci au sein de l’Union européenne. |
33 |
D’autre part, la Cour a déjà dit pour droit que cette directive a procédé à une harmonisation complète dans le domaine de la publicité pour les médicaments, les cas dans lesquels les États membres sont autorisés à adopter des dispositions s’écartant des règles fixées par ladite directive étant explicitement énumérés (arrêt du 8 novembre 2007, Gintec, C‑374/05, EU:C:2007:654, point 39). |
34 |
S’agissant du contexte dans lequel s’inscrit l’article 96, paragraphe 1, de la directive 2001/83, il importe notamment de souligner que l’article 70, paragraphe 1, de cette directive prévoit que, lorsqu’elles autorisent la mise sur le marché d’un médicament, les autorités compétentes doivent préciser si celui-ci relève de la catégorie des médicaments soumis à prescription médicale ou de celle des médicaments non soumis à prescription. |
35 |
S’agissant des médicaments soumis à prescription médicale, les critères auxquels ceux-ci répondent, tels qu’ils sont énumérés à l’article 71, paragraphe 1, de la directive 2001/83, traduisent l’idée que ces médicaments ne peuvent être utilisés sans surveillance médicale compte tenu du danger que présente leur usage ou de l’incertitude qui entoure leurs effets. |
36 |
De leur côté, ainsi que le précise l’article 72 de cette directive, les médicaments non soumis à prescription sont ceux qui ne répondent pas aux critères énumérés à l’article 71, paragraphe 1, de ladite directive, leur utilisation ne présentant pas, en principe, de risques analogues à ceux des médicaments soumis à prescription médicale. |
37 |
Une telle distinction entre les médicaments soumis à prescription médicale et les médicaments non soumis à prescription implique que les premiers doivent nécessairement, ainsi que le souligne itérativement la directive 2001/83 dans ses considérants et ses dispositions, notamment son article 1er, point 19, être prescrits par des personnes dûment « habilitées à prescrire », à savoir des médecins formés afin d’être en mesure de maîtriser des risques inhérents à leur utilisation par un patient donné. |
38 |
En revanche, dans la mesure où ils ne sont pas autorisés légalement à prescrire des médicaments, les pharmaciens relèvent non pas de la catégorie des « personnes habilitées à prescrire », au sens de la directive 2001/83, mais de celle des « personnes habilitées à délivrer » des médicaments, au sens de cette directive. |
39 |
Or, la distinction ainsi opérée entre les médicaments soumis à prescription et les médicaments non soumis à prescription est également pertinente dans le contexte des dispositions des titres VIII et VIII bis de la directive 2001/83 relatives, notamment, aux activités publicitaires (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C‑322/01, EU:C:2003:664, point 109). |
40 |
À cet égard, il ressort de l’article 88, paragraphes 1 et 2, ainsi que des articles 89 et 90 de la directive 2001/83, qui figurent sous le titre VIII bis de cette dernière, lus à la lumière de son considérant 45, que la publicité auprès du public à l’égard des médicaments non soumis à prescription médicale est non pas interdite mais autorisée, sous réserve des conditions et des restrictions prévues par ladite directive. |
41 |
Ainsi, il ressort de l’économie de la directive 2001/83 que les dispositions pertinentes de ses titres VIII et VIII bis, en ce compris l’article 96, paragraphe 1, de cette directive, ne sauraient être regardées comme visant l’ensemble des médicaments, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent. |
42 |
En effet, cet article 96, paragraphe 1, fixe les conditions strictes auxquelles la remise d’échantillons gratuits est subordonnée, lesquelles conditions traduisent, dans leur ensemble, le caractère potentiellement dangereux des médicaments visés par cette disposition, caractère qui n’est pas commun à l’ensemble des médicaments. |
43 |
Or, un tel danger potentiel est en particulier inhérent à l’utilisation des médicaments soumis à prescription médicale, ainsi qu’il a été rappelé au point 35 du présent arrêt. Partant, la distribution de tels médicaments sous forme d’échantillons gratuits doit respecter les conditions fixées à l’article 96, paragraphe 1, de la directive 2001/83, conditions qui rendent notamment possible un contrôle conséquent s’agissant tant de la nature des échantillons remis que de leurs destinataires. |
44 |
Au regard d’un tel objectif, et afin d’écarter tout risque de contournement des règles relatives à la délivrance des médicaments soumis à prescription médicale, cette disposition doit donc être interprétée en ce sens que seules les personnes habilitées à prescrire ces médicaments, au sens de la directive 2001/83, ont le droit de se voir délivrer des échantillons gratuits de ces médicaments, ce qui a pour effet d’exclure les pharmaciens de ce droit. |
45 |
En outre, cette interprétation de l’article 96, paragraphe 1, de la directive 2001/83 est corroborée par le fait que la seule catégorie de personnes à laquelle les points a) et b) de cette disposition font expressément référence est celle des « prescripteurs ». |
46 |
Enfin, s’agissant de l’article 96, paragraphe 2, de cette directive, celui-ci dispose que les États membres peuvent restreindre « davantage » la distribution des échantillons de certains médicaments. Il découle de l’utilisation du terme « davantage » que cette disposition doit être lue en combinaison avec l’article 96, paragraphe 1, de ladite directive et a le même champ d’application que ce dernier. Par conséquent, elle ne saurait porter que sur les médicaments soumis à prescription. |
47 |
L’interprétation de l’article 96 de la directive 2001/83 faite aux points précédents du présent arrêt ne signifie pas pour autant, comme en témoignent plusieurs considérants de celle-ci, que les pharmaciens seraient totalement privés de la possibilité de bénéficier de la fourniture d’échantillons gratuits en vertu de cette directive. |
48 |
En effet, d’une part, si le considérant 46 de la directive 2001/83 énonce que la distribution gratuite d’échantillons au public à des fins promotionnelles est interdite, il ne prévoit pas une pareille interdiction à l’égard des professionnels de la santé, en particulier des personnes habilitées à délivrer des médicaments. Ainsi, dans le contexte de la promotion des médicaments, l’existence d’une interdiction de la distribution gratuite d’échantillons aux pharmaciens ne saurait, partant, être présumée. |
49 |
D’autre part, il ressort explicitement du considérant 51 de cette directive que des échantillons gratuits de médicaments peuvent être délivrés, dans le respect de certaines conditions restrictives, notamment aux personnes habilitées à délivrer des médicaments, une telle possibilité étant justifiée, aux yeux du législateur de l’Union, dès lors que la fourniture de ces échantillons leur permet de se familiariser avec les nouveaux médicaments et d’acquérir une expérience s’agissant de leur utilisation. |
50 |
Par ailleurs, dans le contexte de la promotion des médicaments, notamment auprès des personnes habilitées à les délivrer, l’article 94, paragraphe 1, de ladite directive, lu à la lumière des considérants 46 et 51 de celle-ci, est susceptible de couvrir, entre autres formes de publicité, même s’il ne la mentionne pas explicitement, la fourniture de tels échantillons, à condition que l’avantage qui en est tiré par ces personnes n’excède pas une valeur négligeable. |
51 |
Il en résulte que la directive 2001/83 admet la possibilité d’une fourniture d’échantillons gratuits aux pharmaciens dans le cadre du droit national en l’assortissant de conditions restrictives, dans le respect des objectifs poursuivis par cette directive. |
52 |
Cela étant, et en tout état de cause, cette possibilité ne saurait porter préjudice aux exigences découlant de l’article 96, paragraphe 1, de ladite directive et, partant, ne saurait impliquer la possibilité de distribuer aux pharmaciens des échantillons gratuits de médicaments relevant de cette disposition, à savoir de ceux soumis à prescription. |
53 |
Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 96, paragraphe 1, de la directive 2001/83 doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas les entreprises pharmaceutiques à distribuer gratuitement des échantillons de médicaments soumis à prescription aux pharmaciens. En revanche, ladite disposition ne fait pas obstacle à la distribution gratuite d’échantillons de médicaments non soumis à prescription aux pharmaciens. |
Sur la seconde question
54 |
Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question. |
Sur les dépens
55 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit : |
L’article 96, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas les entreprises pharmaceutiques à distribuer gratuitement des échantillons de médicaments soumis à prescription aux pharmaciens. En revanche, ladite disposition ne fait pas obstacle à la distribution gratuite d’échantillons de médicaments non soumis à prescription aux pharmaciens. |
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.